Geektionnerd : Orange
Orange a voulu faire parler de lui avec son nouveau failware. C’est réussi !
Crédit : Simon Gee Giraudot (Creative Commons By-Sa)
Orange a voulu faire parler de lui avec son nouveau failware. C’est réussi !
Crédit : Simon Gee Giraudot (Creative Commons By-Sa)
Nous le savons, l’adjectif anglais free est un mot qui signifie aussi bien libre que gratuit.
Tout dépend du contexte. Lorsque Stevie Wonder chante I’m free, il n’y a pas d’équivoque possible. Mais il faut encore parfois préciser à un Anglo-Saxon qu’un free software est un logiciel libre et non un logiciel gratuit. C’est d’ailleurs l’une des raisons de l’existence de l’expression alternative (mais controversée) open source.
Il en va de même pour la célèbre citation « Information wants to be free », que notre ami Cory Doctorow nous propose ici d’abandonner parce qu’elle arrange trop ceux qui feignent de croire que nous voulons la gratuité alors qu’il ne s’agit que de liberté. Une gratuité « qui détruit toute valeur » et qu’il faut combattre, quitte à restreindre les… libertés ! CQFD
N’est-ce pas la même stratégie et le même dialogue de sourds que nous avons retrouvés lors de notre bataille Hadopi ? Ce n’est pas l’information gratuite qui nous importe, c’est l’information libre. Mais ça c’est tellement étrange et subversif que cela demeure impossible à entendre de l’autre côté de la barrière[1]. À moins qu’ils n’aient que trop compris et qu’ils ne fassent que semblant de faire la source oreille…
Remarque des traducteurs : Le mot « free » apparaît dix-sept fois dans la version originale de l’article, que nous avons donc traduit tantôt par « gratuit » tantôt par « libre », en fonction de ce que nous pensions être le bon contexte.
Saying information wants to be free does more harm than good
Cory Doctorow – 18 mai 2010 – Guardian.co.uk
(Traduction Framalang : Barbidule et Daria)
Arrêtons la surveillance et le contrôle parce que ce que veulent les gens c’est avant tout être réellement libres.
Pendant dix ans, j’ai fait partie d’un groupe que l’industrie du disque et du cinéma désigne comme « ceux qui veulent que l’information soit gratuite ». Et durant tout ce temps, jamais je n’ai entendu quelqu’un utiliser ce cliché éculé – à part des cadres de l’industrie du divertissement.
« L’information veut être gratuite » renvoie au fameux aphorisme de Stewart Brand, énoncé pour la première fois lors de la Conférence de Hackers de Marin County, Californie (forcément), en 1984 : « D’un côté, l’information veut être chère, parce qu’elle a énormément de valeur. La bonne information au bon moment peut changer votre vie. D’un autre côté, l’information veut être gratuite, car le coût pour la diffuser ne fait que diminuer. Ces deux approches ne cessent de s’affronter. »
Ce savoureux petit koan résume élégamment la contradiction majeure de l’ère de l’information. Il signifie fondamentalement que l’accroissement du rôle de l’information en tant que source et catalyseur de valeur s’accompagne, paradoxalement, d’un accroissement des coûts liés à la rétention d’information. Autrement dit, plus vous avez de TIC à votre disposition, plus elles génèrent de valeur, et plus l’information devient le centre de votre monde. Mais plus vous disposez de TIC (et d’expertise dans les TIC), et plus l’information peut se diffuser facilement et échapper à toute barrière propriétaire. Dans le genre vision prémonitoire anticipant 40 années d’affrontements en matière de régulation, de politique et de commerce, il est difficile de faire mieux.
Mais il est temps qu’elle meure.
Il est temps que « l’information veut être gratuite » meure car c’est devenu l’épouvantail qu’agitent systématiquement les grincheux autoritaires d’Hollywood à chaque fois qu’ils veulent justifier l’accroissement continu de la surveillance, du contrôle et de la censure dans nos réseaux et nos outils. Je les imagine bien disant « ces gens-là veulent des réseaux sans entraves uniquement parce qu’ils sont persuadés que « l’information veut être gratuite ». Ils prétendent se soucier de liberté, mais tout ce qui les intéresse, c’est la gratuité ».
