Le code deviendra-t-il le latin du XXIe siècle ?

I Write CodeOutre sa dimension historique, culturelle et civilisationnelle, apprendre le latin c’est aussi mieux connaître les bases de notre langue française pour mieux la maîtriser.

Et si, pour mieux comprendre et avoir la capacité de créer (et non subir), la programmation informatique prenait peu ou prou la même place que le latin dans la nouvelle ère qui s’annonce ?

Même si c’est avec un léger train de retard, c’est la question que l’on se pose actuellement en France, mais aussi comme ci-dessous dans une Grande-Bretagne passablement secouée par le récent sermon de Monsieur Google.

« Bien informés, les hommes sont des citoyens ; mal informés ils deviennent des sujets. »
Alfred Sauvy

La programmation – le nouveau latin

Coding – the new Latin

Rory Cellan-Jones – 28 novembre 2011 – BBC
(Traduction Framalang : Goofy, Pandark, Penguin, e-Jim et Marting)

La campagne de promotion de l’apprentissage de l’informatique à l’école — en particulier la programmation — rassemble ses forces.

Aujourd’hui, Google, Microsoft et les autres grands noms du domaine technologique vont prêter leur soutien au dossier soumis au gouvernement plus tôt cette année dans un rapport appelé Next Gen. Il soutient notamment que le Royaume-Uni pourrait être un centre mondial pour l’industrie des jeux vidéos et des effets spéciaux — mais seulement si le système éducatif s’y emploie.

Les statistiques sur le nombre d’étudiants allant à l’université pour étudier l’informatique donnent à réfléchir. En 2003, environ 16 500 étudiants postulaient à l’UCAS (NdT : Universities and Colleges Admissions Service, service gérant les admissions à l’Université au Royaum-Uni) pour des places en cours d’informatique.

En 2007, ce nombre était tombé à 10 600, bien qu’il soit un peu remonté depuis, 13 600 l’année dernière, à cause de la hausse globale des demandes à l’université. Le pourcentage d’étudiants cherchant à étudier le sujet est donc descendu de 5% à 3%. Plus encore, la réputation de l’informatique comme domaine réservé aux hommes geeks a été renforcée, avec un pourcentage de candidats masculins en hausse de 84% à 87%.

Mais le problème, d’après les promoteurs du changement, commence dès l’école avec les ICT (NdT : Technologies de l’Information et de la Communication, TIC ou TICE chez nous), une matière vu par ses détracteurs comme l’enseignement de simples compétences techniques (NdT : Savoir mettre en gras dans un traitement de texte par exemple) plutôt que de la réelle compréhension de l’informatique.

Et il semble bien que les enfants reçoivent le même message car ils sont de moins en moins à étudier cette matière. La réponse, d’après les entreprises et associations qui appellent au changement, est de mettre des cours d’informatique appropriés au programme, sous forme d’apprentissage à la programmation.

Et il semblerait bien qu’ils aient trouvé ce qui pourrait être un bon slogan pour leur campagne. « Coder, c’est le nouveau latin », dit Alex Hope, co-auteur du rapport de Next Gen qui a donné le signal de départ à tout cela. « Nous devons donner aux enfants une compréhension correcte des ordinateurs si nous voulons qu’ils puissent comprendre et s’adapter à toutes sortes de futurs métiers. ».

M. Hope croit fermement que l’association des nouvelles technologies et de l’industrie culturelle est le meilleur espoir de la Grande Bretagne — et il est bien placé pour le savoir.

Son entreprise d’effets spéciaux Double Negative est une belle réussite, avec des apparitions aux génériques de Films comme Harry Potter, Batman ou Inception, pour lequel elle a gagné un Oscar. Il emploie désormais plus d’un millier de personnes depuis ses débuts éblouissants en 1998.

Alex Hope dit que sa société a besoin d’un riche mélange de talents : « nous cherchons des génies universels — des gens avec des connaissances en informatique, mathématiques, physique, ou arts plastiques qui peuvent toutes s’épanouir et se développer ». Il explique comment le travail pour donner une apparence réelle à la Tamise en image de synthèse dans Harry Potter implique des mathématiques et de la physique complexe.

Mais il trouve difficile de recruter des personnes avec une expérience en sciences dites dures. « Nous ne produisons tout simplement pas assez de diplomés avec des compétences en informatique ou en mathématiques ».

Comme bien d’autres tirant la sonnette d’alarme pour une éducation différente, Alex Hope en revient à 1980 lorsqu’il apprenait à programmer en utilisant un BBC Micro. Aujourd’hui, il va être rejoint par le principal ingénieur de Google au Royaume-Uni et le dirigeant de Microsoft éducation au Royaume-Uni pour proposer une nouvelle approche. Ils disent rien de moins que c’est le potentiel de croissance et d’emplois qui est en jeu pour une partie vitale de l’économie.

« Le gouvernement cherche des opportunités de croissance » dit Alex Hope. « Pour cela, ils y a nécessité à former les programmeurs dont les entreprises créatives et de hautes technologies ont et auront besoin pour monter leurs affaires ».

Et il semble que le gouvernement soit réceptif à ce message. Il y a deux semaines, j’ai posé des questions au premier ministre concernant le problème de l’éducation à l’informatique. David Cameron a admis que « nous ne faisons pas assez pour former la prochaine génération de programmeurs », et déclaré que des actions seraient menées à ce sujet.

Nous découvrirons bientôt de quels types d’actions il s’agit, lorsque le gouvernement publiera ses réponses au rapport de Next Gen écrit par Alex Hope et Ian Livingstone. On attend une réponse largement positive, bien qu’un engagement définitif de mettre tout de suite l’informatique au programme soit peu probable.

Mais ce qui pourrait être plus important, ce serait de changer l’image de cette matière. Et alors que « coder est le nouveau latin » est peut-être un bon message à envoyer aux parents et aux politiciens, quelque chose de plus sexy sera nécessaire pour convaincre les écoliers que l’informatique est quelque chose de cool.




Les inspecteurs de l’éducation nationale convoqués chez Microsoft

Paris, mardi 22 novembre 2011, communiqué de presse.

À l’occasion du salon de l’éducation Éducatec-Éducatice 2011[1], les inspecteurs de l’Éducation nationale chargés de mission nouvelles technologies (IEN-TICE), conseillers techniques des inspecteurs d’académie, tiendront leurs journées annuelles. Cette année, l’administration centrale de l’Éducation nationale les convoque directement au siège de la société Microsoft, à Issy-les-Moulineaux. L’April et Framasoft regrettent vivement que le programme de ces journées ne mentionne pas les logiciels et ressources libres.

Pas moins d’une centaine d’IEN-TICE sont donc conviés au siège de Microsoft, le mardi 22 novembre, veille de l’ouverture du salon, pour une réunion dédiée aux technologies de cette entreprise[2].

Convocation IEN Microsoft

Convocation IEN Microsoft

Les journées se poursuivront ensuite jusqu’au 24 novembre, à la Porte de Versailles, selon un programme pré-établi qui semble faire la part belle aux technologies propriétaires.

Nous pensons, comme de nombreux enseignants, que le fait que les IEN-TICE soient convoqués chez Microsoft constitue une véritable entorse à l’indispensable neutralité scolaire[3]. Cela nous semble incompatible avec les missions et les valeurs du système éducatif et des enseignants, contraire à leur culture de diversité, de pluralisme, de diffusion et d’appropriation de la connaissance par tous. « Les IEN-TICE ont droit à une formation qui respecte la neutralité scolaire et le pluralisme technologique. En 2011, il est difficile d’ignorer les nombreux apports du libre pour l’éducation ou de les passer sous silence » estime Rémi Boulle, vice-président de l’April, en charge du groupe de travail Éducation.

Selon le programme, une table-ronde aura pour objectif de dégager les grandes tendances et les besoins qui se dessinent sur le plan des usages pédagogiques et des ressources numériques éducatives. Nous espérons que de nombreuses références seront faites aux ressources libres et que les questions de « l’exception pédagogique » et de l’incitation à la mutualisation sous licence libre seront évoquées.

