La question des bonnes pratiques au sein d’une communauté

Sarah Sharp, dont nous avons traduit récemment le billet d’adieu à l’équipe du noyau Linux ne se contente pas de pointer ce qui dysfonctionne dans les rapports humains au sein des équipes de développement. Elle propose ici toute une série de bonnes pratiques, selon elle nécessaires, qui visent à améliorer la qualité des échanges quotidiens, du moins à rendre vivable et acceptable le travail ensemble.
Il est certain qu’une liste aussi copieuse peut surprendre, et même être rejetée d’un haussement d’épaules au motif que c’est typique du « politiquement correct » à l’américaine… Cette longueur et cette précision s’expliquent sans doute par l’expérience désagréable de Sarah : les situations qu’elle a vécues lui ont imposé d’aller bien plus loin qu’un simple code de conduite, qui sert trop souvent d’alibi aux communautés.
On trouvera donc un peu de tout dans ces recommandations classées par étapes progressives : du simple bon sens dont on s’étonne qu’il soit nécessaire de le formaliser (mais justement ce bon sens ne va plus de soi, parfois), mais aussi des vues très pertinentes sur le fonctionnement optimal d’une communauté qui rappellent l’ouvrage de Karl Fogel Produire du logiciel libre (un Framabook !).
Ces propositions, malgré leur caractère un peu idéaliste, nous amènent à interroger nos pratiques, car les communautés libristes, si elles sont loin d’être des champs de bataille, sont rarement de longs fleuves tranquilles.

Qu’est-ce qui fait une bonne communauté ?

Billet original de Sarah Sharp publié sur son blog : What makes a good community

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Photo © Sarah Sharp licence CC-BY-NC-SA

Parvenir à faire vivre une communauté hétérogène est un processus progressif. Il n’existe pas de raccourci. En ce qui concerne le changement culturel, chaque niveau doit être atteint avant de passer au suivant. Il vaut également la peine de préciser que chaque étape doit bénéficier à l’ensemble des membres de la communauté et pas uniquement à quelques contributeurs.

Niveau 0 : respect fondamental de l’humain

Pour pouvoir attirer des participants très divers, vous devez avoir la réputation d’être une communauté accueillante, régie par une série de règles sociales explicites et acceptées. Il ne suffit pas d’avoir un code de bonne conduite. Ceux qui pilotent la communauté doivent le soutenir et il doit être imposé.

Une communauté accueillante de niveau 0 fait preuve des caractéristiques suivantes :

  • chacun est encouragé à faire des retours sincères et directs sur les questions techniques ;
  • les contributeurs sont invités à résoudre les conflits entre personnes de manière saine ;
  • les interactions quotidiennes dans la communauté sont généralement au niveau DISCON 1(*) (c’est super, tout va bien), et tombent occasionnellement au niveau DISCON 2 (insultes non personnelles) ou DISCON 3 (utilisation de grossièretés) ;
  • les contributeurs qui atteignent régulièrement le niveau DISCON 4 (insultes personnelles) sont encouragés à modifier leur comportement ;
  • les contributeurs qui atteignent le niveau DISCON 5 (menaces) sont fermement invités à cesser leur participation ;
  • les harceleurs récidivistes sont exclus des conférences et bannis des réseaux de discussion ;
  • les petits nouveaux et petites nouvelles sont informé.e.s sur les « brebis galeuses » et sur les personnes dont les retours sont sans intérêt ;
  • un code de conduite explique clairement quels sont les comportements encouragés et les comportements dissuadés ;
  • dès que de petites hostilités apparaissent, les membres de la communauté arrêtent ce qu’ils font, écoutent et s’excusent ;
  • la communauté dans son ensemble, y compris les responsables et les community managers, fait respecter les normes de communication.

Niveau 1 : embarquement

La phase suivante pour améliorer la diversité est de comprendre comment embarquer de nouveaux passagers. Si seulement entre 1 et 10 % des nouveaux venus ont une personnalité originale et que 90 % des personnes sont boulées dès leur première contribution, eh bien, vous ne pouvez pas espérer que toutes sortes de gens adhèrent à la communauté, n’est-ce pas ? Il est donc essentiel d’expliquer le mode de fonctionnement implicite de votre communauté, de sorte que les candidats de toute origine (qui sont souvent effrayés à l’idée de bouleverser l’ordre établi) sachent où ils mettent les pieds.

Dans une communauté accueillante de niveau 1, on trouve :

  • une documentation précisant par quels moyens interagir avec la communauté (irc, liste de diffusion, suivi des tickets (bug tracker), etc.) ;
  • des réunions dans la vraie vie pour encourager le travail en réseau avec les nouveaux membres ;
  • des discussions par vidéo ou en direct pour mettre un visage sur les noms et encourager l’empathie et la camaraderie ;
  • une documentation de base concernant les contributions relatives à la compilation, au fonctionnement, aux tests et au perfectionnement ;
  • un système de tests facilement accessible sur le Web pour les nouvelles contributions ;
  • des tutoriels détaillés et maintenus à jour ;
  • un guide de bonnes pratiques pour le code (ce qui est demandé, ce qui est facultatif et qui écouter quand il y a un désaccord entre les développeurs) ;
  • le planning des sorties (les releases des produits) et des dates-limites pour ajouter des fonctionnalités ;
  • des moyens pour faire un retour sur les contributions ne concernant pas le code (rapport de bug, documentation, tutoriels, tests, planification d’événements, graphismes).

Niveau 2 : contributions significatives

L’étape suivante consiste à savoir quoi faire de ces nouvelles recrues motivées. Si elles sont arrivées là en dépit d’une culture technologique malsaine, il y a de grandes chances pour qu’elles soient persévérantes, intelligentes, et à la recherche d’un défi. Si vous n’avez pas de vastes projets significatifs auxquels elles pourraient contribuer, elles s’en iront vers des cieux plus brillants.

Dans une communauté accueillante de niveau 2, on trouve :

  • des listes de tâches réservées aux nouveaux ;
  • de gros projets indépendants ;
  • des mentors accueillants et disponibles ;
  • des programmes pour payer les nouveaux venus (des stages, un summer of code, etc.) ;
  • des contributeurs chaleureusement remerciés, avec la reconnaissance explicite de ce qui a été réussi et de ce qui pourrait être amélioré ;
  • un canal de communication informelle pour trouver des idées avec les nouveaux (irc, liste de diffusion… n’importe quoi tant que ça fonctionne) ;
  • un code de conduite qui encourage les développeurs à être animés de bonnes intentions.

Niveau 3 : accompagnement

L’étape suivante pour une communauté, c’est de se demander comment retenir de nouveaux participants très divers. Comment allez-vous promouvoir ces nouveaux profils originaux afin de leur permettre d’avoir un impact sur la communauté au niveau de la gouvernance ? Si vos dirigeants ont atteint leur date de péremption, si l’on voit toujours les mêmes vieilles têtes, les gens partiront dès qu’ils voudront être plus présents dans la prise de décisions. Si des personnes brillantes quittent votre communauté, vous devriez peut-être mettre au point une façon de les garder parmi vous.

Dans une communauté accueillante de niveau 3 :

  • les avis critiques sont récompensés et les questions des nouveaux sur les points flous sont encouragées ;
  • les responsables et/ou les personnes qui font la maintenance tournent selon un planning défini ;
  • les arrêts et les vacances sont encouragés, ainsi les nouveaux « mainteneurs » ont plus de chance d’acquérir de nouvelles compétences ;
  • Les membres de la communauté rédigent des tutoriels sur la revue des correctifs (patch), la gestion des diffusions, et l’aspect social du développement de logiciel ;
  • des mentors pour les nouveaux intervenants lors des conférences sont épaulés par des mentors ;
  • le code de conduite encourage à éviter le burn-out et aussi à respecter les personnes qui quittent le projet.

Niveau 4 : empathie et vigilance

Une fois que vous avez réglé le problème des départs et que des moyens sont mis en œuvre pour éviter le burn-out des développeurs, il est temps de s’attaquer au problème qu’évite la majorité des geeks : la question des relations sociales. Vos leaders ont des opinions différentes, comme cela devrait être le cas dans toutes les bonnes communautés ! Néanmoins, il faut prendre des garanties pour éviter que celui qui parle le plus fort finisse par gagner par épuisement des autres, et pour que les personnes moins connues ou minoritaires puissent être entendues.

Dans une communauté accueillante de niveau 4 :

  • les développeurs, les chasseurs de bugs et tous les autres contributeurs sont sur un pied d’égalité ;
  • on effectue des mises au point sur des questions non techniques, telles que des discussions sur des problèmes culturels ou politiques avec un suivi clair de la part des responsables ;
  • la documentation est en constante amélioration ;
  • les dirigeants montrent leur capacité à reconnaître leurs erreurs et à modifier leur comportement face aux critiques ;
  • les community managers font des rappels au code de conduite quand c’est nécessaire ;
  • le code de conduite insiste sur la nécessité d’écouter les différents points de vue ;

Niveau 5 : diversité

Une fois que vous avez mené tous ces changements culturels, vous pouvez chercher activement encore plus de personnes originales et avoir l’espoir de les garder parmi vous.

Dans une communauté accueillante de niveau 5 :

  • le comité décisionnaire (quel que soit son nom) comprend au moins 30 % de nouveaux, et il y a une rotation des habitués ;
  • la recherche de nouveaux leaders se fait en dehors des réseaux et des têtes connues ;
  • la communauté participe à des programmes promouvant la diversité ;
  • la diversité n’est pas seulement une action de relations publiques, les développeurs cherchent réellement de nouvelles perspectives et s’efforcent de reconnaître leurs propres privilèges ;
  • lors des conférences, le genre de l’intervenant ne doit pas être un problème ;
  • lors des conférences, on peut s’occuper des enfants, savoir si les plats sont végétariens ou pas, et lire un règlement intérieur clair ;
  • la politique concernant l’alcool encourage les participants à prendre du bon temps plutôt qu’à se saouler ;
  • le code de conduite protège explicitement la diversité parmi les développeurs et présente l’éventail de leurs droits ;
  • le comité chargé de faire s’appliquer le code de conduite inclut des représentants de la diversité issus de la communauté.

Ce qui m’agace le plus c’est quand une communauté saute des étapes. « Hé, nous avons un code de conduite et on accueille les enfants mais les harceleurs notoires sont invités à nos conférences ! », « Nous voulons participer à un programme pour la diversité, mais nous n’avons aucun mentor ni aucune idée de ce qu’un contributeur pourrait faire sur le long terme ! ».

— Eh bien, faites d’abord votre révolution culturelle, s’il vous plaît !

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Photo Sarah Sharp  © pcofficina.org licence CC BY-NC-ND

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* DISCON (DEFCON Insult Scale for DIScussion – Échelle d’insulte DEFCON pour les discussions) est une échelle fictive qui s’inspire de DEFCON (le niveau d’alerte militaire des forces armées des États-Unis).