C’est tout simplement faux. « L’information veut être gratuite » est aux mouvements pour les droits numériques ce que « Mort aux blancs » est aux mouvements pour l’égalité raciale : une caricature, qui transforme une position de principe nuancée en personnage de dessins animés. Affirmer que « l’information veut être gratuite » est le fondement idéologique du mouvement revient à soutenir que brûler des soutiens-gorges est la principale préoccupation des féministes (dans l’histoire du combat pour l’égalité des sexes, le nombre de sous-tifs brûlés par des féministes est si proche de zéro qu’on ne voit pas la différence).
Mais alors, si les défenseurs des libertés numériques ne veulent pas de « l’information gratuite », que veulent-ils ?
Ils veulent un accès ouvert aux données et aux contenus financés par des fonds publics, parce que cela contribue à améliorer la recherche, le savoir et la culture – et parce qu’ils ont déjà payé au travers des impôts et des droits de licence.
Ils veulent pouvoir citer des travaux antérieurs et y faire référence, parce que c’est un élément fondamental de tout discours critique.
Ils veulent avoir le droit de s’inspirer d’œuvres antérieures afin d’en créer de nouvelles, parce que c’est le fondement de la créativité, et que toutes les œuvres dont ils souhaitent s’inspirer ont elles-mêmes été le fruit de la compilation des œuvres qui les ont précédées.
Il veulent pouvoir utiliser le réseau et leurs ordinateurs sans être soumis à des logiciels de surveillance et d’espionnage installés au nom de la lutte contre le piratage, parce que la censure et la surveillance ont un effet corrosif sur la liberté de penser, la curiosité intellectuelle et le progrès vers une société ouverte et équitable.
Ils veulent des réseaux qui ne soient pas bridés par des entreprises cupides, dont l’objectif est de vendre l’accès à leurs clients aux majors du divertissement, parce que quand je paie pour une connexion au réseau, je veux recevoir les bits de mon choix, aussi vite que possible, même si ceux qui fournissent ces bits refusent de graisser la patte de mon fournisseur d’accès.
Ils veulent avoir le droit de concevoir et d’utiliser les outils qui permettent de partager l’information et de créer des communautés, parce que c’est le fondement de la collaboration et de l’action collective – même si un petit nombre d’utilisateurs se servent de ces outils pour obtenir de la musique pop sans payer.
« l’information veut être gratuite » est d’une concision élégante, et elle joue subtilement sur le double sens du mot anglais free , mais aujourd’hui elle fait plus de mal que de bien.
Il vaut mieux dire « Internet veut être libre » .
Ou plus simplement : « les gens veulent être libres » .
[1] Crédit photo : Drewski Mac (Creative Commons By-Sa)
Le projet MOVIM (pour My Open Virtual Identity Manager) vise à créer une plateforme sociale complète, opensource et totalement décentralisée dans le plus grand respect de ses utilisateurs.
Crédit : Simon Gee Giraudot (Creative Commons By-Sa)
Qu’est-ce que j’écoute en ce moment ?
Je n’ai qu’une seule source : le top 100 de la semaine du site Jamendo[1], ce qui me permet de découvrir d’un seul clic de souris[2] plein d’artistes intéressants dont le dénominateur commun est de proposer leur musique en libre diffusion sous licence Creative Commons ou Art Libre.
La sélection correspond donc à ce préfèrent à priori les utilisateurs de la plateforme musicale. Et c’est idéal pour accompagner une session Internet, d’autant que, dans l’ensemble, le style est plutot tranquille et « cool » (à la limite du easy listening diront ses détracteurs).
Ainsi j’aime bien cette la ballade Crazy As de Julandrew ainsi que le piano doux et apaisant de Hope par Kendra Springer (imaginez-vous tomber nez-à-nez avec cette fée au détour du bois !).
Le premier morceau est sous licence Creative Commons By-Nd et le second sous Creative Commons By-Nc-Sa. On a donc le droit de faire commerce du premier et de modifier le second sans pour cela demander d’autorisation à l’auteur.
Évidemment, et à l’opposé d’un « esprit Hadopi », tout ceci favorise la Remix Culture chère à Lawrence Lessig. Du coup on retrouve ces deux chansons sur de nombreuses vidéos YouTube. Ma préférée est certainement celle de MisStrawberryFields, une jeune et spontanée italienne (qui ressemble à mes élèves) ayant choisie de nous présenter divers objets qui jonchent sa chambre !
