Wikipedia a 10 ans : Un petit bilan en compagnie de Wired et de Sue Gardner

Lane Hartwell - Wikimedia Commons - CC by-saUn nouvel élément à ajouter à notre série d’articles sur Wikipédia à l’occasion de la célébration de son dixième anniversaire.

Ici nous poursuivons avec Sue Gardner, la remarquable Executive Director de la Wikimedia Foundation, en procédant un peu à l’envers puisqu’après les perspectives vient le temps du bilan. On y évoque bien sûr la fiabilité mais aussi les récentes avancées, qui sont autant de projets, dans les milieux culturels et éducatifs.

Il est dit dans l’article que pour beaucoup de monde, Wikipedia concrétise à la perfection les premières promesses de l’Internet en proposant une « incarnation de ce que le Web peut offrir de mieux »[1]. Nous en faisons partie 😉

On y trouve également un passage qui devrait particulièrement intéresser les lecteurs du Framablog. Il s’agit d’une critique d’un ancien rédacteur en chef de l’encyclopédie Britannica. Vous me direz qu’il n’est pas forcément objectif mais l’argument avancé mérite à mon avis d’être commenté voire débattu :

« L’erreur fatale dans le modèle Wikipedia est qu’un article de l’encyclopédie est pensé comme étant un projet libre, comme ceux qui produisent du logiciel libre, et que comme eux, il sera transformé par des améliorations constantes pour atteindre un idéal. Mais le logiciel est clairement perçu comme étant en développement continu, et est sans arrêt testé avec l’aide de différents critères objectifs. L’article de Wikipédia, quant à lui, est publié et est accessible par tout le monde en l’état, il change pour le meilleur ou pour le pire de temps en temps, et n’est jaugé par aucun standard auquel l’utilisateur puisse se fier. »

Une décennie pour Wikipédia, le projet collaboratif emblématique

A decade of Wikipedia, the poster child for collaboration

Olivia Solon – 10 janvier 2011 -Wired UK
(Traduction Framalang : Goofy, Slystone, Marianne et Penguin)

À l’heure où Wikipédia fête son dixième anniversaire, Wired.co.uk s’entretient avec Sue Gardner, directrice de la Wikimedia Foundation, à propos du rôle de l’encyclopédie collaborative sur le Web et son plan de domination mondiale.

Wikipédia, beaucoup le considèrent encore comme un petit secret honteux. Un site que l’on consulte discrètement dès qu’une conversation au bureau dérive vers un domaine où l’on n’est pas spécialement à notre aise. Lorsqu’on y fait référence explicitement, c’est souvent en ajoutant bien vite qu’on connaît bien ses insuffisances. Nous avons tous l’habitude des sous-entendus sarcastiques qui accompagnent la phrase rituelle : « Si c’est dans Wikipédia, c’est que ça doit être vrai ». Mais ces sous-entendus ironiques se dissipent peu à peu à mesure que le système s’améliore et que consulter le site devient moins honteux et moins un secret chaque jour.

Exactement 10 ans après son lancement et 17 millions d’articles plus tard, la figure emblématique des projets collaboratifs fait désormais partie de la vie quotidienne du monde développé, avec de sérieuses percées en cours dans le reste du monde.

La personne chargée de mener à bien le développement de Wikipédia, c’est Sue Gardner, directrice de la Wikimédia Foundation. Ex-journaliste combative et directrice de CBC.ca, Mme Gardner a été recrutée en 2007 dans le but de développer une stratégie claire pour l’organisation à but non lucratif. Son principal défi était de s’assurer que la gigantesque communauté disparate de contributeurs du monde entier était bien en phase avec l’objectif commun. Selon le fondateur de Wikipédia Jimmy Wales, engager Mme Gardner a été « une des meilleures décisions que nous ayons prises ».

Les chiffres en témoignent : depuis l’embauche de cette brillante canadienne, les revenus ont en effet plus que triplé, et l’audience du site a augmenté de 85 %. Après une lecture approfondie des sources de revenus de la fondation et deux ans d’expériences diverses, elle s’est rendue compte que la meilleure stratégie consistait à cibler les dons privés d’un faible montant.

« Dans un monde à but non lucratif, on poursuit normalement deux objectifs bien distincts, la prise en charge des frais de service, et la production de revenus. Ces deux composantes sont généralement en déséquilibre. La plus grosse surprise en ce qui me concerne fut de découvrir que l’on pouvait harmoniser l’ensemble de manière à ce que les dons proviennent des mêmes personnes que celles à qui nous fournissons un service. »


En tant que cinquième site le plus visité dans le monde, son hébergement sur serveur a un coût conséquent. L’organisation à but non lucratif lance chaque année une opération de levée de fonds afin d’assurer le fonctionnement du site pour l’année suivante. La dernière campagne vient juste de se terminer, elle s’est soldée par la récolte de 16 millions de dollars donnés par 500 000 personnes.

Pour beaucoup de monde, Wikipedia concrétise à la perfection la vision des premières promesses de l’internet. Gardner s’aventure même à dire que c’est « l’incarnation de ce que le Web peut faire de mieux. »

« C’est la promesse que les gens vont travailler ensemble, c’est l’illustration de gens travaillant ensemble en confiance, c’est la démocratisation de l’information et de la liberté d’accès à l’information, malgré les nombreux et récurrents dangers qui la menacent. »

Joseph Reagle, auteur du livre The Good Faith Collaboration (NdT : La collaboration de bonne foi), et ancien étudiant à Harvard ajoute : « par défaut, l’interaction en ligne est faite pour ceux qui refusent de voir le pire chez les autres, même chez les nazis comme l’indique la loi de Godwin. Wikipedia au contraire, promeut et est dépendant de personnes collaborant ensemble en toute bonne foi. »

Quelles en sont les points faibles ? Gardner ne fait pas preuve de réserve : « c’est un travail qui progresse sans arrêt, on aura donc toujours besoin de faire mieux. Tous les aspects doivent être améliorés. »

Tandis que Wikipedia se concentre sur l’amélioration et l’expansion, le site est sous un feu constant de critiques de personnes qui l’accusent de ne pas être objectif, de ne pas être fiable, et de préférer, au cours du processus d’édition, le consensus plutôt que le mérite et les qualifications.