Libre@Toi, une webradio libre et bien davantage

Dans le milieu associatif et libriste, Libre@Toi commence à se faire un nom. Bien que sa visibilité publique soit encore récente, ce jeune projet est prometteur et représente l’aboutissement de l’activité opiniâtre d’une petite équipe qui met son énergie à concrétiser ses idéaux, depuis plus d’un an.

On peut déjà par exemple revoir des émissions comme l’atelier de Genma sur le chiffrement, parcourir la série des Liberté, égalité, surveillés d’Olivier…

Vous vous en doutez, lecteurs du Framablog, une association qui veut porter les valeurs du logiciel libre sur d’autres domaines de la société, ça nous parle… C’est pourquoi, à l’occasion d’un évènement prochain qui inaugurera ses activités, nous avons proposé à ses membres une petite centaine de questions. Ils ont tenu à répondre à plusieurs voix, et c’est tant mieux.

0.1 C’est quoi Libre@toi ? Faut mettre un astérisque au bout peut-être ?

Olicat : Libre@Toi*, c’est une plate-forme d’échanges, de partages et de pratiques. C’est un éventail étendu de possibles à s’approprier et à redistribuer. C’est aussi une invitation, d’où l’ *. Libre@Toi*
– *de créer,

– *d’inventer,

– *de t’informer,

– *de démonter,

– *de ne rien faire…

En gros, le principe est de fournir un cadre expérimental et pratique qui permettrait à quiconque de reprendre le contrôle des outils, concepts et techniques. Ce qu’on vise, c’est que chacun dispose des éléments qui lui permettront de se déterminer, peu importe le sujet. Se déterminer, c’est à dire faire un choix, adopter un positionnement politique. Or, ce qu’on observe, c’est qu’aujourd’hui la plupart des choix sont opérés par défaut, en déni des alternatives et possibles disponibles. Nous voulons être l’écho de ces possibles.

Pour arriver à ça, on a imaginé une plate-forme transmédia, un outil, qui distribue un contenu différent et adapté au support utilisé, chacun se répondant de façon cohérente et permettant de prolonger l’expérience et inscrire dans la durée les informations et ou compétences transmises.

Ainsi, une émission de radio abordant un thème particulier sera « éditorialisé » sur le site web et pourra donner lieu à une conférence, ou encore un atelier. Les travaux réalisés en atelier pourront eux aussi alimenter un wiki tandis que la conférence, filmée, alimentera les contenus multimédias du site.

J'ai fini par trouver la sortie du labyrinthe, l'équipe de Libratoi m'a aidé.
goofyPetitJ’ai fini par trouver la sortie de ce labyrinthe, l’équipe de Libr@Toi* m’a aidé.

4.21 C’est qui le chef ? Vous seriez pas un peu anarchistes quand vous parlez d’« horizontalité » plutôt que de « verticalité » ?
Clara : on est tous directeurs, comme ça y a pas de soucis hiérarchiques, chacun est responsable de lui-même, c’est déjà beaucoup.

Alexandre : les décisions sont prises en groupe. En fait, selon les sujets abordés, un chef naturel se dégage le temps du traitement du dossier. Chacun ses compétences, pas de lutte de pouvoir.

OliCat : la direction de l’association est collégiale, le système induit est donc l’autogestion. Comme le dit Alexandre, et compte tenu des compétences spécifiques de chacun, une personnalité prend assez naturellement le lead sur les autres en fonction des sujets. En revanche, les angles de traitement sont toujours déterminés de façon collégiale, peu importe le support qui sera envisagé (radio / web / conférence). Après, j’ai rien contre le fait d’être taxé « d’anarchistes ».

libratoi_changer-le-monde

5. Vous venez d’horizons assez différents, qu’est-ce qui vous motive pour avancer ensemble ?

Clara : tout à fait modestement, l’idée de changer le monde

Alexandre : tout comme Clara…et montrer à ceux qui se sentent isolés dans leurs valeurs que d’autres pensent comme eux et sont prêts à agir!

OliCat : Changer le monde est en effet le résultat visé. 🙂 Mais au fond, ce que nous croyons, c’est surtout que le monde a déjà changé, mais que les dynamiques qui lui permettraient d’émerger sont écrasées par les structures dominantes (idéologiques, intellectuelles, religieuses, politiques…) déjà obsolètes, mais qui s’accrochent…

7. C’est quoi votre « tiers-lieu », c’est où ça ? (à Paris, je parie)

Alexandre : à Paris, effectivement, mais nous avons pour ambition de nous déplacer dans toute la France… Les locaux sont à Paris mais l’avantage du web par rapport à la FM c’est que nous sommes audibles partout !

En fait, pour être précis, ce qu’on désigne par le tiers-lieu au fond, c’est la plate-forme elle même qui intègre le lieu, la radio, le site web (les sites en fait).

42. Qu’est-ce que c’est,  un lieu « libre et open source  » ? Un endroit pour boire des bières ?

Clara : on n’allait pas avoir un lieu privé et sous licence (IV) quand même ! vive la bière libre !

Alexandre : open-source de bière, littéralement, ça fait rêver !

OliCat : on parle de Libre et d’OpenSource parce qu’on a tous fait une école de commerce, et il paraît que c’est porteur…
Plus sérieusement, libre et open source parce que chacun des deux concepts exprime exactement la vision du monde que nous avons et que nous souhaitons promouvoir. C’est aussi pour que toutes les idées et compétences se croisent. Mais attention hein ! Après, c’est libre@toi d’adhérer ou pas. Notre credo, c’est que peu importent les choix, ils doivent être opérés en conscience de ce qui existe par ailleurs. Et enfin, oui ! J’espère qu’on y boira plein de bières.

42bis. Que représentent pour vous les valeurs du Libre ? Vous pensez qu’elles peuvent investir d’autres champs que celui du logiciel ?

OliCat : Oui, nous pensons vraiment que l’intérêt que certains portent par exemple aux problématiques environnementales procède des mêmes ressorts idéologiques que l’utilisateur de logiciels libres. Et là encore, pour nous, il s’agit de politique. Les valeurs du libre sont pour nous, le ciment du monde à construire.

Clara : ben oui, la conso par exemple, alimentaire ou autre :  savoir exactement ce que tu consommes, savoir  que ça va pas t’empoisonner, que ça a pas été fabriqué par des esclaves à l’autre bout de la planète ou que ta carte de fidélité à Supermarkettruc va pas servir à t’envoyer des pubs-à-la-con à ton insu, par exemple… La santé, aussi : on dit qu’on te soigne ou qu’on prévient tes maladies, mais qu’est-ce qui te garantit que t’es pas un produit du marché par la même occasion ? Aujourd’hui, on te brandit le spectre de l’épidémie pour te forcer la main sur les vaccins, celui de la chimio pour le cancer, ou des antilipidiques pour ton cholestérol,  en te disant que t’es un mauvais citoyen si tu te rebelles ! Tu fais surtout partie de marchés captifs qui génèrent le plus de thunes à la big pharma… L’environnement aussi : quelle est ta capacité réelle à choisir  l’air que tu respires, l’eau que tu bois, la terre sur laquelle tu veux faire pousser tes légumes, l’électricité qui fait tourner ton ordi, le carburant que tu mets dans ton réservoir de voiture ?

12. Oui hein soi-disant vous voulez libérer des tas de trucs et puis si on regarde bien dans vos projets, vous voulez faire des *ateliers* ! Bravo la mentalité du XIXe siècle, vous voulez nous faire travailler en fait ?

Alexandre : ouaip!

Clara : façon de lutter contre la société de consommation, la reine du prêt-à-penser massmédiatique avec ses guide-lists où on te donne point par point ce qu’il faut faire ou ne pas faire..et pis, l’union fait la force…et pis , on n’est pas des gourous…

OliCat : oui, c’est vrai qu’on est super réac sur le coup. Pas très tendance 2015 où les choses se gobent. Même la ministre de l’Éducation Nationale veut « offrir l’excellence à tous ». Pour Libre@Toi*, en effet, acquérir de l’autonomie, surtout dans le contexte actuel, ça implique des efforts. Et nous sommes convaincus que la promesse d’acquisition de plus de contrôle et d’autonomie est un moteur suffisant pour intégrer l’effort comme une nécessité finalement attrayante.

Par exemple, nous allons proposer un atelier « brique internet » avec nos amis de Franciliens.Net (fournisseur associatif d’accès à l’Internet), un bon moyen d’appréhender plein de notions (un peu de réseau, qu’est-ce qu’un VPN, que signifie s’autohéberger, etc.) qui elles-mêmes pourront se décliner en ateliers dédiés. Coté électronique fun, après sondage, il semble que ça amuserait pas mal de monde de fabriquer la télécommande conçue par Mitch Altman, celle qui coûte 10$ de matériel et permet d’éteindre toutes les TV. On aura également des initiations à Linux et aux logiciels libres, à la cryptographie. Il y aura différentes formes d’atelier. Des courts, et d’autres qui permettront de conduire la réalisation d’un projet sur deux ou trois séances. Sur les autres thématiques que celles informatiques et numériques que nous aborderons, nous avons quelques idées que nous devons formaliser en lien avec nos partenaires et intervenants.

33. Que pensez-vous apporter de plus par rapport à d’autres lieux associatifs parisiens ? Vous allez organiser des conférences, vous trouvez qu’il n’y en a pas assez déjà ?

Alexandre : nous allons organiser des conférences, mais à taille humaine, avec beaucoup d’interactivité. Notre plus est la diffusion de ces conférences sur la Voix du L@T. Et puis nous frayons depuis assez longtemps dans le secteur pour promettre à tous de beaux rendez-vous.

OliCat : précisément, Libre@Toi* est né du constat que les initiatives, certaines pertinentes, d’autres moins, existent et adressent toutes les problématiques et thèmes qui nous portent. Seulement, le système que toutes ces structures constituent est atomisé, presque exclusif. Les geeks parlent aux geeks, les pros environnement ou écolos s’adressent aux écolos. Chacun ses codes, ses lieux et souvent une communication clivante. Ce que nous souhaitons, c’est unir au maximum ces énergies très positives en faisant qu’au L@T* (le lieu physique), madame Michu (la fameuse) Mme Dupuis-Morizeau qui bouffe bio rencontre Goffi qui développe SaT, un système de communication Libre et décentralisé. Les luttes — c’est de cela qu’il s’agit dans les deux cas – n’ont pas convergé, c’est le défi de Libre@Toi* d’y parvenir.