Mais il y a aussi des « œuvres culturelles libres » parmi la sélection (c’est-à-dire compatibles avec les quatre libertés des licences des logiciels libres). J’ai ainsi pu relevéEmptiness par Alexander Blu, Winter princess par Zero-project, Struttin’ par Tryad, Cellule par Silence, Me and my submarine par Kämmerer, ou encore Effortless par Josh Woodward.
Faites passer le mot à votre voisin qui « nicke les industries culturelles en téléchargeant illégalement », il y a de la qualité en dehors des majors du disque.
À bon entendeur de musique en libre diffusion, salut…
[1] Startupattitude vs Rockattitude, quand on évoque Jamendo on ne peut s’empêcher de penser à son « frère ennemi » Dogmazic. Ils vont bien (cf le dynamisme de l’extraordinaire projet Automazic) et vous invitent même à rejoindre leur association qui a fait peau neuve. Si je m’amusais à faire des comparaisons douteuses, je dirais que, dans le milieu de la musique ouverte, Dogmazic est à Jamendo ce qu‘Arduino est à l’iPad, ou encore ce que le disquaire du coin est à la FNAC !
[2] En lançant un player flash qui streame du mp3, ce qui implique de ne pas être allergique à ces deux formats controversés du Web.
Savez-vous pourquoi j’aime les animaux du zoo de Berlin ? Parce qu’ils témoignent du fait qu’on peut faire mieux que Google !
Comparons la carte du zoo selon Google et selon OpenStreetMap. Cela saute aux yeux non ? Le zoo de Berlin made by Google reste désespérément vide (et ses voitures espionnes ne peuvent y pénétrer) tandis qu’il fait bon flâner dans les allées du zoo d’OpenStreetMap[1].
Bon, évidemment, il faut savoir que Murmeltiere signifie Marmotte en allemand, mais pour Pinguine, nul besoin d’explication de texte 😉
« S’il te plaît, dessine-moi un monde libre ! » Tel est, au sens propre, le projet un peu fou d’OpenStreetMap auquel nous avons déjà consacré plusieurs billets. Jetez un œil sur cette extraordinaire animation illustrant une année d’édition planétaire dans OpenStreetMap et vous partagerez peut-être ma fascination pour le travail réalisé par toutes ces petites fourmis, c’est-à-dire toi, plus moi, plus eux, plus tous ceux qui le veulent !
Remarque : Vous trouverez sous la traduction, en guise de bonus, un extrait vidéo de notre chroniqueuse télé préférée Emmanuelle Talon évoquant l’aide qu’a pu fournir OpenStreetMap aux secours portés à Haïti juste après le triste séisme.
OpenStreetMap: Crowd-sourcing the world, a street at a time
Nate Anderson – 1 juin 2010 – ArsTechnica.com
(Traduction : Joan et Goofy)
Wikipédia et son modèle « crowdsourcing » (NdT : la production de contenu assurée par des milliers d’internautes amateurs plutôt que par quelques professionnels) ont rendu possible un bien commun formidable, mais tout le monde sait qu’il faut se tenir sur ses gardes : s’il s’agit de quelque chose d’important, ne faites pas confiance à l’encyclopédie en ligne sans vérifier l’information par ailleurs. Un tel modèle « crowdsourcing » aurait-il du succès pour la construction d’une carte détaillée des rues du monde ?
Il y a quelques années, cette même question a conduit à la création d’OpenStreetMap.org, une carte de la planète que tout le monde peut modifier, conçue comme un wiki. Plusieurs amis britanniques en ont eu en effet assez de la politique protectionniste en matière d’échanges de données (Ordnance Survey, l’équivalent britannique de l’IGN, a mis au point des cartes extrêmement détaillées de la Grande-Bretagne à l’aide de fonds publics, mais l’utilisation de ces données à des fins personnelles requiert l’acquisition d’une licence). Ils décidèrent donc de remédier au problème.
La question évidente était « pourquoi réinventer la roue ? ». Des cartographies excellentes de Google, Microsoft et d’autres avaient déjà une avance significative et était la plupart du temps utilisables gratuitement. Mais les services de localisation étaient en plein boom et étaient tous basés sur des données cartographiques. Le fait qu’il n’existe aucune carte du monde de qualité, gratuite et libre restait un problème.
On peut lire dans la foire aux questions d’OpenStreetMap que « La plupart des bidouilleurs connaissent la différence entre gratuit et libre. Google Maps est gratuit mais pas libre. Si les besoins en cartographie de votre projet peuvent être satisfaits en utilisant l’API Google Maps, alors tant mieux. Mais cela n’est pas le cas de tous les projets. Nous avons besoin de données cartographiques libres pour permettre aux développeurs, aux acteurs sociaux et autres de mener à terme leurs projets sans être limités par l’API Google Maps ou par ses conditions d’utilisation. ».
