Illustrer le Disque-Monde avec du logiciel libre : l’exemple allemand.

Vous aussi, vous entendez régulièrement que le logiciel libre, c’est bien gentil… mais que pour les usages professionnels, ça vaut pas les grrrrros concurrents ? Alors laissez-nous vous parler du Disque-Monde.

Ces romans de feu Sir Terry Pratchett, connus en France par une minorité d’initiés, sont un succès éditorial fracassant, depuis plus de trente ans, partout dans le monde. Le britannique a l’humour férocement intelligent a su séduire un public si large que chaque édition est un enjeu économique immense.

Or voici que l’illustratrice des éditions allemandes du Disque-Monde, Katarzyna Oleska, donne une interview au blog du logiciel libre Krita, puisque c’est ce dernier qu’elle utilise pour dessiner Rincevent, Mémé Ciredutemps, la Mort et autres personnages de ce monde fantasy et fantaisiste.

Loin d’être une libriste convaincue, c’est la qualité, l’accessibilité et l’interopérabilité du logiciel qui l’ont séduite face aux solutions propriétaires de Adobe & consorts. L’équipe de Framalang ne pouvait passer à côté d’une telle occasion de mettre ainsi en valeur un logiciel de plus créé par et pour la communauté !

Source : Krita comes to Discworld
Traduction : HgO, Piup, Obny, Framasky, Omegax, sinma, Pouhiou, KoS, Vincent, goofy, numahell, r0u + les anonymes

Krita arrive dans le Disque-monde !

Color-of-Magic-z-napisami-Katarzyna-Oleska

Nous avons découvert que les couvertures des versions allemandes du Disque-monde étaient réalisées avec Krita et avons eu le privilège de discuter de son travail avec l’artiste concernée !

Salut, mon nom est Katarzyna Oleska, je suis illustratrice et je travaille pour des éditeurs, des magazines et des particuliers. Il y a quelques mois, je suis tombée sur un logiciel de dessin gratuit nommé Krita. Mon expérience avec des logiciels gratuits n’était pas terrible, mais à ma grande surprise, Krita était différent. Au début j’ai été submergée par le nombre de panneaux et d’options de configuration, mais j’ai rapidement compris qu’ils étaient là pour une bonne raison. Je suis tellement tombée amoureuse de Krita que j’ai laissé tomber mon vieux Corel Painter et ai commencé à utiliser Krita pour dessiner mes commandes. La plupart de mes dernières illustrations pour Terry Pratchett ont été réalisées avec Krita.

Comment en es-tu venue à réaliser des illustrations et des couvertures de livres, en premier lieu ?

J’ai commencé à réaliser des couvertures en 2003 lorsque j’étudiais encore l’architecture. J’ai toujours aimé dessiner et peindre et je voulais voir mes œuvres imprimées. Alors un jour j’ai tenté ma chance et ai envoyé un e-mail à un des éditeurs pour lesquels je voulais travailler. J’ai joint quelques échantillons de mon travail et j’ai immédiatement eu un premier emploi. Plutôt chanceuse. À cette époque, je travaillais encore à l’ancienne mais, avec le temps, j’ai fini par acheter une tablette graphique et commencé à travailler de façon numérique.

Pyramids-z-napisami-Katarzyna-OleskaComment trouves-tu du travail ?

C’est très variable. Parfois les commandes viennent à moi, d’autres fois c’est à moi de les chercher. Si c’est le client qui me contacte, c’est généralement par le bouche à oreille ou parce que le client a vu mon travail en ligne. Mais j’essaie aussi de contacter de nouveaux éditeurs et leur envoie des exemples de mon travail, mon portfolio, etc.

Peux-tu choisir quels livres tu veux illustrer, ou bien est-ce-que tu te contentes de créer ce que les éditeurs te demandent ?

Malheureusement je ne peux pas me permettre de choisir ce que j’illustre. Je peux refuser poliment si je pense que je ne peux pas fournir une bonne illustration, par exemple lorsque je sens que mon style ne conviendrait pas à l’histoire. Mais les éditeurs savent, généralement, dans quel domaine je fais du bon travail, ils connaissent mon portfolio et je n’ai encore jamais vraiment refusé de couverture.

Comment est-ce que tu détermines quelle scène ou personnage montrer sur la couverture ?

Je ne peux prendre de bonne décision concernant quelle scène ou quels personnages mettre sur la couverture que si je connais l’histoire, donc à chaque fois que j’ai l’occasion de lire un livre je la saisis. Étant moi-même une passionnée de lecture, je sais à quel point il est important que la couverture reflète le contenu ; en particulier avec une série telle que les romans du Disque-monde de Terry Pratchett. J’étais déjà une grande fan de Terry Pratchett, donc ce n’était pas un problème.

Lorsque je choisis une scène à peindre, j’essaye souvent d’analyser où se situe l’action principale de l’histoire. Très souvent je suis tentée de peindre une scène qui serait géniale sur la couverture, mais je me retiens à temps en me rappelant que cette scène particulière, bien qu’incroyable, ne vendrait pas tellement l’histoire. Donc j’en choisis une qui ira mieux et aussi qui résonnera également avec le titre. Par exemple, dans Au guet ! (dont le titre allemand se traduit par « Gardes, gardes ! », NdT), le seul choix raisonnable était de peindre les policiers fuyant le dragon qu’ils essayaient de traquer. Rien d’autre n’aurait vraiment pu marcher.

Parfois, cependant, c’est impossible de lire un livre à cause d’une date limite trop proche ou de la langue dans laquelle il a été écrit. Quand cela arrive j’essaie d’en apprendre autant que je peux sur le livre en passant par l’éditeur.

Guards-Guards-z-napisami-Katarzyna-OleskaQu’est-ce qui rend Krita différent des autres outils que tu as déjà pu utiliser ?

Le premier aspect et le plus évident est que ce logiciel est gratuit. C’est beau de voir que maintenant les jeunes artistes peuvent avoir accès à d’aussi bons outils sans dépenser beaucoup d’argent. En revanche je ne conseillerais jamais un logiciel en se basant seulement sur son prix. J’ai utilisé certains logiciels gratuits que je n’ai jamais appréciés. Ils ne faisaient pas de vieux os sur mon ordinateur. Avec Krita c’est différent — je pense qu’il se présente comme une solide alternative face aux logiciels phares du marché.

La prise en main de Krita me semble très naturelle. J’avais déjà travaillé sur Photoshop et Painter et, bien que je les apprécie, j’ai toujours espéré trouver un programme se situant entre les deux. En tant qu’illustratrice, je suis principalement intéressée par les outils de peinture ou dessin. Photoshop m’a toujours semblé trop technique et pas assez intuitif. Painter, bien qu’essayant de fournir un toucher pictural, n’y arrivait pas vraiment. Avec Krita j’ai presque l’impression que je suis en train de peindre. Le nombre d’options pour les brosses peut sembler déroutant au premier abord, mais cela aide à créer de nouvelles brosses qui sont personnalisées pour mon usage spécifique. J’aime particulièrement la façon dont Krita gère les motifs pour les brosses.

En quoi Krita est-il déjà mieux, et comment pourrait-il devenir encore meilleur ?

En plus des brosses, j’aime également les outils vectoriels dans Krita. Je n’avais jamais vu auparavant un programme où les outils pouvaient changer leurs caractéristiques en fonction du type de calque sur lequel ils sont utilisés (peinture/vecteur).

J’aime aussi le fait de pouvoir choisir une couleur avec la touche Ctrl et changer dynamiquement la taille de la brosse en maintenant la touche Maj enfoncée et en déplaçant mon stylet. Je n’ai souvent qu’à utiliser mon auriculaire pour contrôler les deux.

Pivoter le canevas est facile (Maj+Espace) et je suis accro au mode miroir comme je l’utilise pour vérifier les proportions de mes peintures (l’image miroir aide à détecter des imperfections). J’adore le fait que, lorsque j’utilise deux fenêtres pour un fichier, le mode miroir n’affecte qu’une seule des fenêtres. L’outil de déformation est également super. Je ne l’utilise pas énormément, mais je l’ai essayé et j’aime la façon dont il fonctionne. « Peindre avec des brosses multiples » (Multiple Brushes) et le « mode enveloppant » (Wrap Around Mode) sont sympas aussi, ils rendent la création de motifs tellement facile. Mais l’une des choses que je préfère est que je peux choisir mon propre outil de sélection de couleur avancé (Advanced Color Setting Shape and Type) et qu’il y a tellement d’options qui l’accompagnent.

En ce qui concerne ce qui pourrait être améliorés : lorsque je remplace le pré-réglage d’une brosse, je ne peux pas garder l’ancienne icône que j’avais créée. Peut-être qu’une option pour garder l’ancienne icône pourrait être ajoutée. Cela peut paraître un détail, mais quand j’utilise beaucoup de brosses, je suis habituée à leur icône et lorsqu’elle n’existe plus, je me mets à chercher ma brosse. L’autre amélioration serait la possibilité de fusionner plusieurs calques ensemble.

Peux-tu nous donner un rapide aperçu de ta façon de travailler ?

Bien sûr. En fait, j’ai préparé une courte vidéo qui montre comment je travaille. C’est un croquis pour Trois Sœurcières de Terry Pratchett. J’utilisais alors la version antérieure de Krita mais ma méthode de travail reste la même.


Vidéo « Painting Terry Pratchett cover in Krita »

(vidéo en Anglais, des sous-titres sont disponibles sur YouTube)

Pour une couverture de livre, est-ce que tu travailles en collaboration étroite avec l’éditeur, ou est-ce que tu ne lui fournis qu’une illustration auquel cas tu ne vois le résultat final qu’une fois qu’il est publié ?

Très souvent, avant même que je ne commence le croquis, l’éditeur m’envoie la première version de l’agencement de la couverture pour que je puisse me rendre compte de l’espace avec lequel je dois travailler. Parfois, cependant, quand l’éditeur ne connaît pas l’agencement final, il me donne des indications et me laisse décider de l’espace que je veux laisser pour le titre. La plupart du temps, après que je lui ai donné le croquis initial, il peut me corriger et me demander de modifier un peu l’arrangement. Pour ce qui est de l’illustration finale, j’ai un contrôle absolu dessus jusqu’à ce que je l’envoie par e-mail à l’éditeur. Une fois qu’il a été approuvé, ce à quoi elle va ressembler une fois publiée n’est plus de mon ressort. Parfois on peut m’envoyer la version finale de la couverture pour que je puisse savoir ce à quoi elle va ressembler une fois imprimée et que je puisse faire quelques suggestions de dernière minute, mais je n’ai pas réellement de contrôle sur la couverture elle-même.

Quelles sont les contraintes (couleur, résolution, format de fichier) et défis particuliers lorsque tu travailles pour une impression ?

J’aime travailler avec des formats plus grands. Je pense qu’une peinture rend mieux lorsqu’elle est réalisée en grand format, puis réduite à la taille de la couverture, plutôt que lorsqu’elle est peinte seulement en ayant en tête le petit format final. Une grande taille me force à être plus précise sur les détails et à la fin l’image est plus nette, et de meilleure qualité. De plus, le client pourrait vouloir plus tard réutiliser le dessin pour une affiche et je sais alors que la peinture aura un très bon rendu.

J’ai l’habitude de travailler avec des fichiers psd (Photoshop Document, NDT). J’utilise beaucoup de calques et c’est pour moi le meilleur format de fichier. Lorsque j’envoie le fichier final, j’aplatis l’image et l’enregistre en tiff. C’est certainement plus lourd qu’un jpg, mais il n’y a pas de perte de qualité. Je travaille aussi en mode RVB mais je passe toujours en CMJN à la fin pour voir à quoi ça va ressembler à l’impression (il y a moins de couleurs en CMJN). Si nécessaire je corrige les erreurs que je vois.

Sorcery-z-napisami-Katarzyna-Oleska

Pour voir plus d’œuvres de Katarzyna, allez voir son site : www.katarzynaoleska.com

Maison d’édition : Piper – www.piper.de

Lettrage : Guter Punkt – www.guter-punkt.de

Exceptionnellement, toutes les illustrations de cet article sont sous copyright Piper – Katarzyna Oleska




PIQO : quand on peut faire simple…

Des ordis moins énergivores (mais aussi efficaces) pour les institutions françaises. Libres. assemblés en France ? C’est le pari osé d’une association de Nevers, qui a besoin de sous pour démarrer.
Nous avons voulu en savoir plus avant, peut-être, de mettre la main au portefeuille, et nous sommes allés interroger Émilien Court, l’un des responsables du projet PIQO.

Bonjour, Émilien. Ça vient d’où, ce projet ? Qui êtes-vous ? Comme dirait Isaac : comment justifiez-vous votre existence ?

Je vois qu’on a les mêmes références ! PIQO est le fruit d’un constat : le parc informatique des administrations, entreprises, écoles ou universités est très largement surdimensionné en termes de puissance compte tenu de l’usage qui en est fait. Cela entraîne un coût financier non négligeable en investissement ou consommation électrique. L’impact écologique est également considérable en traitement des déchets électroniques, transport ou production d’énergie. Enfin, tous les équipements informatiques sont actuellement produits en Asie, et il apparaît indispensable de mettre en place un « circuit court » de l’informatique en localisant l’assemblage en France.

PIQO est un projet de synthèse. Ça n’est pas que de l’informatique, c’est aussi un projet social et environnemental.

Je suis tombé dans l’informatique quand j’étais petit, j’en ai même fait mon métier à une époque. Parce que je suis aussi quelqu’un d’engagé et préoccupé par les questions de société, il m’apparaissait normal, dès lors que la technologie le permettait, de la sortir du seul champ de l’informatique pour la mettre au service de l’éducation, de l’économie, de l’environnement ou de l’emploi de façon constructive.

Il n’a pas été difficile de constituer une équipe de personnes issues d’horizons très divers : éducation, économie sociale et solidaire, environnement, industrie, design…

Aujourd’hui, PIQO compte une quinzaine de membres, qui tous voient derrière l’ordinateur un projet de société.

Pourquoi avoir créé une association et faire un crowdfunding ? Vous auriez pu monter une entreprise et démarrer avec un emprunt bancaire…

La question de créer une entreprise ne s’est même pas posée, à vrai dire. PIQO repose sur des technologies libres ou à but non lucratif, et c’est cette philosophie que nous souhaitons porter à grande échelle.

PIQO est aussi un laboratoire. Notre objectif est de démontrer qu’il n’existe pas qu’un seul modèle économique basé sur l’exploitation de l’humain et de la nature. On peut créer de l’activité économique, de l’innovation et des emplois sans recourir au modèle économique libéral. Notre démarche s’inscrit dans l’économie sociale et solidaire, et ce qui peut être fait dans l’informatique peut s’appliquer partout ailleurs.

Dans cette optique de sortie du schéma « capital, dividendes », l’association était la meilleure solution pour garantir l’indépendance et l’autonomie du projet. PIQO n’appartient à personne … ou à tout le monde !

Pourriez vous, nous en dire plus sur les membres de votre association, et ce qui vous a amenés à vous unir ?

Nous sommes issus d’horizons très divers : éducation, santé, technologie, environnement ou encore social. La plupart des membres ne sont pas des pointures en informatique, mais sont cependant tout à fait conscients des enjeux d’un tel projet et de l’impact potentiel sur la société. C’est cette convergence de valeurs qui est la base de notre collaboration, parce que nous avons tous à cœur de proposer une alternative technique, environnementale et sociale.

On a l’impression que le fait que vous êtes tou(te)s Nivernais a une incidence sur la création de PIQO…

La Nièvre, comme beaucoup de départements ruraux, souffre d’une situation économique difficile, d’une baisse de sa population au profit de régions plus prospères, et d’un déficit d’image. La pauvreté de l’offre en matière d’éducation supérieure conduit notamment les bacheliers à quitter le département pour étudier dans les grandes villes, mais peu reviennent finalement sur leur territoire d’origine. La Nièvre offre cependant une excellente qualité de vie et Nevers est une ville à taille humaine dotée de bonnes infrastructures. Parmi les voies de développement, il y a évidemment le numérique. Toutes les villes aujourd’hui essaient de s’équiper pour attirer les entreprises du secteur et cela conduira à une mise en concurrence acharnée des territoires. Je pense que pour être efficaces, ces stratégies doivent tendre à se spécialiser faute de pouvoir affronter les métropoles française ou européennes. L’exemple de Lannion en Bretagne est à suivre. Cette ville de 20 000 habitants a développé son économie autour des technologies de télécommunication, notamment en proposant une offre éducative adaptée.

