6 questions à Karl Fogel, auteur de Produire du logiciel libre

Karl FogelÀ l’occasion de la sortie du framabook Produire du logiciel libre (dont notre secret espoir est qu’il suscite des vocations chez les jeunes et les moins jeunes), nous avons posé quelques questions à son auteur Karl Fogel.

Est-ce que la situation a évolué depuis la première version du livre, en particulier avec les nouvelles forges comme GitHub (qui repose entre autres la question du fork) ? Est-ce un problème d’héberger des logiciels libres sur des plateformes propriétaires ? Est-ce que l’informatique devrait être enseignée en tant que telle aujourd’hui à l’école ?

Autant de questions auxquelles il apporte de très intéressantes réponses.

Entretien avec Karl Fogel

L’interview en version originale anglaise sur le blog de Karl (intéressants commentaires inside)

(Traduction Framalang : Don Rico pour les questions et Olivier Rosseler pour les réponses)

La version française de POSS vient tout juste d’être publié et votre livre a été traduit, ou est en cours de traduction, dans d’autres langues. Que pensez-vous de ces adaptations de votre œuvre, rendues possibles par le choix de le placer sous licence libre ?

Je suis absolument ravi. Je n’y vois vraiment aucun inconvénient. Les traductions permettent une diffusion plus large du livre, et c’est exactement ce que je souhaite.

Je suis extrêmement reconnaissant envers les traducteurs.

Si vous deviez écrire une deuxième version de POSS aujourd’hui, qu’est-ce que vous changeriez ou ajouteriez ? Et d’ailleurs, est-ce qu’une deuxième version est prévue ?

Et bien, en fait, j’y apporte toujours des petites modifications, à mesure que les pratiques de l’open source évoluent. La version en ligne change constamment. On pourra peut-être la nommer officiellement « Version 2.0 » à un moment donné, mais au fond, c’est vraiment un processus continu.

Par exemple, il y a cinq ou six ans, presque tous les projets avaient leur propre infrastructure de développement. Chacun avait son serveur, son système de contrôle de versions, son système de suivi de bogues, un responsable de la liste de diffusion, un wiki peut-être, c’étaient les outils de développement.

Mais depuis, on a assisté à des regroupements. De nos jours, seuls les très gros et les très petits projets possèdent leur propre infrastructure. La majorité des projets choisissent des sites pré-conçus, comme GitHub, Google Code Hosting, SourceForce, Launchpad, etc. La plupart des développeurs open source se sont familiarisés avec ces environnements.

Et par conséquent, j’ai mis à jour la partie du livre traitant des infrastructures d’hébergement, pour enrichir la section « Les sites Web » et parler des sites comme ceux mentionnés ci-dessus, plutôt que de ré-inventer la roue à chaque projet. Les gens se rendent bien compte qu’administrer son propre hébergement requiert énormément de ressources, malgré les avantages que l’on peut en tirer, et que donc, externaliser cette tache est devenu presque une obligation si on veut avoir un peu de temps pour effectivement travailler sur le projet.

J’ai également mis le livre a jour pour parler des nouvelles versions des licences open source (comme la GNU General Public License 3, qui est sortie après que le livre ait été publié), et j’ai également revu mes recommandations vis à vis de certains logiciels, car les temps changent. Par exemple, Git est de bien meilleure qualité aujourd’hui qu’à l’époque où j’ai rédigé la toute première édition.

La manière de produire des logiciels libres n’a pas tellement changée en cinq ans. Mais de nouvelles forges sont apparues, sur un modèle un peu différent de SourceForge. Je pense à Google Code mais surtout à GitHub. GitHub serait un peu le « Facebook des forges open source », avec ses fonctions de réseau social, son édition à même le navigateur… Son slogan est « Fork me on GitHub ». La notion de fork semble ne plus être tout à fait la même qu’avant. Que pensez-vous de tout cela ?

En fait, je pense que la notion de fork n’a pas changé. La terminologie, peut-être, mais pas le concept.

Si je me penche sur les dynamiques des rouages des projets open source, je ne vois pas de differences fondamentales selon que le projet utilise une forge ou l’autre. GitHub propose un produit fantastique, mais ils ont aussi un marketing fantastique. Ils encouragent les projets à inviter leurs utilisateurs à « créer une fork sur GitHub », c’est à dire « créer une copie pour jouer un peu avec ».

Et même si en un sens la copie d’un projet hébergé sur Git peut techniquement s’appeler un « fork », en pratique ça n’en est pas un. Le concept de fork est avant tout politique, pas technique.

À l’origine, initier un fork signifiait élever la voix pour dire : « nous pensons que le projet ne prend pas la bonne direction, nous avons pris la décision d’en faire une copie pour le poursuivre dans la bonne direction, que tout ceux qui partagent ce point de vue se joignent à nous ». Et les deux projets se retrouvaient alors publiquement en concurrence, à l’attention des développeurs et des utilisateurs, parfois aussi pour des questions d’argent. Parfois l’un des deux l’emporte, parfois ils fusionnent pour ne former à nouveau qu’un seul projet. Mais quelle qu’en soit l’issue, c’est avant tout un processus politique : susciter des adhésions pour continuer ensemble le projet.

Cette dynamique est toujours d’actualité, elle se poursuit tous les jours. Qu’on parle de « fork » pour designer quelque chose de différent, pourquoi pas, mais ça ne change pas la réalité, on utilise juste un terme différent pour décrire la réalité.

GitHub a commencé à parler de « fork » pour dire « créer une copie à bidouiller ». Maintenant, c’est vrai qu’avec ce genre de copie il est facile de s’éloigner du projet originel pour re-fusionner plus tard, c’est l’une des caractéristiques de Git et de tous les systèmes de contrôle de version décentralisé. Et c’est vrai que s’éloigner pour re-fusionner est plus compliqué avec les systèmes de contrôle de version centralisé comme Subversion et CVS. Mais tous ces « forks » créés sur Git ne sont pas des forks au sens premier du terme. En général, lorsqu’un développeur se fait une copie sur Git et la modifie, c’est en espérant que ses changements seront fusionnés dans la copie « maîtresse ». Et quand je dis « maîtresse », ce n’est pas au sens technique, mais bien au sens politique : la copie maîtresse est celle que la plupart des utilisateurs suivent.