Robert McHenry, auteur et ancien rédacteur en chef de l’encyclopédie Britannica, résume ce qu’il décrit comme l’erreur fatale du modèle Wikipedia :

« L’erreur fatale dans le modèle Wikipedia est qu’un article de l’encyclopédie est pensé comme étant un projet libre, comme ceux qui produisent du logiciel libre, et que comme eux, il sera transformé par des améliorations constantes pour atteindre un idéal. Mais le logiciel est clairement perçu comme étant en développement continu, et est sans arrêt testé avec l’aide de différents critères objectifs. L’article de Wikipédia, quant à lui, est publié et est accessible par tout le monde en l’état, il change pour le meilleur ou pour le pire de temps en temps, et n’est jaugé par aucun standard auquel l’utilisateur puisse se fier. »

Il n’a certainement pas tort, il y a beaucoup d’exemples d’informations fausses, parfois diffamatoires, qui sont par exemple écrites sur des profils biographiques. Ainsi en 2005, John Seigenthaler Sr, assistant du ministre de la justice Robert Kennedy au début des années 60, journaliste reconnu et plus tard éditeur créateur de USA Today, fut la cible de vandalisme sur Wikipedia. Une fausse biographie de Wikipedia l’accusa d’être un suspect du meurtre de Kennedy. Et la notice resta en l’étant pendant 132 jours. Ceci illustre le biais systémique qui fait que les événements contemporains attirent bien plus l’attention (et le manque d’objectivité lié à l’absence de sources et de recul) que les événements plus anciens, et la culture pop bénéficie à ce titre d’une couverture disproportionnée.

Cela ne veut pas dire que les encyclopédies traditionnelles sont dépourvues d’erreurs. Il y a eu une série d’études comparant la fiabilité de Wikipedia avec d’autres encyclopédies (telle que l’enquête réalisée par Nature en 2006 comparant Wikipedia et Britannica), qui ont montré que la fiabilité de Wikipedia est en hausse. L’étude de Nature précitée révèle que les articles scientifiques de Wikipedia s’approchent du niveau d’exactitude de l’encyclopédie Britannica, et avait un taux équivalent « d’erreurs sérieuses ».

Gardner le concède : « En 2001, Wikipedia n’était pas une source d’information riche et complète, c’était très partiel. Mais chaque année et chaque jour, Wikipedia s’améliore. »

Elle décrit un changement d’attidude et de comportement dans le monde académique et les communautés culturelles. L’initiative GLAM (Galleries, Libraries, Archives, Museums) rapproche les utilisateurs de Wikipedia des membres des instituts culturels, y compris le British Museum, dans le but d’une part d’améliorer le contenu culturel de Wikipedia et d’autre part d’offrir aux institutions un espace pour exposer leurs collections.

Un événement à Londres en novembre dernier a réuni les représentants de quelques grands organismes culturels, afin de voir ensemble comment ils pouvaient contribuer davantage à Wikipedia (NdT : Un évènement similaire a également eu lieu en France).

Gardner dit : « c’était vraiment encourageant de voir les gardiens de la culture et du savoir considérer Wikipedia de plus en plus sérieusement. Cela ne serait pas arrivé cinq ans aupravant. »

Parallèlement s’est ouvert un programme de sensibilisation destiné au monde académique dans le but de contribuer à améliorer le contenu. Le Wikipedia Ambassador Program qui a débuté en 2010 implique et accompagne les enseignants qui veulent participer à Wikipedia à travers leurs cours. L’idée est d’agrandir la communauté des éditeurs tout en aidant les enseignants à avoir une utilisation plus aisée de Wikipedia.

Quand on lui demande si Wikipedia pourrait un jour être considéré comme une source crédible dans le monde académique, Gardner dit : « nous ne recommandons pas que les gens utilisent Wikipedia pour faire des citations dans leur travail, de même que nous ne recommandons pas qu’ils utilisent l’encyclopédie Britannica. Le but d’une encyclopédie est d’être un point de départ pour faire de la recherche. Vous pouvez apprendre les bases, et approfondir la lecture de l’article en regardant les références pour trouver et y suivre les sources originales. »

L’argument de la fiabilité, selon Gardner, passe à côté de la « véritable histoire » : l’accès à l’information a augmenté selon une courbe exponentielle. « Pour le lecteur d’information, le monde est radicalement meilleur qu’il ne l’était il y a 10 ans ou 20 ans. »

Quiconque âgé de plus de 20 ans se souvient du temps où, pour trouver des informations sur un obscur politicien, un artiste underground ou la dernière action militaire d’un pays en particulier, il fallait consulter une encyclopédie en 30 volumes, aller à la bibliothèque ou espérer qu’un adulte autour de vous ait la réponse.

Ayant épuisé ces possibilités, on s’était habitué au fait qu’on ne saurait probablement jamais. Ou en tout cas pas avant la sortie de la prochaine édition de l’encyclopédie et, même dans ce cas, sans la certitude que la question y serait traitée.

Aujourd’hui, tout le monde peut avoir un accés instantané et gratuit à la connaisance collective de centaines de milliers de personnes, mise à jour quotidiennement, et même, la plupart du temps, presque en temps réel. Dans ce contexte, le débat sur la fiabilité perd de son importance.

Notes

[1] Crédit photo : Lane Hartwell (Creative Commons By-Sa)




Un excellent reportage de la TSR sur le devenir des dons à Wikipédia

La Télévision suisse romande (TSR) a mis en ligne, à l’occasion des 10 ans de Wikipédia, un excellent reportage au titre bien choisi : « Pour la bonne cause Wikipédia ».

En quelques trois minutes on y explique fort bien l’utilité de soutenir financièrement le projet ainsi que le rôle joué par les associations locales, en l’occurrence Wikimedia CH.

Et puis cela fait aussi du bien de voir qu’il ne s’agit pas uniquement de personnes derrière leur ordinateur, avec cette jolie petite histoire de photographes de hockey.

—> La vidéo au format webm

URL d’origine du document

PS : J’ai retrouvé la page en question illustrant l’équipe de hockey de Bâle. Quant au l’ancien maire de Genève, il y a sa page Wikipédia, quand bien même celle-ci ne serait encore qu’une ébauche 😉




Les 10 ans de Wikipédia : une occasion médiatique manquée pour le logiciel libre ?

Wikimedia Italia - CC by-saWikipédia célèbre ses dix ans et je me réjouis bien entendu d’observer que l’évènement bénéficie légitimement d’une large couverture médiatique.

En quantité mais aussi et surtout en qualité, car il semble définitivement révolu le temps de l’incompréhension voire d’une certaine hostilité de la grande presse vis-à-vis de l’encyclopédie. Avoir des articles dédiés (et éclairés) dans les versions papiers du Monde ou de Libération permet aussi de mesurer le chemin parcouru[1].

Vous me voyez cependant contraint ici de faire, l’espace d’un court instant, mon schtroumpf grognon au milieu du concert de louanges. Parce que lorsque l’on regarde un peu dans le détail la revue de presse francophone occasionnée par cette date anniversaire, on constate que le logiciel libre est totalement occulté.