Rappelons que, depuis longtemps, le monde du logiciel libre s’engage auprès du Ministère et aux cotés des professionnels de l’éducation, en faveur de l’égalité des chances, du droit à l’accès aux technologies les plus récentes, et pour la réduction de la fracture numérique.

De nombreuses associations et entreprises développent des ressources et des logiciels libres pour l’enseignement. Citons notamment, pour le premier degré, GCompris, les produits de la société Ryxéo ou ceux de DotRiver, les logiciels du Terrier développés par des enseignants pour des enseignants, FrenchKISS, OpenOffice4kids, le serveur d’exercices WIMS, édubuntu…

Ces solutions sont pérennes et bénéficient d’une large base d’utilisateurs dans les écoles françaises. Les logiciels libres constituent des solutions alternatives de qualité, et à moindre coût, dans une perspective de pluralisme technologique. Par ailleurs, ils favorisent l’emploi local.

Soulignons que le Ministère lui-même met à la disposition des enseignants le service SIALLE[4], une source d’informations sur l’offre en matière de logiciels libres éducatifs. Le Ministère est également impliqué dans le projet national et le pôle de compétences EOLE[5]. Enfin, un accord cadre[6] a été signé par le ministère de l’Éducation nationale en faveur de l’utilisation de logiciels et ressources libres dans l’éducation. Malgré tout, leur importance continue d’être minimisée par certains acteurs.

Dans l’intérêt des professeurs et des élèves, il aurait été indispensable que le programme des journées IEN-TICE prévoie au moins un espace dédié aux logiciels et ressources libres. C’est d’autant moins compréhensible que le salon fait toute sa place au programme Sankoré (un écosystème international, public et privé, de production de ressources numériques éducatives libres) qui concerne au premier chef l’enseignement primaire.

Nous nous tenons à la disposition des inspecteurs pour toute information complémentaire sur les logiciels et ressources libres pour l’éducation et leur souhaitons un riche salon Éducatec-Éducatice.

Notes

[1] Éducatec-Éducatice

[2] http://www.april.org/sites/default/files/convocation-IEN-TICE-Microsoft_1.png et http://www.april.org/sites/default/files/convocation-IEN-TICE-Microsoft_2.png

[3] Sur cette même thématique, on pourra lire avec profit le « Code de bonne conduite des interventions des entreprises en milieu scolaire »

[4] SIALLE

[5] http://eole.orion.education.fr/ : EOLE est tout un ensemble de modules développés pour les établissements scolaires. Citons Amon (pare-feu libre), Scribe (serveur pédagogique complet), Eclair (serveur de clients légers GNU/Linux qui permet de faire démarrer, depuis le réseau, des machines sans système d’exploitation installé), Amon Ecole…

[6] http://eduscol.education.fr/data/fiches/aful.htm : signé en 1998 entre l’AFUL et le Ministère. Il a été reconduit depuis.




Le logiciel libre et son état d’esprit inspirent déjà l’éducation de demain

Salim Fadhley - CC by-saCoup sur coup cet été à La Réunion et à Strasbourg, j’ai utilisé le logiciel Scratch pour illustrer mes conférences.

Je racontais alors l’expérience de mon élève Lucas, étiquetté « en difficulté scolaire » et qui s’était tout d’un coup totalement réveillé lorsque j’avais présenté le logiciel à la classe (jusqu’à m’envoyer le soir même dans ma boîte mail une première version d’un jeu original créé en quelques heures dans la foulée du retour chez lui)[1].

Un jour, peut-être, je trouverai le temps de relater plus en détails cette belle histoire dans un billet dédié à cet extraordinaire logiciel qu’est Scratch. Mais en attendant d’autres le font tout aussi bien que moi, en apportant en prime une réflexion globale sur les atouts et les avantages de ce type de logiciel dans le processus d’apprentissage et de sociabilisation.

Ici non seulement les enfants sont créatifs, mais créatifs à coté des autres et souvent même créatifs ensemble. Et c’est alors bien moins le fait d’utiliser des logiciels libres qui est important ici que celui d’adopter son modèle et son état d’esprit dans le processus de création,

Un cas d’école tout au long de la vie

A Case for Lifelong Kindergarten

Tina Barseghian – 26 septembre 2011 – MindShift
(Traduction Framalang : Goofy, Poupoul2, Mammig, Duthils, Sysy, Julien)

Est-ce que le meilleur environnement d’apprentissage ne serait pas le jardin d’enfants ?

Voilà une proposition surprenante qui fait partie de celles qu’envisagent des gens comme Mitch Resnick au MIT. Il s’agit du créateur de Scratch, un logiciel bien connu d’initiation à l’informatique pour débutants.

Resnick a exprimé cette idée la semaine dernière au sommet l’École de Demain soutenu par le New York Times, et y a proclamé que « les écoles devraient ressembler au chaos », un commentaire qui a enflammé la Twittosphère.

Resnick est l’un des trois lauréats du Prix McGraw de l’éducation, avec le professeur de physique Robert Beichner et Julie Young, présidente de l’École Virtuelle de Floride. Ils ont tous les trois co-écrit un article qui illustre pourquoi et comment la technologie devrait s’intégrer harmonieusement dans le processus d’apprentissage tout au long de la vie.

Voici la partie de l’article écrite par Resnick, qui cite lui-même plusieurs extraits de A New Culture of Learning: Cultivating the Imagination for a World of Constant Change de Doug Thomas et Johne Selly Brown.

Mitch Resnick

Notre objectif, au Media Lab du Massachussets Institute of Technology, est de créer des technologies qui donnent la possibilité à tout un chacun d’explorer, d’expérimenter et de s’exprimer différemment. Le groupe La Maternelle tout au long de la vie (NdT : Lifelong Kindergarten group), dont je fais partie, développe des outils pour faire vivre des expériences d’apprentissage créatif, tout en mettant l’accent sur des activités collaboratives et motivantes telles que traditionnellement utilisées dans les écoles maternelles.

Nous nous inspirons de la façon dont les élèves du jardin d’enfants apprennent en spirale : ils imaginent ce qu’ils veulent réaliser, créent un projet basé sur leurs idées, jouent individuellement avec leur création, puis partagent leurs idées et conceptions les uns avec les autres et réfléchissent alors à leur retour d’expérience. Tout ceci les conduit à concevoir de nouvelles idées et de nouveaux projets. Ce processus récursif d’apprentissage est une préparation idéale à la société très évolutive d’aujourd’hui, dans laquelle les gens doivent constamment élaborer de nouvelles solutions face aux situations inattendues qu’ils ne manqueront pas de rencontrer dans leur vie.

Nous travaillons à développer de nouvelles technologies qui, comme les cubes et la peinture au doigt de la maternelle, élargissent l’étendue de ce que les gens peuvent concevoir, créer et apprendre — et ainsi semer les graines d’une société de demain plus créative. Notre but est d’apprendre aux enfants à penser créativement, à travailler collaborativement, et à apprendre constamment — des compétences essentielles pour réussir au XXIe siècle. Nous développons une nouvelle génération de technologies qui non seulement permettent aux enfant de s’accrocher à de nouveaux concepts et à de nouvelles idées mais aussi de communiquer avec d’autres personnes, en offrant de nouvelles voies au partage, à la collaboration et à l’empathie envers tout un chacun.

Voici deux exemples, parmi mes projets, qui illustrent ce point : Scratch et le Club informatique.

Scratch est un environnement graphique de programmation destiné aux enfants de huit ans et plus. Il leur facilite la création de leurs propres histoires interactives, jeux, dessins animés et simulations — ils peuvent ensuite partager en ligne leurs créations. Environ 1 000 000 d’enfants ont rejoint la communauté en ligne de Scratch et ils y partagent plus de 2 000 projets Scratch tous les jours.