Une carte du monde détaillée à la rue près peut sembler un projet démesurément ambitieux, mais OpenStreetMap a vu sa côte de popularité exploser. Alors qu’à son lancement le projet ne mobilisait qu’une poignée d’amis, c’est plus de 250 000 personnes qui contribuent dorénavant à la cartographie. En peu de temps, la carte a atteint un niveau de précision incroyable, en particulier en Europe où le projet a été lancé.
Regardons l’Allemagne par exemple, où la cartographie libre est devenue un véritable phénomène de société. Le zoo de Berlin (Zoologischer Garten Berlin) est bien entendu renseigné dans Google Maps, mais il n’a que peu de détails (alors même que, contrairement à OpenStreetMap, il dispose de cartes satellitaires). Des habitants motivés de la région ont utilisé les outils d’OpenStreetMap pour faire mieux que Google et cartographier tous les animaux du zoo. Si vous voulez repérer votre itinéraire jusqu’à la tanière du « Großer Panda », c’est possible. Même les toilettes sont utilement indiquées.
À mesure que le succès de la carte allait grandissant, il devenait clair qu’il manquait quelque chose pour que les développeurs puissent vraiment s’exprimer. Les données cartographiques en tant que telles avaient beaucoup de valeur, mais cette valeur ne pouvait-elle pas être décuplée en créant une plateforme complète de cartographie ? Une plateforme qui pourrait supporter la charge d’applications commerciales, proposer des services de routage côté serveur, faire du geocoding ou du geocoding inversé (NdT : retrouver latitude et longitude à partir de nom de rues), et concevoir des outils pour manipuler les données et créer les applications qui les utilisent…
C’est ainsi que CloudMade a vu le jour. Après un an de développement (l’essentiel du travail ayant été fait par des programmeurs ukrainiens), la plateforme de cartographie fournie par CloudMade est maintenant utilisée par 10 500 développeurs. Chaque semaine, la plateforme récupère les dernières données d’OpenStreetMap, ce qui fait émerger quelque chose d’inédit : la possibilité pour les utilisateurs frustrés de corriger les erreurs agaçantes sur les cartes locales, et de voir leurs modifications diffusées dans les applications en l’espace d’une semaine.
Les correctifs sont effectués « par des gens qui connaissent leur environnement » indique Christian Petersen, vice-président de CloudMade. Alors que l’on pourrait penser que le gros du travail est réalisé dans des zones comme les États-Unis ou l’Europe, Petersen précise que « 67% de la cartographie est réalisée en-dehors de ces deux régions. ».
CloudMade espère subsister financèrement en fournissant un accès gratuit aux services qui utilisent sa plateforme : en échange ils lui verseront une partie de leurs recettes publicitaires. (les développeurs peuvent également payer par avance s’ils le souhaitent).
Lorsque ce fut possible, une cartographie de base a été importée de banques de données libres comme TIGER, du bureau de recensement américain. Mais dans de nombreux lieux, la plus grande partie de la carte a été fabriquée à la main, en partant d’une feuille blanche. Les résultats sont impressionnants. Un coup d’œil à la carte révèle de nombreux détails sur des endroits comme Mumbai et La Paz, bien que les lieux très reculés comme les îles de Georgie du Sud près de l’Antarctique n’aient pas encore de données.
Des obstacles inattendus sont apparus en cours de route. En Chine par exemple, l’état place de sévères restrictions sur la cartographie privée. « Faire des affaire en Chine reste un défi » rapporte Petersen.
Et il y a parfois des modifications problématiques sur des cartes sensibles comme celle de l’île de Chypre qui connait une partition de son territoire.
Mais Petersen est convaincu que l’approche « par le peuple » de la cartographie fonctionne bien. Mieux que les alternatives commerciales en fait. « La passion est la plus forte », les entreprises commerciales de cartographie pratiquent la collecte d’informations sur un endroit donné une fois par an environ, et mettent à jour leurs cartes encore moins souvent. Lorsque les utilisateurs locaux s’impliquent, les modifications sont faites rapidement.