6. oh les Libre@toi, je vois le nombre de domaines que vous voulez aborder pour changer le monde : « informatique libre, cyberculture, nouvelles technologies, écologie, arts nouveaux, alter-consommation, initiatives relevant de l’économie sociale et solidaire… », vous avez un planning, une toudouliste ? Quelles sont les priorités ? Parce que la libération du monde c’est pas pour demain matin…

OliCat : Si en fait, c’est pour demain. Le lancement de la plate-forme Libre@Toi*

Clara : si déjà chacun prend conscience de sa capacité à choisir, ou plutôt de ce que ses choix impliquent pour le monde, il se libère déjà lui-même, non?

Alexandre : le truc génial dans le libre c’est que tous les sujets se rejoignent à un moment donné… parce que le but est le même ! Et ce qui est encore mieux c’est que chacun d’entre nous est familier avec un ou plusieurs de ces secteurs.

10. Est-ce qu’il faut adhérer à votre association pour participer aux événements/actions/conférences/ateliers ?

Alexandre : Il y aura bien sûr une adhésion proposée avec différents niveaux d’implication et d’évènements proposés. Mais ce serait contraire à nos valeurs de réserver nos différentes activités aux seuls membres !

libratoi_webradio

13. Pourquoi commencer par une webradio, vous voulez retrouver l’esprit des radios libres ? C’est pas un peu has been ?

Clara : d’abord c’est sur une radio libre qu’on s’est rencontrés, c’était même une radio pirate à ses tout débuts (avant qu’on naisse ou presque, hein), et on a l’esprit d’équipe. Ensuite, la radio, tu peux l’écouter en faisant autre chose en même temps, c’est quand même un avantage certain pour un cerveau soumis de plus en plus à des contraintes multitâches.

Alexandre : Radio Libre ça n’existe pas, en fait il y a toujours une direction d’antenne, quelle que soit sa forme. Pour répondre, la radio est notre porte-voix, le moyen de faire connaître à tous et mettre en avant les sujets que nous défendons, que nous débattons… Et puis cela permet de sortir d’une localisation parisienne pour parler aussi bien aux Parisiens, qu’aux Marseillais, Nantais, etc.

OliCat : oui, tout ça. Et puis c’est vrai qu’on aime bien causer dans le micro. Sinon, comme le disait en clôture des assises de la radio en novembre 2013, on pense que  « La radio est un outil démocratique majeur et indispensable à notre société. La mission d’informer sur les grandes fractures et évolutions du monde, exige toujours de l’engagement et souvent du courage. » (discours de clôture des Assises de la radio, organisées le 25 novembre 2013)

99. Qui c’est qui va causer, dans la webradio ? Vous cherchez des zanimateurs ?

Alexandre : l’équipe de départ est déjà formée, et nous en sommes très fiers. Nous sommes des amis et nous nous connaissons depuis longtemps, nous avons beaucoup de points communs et beaucoup de différences ! La base est solide pour commencer, c’est très important, et la communication est très active entre nous. Au fur et à mesure nous ferons venir effectivement de nouveaux animateurs pour proposer l’antenne la plus riche possible.

OliCat : bien sûr, la grille accueillera à terme de nouveaux animateurs. Nous discutons actuellement avec des membres de certaines structures qui partagent nos valeurs et qui souhaitent contribuer aux programmes de Libre@Toi. Je ne les citerai pas pour le moment mais j’espère des annonces prochaines.

105.5 Vous allez diffuser la radio sur le web dans un format accessible et téléchargeable ? il faudra un lecteur particulier ou bien le navigateur suffira ? Ce sera des podcasts, du streaming ? du direct ? Et on pourra l’écouter sur un smartphone ? (une appli est prévue ?)

OliCat : bien sûr, écouter la webradio ne nécessitera rien de particulier côté client. Le site web intègre un player et l’ensemble est responsive. Peu importe le smartphone, l’écoute des programmes est possible pour tous sans avoir à installer quoique se soit. Par ailleurs, il est également possible de sélectionner son flux (ogg / mp3) et d’utiliser son player favori. VLC pour n’en citer qu’un 🙂

Nous prévoyons le développement d’une application Libre@Toi dans le futur mais qui ne se résumera pas à un player radio. Quand nous en serons à cette étape, cela signifiera que nous aurons acquis une légitimité et une audience suffisante. Nous avons hâte d’y être 🙂

87.5 Avec quels outils techniques vous faites fonctionner la radio ? Vous avez tout  monté vous-mêmes ? Vous avez un hébergeur qui va pouvoir servir vos 512 000 auditeurs ?

OliCat : Le cœur de la radio, c’est Airtime, une plate-forme open source qui permet de diffuser la radio en streaming en source directe ou planifiée. Il repose sur les librairies liquidsoap, le serveur de diffusion est icecast.

Concernant le site lui-même, nous avons opté pour Newscoop, un CMS open source qui provient du même éditeur, Sourcefabric. Newscoop est un très beau produit qui s’adresse tout particulièrement aux rédactions avec une structure et une gestion des contenus qui cadrent exactement avec notre volonté de mixer sons / images /vidéos et texte pour décliner les thèmes abordés.

L’améliorer et le modifier est de mon point de vue à la portée de n’importe quel développeur ou intégrateur web. Pour moi qui ne suis ni l’un ni l’autre, c’est un peu plus compliqué 🙂 En revanche l’intégration d’Airtime (player, planning dynamique, etc) est super simple.

Concernant l’hébergement, il est assuré par la société D4 dont William, l’un des fondateurs de Libre@Toi est le co-fondateur. Nous sommes ambitieux mais pas non plus (trop) mégalos. En fonction des premières statistiques d’écoute et de leur progression, nous ferons le nécessaire pour satisfaire les besoins en bande passante. D’autant que l’enrichissement de notre grille va être progressif, septembre sera pour nous un premier palier. Nous visons une grille complète d’ici la fin de l’année. C’est ensemble que le 02 avril 2015 nous avons signé et transmis nos statuts en préfecture, cette projection nous semble cohérente..

Et pour finir, oui, nous avons tout monté tout seuls !

8. Vous pensez pérenniser l’activité au point d’en faire une SCOP ou SCIC — comment comptez-vous financer le projet à moyen et long terme ?

OliCat : Le souhait de pérenniser l’activité est inscrit dans les statuts de l’association que nous publierons dans la version à venir du site. Le but, en effet, est d’être les propres incubateurs du modèle qui nous permettra, demain, de contribuer aux financements de projets libres (logiciel, hardware, sociaux…), salarier des gens, etc.  l’association a été créée pour cela. Au final, nous construirons peut-être une coopérative d’activités. Honnêtement, on ne sait pas quelle forme ça prendra. Le modèle économique, pour l’instant, est de croiser les sources de financements possibles des structures associatives, avec des propositions de services, qui eux seront payants. Plus tard, nous souhaitons que Libre@Toi puisse offrir un espace dédié à l’accueil de conférences organisées par d’autres associations issues du monde du libre et des alters.

11. Il est où, le crowdfunding ? Z’avez pas fait un crowdfunding ?

OliCat : En fait, on a fait le pari assez con de solliciter de la part de ceux qui rencontreraient le projet décrit sur libratoi.org, une adhésion #oupas à ce qu’on racontait, avec un objectif de démarrage de 3000€. Passer par une plate-forme de crowdfunding a été une option vite évacuée. Le côté ultra codifié du machin nous a saoulé. Et surtout, on avait rien à donner en contrepartie sinon la promesse de démarrer le projet libre@toi.

Eh bien l’histoire nous a donné raison, le délai ultra court de 3 semaines nous a effectivement permis de réunir la somme de 3000€ et même plus, le site web n’incrémentant que les dons paypal. Nous allons publier les comptes à l’issue de cette période de souscription et détailler chacun des postes de dépense. Cette expérience a été géniale et encourageante, nous avons eu des soutiens très hétérogènes, à l’image de ce qu’on veut faire de Libre@Toi.

12. Aux dernières nouvelles, vous avez trouvé des locaux pour diffuser la Voix du L@t, et héberger les évènements divers, mais aussi des actions à mener avec d’autres associations ?

Oui ! L’association va s’installer au cœur du projet « Les Grands Voisins » porté par l’association Aurore qui a signé avec l’APHP et la mairie de Paris, une convention d’occupation des 3,5ha, soit 60000m2 de locaux laissés vacants suite à la fermeture de l’Hôpital Saint-Vincent de Paul dans le 14ème arrondissement.

Nous allons donc disposer de 35m2 pour accueillir notre salle de rédaction ainsi que notre studio de radio. Par ailleurs, en vue de l’organisation des événements Libre@Toi* (ateliers, formations, tables rondes et autres conférences) nous utiliserons des espaces mutualisés gérés par l’association YesWeCamp qui est en charge de l’animation du lieu.

L’idée derrière cette organisation consiste en ce que les événements ne soient pas privatisés au seul bénéfice des associations ou collectifs organisateurs présents sur le site, mais qu’ils contribuent à la dynamique d’ensemble du lieu qui se veut participatif et ouvert sur la ville.

Nous avons aussi engagé les démarches pour qu’une branche de Libre@Toi* soit certifiée organisme de formation. Une envie que nous avions qui se justifie désormais avec notre arrivé sur ce site puisque qu’en coordination avec Aurore, nous allons organiser des ateliers d’insertions, notamment par la radio. À savoir, Aurore gère sur place un centre d’hébergement de 600 places.

Parmi les autres projets que nous mènerons en parallèle du développement de La Voix du L@T et nos différentes activités, il y a la mise en place d’une radio interne au lieu. De la mise en place technique à la formation des personnels d’Aurore et d’autres intervenants, l’objectif est de les rendre autonomes sur la gestion de ce média.

Enfin, concernant notre installation, nous avons imaginé un dispositif de co-construction participatif de notre mobilier à base de matériel de récupération et de déchets qui grâce à l’impulsion de Zone-Ah sera porté par l’association UpCycly. Nous souhaitons conclure par une grosse fête d’inauguration qui mixera tables rondes, happenings, mini-concerts, etc.

1515. Et c’est pour quand ce grand lancement ?

L’inauguration aura lieu autour du 15 octobre. Pour en savoir plus le moment venu, stay tuned, comme on dit à la radio : restez à l’écoute de La Voix du L@T !

Nous à Framasoft, nous sommes très heureux quand des initiatives comme la vôtre se concrétisent et se développent en synergie (novlang alert!) avec d’autres courants libristes. Un plein succès à Libr@Toi et ses nombreux projets !




Windows 10, GNU Linux et Framapack : passez à la vitesse Libre !

La sortie d’un nouveau windows est toujours une belle nouvelle pour nous… C’est l’occasion de dire à notre entourage « quitte à devoir changer vos habitudes, pourquoi ne pas passer sous GnuNux ? »

Cet argument a beau faire mouche, il ne fonctionne pas tout le temps auprès des Dupuis-Morizeau (ça faisait longtemps qu’on n’avait pas parlé de notre sympathique famille-témoin Normande, hein ?). Qu’à cela ne tienne, on est parés à tous niveaux.