L’entrain avec lequel les enfants utilisent cette communauté en ligne démontre à quel point les relations sociales peuvent être encouragées par de nouveaux outils numériques. Les membres de la communauté Scratch sont alternativement élèves et enseignants, résolvent des problèmes et perfectionnent les programmes tous ensemble. L’extrait suivant de A New Culture of Learning: Cultivating the Imagination for a World of Constant Change, un livre récemment publié par Doug Thoas et John Seely Brown, décrit l’aventure d’un enfant de neuf ans, Sam, qui utilise Scratch pour créer ses propres jeux animations.

Scratch a quelque chose en plus qui conduit l’expérience à un niveau différent : la collectivité, une communauté d’individus avec des idées semblables qui aide Sam à apprendre et répond vraiment à ses besoins. Quand Sam publie son jeu en ligne dans cet environnement, il devient accessible à des centaines d’autres enfants qui travaillent également avec Scratch, et c’est de cette façon que les choses intéressantes commencent. Les autres joueurs ne font pas que jouer avec le jeu de Sam, car d’un simple clic sur un bouton, ils peuvent le charger dans leur propre interface de Scratch, voir le code source, et le modifier s’ils le souhaitent.

L’une des fonctions les plus importantes du site réside dans le fait que les utilisateurs ont la possibilité de commenter un projet qu’ils aiment en cliquant sur un bouton « Tu aimes ça ? » (NdT : Love it?). Ce dont Sam s’est aperçu en rejoignant les autres en ligne c’est qu’il ne créait pas uniquement des animations ou des jeux ; il faisait partie d’une communauté.

Il a bien évidemment été très enthousiaste de recevoir son premier commentaire. Mais quand nous avons demandé à Sam ce que signifiait pour lui faire partie de la communauté de Scratch, nous avons été surpris de sa réponse qui n’avait rien à voir avec la conception de jeux ou la diffusion d’animations. Sam nous a simplement dit que la chose la plus importante est de ne pas être méchant dans ses propos et de laisser des commentaires positifs quand on croise quelque chose de bien. Le jeu ne sert pas uniquement à apprendre à programmer ; il cultive aussi la citoyenneté.

Sam nous a peut-être fait le commentaire le plus révélateur de cette nouvelle culture de l’apprentissage. Quand nous lui avons demandé ce qu’il recherchait dans les programmes des autres. Il nous a dit : « quelque chose de très cool que je n’aurais jamais pu faire et connaître seul. » En jouant avec Scratch, Sam a appris beaucoup sur la programmation et sur la participation aux communautés en ligne. Mais ce qu’il a avant tout retenu c’est comment apprendre des autres.

L’exemple suivant illustre comment une fille agée de 13 ans, identifiée par le pseudo BalaBethany, a appris à programmer en interagissant en ligne avec ses pairs :

BalaBethany adore dessiner des personnages de dessins animés. Quand elle a commencé à utiliser Scratch, elle a tout naturellement programmé des histoires animées mettant en scène ses personnages. Elle a commencé à partager son projet sur le site Web de Scratch, et d’autres membres ont répondu positivement, en rédigeant des commentaires élogieux sur son projet (« Super ! », « Bon sang, j’adore !!! »…), tout en lui posant des questions concrètes et pragmatiques sur la manière dont elle avait réalisé certains effets (« Comment as-tu fait pour que le lutin devienne transparent ? »…). Encouragée, BalaBethany a alors créé et partagé régulièrement sur Scratch de nouveaux projets, tel celui ambitieux d’une simulation d’une série télé.

Régulièrement elle ajoutait un nouveau personnage à sa série et elle s’est un jour demandée si elle n’impliquerait pas toute la communauté Scratch dans le processus. Elle a alors créé et déposé un nouveau projet sur Scratch qui annoncait un « concours », demandant aux autres membres de la communauté de dessiner la sœur de l’un des personnages. Le projet listait des éléments qui devaient faire partie du nouveau personnage, comme Doit avoir des cheveux rouges ou bleus, merci de choisir et Doit avoir soit un chat ou une corne de bélier, ou un mélange des deux.

Le projet a reçu plus de 100 commentaires. L’un d’eux venait d’une membre de la communauté qui voulait bien participer au concours mais qui disait qu’elle ne savait pas dessiner des personnages de dessins animés. BalaBethany a alors pris le temps de produire un autre projet, un tutoriel pas à pas montrant en 13 étapes comment dessiner et colorier un personnage animé.

En une année, BalaBethany a programmé et partagé plus de 200 projets Scratch dans divers domaines (histoires, concours, tutoriaux, et bien d’autres). Aussi bien ses talents de programmatrice que ses talents artistiques se sont développés, et ses projets ont été très bien accueillis par la communauté Scratch, puisqu’elle a reçu pas moins de 12 000 commentaires.

L’un des groupes du MIT a également fondé le projet Club d’informatique, un réseau international d’une centaine de centres aérés où des enfants défavorisés âgés de 10 à 18 ans peuvent exprimer leur créativité en utilisant les nouvelles technologies. Avec l’aide d’un animateur, les participants créent des histoires interactives, des clips, et construisent des robots. L’extrait suivant souligne comment la technologie peut aider les enfants à forger leur identité et à s’imposer comme membres à part entière d’un groupe :

Observons Mike Lee, qui a passé du temps au club informatique de Huston. Mike a commencé à venir au club après avoir quitté le lycée. Il était passionné par le dessin. Il remplissait des carnets les uns après les autres avec des personnages de dessin animé. Au club, Mike a développé une nouvelle méthode pour ses dessins. Pour commencer, il dessinait des croquis à la main en noir et blanc. Puis, il a scanné ses croquis et les a colorié à l’ordinateur.

Avec le temps, Mike a appris à utiliser des techniques informatiques plus complexes pour ses dessins. Les créations de Mike impressionnaient tout le monde au club, puis d’autres jeunes ont commencé à venir le voir pour avoir des conseils. Certains membres se sont ouvertement inspirés du style artistique de Mike. Bientôt, une collection de dessins « à la manière de Mike Lee » est paru dans le journal du club. « C’était assez flatteur », disait Mike.

Pour la première fois de sa vie, d’autres personnes faisaient attention à Mike. Il a commencé à ressentir un sentiment nouveau de responsabilité. Il a décidé de ne plus utiliser d’armes à feu dans ses dessins, pensant que cela pouvait avoir une mauvaise influence sur les plus jeunes membres du club. Mike explique : « Mon travail personnel concerne souvent la violence urbaine. Un de mes amis s’est fait tirer dessus et est décédé. Mais je ne veux pas amener ça ici. Les enfants ne comprennent pas forcément bien les armes ; ils pensent que c’est cool. Ils voient un combat, c’est naturel qu’ils veuillent aller voir. Ils ne comprennent pas. Ce sont juste des enfants. »

Mike s’est mis ensuite à travailler avec d’autres clubs sur des projects collaboratifs. Ensemble, ils ont créé une galerie d’art virtuelle sur le Web. Une fois par semaine, ils ont rencontré un artiste local qui a bien voulu encadrer le projet. Au bout d’un an, leur galerie virtuelle fut acceptée comme exposition au Siggraph, la première conférence mondiale des arts graphiques numériques. Cette expérience l’a porté vers de nouvelles techniques artistiques. Il a ajouté de plus en plus d’effets informatiques, et a entamé un travail sur des collages numériques combinant des photographies et du dessin, tout en conservant son style particulier. Avec le temps, Mike a exploré comment il pouvait utiliser son ses talents pour en faire une sorte de commentaire social et d’expression politique.

Pendant qu’il venait au club, Mike Lee a clairement appris beaucoup de choses dans le domaine de l’informatique et l’infographie. Mais il a également commencé à développer sa propre idée de l’enseignement et de l’apprentissage. « Au club, j’étais libre de faire ce que je voulais, d’apprendre ce que je voulais », disait Mike. « Si j’avais suivi des cours d’informatique dans une école, il y aurait eu trop de contraintes. Ici je pouvais créer en totale liberté.» Mike se rappelle — et apprécie — la manière dont les animateurs du club l’on accueilli quand il est arrivé au club. Ils lui ont demandé de dessiner un logo pour l’entrée du club. Ils n’ont jamais pensé à lui comme un « exclu du lycée » mais comme un créateur potentiel.