Je trouve que ces fonctionnalités de Git et de GitHub sont géniales, et j’aime bien les utiliser, mais il n’y a rien de révolutionnaire ici. Il y a peut-être une évolution de la terminologie, mais la vraie dynamique des projets open source ne varie pas : les développeurs fournissent de gros efforts pour que leurs modifications soient intégrées a la distribution principale, car ils ne veulent pas s’embarrasser avec une copie privée qu’ils auraient a entretenir. Git réduit la pénibilité liée à la maintenance de modifications indépendantes, mais pas encore suffisamment pour que cet effort soit négligeable. Les développeurs intelligents forment des communautés et tentent de conserver un code de base unifié, car c’est la meilleure chose à faire. Ça n’est pas près de changer.

En juin 2010, Benjamin Mako Hill remarque dans son article Free Software Needs Free Tools (traduit ici sur le Framablog) qu’héberger un projet libre sur une plateforme propriétaire pose problème. À votre avis, quelle est l’importance de ce problème ?

Et bien, je connais Mako Hill, je l’apprécie et j’éprouve beaucoup de respect pour lui. Mais je dois dire que je ne partage pas son avis sur ce point, et ce, pour plusieurs raisons.

D’abord, il faut être réaliste. On ne peut pas être un développeur logiciel sans outils propriétaires de nos jours. Réduire arbitrairement la notion de « plateforme » n’est qu’un artifice pour croire qu’on travaille dans un milieu entièrement libre. Par exemple, je peux héberger mon projet chez Launchpad, qui est un logiciel libre, mais est-ce que je peux vraiment écrire du code sans utiliser le moteur de recherche de Google, qui n’est pas libre ? Bien sur que non. Tous les bons programmeurs utilisent en continu Google, ou un autre moteur de recherche propriétaire. Il faut inclure ces recherches Google dans la « plateforme », impossible de se voiler la face.

Mais on peut pousser la réflexion plus loin :

Qu’attendez-vous de l’hébergeur de votre projet, quelles sont les libertés importantes ? Vous utilisez une plateforme et vous demandez aux autres de l’utiliser aussi pour collaborer avec vous, donc, idéalement, la plateforme devrait être libre.

Ainsi, si vous souhaitez y apporter des modifications, vous pouvez : si quelqu’un veut créer un fork de votre projet (au sens ancien, politique, du terme), ils peuvent reproduire l’infrastructure d’hébergement ailleurs, où ils la contrôleront, si nécessaire. Alors, en théorie tout cela est très bien et très joli, mais honnêtement, même si le code source de Google Code, par exemple, était libre, vous ne pourriez pas reproduire Google Code Hosting. Il vous manquerait encore le personnel, le service, les data center de Google… toute l’infrastructure qui n’a rien à voir avec le code source. Ça n’est pas réalistiquement faisable.

Vous pouvez forker le projet, mais en général vous ne pouvez pas reproduire son hébergement, cela demande trop de ressources. Et puisque ça n’est pas votre propre service, vous ne pouvez pas l’adapter a votre convenance ; ce sont les gens qui font tourner les serveurs matériels qui décident de quels ajustements sont acceptables ou pas. Donc dans la pratique, vous ne disposez pas de ces libertés.

(Certains services d’hébergement tentent d’octroyer autant de libertés que possible a leurs utilisateurs. Par exemple, le code de Launchpad est open source, et ils intègrent les correctifs de leurs membres. Mais l’entreprise qui héberge Launchpad doit quand même approuver chaque modification puisque ce sont eux qui font tourner les serveurs. Je crois que SourceForge veut tenter la même expérience, si l’on en croit l’annonce faite récemment à propos d’Allura.)

Alors, en fonction de tout cela, quelles sont les libertés possibles ?

Il vous reste la liberté de faire entrer et sortir vos données. En d’autres termes, le noeud du problème se situe au niveau de la possibilité qu’on les interface de programmations (API pour Application Programming Interfaces) de déplacer les données d’un service à l’autre, de manière fiable et automatique. Si je peux écrire un programme qui peut récupérer toutes les données de mon projet depuis une forge pour les transférer à une autre, c’est une liberté utile. Je ne suis pas pieds et poings liés. Ça n’est pas la seule liberté qui compte, on est même loin d’une liberté idéale. Mais c’est une liberté utile dont on dispose dans un monde où utiliser ses propres serveurs est devenu inabordable.

Ce n’est pas que cette conclusion m’enchante. Mais les choses sont ainsi. La période de « chasseur/cueilleur » dans l’open source est terminée, nous sommes entrés dans l’ère agricole et urbaine. Vous ne pouvez plus creuser vos propres sillons d’irrigation ou votre propre système d’évacuation des eaux usées. C’est trop compliqué. Mais, au moins, si vous n’êtes pas satisfait du service rendu par un hébergeur, vous pouvez déménager chez un autre plus efficace grâce a la portabilité des données.

Donc ça m’importe assez peu de savoir que la plateforme GitHub est propriétaire, par exemple. Evidemment, ça serait mieux si elle était entièrement open source, mais le fait qu’elle ne le soit pas n’est pas vraiment un énorme problème. Le premier critère auquel je fais attention lorsque j’évalue un service d’hébergement est la richesse de leurs APIs. Est-ce que je peux récupérer toutes mes données si besoin ? Si leurs APIs sont riches, c’est bon signe, ils feront leur travail pour maintenir un service de qualité, car c’est le critère qui leur permettra de conserver leurs utilisateurs.

En France, les élevés de collège et de lycée ne suivent pas de cours d’informatique. Pensez-vous que l’informatique devrait être une matière a part entière, et pas seulement un outil pour les autres matières ?

Evidemment. La compréhension des données et du calcul formel est très importante désormais. C’est une forme d’alphabétisme. Sans aller jusqu’à maîtriser la programmation, il faut savoir comment les données fonctionnent. Cela fait écho à une discussion récente où je me suis rendu compte du gouffre qui peut exister.

