Comment réparer les médias sociaux (et faire encore mieux)

Le récent scandale Cambridge Analytica semble avoir brièvement remis au goût du jour la question du siphonnage de données par les médias sociaux. Il est bon de se rappeler que la collecte de données n’est pas une simple pratique de Facebook, mais bien leur modèle économique : que cette entreprise – parmi les plus cotées en bourse au monde – n’existe qu’en se nourrissant de nos Likes, photos et autres interactions sociales.

Vol de données privées, manipulation de masse, matraquage publicitaire, exploitation de nos faiblesses psychologiques, … il y a beaucoup à dire sur les pratiques néfastes des médias sociaux centralisés. Mais aujourd’hui tournons-nous vers une solution et découvrons ensemble un moyen de lutter contre ces derniers avec des alternatives plus éthiques. Non, mieux : une fédération d’alternatives plus éthiques.

Nos ancêtres les Gaulois ?

L’an dernier, nous annoncions vouloir tourner la page de Dégooglisons Internet, avec laquelle se tourne aussi la métaphore des camps gaulois libres qui luttent contre l’invasion romaine propriétaire.

Ce que nous avons omis de préciser, c’est que n’en déplaise à Goscinny, l’histoire ne s’est pas réellement passée comme nous avons l’habitude de la lire dans ses albums. Ce que nous appelons les gaulois est en réalité un terme un peu générique inventé par les romains pour désigner les nombreux petits peuples qui vivaient en Gaule.

carte ancienne représentant les gaules à l'époque gallo-romaine : Gaules belge et celtique, province romaine et aquitaine.

Même s’il pouvait y avoir quelques alliances entre plusieurs peuples, en aucun cas tous ces villages gaulois étaient unis pour former un seul grand peuple gaulois. Ces derniers étaient bien indépendants : ils se faisaient beaucoup la guerre entre eux et parlaient leurs propres patois locaux.

Maintenant imaginez que vous êtes un peuple gaulois vivant à cette époque : vous voyez débarquer la grande armée romaine, qui envahit un à un d’autres villages gaulois. Bon, vous n’avez pas spécialement beaucoup d’affinités, mais on peut quand même vous trouver une petite larme à l’œil, ne serait-ce que parce que les Romains ne respectent pas vos principes.

Comment faire, donc, pour que ces braves Gaulois continuent paisiblement leurs bagarres de poissonniers et leurs concours de moustache ? Peut-être essayer d’améliorer l’entente entre ces différents peuples. Hmm, mais ce n’est pas si évident, les peuples gaulois parlent chacun leur propre patois, la barrière de la langue pose rapidement un gros frein à tout arrangement.

Les libristes, ces grands relous

Vous l’aurez compris, les logiciels libres sont comparables à un ensemble de villages gaulois : bien sûr, beaucoup souhaitent lutter contre l’invasion de Google, Apple et autres GAFAM, mais ils veulent toutefois garder une certaine indépendance : il n’y a qu’à regarder le nombre de distributions Linux pour se rendre compte de la diversité qu’apporte la possibilité de modifier à loisir un système.

Extrait de l'arbre des distributions Linux : il y a plein d'alternatives.

 

On pourrait penser que c’est bien dommage, que tous ces libristes feraient mieux d’unir leurs forces pour lutter ensemble contre leurs ennemis communs au lieu de se diviser ainsi. Mais ce serait mettre fin à ce qui motive justement cette soif de créer des projets libres : la possibilité de pouvoir les modifier et les partager librement.

Au contraire, on se contente d’être fiers de voir autant de diversité dans les logiciels libres, comme on peut aujourd’hui être amusé à l’idée de savoir que nous sommes les descendants d’une grande diversité de peuples de la Gaule et non pas d’un seul grand peuple gaulois.

L’effet de réseau

En somme, le meilleur moyen de lutter contre la centralisation d’Internet dans d’immenses silos à données que sont les GAFAM, serait de faire des silos plus petits. On a en tête le projet Chatons : ce collectif d’hébergeurs indépendants, qui proposent des services – les mêmes qu’on trouve chez Framasoft, pour la plupart – alternatifs à ceux fournis gracieusement par Google et consorts (dans ce dernier cas, c’est en échange de quelques informations personnelles et d’un peu de temps de cerveau disponible, hein, rien de méchant).

Pour certains logiciels comme Framadate ou Framapad, qui remplacent rapidement leurs équivalents propriétaires, c’est plutôt facile : on peut même choisir encore d’autres alternatives selon nos préférences. C’est surtout de nouvelles habitudes à prendre, mais rien de vraiment bloquant.

En revanche, pour les logiciels qui permettent aux gens de communiquer ensemble, notamment les médias sociaux (qu’on appelle à tort les réseaux sociaux – parce que oui, le réseau, c’est vos amis 😉 ), c’est plus compliqué.

Par exemple il est bien difficile de remplacer Facebook par son équivalent libre, car la plupart des gens sont sur Facebook : il faudra donc les convaincre de franchir le pas, ce qu’ils hésiteront à faire car… il n’y a pas assez de monde, et qu’il faudrait aussi convaincre les amis de vos amis et ainsi de suite. Ah, et avant que vous ne posiez la question : oui, c’est compliqué de dire à 2 milliards d’utilisateurs : « allez à trois on s’en va tous pour aller sur telle autre plateforme, vous êtes prêts ? ».

Ce problème s’appelle l’effet de réseau. C’est le principal problème des alternatives libres aux sites impliquant des interactions sociales et il n’est pas spécifique aux médias sociaux : par exemple le projet Covoiturage Libre, malgré ses valeurs éthiques, peine à se développer face au monopôle de son équivalent propriétaire.

Dans le monde du libre, l’effet de réseau est empiré par le fait qu’il y a souvent plusieurs alternatives et que, comme nous l’avons vu, les logiciels libres sont des villages gaulois : un peu divisés, ils aiment leur indépendance et leurs spécificités.

Cela ne facilite pas la tâche à un éventuel romain qui voudrait tout plaquer pour élever des chèvres en Gaule : quel village choisir ?

Et si on parlait la même langue, ça n’irait pas mieux ?

la Tour de Babel, tableau de Brueghel l'Ancien

 

La communication est la clé d’une bonne entente entre peuples : une solution pour assurer la pérennité de nos villages gaulois serait de les aider à mieux communiquer entre eux. Autrement dit, de se mettre d’accord sur une langue qui serait comprise par tous les peuples gaulois, une sorte d’Espéranto visant à améliorer la communication. Ce qui bien sur, ne les empêche pas de parler leur patois quand ils sont entre eux.

Le fait de définir un langage commun permet donc aux petits villages d’échanger ensemble tout en gardant leur indépendance. Ils deviennent une sorte de fédération de peuples indépendants : ils ont chacun leurs us et coutumes, mais se comprennent bien, ce qui par exemple peut faire avancer le commerce et créer une sorte de synergie gauloise qui les rend d’une certaine manière plus unis pour repousser l’invasion romaine.

Bon, on ne va pas vous mentir, l’idée d’une langue fédératrice pour les médias sociaux ne date pas d’hier. Il y en avait déjà plusieurs depuis de nombreuses années, on peut donc relativiser sur le fait qu’une nouvelle venue arrive pour tout arranger.

Strip de Comics XKCD - image 1 situation initiale avec 14 standards en concurrence - image 2 coversation : un personnage dit à l'autre qu'il faut développer un standard universel qui remplacera tous les autres - Image 3 : résultat final, 15 standards en concurrence

 

Un langage pour les fédérer tous …

Le nouvel Espéranto des logiciels libres se nomme ActivityPub : c’est une nouvelle langue pour mettre d’accord les médias sociaux alternatifs.

La très bonne nouvelle c’est qu’il y a quelques mois, ActivityPub a été validé par le W3C. Le W3C, c’est l’équivalent de l’Académie Française pour le web : à l’instar de celle-ci, dont le but est d’uniformiser la langue de Molière en établissant certaines normes, le W3C valide quels sont les mots que les langages d’Internet devraient utiliser.

Rien ne nous oblige bien sûr à respecter cette convention si l’on préfère notre patois local, mais le fait de valider un langage permet aux villages – notamment les nouveaux venus – de moins se poser de questions sur le choix de la langue à utiliser pour se comprendre.

Par exemple, le logiciel Mastodon est une alternative à Twitter basée sur ActivityPub. Comme nous aimons décentraliser Internet, il y a plusieurs villages Mastodon un peu partout, qui communiquent entre eux. L’utilisateur du village Framapiaf peut échanger avec son cousin vivant dans le village Mamot, sans que ce dernier ne s’aperçoive qu’il est en train de parler à un lointain voisin.

Logo d'ActivityPub

… et dans les internets les lier.

Là où cela devient intéressant, c’est que Mastodon est un logiciel libre et donc que chaque village Mastodon peut l’adapter à ses besoins :

– chaque village a son propre jeu d’emojis personnalisés ;
– le village Framapiaf a donné un coup de peinture sur l’interface ;
– d’autres villages ont fait leur petite cuisine interne en repoussant par exemple la limite des 500 caractères par message, car ils la trouvaient trop contraignante.

Aucun problème : quelles que soient ces personnalisations, tout le monde continuera de communiquer à travers les villages, car ils parlent toujours la même langue, ActivityPub.

Le fait d’utiliser un média social basé sur le principe de fédération vous rend libre. Si le village Mastodon sur lequel vous vous trouvez change un jour ses conditions d’utilisation, vous être libre de déménager dans un autre village qui vous correspond mieux.

Mieux : si un jour le logiciel Mastodon ne respecte plus du tout les utilisateurs, il y a fort à parier que des défenseurs du libre reprendront le logiciel et en feront une autre version (cela s’appelle un fork) et que petit à petit, les villages migrent vers cette nouvelle version plus respectueuse, sans que les utilisateurs soient fortement impactés. Cela nous permet de revenir aux valeurs essentielles du libre : c’est l’utilisateur qui a contrôle sur le logiciel, et non l’inverse.

D’ailleurs, quelqu’un pourrait se dire un jour que l’interface de Mastodon est trop compliquée et décide d’en faire une totalement différente, plus proche de celle de Twitter. Ce n’est pas grave. Il n’y a pas tout à refaire, toute une base d’utilisateurs à reprendre. C’est juste des villages un peu différents qui apparaissent et avec qui on continuera de communiquer. Cela peut même faciliter l’adoption d’ActivityPub par le grand public : si une personne n’aime pas Mastodon, on peut lui présenter un tout autre logiciel qui lui convient mieux et permettra de communiquer avec les mêmes personnes.

Là où cela devient très, très intéressant, c’est qu’en fait les villages peuvent être complètement différents et avoir leurs propres spécialités. Revenons à nos Gaulois : on peut supposer que les villages proches des côtes vivent de la pêche et fassent du commerce de poisson entre eux, tandis que ceux vivant dans les montagnes soient davantage occupés par l’élevage de chèvres et le commerce de fromages.

Notre Espéranto permet à notre village de pêcheurs de Bordeaux de se fédérer à un village savoyard pour récupérer du Beaufort en échange de poissons, pour le transmettre à d’autres pêcheurs Bretons, tandis qu’ils profitent du vin venant d’un autre village voisin.

De la même manière, Mastodon peut communiquer avec d’autres logiciels fédérés mais complètement différents : par exemple FramaTube, l’alternative à Youtube. Il vous est alors possible d’être notifié des nouvelles vidéos qui sortiront sur cette plateforme et même de répondre aux commentaires d’une vidéo depuis Mastodon et inversement. Idem si vous mettez une vidéo en favori sur Mastodon, cela apparaîtra sur PeerTube (vous pouvez retrouver cet exemple sur cette démonstration).

La genèse d’une diversité numérique

ActivityPub va probablement faire beaucoup de bien à Internet. De nombreuses alternatives fédérées vont sortir prochainement. En tendant un peu l’oreille, on peut déjà entendre parler de blogs fédérés ou d’alternatives à Instagram ou Deezer, basées sur ActivityPub.