Après plusieurs années en tant que bénévole au club, Mike a obtenu une équivalence du Bac, puis a obtenu un emploi d’infographiste dans une entreprise de haute technologie près de Boston, concevant graphiquement les pages web, les catalogues et les brochures de la société.

L’expérience de Mike au club informatique illustre la puissance de l’interaction entre les gens ainsi que l’utilisation du numérique en apprentissage pour aider et encourager un débutant qui se sentait mal à l’aise dans son environnement scolaire traditionnel. Avec l’accès à la technologie et au réseau social du club informatique, Mike a appris à développer ses dons artistiques, à partager son savoir et son talent avec d’autres et à devenir un membre actif et créatif de la communauté.

Notes

[1] Crédit photo : Salim Fadhley (Creative Commons By-Sa)




Manuel « Introduction à la science informatique » – Commentaires sur les commentaires

La mise en ligne sur le Framablog de l’article Sortie du manuel « Introduction à la science informatique » a naturellement suscité des commentaires, bienvenus, variés et intéressants.

Quelques éléments pour poursuivre le débat entamé.

1) Quelle culture générale scolaire au 21è siècle ?

L’enseignement de spécialité optionnel « Informatique et Sciences du numérique » créé en Terminale S à la rentrée 2012 est un enseignement de culture générale. Comme il y en a d’autres au lycée : mathématiques, histoire-géographie, sciences physiques, philosophie… Il n’a pas vocation à former des spécialistes, cela étant il peut contribuer à susciter des vocations. Il correspond aux missions du système éducatif, à savoir former l’homme, le travailleur et le citoyen.

Les disciplines enseignées évoluent au fil du temps. On ne fait plus de géométrie descriptive en mathématiques mais des probabilités et des statistiques. Le latin et le grec n’ont plus la même place qu’au début du siècle dernier. Les sciences physiques sont devenues discipline scolaire car elles sous-tendaient les réalisations de la société industrielle. Or le monde devient numérique… L’informatique doit avoir sa place dans la culture générale scolaire car elle fait partie de la culture générale de notre époque. C’est un choix que la société fait, doit faire. Car il est clair que l’on ne peut pas tout étudier à l’Ecole. Il faut choisir le « midi qui a le plus de portes ».

Dans les commentaires, un argument nous a quelque peu surpris. Il ne faudrait pas d’informatique à l’École car « cela dégoûterait les élèves ». Le propos vaut-il pour la lecture ? N’apprenons pas à lire aux enfants. Comme cela ils ne seront pas dégoûtés et tous sauront lire. Pas sûr…

Il a été fait état, c’est inévitable, de la comparaison avec la conduite des automobiles. Rappelons que conduire une voiture, en fabriquer et étudier la thermodynamique sont trois activités de natures différentes. Comme l’utilisation des ordinateurs, leur fabrication et la science informatique le sont.

Tout le monde a en tête les débats vifs qui ont accompagné la transposition de la directive européenne DADVSI ou le vote de la loi Hadopi, et du sentiment que l’on a pu éprouver que beaucoup ne savaient pas de quoi ils parlaient. Quand les citoyens s’intéressent au nucléaire ils peuvent peu ou prou se référer à ce qu’ils ont appris à l’école en cours de sciences physiques (atome, courant électrique…). Quand ils s’intéressent aux OGM ils peuvent se référer à leurs cours de SVT. Le problème concernant l’informatique et le numérique est qu’il n’y a pas encore de cours d’informatique, scientifique et technique.

Enseigner une discipline informatique au lycée signifie fondamentalement être en phase avec la société telle qu’elle est devenue.

2) Pourquoi de la programmation ?

Faisons un détour par les mathématiques. Tous les élèves en font, de la Maternelle à la Terminale. Pourtant, bien peu seront chercheurs en mathématiques. Et tous ne seront pas ingénieurs ou professeurs de mathématiques. Ils apprennent à résoudre des équations, chose qu’ils ne feront plus le reste de leur vie. Ils étudient et construisent des fonctions. Pourquoi ? Parce qu’il est important de savoir qu’une grandeur peut dépendre d’une autre grandeur. Que, par exemple, la courbe du chômage indique une progression, éventuellement une accélération de cette progression. Pour s’approprier ces notions, il y a tout un long cheminement avec des appropriations de notions dont on ne se servira plus dans la vie. Mais il reste la culture, à savoir ce qui reste quand on a tout oublié !

Il en va de même pour la programmation. Elle est avec l’algorithmique, la théorie de l’information, l’architecture et les matériels l’un des quatre grands domaines de l’informatique, constituant une clé de voûte où les quatre arcs qui structurent l’informatique se rejoignent, A ce titre elle est déjà incontournable. Elle permet de comprendre ce qu’est l’informatique, de percevoir sa « nature profonde », de s’en imprégner. Pour s’approprier des notions (fichier, protocole de communication, « verrou mortel »…), rien de tel que d’écrire des « petits » programmes.

Cela vaut également pour l’apprentissage des autres disciplines. Encore faut-il que les élèves sachent programmer ! La programmation est un élément de cursus informatique apprécié des élèves, car elle les place dans une situation active et créative, dans laquelle ils peuvent eux-mêmes fabriquer un objet. On constate en effet avec l’ordinateur une transposition des comportements classiques que l’on observe dans le domaine de la fabrication des objets matériels. À la manière d’un artisan qui prolonge ses efforts tant que son ouvrage n’est pas effectivement terminé et qu’il fonctionne, un lycéen, qui par ailleurs se contentera d’avoir résolu neuf questions sur dix de son problème de mathématiques (ce qui n’est déjà pas si mal !), s’acharnera jusqu’à ce que « tourne » le programme de résolution de l’équation du second degré que son professeur lui a demandé d’écrire, pour qu’il cerne mieux les notions d’inconnue, de coefficient et de paramètre. Ces potentialités pédagogiques de la programmation, qui favorisent l’activité intellectuelle, sont parfois paradoxalement et curieusement oubliées par des pédagogues avertis (qui, par ailleurs apprécient les vertus de l’ordinateur et d’internet, outil pédagogique).

De plus, la programmation est une excellente école de la rigueur, de la logique. Vraiment, pourquoi s’en priver ?

3) Formation de culture générale et formations professionnalisantes

Si les disciplines scolaires sont générales et concernent tous les élèves, il n’empêche qu’elles contribuent à donner des fondamentaux que certains retrouveront dans leurs formations ultérieures et leur vie professionnelle. Toutes les disciplines sont des outils au service des autres, et aussi des fins en soi. Cela vaut par exemple pour les mathématiques qui sont au service des sciences physiques ou des sciences économiques. Et pour l’informatique bien sûr. Plus les disciplines sont au service des autres, plus elles deviennent une fin en elles-mêmes. Plus elles sont des composantes majeures de la culture des hommes. Informatique et littérature même combat. Écrire un programme ou écrire un texte sont deux activités d’égale dignité, tout aussi passionnantes l’une que l’autre : une fin en soi !

Une formation structurée sur une longue durée doit être organisée comme une fusée à deux étages : les premières années doivent être consacrées à l’apprentissage de savoirs fondamentaux, puis doivent venir les savoirs spécialisés, qui ont vocation à être directement utilisés dans (les premières années d’) une activité professionnelle. Par exemple la formation d’un médecin consiste à apprendre d’abord (dès l’école primaire, le collège et le lycée) des généralités sur l’anatomie et la physiologie humaine, avant d’apprendre tel ou tel geste chirurgical ou la posologie de tel ou tel médicament. Cette seconde phase de la formation est très variable en fonction du métier que l’on souhaite exercer : les mêmes savoirs spécialisés ne sont pas nécessaires à un ophtalmologiste et un anesthésiste, alors que l’un et l’autre doivent savoir que le cœur est à gauche et le foie à droite ou qu’une cellule humaine contient vingt-trois paires de chromosomes.