Image : blog de rmarquez
Image : blog de RMarquez 22

Microsoft, vous nous avez gâtés <3 !

Vous avez probablement lu une pléthore d’articles sur cette nouvelle sortie et les aberrations fonctionnalités qui l’accompagnent. Il faut dire que les arguments de vente et les choix stratégiques de la firme de Redmond sont autant de raisons de passer au Libre. Plutôt que de tout réécrire, voici un petit inventaire à la Prévert des raisons qui peuvent faire mouche…

Mais si vous voulez malgré tout rester sous Windows…

…on peut l’entendre ! Y’a des moments où on n’a pas le choix, pas l’envie, où on se sent pas les épaules… Essayer de vous culpabiliser sur ce point, ce serait juste créer un dogme, une morale, un « bien » et un « mal » se substituant à votre esprit critique.

Néanmoins, quitte à réinstaller Windows, pourquoi ne pas en profiter pour y utiliser un maximum de logiciels Libres ? Et ce n’est pas compliqué, pour cela, il y a Framapack !
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L’équipe de Framasoft tient à chaleureusement remercier Pyves, un de nos framacolibris pour ce magnifique boulot réalisé sur RevealJS via les dessins de Gee. Cette présentation est sous licence CC-BY-SA, n’hésitez donc pas à la partager largement et librement autour de vous.

La voie est Libre !

Chez Framasoft, nous croyons à la politique du meilleur effort. Il peut être difficile d’effacer le M de GAFAM de sa vie, et d’arrêter Windows. Pourtant, les arguments contre son utilisation ne manquent pas… et si l’envie vous en prend, vous trouverez certainement une communauté près de chez vous pour vous aider à passer sous GNU/Linux et installer un système d’exploitation qui respecte VOS libertés.

Néanmoins, il est aujourd’hui très facile d’installer un maximum de logiciels Libres (donc qui respectent vos libertés à vous) sur votre ordinateur… C’est souvent le premier pas qui a permis à nombre de Linuxien-ne-s de cheminer sur cette route parfois longue, mais dont la voie est, et reste, Libre 😉




Ne plus supporter la pub sur le Web

C’est un débat déjà ancien et qu’on croyait devenu de basse intensité, mais qui prend ces derniers temps une acuité nouvelle : la publicité sur le Web, toujours plus intrusive, toujours plus vorace, toujours plus dévoreuse de notre confidentialité, est-elle une sorte de mal nécessaire ou une pure nuisance à éradiquer ?

La publicité est le plus souvent justifiée par son pouvoir économique. Publier sur le Web n’est pas gratuit, que ce soit pour les médias d’envergure, les associations ou les particuliers. La tentation est donc grande de disposer sur les pages web avec une discrétion variable des bandeaux publicitaires, des annonces adsense, des calamités visuelles de toutes sortes… car l’inventivité des agences de pub est illimitée.

Rien d’étonnant que de nombreux internautes installent systématiquement un bloqueur de pub, en une course elle aussi perpétuelle pour remplacer Adblock Plus par Adblock Edge puis par uBlock puis par uBlock origin (et puis je vous mets une pincée de Ghostery ?) et puis… mesures et contre-mesures se succèdent dans un paysage visuel qui ressemble à un champ de bataille : des sites demandent gentiment — ou intiment l’ordre — de désactiver les bloqueurs, tandis que le petit peuple du Libre échange frénétiquement les adresses des adbloqueurs les plus efficaces.

Faut-il se résigner à cette guerre fastidieuse et accepter qu’une part au moins du web, puisse dépendre de la publicité comme le suggère Tristan Nitot dans un article récent ? Ou bien faut-il faire table rase de tout argument en faveur de la publicité sur le web,  comme Clochix dans le « coup de gueule » qu’il publie sur son blog en réponse à Tristan ?

C’est la diatribe de Clochix que nous reproduisons ici, non pour attiser une polémique (car les contradicteurs se connaissent bien et s’apprécient) mais pour permettre un échange dans nos colonnes et en commentaires.

Deux précisions importantes :

  • Clochix après le petit buzz qu’il a créé reconnaît volontiers que son article n’est pas complet, en particulier parce qu’il n’a a pas pris le temps d’aborder les modes de monétisation alternatifs. S’il désire ajouter des éléments, nos colonnes lui seront ouvertes. [MISE À JOUR] Nous avons à peine le temps de publier que déjà Clochix vient de compléter avec un nouvel article : Comment se protéger, comment participer.
  • Tristan quant à lui a reconnu qu’il aurait dû préciser que sa défense (relative) de la publicité concernait essentiellement les grands sites de médias, la presse en ligne. Il va sans dire que ses commentaires et réactions sont bienvenus ici ou naturellement sur son blog.

— mais c’est surtout vous lecteurs du Framablog dont nous attendons que vous participiez à ce débat : bloquez-vous tout ou partie des publicités, pourquoi ? Avez-vous recours au financement par la publicité de votre présence sur le Web ? Avez-vous trouvé des modes de financement alternatifs qui vous permettent de vous dégoogliser ?

Nous vous rappelons que le Framablog ainsi que tous le services de Framasoft vous sont proposés débarrassés de toute pollution publicitaire, grâce aux donateurs qui sont l’unique ressource de l’association. Merci de votre soutien !

 

Faut-il bloquer les publicités ?

par Clochix

clochix_himselfJ’ai été si outré par quelques phrases portées à ma connaissance cette semaine que je reprends le clavier le temps d’un rapide coup de gueule. Dans le 28e chapitre de son prochain livre, qu’il prépublie sur son carnet, Tristan conseille de ne pas bloquer la réclame dans son navigateur. Une fois n’est pas coutume, je ne peux pas être moins d’accord avec lui, surtout au vu de ses arguments.

J’encourage pour ma part tou·te·s les internautes à bloquer par tous les moyens les publicités qui envahissent certains sites. Quelques raisons en vrac de refuser la réclame sur le Web :

  • la publicité est bien plus efficace si elle est ciblée. De ce fait, nombre de régies publicitaires ne se contentent pas d’afficher des bandeaux colorés, mais tracent toutes vos habitudes, afin de cerner votre profil et d’augmenter la probabilité que vous cliquiez sur leurs affiches. Par exemple en vous bombardant de réclames pour des régimes si elles détectent que vous complexez sur votre poids. Les publicités espionnent ce que vous faites, vous traquent de site en site. Pour préserver votre intimité, bloquez les publicités !
  • grâce à ces profils, les publicités créent des envies, déclenchent des actes (des achats par exemple) que vous n’aviez pas décidés consciemment. C’est une forme de manipulation, de viol de votre libre-arbitre. Pour conserver votre libre-arbitre, bloquez les publicités !
  • les publicités rendent la navigation sur de nombreux sites désagréables. Leur poids ralentit considérablement le chargement, leurs couleurs criardes, voire leurs animations, distraient l’œil de sa lecture. Parfois une publicité apparue soudainement intercepte un de vos clics et vous entraîne sur un site que vous ne souhaitiez pas visiter. Lorsque votre connexion internet est de faible qualité, par exemple sur un ordiphone, la publicité rend la navigation particulièrement désagréable. Pour votre confort, bloquez la publicité !
  • le poids de publicité ralentit le chargement des pages, mais augmente aussi la quantité de données téléchargées. Si vous n’avez pas une connexion illimitée (sur mobile), vous risquez de payer pour le chargement des publicités. Et même si vous avez une connexion illimitée, ces publicités pèsent dans le trafic réseau de votre opérateur, consomment beaucoup de bande passante, qu’à un moment ou un autre il faut bien payer. Pour le bien-être de votre porte-monnaie, bloquez la publicité ! (et pour les ours polaires, car afficher les bannières Flash consomme de l’électricité, donc contribue au réchauffement de la planète) ;
  • la publicité affiche sur des sites auxquels vous faites confiance des contenus créés par des tiers qui eux ne sont pas forcément de confiance. Des ordinateurs sont régulièrement infectés par des logiciels malveillants diffusés via des publicités piégées affichés sur des sites anodins. Récemment encore, des sites de Yahoo ont diffusé à leur insu de tels logiciels malveillants. Bloquer Flash réduit considérablement la menace, mais pas totalement. Pour votre sécurité, bloquez la publicité !
  • TF1 est une entreprise qui vend à des annonceurs du temps de cerveau de ses téléspectateurs. Dans un modèle économique basé sur la publicité, vous devenez le produit dont le site fait commerce. Si un site vit essentiellement de la publicité, alors c’est que vous êtes la marchandise qu’il vend. (un célèbre évangéliste francophone utilise une métaphore porcine pour rappeler ce fait et encourager les internautes à payer les services qu’ils utilisent) Pour ne pas être une marchandise, bloquez la publicité !
  • certains médias dépendent de la publicité. Leur but est donc de maximiser le nombre de lecteurs de leurs articles. Quitte à recourir à des méthodes putassières, comme les titres sensationnalistes sans rapport avec le fond de l’article. Parfois, la rémunération des auteurs dépend du nombre de lecteurs de leurs articles. Dans certains médias, les journalistes sont donc encouragés à écrire des articles générant le plus de vues possibles. La qualité ne payant pas toujours, c’est le plus souvent un encouragement au sensationnalisme, aux approximations, à la création et monté en épingle de polémiques… À terme, tout cela décrédibilise les sites d’information et les journalistes dans leur ensemble. Un journaliste ne devrait pas être évalué sur sa capacité à faire gagner de l’argent aux annonceurs. On a vu également que certains annonceurs influent sur la ligne éditoriale des médias. Apple par exemple ne veut pas que ses publicités soient à côté d’informations tragiques. Va-t-on arrêter d’informer sur les guerres et autres catastrophes pour faire plaisir aux annonceurs ? Pour la survie du journalisme, bloquez la publicité !
  • un des gros problèmes du Web est la difficulté à rémunérer les auteurs qui le souhaitent. Il n’existe toujours pas de mécanisme simple, universel, respectueux de la vie privée, largement déployé, permettant de rémunérer l’auteur d’un article. Je suis persuadé que c’est une des plus grandes faiblesses actuelles du Web. Elle perdure notamment parce que le besoin n’est pas criant : la publicité joue ce rôle pour de nombreux sites, donc ils n’ont pas besoin d’inventer un meilleur système. Si de nombreux internautes bloquaient les réclames, le besoin d’inventer de nouveaux modèles économiques se ferait plus pressant. Et j’espère que ces modèles seraient plus vertueux. Pour encourager le Web à évoluer, bloquez la publicité !
  • je vous épargne le couplet politique rappelant que la publicité est un moyen de propagande pour un modèle de société suicidaire et encourage les discriminations en véhiculant d’innombrables clichés. Si vous avez du cœur, bloquez la publicité !

stoplapub

Je trouve par ailleurs discutables les arguments de Tristan pour encourager ses lecteurs et lectrices à ne pas remettre en question les modèles économiques fondés sur la vente de l’attention des citoyens :

« En effet, la publicité est la principale si ce n’est l’unique façon pour l’immense majorité des sites Web de se rémunérer »

Je brandis aussitôt ma pancarte pour demander les chiffres permettant d’affirmer que « l’immense majorité des sites Web » se rémunère grâce à la réclame. Wikipédia ne fait à ma connaissance pas appel à la publicité, pas plus que des millions de sites personnels, les sites vitrines qui présentent une entreprise, une association ou autre. Je ne suis pas sûr que l’existence de la majorité des sites Web dépende de la réclame. Le Web ne mourra pas si demain nous bloquons toutes et tous les réclames. Si j’ai bonne mémoire, la publicité était absente des premiers sites qui m’ont fait aimer le Web, qui m’ont fait découvrir ses potentialités pour la liberté d’expression, le débat d’idée ou le partage de connaissances. Le Web peut parfaitement se passer de la publicité.