Vous me direz que ce n’est ni le sujet, ni le lieu, ni le moment. Vous me direz qu’il est normal que les journalistes adoptent l’angle de l’interview des fondateurs, du témoignage de collaborateurs, ou du « Wikipédia, comment ça marche ? » (ou, mieux encore, « comment ça marche, alors que ça ne devrait pas marcher ! »). Vous me direz aussi que je pêche par égocentrisme libriste. Mais de là à ne jamais évoquer le logiciel libre…

Il est vrai aussi que cette affirmation péremptoire repose sur une méthode sujette à caution. J’ai ouvert à ce jour tous les articles francophones glanés sur le Web qui me semblaient parler des 10 ans de Wikipédia, en cherchant rapidement l’occurrence « libre » dans le corps du texte. Je suis parfois tombé sur « librement diffusable » ou « encyclopédie libre » mais jamais sur « logiciel(s) libre(s) » (ni « licence libre » d’ailleurs).

À une exception près, l’article du Monde (odieusement pompé ici) où l’on peut lire ceci :

Un projet un peu fou : concevoir une encyclopédie en ligne, gratuite, rédigée par des internautes, à laquelle tous, experts ou néophytes, pourraient contribuer, en créant, complétant ou corrigeant les articles grâce à un outil inspiré des logiciels libres, le « wiki  », permettant un travail collaboratif.

Oui, bien sûr, Wikipédia repose sur le logiciel libre Mediawiki, mais ce n’est pas, loin de là, le seul point commun et la seule filiation possible.

« Au commencement était Nupedia… », nous rapelle 01net. Tandis que Jimmy Wales soigne sa légende dans cette vidéo : « J’ai écrit Hello World et j’ai invité les gens à participer ». Factuellement parlant, c’est certainement bien là le début de cette extraordinaire aventure.

Mais cela n’aurait été ni scandaleux ni inopportun de remonter encore un peu plus loin, de remonter aux sources – si j’ose dire – en affirmant, pourquoi pas, que : « Au commencement était le logiciel libre… » (ceci dit, je vous l’accorde, au commencement était Internet aussi !).

Je ne prétends évidemment pas que Wikipédia n’aurait jamais existé sans le logiciel libre. Mais il est indéniable que son expérience, ses méthodes, ses outils (techniques et juridiques), ses combats (contre le copyright, les formats fermés, etc.) lui ont profité et ont participé à son succès. Dans un contexte historique où l’on dresse des bilans et expose la genèse, c’est dommage de ne pas l’avoir cité au moins une seule fois, cela aurait pu mettre la puce à l’oreille à de nombreux lecteurs lambdas.

La présidente de Wikimedia Fance, Adrienne Alix, a eu la bonne idée de récolter les témoignages de quelques pionniers présents aux tous débuts du projet. Morceaux choisis :

« À l’époque, on était en plein dans le haut de la vague du mouvement open source, et cette communauté de bénévoles créant une encyclopédie libre correspondait parfaitement à l’esprit de ce mouvement open source. » (Buzz)

« Wikipédia faisait déjà sensation dans le milieu Libre, projet titanesque qui faisait des petits dans le monde entier. » (Bobby)

« Wikipédia n’était à l’époque pas très connue du grand public mais on en parlait beaucoup dans le milieu du logiciel libre (…) C’est l’idée de transposer les concepts du logiciel libre à d’autres domaines, en dehors de l’informatique, que je trouvais séduisante. » (Polletfa)

« Le mouvement du logiciel libre partage lui aussi des connaissances, il manquait un outil pour le savoir d’une manière générale. » (Hashar)

« Venant du logiciel libre et du monde de l’informatique, j’étais idéologiquement et pratiquement prédisposé à aimer Wikipedia. Trouver Wikipédia formidable allait donc de soi pour moi (…) Je me suis investi plus car j’y ai vu rapidement la promesse de voir les principes du logiciel libre dépasser le cadre de l’informatique (…) La motivation était donc avant tout politique. » (Kelson)

« A la fois partager mes connaissances mais aussi encourager l’esprit du libre, du gratuit, par opposition à la logique financière. Je suis, bien évidemment, un grand défenseur des logiciels libres, et de la libre diffusion de la culture et de l’information. Les droits d’auteur sont une notion dépassée et surclassée par les technologie de l’information ! » (Tonnelier)

Je précise que nous ne sommes pas le seuls à souligner cette filiation, puisque même l’article Wikipédia de Wikipédia le dit 😉

Wikipédia vise à être une encyclopédie libre, ce qui signifie que chacun est libre de recopier l’encyclopédie, de la modifier et de la redistribuer. Cette notion de contenu libre découle de celle de logiciel libre, formulée avant Wikipédia par la Free Software Foundation.

Par ses objectifs et son fonctionnement, le projet Wikipédia s’inscrit dans une série de filiations culturelles dont le concept du copyleft, inventé par Don Hopkins et popularisé par Richard Stallman de la Free Software Foundation, par lequel un auteur autorise tout utilisateur à copier, modifier et distribuer son œuvre, mais aux mêmes conditions d’utilisation, y compris dans les versions modifiées ou étendues, ainsi que la pratique du travail collaboratif sur Internet, développé notamment chez les informaticiens par les adeptes du logiciel libre.

Qu’un journaliste ait bien compris ce lien fort entre Wikipédia et logiciel libre mais l’ait ignoré par manque de place ou parce qu’il le jugeait secondaire, cela m’attriste mais c’est son choix au demeurant tout à fait respectable. Mais Il y a une autre hypothèse, celle du journaliste non informé sur qui l’on ne risque pas encore de pouvoir compter.

Ni sentiment d’ingratitude, et encore moins de jalousie, juste une pointe de frustration pour ceux qui, comme moi, travaillent à faire la promotion du logiciel libre en France et en Navarre. Sur ce, pas de quoi en faire un fromage, et je m’en retourne faire la fête avec mes amis wikipédiens 😉

Avant je disais : « Wikipédia, c’est comme un logiciel libre mais pour les encyclopédies ». Désormais je vais privilégier la formule : « Un logiciel libre, c’est comme Wikipédia mais pour les logiciels ».

Notes

[1] Crédit photo : Wikimedia Italia (Creative Commons By) – « Tieni accesa Wikipedia » – Il est remarquable de constater que les trams du centre ville de Milan ont participé à la campagne de dons en offrant des tarifs préférentiels à l’association Wikimedia Italia.




L’accueil, le Sud et la défense d’Internet : des défis majeurs à venir pour Wikipédia

Enokson - CC byL’extraordinaire encyclopédie libre Wikipédia a 10 ans et c’est naturellement l’occasion de faire des bilans.