La Nièvre a ses propres atouts et problématiques. Il serait pertinent de s’appuyer dessus pour développer le numérique : la santé, la prise en charge des personnes âgées ou dépendantes, le tourisme, la compétition automobile et pourquoi pas le logiciel libre. C’est là que PIQO a un rôle à jouer parce que notre volonté est d’offrir au territoire une opportunité de développement qui réponde à des exigences environnementales, éthiques, sociales, et locales.

Je me dis souvent qu’on n’a pas besoin de 4Gio de Ram pour faire de la bureautique. C’est ça, votre postulat de départ ?

Je n’irai pas, comme Bill Gates en 1981, jusqu’à dire que « 640 Ko de mémoire devraient suffire à tout le monde », mais effectivement 4Gio de RAM pour faire de la bureautique c’est trop !

L’informatique a connu une croissance technologique et économique fulgurante. Les ordinateurs sont beaucoup plus puissants qu’hier et beaucoup moins que demain. Pour autant, il faut en mesurer l’impact sur notre civilisation.

Regardons ce qui se passe dans un autre secteur industriel : l’automobile. La notion d’efficience est devenue une nécessité en raison des conséquences environnementales et de l’explosion du coût de l’énergie. La voiture s’adapte de plus en plus aux besoins de l’utilisateur. Il est désormais difficilement concevable d’acheter un véhicule qui consomme 15 litres aux 100km pour faire de petits trajets urbains. Alors que les industriels se livraient par le passé une guerre sur le terrain de la puissance, aujourd’hui ils communiquent sur le confort, la sécurité ou la consommation. Les V8, les V10 ou les V12 disparaissent peu à peu des concessions.

On doit se poser les mêmes questions dans l’informatique. Lorsque j’achète un ordinateur, quelles sont les conséquences sur l’environnement, sur mon portefeuille, sur les ouvriers qui l’ont fabriqué ?

piqo

Certains commentateurs émettent des doutes en se référant au prix du Raspberry Pi 2, qui est le socle de votre solution. Que leur répondez-vous ?

Effectivement, de façon très surprenante nous sommes la cible d’attaques en règle sur ce point. Il nous est souvent opposé que le prix d’un Raspberry Pi 2 n’est que de 35-40€, ce qui est totalement vrai !

Restons pragmatiques. Le coût global d’un produit ne dépend malheureusement pas que du prix d’un seul de ses composants, fut-il aussi essentiel. Si nous pouvions vendre PIQO sous les 50€ nous le ferions avec plaisir, notre objectif n’étant pas le profit. Nous envisageons par ailleurs la possibilité d’une version moins chère dotée d’une mémoire de 8Gio.

Il faut bien comprendre que le Raspberry PI 2 est le socle de notre solution, mais c’est une carte inerte et pour en faire un ordinateur fonctionnel et plug and play pour tout le monde, nous devons lui ajouter d’autres éléments : 32 Gio de mémoire, une alimentation électrique, un boîtier, un OS, un conditionnement etc. Le prix de revient double presque au passage.

Ensuite, il y a des charges liées à la production et à la commercialisation de PIQO : les locaux, le matériel, la logistique ou le service après-vente pour en citer quelques-unes. Les contraintes économiques ne sont pas les mêmes que lorsqu’on bricole à la maison.

Comme toute activité économique, PIQO est soumis à la TVA, ça représente 16,5 € par exemplaire, ainsi qu’à l’IS et à la CFE.

Enfin, « but non lucratif » ne signifie pas « bénévole ». Les dirigeants de l’association ne sont pas rémunérés, mais pour assembler et distribuer PIQO, il faut créer des emplois, et c’est même l’une de nos missions en favorisant l’insertion et la formation des plus précaires.

Nous mettons un point d’honneur à être transparents sur l’activité économique de PIQO, et les coûts liés à sa production sont détaillés sur notre site. Nous poursuivrons cette transparence à l’avenir.

Par ailleurs, PIQO est une association ouverte à laquelle tout le monde peut adhérer pour prendre part aux décisions ou élire le conseil d’administration.

Ce qui est évident, c’est que notre solution ne convient pas aux besoins des technophiles, il leur suffit d’acheter un Rasperry Pi et de bidouiller. On retrouve le même principe chez ceux qui préfèrent montent leur PC et ceux qui l’achètent assemblé au supermarché du coin. Mais le grand public, les administrations ou les entreprises ont besoin de solutions clés en main, d’un service après-vente et de conseils. C’est ce que nous proposons.

D’accord, mais il a quelle valeur ajoutée, le PIQO, par rapport à des solutions qui existent déjà, comme le Linutop et le Cubox ? Qu’est-ce qu’on y trouve de plus ?

Linutop est deux à trois fois plus cher pour des performances similaires voire moindres. Cubox est un beau produit et affiche des prix nettement plus proches, mais sous Android, un OS peu adapté à l’usage desktop auquel nous destinons PIQO, sans parler de l’ingérence de Google dans cet environnement.

Notre objectif est clairement de proposer un ordinateur bureautique, qui prenne en compte les questions sociales, environnementales, et qui soit proche de ses utilisateurs particuliers, professionnels ou institutionnels.

PIQO sera un ordinateur déjà rempli de logiciels… libres. Ce choix du logiciel libre (outre son avantage financier), c’est aussi un choix éthique ? Et du coup, allez-vous mettre votre distribution maison à disposition des bidouilleurs et bidouilleuses qui veulent faire leur PIQO de leurs propres mimines ?

Le choix du logiciel libre est effectivement éthique. La contrainte financière est réelle aussi puisqu’il serait impossible de proposer PIQO à un tel prix avec des logiciels propriétaires. Nous aimons particulièrement l’idée que des milliers de personnes à travers le monde ont travaillé pendant toutes ces années pour aboutir à cet éventail de logiciels, sans rien attendre en retour que la satisfaction d’avoir été utiles à la collectivité. Nous travaillons avec la même philosophie et notre distribution basée sur Xubuntu sera évidemment disponible en téléchargement (c’est déjà le cas de la pre-alpha).

Par ailleurs, il n’y a pas de LUG actif dans la Nièvre, est ce que le projet PIQO, ou des membres de votre association, prévoient de développer des actions autour du Logiciel Libre ?

Nevers comme capitale française du logiciel libre, l’idée est séduisante ! Certains membres de l’association utilisent le Libre depuis longtemps, d’autres le découvrent et sont surpris de voir qu’il est en fait tout à fait possible de s’extraire des systèmes propriétaires. La vocation de PIQO est de faire cette démonstration à grande échelle, et cela passe par des actions de terrain. J’aimerais personnellement beaucoup pouvoir organiser des install-parties ou des conférences dans la Nièvre pour expliquer ce qu’est la philosophie du libre et sensibiliser les utilisateurs aux risques des logiciels propriétaires. On a de la place pour accueillir du monde et le cadre est sympa !

En fait en soutenant PIQO, on soutient indirectement des actions en faveur du logiciel libre et de l’open hardware dans la Nièvre ?

On peut dire ça. Le principe de réciprocité est selon moi indissociable du Libre. Si PIQO rencontre le succès, il est normal qu’à son tour l’association se fasse le porte-voix de cette philosophie et fédère autours d’elle d’autres utilisateurs, acteurs ou curieux.

Émilien, du projet PIQO. Photo Jérémie Nestel - CC by-sa
Émilien, du projet PIQO.
Photo Jérémie Nestel – Licences Art Libre


Supposons que la Mairie de Paris, qui vient d’adhérer à l’APRIL, vous passe commande pour 20.000 PIQO. Vous pouvez fournir ?

Vous me l’apprenez, c’est une grande nouvelle ! Nous sommes déjà en discussion avec des collectivités pour des volumes de 1500 pièces par an. 20 000 pièces d’un coup c’est une commande énorme, et un investissement considérable. Mais avec l’appui de nos partenaires institutionnels, et un délai raisonnable, nous serions en mesure de relever le défi.

Un dernier mot pour nous convaincre de participer à votre financement participatif ?

Le Libre est mûr pour faire son entrée dans la cour des grands ! Nous tâchons modestement à notre échelle d’œuvrer dans ce sens, tout en développant une activité économique qui soit socialement et moralement responsable.
Ça demande parfois un petit effort d’imagination pour certains, mais c’est possible !

En savoir plus et contribuer :

* Le site du projet PIQO : http://www.piqo.fr/
* Le financement participatif : http://www.kisskissbankbank.com/piqo
* Contacter l’équipe : http://www.piqo.fr/contact/

 


 

Merci à Jérémie Nestel d’être allé enquêter sur place.




Nous voulons (aussi) du matériel libre !

…nous dit Richard Stallman. Le logiciel a ses licences libres, la culture et la création artistique ont aussi leurs licences libres. Mais depuis quelques années les créations physiques libres se multiplient, ce qui rend urgent de poser les questions des libertés associées aux objets, comme aux modèles de conception qui permettent de les réaliser. Avec beaucoup d’acuité et de précision, Richard Stallman examine ces nouveaux problèmes et évalue la possibilité d’adapter à ce nouveau domaine les principes libristes employés pour les logiciels.

La version originale en anglais de cet article a été publiée en deux parties dans wired.com en mars 2015 :

  1. Pourquoi nous avons besoin de plans libres pour le matériel
  2. Les plans du matériel doivent être libres, voici comment procéder

L’article ci-dessous reprend le texte publié sur le site gnu.org. C’est le fruit d’une traduction collaborative entre Sébastien Poher et Framalang (Thérèse Godefroy, aziliz, Omegax, Piup, r0u, sebastienc, goofy) – Révision : trad-gnu@april.org.

 

Matériel libre et plans libres pour le matériel

par Richard M. Stallman

3Dprinterbot
Dans quelle mesure peut-on appliquer les idées du logiciel libre au matériel ? Est-ce une obligation morale de rendre libres les plans de notre matériel, tout comme c’en est une de rendre libre notre logiciel ? Est-ce que conserver notre liberté nous oblige à refuser le matériel construit sur des plans non libres ?

Définitions

L’expression « logiciel libre »1 se réfère à la liberté et non au prix ; en gros, elle signifie que les utilisateurs du logiciel sont libres de le faire fonctionner, de le copier et de le redistribuer, avec ou sans modification. Plus précisément, la définition repose sur les quatre libertés essentielles. Pour bien faire ressortir que free fait référence à la liberté et non au prix, nous accolons souvent le mot français ou espagnol « libre » à free.

Si l’on transpose directement ce concept au matériel, matériel libre signifie que l’utilisateur est libre de l’utiliser, de le copier
et de le redistribuer, avec ou sans modification. Toutefois, il n’y a pas de système de copie pour les objets matériels, à part la reproduction des clefs, de l’ADN et de la forme extérieure d’objets plastiques. La plupart des composants matériels sont fabriqués sur plan. Le plan précède le matériel.

Par conséquent, le concept dont nous avons vraiment besoin est celui de plan libre pour le matériel. C’est simple, il s’agit d’un plan dont l’utilisateur peut se servir (c’est-à-dire à partir duquel il peut fabriquer le matériel) et qu’il peut copier et redistribuer, avec ou sans modification. Un tel plan doit offrir les quatre libertés, évoquées plus haut, qui définissent le logiciel libre. Le terme « matériel libre » désigne alors un matériel pour lequel un plan libre est disponible.

Lorsque les gens découvrent le concept de logiciel libre pour la première fois, ils l’assimilent souvent à « possibilité d’en obtenir gratuitement un exemplaire ». Il est vrai que beaucoup de programmes libres sont disponibles à prix nul, puisque cela ne vous coûte rien de télécharger votre propre copie, mais ce n’est pas le sens de free dans free software (de fait, certains programmes espions tels que Flash Player ou Angry Birds sont gratuits, bien qu’ils ne soient pas libres). Accoler le mot « libre » à free aide à clarifier ce point.

Pour le matériel, cette confusion tend à aller dans l’autre direction ; les composants matériels ont un coût de production, donc ceux qui sont produits dans un but commercial ne peuvent être gratuits (à moins qu’il ne s’agisse de produits d’appel ou de vente liée), mais cela n’empêche pas leurs plans d’être libres. Les objets que vous fabriquez avec votre imprimante 3D peuvent être très bon marché, mais ils ne seront pas totalement gratuits car vous devez payer pour le matériau brut. D’un point de vue éthique, l’enjeu de la liberté prime absolument sur l’enjeu du prix, car un appareil qui refuse la liberté à ses utilisateurs vaut moins que rien.

Les expressions « matériel ouvert » et « matériel open source » sont utilisées par certains avec la même signification que « matériel libre », mais elles minimisent la problématique de la liberté. Elles sont dérivées de l’expression « logiciel open source », qui correspond plus ou moins au logiciel libre, mais passe sous silence la liberté et ne présente pas la problématique en termes d’opposition bien-mal. Pour souligner l’importance de la liberté, nous ne manquons pas d’y faire référence chaque fois que cela est pertinent ; puisqu’« open » ne permet pas cette distinction, ne le substituons pas à « libre ».

Matériel et logiciel

Le matériel et le logiciel sont fondamentalement différents. Un programme,même sous sa forme compilée exécutable, est une collection de données qui peut être interprétée comme instructions par un ordinateur. Comme toute autre création numérique, on peut le copier et le modifier en se servant d’un ordinateur. Un exemplaire de programme n’a pas de forme physique ni matérielle intrinsèque.

Au contraire, le matériel est une structure physique et sa nature physique est cruciale. Alors que le plan du matériel peut être représenté par des données, même par un programme dans certains cas, le plan n’est pas le matériel. Le plan d’un CPU ne peut pas exécuter un programme. Vous n’irez pas très loin en essayant de taper sur le plan d’un clavier ni en affichant des pixels sur le plan d’un écran.

De plus, alors que vous pouvez vous servir d’un ordinateur pour modifier ou copier le plan d’un composant matériel, un ordinateur ne peut pas convertir ce plan dans la structure physique qu’il décrit. Cela demande un équipement de fabrication.

La frontière entre matériel et logiciel

Où se situe la frontière, dans un appareil numérique, entre matériel et logiciel ? Nous pouvons la déterminer en appliquant les définitions suivantes : le logiciel est la partie opérante d’un appareil qui peut être copiée et modifiée dans un ordinateur ; le matériel est la partie opérante qui ne peut pas l’être. C’est le meilleur moyen de faire la distinction car cela renvoie à des conséquences pratiques.

Entre le matériel et le logiciel, il existe une zone grise occupée par les micrologiciels [firmware] qui peuvent être mis à jour ou remplacés, mais ne sont pas conçus pour être mis à jour ou remplacés une fois le produit vendu. En termes conceptuels, la zone grise est plutôt mince. En pratique, ceci est important car de nombreux produits sont concernés. Nous pouvons donc presque considérer ces micrologiciels comme du matériel.

Certaines personnes ont prétendu que préinstaller des micrologiciels et des circuits logiques programmables de type « FPGA » (réseau de portes programmables in situ) « effacerait la frontière entre matériel et logiciel », mais je pense qu’il s’agit là d’une mauvaise interprétation des faits. Un micrologiciel installé lors de l’utilisation est un logiciel ordinaire ; un micrologiciel intégré à un appareil et non modifiable est un logiciel par nature, mais nous pouvons le traiter comme si c’était un circuit. Dans le cas des FPGA, le circuit FPGA lui-même est du matériel, mais le schéma logique de portes chargé dans ce circuit FPGA est une sorte de micrologiciel.

Faire fonctionner des schémas de portes libres sur des FPGA pourrait être une méthode utile pour créer des appareils numériques libres au niveau des circuits. Toutefois, pour rendre ces FPGA utilisables dans le monde du libre, nous avons besoin d’outils de développement libres adaptés. L’obstacle à cela est que le format du fichier de schéma logique de portes chargé dans le FPGA est secret. Jusqu’à récemment, il n’existait aucun modèle de FPGA pour lequel ces fichiers pouvaient être reproduits sans outils non libres (privateurs).

Grâce aux efforts de rétroingénierie, il est maintenant possible de compiler des programmes écrits en C et de les exécuter sur le circuit FPGA Xilinx Spartan 6 LX9. Ces outils ne gèrent pas encore le code HDL (langage de description de matériel), cela n’offre donc pas une alternative utilisable pour de vrais circuits numériques. D’un autre côté, ce modèle de FPGA se fait vieux. Ces outils constituent une formidable avancée en comparaison de la situation d’il y a quelques années, mais la route est encore longue avant que les FPGA ne soient totalement utilisables en toute liberté.

Quant au code HDL lui-même, il peut agir en tant que logiciel (lorsqu’il s’exécute dans un émulateur ou après chargement dans un FPGA) ou en tant que schéma de composant matériel (lorsqu’il est mis en œuvre dans des semiconducteurs inamovibles ou dans un circuit imprimé).