« En bloquant la publicité (…) les sites n’auront plus les moyens de publier du contenu original et de qualité ».

Je ne suis pas du tout sûr du lien entre la publication de contenu « original et de qualité » et les sites vivant de la vente de temps de cerveau disponible. Intuitivement (oui, ça n’est pas scientifique), j’aurais plutôt l’impression que les sites tirant l’essentiel de leurs revenus de la publicité sont plutôt des fermes à contenu, qui ne publient rien d’original mais pompent des informations publiées par d’autres en les affublant de titres putassiers pour « faire du clic ».

C’est d’autant plus gênant que l’histoire prouve que la presse indépendante est une condition essentielle pour avoir une démocratie en bonne santé…

Euh, quel est le rapport entre le financement de sites Web par la publicité, une presse indépendante, et la choucroute ? Le Canard enchainé, symbole de la presse indépendante française, a publié il y a quelques jours son bilan financier 2014. Le journal est toujours en excellente santé. Or, il ne me semble pas qu’il se rémunère en infligeant des placards publicitaires à ses lecteurs. Sur le Web, l’équivalent du Canard, Mediapart, est également résolument sans publicité, et n’a pas l’air de s’en porter plus mal. Tout comme des dizaines de médias indépendants qui enquêtent et informent, Basta, CQFD, Fakir, Politis et tant d’autres. Bien sûr, de nombreux sites de diffusion d’information, comme Le Figaro, Libération ou le Monde, affichent de la publicité, et en dépendent en partie. Mais peut-on qualifier ces entreprises, propriété d’oligarques, de médias indépendants essentiels à la démocratie ? Lorsqu’un marchand d’arme ou un quelconque affairiste s’achète des médias, le fait-il afin de garantir l’existence d’un des piliers indispensables de la démocratie, ou pour défendre ses intérêts ? Le ménage en cours dans les médias du groupe Bolloré n’est que le dernier exemple de l’indépendance toute relative des organes contrôlés par des financiers. Par ailleurs, bien conscients de l’importance des médias pour la démocratie, les citoyens français consacrent une partie de leurs impôts à financer la presse. D’après Wikipédia, nous avons versé en 2012 1.2 milliards d’aides à la presse. Le Figaro de Serge Dassault a été subventionné à hauteur de 18.2 millions d’euros. Nous participons donc déjà, via ces aides, via la redevance audio-visuelle, à la survie de la presse (et à l’enrichissement d’éditocrates qui nous crachent à la gueule à longueur de temps). Est-il indispensable, pour sauver la démocratie, de s’infliger également les encarts promotionnels qui débordent de leurs sites ?

Je m’égare un peu, et ne voudrais pas y passer toute la journée, donc, pour conclure, un dernier conseil : bloquez les publicités ! Merci de votre attention.




Le Libre et les Makers s’invitent à la fête de l’Humanité 2015 (et ont besoin de vous !)

L’an passé, Framasoft participait à la Fête de L’Humanité.

Nous avions alors longuement interviewé Yann Le Pollotec (informaticien, membre du conseil national et animateur de la réflexion sur la révolution numérique au Parti Communiste Français) à qui nous avions posé de nombreuses questions, notamment sur le positionnement du Parti Communiste vis-à-vis du logiciel libre.

Cette année, l’initiative est renouvelée… mais en plus grand ! Avec un « Espace du libre, des hackers et des fablabs ».

L’occasion pour nous de demander à Yann quelles sont les nouveautés de cette année 2015.

L'espace Logiciel Libre / Hackers / Fablabs de la fête de l'Huma 2014
L’espace Logiciel Libre / Hackers / Fablabs de la fête de l’Huma 2014

Bonjour Yann, exceptionnellement, nous n’allons pas te demander de te présenter, ni de nous parler du rapport PCF/Logiciel libre, car tu nous avais déjà répondu l’été dernier. En revanche, peux-tu nous en dire plus sur cette version 2015 de l’Espace du libre ?

Cette année l’Espace du libre et des fablabs double sa superficie avec de nouveaux venus : l’association La Mouette qui présentera la dernière version de Libre office, Mozilla France, APEDEC Ecodesign Fab Lab, l’Electrolab, Marker Girls, Bionico Hand. Nous aurons un grand débat sur le « big data et digital labor » avec Yann Moulier Boutang le samedi 12 septembre à 10h30.

Un autre débat  aura lieu le vendredi 11 à 17h30 sur « les libertés et les droits sur l’Internet après les lois anti-terroristes et renseignement », avec Cécile Cukierman sénatrice, Véronique Bonnet de l’April, la Quadrature du Net et la CNIL. Enfin Nicolas Huchet avec sa prothèse de bras intelligent « open hardware » qu’il a développée, sera présent.

Un mur entier sera consacré à l’exposition pédagogique sur le logiciel libre et ses enjeux, installation conçue pour cet événement  par le collectif Tiyounim.

Garder une place pour les mouvements du Logiciel Libre, des Makers, Hackers et Fablabs à la fête de l’Huma a un sens… Quels ont été les moteurs de cette décision ?

Ce qui motive notre décision c’est que ces mouvements avec leurs contradictions, et parfois leurs difficultés à créer des écosystèmes viables, sont fascinants, et leurs acteurs jouent le rôle des accoucheurs passionnés et tourmentés du monde de demain et d’un autre rapport au travail, à la propriété et à la création.  Ils préfigurent à bien des égards une société post-capitaliste fondée sur la notion de Commun, d’une manière certes encore minoritaire, fragile mais résiliente, balbutiante mais virale.

Tout cela ne se fait pas sans contradictions, et difficultés pour créer des écosystèmes viables, avec un « capitalisme cognitif » pour reprendre l’expression de Yann Moulier Boutang qui a à la fois besoin de ces communs numériques que sont par exemple les logiciels libres mais qui, en même temps, entrave leur développement en tentant de s’accaparer le bien commun en posant de nouvelles enclosures.

C’est, une fois de plus, un gros village associatif qui sera proposés aux visiteuses et visiteurs. Quels acteurs seront présents ?

Dans l’ordre alphabétique : APEDEC Écodesign Fab Lab, April, Bionico Hand, Camille Bosqué, Carrefour numérique au carré, Electrolab, Collectif Emmabuntüs, FDN, Franciliens.net, Framasoft, Licence Creative/Creative Commons France, Marker Girls, La Mouette (Libre office), Mozilla, Open-Edge, Les Ordis libres, Parinux, Petits Débrouillards Idf, La Quadrature du Net, Ubuntu.

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Organiser une telle rencontre entre le Libre et les visiteurs et visiteuses de la fête de l’Huma, ce doit être un sacré travail… Tu peux nous expliquer à quoi ressemble tes (et vos) heures passées dessus ?

C’est d’abord un travail collectif avec tous les acteurs qui seront présents sur l’espace et qui l’auto-gèreront. C’est un travail de contacts, de communication, d’explication, de promotion, de pédagogie et de conviction. Il s’agit aussi et surtout d’organiser la coordination avec toutes les parties prenantes de la fête : architecte, programmateurs, régisseurs, services techniques, sécurité, prestataires de services et militants.

Afin de financer une partie des frais, vous avez initié une campagne de financement participatif. Pourquoi ce choix de la collecte et à quoi va servir cet argent ?

La fête de l’Huma met à disposition pour notre Espace une surface de 300m² qu’elle loue au Parc des expositions du Bourget. En échange, par le financement  participatif nous assurons la réalisation et l’impression du mur d’expo sur les logiciels libres et les flyers présentant l’Espace, les frais liés à la venue de Rennes à la fête de Bionico Hand, l’électricité, l’accès l’internet haut-débit, la location de mobiliers, les parkings pour les livraisons, et une caisse de solidarité sur les passes d’entrée à la fête de l’Huma afin de permettre la participation des bénévoles nécessaires au fonctionnement des associations parties prenantes et de couvrir une partie des frais de location de surface engagés par la fête de l’Huma. Nous avons choisi le crowdfunding car il représente pour financer un projet la possibilité d’échapper aux banques et aux contraintes de la subvention publique, en s’émancipant de décideurs publics ou privés souvent au mieux indifférents ou étrangers à ce qu’on leur présente.

Alors pour faire vivre l’espace des logiciels libres, des hackers et des fablabs à la fête de l’Humanité,  contribuer ou faites contribuer sur : https://fr.ulule.com/logiciellibre-fablab/  (clôture de la campagne le 6 septembre à minuit).

Un petit mot pour la fin ?

Nous avons la volonté de faire de cet espace co-produit part des acteurs du mouvement des logiciels libres et des fablabs, un lieu d’appropriation sociale et politique par le « faire », le ludique et le débat des enjeux cruciaux du numérique. Il s’agit, dans une démarche d’éducation populaire de faire toucher du doigt au public de la fête de l’Huma les potentialités émancipatrices comme les dangers de la Révolution numérique pour l’avenir de notre société.

Vous avez jusqu’à dimanche (6 septembre) pour soutenir et faire vivre cette initiative, en finançant et/ou partageant la collecte sur Ulule.

 




Aménager son igloo avec Sweet Home 3D

L’été c’est le moment des vacances, le farniente, les apéros, la plage… Mais c’est également la période où l’on profite des longues journées et du beau temps pour faire des travaux dans la maison.
Notre pinchot se sentant l’âme d’un bricoleur a choisi de réorganiser son igloo. Mais avant de tout casser, il aimerait bien voir ce que ces aménagements pourraient donner. C’est là qu’il tombe sur ce superbe logiciel Sweet Home 3D qui va lui permettre de visualiser les agencements prévus.

Rencontre avec Emmanuel Puybaret, son concepteur, et Véronique, sa community manager.