Avec l’arrivée de l’informatique au lycée se pose la question de l’identification des savoirs fondamentaux que l’on souhaite partager, non avec ses collègues, mais avec tous. Pour faire partie de la culture générale ces savoirs doivent :

  • avoir une certaine stabilité,
  • donner une image diversifiée, mais cohérente de la discipline,
  • éclairer la vie quotidienne, mais aussi ouvrir de nouveaux horizons,
  • permettre de comprendre comment utiliser des objets mais aussi comment ils sont conçus,
  • être agréables et valorisants à apprendre.

Les besoins croissants en matière d’informatique et de numérique concernent des compétences diversifiées qui évoluent rapidement (outils, langages…), des métiers nouveaux avec peu de formations existantes (web 2,0, e-économie…). Cela signifie qu’il faut distinguer la formation pour tous aux fondamentaux de culture générale informatique, scientifique et technique, dans l’enseignement scolaire et dans l’enseignement supérieur, et les formations professionnalisantes qui, de par les évolutions incessantes des besoins, doivent justement pouvoir s’appuyer sur une solide formation initiale.

Jean-Pierre Archambault
Gilles Dowek




Sortie du manuel Introduction à la science informatique

Introduction à la Science Informatique - CouvertureEn visite en Angleterre, voici ce que disait le patron de Google dans une récente traduction du Framablog : « Je suis sidéré d’apprendre qu’il n’existe même pas d’enseignement de base de l’informatique dans les écoles britanniques aujourd’hui. Votre programme de technologie se concentre sur la manière d’utiliser un logiciel, mais n’explique pas comment il a été conçu. »

Et Slate.fr d’en remettre une couche le 4 septembre dernier dans son pertinent article La programmation pour les enfants: et pourquoi pas le code en LV3 ? : « Lassés d’avoir bouffé des slides de PowerPoint et des tableurs Excel dans leurs jeunes années, les étudiants se sont détournés peu à peu de l’étude de l’informatique confondant, bien malgré eux, l’apprentissage d’applications qu’ils trouvent généralement inintéressantes et celui des sciences computationnelles dont ils ne comprennent même pas l’intitulé. »

Toujours dans le même article : « On fait beaucoup d’esbroufe sur la délocalisation d’activités telles que la création de logiciel, mais ce qui n’est pas clair dans cette histoire c’est où est la charrue et où sont les bœufs. Est-ce que les entreprises délocalisent par ce que cela leur coûte moins cher et dans ce cas nous perdons des emplois sur le territoire, ou bien le font-elles parce qu’elle ne peuvent tout simplement pas recruter ici si bien qu’elles à se mettent rechercher des gens compétents ailleurs ? ».

Owni, quant à lui, va encore plus loin, avec son appel à hacker l’école accompagné du témoignage d’un père qui souhaite que sa fille en soit.

Lentement mais sûrement on prend enfin conscience que l’enseignement de l’informatique est un enjeu fondamental du monde d’aujourd’hui. Il y a ceux qui maîtriseront, ou tout du moins comprendront, le code et il y a ceux qui utiliseront le code créé par d’autres.

C’est pourquoi l’arrivée en France pour la rentrée 2012 en Terminale S de l’enseignement de spécialité « Informatique et sciences du numérique » est une avancée importante que l’on doit saluer comme il se doit.

Tout comme nous saluons ci-dessous la sortie d’un manuel support de cette nouvelle discipline (mais qui pourra également être utile et précieux à tout public intéressé par le sujet). Sous licence Creative Commons il a été rédigé collectivement par certains de ceux qui se sont battus avec force, courage et diplomatie pour que cet enseignement voit le jour (à commencer par Jean-Pierre Archambault que les lecteurs de ce blog connaissent bien).

Peut-être penserez-vous que c’est dommage et pas assez ambitieux de se contenter d’une spécialité pour la seule classe tardive de Terminale S ? (Peut-être jugerez-vous également que la licence Creative Commons choisie par le manuel n’est pas « assez ouverte » ?) Certes oui, mais en l’occurrence nous partons de si loin que l’on ne peut que se réjouir de ce petit pas qui met le pied dans la porte.

Et le Libre dans tout ça ?

Point n’est besoin de consulter les communiqués dédiés de l’April et de l’Aful, mentionnés ci-dessous, pour comprendre qu’il devrait largement bénéficier lui aussi de l’apparition de ce nouvel enseignement, synonyme de progrès et d’évolution des mentalités à l’Education nationale.

Edit du 18 septembre : Il y a une suite à cet article puisque les auteurs, Gilles Dowek et Jean-Pierre Archambault, ont choisi de commenter les nombreux et intéressants commentaires dans un nouveau billet.

Un manuel Introduction à la science informatique

Un manuel Introduction à la science informatique est paru en juillet 2011, destiné aux professeurs qui souhaitent se former avant de dispenser l’enseignement de spécialité « Informatique et sciences du numérique », créé en Terminale S à la rentrée 2012[1]. Il s’adresse aussi potentiellement à d’autres publics souhaitant s’approprier les bases de la science informatique[2].

Edité par le CRDP de Paris[3], ce manuel a été écrit par 17 auteurs[4] et coordonné par Gilles Dowek, directeur de recherche à l’INRIA. La préface est de Gérard Berry, professeur au Collège de France et membre de l’Académie des Sciences. Ce livre est sous licence Creative Commons : paternité, pas d’utilisation commerciale, pas de modification.

Il est composé de 7 chapitres : Représentation numérique de l’information ; Langages et programmation ; Algorithmique ; Architecture ; Réseaux ; Structuration et contrôle de l’information ; Bases de données relationnelles et Web. Les chapitres comportent une partie de cours présentant les concepts, d’exercices corrigés et non corrigés, d’une rubrique consacrée aux questions d’enseignement, et de compléments permettant d’aller plus loin, en particulier d’aborder quelques questions de société en liens avec la révolution informatique.

Le programme des élèves de Terminale S

Ce contenu reprend, sous une forme plus approfondie, les éléments du programme de la spécialité « Informatique et Sciences du numérique » proposée à la rentrée 2012 aux élèves de Terminale S et qui est construit autour des quatre notions fondamentales d’information, d’algorithme, de langage et de machine), notionss qui structurent les grands domaines de la science informatique.

  • Représentation de l’information
    • Représentation binaire, opérations booléennes, numérisation, compression, structuration et organisation de l’information.
    • Ancrées dans les notions étudiées, des questions sociétales seront abordées : persistance de l’information, non-rivalité de l’information, introduction aux notions de propriété intellectuelle, licences logicielles.
  • Algorithmique
    • Des algorithmes simples (rechercher un élément dans un tableau trié par une méthode dichotomique) et plus avancés (recherche d’un chemin dans un graphe par un parcours en profondeur) seront présentés.
  • Langages de programmation
    • Types de données, fonctions, correction d’un programme, langages de description (présentation du langage HTML).
  • Architectures matérielles
    • Architectures des ordinateurs : éléments d’architectures, présentation des composants de base (unité centrale, mémoires, périphériques.), jeu d’instructions.
    • Réseaux : transmission série – point à point – (présentation des principes, introduction de la notion de protocole), adressage sur un réseau, routage.
    • La question de la supranationalité des réseaux sera abordée.
    • Initiation à la robotique

Quid du libre ?