La question éthique posée par les imprimantes 3D

Sur le plan éthique, le logiciel doit être libre, car un programme non libre est source d’injustice. Faut-il avoir la même optique en ce qui concerne la conception de matériel ?

Il le faut, sans aucun doute, dans les domaines concernés par l’impression 3D (ou plus généralement par toute fabrication personnelle). Les modèles servant à imprimer des objets utiles, pratiques (c’est-à-dire fonctionnels plutôt que décoratifs) doivent être libres parce qu’ils sont réalisés dans un but utilitaire. Les utilisateurs doivent en avoir le contrôle, tout comme ils doivent avoir le contrôle des logiciels qu’ils utilisent. Diffuser un modèle non libre pour un objet fonctionnel est aussi mal que de diffuser un programme non libre.

Soyez attentifs à choisir des imprimantes 3D fonctionnant avec du logiciel exclusivement libre ; la Free Software Foundation homologue de telles imprimantes. Certaines imprimantes 3D sont conçues à partir de plans libres mais la Makerbot est de conception non libre.

Devons-nous refuser le matériel numérique non libre ?

La conception non libre d’un matériel numérique (*) engendre-t-elle une injustice ? Devons-nous, au nom de nos libertés, rejeter tous les matériels numériques créés à partir de plans non libres, tout comme nous devons rejeter le logiciel non libre ?

Étant donné qu’il y a un parallèle conceptuel entre les plans du matériel et le code source du logiciel, beaucoup de bidouilleurs de matériel informatique sont prompts à condamner les plans non libres au même titre que le logiciel non libre. Je ne suis pas d’accord, car la situation est différente pour le matériel et le logiciel.

De nos jours, les technologies de fabrication des puces et des circuits ont beaucoup de similitudes avec la presse à imprimer : elles se prêtent parfaitement à une production de masse dans une usine. Cela ressemble plus à la façon dont on copiait des livres en 1950 qu’à la façon dont on copie du logiciel aujourd’hui.

La liberté de copier et de modifier le logiciel est un impératif éthique car ces activités sont à la portée de ceux qui utilisent le logiciel : l’équipement qui vous permet d’utiliser le logiciel (un ordinateur) est suffisant pour le recopier et le modifier. Les ordinateurs mobiles d’aujourd’hui sont trop peu puissants pour être adaptés à cet usage, mais n’importe qui peut se procurer un ordinateur assez puissant.

De plus, même si vous-même n’êtes pas programmeur, il vous suffit d’un ordinateur pour télécharger et exécuter la version modifiée par une personne capable d’effectuer cette modification. Et de fait les non-programmeurs téléchargent des logiciels et en font tourner tous les jours. C’est pourquoi le logiciel libre change véritablement les choses pour eux.

Dans quelle mesure cela est-il transposable au matériel ? Ceux qui utilisent du matériel numérique ne savent pas toujours modifier le schéma d’un circuit ou d’une puce, mais tous ceux qui possèdent un ordinateur ont l’équipement nécessaire pour le faire. Jusque-là, le matériel et le logiciel sont similaires, mais ensuite vient la grande différence.

Vous ne pouvez pas compiler et exécuter les plans d’un circuit ou d’une puce sur votre ordinateur. Construire un circuit complexe représente beaucoup de travail méticuleux et cela suppose que vous disposiez de la carte. Fabriquer une puce n’est pas faisable par une personne isolée aujourd’hui ; seule la production de masse permet de réduire suffisamment les coûts. Avec la technologie actuelle, les utilisateurs ne peuvent pas télécharger et faire tourner le plan d’un composant numérique modifié par Amélie la bricoleuse, alors qu’ils peuvent le faire avec un logiciel modifié par Amélie la programmeuse. Ainsi, les quatre libertés ne donnent pas aux utilisateurs le même contrôle collectif sur un plan de matériel que sur un logiciel. C’est à partir de là que le raisonnement démontrant que tout logiciel doit être libre cesse de s’appliquer aux technologies actuelles de fabrication du matériel.

En 1983, il n’y avait pas de système d’exploitation libre mais il était clair que si nous en disposions, nous pourrions l’utiliser immédiatement et accéder à la liberté du logiciel. Tout ce qui manquait était le code d’un système de ce type.

En 2015, même si nous avions des plans libres pour un processeur de PC, les puces produites en série à partir de ces plans ne nous donneraient pas la même liberté dans le domaine du matériel. Si nous achetons un produit fabriqué en série dans une usine, cette dépendance envers l’usine cause la plupart des problèmes rencontrés avec les plans non libres. Pour que des plans libres nous donnent la liberté du matériel, nous avons besoin de technologies de fabrication nouvelles.

Nous pouvons envisager un avenir dans lequel nos « fabricateurs » personnels pourront fabriquer des puces et nos robots pourront les assembler et les souder avec les transformateurs, interrupteurs, touches, écrans, ventilateurs, etc. Dans ce monde futur, nous fabriquerons tous nos propres ordinateurs (ainsi que nos fabricateurs et nos robots) et nous serons en mesure d’utiliser à notre avantage les plans modifiés par ceux qui maîtrisent la conception du matériel. Les arguments pour rejeter le logiciel non libre s’appliqueront alors aussi aux plans du matériel.

Ce monde futur se situe à plusieurs années de distance, au moins. En attendant, il n’est pas nécessaire de rejeter par principe le matériel dont les plans ne sont pas libres.


* Ici, « matériel numérique » recouvre également le matériel utilisant quelques circuits et composants analogiques en plus des circuits et composants numériques.

Nous avons besoin de plans libres pour le matériel numérique

Bien que dans la situation actuelle nous n’ayons pas besoin de rejeter le matériel numérique issu de plans non libres, nous avons besoin de développer des plans libres et nous devons les utiliser quand c’est faisable. Ils procurent des avantages aujourd’hui, et à l’avenir ils pourraient être la seule façon d’utiliser du logiciel libre.

La disponibilité de plans libres pour le matériel offre des avantages pratiques. De nombreuses entreprises peuvent fabriquer le même, ce qui réduit la dépendance à un fournisseur unique. Des groupes peuvent s’organiser pour les fabriquer en grande quantité. Lorsqu’on possède les schémas ou le code HDL des circuits, on peut étudier les plans des composants pour y déceler d’éventuelles erreurs ou fonctionnalités malveillantes (il est connu que la NSA a introduit des faiblesses intentionnelles dans certains matériels informatiques). En outre, ces plans libres pourraient servir de modules élémentaires dans la conception d’ordinateurs et autres appareils complexes, dont les spécifications seraient publiées et dont moins de composants pourraient être utilisés contre nous.

Il nous sera peut-être possible d’utiliser des schémas libres pour certains composants de nos ordinateurs et de nos réseaux, ainsi que pour les systèmes embarqués, avant de pouvoir nous en servir pour fabriquer des ordinateurs complets.

Les plans libres pour le matériel pourraient même devenir essentiels avant que nous puissions fabriquer le matériel nous-mêmes, s’ils deviennent la seule façon d’éviter le logiciel non libre. Comme le matériel commercial le plus courant est de plus en plus conçu pour assujettir les utilisateurs, il devient de moins en moins compatible avec le logiciel libre, car ses spécifications sont confidentielles et il oblige le code à être certifié par quelqu’un d’autre que vous. Les puces des modems de téléphones mobiles et même certains accélérateurs graphiques exigent déjà un micrologiciel certifié par le fabricant. Tout programme, tournant sur votre ordinateur, que quelqu’un d’autre a le droit de modifier mais pas vous, est un instrument de pouvoir injuste envers vous ; du matériel qui impose cette exigence est du matériel malveillant. En ce qui concerne les puces des modems de téléphones mobiles, tous les modèles actuellement disponibles sont malveillants.

Un jour, le matériel numérique de conception libre pourrait être l’unique plateforme permettant de faire tourner du logiciel libre. Ayons pour but d’avoir à notre disposition d’ici là les plans numériques libres requis, et espérons que nous aurons les moyens de fabriquer le matériel correspondant à des coûts suffisamment bas pour tous les utilisateurs.

Si vous concevez du matériel, veuillez s’il vous plaît libérer vos plans. Si vous utilisez du matériel, rejoignez notre effort en insistant auprès des entreprises, en faisant pression sur elles, pour qu’elles rendent libres les plans de leur matériel.

Niveaux de conception

Le logiciel a plusieurs niveaux de conception ; par exemple, un paquet peut inclure des bibliothèques, des commandes et des scripts. Mais du point de vue de la liberté du logiciel, ces niveaux ne présentent pas de différence significative parce qu’il est possible de rendre libre chacun d’entre eux. La conception des composants d’un programme est de même nature que la conception du code qui les combine ; de même, compiler les composants à partir de leur code source est de même nature que compiler le programme à partir de son code source. Rendre l’ensemble libre nécessite simplement de poursuivre le travail jusqu’à ce qu’il soit terminé.

Par conséquent, nous insistons pour que les programmes soient libres à tous les niveaux. Pour qu’un programme puisse être considéré comme libre, chaque ligne de code qui le compose doit être libre, de sorte qu’on puisse le compiler à partir du seul code source libre.

Les objets physiques, en revanche, sont souvent construits à partir de composants qui eux-mêmes sont conçus et construits dans différentes sortes d’usines. Par exemple, un ordinateur est constitué de puces, mais la conception (ou la fabrication) des puces est très différente de la conception (ou de la fabrication) de l’ordinateur à partir de ces puces.

Ainsi, nous avons besoin de distinguer des niveaux dans les plans d’un produit numérique (et peut-être de certains autres types de produits). Le circuit qui connecte les puces est l’un de ces niveaux ; le plan de chaque puce en est un autre. Dans un FPGA, l’interconnexion des cellules primitives constitue un niveau, tandis que les cellules primitives elles-mêmes en sont un autre. Dans un avenir idéal, nous voudrions que le plan soit libre à tous les niveaux. Dans les circonstances actuelles, le simple fait de rendre libre un niveau est une amélioration significative.

Cependant, si à l’un des niveaux le plan fait appel à des parties libres et à des parties non libres – par exemple un circuit HDL « libre » qui incorpore des processeurs softcore privateurs – nous devons conclure que le plan dans son ensemble est non libre à ce niveau. De même pour les « assistants » ou les « macros » non libres, s’ils définissent une partie des interconnexions des puces ou bien les parties des puces dont les connexions sont programmables. Les parties libres peuvent constituer une étape vers notre objectif futur de liberté des plans, mais pour atteindre cet objectif il faudra remplacer les parties non libres. Elles ne pourront jamais être acceptables dans le monde du libre.

Licences et copyright adaptés aux plans libres pour le matériel

Pour rendre libre le plan d’un matériel, il faut le publier sous une licence libre. Nous recommandons la licence publique générale GNU, version 3 ou ultérieure. Nous avons conçu la version 3 de la GPL en envisageant cet usage.

Placer des circuits ou des formes d’objets non décoratifs sous copyleft ne va pas aussi loin que l’on pourrait le supposer. Le copyright sur ces plans s’applique uniquement à la manière dont le plan est dessiné ou écrit. Le copyleft étant une façon d’utiliser le droit du copyright, son effet ne se fait sentir que dans la mesure où le copyright s’applique.

Par exemple, un circuit, en tant que topologie, ne peut pas faire l’objet d’un copyright (et par conséquent ne peut pas être placé sous copyleft). Les définitions de circuits écrit en HDL peuvent être placées sous copyright (et donc sous copyleft), mais le copyleft ne régit que les détails de l’expression du code HDL, pas la topologie du circuit qu’il génère. De même, un dessin ou le diagramme d’un circuit peut être placé sous copyright, donc sous copyleft, mais cela ne couvre que le dessin ou le diagramme, pas la topologie du circuit. N’importe qui peut légalement dessiner le même circuit d’une façon apparemment différente, ou écrire une définition différente en code HDL qui produise le même circuit.

Étant donné que le copyright ne régit pas les circuits physiques, lorsque des gens construiront des exemplaires du circuit, la licence des plans n’aura aucune incidence juridique sur ce qu’ils feront avec les appareils qu’ils auront construits.

En ce qui concerne les dessins d’objets et les modèles pour imprimantes 3D, le copyright ne s’applique pas à un dessin différent de la forme du même objet purement fonctionnel. Il ne couvre pas non plus les objets physiques utilitaires fabriqués à partir du dessin. Sous le régime du copyright, chacun est libre de les fabriquer et de les utiliser (et c’est une liberté dont nous avons grand besoin). Aux États-Unis, le copyright ne régit pas les aspects fonctionnels de ce que décrit le plan, mais en revanche il couvre les aspects décoratifs. Quand un objet a des aspects décoratifs et des aspects fonctionnels, on se trouve en situation délicate (*).

Tout ceci est peut-être vrai également dans votre pays, ou non. Avant de produire des objets pour un usage commercial ou en grande quantité, vous devriez consulter un juriste local. Le copyright n’est pas le seul problème qu’il vous soit nécessaire de prendre en compte. Vous pourriez être attaqué au plan des brevets, très probablement détenus par des entités qui n’avaient rien à voir avec l’élaboration des plans que vous utilisez ; et d’autres problèmes juridiques peuvent aussi se présenter.

Gardez à l’esprit que le droit du copyright et le droit des brevets sont radicalement différents. C’est une erreur de supposer qu’ils aient quoi que ce soit en commun. C’est pourquoi le terme « propriété intellectuelle » est source de pure confusion et doit être totalement rejeté.


* Un article de Public Knowledge donne des renseignements utiles sur cette complexité (pour ce qui est des États-Unis) bien qu’il tombe dans l’erreur commune consistant à utiliser l’expression fallacieuse « propriété intellectuelle » et le terme de propagande « protection ».

Promotion du matériel libre par le biais des dépôts

Pour favoriser la liberté des plans de matériel, le moyen le plus efficace est d’édicter des règles dans les dépôts où ils sont publiés. Les opérateurs de ces dépôts doivent mettre la liberté des personnes qui vont utiliser les plans au-dessus des préférences des personnes qui les réalisent. Cela suppose d’exiger la liberté des plans d’objets utiles comme condition préalable à leur publication.

Pour les objets décoratifs, cet argument ne s’applique pas, aussi ne devons-nous pas insister pour qu’ils soient libres. Cependant, nous devons insister pour qu’ils puissent être partagés. Ainsi, un dépôt qui gère à la fois des objets décoratifs et des objets fonctionnels doit avoir une politique appropriée en matière de licence pour chaque catégorie.

Pour les plans d’appareils numériques, je suggère que le dépôt préconise instamment la GNU GPL v3 ou ultérieure, la licence Apache 2.0 ou la CC-0. Pour les modèles 3D d’objets fonctionnels, le dépôt doit demander à l’auteur du modèle de choisir l’une des quatre licences suivantes : GNU GPL v3 ou ultérieure, Apache 2.0, CC-SA, CC-BY ou CC-0. Pour les modèles d’objets décoratifs, le choix doit être entre la GNU GPL v3 ou ultérieure, la licence Apache 2.0, la CC-0 ou n’importe laquelle des licences Creative Commons.

image satirique, un policier armé dit à un homme qui s'enfuit effrayé qu'il n'a rien à craindre car son arme est du matériel libre créé à partir de plans libres. Le fuyard dit merci à RMS

Le dépôt doit exiger que tous les plans soient publiés en tant que code source, étant entendu que les codes sources en formats secrets utilisables uniquement par des logiciels privateurs de conception ne sont pas vraiment adéquats. Pour les modèles 3D, le format STL n’est pas le format préféré pour les modifications et par conséquent n’est pas du code source, aussi le dépôt ne doit-il pas l’accepter, sauf peut-être s’il accompagne le vrai code source.

Il n’y a aucune raison de choisir un format unique pour le code source des plans de matériel, mais les formats sources qui ne peuvent pas être reconnus par des logiciels libres doivent être acceptés avec réticence dans le meilleur des cas.

Matériel libre et garanties

En général, les auteurs de plans libres pour du matériel n’ont aucune obligation morale d’offrir une garantie à ceux qui mettent en œuvre ces plans. Il s’agit d’un problème différent de celui de la vente de matériel physique, qui doit être accompagné d’une garantie du vendeur ou du fabricant.

Conclusion

Nous avons déjà des licences appropriées pour rendre libres nos plans de matériel. Ce dont nous avons besoin est de reconnaître que c’est notre devoir en tant que communauté, et d’insister pour que nos plans soient libres lorsque nous fabriquons nous-même des objets.