J’étais chez le docteur, pour faire quelques tests. L’un d’eux consistait à filmer les battements de mon cœur grâce aux ultra-sons et toute la séquence était enregistrée. C’était incroyable a voir ! Et donc, une fois terminé, je demande à l’accueil si je pouvais avoir les données. Pour être précis, j’ai demandé : « Est-ce que je pourrai avoir les données de l’echocardiogramme ? » L’assistante m’a répondu qu’ils pouvaient m’imprimer des images basse-résolution. J’ai alors répondu : « Merci, mais ce sont les données que je veux ». Elle m’a répondu que c’est bien ce qu’elle me proposait. Pour elle, le mot « données » n’avait pas la même signification précise que pour ceux qui ont appris ce que sont les données. Ma question impliquait évidemment que je voulais toutes les données qu’ils avaient enregistres. C’est bien ce que signifie « Toutes les données », non ? Il ne devrait pas y avoir de perte d’information : c’est une copie bit par bit. Mais cela ne lui parlait pas. Pour elle, les données, c’est « quelque chose qui ressemble a ce que j’ai demandé ». Je parlais d’information, d’informatique, elle me parlait de perception.

Je suis bien conscient que mon point de vue est radical, mais je trouve que c’est une forme d’illettrisme de nos jours. Vous devez savoir faire la différence entre les vraies informations et les fausses informations et vous devez comprendre l’énorme différence d’application qui existe entre les deux. Si je me rends chez un autre médecin, vous imaginez bien la différence que ça fait si je lui présente la vidéo complète sur clé USB par rapport à des copies basse résolution d’images fixes. L’une est utile, l’autre ne sert strictement à rien.

Les entreprises qui comprennent le mieux la valeur des données, de données nous concernant, ont de plus en plus de moyens d’utiliser ces données à leur avantage, mais pas nécessairement dans le vôtre. Les cours d’informatique sont une forme de défense contre ceci, une réponse immunitaire à un monde dans lequel la possession et la manipulation des données se transforme de plus en plus en pouvoir. Vous êtes mieux à même de comprendre comment les données peuvent être utilisées si vous les avez déjà manipulées vous-même.

Donc oui, je suis pour les cours d’informatique… mais pas seulement comme moyen de défense :-). C’est aussi une formidable occasion pour les écoles de réaliser quelque chose de collaboratif. L’enseignement se focalise trop souvent sur des apprentissages « individuels ». D’ailleurs, la coopération à l’école est souvent prohibée et on appelle cela de la triche. Or en cours d’informatique, la chose la plus naturelle est d’initier des projets open source ou de participer à des projets open source.

Bien sûr, tous les étudiants ne seront pas forcément doués ou hyper motivés pour cela, mais c’est la même choses dans toutes les autres matières. Je pense donc que les cours d’informatique sont une bonne opportunité d’exposer les élèves aux plaisirs du développement collaboratif. Ces cours devraient avoir un impact incroyable sur certains élèves, comme, par exemple, les cours de musique.

Une toute dernière question : quel conseil donneriez-vous au programmeur en herbe qui souhaite découvrir la communauté des logiciels libres et open source ? Essayez de répondre en une phrase, pas avec un livre entier 🙂

Trouvez un projet ouvert que vous appréciez (et, idéalement, que vous utilisez) et commencez à y participer ; vous ne le regretterez pas !




Voici pourquoi j’aime et je soutiens Firefox en deux minutes vidéo

Ce n’est plus une application qui vous permet d’accéder au Web, c’est un manifeste politique et un art de vivre !

—> La vidéo au format webm
—> Le fichier de sous-titres

Transcript du sous-titrage

URL d’origine du document

Nous sommes assez fiers d’être un navigateur à part.

Nous n’avons pas de titres ronflants quand nous sommes cités dans la presse. Nous n’avons pas de marge bénéficiaire. Nous n’avons ni icône ni gourou à vénérer à plat ventre.

Nous ne passons pas les mêmes accords, ne signons pas les mêmes contrats, ni ne serrons les mêmes mains, que tout le monde. Et cela ne nous dérange pas.

Nous sommes une communauté d’esprits indépendants, de gens farouchement anticonformistes qui font les choses un peu différemment.

Là où d’autres sociétés pourraient donner de l’importance aux résultats, nous donnons de la valeur… à nos valeurs.

Lorsqu’un concurrent songe à rendre quelque chose propriétaire, nous nous efforçons de le libérer. Et quand de nombreux produits et technologies sont développés derrière des portes closes, les nôtres sont cultivées au grand jour, là où chacun peut les voir.

Nous n’avons de comptes à rendre à aucun actionnaire. Nous ne rendons des comptes qu’à vous.

Et nous ne fonctionnons pas ainsi pour le plaisir, même si l’on s’amuse énormément. Nous fonctionnons ainsi parce que nous pensons que c’est la chose à faire.

Nous croyons que les principes sont plus importants que le profit. Nous croyons que l’honnêteté l’emporte sur le secret, et que la communauté prévaut sur les intérêts de l’entreprise.

Nous croyons qu’il faut prendre soin du Web et non s’en emparer, que c’est plus une ressource que nous devons protéger plutôt qu’un simple bien qui peut être vendu.

Et nous croyons fermement en l’innovation qui met l’utilisateur à l’avant, au centre et fermement aux commandes.

Mais surtout nous croyons en vous.

Nous croyons que le meilleur navigateur du monde est rendu possible par des ingénieurs, des programmeurs, des designers, et des gens comme vous, qui donnent de leur temps, leur talent, leur énergie et leur appui à la cause.

Et nous croyons qu’ensemble, en gardant cette cause en tête, nous pouvons innover au bénéfice de l’individu, et à l’amélioration du Web. Afin que toujours et à jamais il serve le bien commun.

Nous sommes tous Mozilla Firefox.

Nous ne sommes pas qu’une sorte différente de navigateur. Nous sommes un navigateur qui fait la différence.




Alors heureux-se avec Firefox 4 ?

Firefox 4Une bonne semaine après le lancement du navigateur Firefox 4, et quelques 47.146.152 téléchargements plus tard, nous en appelons à nos fidèles lectrices et lecteurs pour nous donner leur avis dans les commentaires sur cette première version stable de la série quatre.

Et pour ne pas faire face à un billet vide, nous avons traduit le message annonçant la fameuse sortie sur le blog de la boss de la Mozilla Foundation Mitchell Baker.