Nous avons préféré ici nous projeter dans l’avenir en compagnie de Sue Gardner, à la tête de la Wikimedia Foundation depuis 2007 (dont Jimbo Wales en personne nous dit que le recrutement fut certainement « l’une des meilleures décisions que nous ayons jamais prise au cours de cette première décennie »).

L’accueil[1] et la diversification de nouveaux éditeurs, l’ouverture au monde et tout particulièrement vers « le Sud » et son utilisation croissante des terminaux mobiles, mais aussi l’inquiétude (ô combien partagée) de l’émergence de lois potentiellement liberticides pour Internet et de ce que pourrait faire ensemble les Wikipédiens pour le défendre, sont quelques uns des thèmes abordés ici.

Rendre Wikipédia plus accueillant : un véritable défi

The battle to make Wikipedia more welcoming

Olivia Solon – 10 janvier 2011 – Wired.co.uk
(Traduction Framalang : Olivier Rosseler, Martin et Goofy)

L’un des défis majeurs pour Wikipedia est d’étendre sa base de collaborateurs. Ce ne sont pas les volontaires qui manquent, le problème vient plutôt de l’accueil pas très chaleureux qui est réservé aux novices. Sue Gardner, directrice exécutive de la fondation Wikimédia, annonce des mesures pour y remédier, dans une interview donnée à Wired.co.uk.

Le profil du contributeur de Wikipédia moyen, pour sa version anglaise est le suivant : homme (88%), jeune (pas encore tout à fait trentenaire), féru de technique, disposant d’une bonne éducation et qui habite dans l’hémisphère nord. Pour cette raison, les centres d’intérêt de l’encyclopédie tournent plus autour de l’informatique, de l’astronomie ou de la culture populaire qu’autour de l’agriculture, de l’art au moyen-âge ou de la linguistique, par exemple.

Afin de corriger ce déséquilibre, et pour élargir sa base de contributeurs et la rendre plus représentative de la population mondiale, Wikipédia est sur le point de lancer une campagne d’accompagnement des novices pour leurs 100 premières éditions. Cela implique de se pencher sur l’ergonomie du site, mais il s’agit surtout de s’assurer que les contributeurs chevronnés se montrent plus accueillants pour les nouveaux éditeurs.

Sue Gardner, directrice générale (NdT : Executive Director) de la fondation Wikimedia, se confie à Wired.co.uk : « Les Wikipédiens ne se montrent pas toujours très compréhensifs avec les nouveaux arrivants qui ne maîtrisent pas encore tout à fait l’outil et les règles. On parle beaucoup de « septembre sans fin » (NdT : endless September) – un terme inventé par Dave Fisher pour décrire le débarquement annuel d’étudiants qui se créaient leur premier adresse mail aux débuts d’Internet – et lorsque je suis entrée chez Wikimédia, l’idée de recruter de nouveaux contributeurs rencontrait énormément de résistance. »

« Les contributeurs de Wikipédia veulent que l’encyclopédie soit de très bonne qualité, et ils ne voient donc pas forcément d’un bon œil l’arrivée de personnes qui n’en connaissent pas les valeurs et les processus de publication. Il n’y avait pas une bonne perception de ce que pouvaient apporter de nouveaux éditeurs. »

Les contributeurs mystérieux

Après deux ans de discussions internes, les choses sont en train de changer. Une évolution majeure a été réalisée quand des contributeurs expérimentés ont mené une expérience en se faisant passer pour des contributeurs anonymes pour voir comment leurs modifications étaient reçues. Ils ont pu constater qu’elles avaient été annulées ou supprimées même si leurs contributions étaient d’aussi bonne qualité que celles faites en leur nom. On ne prenait même, en général, pas la peine de leur expliquer pourquoi elles étaient effacées.


Gardner ajoute : « je pense que maintenant nous comprenons le problème, mais il nous reste à évaluer notre gestion des 100 premières contributions, qui sont si cruciales. ».

Ils projettent de modifier l’interface, pour la rendre plus accueillante, avec plus de messages encourageants. Contrairement à d’autres sites où le contenu est généré par les utilisateurs, Wikipédia a toujours évité de contacter ses utilisateurs par e-mail. Mais envoyer des messages comme « Untel a apporté des modifications à l’article que vous avez rédigé » ou « Vous avez édité cet article, peut-être voudriez-vous également éditer celui-ci » renforcerait peut-être l’adhésion au site des nouveaux utilisateurs.

Mais au-delà des modifications de l’interface, la communauté tente d’inciter ses contributeurs actifs à être plus accueillants. Le but est de les encourager à adopter le même comportement avec les anciens qu’avec les novices.

« On ne peut pas vous assurer de ne pas rencontrer de méchanceté sur Wikipédia, mais il nous faut encourager les discussions constructives, » nous dit Gardner.

L’un des plus gros défis de Wikimédia est d’encourager les contributions du « Sud » (au sens économique). Fruit d’une année de discussions collaboratives, la stratégie établie est de mettre l’accent sur les pays moins développés économiquement.

Actuellement, la version anglaise de Wikipédia compte le plus grand nombre d’articles (plus de 3 500 000), viennent ensuite la version allemande, puis la version française, avec plus d’un million d’articles chacune. On dénombre quasiment 300 versions de Wikipédia dans d’autres langues, qui affichent entre un et 750 000 articles. Il y a environ 67 000 articles en Hindi, 55 000 en Urdu et 21 000 en Swahili, par exemple.

2011 verra l’ouverture du premier bureau hors des États-Unis, en Inde. Ce sera la première initiative de « plusieurs tentatives d’incursion dans des parties du monde où les contributeurs et les utilisateurs potentiels sont nombreux, mais ces possibilités sont encore bridées » d’après Gardner. L’amérique latine et les pays arabophones sont les prochains sur la liste.

Wikipédia souhaite recruter de nouveaux éditeurs, mieux faire connaître ses besoins, faciliter techniquement l’édition et accélérer le site. L’idée est d’éviter que Wikipédia ne soit une encyclopédie rédigée par des gens uniquement dans les pays riches.

Pour corriger ce déséquilibre géographique, il faudra travailler sur l’énorme barrière que représente l’interface pour mobiles. Dans les pays en voie de développement, la majorité des personnes accède au Web grâce à leur mobile. Même si Wikipédia est optimisée pour être lue sur un téléphone portable, contribuer à l’encyclopédie à partir d’un mobile reste très difficile. Il y a bien une éditrice de la version indonésienne de Wikipédia qui y parvient grâce à un clavier externe connecté à son téléphone, mais « ça à l’air extrêmement laborieux », d’après Gardner.