Note de traduction

  1. En anglais, free software. Le mot free a deux signification : « libre » et « gratuit ».

Cette page peut être utilisée suivant les conditions de la licence Creative Commons attribution de paternité, pas de modification, 3.0 États-Unis (CC BY-ND 3.0 US). Copyright © 2015 Richard Stallman




Plus d’erreurs de grammaire ni de typographie avec Grammalecte

Si vous utilisez un traitement de texte avec des élèves, vous avez sûrement déjà entendu cette phrase « Il n’y a pas d’erreurs car ce n’est pas souligné. » En effet, trop souvent, seul le correcteur orthographique est utilisé. Et comme son nom l’indique, il ne corrige que l’orthographe. Si vous voulez que vos élèves (et même les plus grands) questionnent leurs productions, une petite, que dis-je, une grande extension deviendra vite indispensable : Grammalecte. Laissons Olivier nous en dire un peu plus.

Logo de Grammalecte

Bonjour Olivier, j’ai l’habitude de dire que Grammalecte est une extension qui permet d’apprendre de ses erreurs. Peux-tu nous la présenter ?

Grammalecte est un correcteur grammatical dédié à la langue française. Pour l’instant, il n’existe que pour LibreOffice et OpenOffice, mais j’ai lancé une campagne de financement pour porter l’application dans Firefox et Thunderbird.

Le but du programme, c’est bien sûr de signaler les erreurs grammaticales, mais selon le principe suivant : le moins de fausses alertes possible, car les faux positifs irritent et distraient inutilement les utilisateurs. Ce n’est pas facile à faire, car dans la langue française il y a beaucoup d’incertitudes et les confusions possibles sont innombrables. Songez par exemple que l’adjectif « évident » est aussi une forme verbale du verbe « évider » et vous aurez une idée du genre de difficultés auxquelles il faut faire face. J’en ai parlé dans un long billet sur LinuxFR, alors je préfère ne pas me répéter ici.

#gallery-1 { margin: auto; } #gallery-1 .gallery-item { float: left; margin-top: 10px; text-align: center; width: 50%; } #gallery-1 img { border: 2px solid #cfcfcf; } #gallery-1 .gallery-caption { margin-left: 0; } /* see gallery_shortcode() in wp-includes/media.php */

Entendre que Grammalecte permet d’apprendre de ses erreurs me fait plaisir, car il n’est pas toujours facile de faire en sorte que le message d’erreur soit instructif. La place est limitée, et parfois l’imagination fait défaut pour écrire un message à la fois simple et instructif. Par ailleurs, les explications ne sont pas toujours comprises (tout le monde ne sait pas ce qu’est un COD ou un participe passé). Les exemples, ce n’est pas toujours clair. Les messages trop longs ne sont probablement pas toujours lus. Et, pour des raisons techniques, il n’est pas toujours possible d’être explicite. Il y a encore du progrès à faire sur ce point. Si je le peux, je place un hyperlien vers une page web plus complète, mais les pages web sont parfois longues et les explications ne concernent pas toujours spécifiquement l’erreur concernée. Mais il est vrai que, contrairement à Word (qui ne fournit qu’une correction sans indication), Grammalecte tente souvent d’expliquer. Car le meilleur moyen d’éviter les erreurs grammaticales, c’est d’enseigner petit à petit à l’utilisateur à ne plus en faire. Le meilleur service que puisse rendre un correcteur grammatical, c’est de devenir de moins en moins utile. Mais il le sera toujours à cause des erreurs d’inattention que même les plus doués font.

Pour aider l’utilisateur à s’y retrouver dans la langue française, il y a deux outils :
— le « lexicographe », qui, avec un clic droit sur n’importe quel mot, renseigne sur sa nature grammaticale : un nom, un adjectif, participe passé, un verbe, un article, etc.
— le conjugueur, qui est, lui aussi, accessible avec un simple clic droit sur n’importe quel verbe.

Le conjugueur de Grammalecte

Ce n’est pas beaucoup par rapport à ce que font des logiciels comme Cordial et Antidote, mais c’est bien mieux que ce que fait Word.

Les correcteurs du Framablog et de Framabook me soufflent également que c’est un allié particulièrement efficace pour les « typo nazis »…

Oui, j’espère qu’il l’est, attendu que c’est avant tout pour des questions de typographie que j’ai commencé ce logiciel. Grammalecte est en effet assez strict sur ce chapitre. Au tout début, la décision de signaler les apostrophes droites avait beaucoup surpris certaines personnes, mais ça me semblait parfaitement normal. J’ai finalement mis cette règle en option pour ceux que ça gênait le plus. Grammalecte peut paraître pointilleux pour beaucoup de gens.
Mais pour soulager l’utilisateur des fastidieuses corrections typographiques, le logiciel possède un outil, appelé « formateur de texte », capable d’automatiser en quelques clics la correction des multitudes d’erreurs typographiques. Il peut par exemple :
— supprimer les espaces surnuméraires en fin de ligne, entre les mots, avant les virgules, etc.
— ajouter les espaces insécables là où elles sont requises,
— transformer les apostrophes droites en apostrophes typographiques,
— placer des tirets cadratins pour les dialogues,
et toutes sortes d’autres choses pénibles à faire manuellement, une par une.
C’est très utile quand on récupère des textes mal formatés sur le Net, car ça fait économiser un temps considérable de mise en forme.

Le formateur de texte de Grammalecte
Le formateur de texte de Grammalecte

Cela dit, Grammalecte n’intégrera pas tout à fait les mêmes règles de contrôle typographique dans Firefox, attendu que, dans ce contexte, certaines seront plus une gêne qu’une aide. Ce qui sera supprimé ou modifié reste encore à déterminer. Par exemple, il est possible que je change ou supprime certaines règles sur les espaces.

De manière générale, peux-tu nous présenter les personnes derrière Grammalecte ? Tu travailles seul ?

Alors, oui, je travaille seul sur le moteur interne de Grammalecte. Mais ça ne signifie pas que je sois le seul à avoir travaillé dessus, indirectement ou directement. Le logiciel est un dérivé de Lightproof, un correcteur grammatical minimaliste (d’où son nom, qu’on pourrait traduire par « vérificateur léger ») écrit pour LibreOffice par un Hongrois, mais qui est peu utilisé en raison du manque de ressources lexicales. Ce correcteur fait appel à Hunspell, le correcteur orthographique, mais la plupart des dictionnaires orthographiques n’étant pas grammaticalement étiquetés, son potentiel est limité et il sert surtout pour des corrections basiques ou typographiques. D’ailleurs, tel quel, il ne pouvait être d’une grande utilité pour le français, même avec un dictionnaire étiqueté, c’est pourquoi il a fallu que je triture le code pour pouvoir en faire un correcteur plus puissant (et moins léger). Mais je ne blâme pas Lightproof d’être léger et rudimentaire. Au contraire, ça m’a permis de mettre le pied à l’étrier et de constater que beaucoup de choses n’étaient pas si compliquées à faire. Ensuite, peu à peu, j’ai commencé à réfléchir à des choses plus complexes et à avoir des idées plus vastes que ce que j’avais imaginé faire en premier lieu.

Cependant il y a pas mal d’autres personnes qui ont travaillé et travaillent sur la base indispensable de Grammalecte : le dictionnaire orthographique grammaticalement étiqueté. Ça peut paraître anecdotique, mais gérer un dictionnaire c’est une tâche qui requiert un temps considérable et certains contributeurs y ont consacré une énergie qui méritent toute votre estime. Il y a quelques années, j’avais confié l’administration du dictionnaire à d’autres personnes, ce qui m’a permis d’avoir du temps pour améliorer le site web dédié à l’amélioration du dictionnaire et surtout pour concevoir les premières versions du correcteur grammatical. Gérer une base lexicale, c’est très loin d’être négligeable, c’est pourquoi Grammalecte et LanguageTool utilisent la même ressource. L’un des plus gros contributeurs au dictionnaire, c’est d’ailleurs le mainteneur de la partie française de LanguageTool. Quant aux autres, c’est une petite poignée de passionnés très investis ou de simples passants qui avaient besoin qu’on ajoute certains mots au dico. Mais je n’ai jamais demandé de comptes à quiconque, je ne sais pas qui ils sont. Un pseudo, une adresse e-mail, parfois un nom, c’est tout ce que je sais d’eux. À présent, il y a beaucoup moins de contributeurs, ce projet connaît un certain ralentissement. Il faut dire que le dictionnaire est bien plus fourni qu’autrefois, même s’il y a sans doute encore beaucoup à faire pour les domaines spécialisés comme la médecine, la biologie ou la chimie. Les nouveaux mots qu’on ajoute maintenant concernent surtout les sciences, ou bien des vieilleries peu utilisées.

4 dictionnaires orthographiques proposés
4 dictionnaires orthographiques proposés

Quant à moi, on pourrait croire que je suis un passionné d’orthographe et de grammaire, et que je m’amuse à faire des concours de dictée. Pas du tout. Pour tout dire, la grammaire ne m’intéresse que parce que je conçois un correcteur grammatical, c’est tout. Ce que j’aime avant tout, ce sont les livres, la littérature et l’informatique. Il y a une douzaine d’années, je récupérais sur le Web pas mal de textes anciens introuvables en librairie, et je les mettais en forme pour mon usage.

En 2005, quand j’ai découvert l’existence d’OpenOffice.org, j’ai immédiatement été impressionné par Writer, qui permettait de concevoir des textes de manière bien plus cohérente et propre que Word. Par ailleurs, Word me fâchait par son incapacité à relire correctement les anciens documents conçus avec lui (j’ai commencé avec Word 6). Il fallait souvent refaire certaines mises en page. Et le format binaire ne permettait guère de retrouver ses petits si le document était corrompu. La qualité de Writer et le format ouvert de documents sont les raisons pour lesquelles j’ai migré vers OOo.

Mais il y avait quand même un aspect de Writer qui était en deçà de son concurrent : le correcteur orthographique. Il était très lacunaire. C’est la raison pour laquelle j’ai commencé à m’intéresser à la question. Finalement, j’ai d’abord cherché à remplir mes besoins d’utilisateur. En 2006-2007, j’ai retroussé mes manches et j’ai d’abord amélioré le dictionnaire, j’ai repris les différentes versions disponibles sur le Net, et j’ai conçu un site web pour recevoir les propositions des utilisateurs. En 2008, j’ai fini par réécrire toutes les règles du dictionnaire pour normaliser les données (avant ça, c’était vraiment le bordel), et j’ai posé des étiquettes grammaticales dessus, avec l’idée que ça servirait un jour à celui ou celle qui aurait l’idée saugrenue de faire un correcteur grammatical, puis j’ai recréé le site web (parce que le premier était mal foutu). À l’époque, je n’avais pas du tout l’intention de concevoir un correcteur grammatical. Je ne me sentais pas assez fou pour me lancer là-dedans.

J’avais bien sûr essayé LanguageTool, mais il ne me convenait pas du tout, car il y avait vraiment trop de faux positifs. En 2010, j’ai tenté d’améliorer LanguageTool pour le français, mais j’y ai finalement renoncé à cause d’une histoire de typographie et de mon désamour pour Java et le XML. C’est alors que j’ai découvert Lightproof, capable d’interroger les dictionnaires dans Writer. Tiens, tiens, intéressant, me suis-je dit, et si je faisais un petit test ? Au commencement, j’ai pas mal galéré pour diverses raisons plus ou moins complexes, mais j’ai eu assez vite un correcteur typographique auquel j’ai ajouté quelques règles simples concernant la grammaire. Encore une fois, je ne faisais que satisfaire mes propres exigences d’utilisateur. Puis, comme ça a plu, j’ai continué à améliorer le moteur interne du correcteur, peu à peu, en ajoutant des mécanismes plus complexes et en polissant peu à peu les rugosités du logiciel.

Cela dit, cela va vous paraître bizarre, mais j’éprouve un doute de nature philosophique sur la pertinence de concevoir un correcteur grammatical. Je ne juge pas qu’un correcteur grammatical soit inutile, mais à force de plancher sur la question, la grammaire française a commencé à me paraître inutilement compliquée et incohérente. On écrit par exemple : Je commence, tu commences, il commence. Mais on écrit : Je finis, tu finis, il finit. Il est étonnant qu’on juge utile de distinguer la deuxième personne du singulier au premier groupe, mais au deuxième groupe on préfère distinguer la troisième personne du singulier. À l’impératif, dans le deuxième groupe, la graphie de la deuxième personne du singulier est la même que celle à l’indicatif (« finis »), mais au premier groupe la graphie de la deuxième personne du singulier est différente à l’indicatif (« commences ») et à l’impératif (« commence »), ce qui trompe d’ailleurs beaucoup de monde. Pire : au deuxième groupe, la première et la deuxième personnes du singulier (« finis ») ont la même graphie qu’un participe passé. Encore une belle occasion de semer la confusion.

On va me rétorquer que c’est notre « héritage », que ça vient des origines de la langue, que l’étymologie, c’est important. Oui, mais c’est un argument creux. D’abord, qui connaît l’origine de la variation des graphies des conjugaisons ? Pas grand-monde, je parie. Un coup d’œil sur la question sur Wikisource. Les anciens étaient-ils parfaitement logiques et cohérents ? C’est très discutable. La langue n’a pas évolué de manière uniforme. Un autre exemple : habiter vient du latin habitare, c’est pour ça qu’il y a un h au début du mot. Habitare dérive lui-même du mot habere, qui signifie avoir. Ah, tiens, le h a disparu sur avoir. Autrement dit, l’histoire préserve et altère les graphies très diversement. Pourtant, préserver le h sur avoir aurait été bien utile, car ça éviterait que certaines formes verbales de avoir soient identiques ou semblables à d’autres mots sans rapport avec ce verbe, comme a, as, avions, aura, ais (qui n’est pas une forme conjuguée de avoir). Absurde de rajouter h à avoir, pensez-vous ? Pourtant, on a autrefois ajouté des lettres aux graphies des mots pour mieux les distinguer. On a ajouté un d à pied (parce que ça vient de pedis), un g à doigt (parce que ça vient de digitus), etc. Personnellement, j’aimerais bien que avoir retrouve son h…

Le français est plein de confusions, d’ambiguïtés et de bizarreries. Il y a tellement de choses à retenir. Savez-vous à quoi ressemble la somme de la connaissance sur la grammaire française ? À un pavé de 1600 pages écrit en petites lettres qui s’appelle Le Bon Usage de Grevisse (au format poche, ça ferait plus de 3500 pages, je pense). Et encore, on n’y trouve pas tout.

Couverture de la 15ᵉ édition du Bon usage
Couverture de la 15ᵉ édition du Bon usage

Récemment, une de mes amies s’indignait que ses enfants dussent apprendre par cœur les pluriels irréguliers de caillou, genou, hibou, etc. Pourtant ces mots ne dérivent pas de mots plus anciens contenant des x. Ce x n’est dû qu’à une écriture abrégée employée il y a longtemps, où un X remplaçait “us”. Au lieu d’écrire chous, certains écrivaient choX. (référence sur Wikipédia). Personnellement, il me paraît bien plus grave de confondre “on” et “ont”, “à” et “a”, “se” et “ce”, que de se tromper sur le pluriel de caillou ou d’écrire “tu commence”. Mais le français est si plein de choses à retenir qu’on voit régulièrement des gens ne pas se tromper sur des questions accessoires et écrire des phrases dont la syntaxe fait mal aux yeux.

Voilà pourquoi j’éprouve un doute sur la pertinence de concevoir un correcteur grammatical en l’état des choses. Je crains d’aider à figer une langue dans toutes ses incohérences et ambiguïtés. (Mais ceux qui vendent des correcteurs y trouvent probablement leur compte.) Il me semblerait plus utile que les experts se réunissent pour concevoir un français avec le moins possible d’incohérences, d’ambiguïtés et d’irrégularités. Je comprends que c’est pour certains un scandale de toucher à la langue. C’est pourtant ce que font souvent ceux qui créent des langages de programmation, quand ils veulent les améliorer. Ils modifient la syntaxe, ils ajoutent du vocabulaire, font les modifications qu’ils jugent utiles. Résultat : un langage plus lisible, moins ambigu et plus cohérent.
De toute façon, si l’on ne fait rien, le français évoluera. De manière incohérente probablement, comme jusqu’à présent. Et on appellera ça notre culture.

Mais rassurez-vous, je n’ai aucunement l’intention d’imposer mes idées, et le correcteur grammatical essayera de faire respecter les règles actuelles. 🙂
Actuellement, Grammalecte est disponible pour les suites bureautiques libres (LibreOffice, Apache OpenOffice, OOo4kids et OOoLight), j’ai cru comprendre que la prochaine étape était de couper le cordon et de l’adapter pour d’autres logiciels.