La précision des données a été mise à l’épreuve la semaine dernière lorsque l’entreprise Skobbler a dévoilé un outil de guidage GPS « turn-by-turn » pour iPhone, basé sur la plateforme CloudMade. Vu le prix des logiciels de navigation GPS concurrents, cela semble révolutionnaire.
Les gens sont-ils prêts à corriger leurs propres cartes ?
Malheureusement, le logiciel ne fonctionne pas très bien. Les « plantages » du logiciels ont été courants durant nos tests, les temps de réponse sont importants, et l’interface n’est pas intuitive. Les utilisateurs lui ont donné une note de 2 sur 5. Même le communiqué de presse officiel contenait un passage qui en disait long : « Bien que nous soyons conscients de ne pas être encore tout à fait prêts pour concurrencer les solutions commerciales, nous y arriverons bientôt. » a déclaré Marcus Thielking, co-fondateur de Skobbler.
De tels soucis peuvent être corrigés. Mais il y a un problème plus sérieux : les clients vont-ils faire confiance à un logiciel qui les encourage à cliquer sur une coccinelle pour rapporter les problèmes de cartographie ? (le clic positionne une alerte dans OpenStreetMap qui permettra aux utilisateurs locaux d’identifier et corriger les erreurs.)
Les utilisateurs pourraient rechigner à contribuer à la conception d’une carte censée leur servir de référence. Mais on disait la même chose de Wikipédia. Il est acquis que la carte est en constante amélioration, CloudMade indique que 7 017 modifications sont enregistrées par heure.
Le processus est très addictif. Un rapide coup d’œil dans mon quartier m’a révélé une petite erreur – sur la carte, une route se poursuivait par erreur dans un chemin privé à environ un pâté de maisons de chez moi. J’ai créé un compte sur OpenStreetMap, zoomé sur la zone problématique, et cliqué sur « Modifier ». Une fenêtre d’édition en flash est apparue, superposant la carte OpenStreetMap à une image par satellite issue de Yahoo. Le problème a été résolu en quelques glisser-déposer et clics, et le tour était joué – j’avais apporté ma pierre à l’édifice. (OpenStreetMap offre de nombreux outils de modification, et CloudMap en propose d’autres souvent plus élaborées. Tous impactent les mêmes données sous-jacentes.).
Vingt minutes plus tard, après avoir précisé les contours de l’étang d’un parc du voisinage, ajouté la caserne de pompiers et corrigé une rue qui traversait quelques maisons, j’ai malheureusement dû passer à autre chose. Le niveau de détail de la carte est déjà très impressionnant et la modifier était une expérience agréable. Disposer d’une telle ressource libre et gratuite sur Internet est une très bonne chose. Et si CloudMade pouvait s’associer à d’excellents développeurs et produire du code de haute qualité, cela pourrait également devenir quelque chose extrêmement utile.
Chronique d’Emmanuelle Talon – La Matinale de Canal+ – 18 janvier 2010
« Qu’est-ce que c’est OpenStreetMap ? C’est en quelque sorte le Wikipédia de la cartographie. »
—> La vidéo au format webm
L’iPed, clone chinois de l’iPad, aurait-il sa place dans la fameuse exposition de l’INPI « Contrefaçon, la vraie expo qui parle du faux » ?
Crédit : Simon Gee Giraudot (Creative Commons By-Sa)
Parmi la centaine de commentaires provoqués par notre récent article Pourquoi je n’achèterai pas un iPad, on a pu noter une opposition franche entre ceux qui pensaient qu’il était important, voire fondamental, d’avoir la possibilité « d’ouvrir le capot » logiciel et matériel de la bête, et ceux qui n’y voyaient qu’une lubie de geeks passéistes et rétrogrades.
Or aujourd’hui nous allons justement évoquer un drôle d’objet qui accepte d’autant plus volontiers de se mettre à nu qu’il sait que c’est sa principale qualité aux yeux de son enthousiaste et créative communauté.
Il s’agit de la carte Arduino qui est un peu à l’électronique ce que le logiciel libre est à l’informatique, puisque le design, les schémas, les circuits et l’environnement de programmation sont disponibles sous licence libre[1].
Pour vous en dire plus sur cet atypique hardware libre, nous avons choisi de traduire ci-dessous un article de présentation qui fait le parallèle et la liaison avec les hackers ou bidouilleurs du monde GNU/Linux.