Cela va amener un peu de diversité dans notre paysage numérique : diversité qui ne peut pas, par essence, se retrouver dans les services centralisés, car ces derniers parlent leurs propres langues. Vous ne pourrez jamais lire et partager des Tweets depuis Facebook, ou bien répondre à un commentaire Youtube depuis Instagram. Avec la fédération, cela devient possible et cela donne à ActivityPub un avantage compétitif face aux médias sociaux propriétaires.

Ce qui est bien, c’est que cela ne concerne pas seulement les personnes soucieuses de l’usage qui est fait de leurs données personnelles : les moldus du libre pourront trouver en ActivityPub un outil avant tout pratique. Les technophiles apprécieront la possibilité d’interconnecter toutes leurs plateformes numériques entre elles. Ceux qui trouvent que leurs médias sociaux sont monotones aimeront amener un peu de diversité à leurs fils d’actualité. Les blogueurs trouveraient intéressant le fait de permettre à leurs lecteurs de recevoir et commenter un article très facilement via leurs média social favoris.

Alternatives aux médias sociaux basées sur ActivityPub. Respectivment : Funkwhale (musique fédérée), PeerTube (vidéos), Mastodon (micro-blogging) et PixelFed (images).

C’est également le cas du côté des développeurs d’application, qui trouveront en ActivityPub un moyen d’atteindre très rapidement un grand nombre d’utilisateurs. En effet la fédération est un formidable terrain d’expérimentation : si quelqu’un a une bonne idée, il peut la développer en la connectant à la fédération.

Supposons par exemple que vous vous lanciez dans le développement d’un site de partage de recettes de cuisine fédéré. Vous en parlez à vos amis, dont certains sont déjà sur Mastodon. Comme tous aiment bien l’idée, ils s’abonnent à votre site depuis Mastodon pour être notifiés de vos meilleures recettes. Lorsqu’ils recevront votre dernier clafoutis aux fraises, ils pourront le partager directement à tous leurs abonnés, lesquels seront intrigués par ce nouveau village récemment apparu dans la fédération, et pourront s’abonner à leur tour. 😉

En utilisant ActivityPub, nous participons à cette prise de conscience globale dans laquelle nous découvrons tous le point faible de ces silos à données : étant centralisés, ils sont vulnérables face à la fédération. Si nous arrivons à promouvoir suffisamment ces alternatives au grand public, nous pouvons amener ces plateformes centralisées à se confronter à un combat qui leur est perdu d’avance.

En utilisant ActivityPub, vous faites un pied-de-nez à tous ces soi-disant réseaux sociaux proclamant vouloir réunir les gens… mais dans un système cloisonné. Vous les laissez au profit d’alternatives qui ont pu voir le jour parce qu’elles ont réussi, elles, à se réunir, à se fédérer les unes aux autres.

Pour résumer

1. ActivityPub est un Espéranto qui permet aux médias sociaux alternatifs de se comprendre entre eux (se fédérer) ;
2. cela permet à deux utilisateurs de se suivre l’un et l’autre, même s’ils habitent dans des villages différents (qu’on appelle instances) ;
3. ça fonctionne bien même s’ils sont totalement différents : le village de pêcheurs peut échanger avec le village de fromagers (comme si depuis Facebook on pouvait liker un tweet) ;
4. tous ces échanges entre villages s’appellent la fédération et de nouveaux logiciels peuvent la rejoindre n’importe quand (et ça va être très cool).

Envie d’essayer maintenant ?

Vous voulez être les pionniers de cette nouvelle ère numérique qu’est la fédération ? Libre à vous de choisir votre village. Pour commencer, nous vous conseillons ceux sous la bannière Mastodon (qui a fêté son 1er anniversaire il y a quelques mois), car le logiciel est bien abouti.

Vous trouverez sur le site Join Mastodon d’autres explications sur son fonctionnement, ainsi que la liste des villages disponibles (et nous laissons bien sûr la porte de notre propre village ouverte aux nouveaux venus). 😉

En graphisme BD, la mascotte de Mastodon : un éléphanteau assis sur son derrière, trompe vers le ciel.

Crédits images :




Montpel’libre, l’asso libre tous azimuts

Jour après jour et depuis longtemps, des associations qui promeuvent les logiciels et la culture libre sont au contact de la population et forment un réseau irremplaçable : celui des GUL (Groupes d’Utilisateurs Linux) ou GULL (Groupes d’utilisateurs de Logiciels Libres).

Leurs activités traditionnelles : install’parties, conférences, stands… ont été complétées par une grande variété d’actions adaptées au contexte local et aux évolutions de nos pratiques numériques.

Nous avons choisi de mettre en valeur l’association Montpel’libre parce que (comme d’autres bien sûr) elle offre un exemple intéressant de diversification et de dynamisme (on y trouve même un groupe Framasoft…), et leurs membres ont été assez sympas pour répondre aux 512 questions que nous avions préparées. Voici une sélection de leurs réponses à plusieurs voix…

 

— Bonjour les Montpel’libristes, est-ce que vous pouvez nous dire un peu à quoi ressemble votre association ?

— Bonjour Frama. En préambule, nous avons remarqué que vous avez utilisé un Framapad pour cette interview, ce que nous comprenons parfaitement. Néanmoins, vous auriez pu utiliser un BIMpad sur nos CHATONS.

BIM pour Bienvenue sur l’Internet Montpelliérain, administré et hébergé localement. Voici la page (en construction) où sont tous les services que nous proposons. Après Dégooglisons, nous sommes aussi passés à Contributopia. 😉

Et pour faire connaissance avec notre association, l’essentiel est sur ce petit flyer

flyer qui résume les activités de l'association Montpel'libre

— Avec ce nom d’association on devine que vous rayonnez sur la métropole occitane, mais on voit aussi des événements vers Nîmes ou Béziers, comment vous vous organisez ?

— Effectivement, notre volonté est de faire la promotion des Logiciels Libres, de la Culture Libre et des Biens Communs à l’origine sur Montpellier, mais très vite nous avons pris une dimension régionale. Aujourd’hui nous intervenons sur l’Occitanie, en partie sur PACA, et avons quelques actions sur l’Afrique et le Québec. Nous souhaitons développer ces actions sur ces territoires en y organisant des Jerry-Party, les RMLL, EPN, coworking, ICC et ESS

Nous sommes créatifs, réactifs, simples et souples. Des personnes viennent vers nous avec des demandes sur les logiciels libres, la culture libre et les biens communs et nous trouvons rapidement et simplement comment faire pour les satisfaire.
Comme nous nous inscrivons dans la durée, nous créons des réseaux que nous mettons en synergie et nous trouvons sur place ou non, les personnes qui peuvent nous aider à mener nos projets : des néophytes qu’on fait monter en compétence comme des personnes chevronnées qui prennent le lead sur les actions à mener. Ce qui les fait adhérer à Montpel’libre et y rester, c’est le fait qu’on écoute leur désir profond et qu’on les accompagne pour créer leur projet, en leur apportant la force du groupe, de ses différentes communautés, personnalités, compétences.

— Quand on lit la liste de des activités de Montpel’libre on est pris d’un léger vertige : mais comment font-ils ?
On imagine vu le nombre d’événements, que vous êtes nombreux et nombreuses, et que de nouvelles personnes viennent dans l’asso, comment se passe l’accueil des nouvelles personnes, vous avez une stratégie ou bien ça se fait tout seul ?

—  Plutôt que de constater une étanchéité des communautés, comme c’est souvent le cas, nous avons choisi de favoriser au sein de Montpel’libre une collaboration active de plusieurs communautés : April, Blender, Emmabuntüs, Framasoft, OpenStreetMap, Site Web/Internet, Wikipédia…, cela nous permet ipso facto d’organiser plus rapidement des événements tel que les Opérations Libres, qui font intervenir les communautés Wikipédia, OpenStreetMap, Framasoft, Blender… ces communautés étant actives dans l’asso, l’organisation s’en trouve plus aisée, efficiente et du coup largement moins problématique.

— Nous n’avons pas forcément de plan triennal, cela ne nous empêche pas de nous projeter dans l’avenir. Nous établissons déjà les activités pour 2019, même si celles-ci ne sont pas encore publiées, AprilCamp, PyConFr, Escale à l’UM, Libre de Droit, RMLL à Montpellier, en 2020 RMLL à Rabat… Bien sûr certaines propositions ne sont qu’à l’état d’ébauche, blockchain, smart city, iot, icc, ess… Du libre pour tous, tout de suite et partout !

Nous ne sommes pas conscients de tout ce qui nous a permis de réussir, mais nous savons ce qui est important pour nous. En premier lieu, nous sommes respectueux des différences et de la diversité. Bien des personnes nous rejoignent parce qu’elles savent qu’avec et dans Montpel’libre, elles vont pouvoir mettre en place leurs idées de façon simple et efficace, quoiqu’elles sachent faire, et s’accomplir dans une ambiance conviviale. Elles aiment aussi la créativité que démontre le groupe.

— En même temps, pour développer et mener à bien des projets, nous avons dans le Bureau toutes les compétences complémentaires nécessaires : nous sommes tous utilisateurs de logiciels libres et membre de plusieurs communautés. En fait, quand on éprouve un besoin, la réponse arrive à point nommé : cela repose sur un long travail de fond, chacun dans nos domaines, un partage dans l’esprit du Libre et une écoute profonde

— Les adhérents sont très divers et participent tous à notre succès : on retrouve beaucoup d’électrons libres et de hauts profils dans différentes matières qui font le numérique libre au sens large, mais aussi des enfants, des institutions, des entreprises, des associations, d’autres Gull, des personnes âgées, des personnes en situation de handicap, des stagiaires, des étudiants, et des personnes venues de plusieurs continents…

Montpel’libre présente les logiciels libres à la communauté Emmaüs de Montpellier (décembre 2015)

 

— C’est cette alchimie qui rend l’association étonnante, spécifique, vivante, organique….

— Je crois que ceux qui participent à nos actions (bénévoles, partenaires, fournisseurs) apprécient aussi notre façon de les mettre en valeur : pour nous c’est ensemble que nous faisons les choses et s’il manque une personne, alors l’action ne peut être aussi belle. Nous remercions toujours chacun⋅e en expliquant quelle part il ou elle a pris dans le succès de l’action.

— En conclusion, on pourrait dire : « Il n’est de richesses que de personnes », et nous agissons avec le temps…

— Votre organisation, c’est plutôt cathédrale ou bazar ?

— La contribution collaborative, la prise de décision, l’émergence d’idée, l’esprit critique, le participatif, sont encouragés dans Montpel’libre. Une cathédrale ? Pas forcement. Un bazar structuré, plutôt !

— En fait, ce n’est ni la cathédrale, ni le bazar, c’est autre chose. Plutôt un Ki : l’énergie vitale et primordiale, celle qui est à l’origine de l’action, se transforme et la transforme en permanence.
Nous exprimons. à la fois la diversité de la vie, sa force et sa capacité à se renouveler:)

— C’est quoi les valeurs que vous promouvez, finalement ?

— Montpel’libre considère les Logiciels Libres, la Culture Libre et les Biens Communs (vous remarquerez que nous avons mis des majuscules à chaque mot 🙂 comme l’ADN de l’asso. Notre sacerdoce repose essentiellement sur la liberté 0, que nous qualifions d’accessibilité. Évidemment l’accessibilité au code pour les logiciels, mais aussi l’accessibilité aux ressources, à la culture, au numérique pour les personnes à mobilité réduite, les déficients visuels, mais pas seulement, issus de la diversité, de culture, d’âge ou de genres différents…

 

Nous rendons accessibles et humains le Logiciel libre, la Culture Libre et les Biens Communs. Entre nous, on en plaisante et on se dit « dealers de bonheur, dis-leur le bonheur ! ». Nous aimons le partage et nous apprécions particulièrement de voir les personnes qui ont participé à l’une de nos actions avec des yeux pleins de lumière et de grands sourires. Nous pratiquons beaucoup l’écoute, le partage et la proximité… mais nous aimons aussi la convivialité : les apéros, les bons repas et danser !

Les bénévoles de Montpel’libre pensent aussi aux plus jeunes (ici atelier jeu vidéo) – Photo Montpel’libre – merci @Natouille

— Votre slogan « Les logiciels logiquement libres » c’est chouette, mais ça laisse supposer que vous ne vous occupez que de la promotion du logiciel libre, alors que vos actions sont bien plus larges...