Puisque Firefox est « bien plus qu’un excellent navigateur » (message à peine subliminal adressé à Google Chrome), faisons comme l’AFUL et participons à le polliniser autour de nous, si tant est qu’il ne vous ait pas déçu bien entendu.

Firefox 4 – Davantage qu’un excellent navigateur

Firefox 4 – More Than a Great Browser

Mitchell Baker – 22 mars 2011 – Blog personnel (Lizard Wrangling)
(Traduction Framalang : Goofy et Antistress)


Firefox 4 est sorti ! Si vous n’utilisez pas encore Firefox 4, téléchargez-le et découvrez à quel point le Web peut devenir un champ d’exploration excitant.

Oui, Firefox est un excellent navigateur. Rapide, léger et proposant quantité de fonctionnalités qui facilitent votre vie en ligne — les onglets applicatifs (possibilité de rendre fixes des onglets), Panorama (organisation facile des onglets en groupes), Sync (la synchronisation d’un appareil à l’autre), Do Not Track (pour demander aux sites de ne pas vous pister), HTML 5 et d’autres choses encore — et qui sont toutes respectueuses des individus.

Mais Firefox est bien plus qu’un excellent navigateur. Firefox est une part importante de notre projet de construire ensemble un Web qui soit amusant, ait du potentiel, soit fiable et donne le pouvoir aux gens afin qu’ils soient aux commandes. Firefox est créé par une communauté sans but lucratif précisément pour promouvoir de telles valeurs au cœur d’Internet. Firefox allie l’intéret général, les objectifs non commerciaux et une technologie de pointe.

Firefox est également une communauté. Une communauté dévouée à concrétiser le Web que nous imaginons. Une communauté qui veille à ce que les progrès technologiques soient mis au service des individus et qu’ils profitent à tous.

Firefox incarne un état d’esprit. Un état d’esprit qui part du principe que ce qui est important ce sont les gens, que les individus peuvent changer le monde, qu’on peut créer autant que consommer, que nous pouvons construire un bout d’Internet qui nous appartient à tous.

Et bien entendu, Firefox c’est aussi l’open source, des technologies dernier cri, des fonctionnalités géniales pour des centaines de millions d’utilisateurs en plus de 80 langues. Il repose sur la transparence et l’ouverture, et il offre un potentiel inégalé à chaque communauté dans le monde.

Essayez-le et impliquez-vous !




Sortie de Firefox 4 – C’est Tristan Nitot qui en parle le mieux

Ayant croisé Tristan Nitot samedi dernier lors d’un BookSprint (objet d’un prochain billet), j’en ai profité pour lui extorquer quelques mots à propos dans le tant attendue version 4 du Firefox.

Quant au Mozilla Manifesto, vous le trouverez ici.

N’oubliez pas de prendre son relais pour convaincre à votre tour votre cercle d’amis 🙂

—> La vidéo au format webm




Le rêve de Staline ou le cauchemar de Stallman

Eva Blue - CC byUne petite mise à jour de la pensée de Stallman avec cette interview donnée par un confrère américain ?

On y retrouve certaines constantes pour lesquelles il se bat depuis près de trente ans (« la conscience du logiciel libre a été presque entièrement cachée sous le tapis par l’open source »). Mais il donne également son avis, souvent lapidaire, sur des sujets d’actualité comme l’essor de la téléphonie mobile, qualifiée de « rêve de Staline » (où même l’OS Android ne trouve pas grâce à ses yeux).

En toute logique, il ne possède pas de téléphone portable. « Les décisions que vous prenez dépendent de vos valeurs. Et la plupart des gens sont conduits à penser uniquement au prix et à la performance des logiciels, et non au fait de savoir s’ils respectent votre liberté. Les gens qui prennent des décisions sur ces valeurs ne feront jamais aucune concession pour obtenir un logiciel libre, alors que moi je suis prêt à travailler pendant des années et des années pour ne pas avoir de logiciels propriétaires sur mon ordinateur ».

Et vous ?

Et de conclure l’entretien par un message plus politique en référence aux mouvements sociaux du Wisconsin : « Les entreprises et les medias de masse ont, dans une large mesure, convaincu les Américains qu’ils n’ont pas de légitimité pour refuser le système économique, quels que soient les objectifs de ce système économique. Nous avons besoin d’un esprit de résistance en Amérique. Nous devons retrouver l’esprit de liberté avec lequel nous avons bâti les États-Unis. »

PS : Pour ceux qui désireraient mieux connaître le personnage nous rappelons l’existence de notre framabook sur Richard Stallman. Eyrolles vient de nous communiquer les ventes de l’année 2010 qui sont plus qu’encourageantes avec un total dépassant les 2 300 exemplaires.

Les téléphones mobiles sont le « rêve de Staline », selon le fondateur du mouvement du logiciel libre

Cell phones are ‘Stalin’s dream,’ says free software movement founder

Jon Brodkin – 14 mars 2011 – Network World
(Traduction Framalang : Étienne, Siltaar, Pandark, Lolo le 13, Goofy, Ypll, Yoann, Garburst)

Richard Stallman[1] : Les iPhones et autres Androids sont des traceurs à la Big Brother.

Près de trente ans après le début de sa croisade pour débarrasser le monde du logiciel propriétaire, Richard Stallman constate que les smartphones sont une nouvelle menace pour la liberté des utilisateurs.

« Je n’ai pas de téléphone portable. Je n’utiliserai pas de téléphone portable », déclare Stallman, fondateur du mouvement des logiciels libres et créateur du système d’exploitation GNU. « C’est le rêve de Staline. Les téléphones mobiles sont les outils de Big Brother. Je ne vais pas porter sur moi un traceur qui enregistre où je vais en permanence, ni un outil de surveillance qui autorise les écoutes. »

Stallman croit fermement que seul le logiciel libre (NdT: free software dans le texte) peut nous préserver de ces technologies de contrôle, qu’elles soient dans les téléphones portables, les PCs, les tablettes graphiques, ou tout autre appareil. Et par free il n’entend pas gratuit mais la possibilité d’utiliser, de modifier et distribuer le logiciel de quelque façon que ce soit.

Stallman a fondé le mouvement du logiciel libre entre le début et le milieu des années 80, avec le projet GNU et la Free Software Foundation, dont il est toujours le président.