Elle s’interroge : « La question préalable demeure : est-il possible de créer une interface d’édition ergonomique sur téléphone portable ? »

Une autre menace se fait de plus en plus sentir : l’instabilité des lois. Actuellement, aux États-Unis, Wikipédia est protégée des poursuites si un contributeur met en ligne quelque chose de diffamatoire par le Communications Decency Act. Sans ce régime de responsabilité favorable, il serait presque impossible pour Wikipédia de maintenir son modèle d’encyclopédie rédigée par les utilisateurs.

Gardner dit : « Nous devons sans cesse nous faire entendre pour définir ce qu’Internet doit être à nos yeux. Dans les premières années, le pouvoir législatif s’est contenté d’observer son développement, mais maintenant il veut de plus en plus avoir son mot à dire. »

Elle se dit inquiète des interventions de plus en plus fréquentes des gouvernements qui censurent le Web à l’échelle nationale, comme l’Australie qui a mis en place une liste noire des sites interdits à ses concitoyens ou encore comme le Royaume-Uni, en la personne de Ed Vaizey, qui demande aux fournisseurs d’accès de se montrer plus stricts sur le pornographie pour combattre l’exposition trop précoce des enfants au sexe (NdT : Elle aurait également pu citer la France avec sa loi LOPPSI 2 !).

« Au début, on pensait qu’Internet ne connaîtrait pas de frontières. Mais on se rend de plus en plus compte que d’un pays à l’autre, la manière de l’utiliser diffère fortement. J’aimerais vraiment que les Wikipédiens aient voix au chapitre sur ce point ». Elle cite l’expérience d’eBay Main Street Initiative, le volet « local » du site d’e-commerce qui informe les vendeurs des projets législatifs qui pourraient les concerner, comme modèle à imiter. Ils encouragent ainsi les vendeurs sur eBay à faire pression sur le gouvernement lorsque leurs intérêts sont menacés. Ils les incitent à écrire des lettres, à envoyer des e-mails ou encore à appeler leurs élus lors des débats importants.

« J’aimerais que les Wikipédiens s’engagent de cette manière afin d’influencer le développement d’Internet. » ajoute-t-elle.

À quoi donc ressemblera Wikipédia dans 10 ans ? « J’aimerais qu’elle soit plus complète, qu’elle soit plus dense. La version anglaise est vraiment impressionnante, mais la variété de son contenu réflète malheureusement la catégorie sociale prédominante des éditeurs. J’aimerais au contraire que, pour toutes les langues, le contenu bénéficie des connaissances et du savoir de toute la population. »

Notes

[1] Crédit photo : Enokson (Creative Commons By)




Wikipédia fête ses 10 ans !

C’est fou ça, demain 15 janvier 2011 « le plus beau projet du XXIe siècle » fête ses dix ans d’existence ! C’est si loin et si proche en même temps…

Wikipédia ne manque jamais de reconnaître ce qu’il doit au logiciel libre. Aujourd’hui la réciproque est tout aussi vraie.

Quant à nous, nous avons modestement mis à contribution nos traducteurs de Framalang pour sous-titrer ci-dessous l’annonce de son fondateur Jimbo Wales.

Bon anniversaire et grand merci, et plutôt dix fois qu’une !

—> La vidéo au format ogv
—> Le fichier de sous-titres

Transcript du sous-titrage

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Bonjour. Je m’appelle Jimmy Wales, je suis le fondateur de Wikipédia, et aujourd’hui, nous célébrons le dixième anniversaire de Wikipédia.

Difficile d’imaginer que cela fait déjà dix ans que j’ai lancé ce projet.

Je me rappelle le premier jour : j’ai cliqué sur « Modifier » et écrit « Bonjour le monde », et c’était le début de Wikipédia et de tout ce qui a suivi.

Désormais, nous avons des millions d’articles dans des centaines de langues. Environ 400 millions de personnes visitent le site chaque mois et c’est quelque chose de tout simplement stupéfiant. Si vous songez à l’impact sur notre culture, c’est renversant… et c’est entièrement grâce à vous.

Je veux remercier tous ceux qui ont aidé. Je veux remercier ceux qui ont édité Wikipédia, contribuant à cette formidable base de connaissances. Je veux remercier tous ceux qui consultent Wikipédia, qui se soucient des idées et de la connaissance.

Nous l’avons créée pour ça. Pour que vous l’utilisiez.

J’ai une petite requête à adresser à chacun de vous. Même si nous avons des millions d’articles, même si nous existons dans des centaines de langues, il reste beaucoup de travail à accomplir. C’est pourquoi j’aimerais que ceux qui n’y ont jamais contribué essayent. Cliquez sur « Modifier ». Vous voyez des erreurs ? Corrigez-les. Rien ne nous fait plus plaisir.

Et donc… Bon anniversaire Wikipédia.

Wikipédia : 10 années de partage de la somme de nos connaissances.




Ce que pensent les internautes de ce que pense Stallman sur le Cloud Computing

Diego da Silva - CC byLorsque Richard Stallman s’exprime, il ne laisse généralement pas la Toile indifférente. Ce qui se comprend aisément puisque, Microsoft, Apple, Facebook, Google…, il critique ouvertement et radicalement ce que tout le monde ou presque utilise au quotidien.

Son récent avis sur le Cloud Computing en général et Google Chrome OS en particulier dans un article du Guardian que nous venons de traduire ne déroge pas à la règle[1].

Jusqu’à donner l’idée à Katherine Noyes de compiler quelques interventions lues dans les commentaires de l’article ainsi que sur le célèbre site Slashdot. Avec ce terrible constat qui ouvre le billet et que je retourne en question aux lecteurs du Framablog : Pensez-vous que Stallman a perdu ?

Déluge de critiques de Stallman sur le Cloud : Prudence ou Paranoïa ?

Stallman’s Cloudburst: Prudence or Paranoia?

Katherine Noyes – 20 décembre 2010 – E-Commerce Times
Traduction Framalang : Olivier Rosseler)

« Je vais pouvoir annoncer à notre bon vieux RMS qu’il a perdu », nous dit hairyfeet, blogueur chez Slashdot. « La partie est terminée, l’ours a été tué et sa peau est depuis longtemps vendue. Regardez simplement avec quel enthousiasme les gens balancent tous les détails de leur vie sur Facebook, vous comprendrez qu’ils font peu de cas de leur vie privée tant que vous flattez leur ego surdimensionné. »

Quand Richard Stallman s’exprime, la communauté du logiciel libre écoute en général, on en a eu une nouvelle démonstration dans la blogosphère Linux la semaine passée.

C’est à l’occasion de la sortie de Chrome OS, le nouveau système d’exploitation de Google, que le fondateur de la Free Software Foundation a donné son avis, et, fidèle à ses principes, on peut dire qu’il ne nous a pas déçus.