—  L’asso est née en 2008, il y a bientôt 10 ans, vous imaginez bien que nos actions ont évolué, se sont diversifiées, démocratisées et répandues sur un territoire plus élargi. Aujourd’hui, nous nous trouvons à la jonction des secteurs d’activités du numérique, des industries créatives, de l’économie sociale et solidaire, du développement durable, de la recherche et formation ainsi que de l’éducation populaire.

Montpel’libre c’est un jeu de mot qui durera toujours . Montpel’ n’est pas lié : il est libre. Et nous sommes nés à Montpellier, ça, c’est un fait qui ne changera jamais. En revanche aujourd’hui le slogan devrait effectivement changer pour intégrer la Culture libre et les Biens Communs. Il devrait devenir : « Logiquement libres », tout simplement.

— Est-ce que les RMLL à Montpellier ont contribué à booster l’association ou bien était-elle déjà très active et donc a été candidate et choisie pour cela ?

— Bien sûr que les RMLL ont contribué à booster Montpel’libre, en douter serait nier l’évidence, même si nous avions déjà organisé plusieurs fois des salons (confs/stands…) à l’Université de Montpellier. Thierry Stœhr, Christophe Sauthier et d’autres, l’Université de Montpellier, l’Université d’Évry, l’Université Mohammedia de Rabat, 2iE à Ougadougou y ont participé. Nous avons un peu levé le pied là-dessus, car les gens nous demandaient à cette époque des ateliers, des permanences, des confs, bref de la proximité. Nous réfléchissons à relancer ces salons sur la région.
Avant d’organiser les RMLL, nous avions soigneusement travaillé nos réseaux, organisé ou participé à des événements avec les communautés, organisé certains événements comme l’assemblée générale de l’Aful, l’AprilCamp, une étape du tour de France des Logiciels Libres, les assises du Libre… afin de bien connaître et se faire connaître des communautés, des collectivités, des financeurs…

— Les RMLL ont permis d’attirer à Montpel’libre des professions autres que techniques et donc complémentaires et de fédérer les énergies et les bonnes volontés.
En plus, tous ceux qui ont réalisé un événement international le savent, l’organisation en est lourde et des tensions naissent. Le conflit a ceci de bon, quand il est positif, de permettre de s’asseoir à une table, de dire qu’il y a une difficulté et de trouver comment la régler. Montpel’libre a su passer au-dessus des difficultés. Cet événement a été intégrateur de compétences et fédérateur d’énergies et de bonnes volontés.

— C’est quoi le « gros coup » d’après ? Vous avez bien encore un méga-projet dans les cartons ?

— Chut ! Bien sûr, mais comme c’est un projet sensible, nous en discuterons plus tard, si vous le voulez bien.
Hum, mais qui a parlé d’un seul projet ?

— Vous avez une longue liste de partenaires de toutes sortes, est-ce que certains contribuent au financement de l’association ? Et au fait, comment vit financièrement votre association ? Seulement avec les cotisations des membres ?

— Jusqu’à présent, nous ne nous étions pas posé la question, nous avons agi sur fonds propres, c’est à dire des fonds sortis de nos poches ! Aujourd’hui, ce n’est plus possible vu le nombre et la diversité des activités. Il faut donc faire rentrer de l’argent dans les caisses (voyages, hébergement, pérennisation des activités…)
Le premier argent économisé est celui qui n’a pas été dépensé. Nous bénéficions de beaucoup de mécénats en nature (salles gratuites, personnels de service et gardiennage gratuit et dans certains cas cocktail).
Les cotisations de nos membres sont symboliques parce que volontairement nous voulons être accessibles : tout le monde doit pouvoir bénéficier des services de l’association et participer à l’organisation de l’une de ses activités.
Nous réfléchissons à trouver un, voire des modèle(s) économique(s).

— Bon c’est tout de même un peu agaçant, vous cochez toutes les cases de l’asso dynamique et sympathique en plein développement. Vous n’auriez pas un petit truc qui cloche pour tempérer un peu, je ne sais pas moi, un problème, une inquiétude, un truc dont vous regrettez qu’il ne marche pas ?

— Nous avons les mêmes difficultés que tout le monde pour mettre en place des actions et pour les pérenniser. Nous vivons les mêmes joies et questionnements que tout le monde. Nous croyons profondément en notre liberté et nous respectons celle des autres. Si quelqu’un ne veut pas agir avec nous, c’est sa liberté, nous la respectons et nous continuons notre chemin.
Un point qui est à améliorer : nous ne sommes pas assez présents dans des salons sur le logiciel libre (pas assez de stands, conférences, ateliers…).

— Quelle est le projet qui a le mieux réussi à faire venir à vous des Clapassièrs (les habitants de Montpellier) ?

— Ici, dans le Clapàs des Paysannasses notre réputation s’est faite à partir des cartoparties participatives sur l’accessibilité des personnes à mobilité réduite. Nous avons effectivement travaillé trois ans à l’enrichissement d’OpenStreetMap et de l’OpenData de Montpellier avec la ville, les citoyens et les communautés.
Après les cartoparties qui ont fait connaître Montpel’libre, notre association a permis à ceux qui y adhéraient de faire autre chose et autrement, d’où la diversité de ses actions.

 

 

Le groupe OSM : réunion de travail mais aussi cartopartie sur le terrain…

 

 

 

—  Qu’est-ce que vous souhaitez dire aux habitants qui ne vous connaissent pas encore ? Et plus largement, à tous les libristes et tous les GULL ?

— Osez oser ! Construisez à partir de qui vous êtes, c’est-à-dire des compétences que vous avez, et qui font de vous un individu ou une association différente et unique. Le reste viendra tout seul et vous saurez vous réinventer.

— On vous laisse le mot de la fin mais ce n’est qu’un début, continuez le combat !
Bien sûr :

Montpel’libre n’est pas une entreprise,

mais une asso qui entreprend.

 

Liens utiles




CoopCycle, le projet coopératif qui roule social

Depuis un an, l’actualité a régulièrement mis en lumière les premiers effets déstructurants pour le travail salarié de l’ubérisation de la société : hier les taxis, aujourd’hui les livreurs à vélo…

Et demain sans doute d’autres pans de l’économie réelle vont être confrontés au tech-libéralisme, nouvel avatar du capitalisme prédateur (pardon du pléonasme).
Confrontés de plein fouet à cette problématique, les membres de l’association CoopCycle ont élaboré une réponse originale et peut-être prometteuse : une structure coopérative et un outil crucial en cours de développement, une plateforme numérique.
Les militants de cette opération sont engagés dans une lutte pour un autre rapport à leur propre travail : il s’agit de « rééquilibrer les forces » dans un contexte où jusqu’alors, une poignée d’entreprises imposaient leurs conditions léonines.
Ils inscrivent également leur combat dans une continuité entre les coopératives éthiques-équitables et les biens communs où ils veulent verser leur code.
Bien sûr les libristes seront surpris et probablement critiques sur la licence particulière choisie pour des raisons qui laissent perplexe. Mais c’est l’occasion aussi pour nos lecteurs de suggérer avec bienveillance et bien sûr de contribuer au code, pour qu’aboutisse et se développe cette courageuse et fort intéressante démarche.
Aider cette association à affiner les outils numériques qui rendent plus libres et modifient les rapports sociaux, c’est tout à fait dans la logique de Contributopia.
Comme l’écrivait récemment un certain Bram dans une suite de messages rageurs sur son compte Mastodon :
La techno ça sert à rien si ça change pas la vie des gens.

Voici les prénoms des CoopCycle qui nous ont répondu : Alexandre, Aurélien, Aloïs, Antoine, Basile, Jérôme, Kevin, Laury-Anne, Liova, Lison, Paul, Pauline, Vincent.

Logo de CoopCycle

D’habitude on demande à nos interviewés de se présenter mais je vois bien que vous avez depuis quelques mois une sacrée visibilité médiatique et c’est tant mieux…

Coopcycle – L’explosion médiatique est détaillée sur notre blog Médiapart en toute transparence. Effectivement, ça a explosé au mois d’août en parallèle des rassemblements de livreurs suite au changement de tarification de Deliveroo. Non seulement les journaux ont beaucoup parlé de ces « cyber-grèves » (des travailleurs numériques qui appellent à la déconnexion, ou qui vont empêcher l’utilisation d’un iPad dans un restaurant, c’est original), mais en plus tous étaient unanimes pour condamner le modèle des plateformes.

Tout le monde a entendu parler de votre initiative et s’y intéresse, pourquoi à votre avis ? 

Photo par Shopblocks (CC-BY 2.0)

– L’intérêt pour notre initiative vient à notre avis de l’attente qui existait face à un manque d’alternatives permettant de lutter contre une ubérisation de la société parfois perçue comme une fatalité. Le modèle qui se généralise, c’est l’individu auto-entrepreneur dans la « gig economy », l’économie des petits boulots. Face à des plateformes dotées de très gros moyens, tout le monde est un peu les bras ballants, les pouvoirs publics en tête, qui ont même tendance à encourager, « sécuriser » le modèle des plateformes : en penchant pour une jurisprudence qui empêche la requalification des contrats précaires en contrats salariés, en encourageant la délégation de service public, ou en réduisant les normes sur les activités classiques pour leur permettre de faire face à la concurrence à moindre coût des plateformes…

Photo par Môsieur J. (CC BY-SA 2.0)

En somme, les pouvoirs publics semblent accompagner l’ubérisation (comme le développe le Conseil d’État au sein de ce document), et accepter le dumping et la casse sociale que ces modèles impliquent, tandis que les livreurs, les restaurateurs et les clients se débrouillent avec une évolution qui semble être un fait accompli.
De plus en plus de monde prend conscience que c’est l’ensemble des régimes de protection sociale qui sont menacés, et personne ne savait comment faire pour répondre à ces problématiques.
Notre initiative cristallise donc beaucoup d’espoirs car c’est une proposition positive, mais qui soulève des problématiques structurelles et interroge la possibilité d’une économie des Communs. En tout cas, ce n’est pas une énième réaction de critique passive à une logique que l’on ne serait pas en position de ralentir ou contrecarrer aujourd’hui. Nous pensons qu’une alternative est possible, et nous allons plus loin en concrétisant nos idées. Dans le débat tel qu’il existe aujourd’hui, c’est déjà une perspective séduisante.

À cause de Nuit Debout ? C’est là que tout a commencé ? À cause des conflits sociaux autour de Deliveroo et autres starteupes qui font tourner les jambes des livreurs pour des rémunérations de misère ?

– Ce n’est pas « à cause de Nuit Debout », c’est plutôt « grâce à Nuit Debout » !
Selon nous, c’est plus la possibilité d’une alternative qui intéresse les gens. Le fait que le projet « vienne de » Nuit Debout, la plupart des gens ne le savent pas.
Mais effectivement ce projet n’existerait pas sans Nuit Debout. C’est un des rares événements politiques qui a eu lieu ces dernières années en France, et même si tout ça paraît déjà lointain, il a suscité une vague d’espoir.

Photo issue du site Alternative Libertaire

Ce qui nous a réunis sur la place de la République, c’est la lutte contre la loi El Khomri et la précarisation de nos conditions de travail. À partir de là, on se retrouve à participer aux manifestations, on rencontre le Collectif des Livreurs Autonomes de Paris alors que l’idée n’était encore qu’une idée… C’est ce qui a permis l’émergence de groupes de personnes engagées, militantes ou non, qui cherchent des solutions, mènent des campagnes, montent des projets ensemble. Et un de ces projets, c’est CoopCycle.

 

 

Elle est destinée à qui cette plateforme en cours de réalisation ? Aux livreurs à vélo, aux restaurateurs, aux consommateurs qui se font livrer ?

– La plateforme est destinée avant tout aux livreurs et aux commerçants, c’est un outil d’émancipation. Les collectivités territoriales ont également une place dans ce genre dispositif car cela leur permet de reprendre le contrôle sur l’espace public ainsi que sur les modes de vivre ensemble.