Nous vous suggérons également cette excellente interview de Alexandra Deschamps-Sonsino, réalisée par Hubert Guillaud pour InternetActu, dont voici quelques larges extraits :
Arduino est une plateforme de prototypage en électronique. Elle permet aux gens de faire par eux-mêmes, c’est-à-dire de fabriquer des projets interactifs, des objets qui répondent, qui réagissent par exemple à la présence des gens, à leurs mouvements, aux pressions qu’ils y exercent… Arduino relie le monde réel au monde virtuel et vice-versa.
Arduino est né en 2005 au sein d’une école de Design en Italie (…). Plusieurs professeurs ressentaient le besoin d’une plateforme technique pour créer des environnements physiques interactifs, utilisables par des gens qui n’avaient pas les compétences techniques pour cela.
(…) Arduino permet de faire un lien entre une entrée et une réponse. Il agit comme un cerveau : quand il reçoit telle information, il fait telle chose, selon la manière dont je l’ai équipé ou programmé. Arduino est à la fois du hardware et du software (du matériel et du logiciel). Il se compose d’une carte électronique de quelques centimètres qu’on connecte à un ordinateur à l’aide d’un câble USB. On télécharge un logiciel gratuit sur son ordinateur qui permet de gérer et programmer la puce de la carte Arduino. Une fois programmée, cette puce exécute ce qu’on lui dit. Il n’y a plus qu’à connecter la carte à une batterie et elle fait ce pour quoi elle a été programmée.
(…) Au niveau de la communauté, cette plateforme a révolutionné la façon dont les gens pensaient et réfléchissaient à la technologie. Il a permis de ne plus penser la techno de manière abstraite, mais de produire et s’impliquer très rapidement. C’est une plateforme qui coûte peu cher (la carte de base et la puce coûtent une vingtaine d’euros). Toute l’information nécessaire pour accéder au matériel et à son fonctionnement est en ligne, en open source, que ce soit via les forums ou via l’aire de jeux (où la communauté publie codes, plans, tutoriels et astuces). La communauté est désormais forte de quelque 6000 personnes très présentes dans les forums pour accueillir et accompagner les débutants. Il s’est vendu plus de 60 000 cartes Arduino à travers le monde et la distribution est désormais mondiale.
(…) L’internet nous a permis de faire plein de choses avec nos vies en ligne… et nous a donné envie de faire la même chose avec les objets de tous les jours.
Depuis la révolution industrielle, on a beaucoup créé de dépendances aux produits déjà fabriqués, déjà organisés. Le mouvement DIY (Do It Yourself, Faites-le vous-mêmes) qui se développe depuis 2 ans, réunit une communauté qui ne veut plus accepter des produits tout finis, tout cuits. Cette nouvelle vague de hackers (bidouilleurs) essaye de regarder ce qu’il y a l’intérieur, alors que les conditions d’utilisation n’encouragent pas les gens à regarder ce qu’il y a l’intérieur de ce qu’ils achètent. (…) Le DIY devient un outil pour la microproduction, permettant à chacun de créer son propre business, de fabriquer 20 exemplaires et de voir ce qu’il se passe. Le DIY est finalement important pour sortir du carcan de la mégaproduction. Avant, il fallait un grand marché potentiel pour lancer un produit. Avec l’internet et des plateformes comme Arduino, chacun a accès à sa micro production.
Arduino s’inscrit donc en plein dans cette approche DIY (Do It Yourself), ou, encore mieux, du DIWO (Do It With Others), que l’on retrouve dans les Fab lab (lire à ce sujet cet article de Rue89).
Le professeur que je suis se met à rêver d’une utilisation accrue de ces objets libres dans nos écoles, en particulier en cours de technologie au collège[2].
Plus de curiosité, de créativité, d’esprit critique, d’autonomie, et d’envie d’appprendre, comprendre et entreprendre ensemble, pour moins d’idolâtrie, de passivité et d’individualisme consumériste : une « génération Arduino » plutôt qu’une « génération iPad » en somme…
PS : Tous les liens de l’article ont été ajoutés par nos soins pour en faciliter la compréhension.
Arduino – the hardware revolution
Richard Smedley – 23 février 2010 – LinuxUser.co.uk
(Traduction Framalang : Yoann, JmpMovAdd, Siltaar et Goofy)
Chaque année on nous annonce que ce sera « l’année de Linux sur nos écrans d’ordinateur ». Or cette percée tant attendue du logiciel libre chez le grand public tarde à arriver. Mais au moment même où nous guettons des signes d’espoir tels que les ventes de netbooks sous Linux, l’apparition de sites en Drupal ou le développement des téléphones Android (dont une partie est libre), une autre révolution est en marche, dans le monde physique et pourtant pas si éloigné de la sphère d’Internet.