Bonjour, pouvez-vous nous présenter le logiciel Sweet Home 3D ?

Abri de jardin

Emmanuel : Sweet Home 3D est un logiciel libre d’aménagement intérieur qui permet de dessiner des plans de logements, d’y placer des meubles et de visiter le résultat en 3D. Il est très complet et facile d’utilisation. C’est un peu la 3D pour les nuls ! Sa première version date de 2006 et correspond à une étude de cas décrite dans Les cahiers du programmeur Swing que j’avais écrit pour les éditions Eyrolles. Cet ouvrage faisait lui-même suite à mon Cahier du programmeur Java dont la première édition date de 2003. Tout ça pour dire que Sweet Home 3D est développé en Java et que toute cette expérience acquise avec le temps m’a bien aidé pour obtenir un programme stable et performant.

 

La version 5 vient de sortir ce mois-ci, quelles sont les nouveautés les plus remarquables ?
Emmanuel : Depuis presque 10 ans – et notamment depuis votre dernier article qui regrettait l’absence de niveaux, ajoutés depuis ;-), le logiciel s’est vraiment beaucoup enrichi. La version 5 permet des rendus toujours plus réalistes (ajout de plinthes, intégration de portes arrondies ou de fenêtres triangulaires…) mais aussi la conception d’aménagements plus détaillés (dessin de flèches et de schémas de toutes sortes, ajout de textes libres en 3D…).
Véronique : Outre l’aménagement, on sent de plus en plus un besoin d’utilisation du logiciel dans des pré-projets de construction : avant de faire appel à un architecte, de nombreuses personnes, partout dans le monde, ont envie de « rêver » leur maison. C’est chouette.

 

J’ai envie d’aménager un igloo, c’est possible ?
Emmanuel : Zut, là, vous me posez une colle car, dans Sweet Home 3D, les murs ne peuvent être que verticaux ! On peut faire des murs arrondis, des murs en sous-pentes, mais, pour des igloos ou des coupoles, il faudra que vous passiez par une astuce… par exemple, en important un igloo de la bibliothèque 3D Warehouse au format KMZ / Collada. C’est étonnant d’ailleurs comment les utilisateurs de Sweet Home 3D arrivent à trouver des tas d’astuces pour arriver à leurs fins. Et puis, si vous voulez programmer des fonctionnalités plus complexes, vous pouvez essayer de développer un plug-in, tout est expliqué sur le site du logiciel.

 

Exemple de plan

Sweet Home 3D, cela a une consonance anglaise, mais ce ne serait pas un projet français ?
Emmanuel : 100 % français, oui, mais à visée 100 % mondiale.
Véronique : …et au-delà !
Emmanuel : Maintenant le logiciel est disponible dans 25 langues ! C’est un des trucs formidables du logiciel libre : nous avons régulièrement des propositions de traduction du logiciel et on trouve même des tas de tutoriels sur YouTube dans différentes langues. De même, le forum est très réactif, très sympathique. L’aménagement ou l’architecture semblent être des sujets sans fond et, si jamais je manquais d’idées pour améliorer ce logiciel, les propositions des utilisateurs fourmillent. Merci à eux !

 

Quel est le lien entre Sweet Home 3D et eTeks ?
Emmanuel : C’est le nom de ma boite, tout simplement. Comme Sweet Home 3D, ça sonne anglais, mais ce n’est pas non plus trop dépaysant pour un public français.

 

Vous pouvez nous présenter les différentes personnes qui interviennent autour de ce projet ?
Emmanuel : Euh… moi, essentiellement, pour le développement en tout cas. Mais il y a aussi les créateurs de meubles en 3D, les participants les plus actifs du forum, les traducteurs comme je l’ai dit… Et depuis 5 mois, il y a Véronique qui m’aide pour la communication. J’ai senti que c’était nécessaire pour mieux animer cette communauté que je ne prenais pas assez de temps de connaitre et de faire reconnaitre.
Véronique : J’ai mis notamment en place une série d’articles sur le blog sur les différentes utilisations du logiciel qui s’intitulent : « Et vous, vous faites quoi de votre Sweet Home 3D ? ». Je viens de commencer, mais il y a de quoi faire une véritable saga, vous verrez !

 

Dans les utilisations « détournées » de Sweet Home 3d, saviez-vous que notre ami Gee, utilise le logiciel comme support pour les décors dans sa BD « Superflu » ? Avez-vous eu d’autres retours atypiques d’utilisation ?

Emmanuel : Oui, on aime bien ce qu’il fait et Véronique projette de faire un entretien avec lui à la rentrée (s’il veut bien !). Dans le genre atypique, il faut aller voir aussi sur le blog de Sweet Home 3D ou sur notre page facebook la reconstitution du Château de Rochecorbon, le vaisseau spatial de Star Trek ou le projet de ferme écologique en Afrique. Ce sont des super projets !

 

Modélisation d’une chambre pour la BD Superflu de Gee.

Pourquoi le choix du libre ?
Emmanuel : C’était dans les gènes de Sweet Home3D. Il devait forcément être open source puisque publié dans un livre. Alors, quitte à ouvrir son code source, autant le faire sous une licence libre. Sans être super militant, j’avais bien perçu les avantages d’une licence comme la GNU GPL dans des projets précédents : le partage des connaissances, l’ouverture au monde, l’aide des contributeurs, l’accès à des référentiels comme SourceForge.net, mais aussi la possibilité, avec cette même licence, d’opter pour un modèle de licences multiples. C’est justement ce modèle qui nous permet de vivre de ce projet : ventes de licences propriétaires à des sociétés qui veulent étendre les fonctionnalités du logiciel sans publier le code source de leurs modifications, mais aussi ventes sur l’Amazon Store et le Mac App Store d’une version intégrant tous les meubles sous licence libre disponibles pour le logiciel.

 

Avez-vous besoin d’aide ? Si oui, comment peut-on faire ?
Véronique : Ce n’est pas toujours facile de savoir ce qui motive une communauté : sur Facebook, on avait fait un « jeu des 7 différences », mais personne n’a joué ! Plus sérieusement, toutes les contributions sont bienvenues : documentation, participation au forum, création de meubles en 3D libres avec Blender ou Art of Illusion, par exemple. Pour les designers 3D en quête de reconnaissance, sachez que les pages consacrées aux modèles 3D sont désormais très bien référencées dans Google.
Emmanuel : Quand on pense aux débuts de Sweet Home 3D où j’ai été obligé de concevoir les premiers meubles en 3D moi-même, je suis très content d’avoir contribué aussi à l’émergence de bibliothèques de modèles 3D libres, 10 ans après.

 

Envie de réagencer son salon ?

Un dernier mot pour conclure cet entretien ?
E & V : Merci beaucoup, Framasoft, de votre travail en général et, en ce qui nous concerne, de nous avoir référencés dès nos débuts et de continuer à nous donner la parole. À bientôt !

 




Aujourd’hui, je dégooglise ma famille !

Dégoogliser le monde ? Oui, mais par où commencer ? Une fois qu’on a soi-même fait un premier effort pour se désintoxiquer des services prédateurs si pratiques, on souhaite qu’autour de soi aussi l’assuétude générale s’atténue et que peu à peu se dessine une autre tendance : que chacun ait la possibilité de reprendre la main sur sa vie numérique.

— Commençons par nos proches !

Telle est la démarche modeste et pragmatique qu’a choisie Nathanaël Leprette. Un drôle de numéro, comme vous allez le découvrir dans l’interview qui suit : une sorte de généreux citoyen du monde, un globe-trotter humanitaire… ce n’est pas un hasard si ce libriste convaincu a aussi retroussé ses manches pour proposer à son cercle familial des adresses mail personnalisées, un hébergement. Et ce n’est sans doute qu’un début…

Chez Framasoft, nous sommes ravis de voir poindre, s’épanouir et se multiplier de telles initiatives, parce que ce sont précisément ces intermédiaires convaincus et disposant d’un minimum de compétences techniques qui peuvent aider le mieux à diffuser la dégooglisation. Comme Nathanaël aujourd’hui, nombreux sont les lecteurs de ce blog qui peuvent franchir le pas ou ont déjà commencé à le faire, seuls ou dans un réseau familial, associatif, professionnel…

Faites-nous part de vos projets et de vos succès de dégooglisation quelle qu’en soit l’échelle, vous donnerez des idées aux autres et le mouvement s’accroîtra d’autant plus vite !

Bonjour Nathanaël, tu fais quoi dans la vie ?

nathanaelLepretteJe suis volontaire un peu partout sur des projets très différents mais je n’ai plus de travail rémunéré depuis trois ans et demi (parfois je paie même pour être volontaire… en Asie, c’est devenu courant). Je vis en autofinancement, sur mes épargnes, un voyage à petit budget donc 🙂

J’ai travaillé dès que j’ai pu pour mettre des sous de côté. J’ai étudié mais n’ai jamais vraiment exercé le métier d’ingénieur en Thermique du Bâtiment et Énergies Renouvelables auquel mon diplôme m’a pourtant formé.

Je voyage pour partager avec mes frères et sœurs du monde entier. Je suis parti pour les connaître. J’avais prévu un tour du monde en trois ans, cela fait 3 mois que les trois ans sont écoulés et je n’ai pas encore complètement quitté l’Asie.

Je retourne bientôt en Iran pour y apprendre pendant un an les langues perses et arabes. J’y travaillerai aussi sans doute un peu. Et puis je veux renouveler mon projet Ecole, World y Camino qui jusqu’alors m’emmenait dans les écoles du monde à la rencontre des enfants pour leur ouvrir une fenêtre sur l’ailleurs et leur proposer de participer à un relais international de dessins d’enfants.

Pour proposer des services comme l’hébergement de pages et la gestion d’adresses mail, il faut tout de même avoir des compétences que tout le monde n’a pas dans ta famille, je suppose. Tu peux nous dire comment tu t’y es pris techniquement pour pouvoir faire cette sympathique proposition à tes proches ?

J’ai eu cette idée dès le début en fait. Je veux dire, dès que j’ai compris ce qu’est Internet et le monde libre. Je suis un visiteur de Framasoft depuis de très nombreuses années (vers 2004 au moins) et j’ai toujours préféré utiliser Firefox et VLC. OpenOffice portait un autre nom à l’époque et Libre Office n’existait pas encore… « Le logiciel libre » est un concept qui m’attirait avant même de bien le comprendre. Le déclic s’est fait à la suite de deux vidéos qui ne parlaient pas de Logiciels Libre mais d’Internet, celle très connue de Benjamin Bayart sur le Minitel 2.0 et celle de Michel Serres, plus confidentielle, Les nouvelles technologies : révolution culturelle et cognitive.