Mais au final, la plateforme en version « communs » est là pour servir à tout le monde, et pour outiller tout le monde. Quant aux clients finaux, nous sommes persuadés que beaucoup de consommateurs seraient prêts à payer un peu plus cher pour que les livreurs aient de bonnes conditions de travail.

Regardez l’engouement pour les Biocoop, regardez aussi la réussite d’Enercoop, qui fournit de l’énergie durable. À leurs débuts, ces derniers étaient 50 % plus chers que l’opérateur historique et pourtant, ils ont réussi à séduire des clients conscients, qui veulent consommer autrement.

Pour la livraison de repas à domicile, qu’on soit client ou restaurateur, on peut très bien vouloir consommer et commercer de façon éthique et équitable, mais si les seuls outils disponibles sont ceux des capitalistes, on se retrouve à consommer et travailler au profit du capitalisme, qu’on le veuille ou non.
CoopCycle est donc une initiative de reprise en main de la logique des plateformes afin de permettre un rééquilibrage du rapport de force en faveur des livreurs et des restaurateurs dans le secteur de la livraison.

C’est quoi cette licence bizarre que vous avez exhumée des tréfonds du web ? pourquoi celle-là plutôt que d’autres parmi les nombreuses licences libres ?
— La licence qui encadre l’application que nous développons restreint l’utilisation à des groupes de livreurs qui se lancent en coopérative ou respectent des critères de réciprocité. Le fait que dans ce cadre son utilisation serait gratuite fait que la marge qu’ils peuvent proposer aux restaurateurs peut être largement moindre que celle des plateformes capitalistes. Si les livreurs ne veulent pas adhérer à la SCIC nationale sur laquelle nous travaillons ils pourront également y avoir accès.

Néanmoins, cette licence n’est pas parfaite ! Premièrement car nous ne savons pas concrètement comment elle est reconnue et s’inscrit à l’échelle de la France ou plus largement à l’échelle européenne. Plus largement, le respect et la défense des licences est difficile à réellement mettre en œuvre dans le cadre de l’économie numérique. Comment pourrions-nous réellement prouver qu’une entité lucrative privée, fermée par nature, utilise des bouts d’un code développé par le travail Commun ? La problématique est la même dans le cadre d’une utilisation propriétaire du code source. Car une fois la captation identifiée, comment pourrions-nous financer les frais judiciaires qu’un procès impliquerait et qui resteraient à notre charge ?

Enfin ce type de licence ne permet pas l’élaboration d’une cotisation qui permettrait de rémunérer le travail à l’origine de ce Commun. Dès lors, aucun retour de la valeur économique produite ne pourrait être assuré aux contributeurs d’un commun dans la mesure ou ce dernier n’a ni périmètre juridique clairement établi, ni force d’opposition face à un grand groupe. Le cadre légal doit être repensé et c’est toutes ces questions que nous souhaitons traiter au cours des conférences suivantes du cycle que nous avons lancé le 20 septembre.

Et au fait pourquoi open source et pas « libre » ?

Le code n’est pas libre car s’il l’était, n’importe qui pourrait se le réapproprier et l’utiliser pour faire du profit. Aujourd’hui dans le libre, c’est souvent la loi du plus fort qui l’emporte, avec toutes les conséquences que l’on connaît. Il faut donc une licence qui permet de protéger l’utilisation de ce code pour la réserver aux coopératives qui ne veulent pas exploiter les gens. Nous savons qu’il faut travailler sur cette histoire de licence et nous sommes en contact avec des avocats spécialisés sur le sujet. D’ailleurs, si vous en connaissez, on les accueille avec plaisir !

Dans ce monde, on est malheureusement toujours ramené au célèbre « there is no alternative » prononcé par Margaret Thatcher. Il faut être « pragmatique», à savoir accepter les règles du jeu capitaliste, pour que rien ne change.

Aujourd’hui, on voit des gens qui «travaillent » sur des alternatives à Uber, par exemple. Pour certains, le premier réflexe, c’est de vérifier que leur modèle peut avoir des retombées commerciales, qu’ils peuvent financer leur développement avant même d’avoir produit une seule ligne de code…
Ça n’est certainement pas notre approche. You don’t need to know how to do it, you just need to start comme dirait l’autre sur un article Medium.
À l’heure où les plateformes représentent une source non négligeable d’emplois (précaires), l’open source offre une vraie possibilité d’implémenter enfin la copropriété d’usage de l’outil de travail.
Mais il faut des règles pour garantir que l’essentiel de la valeur créée aille aux travailleurs, afin de poursuivre sur le chemin de l’émancipation. Sinon, ce seront forcément ceux qui auront les capitaux qui pourront enclencher les effets de réseau, tout ça en utilisant du « travail gratuit ».
Il est temps d’en finir avec le solutionnisme technologique, il faut ajouter une dimension sociale, sans quoi on retombe dans l’aliénation.

Votre projet n’est donc pas simplement de développer une plateforme informatique, aussi open source soit-elle, c’est aussi un tout autre modèle social, celui de la coopérative. C’est possible de nous expliquer ça simplement ?

Nous n’avons pas envie de créer une startup de l’économie sociale et solidaire. Ce qui nous intéresse, c’est justement le projet politique. Il existe aujourd’hui tout un archipel de sites et d’initiatives qui espèrent « changer le monde » et pourtant, rien de bouge vraiment au niveau macro-économique. Les structures qui permettent l’exploitation des travailleurs sont toujours bien en place. Nous aimerions « secouer le cocotier », et faire du lobbying citoyen pour essayer de modifier ces structures. Certes, nous n’avons pas encore une loi anti-ubérisation dans nos cartons, mais réunir des gens de différents milieux permet de faire réfléchir, de rassembler et à terme d’influencer le jeu politique.

Sur le choix de la coopérative, il s’est assez simplement imposé à nous. Nous sommes en passe d’avoir ce bel outil numérique mais sommes conscients que face aux géants de la foodtech et malgré la surmédiatisation ponctuelle, il ne suffira pas de dire « voici le moyen de vous réapproprier votre outil de travail, à vous de jouer ».

La question qui se pose à nous est celle de l’articulation entre une ressource que l’on gère comme un commun et un circuit économique composé de coopératives qui permettent une rémunération et des conditions de travail correctes pour ceux qui y travaillent. La forme coopérative nous semble la plus adaptée puisqu’elle permet des règles économiques et démocratiques plus équitables (statut salarié, intégration de l’ensemble des acquis sociaux y afférant, mutualisation des moyens comme des risques, une personne une voix, etc.).

Mais nous ne sommes pas dupes évidemment, le développement de ces modèles « sociaux et solidaires » est un mouvement positif, témoignant d’une certaine prise de conscience nécessaire mais non suffisante. La création de structures privées socialisées dans un marché libéral combat le capitalisme sur ses terres mais n’emporte pas de sortie réelle de ce système. Pire encore, on peut également considérer que ce développement parallèle organise le désengagement de l’état in fine, puisque la mutualisation se réorganise à plus petite échelle.

C’est pour cela que nous tenons à agir sur les 3 plans :

  • développer un outil open source et libre d’accès sous condition, pour créer l’outil de travail ;
  • construire une structure coopérative nationale et des structures locales pour organiser les moyens du travail ;
  • questionner les problématiques macro-économiques et structurelles qui se posent aux différentes étapes de notre construction à travers des cycles de conférences thématiques.

Si l’initiative de Coopcycle faisait tache d’huile ? Ici, solidarité avec les livreurs espagnols.

Bon alors où en est-il ce code open source de plateforme ?  Vous êtes combien là-derrière ? Vous auriez peut-être besoin d’un coup de main, de patches, de bêta-testeurs, de pintes de bières, enfin tous les trucs qu’on s’échange dans le petit monde du logiciel libre. C’est le moment de lancer un appel à contributions hein…

Notre code est sur GitHub : https://github.com/coopcycle

Pour l’instant il y a 3 personnes qui ont contribué. Notre but est de construire une communauté autour du code, pour assurer la pérennité du projet notamment. On a posé les premiers jalons avec des règles de contribution et une installation en local facile (crash testée !). Nous avons reçu plusieurs propositions spontanées d’aide, mais cherchons encore à voir comment intégrer chacun suivant son temps disponible et ses langages de prédilection. De même nous devons établir une roadmap claire pour le projet. Tout cela explique que nous n’ayons pas encore fait d’appel à contribution.
En tout cas tous les repos ont des issues ouvertes, et n’attendent que vous !
Le feedback sur la démo (UI/UX ou bugs) est plus que bienvenu. Vous pouvez contacter l’équipe dev à dev@coopcycle.org.

Toutefois il ne faut pas résumer notre approche au groupe de développeurs, nous sommes une bonne quinzaine à travailler sur ce projet ; journalisme, portage politique, propagande, représentation, construction du modèle économique, lien avec les livreurs et les restaurateurs. Tous ces travaux sont complémentaires et nous essayons justement de ne pas tomber dans le solutionnisme de l’outil en assumant toutes ces tâches collectivement.

On vous laisse le mot de la fin, comme de coutume sur le Framablog !

Merci pour tous vos outils, c’est un plaisir de pouvoir bâtir son projet avec des logiciels libres ! En attente de Framameet pour nos apéros devs 🙂




Docs.Framasoft.org : un site pour apprendre à utiliser tous nos services !

Mine de rien, entre les services Dégooglisons Internet et les projets Framasoft, nous maintenons près d’une cinquantaine de sites/projets ouverts au public.

C’est bien joli, mais si on n’accompagne pas ces sites des savoir-faire et outils pour mieux vous aider à vous en emparer… c’est triste, non ?

Un peu de cathédrale dans notre joli bazar…

Depuis près de trois ans que nous Dégooglisons Internet, nous n’aurions rien pu faire sans votre aide. Nous savons que proposer des outils c’est bien, et que cela ne suffit pas. Il faut aussi les présenter, donner des tutoriels, des outils pour les comprendre et les prendre en main.

Bien entendu, ces logiciels sont déjà souvent soutenus par leurs propres communautés, qui proposent leur propre documentation dont chacun·e peut bénéficier. Il nous fallait, néanmoins, un endroit où rassembler tout cela.

Et depuis trois ans, nombre d’entre nous (contributeurs et contributrices, bénévoles et salarié·e·s…) ont apporté leur petite pierre à l’édifice. Il fallait nous voir, à chaque nouvelle contribution, nous émerveiller :

« Chouette ! Arpinux a fait une vidéo de prise en main de Framapic, pour mieux héberger ses images ! »

« Ah ! je me suis bien marré devant la présentation de Framapack que Pyves vient de nous proposer. J’espère que de plus en plus de windowsiens l’utiliseront pour télécharger des logiciels libres… »

« Attend, en plus de coder des fonctionnalités à Nexcloud pour ouvrir Framagenda, Tcit il s’est fadé d’écrire une jolie documentation pour synchroniser ses rendez-vous et ses contacts… GG ! »

« Sérieusement, le groupe Framalang s’est encore surpassé en traduisant la doc de Mattermost… Ça va bien aider à ce que les gens s’emparent de Framateam pour abandonner leurs groupes Facebook. »

« Oh, tu as vu la vidéo de SVTux pour découvrir Framapad ? En deux minutes, on voit que le libre peut faire aussi bien que GoogleDocs. »

« Pouhiou a encore trippé sur sa présentation de Framanotes. J’espère que Turtl aura autant de succès qu’Evernotes… »

« Franchement, les tutos de Cartocité pour utiliser Umap et Framacartes sont excellents… Si ça pouvait libérer les gens de Google Maps… »

(L’est-y pas belle, la vidéo Framalistes de Nicolas Geiger pour le site Colecti.cc ?)

 

Au départ, nous avons essayé de mettre les liens vers ces outils de documentation dans chaque page d’accueil de chacun de nos projets, afin que vous ayez tout sous la main dès que vous commencez à vous y intéresser… Mais souvent, une fois que vous êtes dans le service, vous n’allez plus voir la page d’accueil. On le sait, parce que nous, on fait pareil.

Alors nous avons lancé le défi à JosephK de mettre un peu de cathédrale dans ce merveilleux bazar, et de rassembler nos documentations en un seul et même endroit. N’écoutant que les clapotis de son clavier, ce dernier a décidé de collecter, d’organiser et de présenter tout cela sous la forme d’un gitbook, afin d’avoir un outil que l’on puisse modifier, amender et mettre à jour de façon collaborative (et pas trop ardue).