La liberté des usagers de l’informatique, le contrôle des outils qu’ils utilisent supposent qu’ils comprennent et maîtrisent les concepts qui les sous-tendent. Un système d’exploitation, un traitement de texte ou un tableur sont des outils conceptuels compliqués et complexes de par les objets qu’ils traitent et la multitude de leurs fonctionnalités. Le libre, c’est-à-dire le code source que l’on connaît et non pas une approche en termes de « boîte noire » miraculeuse qui fait tout pour vous (curieuse d’ailleurs cette représentation mentale qu’ont certains de la prothèse du cerveau qu’est l’ordinateur, que l’on pourrait utiliser sans la connaître ni la comprendre), s’inscrit pleinement dans la vision qui considère que l’homme, le travailleur et le citoyen doivent avoir une culture générale informatique scientifique et technique.

C’est donc très naturellement que l’APRIL s’est félicité de la création de l’enseignement « Informatique et Sciences du numérique ». Le 5 janvier 2010, dans un communiqué de presse, rappelant qu‘« elle a toujours été favorable à ce que l’informatique soit une composante à part entière de la culture générale scolaire de tous les élèves sous la forme notamment d’un enseignement d’une discipline scientifique et technique », elle soulignait « cette première et importante avancée signe d’une certaine rupture ». Elle mentionnait que « l’expérience de ces dernières années a clairement montré que le B2i ne fonctionnait pas. Son échec prévisible tient notamment à des problèmes insolubles d’organisation, de coordination et de cohérence des contributions supposées et spontanées des disciplines enseignées. De plus ne sont pas explicitées les connaissances scientifiques et techniques correspondant aux compétences visées ».

D’une manière analogue, dans un communiqué le 23 mars 2010, l’AFUL faisait des propositions pour l’Ecole à l’ère numérique parmi lesquelles : « L’informatique devient une discipline à part entière, dont l’enseignement obligatoire dès le primaire est réalisé par des professeurs ayant le diplôme requis dans cette spécialité ou ayant bénéficié d’une formation qualifiante. La gestion des compétences, l’accompagnement des enseignants et la formation initiale et continue font l’objet du plus grand soin. ».

Gilles Dowek et Jean-Pierre Archambault

Remarque : En réponse aux commentaires ci-dessous, les auteurs ont choisi publié un nouvel article qui précise et complète un certains nombres de points évoqués ici.

Notes

[1] On peut le commander en suivant ce lien. On le trouvera également dans les librairies du CNDP, des CRDP et des CDDP.

[2] Parmi ces publics, il y a les étudiants ainsi que les professeurs de la spécialité SIN « Système d’Information et Numérique » du Bac STI2D qui se met en place en classe de Première à la rentrée 2011, les professeurs de technologie au collège, ceux qui expérimentent des enseignements d’informatique dans certains lycées en seconde et/ou en première, ou qui gèrent les parcs informatiques des établissements scolaires.

[3] Avec le soutien de l’EPI et de l’ASTI.

[4] Jean-Pierre Archambault (Chargé de mission au CNDP-CRDP Paris), Emmanuel Baccelli (Chargé de Recherche à l’Institut National de Recherche en Informatique et en Automatique), Sylvie Boldo (Chargée de Recherche à l’Institut National de Recherche en Informatique et en Automatique), Denis Bouhineau (Maître de Conférences à l’Université Joseph Fourier, Grenoble), Patrick Cégielski (Professeur à l’Université Paris-Est Créteil), Thomas Clausen (Maître de Conférences à l’École polytechnique), Gilles Dowek (Directeur de Recherche à l’Institut National de Recherche en Informatique et en Automatique), Irène Guessarian (Professeur émérite à l’Université Pierre et Marie Curie, chercheur au Laboratoire d’Informatique Algorithmique : Fondements et Applications), Stéphane Lopès (Maître de Conférences à l’Université de Versailles St-Quentin), Laurent Mounier (Maître de Conférences à l’Université Joseph Fourier, Grenoble), Benjamin Nguyen (Maître de Conférences à l’Université de Versailles St-Quentin), Franck Quessette (Maître de Conférences à l’Université de Versailles St-Quentin), Anne Rasse (Maître de Conférences à l’Université Joseph Fourier, Grenoble), Brigitte Rozoy (Professeur à l’Université de Paris-Sud), Claude Timsit (Professeur à l’Université de Versailles St-Quentin), Thierry Viéville (Directeur de Recherche à l’Institut National de Recherche en Informatique et en Automatique),




Quand le patron de Google donne la leçon à l’Angleterre sur l’éducation

Rex Pe - CC byLittéraire ou scientifique ? Non, littéraire et scientifique !

La fameuse séparation culturelle française semble également de mise en Angleterre. Et selon le Directeur exécutif de Google, Eric Schmidt, elle est fortement handicapante dans le monde d’aujourd’hui.

Il est quelque part étrange de voir une multinationale faire la leçon à un État. Mais telle est l’époque dans laquelle nous vivons, et le pire c’est que Schmidt a raison. La critique fait mal pour un pays qui a été si innovant par le passé.

Il juge en outre tout à fait incohérent de ne pas enseigner l’informatique à l’école[1] pour comprendre comment les logiciels sont conçus plutôt que de se contenter de savoir les utiliser.

La situation est peu ou prou identique en France. Et nous risquons fort d’accompagner, voire devancer, la Perfide Albion dans sa chute si nous n’y faisons rien[2].

Eric Schmidt, président de Google, critique vertement le système éducatif britannique

Eric Schmidt, chairman of Google, condemns British education system

James Robinson – 26 août 2011 – The Guardian
(Traduction Framalang : DéKa)

Schmidt critique la division entre les sciences et les arts et lettres et affirme que le Royaume-Uni « devrait revenir sur les heures de gloire de l’ère victorienne ».

Le président de Google a très violemment critiqué le système éducatif britannique soutenant que le pays a échoué à exploiter sa position dominante en matière d’innovation technique et scientifique.

Au cours de la conférence annuelle Mac Taggard à Edimbourg, Eric Schmidt a évoqué « une dérive vers les sciences humaines » et a critiqué l’émergence de deux champs antagonistes « se dénigrant l’un l’autre, autrement dit, pour reprendre une expression locale, vous êtes soit un lettré, soit un matheux ».

Schmidt s’en est également pris à Lord Sugar, haut responsable du Parti travailliste et star du programme de la BBC The Apprentice, qui a récemment déclaré au cours de l’émission que les « ingénieurs n’étaient pas de bons commerciaux ». Schmidt a confié au MediaGuardian Edinburgh international TV festival : « Au cours du siècle dernier, la Grande Bretagne a brusquement cessé de former et d’encourager ses polymathes. Il faut à nouveau réunir les sciences et les arts ».

Ce vétéran de la technologie, qui a rejoint Google il y a dix ans pour aider les fondateurs Larry Page et Sergey Brin à développer la société, soutient que l’Angleterre devrait se pencher sur ses « heures de gloire » de la période victorienne pour se rappeler que les deux disciplines peuvent travailler ensemble.

« Il fut un temps où c’était les mêmes personnes qui écrivaient des poèmes et fabriquaient des ponts », dit-il, « Lewis Carroll n’a pas uniquement écrit l’un des contes les plus célèbres au monde. Il était également professeur de mathématiques à Oxford. Et Einstein disait de James Clerk Maxwell qu’il n’était parmi seulement l’un des meilleurs physiciens depuis Newton mais aussi un poète confirmé. »

Les commentaires de Schmidt font écho à ceux de Steve Jobs, qui a révélé cette semaine qu’il cessait son activité au sein d’Apple. Ce dernier a un jour confié au New York Times que « si le Macintosh a eu un tel succès c’est parce que les gens qui ont participé à sa conception étaient des musiciens, des artistes, des poètes et des historiens, qui se trouvaient être également d’excellents informaticiens ». Schmidt a rendu hommage à la si réputée innovation britannique, rappelant que le Royaume-Uni avait « inventé les ordinateurs aussi bien en théorie qu’en pratique », avant de souligner que le premier ordinateur de bureau « a été construit en 1951 par J. Lyons, originellement une chaîne de magasin de thé ».

« Cependant », dit il, « le Royaume-Uni n’a pas réussi à concrétiser ses idées pour créer de durables industries dominantes sur le marché ».