C’est une phrase expliquant qu’une adresse de courriel devrait être du genre quiATquoiDOToù ou quiATnomdecompanieDOTcom qui m’a fait tilt et je me suis dit :

ça serait bien une adresse en @leprette.fr pour ma famille.

Sauf qu’à l’époque je découvrais. J’ai d’abord fait ma propre éducation, je suis passé aux Logiciels Libres, je me suis intéressé au problème des réseaux sociaux (j’ai eu assez tôt un compte Facebook mais l’ai quitté depuis). J’ai apporté mon soutien à un projet qui n’existe plus aujourd’hui qui s’appelait Beedbox (un projet d’autohébergement) que je rêvais de voir travailler en collaboration avec les réseaux sociaux décentralisés comme Movim ou Jappix, ou encore mieux acentralisé comme Newebe.

Le dernier déclic quant aux logiciels libres c’est quand Stéphane Laborde, l’auteur de la Théorie Relative de la Monnaie, fait la remarque dans un de ses podcasts que fondamentalement, ce n’est pas le logiciel qui est libre mas bien l’utilisateur du logiciel qui se voit attribuer des libertés grâce aux licences dites libres. Je crois que le raccourci que nous faisons tous de « logiciel sous licence libre » en « logiciel libre » a ralenti ma compréhension du phénomène et mon adhésion. Si le premier gars qui m’a parlé de Linux quand j’étais ado m’avait parlé des libertés utilisateurs plutôt que des logiciels, j’aurais basculé 5 ans plus tôt, lorsque j’ai quitté Windows pour Mac.
Et puis je me suis lancé. J’ai découvert l’hébergement web en mettant en place mon propre blog ainsi que celui de ma mère qui raconte ses histoires d’expat’ avec beaucoup d’humour.

Après des déboires avec HostPapa, j’ai migré chez OVH en début d’année et j’en ai profité pour acheter le nom de domaine leprette.fr en le gardant sous le coude pour plus tard. Le plus tard est venu quelques mois après, quand j’ai résidé quelque temps en Arabie Saoudite. C’est là que j’ai travaillé sur ce projet, en mai 2015.

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Ils sont nombreux, les Leprette potentiellement intéressés par ta proposition ? Et combien ont déjà dit banco ?

Les Leprette ne sont pas bien nombreux, une grosse centaine je crois et si je limite à ma famille (ceux qui ont reçu le message au sujet de leprette.fr), une quarantaine peut-être. Ensuite, combien prendront connaissance de l’offre, comprendront sa justification et son intérêt, pour eux avant tout, mais aussi pour l’Internet dans son ensemble, je l’ignore, mais sans doute très peu dans un premier temps. Peut-être qu’à force de recevoir petit à petit des courriels en xxx@leprette.fr, ils commenceront à se poser des questions, à aller lire la page web, etc.
Aujourd’hui, nous sommes 6 à utiliser une adresse en leprette.fr.
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Tu n’as pas un peu peur que ça ne te donne beaucoup de boulot : entre expliquer, dépanner, aider à installer, initier, encourager à franchir le pas, accompagner…

Je suis prêt à prendre le temps nécessaire pour les accompagner et les aider. Ils savent que, si je n’ai ni compte facebook, ni twitter etc, je réponds toujours à mes emails le plus rapidement possible. Certains savent même que je réponds à des invitations skype.

J’offre à ma famille un moyen simple de participer à la décentralisation dans l’Internet mais j’ai choisi pour l’heure la simplicité, j’ai pris un hébergement partagé chez OVH. Le jour où je serai sédentaire avec une connexion qui le permet, je me lancerai le défi de tout autohéberger.

Les explications des services sont toutes sur la page web leprette.fr. Il me manque deux inscrits pour changer de formule chez OVH et simplifier les explications en omettant mes problèmes de MYSQL et FTP…

Pour l’heure il n’y a donc aucun problème d’installation ni, à priori, de dépannage.

Et ensuite ? Que proposeras-tu à moyen ou long terme si tout se passe idéalement ? Élargir la base d’utilisateurs au-delà du cercle familial, proposer des solutions de réappropriation de ses données plus complètes (owncloud, cozy…) ? Autre chose ?

Le futur est très excitant. J’aimerai vraiment un jour pouvoir m’autohéberger mais ce n’est pas pour tout de suite et ça semble compliqué, surtout concernant le serveur de courriel. Les courriels risquant d’être facilement considérés comme spam (j’ai lu ça un jour, je n’ai jamais poussé plus loin, on verra).

Idéalement, ce serait top que chaque membre puisse même s’autohéberger chez lui et que je puisse administrer à distance leur « leprettebox » en cas de problème, mais aujourd’hui ce n’est pas pensable. Je ne sais même pas d’ailleurs si je peux rediriger des sous-nomdedomaine vers une adresse ip spécifique, celle de la box d’un membre de ma famille, et encore moins ce qu’il en serait pour les emails…

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Des chatons tout excités à l’idée de fournir un jour des lepretteBox !

En attendant que tout cela soit réalisable, je continuerai avec un système de centralisation familiale avec un serveur leprette.fr, que j’espère un jour être « dédié » et qui hébergerait des cozy-cloud. Du côté de chez kimsufi j’ai trouvé des offres viables pour moi économiquement si je demande à chacun 5€/mois (l’offre d’aujourd’hui, email et espace web est à 5€/an). le KS-3 pour un minimum de 4 utilisateurs et jusqu’à 8 utilisateurs. Pour cette offre là, je n’ai pour l’heure que deux intéressés, ce qui n’est pas suffisant pour démarrer un serveur. Il m’en faudrait deux de plus pour qu’on puisse se lancer. Si cela devait arriver, alors deux questions se poseront à moi, quid du backup ? (il me faudrait un KS-1 de Kimsufi avec 2To de DD mais ils n’acceptent pas de changer leurs offres), et surtout, comment faire pour gérer les courriels ? Je suppose que je ne pourrais pas continuer avec l’offre d’OVH, il faudra les héberger sur le même serveur, ce sera à moi d’apprendre…

Je donne des coups de main de temps à autre à cozycloud. Je ne perds pas l’idée d’un réseau social familial. J’espère y voir arriver un jour Newebe ou Movim bien sûr, et même d’y installer une instance de LibreOffice online pour qu’on puisse travailler sur ses propres documents directement depuis son cozy, rêvons un peu !

Enfin, il y aura bien sûr un serveur de crypto-monnaie Ucoin pour aider les membres de ma famille à prendre en main leur participation à l’économie du libre en utilisant une Monnaie Libre, un dividende universel, dont la création monétaire est distribuée (pas de préfixe « re ») sous la forme d’un revenu de base entre tous les membres (tel que décrit par la « Théorie Relative de la Monnaie »).

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Une des utilisatrices de @leprette.fr et qui utilise aussi un cozy (je l’ai inscrite pour l’heure à la béta de cozy-cloud) m’a confié « Je suis super contente, tu ne peux pas savoir, un cadeau de Noël quand ce n’est pas Noël ». Elle m’expliquait récemment :

« Je communique assez peu sur internet mais je ne fais pas assez attention quand j’utilise l’internet, tout en étant tellement incapable de me protéger. Je supporte très mal l’idée que des inconnus puissent s’introduire dans mon univers et dans ma vie privée. Je veux que l’on ne puisse ni identifier ni influencer mes enfants ou mes choix. Bref je vais pouvoir enfin faire une page perso et partager avec mes amis.

Avec le métier que je fais, on nous demande une totale neutralité de parole et d’opinion, le respect des coutumes et usages du pays hôte, et une stricte confidentialité de nos données. J’ai besoin d’un accès sécurisé à mes données quand je voyage, le cloud c’est une bonne idée, c’est pratique, mais, jusqu’ici je n’avais pas confiance. Souvent, je ne peux pas me permettre de me promener avec un ordi ou un disque dur qui contienne trop d’informations sur moi, mes livres, mes musiques, mes courriels… Donc j’ai bien regardé le cozy cloud et je suis définitivement intéressée. Tu me diras comment faire ? »

succesLeprette

Avec cozy, elle aura tout ce dont elle a besoin sauf l’accès à ses livres. Pour l’heure, il manque une application de lecture d’ebook. J’en parle ici, j’ai même trouvé un ebook reader en node.js en développement histoire de ne pas partir de zéro. Si quelqu’un dans le coin savait l’adapter à cozy, ce serait super cool !

Tu peux compter sur nous pour transmettre ces suggestions au cozygang. Comme il est de tradition dans nos interviews, je te laisse le mot de la fin…

Il me semble que j’ai oublié une évidence… le jour où Leprette.fr sera sur un serveur dédié, des petits services à la framasauce fleuriront. Car derrière chaque Français se cache un paysan. Je cultiverai le jardin Leprette.fr en suivant les tutos de Framasoft !

 

Crédit photos




Des parcours pédagogiques ludiques avec JLoDB

Ces dernières années, il n’y a pas de formation pour enseignants, de lettre ministérielle, d’exposition à destination des enfants qui ne parle pas de « parcours pédagogique ». Derrière ce grand terme fourre-tout on trouve globalement l’idée de faire passer l’apprenant par différentes étapes afin de lui permettre d’acquérir une notion, une compétence… Si on veut que ce parcours soit réellement pertinent et utile, il doit pouvoir s’adapter aux différents utilisateurs. C’est là que l’utilisation d’outils numériques peut prendre tout son sens.

Quelques outils existent dans l’univers du libre. L’association Sésamath développe par exemple le superbe projet J3P, très orienté pédagogie, qui permet à l’élève de créer son parcours parmi les différents exercices planifiés par l’enseignant en fonction de ses réponses.
Sur Framagora, nous avons eu la chance de voir l’évolution d’un projet plus ludique : JLoDB. Son auteur, Johann, nous présente sa réalisation.

 

Le site jLoDB
Le site jLoDB

Bonjour Johann, peux-tu nous présenter jLoDB ?

Bonjour. jLoDB est l’acronyme de « Javascript Learning Object Database ». C’est une base de données d’activités éducatives ; « éducatives » au sens large car il existe en son sein de nombreuses activités plus ludiques qu’éducatives : le Sudoku, Picross, Sokoban et d’autres encore. Ce projet se présente comme un site web tout ce qu’il y a de plus classique que chacun est libre d’utiliser, d’installer et de modifier comme le permet sa licence GPL-3.

L’architecture de jLoDB est modulaire. Il existe un noyau principal qui est la base de données où sont référencés tous les exercices en fonction de leur difficulté, de leur durée moyenne, de leur champ d’application et d’autres choses encore. Chaque exercice réalisé par l’utilisateur est évalué automatiquement par le programme qui lui donne une note de A à F.