Avant de répondre à cette question, une remarque sur les suites bureautiques : je ne sais pas du tout ce qui se passe du côté d’OOo4Kids et OOoLight. Je pensais que le développement de ces logiciels avait cessé. Je crois savoir qu’ils utilisent Python 2.6, et je ne fournis plus de nouvelles extensions pour cette version de Python depuis assez longtemps. C’est déjà assez contrariant de fournir une version utilisable par OpenOffice (qui n’intègre que la version 2.7 de Python). Le problème, ce n’est pas OpenOffice, c’est cette version de Python dont le module d’expressions régulières est un peu bogué, ce qui rend Grammalecte moins efficace et génère parfois des faux positifs indépendants de mon contrôle. En fait, je teste tout avec LibreOffice, puis l’extension est convertie pour OpenOffice.

Mais, oui, la prochaine étape, c’est de désimbriquer Grammalecte de l’écosystème LibreOffice/OpenOffice, notamment pour pouvoir greffer le correcteur grammatical sur Firefox et Thunderbird. Ça fait longtemps que j’y songe, mais il y a pas mal de prérequis à cela. Il faut refondre et réorganiser une très grosse partie du code, transformer toutes les données, optimiser pas mal de choses, écrire les fonctionnalités qui manqueront après s’être détaché de LibreOffice/OpenOffice, améliorer certains points de la correction grammaticale, convertir en JavaScript (le langage de programmation des navigateurs), concevoir une interface adaptée, et j’en oublie certainement. En bref, il y a des eaux tumultueuses à traverser avant de pouvoir reprendre une navigation sereine. C’est pourquoi j’ai monté une campagne de financement participatif pour pouvoir m’y consacrer sereinement.

Campagne de dons sur le site Ulule

Et tu ne comptes pas t’arrêter aux logiciels mozilliens. Quel est ton objectif ultime ?

Produire une extension pour Firefox et Thunderbird fait déjà partie de mon but « ultime », c’est déjà à mes yeux une très importante finalité en elle-même, mais en effet ce n’est pas tout.

Séparer Grammalecte de Writer a aussi pour dessein de bâtir une application autonome, un serveur capable de renvoyer les erreurs à toute autre application qui lui transmettrait du texte, ce qui permettrait à ces applications de proposer des corrections grammaticales. Charge à elles de concevoir l’interface. Après, idéalement, j’aurais aimé revoir complètement la gestion des ressources lexicales, refaire le site web du dictionnaire de fond en comble, mais ce n’est pas indispensable et ça demanderait beaucoup de travail. Alors j’ai préféré être plus raisonnable en proposant de concevoir divers outils annexes.

Parmi ceux-ci, il y a notamment un assistant pour proposer de nouveaux mots à la base de données en ligne, pour simplifier toute la procédure. Il y a aussi un outil pour détecter les répétitions et compter les mots en les regroupant par lemme. Je prévois aussi d’améliorer le « lexicographe » afin de fournir sur les mots toutes les données dans la base, comme le champ sémantique auxquels ils appartiennent, leur indice de fréquence, leur origine étymologique et toute information potentiellement utile.

En fait, toutes ces choses (les extensions, le serveur et les outils annexes) sont plus liées qu’il n’y paraît. Elles ne sont séparées dans la campagne de financement que pour que celle-ci ait plus de chances d’aboutir. La véritable finalité, c’est de bâtir un écosystème grammatical libre.

Nous pouvons donc soutenir le développement financièrement. Si certains de nos lecteurs souhaitent t’aider d’une autre manière, comment peuvent-ils faire ?

Le point sur lequel il est possible d’aider, c’est la gestion du dictionnaire qui sert de base lexicale au correcteur. Ce n’est malheureusement pas une tâche très enthousiasmante, car c’est répétitif. Mais ajouter les mots qui manquent, les étiqueter, c’est pourtant indispensable. Quand un mot n’est pas identifié, le correcteur est aveugle. Plusieurs fois, j’ai laissé le rôle d’administrateur à des personnes motivées qui ont fait du très bon boulot. Tout le monde peut participer, et si quelqu’un se sent motivé pour administrer, il suffit d’apprendre comment ça fonctionne, se faire la main sur le système et de savoir grosso modo quelle est la politique suivie.

Quant au code, je préfère travailler seul, question de tempérament, mais quand j’aurai fini la réorganisation du projet et que les tests seront mis en place pour éviter les régressions, je serai plus ouvert à la collaboration.

Traditionnellement, nous laissons le mot de la fin à l’interviewé. Y a-t-il une question que tu aurais souhaité qu’on te pose ?

On ne m’a pas encore posé de questions sur le potentiel futur du correcteur, s’il peut encore beaucoup progresser dans la détection des erreurs.

La réponse est oui, il peut encore progresser de manière significative. Il est difficile de faire des prédictions avec une grande fiabilité, mais je suis optimiste sur la distance que celui-ci peut parcourir avant d’arriver au point où il sera difficile d’améliorer les choses sans revoir de fond en comble son fonctionnement.

Pour l’instant, il existe 929 règles de contrôle (qui recherchent les erreurs) et 535 règles de transformation (qui aident les premières à s’y retrouver dans le texte). Ces règles font énormément de choses, mais je n’ai pas encore implémenté nombre de vérifications, parce que c’est parfois compliqué à faire (il faut tester, refaire, vérifier, refaire, revérifier), mais aussi parce qu’il existe nombre d’erreurs auxquelles je n’ai pas pensé. Concevoir les règles de détection, c’est parfois simple, mais ça requiert parfois aussi de l’inventivité.

Pour l’instant, j’ai assez peu travaillé sur certaines erreurs grossières, comme les confusions entre “sa” et “ça”, “on” et “ont”, “a” et “à”, etc. parce que j’en vois peu dans les textes sur LibreOffice. Ce n’est pas le genre d’erreurs qui me vient automatiquement à l’esprit. En revanche, sur le web, ces erreurs sont bien plus fréquentes, et il faudra que je veille à renforcer les contrôles sur ces confusions qui trahissent une méconnaissance assez grave de la grammaire française. Il existe bien sûr déjà des règles pour signaler ces confusions, mais c’est encore à améliorer.

Sans rien changer aux mécanismes internes, il y a encore beaucoup de choses faisables. Mais j’avance prudemment, car la difficulté ce n’est pas de trouver de nouvelles erreurs à signaler, c’est d’en détecter sans se tromper trop souvent. Comme la « devise » de Grammalecte, c’est d’éviter autant que possible les faux positifs, la montée en puissance se fait à un rythme raisonnable, afin de corriger ce qui peut l’être au fur et à mesure et d’éviter d’être submergé par des signalements intempestifs.

Par ailleurs, à l’avenir, va être mis en place un système de désambiguïsation (cf. l’article sur LinuxFR) qui va rendre l’analyse du texte plus sûre et mécaniquement augmenter le taux de détection.

Ensuite, il n’est pas exclu de créer des mécanismes plus complexes, mais c’est une autre affaire. Grammalecte n’en est pas encore arrivé à ce stade.




La Marmotte veut le chocolat, et l’argent du chocolat

Aryeom et Jehan se sont lancés dans un projet de film d’animation sous licence libre.
Pas un truc d’amateurs ! Tous deux munis d’un solide bagage (elle : dessinatrice et réalisatrice ; lui : acteur et développeur), ils veulent en mettre plein la vue et courir les festivals avec une belle œuvre.
Ils souhaitent aussi séduire assez de donateurs pour produire leur film en financement participatif.
Comme les premières images sont impressionnantes, nous avons voulu en savoir plus. C’est surtout Jehan qui parle parce qu’il est le plus bavard des deux, et puis Aryeom peine encore à parler français, alors nous l’avons interrogée en anglais.

 

Vous vous présentez sur le site du studio Girin, mais pouvez-vous nous parler de votre rencontre ?
Jehan, qu’est-ce qui t’a pris de traverser le monde à moto ?

Jehan : Je me suis cassé la clavicule dans une chute à moto. Pendant quelques mois, j’ai pris le métro matin et soir, dans la foule, les bruits et odeurs des transports en commun parisiens, tout ça pour se planter devant un bureau toute la journée. Cela m’a fait me demander « mais qu’est-ce que je fais là ? ». C’est là que j’ai décidé de partir. Quelques mois plus tard, je pose donc ma démission de mon boulot d’ingé, vends ma belle moto neuve et achète à la place une moto de 1991 (que j’utilise encore quotidiennement à ce jour !), rends mon appartement, me débarrasse de ce qui n’est pas utile et prends la route.

Je n’ai jamais eu de plan exact. En fait je ne savais pas pour sûr où j’allais ni par quel chemin avant d’y être. J’ai pris les visas au fur et à mesure. C’est aussi pour cela que je préfère parler de « vagabondage » plutôt que de « voyage ». Le premier terme a une connotation assez péjorative en français, mais je le trouve au contraire très sympathique et j’ai envie qu’il s’applique à moi, surtout après avoir lu Knulp de Hermann Hesse.

Au contraire « voyageur » a cette connotation méliorative. On va entendre des absurdités du genre « les voyageurs sont des gens ouverts », etc. Je peux vous dire que j’ai croisé des très grands voyageurs qui étaient de beaux salauds, tout comme j’ai connu des gens super sympas et ouverts qui n’avaient jamais quitté leur bled. En d’autres termes, ça n’a absolument rien à voir. On peut être un voyageur ouvert ou non, comme pour tout. Par contre le voyage, dans notre société, c’est beaucoup associé à du tourisme pur et dur où des gens vont aller une semaine dans un endroit, voir quelques lieux touristiques, faire quelques remarques bateau, puis revenir chez eux en étant persuadés d’avoir tout compris sur un pays et tous ses habitants. Bien que cette vision du voyage soit bien vue dans nos sociétés, je préfère me poser un peu en rupture avec cette façon d’aller sur les routes. Il n’est pas nécessaire de comprendre ou savoir quoi que ce soit quand on va quelque part ou quand on rencontre quelqu’un. On peut se contenter d’y être. Vouloir tout intellectualiser, c’est peut-être ça d’ailleurs le contraire de l’ouverture.

Je suis donc un vagabond, et je ne réfléchis pas ni ne sais d’où je viens, ni où je vais, tout comme Marmotte. 🙂

Après avoir traversé l’Asie centrale (à travers Kazakhstan, Russie, Mongolie…), je suis resté un an au Japon, puis suis allé en Corée.

C’est là que j’ai rencontré Aryeom.

Aryeom, why did you decide to come in France, while things seemed to work well for you in Asia? (Aryeom, pourquoi as-tu décidé de venir en France, alors que ça semblait marcher pour toi en Asie ?)

Aryeom : France is known as an art country. So I wanted to live in France someday, and the chance came earlier than I thought. Jehan has an association for libre art and suggested a residency artist program with his association. And the principles of the association are so nice for the world. I thought it was a very good chance for me. So I caught it.

(Le rayonnement de la France sur les arts est reconnu. Je m’étais dit que ce serait bien de venir vivre en France un de ces jours ; l’occasion s’est présentée plus tôt que prévu. Jehan fait partie d’une association d’art libre et il m’a proposé un programme d’artiste en résidence. Les principes de son association sont tellement sympathiques que j’ai pensé que sa proposition était une vraie chance pour moi, et j’ai accepté.)

Le personnage principal de votre film d’animation est une marmotte voyageuse, qui décide de partir découvrir le monde au lieu de roupiller devant son terrier. On a bien compris que c’était votre animal totem. Elle illustre votre façon de voir la vie ?

Jehan : Oui et non. Oui j’adore cet animal et c’est un peu mon totem, si on veut. Non je n’y ai pas mis tellement de réflexion (encore une fois !) ou de « théorie bullshit » sur la vie. Au final c’est surtout un animal que je trouve cool et marrant. Ça ne va pas chercher beaucoup plus loin. 🙂

J’ai toujours beaucoup aimé les marmottes et suis allé régulièrement dans les Alpes, donc j’en ai croisé pas mal. J’ai un jour acheté une peluche marmotte (lors d’un séjour au ski, si ma mémoire est bonne), et elle m’a tout bêtement suivi dans tous mes vagabondages depuis. Donc vous pouvez le voir, ça ne vole pas dans de grandes sphères philosophiques ou symboliques !

Je ne l’exhibe pas forcément beaucoup, donc les gens ne le savent pas forcément, mais si vous me rencontrez, il y a de grandes chances qu’elle épie depuis mon sac. 😉

C’était mon copilote, on lui a fait un petit casque en simili-cuir avant mon départ, et il avait sa place sur le guidon de la moto. Cette peluche a visité plusieurs dizaines de pays !

C’est donc l’idée de base du film : et si la marmotte décidait de partir en voyage seule ?

Vous voulez gérer tout le projet uniquement avec des logiciels libres. Ça ne rend pas les choses moins faciles ?

Jehan : Bien sûr. Il existe de très bons logiciels proprios et il n’y a pas eu ou très peu de projets sérieux qui ont utilisé des logiciels Libres. Donc tout ce qui existe pour l’animation n’est qu’à l’état de prototype en gros. Notre projet sera donc clairement un des pionniers.

Mais j’utilise essentiellement les systèmes GNU/Linux depuis une dizaine d’années au moins et avec Aryeom, on a pensé que c’était l’occasion de faire un film d’animation et de créer les logiciels adéquats (ou les sortir de l’état de prototype). Il faut un vrai projet pour rendre les logiciels fonctionnels. La théorie a toujours des limites qui se cognent à la réalité dans de vrais projets.

Je me considère comme un relativement capable développeur. Non pas un expert, mais par contre un touche-à-tout et surtout méticuleux (le mainteneur de GIMP me traite de « pedantic hacker » pour signifier qu’il me fait confiance pour trouver des bugs et problèmes que d’autres ne voient pas !). Donc je pense être capable d’améliorer les choses si on m’en donne les moyens. Sans compter que la base est déjà plutôt bonne. On ne part pas non plus de rien et l’état et la stabilité des logiciels Libres pour le dessin et partiellement l’animation sont très bons de nos jours, bien qu’il y ait encore pas mal de manques.

Aryeom, do you never dream to work with a good old Adobe suite? 🙂
Is it very much complicated to draw with free softwares? Or is it cool because you know a Gimp developer and you can ask directly to Jehan the fonctionnalities/features you want?

(Aryeom, tu ne rêves jamais de bosser avec une bonne vieille suite Adobe ? Est-ce que c’est beaucoup plus compliqué de dessiner avec des logiciels libres ? Ou alors c’est sympa parce que tu connais l’un des développeurs de Gimp et que tu peux demander à Jehan les options dont tu as envie ?)

The first year when I started to use GIMP, there were times I wanted to throw my tablet pen through the window. But now I got used to it.
This is just a different software and I just have had to learn the basics, as for any software.

There are still things I miss. In particular there are no programs which I can use like After effects. This is very tough for me.

And all software in Adobe suite are well connected. We don’t have this in Free Software. Working with GIMP and Blender can be a pain sometimes because of this. I hope that with more users, these connections will be implemented.

(La première année, quand j’ai commencé à travailler avec Gimp, j’ai eu des envies de balancer ma tablette graphique par la fenêtre. Mais maintenant je me suis habituée. C’est simplement un logiciel différent, il a fallu que j’apprenne les fondamentaux, comme avec n’importe quel logiciel, voilà tout.

Il me manque quand même encore des trucs. Particulièrement After Effects, qui n’a pas d’équivalent. Ça, c’est dur.

Et puis tous les logiciels de la suite Adobe sont bien liés entre eux. Nous n’avons pas ça dans le Libre. Du coup, travailler avec Gimp et Blender peut devenir compliqué. J’espère que ces liens seront mis en place quand nous serons plus nombreux à les utiliser.)

L’autre particularité du projet, c’est que vous ne voulez surtout pas faire du boulot d’amateur. Vous souhaitez un résultat de qualité professionnelle et que tout les artistes soient payés. Dans votre demande de contribution, vous dites « ce n’est pas un appel à venir bosser gratos » !
Vous pensez vraiment y arriver ?
Dans le circuit « traditionnel », c’est déjà compliqué de sortir des projets !

Jehan : Nous espérons en tous cas ! Il est vraiment important pour moi de ne pas rester dans l’amateurisme. Attention ce n’est pas parce que je considère l’amateurisme comme inférieur. Bien au contraire, j’en suis un fervent défenseur et il ne faudrait surtout pas déconsidérer le travail amateur. J’ai connu des amateurs qui pourraient aisément être pros et des pros qui font vraiment un boulot de merde. On voit cela pour tout métier.