« Le Royaume-Uni est le berceau de temps d’inventions liées au médias. Vous avez inventé la photographie. Vous avez inventé la télévision », dit-il, « Pourtant aujourd’hui aucun des grands leaders de ces deux domaines ne provient du Royaume-Uni ». Et d’ajouter : « Merci pour vous innovations et vos brillantes idées. Vous n’en tirez cependant aucun bénéfice à l’échelle mondiale ».

Selon lui, les start-ups britanniques d’une certaine dimension ont toujours fini par se vendre à des sociétés étrangères, alors que c’est le contraire qui devrait se produire. « Le Royaume-Uni apporte un réel soutien à ses petites et moyennes entreprise, mais il n’y a pas grand intérêt faire germer des milliers de graines si c’est pour les laisser dépérir ou les transplanter à l’étranger. Les entreprises britanniques ont besoin d’être défendues pour pouvoir se faire une place sur le marché international, sans avoir à se vendre à des sociétés étrangères. Si vous ne relevez pas ce défi, le Royaume-Uni sera toujours le berceau de l’invention, mais pas du succès à long terme. »

Schmidt a expliqué qu’à force de ne pas enseigner la programmation à l’école, le pays inventeur de l’ordinateur était en train de « se débarrasser d’un important héritage informatique ». « J’étais sidéré », dit-il, « d’apprendre qu’il n’existe même pas d’enseignement de base de l’informatique dans les écoles britanniques aujourd’hui. Votre programme de technologie se concentre sur la manière d’utiliser un logiciel, mais n’explique pas comment il a été conçu. »

Barack Obama a annoncé en juin que les Etats-Unis formeraient 10 000 ingénieurs en plus par an. « J’espère que d’autres vont suivre. Le monde a besoin de plus d’ingénieurs », a continué Schmidt. « Pour que les entreprises innovantes britanniques puissent s’épanouir dans l’avenir digital, vous allez avoir besoin de gens capables de comprendre toutes ses facettes. Prenez exemple sur les Victoriens et ignorez les préjugés d’un Lord Sugar : Intégrez des ingénieurs dans vos sociétés à tous les niveaux, même les plus élevés. »

Notes

[1] Crédit photo : Rex Pe (Creative Commons By)

[2] On pourra également lire l’article de Slate.fr La programmation pour les enfants: et pourquoi pas le code en LV3 ?




Les enfants Montessori et le logiciel libre partagent de nombreux points commmuns

Brian Glanz - CC by-saNée dans un quartier pauvre de Rome il y a plus d’un siècle, l’originale pédagogie Montessori n’a jamais cessé d’essaimer et connaît même un fort regain d’intérêt à l’aube de ce nouveau millénaire qui nous demande une solide capacité d’adaptation aux changements.

Les fondateurs de Google ont été dans une école Montessori. Et le créateur du cèlèbre jeu SimCity en parle en ces termes : « Montessori m’a enseigné la joie de la découverte. Cela m’a montré que l’on pouvait s’intéresser à des théories complexes, comme celles de Pythagore par exemple, en jouant avec des cubes. Il s’agit d’apprendre pour soi-même plutôt que de recevoir l’enseignement du professeur. SimCity est directement issu de Montessori – si vous donnez aux gens ce modèle de construction des villes ils en tireront les principes de l’urbanisme ».

Michael Tiemann, figure du logiciel libre travaillant chez Red Hat mais aussi jeune papa, tente ici de rapprocher les deux domaines parce qu’il y voit de nombreux points communs. L’une de ses hypothèses est qu’un enfant qui aura suivi une méthode Montessori sera plus à même de comprendre, s’intéresser et s’impliquer dans le logiciel libre[1].

Par extension et extrapolation, sera-t-il plus à même de comprendre, s’intéresser et s’impliquer dans le monde d’aujourd’hui mais surtout de demain ?

Remarque personnelle : Je constate que de plus en plus de parents « bobos de gauche urbains » placent leurs enfants dans des écoles privées Montessori, pour l’épanouissement général de l’enfant mais aussi pour échapper à la carte scolaire et l’école publique du quartier.

Montessori et la voie de l’Open Source

Michael Tiemann – 12 août 2011 – OpenSource.com
(Traduction Framalang : ZeHiro et Mammig2)

Montessori and the open source way

J’ai lu avec grand plaisir l’article de Steve Denning « Montessori est-il à l’origine de Google et Amazon ? ». Son argumentaire est solide, il s’appuie sur de nombreux faits scientifiques, et il expose les résultats remarquables que l’on peut obtenir quand nous pouvons Faire confiance à l’enfant. Il écrit si bien et de façon si claire qu’il est inutile que je répète ses propos, vous pouvez (et devriez !) lire directement son article. Mais nous pouvons le compléter, en particulier en comprenant comment les principes et la philosophie de l’open source sont si proches de la méthode éducative de Montessori.

C’est en tant que parent, et assez tardivement, que j’ai découvert l’éducation Montessori. Au début, je ne connaissais strictement rien aux travaux de Montessori, mais l’école de ma fille prenait très au sérieux ses écrits et j’ai ainsi commencé à voir les liens profonds et étroits entre des activités scolaires en apparence simples. Après avoir lu La science derrière le génie, le schéma complet m’est apparu plus clairement, et depuis je suis devenu un fervent partisan de la méthode Montessori.

La thèse Faire confiance à l’enfant, développée par Montessori, repose sur l’idée d’accompagner le développement de l’individu. Montessori a montré que lorsque des enfants sont privés de la possibilité de faire leurs propres choix, alors leur personnalité ne se développe pas complètement, et ils peuvent dépendre beaucoup trop des autres pour prendre des décisions les concernant. Par analogie, l’open source permet à tous les participants, qu’ils soient utilisateurs, développeurs, distributeurs ou mainteneurs de devenir de vrais contributeurs. Cette opportunité encourage non seulement à améliorer le logiciel (dont la qualité peut être perçue comme 100 fois supérieure à celle des logiciels propriétaires), et le plus important est qu’il encourage également les individus à s’améliorer. C’est ce que j’ai pu constater en étant dans l’open source depuis plus de vingt ans et en tant que parent Montessori depuis dix ans.

“Faire confiance à l’enfant” ne se limite pas à observer ce que fera un enfant dans le cadre d’un programme éducatif imposé. Dans l’éducation Montessori, tout l’environnement est disponible pour étudier, et les enfants sont encouragés à passer du temps à l’extérieur, pour observer, inventorier, s’interroger, et chercher les connaissances nécessaires pour répondre à leurs questions. La démarche scientifique est modulaire et évolutive, c’est à dire que des résultats sont obtenus à partir de résultats qui proviennent eux-mêmes d’autres résultats.

Ces résutats scientifiques doivent être reproductibles ou bien ils ne sont pas scientifiquement acceptables. De façon similaire, la modularité naturelle des logiciels open source fait qu’ils deviennent eux-même une forme de science de la programmation. Les modules peuvent être aussi librement utilisés que les résultats scientifiques peuvent être librement reproduits. Et tout comme un grand scientifique essayera de rendre ses résultats aussi simples et accessibles que possible, il existe une forme de reconnaissance similaire pour ceux qui écrivent des logiciels qui sont le plus possible généralistes, portables, et techniquement transparents.

Une valeur primodiale de la méthode Montessori est que l’apprentissage devrait être l’affaire de toute une vie. Denning paraphrase ceci en disant que l’éducation n’est pas une destination mais un voyage. Denning observe également que ceux qui voient dans l’obtention de leurs diplômes universitaires le boût du chemin, se retrouvent dans une impasse en cas de changement. Pour ceux qui envisagent l’apprentissage comme un exercice de longue haleine, alors le changement est simplement une nouvelle opportunité d’apprendre. De la même façon, les logiciels open source ont tendance à avoir un avenir ouvert et en perpétuel développement. De nombreux logiciels et frameworks propriétaires s’élèvent puis chutent car ils sont conçus avec une idée d’achèvement. Au contraire, les logiciels open source sont constament re-écrits, re-inventés et leurs objectifs modifiés. En regardant l’évolution de Linux au court des vingt dernières années je me suis dit : a-t-il déjà existé un système d’exploitation qui ait autant évolué, aussi rapidement et soit allé aussi loin ? Voilà tout le génie d’une vision de l’apprentissage à long terme.