Quand j’ai demandé à Stallman de lister quelques-uns des succès du mouvement du logiciel libre, le premier à être mentionné était Android mais pas la version de Google, non, une autre version du système d’exploitation mobile débarrassé de tout logiciel propriétaire (voir également Stallman soutient LibreOffice).

« Ce n’est que très récemment qu’il est devenu possible de faire fonctionner des téléphones portables largement répandus avec du logiciel libre », dit Stallman. « Il existe une version d’Android appelée Replicant qui peut faire fonctionner le HTC Dream sans logiciel propriétaire, à part aux États-Unis. Aux États-Unis, il a quelques semaines, il y avait encore un problème avec certaines bibliothèques, même si elles fonctionnaient en Europe. À l’heure qu’il est, peut-être cela fonctionne-t’il, peut-être pas. Je ne sais pas. »

Bien qu’Android soit distribué sous des licences libres, Stallman note que les constructeurs peuvent produire et livrer le matériel avec des exécutables non libres, que les utilisateurs ne peuvent pas remplacer « parce qu’il y a un élément dans le téléphone qui vérifie si le logiciel a été changé, et ne laissera pas des exécutables modifiés se lancer». Stallman appelle cela la Tivoisation, parce que TiVo utilise des logiciels libres tout en plaçant des restrictions matérielles qui l’empêchent d’être altéré. « Si le constructeur peut remplacer l’exécutable, mais que vous ne pouvez pas, alors le produit est dans une cage », dit-il.

En théorie, les téléphones qui n’utilisent que des logiciels libres peuvent être à l’abri des risques d’espionnage électronique. « Si vous n’avez que des logiciels libres, vous pouvez probablement vous en protéger, parce que c’est par les logiciels qu’on peut vous espionner », explique Stallman. Petit paradoxe au passage, Stallman répondait à mes questions sur un téléphone portable. Pas le sien, bien entendu, mais celui qu’il avait emprunté à un ami espagnol pour sa tournée de conférneces en Europe. Pendant les 38 minutes de notre échange, la connexion a été coupée cinq fois, y compris juste après un commentaire de Stallman sur l’espionnage électronique et les logiciels libres sur les téléphones. Nous avons essayé de nous reconnecter plusieurs heures plus tard mais il nous a été impossible de terminer l’interview par téléphone. Stallman a répondu au reste de mes questions par email.

Sacrifier le confort est une chose dont Stallman est familier. Il refuse d’utiliser Windows ou Mac, bien évidemment, mais même un logiciel tel qu’Ubuntu, peut-être le système d’exploitation le plus populaire basé sur GNU et le noyau Linux, ne satisfait pas ses critères de liberté. « Peu de monde est prêt à faire les mêmes sacrifices », reconnaît-il.

« Les décisions que vous prenez dépendent de vos valeurs », dit-il. « Et la plupart des gens sont conduits à penser uniquement au prix et à la performance des logiciels, et non au fait de savoir s’ils respectent votre liberté. Les gens qui prennent des décisions sur ces valeurs ne feront jamais aucune concession pour obtenir un logiciel libre, alors que moi je suis prêt à travailler pendant des années et des années pour ne pas avoir de logiciels propriétaires sur mon ordinateur ».

Stallman utilise un ordinateur portable Lemote Yeeloong faisant tourner gNewSense, une distribution GNU/Linux ne comportant que des logiciels libres.

« Il y a des choses que je ne peux pas faire. J’utilise actuellement un ordinateur assez lent, parce que c’est le seul portable avec un BIOS libre. gNewSense est la seule distribution entièrement libre qui tourne sur Lemote, qui est équipé d’un processeur de type MIPS » explique Stallman. Une autre distribution était fournie avec le Lemote, mais elle comprenait des logiciels non libres que Stallman a remplacés par gNewSense.

Stallman, 57 ans, a commencé à faire l’expérience du partage de logiciels à ses débuts au Laboratoire d’intelligence artificielle du MIT en 1971. Cette communauté de partage s’est dispersée au début des années 80 à peu près au moment où Digital Equipment Corp. a arrêté le serveur central sur lequel s’organisait la communauté. Stallman aurait pu rejoindre le monde des logiciels propriétaires s’il avait accepté de « signer des accords de confidentialité et promettre de ne pas aider mes camarades hackers », selon ses propres mots. Au lieu de cela, il a lancé le mouvement du logiciel libre.

Stallman est un personnage fascinant du monde de l’informatique, admiré par beaucoup et injurié par des entreprises comme Microsoft, qui voient en lui une menace pour les profits qu’ils peuvent tirer des logiciels.

Stallman n’a pas réussi à casser la domination de Microsoft/Apple sur le marché de l’ordinateur de bureau, sans parler de celle d’Apple sur les tablettes. Par contre, le mouvement du logiciel libre qu’il a créé a directement participé à la prolifération de serveurs sous Linux dans les data centers qui propulsent une grande partie d’Internet. Il y a peut-être là une ironie, Stallman ayant exprimé de la rancoeur au sujet de la reconnaissance acquise par le noyau Linux aux dépens de son système d’exploitation GNU.

Stallman se dit « plutôt » fier de cette multiplication des serveurs libres, « mais je suis plus inquiet de la taille du problème à corriger que du chemin que nous avons déjà accompli ».

Les logiciels libres dans les data centers, c’est bien, mais « dans le but d’apporter la liberté aux utilisateurs, leurs propres PC de bureau, portable et téléphone sont ce qui a le plus d’effet sur leur liberté ». On se soucie principalement de logiciel plutôt que de matériel, mais le mouvement insiste sur « du matériel avec des spécifications telles que l’on peut créer des logiciels libres qui le supporte totalement », insiste-t-il. « Il est outrageux de proposer du matériel à la vente et de refuser de dire à l’acheteur comment l’utiliser. Cela devrait être illégal ».

Avant d’accepter d’être interviewé par Network World, Stallman a exigé que l’article utilise sa terminologie de référence — par ex. « logiciel libre » à la place d’« open source » et « GNU/Linux » au lieu de juste « Linux ». Il a aussi demandé que l’interview soit enregistrée et que, si l’enregistrement était mis en ligne, il soit publié dans un format compatible avec le libre.