Demandez la doc !

Le principe est simple : vous cherchez comment utiliser un de nos services ? Pourquoi choisir tel Frama-bidule ? À quoi sert tel Framachin ? rendez-vous sur docs.framasoft.org.

Vous y serez accueillies par un choix de langue (parce qu’un jour, peut-être, on pourrait avoir des versions en anglais, breton ou espéranto).

C’est sommaire, mais éloquent.

Puis sur la page d’accueil, vous verrez une barre latérale qui vous permet de vous guider dans l’ensemble de notre documentation (elle s’adapte selon la rubrique dans laquelle vous vous trouvez). C’est dans la colonne principale, à droite, que se trouvent l’accès aux informations. Tout en haut, vous y trouverez des guides pratiques.

Les deux premiers guides disponibles à ce jour.

Ce sont des guides à destination du grand public, regorgeant d’informations aussi pratiques qu’indispensables. Pour l’instant, nous y avons inclus :

(si vous voulez nous proposer le vôtre, rendez-vous dans la prochaine partie de cet article)

Ensuite, toujours sur cette page, vous y trouverez une liste des services Framasoft.

Tous les services n’y sont pas (encore) présents… alors proposez vos contributions !

Ce sont l’ensemble des services Dégooglisons Internet sur lesquels nous avons une documentation en Français et (plus ou moins ^^) à jour à proposer.

Il vous suffit de cliquer sur le service qui vous intéresse pour découvrir les outils que nous avons pu récolter à son sujet.

Bien entendu, si vous ne trouvez pas votre service préféré et/ou que vous souhaitez proposer un élément de documentation, nous sommes preneurs (voir plus bas).

Enfin, toujours sur cette page, vous y verrez une rubrique « Culture et Logiciels Libres »

Les premiers Frama-Projets à bénéficier de leur documentation !

Ici, vous aurez des savoirs et savoir-faire sur les projets Framasoft qui ne sont pas des services Dégooglisons, qui tendent à promouvoir le logiciel libre et sa culture.

Libre à vous de cliquer et de consulter ce que bon vous semble, et de faire passer les liens à vos ami·e·s, collaborateurs et collaboratrices !

Une documentation qui n’attend que vous

Bien entendu, l’ensemble de ces documents sont libres. Par défaut, la licence utilisée pour les productions Framasoft est la CC-BY-SA, mais prenez soin de vérifier pour chaque outil de documentation, car leurs auteurs et autrices peuvent tout à fait les avoir placé sous une autre licence libre ^^ !

C’est néanmoins une des grandes forces du Libre : n’importe qui peut y participer.

Vous cherchez à soutenir le (logiciel) libre sans forcément savoir coder ? Présentez votre service ou projet favori avec une petite vidéo, une présentation animée, un texte avec captures d’images… Nous vous l’assurons, cela aidera énormément de monde à passer le pas et à adopter du libre dans ses habitudes numériques.

Pour participer, deux cas de figure :

  • Vous connaissez le git, les push et pull request ne vous font pas peur ? : rendez-vous sur la forge de notre gitbook pour proposer vos commits afin que l’on merge tout cela ensemble.
  • Vous n’avez rien compris à la phrase ci dessus ? (ne vous inquiétez pas, celui qui l’a écrite est comme vous !) Rendez-vous sur notre forum des bénévoles, partie tutoriels, pour proposer vos tutos, vidéos, et autres trucs en -os !

Enfin, une manière toute simple de participer, c’est simplement d’aller lire ces petits bouts de savoirs qui aident à mieux se dégoogliser… et de les partager avec son entourage !




Donnons des preuves d’amour au Logiciel Libre ! #ilovefs

Hier, c’était le « I love Free Software Day » (ou #ilovefs pour les intimes). Une occasion de (re-)donner du sens à la Saint-Valentin en déclarant votre amour à tou·te·s les contributeurs, développeuses, traducteurs, intégratrices, designers, autrices… bref, à toutes les personnes qui donnent de leur temps, leur énergie et leur savoir-faire pour faire vivre le Libre.

À nous de vous dire qu’on vous aime !

Souvent on aime, et on râle (sur telle fonctionnalité manquante, telle traduction malencontreuse, tel menu pas intuitif…). Pour cet article, on ne va pas râler, mais envoyer toute la reconnaissance, les encouragements et l’amour que nous portons à ces personnes qui changent nos vies (numériques, mais pas que) une touche de clavier après l’autre.

C’est bien connu : chez Framasoft, on ne développe (quasiment) pas de logiciels. On contribue, bien entendu, de plus en plus et en faisant de notre mieux… Mais il faut bien comprendre que tous les services que nous hébergeons et montrons n’existeraient pas sans les formidables communautés qui les développent, entretiennent et améliorent.

Alors nous saisissons cette occasion (avec un jour de retard -_-‘), car nous avons envie que vous vous joignez à nous pour envoyer vos messages bienveillants, vos contributions et vos dons (pour qui le peut et le veut) envers ces formidables initiatives.

Merci à la FSFe pour cette initiative, cliquez sur l’image pour aller voir leur site ;)

Tout notre amour et nos remerciements à…

NOTES :

  • Cette liste est, et sera toujours, non-exhaustive ^^
  • Nous avons fait de notre mieux pour trouver les liens de donations, parfois il n’y en a pas (tout dépend de chaque initiative), mais si vous en trouvez merci d’amender dans les commentaires, nous corrigerons.
  • De même si vous représentez les initiatives ci dessous et que vous préférez mettre en valeur d’autres liens : dites-le nous dans les com’ 😉
  • Beaucoup de liens mènent vers des sites en anglais, certains vous mèneront vers les comptes twitter des initiatives.

La communauté Etherpad pour Framapad

La communauté Ethercalc pour Framacalc

La communauté Wisemapping pour Framindmap

Les « Logiciels du chapeau » (Lutim, Lufi, Lstu) pour Framapic, Framadrop et Frama.link

Bon, Luc, il est un peu-beaucoup de chez nous, mais il a initialement développé ces projets sur son temps libre, et non en tant qu’administrateur système de Framasoft ;).

La communauté Shaarli (et SebSauvage) pour MyFrama

L’entreprise Nextcloud pour Framadrive et Framagenda

L’entreprise Gitlab pour Framagit

La fondation Diaspora* pour Framasphère*

Le projet Drupal-Webform pour Framaforms

Renater et la communauté Sympa pour Framalistes

La communauté OpenStreetMap & Umap (Yohan) pour Framacarte

La communauté TinyTinyRSS pour Framanews

La communauté Searx pour Framabee/Tonton Roger

La communauté Minetest pour Framinetest

Ali Asaria créateur de Scrumblr pour Framémo

La communauté Privatebin et SebSauvage (again), pour Framabin

La communauté wallabag et Nicosomb pour Framabag

Pour rappel, on a récemment parlé avec Nicolas, membre de Framasoft et créateur de wallabag, dans cet article 😉

La communauté Loomio pour Framavox

L’enterprise Jitsi et la communauté Jitsi Meet pour Framatalk

L’entreprise Mattermost pour Framateam

Frédéric Guillot et la communauté Kanboard pour Framaboard

La communauté SVG-Edit pour Framavectoriel

 

Nous tenons aussi à saluer et à couvrir d’amour Olivier et Antonin qui maintiennent, au sein de Framasoft, le développement de Framadate, ainsi que toutes les personnes dont le travail, la passion, et la ténacité font qu’on peut tous les jours continuer à mettre en valeur une belle trentaine de services et ainsi un peu plus Dégoogliser Internet.

Et on écarte les pattounes ! Allez, encore, encoooore…

 




Framaestro : menez vos réunions et collaborations à la baguette !

Vous souhaiteriez afficher et partager, dans un seul et même onglet, une page d’écriture collaborative, un site web, une visio-conférence et un tableur…?

Pas de problème : avec Framaestro, c’est vous qui orchestrez un bureau collaboratif !

Plusieurs outils dans une seule page web

C’est, en quelque sorte, le défi que nous avons lancé à JosephK. Comment orchestrer, sur une seule page web, de multiples services Framasoft afin d’avoir tous les outils nécessaires à sa réunion, aux discussions, à la collaboration sur des documents, etc. ? Imaginez que sur une seule et même page web, à l’intérieur de cadres, vous puissiez afficher :

  • un Framapad (pour écrire collaborativement) qui peut durer un jour, une semaine, un, deux ou six mois, ou même un an ;
  • un Framacalc, afin d’avoir un tableur sous la main ;
  • un Framémo, pour organiser ses petites notes dans des colonnes ;
  • un Framavectoriel, pour dessiner ce que vous voulez ;
  • une visio-conférence via Framatalk ;
  • un petit tchat pour discuter en IRC ;
  • et surtout la (ou les) page(s) web de votre choix (pour travailler sur un site web, par exemple)…

Lorsqu’une image vaut mieux que nombre d’explications…

Avec Framaestro, c’est à vous d’orchestrer un bureau collaboratif comme vous l’entendez ! Il vous suffit de créer votre projet (comme pour un pad : vous choisissez simplement son nom), d’ajouter les cadres que vous voulez y voir (par exemple un pad, une visio-conf, et des pages web), de les arranger comme bon vous semble, puis de partager l’URL (l’adresse web) de votre Framaestro avec vos collaborateurs et collaboratrices.

Dès lors, vous pouvez utiliser ensemble et en même temps, tous les outils choisis.

Une création originale pour des usages multiples

Cela fait quelques semaines, maintenant, que Pierre-Yves a lancé l’idée d’un tel (méta-)outil. C’est JosephK qui a saisi la balle au bond, afin de nous coder cela aux petits oignons. En se basant sur de multiples briques existantes (le principe des iframes, JSPanel, Bootstrap, TogetherJS, de l’IRC pour le tchat…), il a créé un service, qui utilise d’autres services, et dont les possibilités d’applications sont nombreuses !

Bien entendu, il s’agit là d’une toute première version, avec ses limites et ses lacunes. L’internationalisation n’est pas encore intégrée (donc, pour l’instant, la seule langue disponible est le Français), il y a des efforts à fournir pour rendre ce service accessible aux personnes en situation de handicap (l’accessibilité nous tient à cœur), et il existe des restrictions sur les sites web que l’on peut afficher (liées à la sécurité de ces sites, tout est expliqué lorsque vous utilisez cette fonctionnalité). Pour nous aider à améliorer ce code, vous pouvez y contribuer sur notre forge logicielle, ou bien encore suggérer des améliorations par ici.

Néanmoins, Framaestro vous permet d’ores et déjà de nombreuses choses :

En réunion, sur l’écran de votre vidéo-projecteur, vous voulez afficher de multiples outils avec lesquels tous les participants peuvent collaborer sans en modifier l’agencement ni en rajouter ? Pas de souci, Framaestro le fait.

À distance, vous souhaitez créer un espace de collaboration libre, où chacun-e peut voir les curseurs et clics des autres, tout en ajoutant les cadres qu’iels veulent ? No problemo, Framaestro le fait aussi.

Vous en avez marre des Frama-services, mais voulez simplement afficher plusieurs pages web bien agencées sur une seule et même page ? OK : Framaestro fait ça tranquillou.

Vous voulez juste reprendre le principe, l’installer sur votre serveur pour y mettre vos propres outils ? Avec le tuto d’installation disponible sur le Framacloud, ça le fera.

En fait, il y a une chose que Framaestro ne fait pas…

…c’est le café.
Framaestro ne fait pas le café.
(Désolé.)

Les Framaoliques anonymes se réunissent sur Framaestro.

Afin de vous présenter un exemple concret, nous avons décidé d’imaginer la réunion d’un groupe de parole de personnes atteintes d’une addiction, d’une maladie terrible : celle des gens qui mettent « Frama- » partout dans leurs phrases. Pour préserver leur anonymat, nous avions décidé de les appeler « Hioupou », « Yves-Pierre », et « LàPeuple ». Merci de votre compréhension.