La technologie peut « entraîner les gens à utiliser l’informatique imprudemment », confie Stallman au journal The Guardian, lorsqu’elle leur demande de confier leurs données aux nuages plutôt qu’à des machines dont ils ont le contrôle. Pour Stallman, une forte dépendance au nuage est même « pire que stupide. »

Voilà une opinion forte, à n’en pas douter, mais les réactions qui s’ensuivirent dans la blogosphère n’en furent pas moins fortes.


« Il a complétement raison »

Dans les commentaires ici même sur LinuxInsider, phatpingu qualifie les idées de Stallman d’étriquées. « Je trouve ça assez incroyable qu’il imagine que ces questions n’aient pas été soulevées et débattues en interne chez Google et qu’il pense qu’aucune mesure ou règle définissant la propriété des contenus n’ait été mise en place. »

amicus_curious, lui, oppose un avis plus neutre : « C’est toujours difficile de savoir si RMS se donne en spectacle ou s’il croit vraiment en ce qu’il dit. Mais Chrome OS et le nuage de Google n’ont pas grand-chose à craindre du mépris de Stallman. »

Puis il y a aussi ceux qui partagent ses idées. Parmi la centaine de commentaires qu’a reçus l’article du Guardian, blossiekins écrit : « Il a complètement raison. L’informatique dans les nuages ne fait qu’encourager l’ignorance et la nonchalance des utilisateurs vis-à-vis de leurs données et de ce qui en est fait. »

« Google n’est pas un joli Bisounours qui veut s’occuper de vos données simplement parce qu’il est gentil, il veut s’en occuper parce que ça lui apporte des informations », poursuit blossiekins. « Et plus les choses avancent, plus les risques font froid dans le dos. »

Depuis quelques jours, les arguments pro et anti Stallman résonnent dans la blogosphère, Linux Girl décida alors d’en savoir plus. L’impression dominante dans la blogosphère ne tarda pas à se faire entendre.

L’avantage des logiciels libres

« RMS a évidemment raison », d’après le blogueur Robert Pogson en réponse à Linux Girl, par exemple. « Pour utiliser Chrome, il faut faire confiance au nuage, ce qui est le cas de la plupart d’entre nous. »

Prenez, par exemple, Facebook, suggère Pogson.

« Des centaines de millions de personnes y passent des heures, malgré les innombrables problèmes de sécurité que le site a connus cette année », fait-il remarquer. « Des millions d’utilisateurs font confiance à Google et M$ aussi, mais je pense qu’ils le regretteront tôt ou tard. Je ferais bien plus confiance à un nuage construit avec des outils libres plutôt qu’à un trou noir. »

Pogson rappelle que le nuage a de gros avantages, économiquement parlant, principalement dus aux économies d’échelle dont peuvent bénéficier les grandes entreprises comme Google.

« Les particuliers comme les PME seront tentés d’externaliser leurs emails, leurs données, leurs sauvegardes et la gestion de leurs documents dans le nuage », prédit-il. « Je m’attends à une explosion du marché du nuage en 2011, ainsi que de celui des logiciels libres. Choisir des outils libres plutôt que ceux de M$ ou des solutions « maison » dans les nuages apportera des avantages. »

« La fin de la vie privée »

En effet, « ça me fait mal de l’avouer, vraiment, mais je suis d’accord avec RMS », commence hairyfeet, blogueur chez Slashdot. « Nous offrons les détails de nos vies entières à ces méga-entreprises, et le pire, c’est qu’en retour on ne reçoit rien, même pas un bonbon ou un rabais de 20% sur notre prochain achat. »

« C’est la raison pour laquelle j’ai changé de navigateur, pas pour Chrome ou même Chromium, mais pour Comodo Dragon, dont la philosophie est NE ME PISTEZ PAS », dit hairyfeet.

Malheureusement « Je peux dire à notre bon vieux RMS qu’il a perdu », poursuit-il. « La partie est terminée, l’ours a été tué et sa peau est depuis longtemps vendue. Regardez simplement avec quel enthousiasme les gens balancent tous les détails de leur vie sur Facebook, vous comprendrez qu’ils font peu de cas de leur vie privée tant que vous flattez leur ego surdimensionné. » Ils ne se rendent sûrement même pas compte « qu’une fois identifiés sur Facebook, ils sont reconnus par quasiment TOUS LES SITES, puisqu’ils sont presques tous interconnectés maintenant. En naviguant, ils laissent donc derrière eux des traces aussi visibles qu’un A380 partout où ils vont », ajoute-t-il.

Alors, « je suis désolé mon bon vieux hippie, mais c’est la fin de la vie privée, tuée par l’ego surdimensionné des gens », conclut hairyfeet.

« Le nuage ? Un effet de mode »

« Je pense que le nuage n’est qu’un effet de mode. On perd le contrôle de nos propres données, en espérant simplement que notre fournisseur fasse bien son boulot avec les sauvegardes », témoigne Gerhard Mack, consultant à Montréal et blogueur pour Slashdot. « Et que faire lorsque je n’ai pas accès à Internet ? ».

Et c’est vraiment « ce qui me gêne le plus avec mon téléphone sous Android », dit-il. « La plupart des applications ont besoin d’une connexion pour fonctionner, mais qu’est-ce que je peux faire si je suis dans une petite ville où j’arrive à peine à capter un réseau 2G et que j’ai besoin des indications du GPS ? Et si j’ai besoin de me servir du traducteur espagnol dans un sous-sol ? »

« C’est du vécu, et ça me laisse penser que le nuage a encore des fortes lacunes », conclut-il.

« Les petites lignes vous (en) privent »

« RMS a absolument raison à propos de l’informatique dans les nuages » acquiesce Barbara Hudson, blogueuse chez Slashdot, plus connue sous le pseudo de Tom sur le site. « Il faut être très attentif lorsqu’on sacrifie notre vie privée sur l’autel de la facilité. »

Les règles de partage de l’information de Gmail, par exemple, sont faites pour « protéger Google, pas pour vous protéger vous, si quelque chose se passe mal », nous explique Hudson. « Pour dire les choses autrement : ce que les grandes lignes vous offrent, les petits lignes vous en privent. »

Mais elle fait tout de même remarquer que Google a déjà, par le passé, refusé de partager avec le gouvernement ses historiques de recherche détaillés.

« Mais bien malin celui qui saura dire ce que nous réserve l’avenir. N’oublions pas que si le magazine Time n’a pas choisi Julien Assange comme personnalité de l’année, c’est, au moins en partie, par peur d’être placé sur la liste noire du gouvernement, aux côtés du New York Times ainsi que cinq autres journaux » dit Hudson.