Il y a quatre libertés logicielles essentielles, expliquées par Stallman. « La liberté zéro est la liberté d’utiliser le programme comme bon vous semble. La liberté 1 est la liberté d’étudier le code source, et de le changer pour qu’il fonctionne comme vous le souhaitez. La liberté 2 est la liberté d’aider les autres ; c’est la liberté de réaliser et de distribuer des copies exactes quand vous le souhaitez. Enfin la liberté 3 est la liberté de contribuer à votre communauté, c’est la liberté de distribuer des copies de vos versions modifiées quand vous le souhaitez ».

Stallman a évoqué le terme « copyleft » pour désigner les licences qui garantissent que le code d’un logiciel libre ne peut pas être redistribué dans des produits propriétaires.

La clé de la philsophie de Stallman est la suivante : « Sans ces quatre libertés, le propriétaire contrôle le programme et le programme contrôle les utilisateurs », a-t-il affirmé. « Le programme se retrouve alors être un instrument de pouvoir injuste. Les utilisateurs méritent d’avoir la liberté de contrôler leur informatique. Un programme non libre est un système de pouvoir injuste et ne devrait pas exister. L’existence et l’usage de logiciels non libres est un problème sociétal. C’est un mal. Et notre but est un monde délivré de ce problème. »

Ce problème n’a pas été créé par une entreprise en particulier, mais Microsoft est d’habitude la plus critiquée par les gens comme Stallman.

« Ils continuent à nous considérer comme leurs ennemis », insiste Stallman. Il y a dix ans, dans une saillie restée célèbre, le PDG de Microsoft Steve Ballmer traitait Linux de « cancer ». Depuis Microsoft a baissé le ton en public, mais Stallman ne s’en laisse pas compter : « D’un certain côté ils ont appris à être un peu plus subtils mais leur but est de faire utiliser Windows et non un système d’exploitation libre ». Après cette phrase, notre appel téléphonique s’est une fois de plus interrompu.

À part Microsoft, Stallman épingle « Apple et Adobe, ainsi qu’Oracle et beaucoup d’autres qui font des logiciels propriétaires et contraignent les gens à les utiliser ».

Google « fait de bonnes choses et d’autres mauvaises » dit Stallman. « Il a mis à disposition des logiciels libres comme le codec WebM, et pousse YouTube à adopter son support. Toutefois, le nouveau projet Google Art ne peut être utilisé qu’à travers des logiciels propriétaires. »

Stallman est également en porte-à-faux avec ce qu’on appelle la communauté open source. Les partisans de l’open source sont issus du mouvement du logiciel libre, et la plupart des logiciels open source sont aussi des logiciels libres. Cependant, pour Stallman, ceux qui se disent partisans du logiciel libre ont tendance à considérer que l’accès au code source est simplement un avantage pratique, et ignorent les principes éthiques du logiciel libre. Diverses entreprises commerciales ont pris en route le train de l’open source sans adhérer aux principes auquel croit Stallman et qui devraient selon lui être au cœur du logiciel libre.

« je ne veux pas présenter les choses de façon manichéenne », déclare Stallman. « Il est certain que beaucoup de gens qui ont des points de vue open source ont contribué à des logiciels utiles qui sont libres, et il existe des entreprises qui ont jeté les bases de logiciels utiles qui sont libres aussi. C’est donc du bon travail. Mais en même temps, à un niveau plus fondamental, mettre l’accent sur l’open source détourne l’attention des gens de l’idée qu’ils méritent la liberté. »

L’une des cibles de Stallman est Linus Torvalds, le créateur du noyau Linux et l’une des personnalités les plus célèbres du monde du logiciel libre.

Stallman et son équipe ont travaillé sur le système d’exploitation GNU pendant la majeure partie des années 80, mais il manquait une pièce au puzzle : un noyau, qui puisse fournir les ressources matérielles aux logiciels qui tournent sur l’ordinateur. Ce vide a été comblé par Torvalds en 1991 quand il a mis Linux au point, un noyau analogue à Unix.

Les systèmes d’exploitation qui utilisent le noyau Linux sont couramment appelés « Linux » tout court, mais Stallman se bat depuis des années pour que les gens emploient plutôt l’appellation « GNU/Linux ».

Stallman « voudrait être sûr que GNU reçoive ce qu’il mérite » dit Miguel de Icaza de chez Novell, qui a créé le l’environnement libre GNOME, mais a été critiqué par Stallman pour ses partenariats avec Microsoft et la vente de logiciel propriétaire. « Quand Linux est sorti, Richard n’y a pas prêté sérieusement attention pendant quelque temps, et il a continué à travailler sur son propre noyau. C’est seulement lorsque Linux s’est trouvé sous les feux de la rampe qu’il a pensé que son projet n’était pas assez reconnu. » Le problème, c’est qu’à cette époque, est apparue à l’improviste une communauté qui n’était pas nécessairement dans la ligne GNU.

Le noyau GNU, appelé Hurd, est toujours « en développement actif », selon le site internet du projet.

La contribution de Torvalds au logiciel libre sera largement célébrée cette année à l’occasion des 20 ans du noyau Linux. Mais Stallman n’en sera pas l’une de ses majorettes, et pas seulement à cause de cette querelle sur le nom.

« Je n’ai pas d’admiration particulière pour quelqu’un qui déclare que la liberté n’est pas importante », explique Stallman. « Torvalds a rendu un bien mauvais service à la communauté en utilisant ouvertement un programme non libre pour assurer la maintenance de Linux (son noyau, qui est sa contribution majeure au système d’exploitation GNU/Linux). je l’ai critiqué sur ce point, et bien d’autres avec moi. Quand il a cessé de le faire, ce n’était pas par choix délibéré. Plus récemment, il vient de rejeter la version 3 de la licence GPL pour Linux parce qu’elle protège la liberté de l’utilisateur contre la Tivoisation. Son refus de la GPL v.3 est la raison pour laquelle la plupart des téléphones sous Android sont des prisons ».

Même Red Hat et Novell, largement reconnus comme soutiens du logiciel libre, ne reçoivent pas une franche approbation. « Red Hat soutient partiellement le logiciel libre. Novell beaucoup moins », dit-il, notant que Novell a un agrément de brevet avec Microsoft.

En dépit de son pessimisme apparent, Stallman voit quelques points positifs motivant sa quête de logiciel libre. Quand il n’est pas chez lui à Cambridge (Massachusetts), Stallman parcourt le monde pour y donner des conférences et participer à des débats sur le logiciel libre.