Néanmoins pour ce projet en particulier, déjà je veux prouver qu’on peut faire un vrai boulot, pour l’image du Libre, mais aussi parce que ce projet nous tient à cœur.

Ce n’est pas non plus juste une « démo technique » comme on peut le voir par ailleurs dans d’autres projets du Libre portés par des gens intéressés seulement par le software. Non c’est un vrai projet de film aussi.

En outre on veut pouvoir y bosser à temps plein. Or pour faire cela, on doit pouvoir se payer, et si on se paye, c’est aussi normal de payer les autres (je ne trouverais pas sain de se payer tout en demandant à des volontaires de bosser gratos).

Quel est le secret de ce bel optimisme ? (How can you be so optimistic?)

Jehan : si vous êtes pessimiste, vous ne pouvez rien faire. Toute personne a tout intérêt à être optimiste en toute chose pour pouvoir « faire des choses ». C’est pour moi un principe de base.

À propos de la musique, j’ai lu que vous deviez refuser les propositions des membres de la SACEM, parce qu’ils ne sont plus libres de diffuser leurs œuvres comme ils le souhaitent. Ubuesque, non ?

Jehan : Oui. Les membres transfèrent la gestion de leurs droits d’auteur à la SACEM. En gros vous n’avez plus de « droit » sur vos droits, ce qui est plutôt ironique. Un adhérent SACEM ne peut plus négocier ou signer de contrat sur ses droits d’auteur, et n’a donc pas le droit de mettre ses œuvres sous une licence de son choix (sauf accord spécifique). De même qu’un adhérent n’a même pas le droit de déposer ses morceaux sur son site perso (ou aucun site de manière générale). À vrai dire, de nombreux membres SACEM sont en violation pure et simple de leur contrat en essayant de faire la pub pour leur morceau (en le faisant écouter, en le mettant sur leur site, etc.). Si même vous faites écouter vos propres morceaux à un public, vous devez payer (pour ensuite toucher théoriquement des droits sur l’écoute, sauf que comme la SACEM prend sa part au passage, il ne reste plus grand chose). Ubuesque, oui. Ridicule même.

Maintenant qu’on sait tout ça, comment est-ce qu’on peut vous aider ? Vous prenez tout le monde ? Moi, je recadre déjà mes photos de famille avec The Gimp. Encore un ou deux tutos à lire et je viens !

Jehan : Effectivement pour ce projet en particulier, la question peut se poser puisqu’on veut faire un film de qualité. De même que la Blender Foundation fait une sélection draconienne pour les participants à ses Open Movies. Ce serait pareil pour nous. Ensuite comme je disais, je n’aurais aucun blème à engager un amateur très qualifié (de même que je n’aurais aucun remord à refuser l’aide d’un professionnel au travail bâclé).

Par contre notre assoce en elle-même prévoit des ateliers pour expliquer les logiciels Libres créatifs à monsieur Tout-le-Monde (ou à des pros habitués à des logiciels propriétaires), et aider les gens à les utiliser. Par exemple à l’Ubuntu Party ainsi qu’aux RMLL, nous aurons (normalement) un atelier de ce genre pour fabriquer tous ensemble « l’album d’autocollants des libristes » dans un contexte « d’impression pro chez un imprimeur ». Tu as peut-être entendu parler de ce projet initié par LDN.  D’ailleurs si Framasoft a des autocollants, faut les envoyer ! Clairement vous devez faire partie de l’album. 🙂

La flatterie ne te mènera nulle part.

On s’est dit que c’était vraiment un projet sympa, car pas trop complexe (le « contenu » existe déjà, c’est globalement les autocollants existants des assoces françaises), qui permettrait d’expliquer les bases de la mise en page (pour impression physique, pas web), mais aussi des questions sur les couleurs (CMYK/RGB, que sont les profils de couleur ? Sur ce sujet, on aimerait un peu décortiquer le mythe du vrai d’ailleurs car on rencontre foultitude de « graphistes pros » qui n’y pigent rien et répètent les conneries qu’on se répète probablement de graphiste senior à graphiste junior parce qu’ils ne comprennent rien à la technologie sous-jacente).

On pense qu’on devrait pouvoir créer cet album entièrement collaborativement en plusieurs ateliers. Comprendre : nous on fera absolument que dalle !

On ne sera là que pour montrer aux gens comment faire, guider, et répondre aux questions ! Alors, dans un an peut-être, la communauté pourrait lancer une impression de son album créé intégralement collectivement. Moi je trouve ça cool.

Pour ce genre d’atelier, tu pourras venir avec ton background impressionnant de retouche de photos de famille ! Pour le film, c’est moins sûr. 😉

Bon, OK, c’est peut-être mieux si je donne un peu de sous. Où ça ?

ici : https://www.indiegogo.com/projects/zemarmot-libre-movie-made-with-free-software. Il y a une bande-annonce.

Et le film, on le verra quand ? Ça doit prendre du temps à fabriquer, non ? Vous allez donner des nouvelles tout au long de la production ? Montrer des petits morceaux ? Faudrait pas non plus nous gâcher le plaisir de la découverte…

On en saura plus à la fin du financement, notamment quelle sera la durée du film, et donc la durée de la production (ou tout simplement en fonction du support reçu : pourrons-nous faire le film ?). Si on arrive à bien le financer et qu’on peut en faire un projet à temps plein, alors ce serait idéal.

En tous les cas, oui on prévoit de donner des nouvelles régulières. On montrera des images, mais je ne pense pas que l’on montrerait trop de « morceaux » du film publiquement par contre, non parce qu’on veut cacher le film, mais simplement pour le côté « spoiler ». Si on a montré l’ensemble du film par petits morceaux décousus tout au long de la production, non seulement c’est moins impressionnant (car « non fini », donc ça peut avoir un aspect décevant), mais en plus à la fin les gens auront déjà presque tout vu par bouts incohérents et pourraient être déçus de ne pas voir de nouveauté dans le film final. Donc ça gâcherait le visionnage.

Je pense qu’une meilleure stratégie est de ne pas bloquer l’accès aux fichiers (quelqu’un de passionné pourrait alors accéder aux fichiers), sans pour autant gâcher le film final pour ceux qui préfèrent attendre le film fini.

En tous cas, oui une animation prend beaucoup de temps à fabriquer. C’est simple à calculer : 24 images par seconde, ça fait 1440 (24 * 60) images pour une minute de film ! Donc pour juste une seule minute, imaginez que vous devez faire 1440 dessins, les colorier… En plus les dessins doivent être précisément calculés pour obtenir une animation réaliste et/ou drôle/intéressante, ce qui demande aussi un travail et un savoir faire considérable. Bien sûr vous ne redessinez pas tout à chaque dessin (les arrière-plans par exemple peuvent être réutilisés tout au long d’un plan statique), de même que selon la qualité d’animation désirée, il est courant de descendre à 12 images par seconde.

Mais cela reste quand même un gros boulot, et surtout une organisation très importante (avec autant de dessins, ne pas être organisé peut marcher pour une courte animation, mais à partir de quelques minutes, ce n’est plus gérable).

D’ailleurs un aspect du projet est aussi de financer du développement. J’ai plusieurs projets liés à l’animation :

  • un logiciel de gestion de projet d’animation, ce qui inclut le storyboard, les feuilles d’exposition, etc.;
  • le plugin d’animation de GIMP pour en faire plus qu’un plugin de création de GIFs animés de chatons;
  • je prévois de travailler sur l’import des fichiers dans Blender (pour l’instant travailler avec des fichiers générés par GIMP, Krita ou MyPaint et les importer dans Blender n’est absolument pas adapté et vraiment laborieux).

L’un des gros avantages d’une suite comme Adobe n’est pas seulement des logiciels bons individuellement mais aussi leur intégration les uns avec les autres.

Oui, c’est ce que dit Aryeom aussi.

Il est ainsi extrêmement simple de travailler sur des images dans Photoshop, puis charger le fichier PSD (les « images » de Photoshop) dans After Effects, ce qui permet de travailler sur les calques comme des images séparées, puis modifier l’image dans Photoshop et voir les changements dans After Effects, puis travailler dans Première, etc. Tout est lié. On n’a pas ça dans le Libre et c’est quelque chose qu’on aimerait vraiment pouvoir apporter. C’est à peu près aussi important que la qualité des logiciels eux-mêmes : comment les divers logiciels peuvent communiquer efficacement?

En conclusion : oui, c’est un travail de longue haleine. Et on avisera sur la longueur du projet en fonction du financement.

Le grain de sel de Pouhiou : ce film, vous projetez de le sortir sous licence libre… Vous n’avez pas peur qu’on vous vole votre bébé 😛 ?
Plus sérieusement, la licence libre vous semble un pendant naturel au financement collaboratif ?

Oui cela me paraît naturel de rendre à la communauté ce qu’elle a financé. C’est l’inverse qui me paraît difficilement normal. Par exemple lorsqu’un musée public vous empêche de prendre des photos d’œuvres dans le domaine public depuis des centaines d’années, alors même que c’est vous qui payez entièrement ce musée par vos taxes et impôts ! Je sais que beaucoup de gens vont pourtant financer sans problème des œuvres propriétaires. Je n’ai rien à y redire, chacun est libre de dépenser son argent comme il le souhaite. Après tout si le fait que l’œuvre sorte est suffisant pour les financeurs, pourquoi pas. Mais dans mon petit cerveau idéaliste, je rêve de plus. Je rêve d’un marché de l’art sans frontière ni limites auto-imposées et totalement artificielles.

Si on regarde le problème sous un angle plus traditionnel, un investisseur qui met de l’argent dans un film ou une société espère faire fructifier son investissement. Mais dans notre cas, tout ce que nous y gagnons serait quelques t-shirts ou autres bagatelles ? Et si l’investissement des financeurs collaboratifs existait, sauf qu’au lieu d’une forme monétaire uniquement, il a aussi une forme culturelle, artistique et communautaire ? Au lieu de plus d’argent, nous rendons du partage de connaissance et le droit pour tous de voir, partager et faire ce qu’on veut de l’œuvre qu’on a contribué à faire exister !

C’est une œuvre de biens communs.

Quelqu’un veut utiliser notre œuvre ? Très bien !

Est-ce vraiment du « vol » (ou pour être plus précis en termes légaux, de la contrefaçon) si on a déjà été payé pour produire l’œuvre ? C’est aussi pourquoi plus haut, lorsque vous demandez pourquoi c’est important de payer les gens (nous même et autrui), c’est une autre bonne raison. Un vrai travail est produit, un travail compliqué, long (des mois et des mois à temps plein pour créer des dizaines de milliers d’images !). Donc c’est normal de le payer, et si possible pas au lance-pierre. Par contre après cela, les artistes peuvent passer à autre chose, quant à l’œuvre, elle peut continuer à vivre sa vie. Vous voulez la présenter dans un cinéma ? Génial ! Bien sûr si vous souhaitez rémunérer les artistes davantage avec un pourcentage des recettes, c’est très bien, et on acceptera avec joie (vous pourriez alors utiliser un « Creator endorsed » logo comme Nina Paley, par exemple.

Mais si vous ne souhaitez pas le faire, c’est acceptable. On aura déjà été payé après tout. Par contre dans ce cas, ce serait cool que le prix du ticket soit raisonnable (les tarifs de places de cinéma sont de plus en plus absurdes !), mais ça reste votre choix.

Revenant ainsi sur ma réponse plus haut, j’ajouterai donc que je pense qu’il est important de bien payer les gens pour un travail, surtout pour produire une œuvre qui vous plaît. Par contre, une fois l’œuvre sortie, elle pourrait appartenir au public, au monde même. C’est bien plus sain que le système actuel où les coûts sont bien plus mesquins, cachés, et en même temps plus imposants, tout en donnant l’impression d’être gratuits. Non les services web des grosses compagnies du web ne sont pas gratuits (vous le payez avec la pub que vous regardez, votre vie privée que vous échangez, la vie privée de vos proches que vous divulguez, même lorsqu’ils n’ont rien demandé…). Vous en savez quelque chose chez Framasoft (cf. votre projet Dégooglisons Internet) ! Ben pareil, vous payez sans arrêt les œuvres du divertissement de masse (redevance télé, taxes sur la copie privée sur chaque support de stockage…). Saviez-vous que les bars, cafés, restaurants et commerces qui passent de la musique payent des redevances à la SACEM, et la Spré ? Les frais sont versés par les commerçants mais bien entendu répercutés sur les tarifs des produits ou services vendus !

On paye tous constamment au nom de la sacro-sainte « copie privée » et du « droit d’auteur » pour l’industrie du divertissement. Pourtant cela ne signifie pas pour autant que les artistes touchent beaucoup. Ces systèmes sont faits de telle sorte que les intermédiaires (sociétés de gestion de droits elle mêmes, les majors…) touchent une grosse part quoi qu’il advienne (ils ont des locaux, des charges, des employés…), et puis les gros ayant-droits (ils sont un faible pourcentage, ceux qu’on nommera « stars ») récupèrent ce qui reste en laissant des miettes de droits d’auteur pour les artistes restants.

Quand je lis des affirmations aussi attristantes que cela sur sacem.fr :

Vous ne le savez peut-être pas mais les auteurs, compositeurs et éditeurs ne touchent aucun salaire lorsqu’ils créent. Ils vivent de la diffusion de leur musique et c’est la répartition qui leur permet de recevoir leurs droits d’auteur. Ce système consiste à leur reverser leurs droits selon l’utilisation réelle et précise de leurs œuvres sur la base de relevés de diffusions. Des auteurs peu diffusés sont ainsi assurés de toucher, quoi qu’il arrive, ce qui leur revient de droit. La Sacem est réputée pour assurer une redistribution parmi les plus précises au monde.

Heureusement ce n’est pas entièrement vrai (je doute que beaucoup d’auteurs accepteraient de bosser sans être payé du tout à la création), mais tout de même cela donne une idée de l’état d’esprit par lequel on peut essayer de diminuer les tarifs d’un artiste : « vous toucherez plus tard avec les droits d’auteur ».

J’imagine bien la tête des maçons si on leur baissait leurs salaires pour leur dire que plus la maison sera utilisée, plus ils toucheront (avec une société de collecte qui géreraient cela et prendrait sa confortable part au passage).

Et si plutôt que faire cela pour des artistes, on pouvait payer convenablement tout le monde pour le travail effectué puis libérer les œuvres et on passe à autre chose ?

Cela ne serait-il pas plus sain et mieux pour tout le monde ? Les artistes, le public… Bien sûr, les intermédiaires seraient mécontents par contre !

La marmotte vous remerciera

Aryeom, you are guest in France, so the last word is for you! Feel free! (Aryeom, en tant qu’invitée en France, le dernier mot est pour toi. Lâche-toi !)

Why don’t you invest in a small step for our and your good world? Donate for our project <ZeMarmot> please!

(Pourquoi ne pas investir pour que notre monde, à tous, avance d’un petit pas ? Donnez pour notre projet ZeMarmot, s’il vous plaît !)




Journée de Libération des Documents

La Journée de Libération des DocumentsDocument Freedom Day » en anglais) est une journée internationale se déroulant chaque année le dernier mercredi de mars (c’est donc aujourd’hui !). C’est un moment pour se rassembler afin d’attirer l’attention sur l’importance croissante de l’utilisation de standards ouverts dans l’accès à l’information et dans toutes nos communications numériques.

La journée est dédiée à la promotion / défense des standards ouverts, ce qui comprend à la fois les protocoles ouverts et les formats ouverts. Dans le cadre de cette journée, de nombreux groupes locaux du monde entier vont mener des actions et des événements pour promouvoir ces standards ouverts.

DFD Flyer

 

Coordonnée par la FSF Europe, la Journée de Libération des Documents vise aujourd’hui une dimension non plus locale mais bien internationale.

Notamment :

Bref, vous l’aurez compris, nous vous encourageons à visiter et à faire connaître le site http://documentfreedom.org/index.fr.html afin de sensibiliser le public à la question des standards ouverts et de l’interopérabilité.

Document Freedom Day Cartoon.




Le confort ou la liberté ?