Hioupou est chargé de préparer la prochaine réunion des Framaoliques Anonymes. Comme chaque semaine, ce petit groupe se réunit en ligne pour se soutenir, libérer la parole, et arriver à vivre une vie sereine, comme tout le monde, une vie où on ne dit pas « Tu peux me passer la Framagrafeuse ? »

Cette semaine, au lieu d’utiliser un (scrogneugneu-)Pad pour écrire ensemble le contenu de la réunion, et un (non-je-le-dirai-pas-)Talk pour la visio-conférence, il décide d’utiliser Framaestro (snif, je l’ai dit) où tout peut se trouver au même endroit.

Il se rend donc sur le site, et choisi le nom de son projet « 20160112ReunionFA ».

il a tenté « 2016 01 12 Réunion FA » avant de lire que les espaces et les lettres accentuées ne sont pas admises…

Il tombe sur une page blanche, avec une barre d’outils en haut. Certainement la page qui sera partagée avec ses collègues. Il clique donc sur le bouton « Ajouter » en haut à droite et décide de commencer par ajouter un Pad à durée hebdomadaire.

Le menu « Ajouter » est assez explicite, et ne contient que peu de « Frama- » ;)

En quelques clics, il décide d’afficher aussi sur ce bureau partagé la page « Addiction » de Wikipédia, une visio-conférence (avec le bouton ), ainsi qu’un salon de tchat par IRC (bouton ) pour les anonymes qui ne veulent pas utiliser la visio conf. Cela ne lui demande pas trop d’efforts…

#gallery-1 { margin: auto; } #gallery-1 .gallery-item { float: left; margin-top: 10px; text-align: center; width: 33%; } #gallery-1 img { border: 2px solid #cfcfcf; } #gallery-1 .gallery-caption { margin-left: 0; } /* see gallery_shortcode() in wp-includes/media.php */

Après avoir un peu joué à déplacer les cadres et à les redimensionner (seul le cadre Framatalk lui a donné du fil à retordre, et en même temps c’est un cadre vidéo ^^), il arrive à un joli résultat !

Et voilà le résultat !

Il ne lui reste plus qu’à partager son travail avec les autres membres des Framaoliques Anonymes ! Il repère assez vite le bouton de partage , et voit qu’il a deux possibilités : un partage simple avec le permalien (il suffit de copier/coller le lien du dessus dans un email à Yves-Pierre et LàPeuple), ou un partage activant certaines options collaboratives. Aventureux, Hioupou choisit de partager selon les options cochées, et demande à Framaestro de lui raccourcir le lien : ce sera plus pratique à faire passer !

Le menu de partage se personnalise en quelques clics.

Une joyeuse réunion en ligne plus tard, grâce à Framaestro, les Framaoliques Anonymes décident de franchir une nouvelle étape dans leur guérison, en arrêtant collectivement de dire qu’ils trempent leurs Frama-chips dans du Fraguacamole. Voilà une réunion rondement menée !

Bien entendu, ce n’est là qu’une des utilisations possibles de Framaestro… à vous d’inventer la vôtre !

Autre utilisation possible : n’afficher que des sites web !

Pour aller plus loin :




Dégooglisons Internet : on publie les chiffres !

Quelques semaines après le lancement de la 3e année de Dégooglisons (et des six nouveaux services qui l’ont accompagné), nous avons fait une photographie des statistiques d’utilisations (anonymisées, rassurez-vous ^^), afin de vous livrer un petit bilan de ce projet…

Des grands classiques qui marchent bien

On ne le cache pas, Framadate, notre alternative à Doodle, est le site le plus visité par chez nous. Avec 591 000 sondages créés depuis son lancement et plus de 1 100 sondages créés par jour, on peut dire que vous aimez planifier des choses en toute liberté !

Framapad (pour écrire collaborativement vos documents) n’est pas en reste. Mais, depuis que les pads que nous hébergeons s’effacent au bout d’un certain temps d’utilisation, il est difficile de donner des chiffres significatifs. Ah si, tiens : MyPads (qui vous permet de créer un compte pour avoir des pads permanents et d’en modérer l’accès), héberge à ce jour plus de 41 500 pads… Autant vous dire qu’on a un serveur en béton (et un admin-sys super-saiyan) !

Luc, gardant son calme face aux nombre de pads sur le serveur MyPads (allégorie) Photo CC-BY-SA Hikaru Kazushime
Luc, gardant son calme face aux nombre de pads sur le serveur MyPads (allégorie)
Photo CC-BY-SA Hikaru Kazushime

À leurs côtés, Framacalc (les feuilles de calcul collaboratives) et Framindmap (pour travailler à plusieurs sur des cartes heuristiques) feraient presque figure d’outsiders. Sauf qu’ils sont respectivement les 4e et 3e services les plus visités de notre réseau, avec plus de 105 000 comptes et 133 000 cartes heuristiques créées par vos soins sur Framindmap !

Des outils pratiques et pratiqués

Ça a été dur de choisir parmi tous les services existants. Donc on a choisi de vous en dire le plus possible. Prêt⋅e⋅s pour une liste à la Prévert (en moins poétique car plus chiffrée…) ?
Ok, c’est parti !

  • Visiblement, vous aimez dessiner sur la géographie, vu qu’il y a eu 403 comptes et plus de 5 800 cartes créées sur Framacarte.
  • Avec 5 084 comptes et 1,1 To de données synchronisées, Framadrive (notre alternative à Dropbox) affiche complet… Mais nous ne désespérons pas de trouver une solution (peut-être même qu’une est en cours de route…). Et, pour plus d’espace disque, vous pouvez toujours prendre un compte chez IndieHosters qui nous aide à maintenir ce service, ou chez un autre des CHATONS
  • Par contre, notre lecteur de flux RSS Framanews ne fera pas mieux : 500 utilisateurs et utilisatrices y synchronisent et consultent déjà plus de 10 800 flux RSS.
  • Avec 11 420 comptes créés, Framabag (l’alternative à Pocket) vous permet de conserver vos articles préférés dans la poche. Pensez à soutenir les créateurs du logiciel Wallabag en prenant directement un compte à prix modique chez eux. Vous pourrez ainsi bénéficier d’une nouvelle version majeure avec plus de fonctionnalités !

    Prenons une pause au milieu de tous ces chiffres pour admirer la carte de vos créations sur notre serveur Framinetest, une alternative à Minecraft
    Prenons une pause au milieu de tous ces chiffres pour admirer la carte de vos créations sur notre serveur Framinetest, une alternative à Minecraft
  • Framadrop est un cas particulier : cette alternative à WeTransfer (le chiffrement en plus) efface automatiquement les fichiers après que vous les aurez partagés. On ne peut donc que vous donner des instantanés ! À l’heure où nous préparons cet article, vous échangez plus de 48 000 fichiers pesant 874 Go…
  • Framapic, notre hébergeur d’images, permet lui aussi un effacement au bout de X temps. Actuellement, c’est plus de 141 800 images qui sont sur nos serveurs.
  • Frama.link raccourcit d’ores et déjà 46 900 URL (adresses web) bien trop longues, et ce, nous l’espérons, de manière aussi fiable que durable.
  • Vous aimez discuter dans vos groupes : Framateam (l’alternative à Slack et aux groupes Facebook) vient de franchir la barre des 10 000 utilisateurs et utilisatrices, se partageant pas loin de 2 770 équipes, et plus de 734 000 messages. Chez Framasoft, nous l’utilisons beaucoup, mais de là à dire que les plus bavard⋅e⋅s d’entre nous seraient à l’origine de 42 % des messages, ce serait un mensonge :p.
  • Enfin Framavox, qui vous sert à prendre des décisions en équipe, compte désormais plus de 1 500 groupes où se répartissent 3 626 personnes. Alors, c’est-y pas jubilatoire d’avoir un outil de prises de décisions transversales ?

Les petits nouveaux ne sont pas en reste !

En septembre, avant de fêter les deux ans de Dégooglisons, nous avons tout de même sorti deux services : Framinetest Édu (une alternative à Minecraft Éducation, dont vous avez vu la carte plus haut), et Framémo. Ce petit tableau pour organiser ses idées collaborativement, en direct et en ligne, remporte une fière adhésion, puisqu’en moins d’un trimestre vous avez déjà créé plus de 5 800 tableaux de notes !

Petit retour sur les chiffres des six nouvelles applications que nous avons lancées durant une folle semaine de début octobre :

  • Il y a aujourd’hui plus de 1 850 listes sur Framalistes, notre alternative à Google Groups, servant près de 1 050 emails par jour à plus de 21 500 utilisateurs et utilisatrices ;
  • Notre alternative à Evernote, Framanotes, héberge aujourd’hui plus de 3 060 comptes, dont les 12 900 notes sont chiffrées de bout en bout, ce qui fait que nous ne pouvons rien savoir de ce qu’elles contiennent ;
  • Près de 1 800 formulaires sont publiés grâce à Framaforms, l’outil qui permet de ne pas transmettre les réponses de vos questionnaires à Google Forms ;
  • Avec une moyenne de 1 000 salons d’audio/visio conférences créés par semaine, Framatalk vous libère de plus en plus de Skype (et ne nécessite aucune installation logicielle) ;
  • Plus de 4 500 d’entre vous se sont libéré⋅e⋅s (délivrééééééééééééé⋅e⋅s) de Google / Apple / Microsoft agenda en se créant un compte sur Framagenda : félicitations !
  • MyFrama, l’alternative à Del.icio.us (qui vous permet en plus de trier et conserver les adresses web des Frama-services que vous utilisez) est utilisé par plus de 2 650 personnes.

Nous n'avons par contre aucun chiffre sur votre chasse aux trolls grâce à Framatroll
Nous n’avons par contre aucun chiffre sur votre chasse aux trolls grâce à Framatroll

Tous ces chiffres nous donnent le tournis, tant ils nous enchantent et nous inquiètent.

Ils nous enchantent car ils renforcent notre conviction qu’une alternative aux services centralisateurs, intrusifs et privatifs des GAFAM est attendue et utilisée. Cela signifie qu’un nombre croissant de personnes sont conscientes des enjeux de la centralisation du web et cherchent à prendre des mesures pour protéger leurs données, leur vie numérique.

Ils nous inquiètent parce que, même si on est à des années-lumière des statistiques d’utilisation de Google et Cie, il existe une possibilité de re-centraliser et concentrer vos données personnelles, ce que nous ne voulons pas. Une initiative moins scrupuleuse que la nôtre pourrait donc en profiter pour peu qu’elle vous propose une certaine éthique, ou du chiffrement, ou du logiciel libre…

Il existe donc une nouvelle « niche de marché » pour conquérir l’or 3.0 que sont vos données, et les géants du Web sont d’ores et déjà en train de s’y attaquer (exemples ici, ou encore ).

Nous ne le répéterons jamais assez, les services que nous proposons sont des démonstrations à grande échelle, et nous ne sommes jamais autant heureux⋅ses que lorsque vous les quittez parce que :

Bref : lorsque votre passage par Framasoft vous a mené vers plus d’indépendance et de liberté dans votre vie numérique !

Le point sur les dons : l’hiver est rude !

Tous ces chiffres ne sont possibles que grâce à vos dons. Nous avons (enfin !) rattrapé notre retard afin de publier nos rapports d’activités 2014 et 2015 agrémentés des données statistiques et financières de l’association (dont les comptes sont, depuis l’exercice 2015, validés par un commissaire aux comptes). À nos yeux (et comme pour tous les membres du collectif CHATONS), la transparence n’est pas négociable : promis, nous ne prendrons pas autant de temps pour publier notre rapport sur 2016 😉

En 2015, plus de 90 % de nos ressources proviennent de votre soutien financier, qui nous offre cette indépendance et cette liberté si chères à nos yeux.

Ces dons servent principalement à financer, dé-précariser et pérenniser les 6 postes des personnes employées par Framasoft. Car, si le bénévolat est essentiel, il ne permet pas tout : la stabilité des services, les développements spécifiques, le suivi des 1 046 demandes (d’aide, de soutien technique, de réponses et d’interventions) reçues ces trois derniers mois, depuis le lancement de l’an 3 de Dégooglisons… mais aussi l’organisation et la logistique derrière tous ces projets : cela demande du temps et du savoir-faire que l’on ne peut exiger de la part de bénévoles (en tous cas, pas sans les épuiser -_-…)

Framasoft essayant d'atteindre son budget 2016 (allégorie.)
Framasoft essayant d’atteindre son budget 2016 (allégorie.)