Avant de voyager vers l’Espagne, Stallman s’est arrêté à Londres pour faire une conférence (dans laquelle il a qualifié Windows de « malware ») et pour rencontrer quelques membres du Parlement afin de leur expliquer les principes du logiciel libre. Il reçoit souvent un meilleur accueil en Europe que chez lui.

« Aux États-Unis, la conscience du logiciel libre a été presque entièrement cachée sous le tapis par l’open source. Dès lors on ne trouve aucun responsable gouvernemental qui accepte de parler avec moi ».

Mais hors de l’Amérique du Nord, quelques gouvernements s’engagent dans le logiciel libre. « J’ai découvert hier, qu’en France, les organismes d’État continuent à migrer vers le logiciel libre », dit-il. « Il n’y a pas une politique systématique qui leur enjoint de le faire, mais ils le font de plus en plus. Et dans certains pays, par exemple en Équateur, il existe une politique explicite pour que les organismes gouvernementaux migrent vers le logiciel libre, et ceux qui veulent continuer à utiliser des logiciels non libres doivent demander une dérogation temporaire pour le faire. »

Bien que Stallman ne l’ait pas mentionné, le gouvernement russe exige aussi des organismes qu’ils remplacent les logiciels propriétaires par des alternatives libres d’ici 2015, afin d’améliorer à la fois l’économie et la sécurité, selon le Wall Street Journal.

Au-delà du logiciel libre, Stallman se consacre aux questions politiques, et tient un blog pour le journal Huffington Post. De fait, il voit peu de différences entre les entreprises qui maltraitent la liberté logicielle et les « gredins de Washington » qui sont les obligés des lobbys d’entreprises qui leur font des dons.

Dans les mouvements sociaux récents du Wisconsin, Stallman retrouve quelque chose de son propre état d’esprit. « Quelquefois, la liberté demande des sacrifices et la plupart des Américains n’ont pas la volonté de faire le moindre sacrifice pour leur liberté », dit-il. « Mais peut-être que les manifestants du Wisconsin commencent à changer cela ». Les entreprises et les medias de masse « ont, dans une large mesure, convaincu les Américains qu’ils n’ont pas de légitimité pour refuser le système économique, quels que soient les objectifs de ce système économique. Nous avons besoin d’un esprit de résistance en Amérique. Nous devons retrouver l’esprit de liberté avec lequel nous avons bâti les États-Unis. »

Notes

[1] Crédit photo : Eva Blue (Creative Commons By)




Vidéo : un wikipédien en résidence au Château de Versailles

Vous ne pouvez l’ignorer : « Le Château de Versailles et Wikimédia France, association pour le libre partage de la connaissance, ont signé un partenariat pour permettre une plus large diffusion des richesses historiques, architecturales et artistiques du château et du domaine de Versailles. Pour la première fois en France, un « wikipédien en résidence », Benoît Evellin (Trizek sur Wikipédia), séjourne pendant six mois au château de Versailles. Ce membre de Wikimédia France a notamment pour mission de faciliter les échanges entre les contributeurs de Wikipédia et les équipes du château de Versailles. » (source ChateauVersailles.fr)

Pour de plus amples informations nous vous renvoyons à l’impressionnante revue de presse ainsi qu’à l’extrait vidéo ci-dessous issu du 12/13 de France 3 Île-de-France (25 février 2011).

—> La vidéo au format webm




Geektionnerd : Debian Squeeze Ze Riteurne

L’été dernier Gee avait déjà évoqué la nouvelle version de Debian en raillant gentiment le cycle de développement souvent relativement long de la célèbre distribution GNU/Linux (mais la qualité et la stabilité sont souvent à ce prix).

Cette-fois ci, ça y est, on y est 🙂

Geektionnerd - Simon Gee Giraudot - CC by-sa

Geektionnerd - Simon Gee Giraudot - CC by-sa

Crédit : Simon Gee Giraudot (Creative Commons By-Sa)




La nouvelle version Squeeze de Debian lavera encore plus blanc

Mark Robinson - CC byC’est un billet un peu technique que nous vous proposons aujourd’hui. Il évoque la « quête du 100% libre » des distributions GNU/Linux.

En effet, vous l’ignoriez peut-être, mais rares sont les distributions GNU/Linux qui soient « totalement libres ».

Ainsi la fort pratique distribution Linux Mint installe dès le départ des codecs (MP3, divX…) et des plugins (Java, flash…) propriétaires. On ne peut donc la considérer comme libre.

Mais, plus subtil, la très populaire distribution Ubuntu non plus, car elle embarque en son sein des drivers propriétaires comme ceux pour les cartes graphiques Nvidia et ATI.

Ces drivers sont des exemples de firmwares (ou micrologiciel), ces logiciels intégrés dans un composant matériel, et ils constituent le sujet principal de notre billet, et traduction, du jour.

Debian est l’une des plus anciennes et célèbres distributions GNU/Linux. Elle sert de base de développement à de nombreuses autres distributions, dont justement Ubuntu et Linux Mint.

L’une des principales caractéristiques de Debian, outre sa stabilité reconnue et le grand nombre d’architectures matérielles supportées, est de ne dépendre directement d’aucune société commerciale : comme le navigateur Firefox de la fondation Mozilla, Debian est le fruit d’une association à but non lucratif. Et si Mozilla possède son Manifesto, Debian a son fameux contrat social.

Elle se trouve actuellement dans sa version 5.0 mais la nouvelle version 6 (nom de code « Squeeze ») devrait sortir d’ici quelques jours.

Or le projet Debian a annoncé que cette nouvelle version bénéficierait, à sa sortie, d’un noyau Linux « libéré», c’est à dire débarrassé de tout firmware qui ne serait pas libre[1]. Cette décision a suscité un certain nombre de d’interrogations autour des conséquences pratiques pour l’utilisateur : allait-il pouvoir continuer à faire fonctionner pleinement sa machine avec cette nouvelle version ?

C’est à ces interrogations que répond l’un des développeurs du projet ci-dessous.