Et voici Arduino qui fait son entrée : un faible coût, un code source ouvert, une carte matérielle pour le raccordement du monde réel à votre ordinateur, et/ou à tout l’Internet. Que peut-on en faire ? Tout. La seule limite est l’imagination, et comme vous allez le voir à travers quelques exemples de créations que nous passons en revue ici, l’invention de nouveaux usages est la seule règle.
Tout comme dans le cas de GNU/Linux, la propagation de ce matériel tient aux raisons suivantes : tout le monde le possède, peut l’améliorer et il donne envie de s’y impliquer. Les plans de référence pour Arduino sont en effet distribués sous licence Creative Commons (le logiciel est quant à lui naturellement sous licence libre en GPL/LGPL), et la société italienne qui est derrière cette plateforme, Smart Projects, accepte avec plaisir les nouveaux collaborateurs et les suggestions alternatives. Les cartes sont réalisées en différents formats, vendues partout dans le monde entier, et si vous souhaitez en fabriquer une vous-même, le Web regorge de modèles différents, quel que soit votre niveau de compétence.
Le nombre de cartes utilisées est estimé à plusieurs centaines de milliers, mais comme dans le cas des distributions Linux, la possibilité de les copier librement rend délicat le décompte précis. Ce qui n’est pas difficile c’est de constater la nature véritablement ouverte des communautés en ligne et l’émergence de nombreuses réunions entre hackers autour des projets Arduino. Ceci a généré un flot continu des projets géniaux menés par toutes sortes de personnes à la fibre créative et artistique. Mais d’abord, un peu d’histoire…
Ceux qui ont de la mémoire et un intérêt pour l’histoire des geeks et du mouvement du logiciel libre se souviennent peut-être du Tech Model Railroad Club (TMRC) – un groupe d’étudiants du MIT créé dans les années 1950 qui s’étaient réunis pour jouer avec les trains électriques. Certains s’intéressaient avant tout aux modèles réduits mais d’autres se passionnaient pour les circuits, l’aiguillage et tout ce qui fait que les trains partent et arrivent à l’heure. C’est le fameux Signals and Power Subcommittee (NdT : Sous-comité des signaux et de l’énergie) qui a mis en œuvre dans les années cinquante et soixante un système de contrôle numérique semi-automatique très brillant, avant d’acquérir un ordinateurs PDP-11 en 1970.
Les membres du TMRC on incarné très tôt la culture hacker, lui donnant son vocabulaire et ses termes de référence. Beaucoup sont devenus des pionniers au sein des premières grandes entreprises d’informatique (DEC, …). Mais cette culture hacker correspondait bien au stéréotype américain du « nerd » : le génie sociopathe qui n’arrivait jamais à avoir de petite copine (au TMRC il n’y avait, inévitablement, que des garçons).
Les logiciels libres et la culture hacker ont toujours souffert d’un problème d’image, si bien que la participation féminine dans l’informatique professionnelle a chuté de 50% à 20% pendant les 50 dernières années, certain projets libres ont la proportion dérisoire de 1% de femme. C’est déplorable, les gars, vraiment ! mais il y a des lueurs d’espoir.
Les modules sont basées sur les micro-contrôleurs Atmel AVR et une conception open source. Il vous est donc facile de faire votre propre Arduino et en fait il existe beaucoup de versions de ce que l’on appelle les Freeduinos qui ont été créés pour des besoin très différents.
Même le micro-contrôleur Atmel n’est pas indispensable – du moment que l’interface et le langage sont compatibles, on peut bricoler toutes sortes de clones. Il existe aussi des kits pour créer son propre Arduino, vous pouvez même construire votre propre carte si vous êtes à l’aise avec l’électronique embarquée. C’est ce que font finalement certains après des expériences fructueuses avec l’Arduino, bien qu’ils ne soient pas à priori des hackers de systèmes embarqués.
Ainsi la télécommande Arduino pour caméra de Michael Nicholls’s, élaborée avec au Fizzpop hackerspace, est un voyage parmi les oscillateurs et les signaux carrés de contrôle. Chaque projet peut s’avérer aussi amusant qu’éducatif, et en fait, la vie ne devrait-elle pas toujours lier ces deux éléments ? Les télécommandes pour caméra sont un projet populaire, mais ceux qui souhaitent les rendre encore plus petites vont au-delà du projet Arduino, et développent leurs propres cartes mères.