Quitter les GAFAM, du moins s’efforcer de le faire progressivement comme on s’efforce de renoncer peu à peu à une dépendance, ce n’est pas une mince affaire, tous ceux qui comme Framasoft ont entamé ce processus en savent quelque chose. La tentation est grande pour ceux qui ne disposent pas des compétences techniques suffisantes de renoncer ou bien de s’arrêter à mi-chemin. Nous ne sommes pas de ceux qui leur jetteront la pierre, car nous cherchons plutôt à inciter et accompagner, tel est l’esprit de notre campagne Dégooglisons Internet.
Le cas de Dan Gillmor, dont nous traduisons ci-dessous les propos, sans être original, est intéressant parce qu’il met honnêtement sa propre expérience en perspective. Chroniqueur des technologies numériques depuis longtemps déjà, il a vu passer différentes modes ou tendances mais il a évolué, parfois à contre-courant, jusqu’au point où il explique aujourd’hui faire ses adieux à des produits et des entreprises qui brident beaucoup trop sa liberté. Il nous invite à le suivre sur cette voie, en montrant quelle part de confort personnel nous freine encore.

Goofy

Voici pourquoi je dis au revoir à Apple, Google et Microsoft

J’ai davantage confiance dans les communautés que dans les entreprises

Traduction Framalang de l’article : Why I’m Saying Goodbye to Apple, Google and Microsoft par Dan Gillmor
Cette traduction a d’abord été publiée sur la plateforme Medium

danGillmorQuand je suis devenu chroniqueur des nouvelles technologies au milieu des années 1990, l’Internet public commençait tout juste sa première grande envolée. À l’époque, je conseillais à mes lecteurs d’éviter les batailles semi-politiques et même quasi-religieuses que les défenseurs de telle ou telle plateforme technologique semblaient apprécier. Je les exhortais à apprécier la technologie pour ce qu’elle est — un outil  —  et à utiliser ce qui fonctionnait le mieux.

Pourquoi dans ce cas suis-je maintenant en train d‘écrire ce texte avec un portable sous GNU/Linux, un système d’exploitation libre, et non pas sur une machine de marque Apple ou Windows ? Et pourquoi mes téléphones et tablettes fonctionnent-ils avec un dérivé d’Android qui améliore la confidentialité, appelé CyanogenMod, et non pas sous iOS d’Apple ni avec un Android standard ?

C’est parce que, tout d’abord, je peux faire très bien mon travail en les utilisant. Je peux jouer à des jeux. Je peux surfer sans cesse. Les plateformes alternatives ont atteint un stade où elles sont capables de gérer à peu près tout ce dont j’ai besoin.

Plus important encore, j’ai migré vers ces plateformes alternatives parce que j’ai changé d’avis sur ce que doivent être les technologies. Je crois aujourd’hui qu’il est essentiel de tenir compte de mes instincts et mes valeurs, de manière de plus en plus large, dans les technologies que j’utilise.

Ces principes ont pour origine un constat fondamental :

nous perdons le contrôle sur les outils qui nous promettaient autrefois un droit égal à l’expression et l’innovation, et cela doit cesser.

Le pouvoir de contrôle se centralise à nouveau, là où les entreprises et les gouvernements puissants créent des goulots d’étranglement. Ils utilisent ces points d’étranglement pour détruire notre vie privée, limiter notre liberté d’expression, et verrouiller la culture et le commerce. Trop souvent, nous leur donnons notre autorisation — nous bradons notre liberté contre un peu plus de confort  —  mais beaucoup de choses se passent à notre insu, et plus encore sans notre permission.

Les outils que j’utilise sont maintenant, dans la mesure du possible, fondés sur des valeurs de la communauté, et non pas celles des entreprises.

Je ne réagis pas ici avec des fantasmes paranoïaques. Je transpose, dans le domaine de la technologie, certains des principes qui ont conduit tant de gens à adopter le slow food ou un mode de vie végétarien, à minimiser leur empreinte carbone ou à faire des affaires uniquement avec des entreprises socialement responsables.

Et je n’ai pas non plus l’intention de faire de sermons. Mais si je peux convaincre ne serait-ce qu’un petit nombre d’entre vous de me rejoindre, même de façon limitée, j’en serais très heureux.

Je suis le premier à reconnaître, en même temps, que j’ai encore un long chemin à parcourir pour atteindre la véritable liberté en technologie. Peut-être que c’est impossible, ou pratiquement, à court et moyen terme. Mais c’est un cheminement  —  un voyage continu  —  qui en vaut la peine. Et si nous sommes assez nombreux à nous lancer dans l’aventure, nous pouvons faire la différence.

Une partie de ma conversion résulte d’un constante répugnance pour la manie du contrôle qu’exercent les entreprises et le gouvernement.

Si nous croyons en la liberté, nous devons prendre conscience que nous prenons des risques pour être plus libres. Si nous croyons en la concurrence, nous avons parfois à intervenir en tant que société pour nous assurer qu‘elle est respectée.

Une façon dont nous essayons de garantir une concurrence loyale est l’application des lois visant à la promouvoir, notamment par des règles antitrust destinées à empêcher les entreprises hégémoniques d’abuser de leur position dominante. Un exemple classique est apparu dans les années 1990 : Microsoft, une société qui a défié et surpassé IBM et tous les autres dans son ascension vers la domination totale sur le marché du système d’exploitation et celui des logiciels de bureautique.

Les logiciels de Microsoft n’étaient pas les meilleurs dans de nombreux cas, mais ils étaient plus que suffisant s —  et les stratégies de l’entreprise allaient de « brillante » à « épouvantable », souvent les deux en même temps. L’administration Clinton, faiblarde au début de la décennie, a finalement compris qu’elle devait empêcher Microsoft de tirer parti injustement de l’hégémonie de Windows / Office pour encadrer la génération suivante de l’informatique et des communications, et à la fin des années 1990 des procès antitrust ont contribué à l’émergence d’innovateurs tels que Google.

Dans mes billets je me suis attaqué régulièrement à Microsoft pour ses diverses transgressions. Au tournant du siècle, mon dégoût pour les pratiques commerciales de cette entreprise a atteint son point d’ébullition.

J’ai fait ma « déclaration d’indépendance » personnelle vis-à-vis de cette entreprise de logiciels, au moins dans la mesure du possible à l’époque. Je suis revenu à un Macintosh d’Apple  —  qui avait alors adopté un système d’exploitation sérieux, moderne, qui tournait sur le matériel de grande qualité  —  et en-dehors de quelques emplois occasionnels de Microsoft Office, je me suis largement dispensé d’envoyer de l’argent à une entreprise que je ne respectais pas. Apple m’a facilité la migration, parce que MacOS et Mac devenaient d’une classe incomparable à cette époque — et beaucoup de gens ont découvert, comme je l’ai fait, que l’écosystème de Windows était plus source d’ennuis que de satisfaction.

Lors de conférences de presse dans la Silicon Valley, du début au milieu des années 2000, j’étais souvent l’un des deux seuls journalistes avec un ordinateur portable Mac (l’autre était John Markoff du New York Times, qui avait adopté le Mac dès le début et y resté fidèle). Une décennie plus tard, à peu près tout le monde dans la presse technique a opté pour le Mac. Apple a fait un travail absolument spectaculaire d‘innovation technologique dans les 15 dernières années au moins. J’avais l’habitude de dire que pendant que Windows avait tendance à se mettre en travers de mon chemin, le Mac OS avait tendance à me laisser le champ libre. Pendant des années, je l’ai recommandé à tous ceux qui voulait l’entendre.

Et pourtant, maintenant, quand j’assiste à des événements sur les technologies, je suis une des rares personnes qui n’utilisent pas un Mac ou un iPad. Que s’est-il passé ?

Trois choses : la puissance croissante de Apple et une nouvelle génération de géants de la technologie ; la réaffirmation de mon exigence personnelle de geek pour une justice sociale ; et des alternatives sérieuses.

À l’époque où Steve Jobs était PDG, Apple reflétait sa personnalité et ses qualités. C’était passionnant à bien des égards, parce qu’il exigeait quelque chose de proche de la perfection. Mais depuis, celui qui était le perdant a révolutionné l’informatique mobile et il est devenu le vainqueur et un jour nous avons tous pris conscience que c’était une des entreprises les plus puissantes, rentables et profitables de la planète. Apple est devenu le genre d’entreprise que je préfère ne pas soutenir : elle veut exercer un contrôle maniaque sur ses clients, sur les développeurs de logiciels et sur la presse ; et j’en suis venu à penser que c’est même dangereux pour l’avenir des réseaux ouverts et la technologie contrôlée par l’utilisateur.

Dans le même temps, Google et Facebook, entre autres, sont apparus comme des puissances de nature différente : des entités centralisées qui utilisent la surveillance comme un modèle économique, qui nous dépouillent de notre vie privée en échange du confort d’utilisation qu’ils offrent. Nos appareils mobiles — et même nos ordinateurs, les outils-clés pour la liberté technologique dans les décennies précédentes — sont de plus en plus bridés et limitent la façon dont nous pourrions les utiliser.

J’avais périodiquement joué avec Linux et d’autres alternatives sur mon PC au cours des années, mais j’avais toujours trouvé l’exercice fastidieux et finalement, impraticable. Mais je ne ai jamais cessé de prêter attention à ce que les gens brillants comme Richard Stallman, Cory Doctorow et d’autres disaient, à savoir que nous allions et étions entraînés vers une voie dangereuse. Dans une conversation avec Cory un jour, je lui ai parlé de son usage de Linux comme système d’exploitation sur son ordinateur principal. Il m’a dit qu’il était important de mettre ses actes en conformité avec ses convictions — et, soit dit en passant, que ça marchait bien.

Pouvais-je faire moins, surtout étant donné que j’avais fait part publiquement de mes inquiétudes sur les dérives en cours ?

Donc, il y a environ trois ans, j’ai installé une distribution Ubuntu  — elle figure parmi les plus populaires et elle est bien maintenue — sur un ordinateur portable ThinkPad de Lenovo, et j’ai commencé à l’utiliser comme mon système principal. Pendant un mois ou deux, j’étais à la ramasse, je faisais des erreurs de frappe et il me manquait quelques applications pour Mac sur lesquelles je comptais. Mais j’ai trouvé des logiciels pour Linux qui fonctionnent au moins assez bien, sinon parfois mieux que leurs homologues pour Mac et Windows.

Mais un jour j’ai pris conscience que mes doigts et mon cerveau s’étaient parfaitement adaptés au nouveau système. Maintenant, c’est avec un Mac que je suis un peu embarrassé.

J’ai possédé plusieurs autres ThinkPad. Mon modèle actuel est un T440s, qui me semble offrir la meilleure combinaison de taille, poids, évolutivité, service à la clientèle et prix. Ubuntu prend en charge beaucoup de matériel, mais a été particulièrement favorable à ThinkPad au fil des ans. Il est également possible d’acheter des ordinateurs avec Linux pré-installé, y compris plusieurs ordinateurs portables de Dell, pour éviter beaucoup de tracas (après la violation incroyablement irresponsable de la sécurité de ses clients Windows par Lenovo dans un récent scandale, je suis heureux a) de ne pas utiliser Windows, et b) de disposer de solutions matérielles alternatives).

Pratiquement tous les types de logiciels dont j’ai besoin sont disponibles pour Linux, même si souvent ils ne sont pas aussi léchés que les produits Windows ou Mac qu’ils remplacent. LibreOffice est un substitut de Microsoft Office adéquat pour les usages que j’en fais. Thunderbird de Mozilla gère bien ma messagerie électronique. La plupart des principaux navigateurs existent dans leur version Linux ; j’utilise Mozilla Firefox le plus souvent.

Il reste quelques tâches que je ne peux pas réaliser aussi bien avec Linux, comme du screencasting complexe — pouvoir enregistrer ce qui se passe sur l’écran, ajouter une piste de voix off, peut-être un encart vidéo, et zoomer pour mettre en évidence des éléments spécifiques. Je serais heureux de payer pour quelque chose comme ça avec Linux, mais ce n’est tout simplement pas disponible, autant que je le sache. Je reviens donc à Windows, le système d’exploitation fourni avec le ThinkPad, pour exécuter un programme appelé Camtasia.

Comme l’informatique mobile est devenue le marché dominant, j’ai eu tout à repenser sur cette plateforme aussi. Je considère toujours l’iPhone comme la meilleure combinaison de logiciels et de matériel qu’une entreprise ait jamais offerte, mais l’hystérie du contrôle d’Apple est inacceptable. Je me suis décidé pour Android, qui était beaucoup plus ouvert et facilement modifiable.

Mais le pouvoir et l’influence de Google m’inquiètent aussi, même si j’en espère plus que de beaucoup d’autres entreprises de haute technologie. Android de Google, en lui-même, est excellent, mais l’entreprise a fait de l’utilisation de son logiciel une partie intégrante de la surveillance. Et les développeurs d’applications prennent des libertés répugnantes, collectent les données par pétaoctets pour en faire dieu sait quoi (les experts en sécurité en qui j’ai confiance disent que l’iPhone est d’une conception plus sûre que la plupart des appareils Android). Comment puis-je rester ferme sur mes principes à l’ère du portable ?

Un mouvement communautaire a émergé autour d’Android, ses acteurs partent du logiciel de base pour l’améliorer. L’une des modifications les plus importantes consiste à donner aux utilisateurs davantage de contrôle sur les paramètres de confidentialité que Google n’en permet avec Android standard.

Un des projets parmi les plus solides est CyanogenMod. Il a été préchargé sur un de mes téléphones, un nouveau modèle appelé le OnePlus One, et je l’ai installé sur un ancien téléphone Google. Non seulement je me sers des paramètres avancés de protection de la vie privée (Privacy Guard), mais ma messagerie est chiffrée par défaut — une fonctionnalité que chaque fabricant de téléphone et fournisseur de service devrait imiter (Apple le fait, mais les fournisseurs d’appareils sous Android sont lents à réagir).

CyanogenMod est devenu plus qu’une communauté de bénévoles. Certains de ses créateurs ont lancé une société à but lucratif, qui a levé des fonds auprès d’investisseurs de la Silicon Valley. Comme beaucoup d’autres dans le monde des alternatives Android, je crains que cela ne mène Cyanogen à adopter de mauvais comportements et l’éloigne de son principe de base qui consiste à donner le contrôle à l’utilisateur. Si cela se produit, je peux essayer beaucoup d’autres versions créées par la communauté d’Android (cette préoccupation concerne également OnePlus, qui, après un différend avec CyanogenMod, se dirige vers un système d’exploitation propriétaire).

Le nerd qui est en moi — j’ai appris un langage de programmation au lycée et j’ai eu des ordinateurs depuis la fin des années 1970 — trouve tout cela amusant, du moins quand ce n’est pas inquiétant. J’adore explorer la technologie que j’utilise. Pour d’autres, qui veulent juste des trucs pour travailler, j‘aimerais que tout cela soit simple comme bonjour. Il est vrai que les choses s’améliorent : tout devient plus facile, plus fiable et certainement de meilleure qualité. Mais il reste du travail à faire pour retrouver un certain contrôle, en particulier du côté du mobile.

Et maintenant, après tout ce que j’ai fait pour devenir plus indépendant, je dois le confesser : j’utilise encore des logiciels de Google et Microsoft, ce qui fait un peu de moi un hypocrite. Google Maps est une des rares applications qui me soient indispensables sur mon smartphone (Open Street Map est un projet génial, mais pas encore assez merveilleux pour moi) et comme je l’ai expliqué plus haut, j’ai parfois encore besoin de Windows. Le chemin vers la liberté des technologies fait de nombreux détours, parce que tout cela comporte des nuances sans fin.

Donc je continue à chercher des moyens de réduire davantage ma dépendance à des pouvoirs centralisés. Un de mes appareils, une tablette déjà ancienne qui tourne avec CyanogenMod, est un banc d’essai pour une existence encore plus libérée de Google.

Elle est suffisante pour une utilisation à la maison, et de mieux en mieux à mesure que je trouve davantage de logiciels libres — la plus grande partie par l’intermédiaire de la bibliothèque de téléchargement « F-Droid » — qui gèrent ce dont j’ai besoin. J’ai même installé une version de nouvelle tablette OS Ubuntu, mais elle ne est pas prête, comme on dit, pour un usage quotidien. Peut-être que Firefox OS fera l’affaire.

Mais j’ai abandonné l’idée que le logiciel libre et le open hardware pourraient devenir un jour la norme pour les consommateurs — même si les logiciels libres et open source sont au cœur de la structure même d’Internet.

Si trop peu de gens sont prêts à essayer, cependant, les valeurs par défaut vont gagner. Et les valeurs par défaut, c’est Apple, Google et Microsoft.

Notre système économique s’adapte à des solutions communautaires, lentement mais sûrement. Mais avouons-le : nous semblons collectivement préférer le confort à l’indépendance, du moins pour le moment. Je suis convaincu que de plus en plus de gens prennent conscience des inconvénients du marché que nous avons passé, sciemment ou non, et qu’un jour, nous pourrons collectivement l’appeler un pacte faustien.