« Je veux une garantie »

Il faut alors bien vous demander si « vous voulez vraiment que votre hébergeur dans les nuages et ses associés puissent exploiter vos projets commerciaux, vos feuilles de calcul et votre correspondance, professionnelle et personnelle », s’interroge Hudson. « Ou encore si vous désirez devenir la cible d’une perquisition demandée par votre ex-épouse ou par un tordu avec une idée derrière la tête? »


Elle conclut en disant que « Au moins, lorsqu’il s’agit de mon propre disque dur je peux encore dire : Il me faudrait un peu plus qu’une confiance raisonnable, il me faut une garantie ».

Notes

[1] Crédit photo : Diego da Silva (Creative Commons By)




Ce que pense Stallman de Chrome OS et du Cloud Computing

Jean-Baptiste Paris - CC by-saIl y a un mois Google annonçait la sortie du Cr 48, premier prototype de netbook tournant sous Chrome OS. Avec cet OS d’un nouveau genre vos applications, vos fichiers, vos données, etc. sont déplacés sur le Web, votre ordinateur n’est plus qu’un terminal permettant d’y avoir accès. C’est en apparence fort pratique (et c’est de qualité Google) mais il y a un réel risque de sacrifier sa liberté, individuelle et collective, sur l’autel de notre confort.

Du coup le Guardian en profita pour demander son avis au gardien du temple qu’est Richard Stallman[1].

Tout comme la critique de Facebook, ce qui se cache derrière Google Chrome OS, c’est le cloud computing, c’est-à-dire, d’après Wikipédia, le « concept de déportation sur des serveurs distants des traitements informatiques traditionnellement localisés sur le poste utilisateur ».

D’autres appellent cela « l’informatique dans les nuages » mais Stallman nous invite ici à prendre garde à cette appellation trompeuse que l’on a trop vite fait de connoter positivement (et d’évoquer alors plutôt une « careless computing », c’est-à-dire une informatique negligente ou imprudente).

Son point de vue sera-t-il partagé, en paroles et en actes, au delà des initiés du réseau ? Le doute est malheureusement permis. Et tout comme Facebook, il y a de bonnes chances pour que les ordinateurs Google Chrome OS soient bien le succès annoncé.

Lire aussi la suite de ce billet : Ce que pensent les internautes de ce que pense Stallman sur le Cloud Computing.

Embrasser ChromeOS, c’est accepter de perdre le contrôle de ses données, nous avertit Richard Stallman, fondateur de GNU

Google’s ChromeOS means losing control of data, warns GNU founder Richard Stallman

Charles Arthur – 14 décembre 2010 – The Guardian (Blog Technology)
(Traduction Framalang : Olivier Rosseler)

Le nouveau système d’exploitation dans les nuages de Google, ChromeOS, va « entraîner les gens à utiliser l’informatique imprudemment » en les forçant à stocker leurs données dans les nuages plutôt que sur leur machine. Telle est la mise en garde de Richard Stallman, fondateur de la Free Software Foundation et créateur du système d’exploitation GNU.

Il y a deux ans, Stallman, un vieux de la veille dans le domaine de l’informatique, et un ardent défenseur des logiciels libres à travers sa Free Software Foundation, prévenait qu’utiliser intensivement l’informatique dans les nuages était « pire que stupide », car alors l’utilisateur perd le contrôle de ses données.

Il se dit maintenant de plus en plus inquiet à cause de la sortie de ChromeOS, le nouveau système d’exploitation de Google, basé sur GNU/Linux, pensé pour stocker le moins possible de données localement. Il s’en remet plutôt à une connexion permanente avec le nuage de serveurs de Google, éparpillé dans le monde, pour assurer le stockage des informations sur les machines de l’entreprise plutôt que sur la vôtre.

Stallman ajoute : « Aux États-Unis, vous perdez vos droits sur vos données si vous les confiez aux machines d’une entreprise plutôt qu’à la vôtre. La police doit vous présenter un mandat pour saisir vos données, mais si elles sont hébergées sur le serveur d’une entreprise, la police peut y accéder sans rien vous demander. Ils peuvent même le faire sans présenter de mandat à l’entreprise. »

Google a entrepris un lancement en douceur de ChromeOS la semaine dernière, en présentant quelques fonctionnalités du système d’exploitation et en fournissant des machines de test à certains développeurs et journalistes tout en précisant que le lancement officiel n’aurait pas lieu avant le deuxième semestre 2011.

Eric Schmidt, patron de Google, en fait l’éloge sur son blog : « Ces annonces sont à mes yeux les plus importantes de toute ma carrière, c’est l’illustration du potentiel qu’a l’informatique de changer la vie des gens. Il est fascinant de voir à quel point des systèmes complexes peuvent produire des solutions simples comme Chrome et ChromeOS, adaptées à tout public. » Puis il poursuit : « À mesure que les développeurs se familiarisent avec notre ordinateur de démonstration, le Cr-48, ils découvriront que malgré sa jeunesse, il fonctionne incroyablement bien. Vous retrouverez toutes vos habitudes, mais avec des logiciels clients qui vous permettront de pleinement profiter de la puissance du Web. »

Mais Stallman reste de glace. « Je crois que informatique dans les nuages ça plaît aux marketeux, parce que ça ne veut tout simplement rien dire. C’est plus une attitude qu’autre chose au fond : confions nos données à Pierre, Paul, Jacques, confions nos ressources informatiques à Pierre, Paul, Jacques (et laissons-les les contrôler). Le terme « informatique imprudente » conviendrait peut-être mieux. »

Il voit un problème rampant : « Je suppose que beaucoup de gens vont adopter l’informatique imprudente, des idiots naissent chaque minute après tout. Le gouvernement américain pourrait encourager les gens à stocker leurs données là où ils peuvent les saisir sans même leur présenter de mandat de perquisition, plutôt que chez eux. Mais tant que nous serons suffisamment nombreux à conserver le contrôle de nos données, personne ne nous empêchera de le faire. Et nous avons tout intérêt à le faire, de peur que ce choix ne nous soit un jour totalement retiré. »

La responsabilité des fournisseurs de services dans les nuages a bénéficié d’un gros coup de projecteur durant la dernière quinzaine lorsqu’Amazon a banni Wikileaks de son service d’informatique dans les nuages EC2, invoquant, unilatéralement et sans proposer de médiation, le non respect des conditions d’utilisation par le site.

Le seul point positif de ChromeOS pour Stallman est sa base : GNU/Linux. « Au fond, ChromeOS est un système d’exploitation GNU/Linux. Mais il est livré sans les logiciels habituels, et il est truqué pour vous décourager de les installer ». Il poursuit : « c’est le but dans lequel ChromeOS a été créé qui me dérange : vous pousser à confier vos données à un tiers et accomplir vos tâches ailleurs que sur votre propre ordinateur ».