Pour Abdul A Saleh et Aisha Yusuf, le projet Arduino a été une étape puisqu’ils bidouillaient un circuit à brancher sur des radios ordinaires jusqu’à ce qu’ils réalisent qu’un service Web serait plus utile pour leur idée de startup, un moyen de trouver des émissions télé connexes. Leur système peut désormais pointer sur des podcasts au lieu de parcourir les stations de radios, mais « c’est cela qui donne désormais un nouvel élan à de notre projet » indique Yusuf.
En creusant autour de l’univers amical des hackers d’Arduino on trouve plusieurs startups, micro-sociétés et excellentes petites entreprises de constructeurs, vendeurs et formateurs, ainsi que des artistes. Certains, comme .:oomlout:. entrent dans toutes les catégories à la fois.
Beaucoup sont allés du « suivre la voie du matériel libre », à « poursuivre leur rêves ». Tout comme l’Internet mobile, les ordinateurs portables et les cybercafés ont permis aux créatifs numériques de se lancer en freelance à moindre frais, le bidouilleur de matériel dédié a besoin de son espace de travail partagé à moindre coût, avec si possible plein de collègues créatifs autour. Pour répondre à ce besoin, les hackerspaces (NdT : que l’on pourrait éventuellement traduire par « bidouilloires ») ont finalement vu le jour au Royaume-Uni.
Si le netbook n’a pas complètement fait de 2009 « l’année de Linux dans les ordinateurs grand public », il a vu l’arrivée en retard des hackerspaces sur ses rives, avec des groupes se formant à Birmingham, Brighton, Exeter, Leeds, Liverpool, Londres, Manchester, Shrewsbury, Stoke-on-Trent et York, avec deux groupes distincts coopérant à Manchester. (NdT : le même phénomène s’est produit en France avec au moins cinq hackerspaces rien qu’à Paris – voir Hackerspace.net et ce reportage de Rue89)
Fabrique le toi-même, ne l’achète pas. L’éthique du hacker sonne bien ces temps-ci, alors que l’intérêt pour les jardins familiaux va croissant et que les journaux multiplient les dossiers pour nous aider à bâtir des maisons plus écologiques. Ce n’est plus le « fais-le marcher et répare », hérité de nos parents avec le rationnement en temps de guerre, et l’austérité qui a suivi, mais un défi post-société de consommation, pour trouver de la valeur au-delà du « je suis ce que je consomme », par une implication plus profonde dans les choses qui nous entourent. C’est cette implication que l’on retrouve avec les projets Arduino et les réalisations complexes sorties des hackerspaces. Ils témoignent d’une approche vraiment ludique et d’une certaines aisance avec la technologie plutôt que son rejet.
L’Homo sapiens est la seule race définie par les objets dont elle s’entoure, et qui ne peut survivre sans les outils qu’elle fabrique. Des recherches archéologiques ont montré que les néanderthaliens de l’âge de pierre, vivant dans des caves, sans agriculture, et survivant grâce à la chasse et à la cueillette, employaient leurs précieuses heures de temps libre à fabriquer des bijoux et du maquillage.
Il semble que l’envie de jouer, de se parer et de s’amuser soit inhérente à ce que nous sommes. Les hackers et les artistes qui utilisent les modules Arduino pour s’amuser avec le matériel ne sont ni des fondus de technologie ni des artistes d’avant-garde mais la simple incarnation de l’esprit de notre temps.
Ne pas hésiter à en ajouter d’autres références dans les commentaires et bien entendu à donner votre avis sur Arduino, son modèle et notre choix discutable de l’opposer ici symboliquement et sociologiquement à l’iPad.
[1] Crédit photo : Freeduino.org (Creative Commons By)
[2] Il est à noter que le groupe toulousain LinuxÉdu (voir ce billet du Framablog) propose le 5 juin prochain une découverte d’Arduino parmi les nombreuses autres actions de sa journée de sensibilisation.
Il n’y a pas qu’Ubuntu dans la vie des distributions GNU/Linux !
C’est ce que vient nous rappeler l’actualité, avec les sorties presque simultanées des nouvelles versions de Fedora et Slackware.
Crédit : Simon Gee Giraudot (Creative Commons By-Sa)