À ce jour, nous avons du mal à boucler le budget 2016 tel que nous l’envisagions. Sur 205 000 € de budget souhaité pour 2016, nous en sommes à environ 185 000 €. Rien d’alarmant, on ne va pas mettre la clé sous la porte !

Mais de ces financements découleront directement les énergies que nous pourrons mettre dans nos projets pour cette nouvelle année : les derniers services à Dégoogliser (YouTube, Meetup, Twitter, blog, pétitions, voire le mail !), la transmission d’expérience et la promotion du collectif CHATONS, la participation au développement de solutions d’auto-hébergement… ce ne sont pas les envies qui manquent !

Alors une fois encore, nous nous permettons de vous rappeler que vous pouvez participer financièrement à nos actions, par un don ponctuel ou mensuel, déductible des impôts pour les contribuables Français. Par exemple, un don de 100€ ne vous coûtera (après déduction fiscale) que 34€.

Si vous le pouvez et le voulez, rendez-vous donc sur : Soutenir.framasoft.org

Grâce à votre soutien, vos dons et votre amour Trente nouveaux services, de belles mises à jour, Voilà déjà deux ans que nous dégooglisons, Que les vilains GAFAM nous démoralisons ! Mais pour persévérer, fragile est l’équilibre. Face aux géants du web et tous ceux qui nous pistent De nos alternatives, allongeons donc la liste… La route est longue encore, mais la voie reste libre !




Pourquoi Framasoft n’ira plus prendre le thé au ministère de l’Éducation Nationale

Cet article vise à clarifier la position de Framasoft, sollicitée à plusieurs reprises par le Ministère de l’Éducation Nationale ces derniers mois. Malgré notre indignation, il ne s’agit pas de claquer la porte, mais au contraire d’en ouvrir d’autres vers des acteurs qui nous semblent plus sincères dans leur choix du libre et ne souhaitent pas se cacher derrière une « neutralité et égalité de traitement » complètement biaisée par l’entrisme de Google, Apple ou Microsoft au sein de l’institution.

Pour commencer

Une technologie n’est pas neutre, et encore moins celui ou celle qui fait des choix technologiques. Contrairement à l’affirmation de la Ministre de l’Éducation Mme Najat Vallaud-Belkacem, une institution publique ne peut pas être « neutre technologiquement », ou alors elle assume son incompétence technique (ce qui serait grave). En fait, la position de la ministre est un sophisme déjà bien ancien ; c’est celui du Gorgias de Platon qui explique que la rhétorique étant une technique, il n’y en a pas de bon ou de mauvais usage, elle ne serait qu’un moyen.

Or, lui oppose Socrate, aucune technique n’est neutre : le principe d’efficacité suppose déjà d’opérer des choix, y compris économiques, pour utiliser une technique plutôt qu’une autre ; la possession d’une technique est déjà en soi une position de pouvoir ; enfin, rappelons l’analyse qu’en faisait Jacques Ellul : la technique est un système autonome qui impose des usages à l’homme qui en retour en devient addict. Même s’il est consternant de rappeler de tels fondamentaux à ceux qui nous gouvernent, tout choix technologique suppose donc une forme d’aliénation. En matière de logiciels, censés servir de supports dans l’Éducation Nationale pour la diffusion et la production de connaissances pour les enfants, il est donc plus qu’évident que choisir un système plutôt qu’un autre relève d’une stratégie réfléchie et partisane.

Le tweet confondant neutralité logicielle et choix politique.
Le tweet confondant neutralité logicielle et choix politique.

Un système d’exploitation n’est pas semblable à un autre, il suffit pour cela de comparer les deux ou trois principaux OS du marché (privateur) et les milliers de distributions GNU/Linux, pour comprendre de quel côté s’affichent la créativité et l’innovation. Pour les logiciels en général, le constat est le même : choisir entre des logiciels libres et des logiciels privateurs implique une position claire qui devrait être expliquée. Or, au moins depuis 1997, l’entrisme de Microsoft dans les organes de l’Éducation Nationale a abouti à des partenariats et des accords-cadres qui finirent par imposer les produits de cette firme dans les moindres recoins, comme s’il était naturel d’utiliser des solutions privatrices pour conditionner les pratiques d’enseignement, les apprentissages et in fine tous les usages numériques. Et ne parlons pas des coûts que ces marchés publics engendrent, même si les solutions retenues le sont souvent, au moins pour commencer, à « prix cassé ».

Depuis quelque temps, au moins depuis le lancement de la première vague de son projet Degooglisons Internet, Framasoft a fait un choix stratégique important : se tourner vers l’éducation populaire, avec non seulement ses principes, mais aussi ses dynamiques propres, ses structures solidaires et les valeurs qu’elle partage. Nous ne pensions pas que ce choix pouvait nous éloigner, même conceptuellement, des structures de l’Éducation Nationale pour qui, comme chacun le sait, nous avons un attachement historique. Et pourtant si… Une rétrospective succincte sur les relations entre Microsoft et l’Éducation Nationale nous a non seulement donné le tournis mais a aussi occasionné un éclair de lucidité : si, malgré treize années d’(h)activisme, l’Éducation Nationale n’a pas bougé d’un iota sa préférence pour les solutions privatrices et a même radicalisé sa position récemment en signant un énième partenariat avec Microsoft, alors nous utiliserions une partie des dons, de notre énergie et du temps bénévole et salarié en pure perte dans l’espoir qu’il y ait enfin une position officielle et des actes concrets en faveur des logiciels libres. Finalement, nous en sommes à la fois indignés et confortés dans nos choix.

Extrait de l'accord-Cadre MS-EN novembre 2015
Extrait de l’accord-Cadre MS-EN novembre 2015

L’Éducation Nationale et Microsoft, une (trop) longue histoire

En France, les rapports qu’entretient le secteur de l’enseignement public avec Microsoft sont assez anciens. On peut remonter à la fin des années 1990 où eurent lieu les premiers atermoiements à l’heure des choix entre des solutions toutes faites, clés en main, vendues par la société Microsoft, et des solutions de logiciels libres, nécessitant certes des efforts de développement mais offrant à n’en pas douter, des possibilités créatrices et une autonomie du service public face aux monopoles économiques. Une succession de choix délétères nous conduisent aujourd’hui à dresser un tableau bien négatif.

Dans un article paru dans Le Monde du 01/10/1997, quelques mois après la réception médiatisée de Bill Gates par René Monory, alors président du Sénat, des chercheurs de l’Inria et une professeure au CNAM dénonçaient la mainmise de Microsoft sur les solutions logicielles retenues par l’Éducation Nationale au détriment des logiciels libres censés constituer autant d’alternatives fiables au profit de l’autonomie de l’État face aux monopoles américains. Les mots ne sont pas tendres :

(…) Microsoft n’est pas la seule solution, ni la meilleure, ni la moins chère. La communauté internationale des informaticiens développe depuis longtemps des logiciels, dits libres, qui sont gratuits, de grande qualité, à la disposition de tous, et certainement beaucoup mieux adaptés aux objectifs, aux besoins et aux ressources de l’école. Ces logiciels sont largement préférés par les chercheurs, qui les utilisent couramment dans les contextes les plus divers, et jusque dans la navette spatiale. (…) On peut d’ailleurs, de façon plus générale, s’étonner de ce que l’administration, et en particulier l’Éducation Nationale, préfère acheter (et imposer à ses partenaires) des logiciels américains, plutôt que d’utiliser des logiciels d’origine largement européenne, gratuits et de meilleure qualité, qui préserveraient notre indépendance technologique.

L’année suivante, en octobre 1998, le Ministère de l’Éducation Nationale signe avec l’AFUL un accord-cadre pour l’exploitation, le développement et l’expertise de solutions libres dans les établissements. Le Ministère organise même en juillet 1999 une Université d’été « La contribution des logiciels et ressources libres à l’amélioration de l’environnement de travail des enseignants et des élèves sur les réseaux ».

Microsoft : Do you need a backdoor ?
Microsoft : Do you need a backdoor ?

D’autres témoignages mettent en lumière des tensions entre logiciels libres et logiciels privateurs dans les décisions d’équipement et dans les intentions stratégiques de l’Éducation Nationale au tout début des années 2000. En revanche, en décembre 2003, l’accord-cadre1 Microsoft et le Ministère de l’Éducation Nationale change radicalement la donne et propose des solutions clés en main intégrant trois aspects :

  • tous les établissements de l’Éducation Nationale sont concernés, des écoles primaires à l’enseignement supérieur ;
  • le développement des solutions porte à la fois sur les systèmes d’exploitation et la bureautique, c’est-à-dire l’essentiel des usages ;
  • la vente des logiciels se fait avec plus de 50% de remise, c’est-à-dire avec des prix résolument tirés vers le bas.

Depuis lors, des avenants à cet accord-cadre sont régulièrement signés. Comme si cela ne suffisait pas, certaines institutions exercent leur autonomie et établissent de leur côté des partenariats « en surplus », comme l’Université Paris Descartes le 9 juillet 2009, ou encore les Villes, comme Mulhouse qui signe un partenariat Microsoft dans le cadre de « plans numériques pour l’école », même si le budget est assez faible comparé au marché du Ministère de l’Éducation.

Il serait faux de prétendre que la société civile ne s’est pas insurgée face à ces accords et à l’entrisme de la société Microsoft dans l’enseignement. On ne compte plus les communiqués de l’April (souvent conjoints avec d’autres associations du Libre) dénonçant ces pratiques. Bien que des efforts financiers (discutables) aient été faits en faveur des logiciels libres dans l’Éducation Nationale, il n’en demeure pas moins que les pratiques d’enseignement et l’environnement logiciel des enfants et des étudiants sont soumis à la microsoftisation des esprits, voire une Gafamisation car la firme Microsoft n’est pas la seule à signer des partenariats dans ce secteur. Le problème ? Il réside surtout dans le coût cognitif des outils logiciels qui, sous couvert d’apprentissage numérique, enferme les pratiques dans des modèles privateurs : « Les enfants qui ont grandi avec Microsoft, utiliseront Microsoft ».

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Et si c’était MacDonald’s qui rentrait dans les cantines scolaires…? Les habitudes malsaines peuvent se prendre dès le plus jeune âge.

On ne saurait achever ce tableau sans mentionner le plus récent partenariat Microsoft-EN signé en novembre 2015 et vécu comme une véritable trahison par, entre autres, beaucoup d’acteurs du libre. Il a en effet été signé juste après la grande consultation nationale pour le Projet de Loi Numérique porté par la ministre Axelle Lemaire. La consultation a fait ressortir un véritable plébiscite en faveur du logiciel libre dans les administrations publiques et des amendements ont été discutés dans ce sens, même si le Sénat a finalement enterré l’idée. Il n’en demeure pas moins que les défenseurs du logiciel libre ont cru déceler chez nombre d’élus une oreille attentive, surtout du point de vue de la souveraineté numérique de l’État. Pourtant, la ministre Najat Vallaud-Belkacem a finalement décidé de montrer à quel point l’Éducation Nationale ne saurait être réceptive à l’usage des logiciels libre en signant ce partenariat, qui constitue, selon l’analyse par l’April des termes de l’accord, une « mise sous tutelle de l’informatique à l’école » par Microsoft.

Entre libre-washing et méthodes douteuses

Pour être complète, l’analyse doit cependant rester honnête : il existe, dans les institutions de l’Éducation Nationale des projets de production de ressources libres. On peut citer par exemple le projet EOLE (Ensemble Ouvert Libre Évolutif), une distribution GNU/Linux basée sur Ubuntu, issue du Pôle de compétence logiciel libre, une équipe du Ministère de l’Éducation Nationale située au rectorat de l’académie de Dijon. On peut mentionner le projet Open Sankoré, un projet de développement de tableau interactif au départ destiné à la coopération auprès de la Délégation Interministérielle à l’Éducation Numérique en Afrique (DIENA), repris par la nouvelle Direction du numérique pour l’éducation (DNE) du Ministère de l’EN, créée en 2014. En ce qui concerne l’information et la formation des personnels, on peut souligner certaines initiatives locales comme le site Logiciels libres et enseignement de la DANE (Délégation Académique au Numérique Éducatif) de l’académie de Versailles. D’autres projets sont parfois maladroits comme la liste de « logiciels libres et gratuits » de l’académie de Strasbourg, qui mélange allègrement des logiciels libres et des logiciels privateurs… pourvus qu’ils soient gratuits.