Stallman met de plus en garde les hackers en herbe contre le logiciel LOIC, présenté comme un moyen d’exprimer sa colère contre les sites ayant pris des mesures contre Wikileaks, non pas car il est contre ces actions, mais parce que le code source de l’outil n’est pas ouvert aux utilisateurs. « Pour moi, utiliser LOIC sur le réseau c’est pareil que descendre dans la rue pour protester contre les boutiques qui pratiquent l’évasion fiscale à Londres. Il ne faut accepter aucune restriction au droit de protester » note-t-il. « (Mais) si les utilisateurs ne peuvent pas compiler eux-même le logiciel, alors ils ne devraient pas lui faire confiance. »

Mise à jour : Richard Stallman nous écrit : « Un article de la BBC rapportait que quelqu’un de chez Sophos disait que LOIC est un « logiciel inconnu », et j’ai cru qu’il entendait par là « propriétaire », mais je me suis trompé. En fait, LOIC est un logiciel libre, et donc les utilisateurs ont accès au code source et peuvent le modifier. Ses rouages ne sont pas obscurs comme ceux de Windows, de MacOS ou d’Adobe Flash Player, et personne ne peut y cacher de fonctionnalités malicieuses, comme c’est le cas pour ces programmes. »

Lire aussi la suite de ce billet : Ce que pensent les internautes de ce que pense Stallman sur le Cloud Computing

Notes

[1] Crédit photo : Jean-Baptiste Paris (Creative Commons By-Sa)




2011 : année Mozilla Firefox ou année Google Chrome ?

Laihiu - CC byEn mai dernier, nous publiions un billet au titre ravageur : Google Chrome m’a tuer ou le probable déclin de Firefox si nous n’y faisons rien.

De nouveaux chiffres sont arrivés depuis dans le monde des navigateurs. Et si l’on peut légitimement faire la fête et se réjouir de voir Firefox dépasser aujourd’hui Internet Explorer en Europe, on constate comme prévu qu’un nouvel invité est arrivé et qu’il est particulièrement glouton.

Entre les deux, le coeur de Glyn Moody ne balance pas et il sait, tout comme nous, où placer sa confiance. Encore faudrait-il que, techniquement parlant, Firefox ne se laisse pas trop distancer et c’est aussi pourquoi la sortie de la version 4 est tant attendue[1].

2011 : L’année de Firefox ou de Chrome ?

2011: The Year of Firefox – or of Chrome?

Glyn Moody – 4 janvier 2011 – ComputerWorld
(Traduction Framalang : Penguin et Barbidule)

Tout le monde sait qu’il y a les mensonges, les mensonges énormes et les statistiques concernant le Web. Mais ces dernières peuvent néanmoins vous donner une vague idée de la situation. C’est le cas des récents chiffres sur les parts de marché des navigateurs en Europe.

L’événement principal est immédiatement manifeste : comme le graphique le montre, la part de marché de Firefox a dépassé celle d’Internet Explorer, avec 38,11% contre 37,52% (même si les deux dernières décimales ne m’inspirent qu’une confiance limitée voire nulle).

Maintenant, il est vrai qu’il s’agit uniquement de l’Europe, qui a toujours été pionnière dans ce domaine, mais il faut tout de même savourer l’instant. Après tout, lorsque Mozilla puis Firefox furent lancés, peu leur donnaient des chances de réussir à renverser le géant Microsoft. Il n’y avait tout simplement pas de précédent pour un courageux nouvel arrivant, et encore moins un arrivant open source, de partir de zéro et d’arriver à supplanter une entreprise qui semblait inarrêtable sur ses marchés clés. Il est vrai qu’au niveau du serveur, Apache est devant Internet Information Server de Microsoft, mais Apache était arrivé en premier, et était donc celui à battre : la situation du côté du client était très différente.

Évidemment, ce n’est pas la seule chose que nous dit ce graphique. Firefox a en fait légèrement régressé l’année dernière, c’est surtout qu’Internet Explorer a reculé encore plus. Et cette baisse a presque entièrement bénéficié à Google Chrome, dont la part de marché est passée de 5,06% à 14,58% pendant cette période.

C’est vraiment étonnant à tout point de vue, et cela confirme l’ascension de Chrome au Panthéon des navigateurs. La question est évidemment de savoir si cette ascension vertigineuse va se poursuivre, et ce qui va arriver aux autres navigateurs.

Naturellement, cela dépendra beaucoup des fonctionnalités qu’auront les nouvelles versions de Firefox, et dans une moindre mesure, d’Internet Explorer, mais je ne vois pas de raisons qui empêcheraient Chrome de s’élever au-dessus des 20% à court terme. Cela veut dire bien entendu que les parts de marché de Firefox et d’Internet Explorer vont continuer à baisser. Mais comme je le notais il y a quelque temps, ce n’est pas vraiment un gros problème pour Firefox, alors que ça l’est pour Microsoft.

La raison est assez simple : Firefox n´a jamais eu pour objectif la domination du monde, il combattait pour créer un Web ouvert, où aucun navigateur n’occuperait une position dominante d’où il pourrait ignorer les standards ouverts et imposer à la place des standards de facto. C’est plus ou moins la situation actuelle, désormais, Internet Explorer devenant de plus en plus conforme aux standards, et, de façon étonnante, l’affichant avec fierté.

Avec l’ascension continue de Chrome jusqu’au point où les trois navigateurs auront plus ou moins la même part de marché, nous aurons une situation parfaite pour une compétition amicale à trois, ce qui est même mieux qu’une simple rivalité à deux. Je suis presque sûr que le Web va devenir de plus en plus ouvert grâce à cela (c’est dommage qu’il reste menacé par d’autres actions : ACTA, censure, etc.).

Mais cela ne veut pas dire que Firefox et Chrome ont les mêmes buts, et qu’il ne faut pas s’inquiéter des parts de marché de Firefox. Il est important de se rappeler pourquoi Google a créé Chrome, et pourquoi il a libéré le code. C’est simplement parce qu’il sait que libérer le code, et permettre à d’autres de construire par dessus, est le moyen le plus rapide de donner une place à un produit dans un marché concurrentiel. En faisant cela, il est vrai que Google promeut les standards ouverts et l’open source, mais seulement jusqu’à un certain point.

La différence principale est que Google voit l’open source comme un moyen de générer davantage de revenus, alors que Firefox voit les revenus générés par la barre de recherche comme un moyen de favoriser son travail de protection et d’amélioration d’un Web ouvert. Entre les deux, je sais où je préfère placer ma confiance pour l’avenir.

Notes

[1] Crédit photo : Laihiu (Creative Commons By)