Mythes et réalités concernant les firmwares et leur non-retrait de Debian

Myths and Facts about Firmwares and their non-removal from Debian

Alexander Reichle-Schmehl – 20 janvier 2011 – Tolimar’s Blog
(Traduction Framalang : Antistress, Penguin et Goofy)

L’annonce par le projet Debian de la publication de Squeeze avec un noyau Linux complètement libre a retenu l’attention, ce qui n’est pas une mauvaise chose. Pourtant il semble que cette annonce ait parfois été mal interprétée ou mal relayée. Je vais essayer de résumer les principales erreurs et d’y répondre.

  • Mythe : Debian a retiré tous les firmwares de ses noyaux !
  • Réalité : Non, cette décision ne concerne que les noyaux qui seront inclus dans la prochaine version Debian 6.0 Squeeze. Les noyaux de la version stable actuelle Debian 5.0 Lenny restent tels quels… sauf que, bien sûr, nous réaliserons les mises à jour de sécurité qui s’imposent les concernant, mais ils continueront de contenir les mêmes firmwares qu’actuellement.
  • Mythe : Debian est en train de dégrader ses noyaux en en retirant des choses.
  • Réalité : Debian a transféré certains firmwares de sa section principale (NdT : main) vers sa section non-libre (NdT : non-free). Ils sont toujours présents, dans la section dédiée aux logiciels qui ne répondent à nos critères tels qu’ils résultent des principes du logiciel libre selon Debian (NdT : The Debian Free Software Guidelines – ou DFSG).
  • Mythe : La plupart des utilisateurs ne vont plus pouvoir installer Debian.
  • Réalité : les firmwares non-libres resteront disponibles à travers notre infrastructure. Ceux qui sont requis durant l’installation (par exemple pour contrôler l’accès au réseau ou au périphérique de stockage) peuvent également être chargés durant l’installation (qu’ils soients sur un CD ou une clé USB). Nous proposons des archives compressées de ces fichiers (décompressez les simplement sur une clé USB et branchez-la quand cela vous est demandé durant l’installation) ainsi que des images ISO permettant de créer un CD d’installation par le réseau qui contiennent déjà ces fichiers. Bien entendu, elles vont continuer d’exister, même aprés la publication de Squeeze.
  • Mythe : Ces fimwares sont requis, les ôter ne sert à rien et ne rend pas service à l’utilisateur.
  • Réalité : Oui, ces firmwares sont en effet nécessaires au fonctionnement de certains pilotes de certains matériels. Mais tout le monde n’en veut pas. À présent que nous sommes capables de charger ces firmwares sur demande (au lieu de devoir les compiler dans le pilote lui-même), nous pouvons les proposer séparément. Cela permet ainsi à ceux qui ont besoin de firmwares non-libres de les utiliser tandis que que ceux qui n’en veulent pas bénéficieront d’une installation qui en sera dénuée.
  • Mythe : Ah, encore un coup des fêlés de la liberté du projet Debian…
  • Réalité : Il n’y a pas que nous en réalité : nous n’y serions jamais parvenus sans la coopération d’un certain nombre de développeurs du noyau Linux. Et nous ne sommes pas les seuls intéressés par la création d’un noyau libre, d’autres distributions importantes ont également conscience du problème. Citons par exemple le récent commentaire d’un développeur du projet Fedora évoquant des changements dans un de ces firmwares non-libres. Il semble donc que Debian ait simplement été le premier à réaliser le problème des firmwares non-libres.
  • Mythe : Debian fait allégeance à Stallman.
  • Réalité : Je ne me suis pas entretenu avec Richard Stallman à ce sujet mais je pense que Debian n’est pas encore assez libre pour lui ; pour autant que je sache, il aimerait la disparition pure et simple de la section non-libre, ou au minimum qu’elle ne soit plus mentionnée nulle part.

Il reste donc une question : qu’il y a t-il de mal avec les firmwares non-libres ? Ne s’agit-il pas simplement de petits programmes exécutés par le microprocesseur du périphérique concerné ? Pourquoi s’en faire ? Bonne question ! Mettons de côté les problèmes juridiques qui sont susceptibles de se poser, et concentrons-nous sur l’aspect pratique. Le nœud du problème tient au fait que, sans leur code source (et les outils pour les compiler), les firmwares ne sont qu’une suite aléatoire de nombres pour nous. Nous ne savons pas ce qu’ils font, nous ne pouvons pas les analyser ni les améliorer. Nous ne pouvons pas les changer, nous ne pouvons pas assurer leur suivi. Peut-être avez-vous été lire le commentaire du développeur Fedora dont le lien a été donné plus haut ? Je le cite à nouveau car il me semble qu’il a très bien résumé le problème :

Mise à jour des firmwares qlogic 2400 et 2500 vers la version 5.03.13. Que fait la version 5.03.13 ? Personne ne le sait hormis QLogic et ils ne le disent pas. Je leur ai posé la question et ils m’ont répondu que l’information ne pouvait être donnée sans accord de confidentialité. Je vous invite donc à imaginer ce que fait ce firmware et les bogues qu’il corrige. Tant que vous y êtes, imaginez un monde où les fabricants publieraient le code source de leurs firmwares.

À présent que vous savez que nous ne pouvons assurer le suivi de ces firmwares, vous pourriez vous demander si c’est vraiment utile de toute façon. Quels dégâts pourraient bien faire à votre ordinateur un simple petit programme logé dans un périphérique ? Eh bien un scientifique a déjà fait la démonstration d’un firmware pour certaines cartes réseau qui dissimulait un cheval de troie. Donc non seulement c’est un problème en soi, mais cela peut même être un problème de sécurité !

Résumons-nous. Oui, Debian a modifié quelque chose dans ses noyaux. Non, ils vont continuer de fonctionner comme d’habitude. Certains utilisateurs devront peut-être activer le dépôt non-libre mais ce n’est pas obligatoire. Les firmwares nécessaires à l’installation sont aussi disponibles et peuvent être chargés lors du processus d’installation. Alors pourquoi tout ce ramdam ?

À propos, ceux d’entre vous qui craignent de ne pas se rappeler les liens des images ISO et des archives compressées, souvenez-vous de deux choses: wiki et Firmware. Vous trouverez tout ce dont vous avez besoin sur la page Firmware du wiki Debian.

Notes

[1] Crédit photo : Mark Robinson (Creative Commons By)