Un dernier point : Les enfants Montessori sont-ils enthousiastes à l’idée de mettre les mains dans le code source ? La réponse evidente vous fournira, s’il en était besoin, une ultime preuve des atomes crochus entre Montessori et l’open source.

Notes

[1] Crédit photo : Brian Glanz (Creative Commons By-Sa)




Aurions-nous un train d’avance sur l’organisation du monde de demain ?

Victor Bezrukov - CC byIl est désormais acquis qu’une expérience de contributeurs dans une ou plusieurs communautés du logiciel libre est un atout dans le secteur professionnel informatique. Mais, dans ce monde qui bouge et qui commence à mettre de l’« open » à toutes les sauces, elle pourrait l’être également bien au-delà.

C’est pourquoi il est bon d’encourager les jeunes à se lancer et participer. C’est pourquoi aussi il est proprement scandaleux que les instances éducatives françaises continuent superbement d’ignorer le logiciel libre et sa culture.

PS : Oui, je sais, ni le titre, ni mon intro, ni la photo[1] ne collent parfaitement avec la traduction qui va suivre, mais bon un peu quand même ! Et puis le titre est joli non ? Vous auriez préféré « Les winners de demain sont dans le logiciel libre » ? Non quand même pas !

Sur un difficile marché du travail, votre expérience dans le monde de l’open source pourrait être un atout à plus d’un titre

In a tough job market, your open source experience may be an asset in more ways than one

Chris Grams – 16 août 2011 – OpenSource.com
(Traduction Framalang : Poupoul2 et Marting)

Cela vous ressemble-t-il ?

Depuis longtemps, vous utilisez des logiciels open source ou contribuez à des projets open source. Vous utilisez peut-être régulièrement des outils open source dans votre activité professionnelle, ou encore préférez-vous seulement vous amuser avec, pour le plaisir ou pour maitriser de nouvelles compétences.

Vous êtes connus pour raconter des histoires (peut-être véridiques) qui montrent que vous appartenez au monde de l’open source depuis longtemps (de « Je me souviens avoir téléchargé la première version de Fedora » à « Je me trouvais dans la pièce où le terme open source a été inventé »). Mais plus important encore, vous vous considérez comme un membre actif d’une ou plusieurs communautés open source.

Pensez-vous que le temps passé à contribuer à ces communautés open source pourrait être plus qu’une bonne expérience technologique ? Qu’il pourrait vous préparer à des emplois qui n’ont aucun rapport avec l’usage ou la fabrication du logiciel ?

J’ai étudié l’histoire et les sciences politiques à l’université. Non parce que je voulais devenir politologue ou historien, mais parce que, enfin… en fait je ne le sais pas vraiment. Mais au final, je suis réellement heureux d’avoir étudié ces matières.

Pourquoi ? Elles m’ont apporté des tonnes d’expérience lorsque je faisais de la recherche ou que j’écrivais, elles m’ont appris à organiser efficacement mes idées et mes pensées. Bien que je ne me rappelle pas comment Alexandre le Grand a battu les Perses à la bataille d’Issos et que je ne sois plus capable de réellement comparer les points de vue de Rousseau et Locke, j’utilise de nombreuses compétences acquises lorsque j’étudiais quotidiennement ces sujets.

Au risque d’avoir l’air de faire de la publicité pour une éducation aux arts libéraux, permettez-moi d’aller plus loin.

Pendant que vous avez joyeusement participé à des communautés open source parce que vous aviez besoin d’un morceau de logiciel ou que vous souhaitiez le rendre meilleur, il se pourrait que vous bénéficiez d’un effet secondaire important. Vous pourriez avoir acquis une expérience de la gouvernance des organisations du futur.

Au cours des quelques années passées, j’ai eu la possibilité de travailler avec des organisations de différentes industries, dont la finance, l’éducation, les services, l’hôtellerie, et même dans des environnements gouvernementaux ou non gouvernementaux. Nombre d’entre-elles sont occupées à explorer comment elles peuvent être plus compétitives, grâce à l’utisation de techniques que nous, dans le monde de l’open source, avons déjà mises en œuvre avec succès.

Par exemple, certaines souhaitent tester des projets collaboratifs à grande échelle, impliquant des participants qui ne sont pas membres de leurs organisations. D’autres veulent savoir comment créer des méritocraties internes où les gens se sentent investis et où les meilleures idées peuvent venir de n’importe où. D’autres encore souhaitent démarrer des relations plus riches avec la communauté de ceux qui se soucient de leurs organisations. Si vous êtes un lecteur d’opensource.com, vous nous avez vu mettre en valeur de nombreux exemples dans les affaires, les gouvernements, l’éducation, la santé ou autres.

Ces organisations ont beaucoup à apprendre de ceux d’entre vous qui ont déjà une expérience pratique réelle dans de véritables communautés.

Dans son libre Outliers, Malcolm Gladwell a introduit l’idée que ceux qui sont devenus des sommités mondiales dans leur art (il cite comme exemples Mozart, Steve Jobs et les Beatles) y sont parvenus en partie parce qu’ils ont été capables de le pratiquer de manière démesurée avant les autres dans leur domaine. Selon les recherches que Gladwell cite dans son livre, une personne a besoin de 10000 heures de pratique pour atteindre la maîtrise.

À combien êtes-vous de ces 10000 heures de participation dans le monde de l’open source ? Si vous avez passé 40 heures par semaine dans des communautés open source pendant 5 ans, vous avez peut-être déjà acquis vos 10000 heures.

Mais même si vous n’avez pas encore vos 10000 heures, je crois que vous en savez déjà beaucoup sur les modes de fonctionnement des communautés open source.

Ainsi, si vous croyez que les organisations du futur pourraient être gouvernées grâce aux principes actuellement utilisés avec succès dans les communautés open source, et que vous y avez une copieuse expérience de contribution, pourriez-vous avantager une organisation qui recherche des moyens plus efficaces, pour être plus compétitive ? Et pourriez-vous être un atout pas uniquement par vos compétences technologiques open source, mais également grâce à votre état d’esprit open source ?

Un exemple : Mes amis Dave Mason et Jonathan Opp, qui totalisent chacun bien plus que 10000 heures d’expérience dans le monde de l’open source, ont récemment fait leur entrée dans le concours Harvard Business Review / McKinsey M-Prize dans la catégorie Management innovant avec un hack profondément inspirée par leur expérience dans l’open source.

Leur idée ? Prendre le principe du « fork » tel que pratiqué dans les projets de développement open source et l’appliquer au management des organisations (tous les détails de leur idée sont ici). Leur bidouille « Prête à forker » a récemment été sélectionnée dans une liste de 150 propositions soumises par des gens du monde entier comme l’une des 20 finalistes du M-Prize. Plutôt impressionnant.

Alors pensez-y : au-delà de votre expérience technologique, qu’avez vous appris d’autre en contribuant à des communautés open source, qui pourrait avoir de la valeur pour un employeur potentiel ? Y a-t-il des compétences et des manières de penser que l’open source vous a enseignées qu’il serait bon de valoriser dans un entretien d’embauche, ou comme argument pour une promotion ou un nouveau poste ? Commencez à voir votre expérience open source comme un nouvel ensemble de compétences en matières de pensée et de travail, qui pourraient être très demandées par les organisations qui voudront rester compétitives dans le futur.

En agissant ainsi, vous pourriez vous ouvrir des opportunités intéressantes que vous n’auriez pas envisagées auparavant.

Notes

[1] Crédit photo : Victor Bezrukov (Creative Commons By)