Je garde l’espoir que davantage de fournisseurs de matériel verront leur intérêt à aider leurs clients à se libérer du contrôle propriétaire. C’est pourquoi j’étais si heureux de voir Dell, une entreprise autrefois très liée à Microsoft, proposer un ordinateur portable sous Linux. Si les plus petits joueurs dans l’industrie ne se satisfont pas d’être des pions des entreprises de logiciels et opérateurs mobiles, ils ont une alternative, eux aussi. Ils peuvent nous aider à faire de meilleurs choix.

En attendant, je vais continuer à encourager autant de personnes que possible à trouver des moyens de prendre le contrôle par eux-mêmes. La liberté demande un peu de travail, mais ça en vaut la peine. J’espère que vous envisagerez d’entreprendre ce voyage avec moi.




Un poids lourd du Libre sur un nuage douillet

Cozycloud, le petit nuage qui monte qui monte… avec Tristan Nitot !

On croyait en avoir fini avec Tristan Nitot, qui après d’émouvants au revoir à Mozilla et à la communauté du libre, allait prendre une retraite bien méritée. On l’imaginait déjà chevauchant telle Brigitte Bardot son terrible engin, parcourant le monde sur sa moto et ne revenant à intervalle régulier à la surface de son blog que pour nous livrer sa vision de l’état actuel du flicage et des moyens de s’en affranchir.

Eh bien c’est raté, le revoici sous les feux de l’actualité high-tech, mais toujours sous la bannière du libre et des valeurs qu’il a toujours défendues. Pour en savoir plus sur Cozycloud, le rôle que va y jouer maintenant Tristan, nous avons soumis deux individus à nos questions et ils ont eu la bonté d’y répondre en nous donnant la primeur. Voici donc les interviews successives de Frank Rousseau et de Tristan Nitot, en exclusivité pour le Framablog.

 

Bonjour Frank Rousseau, merci de bien vouloir nous parler de Cozy dont tu es le fondateur et le directeur technique, avec un parcours de libriste intéressant. Cozycloud, c’est quoi exactement ?

Cozy est une plateforme qui permet de démocratiser le serveur personnel. Pour faire simple Cozy permet d’avoir des services de gestion de calendriers, de contacts, de fichiers et de mails sur une machine qu’on garde à la maison ou en ligne. Il se synchronise aussi avec notre téléphone et nos ordinateurs. C’est ce qu’on appelle un cloud personnel.
Pour être plus précis, avec Cozy on peut déployer des services web sur une machine à soi aussi facilement que sur un smartphone. L’objectif est de permettre aux utilisateurs de services web de reprendre la main sur le stockage et le traitement de leurs données. Ainsi non seulement leur vie privée est respectée, mais en plus ils peuvent mieux exploiter les données en les faisant travailler de concert.
Exemple : avec Cozy, quand je rentre un contact dans mon téléphone, toutes mes applications sont informées. Je n’ai donc pas à saisir à nouveau le contact dans mon appli de partage de photos ou mon client mail). En faisant sauter plein de petites frictions comme celle là, Cozy vise à rendre notre vie numérique beaucoup plus simple… vous allez pouvoir arrêter de taper sur vos appareils !

Si je vous confie mes données en ligne, qu’est-ce qui me garantit que vous n’allez pas être obligés d’en donner l’accès à des services secrets (crainte et méfiance…) comme c’est le cas avec les entreprises américaines ?

Pour les services secrets c’est compliqué, car ça tombe sous le coup de la loi. L’idée est de dire que vos données sont stockées sur un espace vous appartenant. Quiconque s’y introduit sans votre permission est donc en infraction. Si une loi comme la loi de Programmation Militaire autorise les services secrets à entrer par effraction, ils sont donc dans la légalité et ce sera difficile pour votre hébergeur d’en refuser l’accès. Eh oui le problème n’est pas que technique…
Mais bon si vraiment ça vous embête, pour y remédier vous avez trois solutions :

  • soit vous chiffrez toutes vos données en conservant la clé de chiffrement de votre côté (fonctionnalité non présente pour l’instant dans Cozy). Mais dans ce cas l’usage de votre nuage personnel devient difficile : vous ne pouvez pas vous permettre de perdre votre clé et l’indexation d’information est difficile ;
  • soit vous déménagez votre nuage vers un hébergeur en qui vous avez davantage confiance ou dans un pays avec une juridiction compatible avec vos exigences ;
  • soit vous vous hébergez chez vous avec les contraintes associées : gestion du matériel, des sauvegardes, des mises à jour et de l’installation.

…et en ce qui concerne la commercialisation des données, ça fait partie des projets (crainte et méfiance, bis) ?

Ça n’en fait pas du tout partie ! C’est l’inverse de tout ce vers quoi va le projet. Au-delà des valeurs éthiques qui sont les nôtres, notre proposition de valeur est liée au fait que nous n’avons pas un modèle économique basé sur la commercialisation de données. Y intégrer cette notion, en plus de dénaturer notre action, rendrait la société économiquement non viable.
Pour gagner des sous, nous proposons à des partenaires de mettre en place la plateforme sur un matériel qu’ils distribuent : sous forme de serveurs en ligne ou de petites boîtes. Ça peut être un hébergeur, un fournisseur d’accès, un vendeur de NAS ou même une institution de confiance comme une banque (comme on y met son argent, cela en rassure certains d’y mettre leurs données).

Enfin, de nombreuses entreprises se rendent compte qu’elles perdent la relation avec le client. Développer une application sur Cozy (en nous faisant une commande idéalement…) qui se charge de faire le lien entre le consommateur et le fournisseur leur permettra de proposer des services semblables à ceux des entreprises prestataires de cloud sans y engloutir des sommes folles. Ces applications seront un genre de relais qui permettra aux fournisseurs de proposer des services qui interagissent avec le reste des applications. Bien entendu elles n’enverront pas de données sans accord de l’utilisateur. Nous fournirons des outils à la communauté pour les auditer et signaler les applications malveillantes. L’utilisateur s’adressera directement à son fournisseur via cette application et n’utilisera plus un service tiers pour cela.

Le projet semble pas très loin d’aboutir à une sortie publique, pourquoi a-t-il besoin maintenant d’un Chief Product Officer ? Il manque un chef ? Vous êtes sûr que la bande de crypto-anarchistes qui travaille dans l’équipe va supporter un chef ?

Une nouvelle release approche à grand pas. Mais le produit ne s’arrêtera pas là. Le socle est posé : mails, contacts, agenda, synchro de fichiers… mais beaucoup reste à faire ! À court terme il y aura des outils pour migrer d’un clic ses données depuis un service existant, des outils pour les photos et leur partage,  les données bancaires… L’internet des objets est un champ important où une approche de type cloud personnel apportera beaucoup : en effet la promesse d’objets communicants est énorme, si les objets… communiquent entre eux ! Il est plus que probable par exemple qu’un iPhone communique mal avec un frigo Samsung… Bref, le champ des possibles est gigantesque, et il va falloir prioriser. C’est un des rôles importants de Tristan, interagir avec la communauté pour aller le plus vite vers les usages clés.
Pour ce qui est du « chef » : Tristan est un poilu, pas de doute. Mais on reste avec une organisation  horizontale. Avoir un chef est dé-responsabilisant, or on a besoin que chacun apporte son regard, pas qu’il l’aligne sur celui du « chef ».

Donc il va servir à quoi Tristan Nitot ? On connaît sa carte de visite dans le monde du Libre et bien au-delà, nul doute que c’est une personnalité qui saura propulser l’ensemble du projet, mais quelles seront ses missions au juste ? Que va vous apporter son implication dans Cozycloud ?

Son rôle sera de faire vivre le produit et la communauté. D’une part il fera connaître Cozy et évangélisera son usage en animant les différents canaux de communications (réseaux sociaux, newsletter et blog). D’autre part il récoltera les avis et remarques des gens qui utilisent ou s’intéressent à la plateforme. Les deux actions se nourrissent l’une de l’autre. Plus le projet répond aux attentes plus il est facile de le faire connaître. Plus il est connu, plus les retours seront nombreux et permettront à l’équipe de développement d’améliorer le produit. C’est un cercle vertueux.
Sa valeur ajoutée réside dans sa capacité à rendre clair un message compliqué et à pouvoir synthétiser les avis d’un grand nombre de personnes. C’est ce qu’il a fait avec Mozilla et Firefox avec succès. C’est important qu’il ait cette expérience sur un projet libre car son objectif sera aussi de fédérer un maximum de contributeurs. Cozy Cloud est aussi une entreprise qui travaille avec des partenaires institutionnels et économiques. Tristan sait s’adresser aussi à ces gens-là. Ce qui pour nous est important car notre objectif est de monter un écosystème autour de Cozy.

Les entreprises distribueront en masse des Cozy sous diverses formes, les utilisateurs utiliseront Cozy et les développeurs y ajouteront les applications destinés à des usages généraux ou de niche.

Enfin, il arrive avec une notoriété incroyable. Cela va permettre de crédibiliser le projet et de lui donner un pôle de référence vers lequel tous ceux qui croient en un web distribué pourront se tourner !

La solution Cozycloud, est-ce qu’elle est pour tout le monde ? est-ce qu’elle est ou sera bientôt accessible aux Dupuis-Morizeau, notre sympathique famille recomposée de Rouen ? Ou bien visez-vous plutôt les grandes entreprises ? Quelle est votre cible ?

L’objectif est de démocratiser le serveur personnel, donc oui notre rêve c’est de le rendre accessible à tout le monde. Nous fonctionnons de manière itérative en nous adaptant à la situation. Il est possible que la famille Dupuis-Morizeau ait d’abord accès à une version simplifiée avec une liste d’applications bien définie. Mais pour le moment nous ciblons une population technophile qui comprend les enjeux derrière Cozy. Ils seront plus tolérants aux premiers bugs et patients de voir arriver les nouveautés en connaissant le potentiel du projet.
D’autant plus, comme dit brièvement plus haut, qu’on peut développer sa propre application sur Cozy. Toutes les applications sont écrites en JavaScript et se basent sur Node.js. Beaucoup de contraintes liées aux développements web sont retirées (gestion utilisateur, déploiement, etc.). C’est une super opportunité pour répondre à un besoin personnel ou tout simplement apprendre le développement web. Enfin il est facile de partager son application, pour ça il suffit de fournir un simple lien git.
Notez que les applications maintenues par Cozy sont écrites en coffeescript mais l’usage de ce langage n’est pas obligatoire. Les développeurs peuvent accéder à toute la documentation qui leur est dédiée.

Dis donc, Tristan, on croyait avoir fêté ton départ en retraite 😛 mais non te revoilà, on ne peut plus se passer de toi finalement. On se doute que tu as été « approché » par plusieurs entreprises, tu as eu des propositions alléchantes ? Certaines que tu as peut-être refusées parce qu’elles ne correspondaient pas à tes convictions ou valeurs, ou parce qu’elles ne te garantissaient pas de pause-salle de gym ?

Ahah, non, ça n’est pas la salle de gym de Cozy Cloud qui m’a convaincu, surtout que nous sommes en télétravail, donc j’occupe le même petit bureau dans mon salon que j’avais quand j’ai fondé Mozilla Europe en 2003. J’ai été approché par trois entreprises, et deux des trois postes étaient vraiment très intéressants. J’ai longuement hésité, mais la mission de Cozy, le fait qu’ils produisent du logiciel libre, et que l’équipe soit passionnée et très compétente ont fait que c’est eux que j’ai choisis.

Donc on peut dire que Cozycloud ça te convient ? qu’est-ce qui t’intéresse dans cette nouvelle aventure ?

Oui, Cozy me correspond parfaitement, c’est vraiment une chance ! Déjà, ils font du logiciel libre, et pour moi c’est très important. Ensuite, ils s’attaquent à un problème très important, qui est le contrôle de nos données à l’heure du Cloud. Dans mon travail, j’ai besoin que la mission de l’organisation soit forte et au service du bien commun. C’était le cas avec Mozilla, c’est encore le cas avec Cozy.

Mmmh le petit nuage de cozycloud est bien sympathique, on lui souhaite de monter bien haut et de prendre du volume, mais euh bon il y a déjà de gros cumulo-nimbus dans la place, est-ce que ce n’est pas un peu le vieux combat David contre Goliath (rappel : à la fin c’est David qui gagne), est-ce que pour toi c’est un nouveau défi du genre le petit Firefox qui défiait le géant IE il y a dix ans ?

Oui, c’est exactement ça ! David est tout petit face à Goliath, mais il sait qu’il doit gagner. En 2003, quand on montait Mozilla Europe et qu’on préparait Firefox, on savait bien qu’il fallait casser le monopole d’Internet Explorer, car le navigateur de Microsoft n’était plus développé activement. Comment une fondation avec une dizaine d’employés en Californie et une poignée de bénévoles pouvait prétendre défier Microsoft et ses 95% de parts de marché ? Je crois qu’il fallait une sacré dose d’inconscience à l’époque. Mon entourage me soutenait, mais je voyais bien qu’ils s’inquiétaient pour ma santé mentale ! Et puis ça a marché, et le marché des navigateurs est en bien meilleure santé aujourd’hui. Ça semblait impossible, mais on l’a fait.

En 2015, le problème d’Internet selon moi, c’est le pillage des données personnelles par les grands services. Bien souvent, les services sont gratuits (voir ce chapitre de mon livre en cours sur le piège de la gratuité) mais le vrai client, ça n’est pas l’utilisateur, c’est l’annonceur publicitaire qui achète de la publicité ciblée. Si le service est gratuit, alors c’est toi le produit : nous sommes comme des cochons dans une porcherie. On se félicite que tout soit gratuit, mais en fait nous allons terminer débités en saucissons numériques.
Au-delà de ça, le problème est que ça rend économiquement possible la surveillance de masse, dont on sait depuis les révélations Snowden à quel point elles sont étendues.
Il ne faut pas pour autant jeter le bébé avec l’eau du bain et arrêter tous les services Cloud et nous débarrasser de nos ordinateurs, tablettes et autres smartphones. En revanche, il va falloir réinventer un nouveau paradigme du Cloud : un cloud sous le contrôle des utilisateurs et pas d’une poignée de multinationales dont le business model consiste à tout savoir sur nous. C’est ce que veut faire Cozy Cloud, et c’est pour cela que je les rejoins.

Tristan, pourtant à te lire dans tes dernières ruminations tu aurais tendance à nous dire de prendre beaucoup de précautions avec tout ce qui est infonuagique (ce terme parfois est employé pour parler du cloud).
Si je confie mes données à Cozy, je retrouve les mêmes problèmes et les mêmes risques qu’avec d’autres « nuages ». Je ne peux pas alimenter mon nuage bien au chaud chez moi, sur mon petit serveur ?

Si, justement : l’approche de Cozy Cloud consiste à avoir son propre serveur et d’y faire tourner du logiciel libre, condition nécessaire pour avoir la maitrise de son informatique et donc de ses données. J’explique ça dans les 7 principes pour reprendre le contrôle. Après, tout le monde n’a pas forcément envie d’administrer un Raspberry Pi 2 chez soi, et l’approche d’IndieHosters (qui propose d’héberger le logiciel Cozy) est tout à fait honorable et plus simple, comme on pourrait envisager d’être hébergé chez un grand hébergeur qui commercialiserait une offre Cozy. Il en faut pour tous les goûts !

À mon avis, l’intérêt de Cozy Cloud par rapport aux autres offres, c’est qu’il s’agit d’une plateforme : tu as au départ des fonctionnalités de base (email, agenda, synchro de fichiers et de carnet d’adresses, partage de photos), et puis tu peux rajouter des applications depuis un magasin d’applications. Évidemment, il est possible de créer ses propres applications en JavaScript et HTML. C’est un système extensible. Par ailleurs, Cozy intègre CouchDB qui assure la synchronisation entre les différents appareils. Du coup, pour le développeur, c’est très simple de gérer ça.

Merci Tristan, je te laisse le mot de la fin, ou plutôt celui du début d’une nouvelle période dans ta vie professionnelle…
Ça n’a pas été facile de quitter Mozilla, qui est une organisation qui veut avoir une action positive sur le monde. Mais avec Cozy Cloud, j’ai l’impression de retrouver le Mozilla des débuts : une équipe super sympa, très motivée, très compétente, avec une féroce envie de changer le monde pour le rendre meilleur, en faisant un petit logiciel libre qui pourrait bien révolutionner le monde du Cloud ! C’est ça qui me donne envie de me lever tôt le matin avec le sourire !

logo de cozy, nuage qui sourit

————–
Quelques liens pour aller plus loin