Là-dessus, il est possible de développer des modules qui vont faire usage de cette base et de ces exercices. Parmi les modules actuellement disponibles on peut citer « Dä » qui est une sorte de trivial pursuit où chaque case donne lieu à un exercice issu de la base, « TiBibi » qui permet à un utilisateur de préparer et de stocker ses propres séries d’exercices et finalement « Genius socialis » qui organise les exercices suivant un parcours pédagogique.

 

Quelle est son originalité ?

D’un point de vue technique, jLoDB se veut le plus accessible possible. Le logiciel est très peu gourmand en ressources et doit pouvoir fonctionner sur tout type de matériel, même ancien. Ensuite, il repose sur des technologies libres et largement répandues (html et javascript côté client, apache, php et mysql côté serveur). En outre, l’utilisation du clavier est facultative rendant le projet compatible avec une utilisation sur tablette. Enfin, l’usage exclusif d’un format graphique vectoriel rend les activités indépendantes de la résolution de l’écran. Le petit bémol vient de la compatibilités des navigateurs puisque seul Firefox est totalement compatible. Safari, s’en sort très bien aussi, mais il souffre d’un bug d’affichage parfois pénalisant tout comme Chrome qui, en plus, ne supporte pas MathML, un format d’affichage de formules mathématiques. Internet Explorer n’est pas supporté.

Au niveau interface et jouabilité, je me suis énormément inspiré de ce qui se faisait dans le domaine du jeu vidéo. Même la représentation du parcours pédagogique est très inspiré par le sphérier de « Final Fantasy XII » ou l’arbre de compétences de « Path of exile ». Également, je suis un grand fan de logiciels comme « Docteur Kawashima » ou « Professeur Layton » qui, avec un game design astucieux, parviennent à rendre passionnant des problèmes parfois complexes. J’ai donc essayé d’appliquer le plus possible ces principes de gamification et j’espère que pour un projet éducatif, jLoDb arrive à proposer des choses ludiques et amusantes dans l’ensemble.

Initiation à la programmation
Initiation à la programmation

Enfin, du point de vue du contenu lui-même, certaines activités référencées dans la base me semblent assez peu communes.

  • 4 activités de programmation (Robot, LOGO, programmation impérative et Assembleur 6502) permettent à l’utilisateur d’apprendre l’informatique et la programmation de façon totalement autonome. C’est probablement la partie la plus développée actuellement. À l’heure où il est question de l’apprentissage de l’informatique à l’école, je crois sincèrement que jLoDb apporte une réponse tout à fait crédible.
  • L’activité « Équation » (inspiré par l’excellent « Dragon Box Algébra ») permet de résoudre des systèmes d’équations à plusieurs inconnus par simple manipulation d’éléments graphiques.
  • L’activité « MathCraft » (j’adore ce nom) propose des exercices de preuves mathématiques où l’utilisateur doit prouver une hypothèse à partir d’éléments fournis par

    Activité MathCraft
    Activité MathCraft

    l’énoncé. C’est encore assez expérimental et le formalisme de l’activité est un peu complexe, mais je trouve que cela donne des résultats plutôt prometteurs.

 

Maintenant qu’on connait un peu mieux ton projet, peux-tu te présenter un peu ? Quel est ton « parcours » ?

Je suis ingénieur en développement informatique. Dans la vraie vie, je bosse sur des programmes de gestion de flux de données. C’est un boulot intéressant car technique et exigeant mais, en même temps, il est assez frustrant parce qu’au final, il n’y a rien à montrer. Il n’y a aucun résultat visible : pas de jolies interfaces, aucune image, juste des flux de données et quelques logs. C’est, je crois, pour cette raison que j’ai commencé à programmer à la maison, pour moi, pour me faire plaisir. J’ai commencé par un logiciel de dessin sur Android en version 1.6 (« Plouik ») puis quelques jeux en SDL sous Linux avec un framework développé pour l’occasion (« Splashouille »).

 

Je suis honnêtement admiratif du boulot que tu as abattu seul. Depuis combien de temps travailles-tu sur ce projet ? Cela représente combien d’heures ?

Merci. Je ne saurais dire exactement. Si j’en crois mon compte GitHub, le dernier submit de « GNU versus zombie rotten tomatoes » (mon dernier développement hors jLoDb) remonte au 25 Juillet 2012. Je pense que cela doit correspondre au début du développement du projet. J’ai commencé par le jeu de l’alchimiste (Note De Moi : Je vous conseille de tester, c’est assez addictif comme jeu) et je me souviens l’avoir ré-écrit au moins 2 fois avant de trouver une structure satisfaisante, assez proche de ce qu’elle est encore aujourd’hui. Au niveau du temps passé, je ne saurais non plus dire. Tout cela est fait sur mon temps libre. J’essaie de développer un peu tous les jours mais cela est très fluctuant.

 

Je crois savoir que ton idée initiale était un seul et unique parcours dans lequel l’utilisateur pourrait progresser à n’importe quel moment de sa vie ? Cela ne te semble pas un peu audacieux comme projet ?

Tout provient d’un constat assez simple. En tant que joueur occasionnel, j’ai passé un temps incroyable sur de jeux comme « angry birds », « candy crush » ou « puzzle and dragons » à enchaîner des actions parfois très répétitives, à faire et refaire les mêmes niveaux, à me lever plus tôt le matin pour finir une quête quelconque. Les principes de gamification ont aujourd’hui une telle efficacité qu’il est souvent difficile de décrocher. L’idée sous-jacente du projet jLoDb est donc d’utiliser ces techniques de gamification sur des domaines plus académiques afin de créer une addiction à l’apprentissage.

Donc oui, pour répondre à la question, c’est extrêmement ambitieux (et pas mal prétentieux, aussi).

Ça l’est d’autant plus que je suis convaincu désormais qu’il est tout à fait possible d’intégrer la quasi-totalité des matières universitaires, de l’apprentissage de la lecture aux domaines post-bac (comme la thermodynamique ou la médecine). Le travail à accomplir est colossale mais au combien passionnant.

 

Tes graphismes sont très soignés. C’est toi qui fait tout cela également ? Avec quels logiciels ?

C’est gentil. Pour l’heure, j’ai réalisé l’ensemble des graphismes. J’ai cherché un peu à côté, mais j’avoue ne pas avoir trouvé grand chose. J’ai toujours aimé dessiner et mon petit niveau me permet de faire parfois illusion.Tous les graphismes sont vectoriels, du coup, j’utilise essentiellement Inkscape. Parfois, lorsque l’illustration à réaliser est très géométrique, il m’arrive de « dessiner » directement à l’aide d’un simple éditeur texte profitant du fait que le format vectoriel SVG est un format descriptif parfaitement lisible.

 

Par contre, pour le moment, les consignes des activités ne me semble pas forcément toutes toujours très claires. Besoin d’un coup de main ?

C’est un problème très récurrent avec mes développements. J’ai eu le même souci sur mon logiciel de dessin que je trouvais personnellement très intuitif mais qui, compte tenu des retours utilisateurs, ne l’était pas tant que cela.

Cela dit, je ne trouve pas que cela soit un problème en soit. Selon moi, le vrai souci est que le contenu du projet (les exercices mais aussi le parcours pédagogique) ne doit pas être rédigé par une seule personne. C’est un non-sens absolu. Surtout pour un projet libre (et surtout quand la dite personne n’a aucune compétence pédagogique). Si je le fais actuellement c’est faute de mieux car il faut bien pouvoir présenter quelque chose, mais il est clair que ce n’est pas une bonne chose. Donc oui, j’ai clairement besoin d’aide.

 

De manière générale, comment fait-on si on a envie de t’aider ?

Il y a plusieurs façons d’aider le projet. J’ai rédigé une notice dans un forum de discussion créé pour l’occasion (et encore un peu vide). Y sont détaillées les différentes façons de participer au projet.

Module Genius Socialis
Module Genius Socialis

Actuellement mon plus gros problème est la scénarisation et la validation du parcours pédagogique. Je n’ai aucune compétence pédagogique, aussi « Genius Socialis » ne doit pas être utilisé par des élèves. Pas encore. Pour qu’il soit exploitable, il faut, au préalable, qu’un groupe de personnes motivées organise et valide ces différentes séries d’exercices. Je pense que cela peut se faire via le forum car tous les outils nécessaires sont déjà disponibles. Donc, si cela vous intéresse n’hésitez pas à me contacter.

 

Et si je veux moi aussi installer jLoDB sur le serveur de mon école, c’est facile ? Tu as eu le temps de documenter cela quelque part ?

C’est facile au sens où c’est une installation relativement commune. Il faut disposer d’un serveur web. Le trio Apache, mySQL et PHP est largement suffisant. Il n’y a alors plus qu’à copier le projet dans l’arborescence web, modifier le fichier de configuration conf/jlodb.ini et lancer l’installation depuis la page principale du site. Rien de bien compliqué au final. J’ai mis un peu de documentation au niveau du forum de discussion.

 

Pourquoi le choix d’une licence libre (GPL 3) ? Tu aurais pu faire le choix du propriétaire, vendre cette solution à un éditeur scolaire et prévoir ainsi le remplacement de tes usines à spermatozoïdes par du métal précieux.

Pourquoi une licence libre ? À vrai dire, la question ne s’est pas vraiment posée : c’était une évidence dès le départ. Tout autre type de licence n’aurait fait que brider la diffusion du projet. Ce n’est pas ce dont j’avais envie.

 

Un exercice de géométrie
Un exercice de géométrie

Tu vas me trouver curieux (et cette question n’intéressera surement pas vraiment nos lecteurs), mais pourquoi as-tu choisi « Pouf-Pouf Production » comme nom de domaine ? Envie de concurrencer notre framaslave du domaine public dans les noms incongrus ?

Je pense que le choix de noms incongrus devrait être une obligation pour tous les développements non professionnels. C’est en tous cas le choix que j’ai fait en utilisant des noms parfaitement ridicules ou sans réelle signification sur l’ensemble de mes projets.

Initialement, « Plouik », mon logiciel de dessin sous Android et publié sous GooglePlay s’appelait « Sketchbook ». J’avais vérifié que ce nom n’était pas utilisé sur le market de Google mais je n’étais pas allé plus loin à l’époque. Si bien que quelque temps plus tard, j’ai reçu une lettre des avocats d’Autocad me demandant de dépublier expressément le logiciel sous peine de poursuites. Il est vrai qu’un « Autocad Sketchbook » existait déjà sur d’autres supports et, il a même été porté sous Android depuis.

J’ai donc changé le nom du logiciel. Mais, au final, le problème ne s’arrête pas là. Car même si le nom n’existe pas encore, il peut être déposé par une entreprise plus tard. Et le problème se reposera. Donc, pour éviter tout souci, le plus simple est, selon moi, de choisir, dès le départ, des noms dont personne ne veut, ni ne voudra jamais. Noms ridicules, imprononçables ou totalement incongrus : le choix reste très vaste.

 

Merci Johann pour cet entretien.