Les initiatives comme celles que nous venons de recenser se comptent néanmoins sur les doigts des deux mains. En pratique, l’environnement des salles informatiques des lycées et collèges reste aux couleurs Microsoft et les tablettes (réputées inutiles) distribuées çà et là par villes et départements, sont en majorité produites par la firme à la pomme2. Les enseignants, eux, n’ayant que très rarement voix au chapitre, s’épuisent souvent à des initiatives en classe fréquemment isolées bien que créatives et efficaces. Au contraire, les inspecteurs de l’Éducation Nationale sont depuis longtemps amenés à faire la promotion des logiciels privateurs quand ils ne sont pas carrément convoqués chez Microsoft.

Convocation Inspecteurs de l'EN chez Microsoft
Convocation Inspecteurs de l’EN chez Microsoft

L’interprétation balance entre deux possibilités. Soit l’Éducation Nationale est composée exclusivement de personnels incohérents prêts à promouvoir le logiciel libre partout mais ne faisant qu’utiliser des suites Microsoft. Soit des projets libristes au sein de l’Éducation Nationale persistent à exister, composés de personnels volontaires et motivés, mais ne s’affichent que pour mieux mettre en tension les solutions libres et les solutions propriétaires. Dès lors, comme on peut s’attendre à ce que le seul projet EOLE ne puisse assurer toute une migration de tous les postes de l’EN à un système d’exploitation libre, il est logique de voir débouler Microsoft et autres sociétés affiliées présentant des solutions clés en main et économiques. Qu’a-t-on besoin désormais de conserver des développeurs dans la fonction publique puisque tout est pris en charge en externalisant les compétences et les connaissances ? Pour que cela ne se voie pas trop, on peut effectivement s’empresser de mettre en avant les quelques deniers concédés pour des solutions libres, parfois portées par des sociétés à qui on ne laisse finalement aucune chance, telle RyXéo qui proposait la suite Abulédu.

Finalement, on peut en effet se poser la question : le libre ne serait-il pas devenu un alibi, voire une caution bien mal payée et soutenue au plus juste, pour légitimer des solutions privatrices aux coûts exorbitants ? Les décideurs, DSI et autres experts, ne préfèrent-ils pas se reposer sur un contrat Microsoft plutôt que sur le management de développeurs et de projets créatifs ? Les solutions les plus chères sont surtout les plus faciles.

Plus faciles, mais aussi plus douteuses ! On pourra en effet se pencher à l’envi sur les relations discutables entre certains cadres de Microsoft France et leurs postes occupés aux plus hautes fonctions de l’État, comme le montrait le Canard Enchaîné du 30 décembre 2015. Framasoft se fait depuis longtemps l’écho des manœuvres de Microsoft sans que cela ne soulève la moindre indignation chez les décideurs successifs au Ministère3. On peut citer, pêle-mêle :

Cette publicité est un vrai tweet Microsoft. Oui. Cliquez sur l'image pour lire l'article de l'APRIL à ce sujet.
Cette publicité est un vrai tweet Microsoft. Oui.
Cliquez sur l’image pour lire l’article de l’APRIL à ce sujet.

 

Du temps et de l’énergie en pure perte

« Vous n’avez qu’à proposer », c’est en substance la réponse balourde par touittes interposés de Najat Vallaud-Belkacem aux libristes qui dénonçaient le récent accord-cadre signé entre Microsoft et le Ministère. Car effectivement, c’est bien la stratégie à l’œuvre : alors que le logiciel libre suppose non seulement une implication forte des décideurs publics pour en adopter les usages, son efficience repose également sur le partage et la contribution. Tant qu’on réfléchit en termes de pure consommation et de fournisseur de services, le logiciel libre n’a aucune chance. Il ne saurait être adopté par une administration qui n’est pas prête à développer elle-même (ou à faire développer) pour ses besoins des logiciels libres et pertinents, pas plus qu’à accompagner leur déploiement dans des milieux qui ne sont plus habitués qu’à des produits privateurs prêts à consommer.

Au lieu de cela, les décideurs s’efforcent d’oublier les contreparties du logiciel libre, caricaturent les désavantages organisationnels des solutions libres et légitiment la Microsoft-providence pour qui la seule contrepartie à l’usage de ses logiciels et leur « adaptation », c’est de l’argent… public. Les conséquences en termes de hausses de tarifs des mises à jour, de sécurité, de souveraineté numérique et de fiabilité, par contre, sont des sujets laissés vulgairement aux « informaticiens », réduits à un débat de spécialistes dont les décideurs ne font visiblement pas partie, à l’instar du Ministère de la défense lui aussi aux prises avec Microsoft.

Comme habituellement il manque tout de même une expertise d’ordre éthique, et pour peu que des compétences libristes soient nécessaires pour participer au libre-washing institutionnel, c’est vers les associations que certains membres de l’Éducation Nationale se tournent. Framasoft a bien souvent été démarchée soit au niveau local pour intervenir dans des écoles / collèges / lycées afin d’y sensibiliser au Libre, soit pour collaborer à des projets très pertinents, parfois même avec des possibilités de financement à la clé. Ceci depuis les débuts de l’association qui se présente elle-même comme issue du milieu éducatif.

Témoignage usage de Framapad à l'école
Témoignage : usage de Framapad à l’école

Depuis plus de dix ans Framasoft intervient sur des projets concrets et montre par l’exemple que les libristes sont depuis longtemps à la fois forces de proposition et acteurs de terrain, et n’ont rien à prouver à ceux qui leur reprocheraient de se contenter de dénoncer sans agir. Depuis deux décennies des associations comme l’April ont impulsé des actions, pas seulement revendicatrices mais aussi des conseils argumentés, de même que l’AFUL (mentionnée plus haut). Las… le constat est sans appel : l’Éducation Nationale a non seulement continué à multiplier les relations contractuelles avec des firmes comme Microsoft, barrant la route aux solutions libres, mais elle a radicalisé sa position en novembre 2015 en un ultime pied de nez à ces impertinentes communautés libristes.

Nous ne serons pas revanchards, mais il faut tout de même souligner que lorsque des institutions publiques démarchent des associations composées de membres bénévoles, les tâches demandées sont littéralement considérées comme un dû, voire avec des obligations de rendement. Cette tendance à amalgamer la soi-disant gratuité du logiciel libre et la soi-disant gratuité du temps bénévole des libristes, qu’il s’agisse de développement ou d’organisation, est particulièrement détestable.

Discuter au lieu de faire

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À quelles demandes avons-nous le plus souvent répondu ? Pour l’essentiel, il s’agit surtout de réunions, de demandes d’expertises dont les résultats apparaissent dans des rapports, de participation plus ou moins convaincante (quand il s’agit parfois de figurer comme caution) à des comités divers, des conférences… On peut discuter de la pertinence de certaines de ces sollicitations tant les temporalités de la réflexion et des discours n’ont jamais été en phase avec les usages et l’évolution des pratiques numériques.

Le discours de Framasoft a évolué en même temps que grandissait la déception face au décalage entre de timides engagements en faveur du logiciel libre et des faits attestant qu’à l’évidence le marché logiciel de l’Éducation Nationale était structuré au bénéfice des logiques privatrices. Nous en sommes venus à considérer que…

  • si, en treize ans de sensibilisation des enseignants et des décideurs, aucune décision publique n’a jamais assumé de préférence pour le logiciel libre ;
  • si, en treize ans, le discours institutionnel s’est même radicalisé en défaveur du Libre : en 2003, le libre n’est « pas souhaitable » ; en 2013 le libre et les formats ouverts pourraient causer des « difficultés juridiques » ; en 2016, le libre ne pourra jamais être prioritaire malgré le plébiscite populaire4

…une association comme Framasoft ne peut raisonnablement continuer à utiliser l’argent de ses donateurs pour dépenser du temps bénévole et salarié dans des projets dont les objectifs ne correspondent pas aux siens, à savoir la promotion et la diffusion du Libre.

Par contre, faire la nique à Microsoft en proposant du Serious Gaming éducatif, ça c'est concret !
Par contre, faire la nique à Microsoft en proposant du Serious Gaming éducatif, ça c’est concret !

L’éducation populaire : pas de promesses, des actes

Framasoft s’est engagée depuis quelque temps déjà dans une stratégie d’éducation populaire. Elle repose sur les piliers suivants :

  • social : le mouvement du logiciel libre est un mouvement populaire où tout utilisateur est créateur (de code, de valeur, de connaissance…) ;
  • technique : par le logiciel libre et son développement communautaire, le peuple peut retrouver son autonomie numérique et retrouver savoirs et compétences qui lui permettront de s’émanciper ;
  • solidaire : le logiciel libre se partage, mais aussi les compétences, les connaissances et même les ressources. Le projet CHATONS démontre bien qu’il est possible de renouer avec des chaînes de confiance en mobilisant des structures au plus proche des utilisateurs, surtout si ces derniers manquent de compétences et/ou d’infrastructures.

Quelles que soient les positions institutionnelles, nous sommes persuadés qu’en collaborant avec de petites ou grandes structures de l’économie sociale et solidaire (ESS), avec le monde culturel en général, nous touchons bien plus d’individus. Cela sera également bien plus efficace qu’en participant à des projets avec le Ministère de l’Éducation Nationale, qui se révèlent n’avoir au final qu’une portée limitée. Par ailleurs, nous sommes aussi convaincus que c’est là le meilleur moyen de toucher une grande variété de publics, ceux-là mêmes qui s’indigneront des pratiques privatrices de l’Éducation Nationale.

Néanmoins, il est vraiment temps d’agir, car même le secteur de l’ESS commence à se faire « libre-washer » et noyauter par Microsoft : par exemple la SocialGoodWeek a pour partenaires MS et Facebook ; ou ADB Solidatech qui équipe des milliers d’ordinateurs pour associations avec des produits MS à prix cassés.

Page SocialGoodWeek, sponsors
Page SocialGoodWeek, sponsors

Ce positionnement du « faire, faire sans eux, faire malgré eux » nous a naturellement amenés à développer notre projet Degooglisons Internet. Mais au-delà, nous préférons effectivement entrer en relation directe avec des enseignants éclairés qui, plutôt que de perdre de l’énergie à convaincre la pyramide hiérarchique kafkaïenne, s’efforcent de créer des projets concrets dans leurs (minces) espaces de libertés. Et pour cela aussi le projet Degooglisons Internet fait mouche.

Nous continuerons d’entretenir des relations de proximité et peut-être même d’établir des projets communs avec les associations qui, déjà, font un travail formidable dans le secteur de l’Éducation Nationale, y compris avec ses institutions, telles AbulEdu, Sésamath et bien d’autres. Il s’agit là de relations naturelles, logiques et même souhaitables pour l’avancement du Libre. Fermons-nous définitivement la porte à l’Éducation Nationale ? Non… nous inversons simplement les rôles.

Pour autant, il est évident que nous imposons implicitement des conditions : les instances de l’Éducation Nationale doivent considérer que le logiciel libre n’est pas un produit mais que l’adopter, en plus de garantir une souveraineté numérique, implique d’en structurer les usages, de participer à son développement et de généraliser les compétences en logiciels libres. Dans un système déjà noyauté (y compris financièrement) par les produits Microsoft, la tâche sera rude, très rude, car le coût cognitif est déjà cher payé, dissimulé derrière le paravent brumeux du droit des marchés publics (même si en la matière des procédures négociées peuvent très bien être adaptées au logiciel libre). Ce n’est pas (plus) notre rôle de redresser la barre ou de cautionner malgré nous plus d’une décennie de mauvaises décisions pernicieuses.

Si l’Éducation Nationale décide finalement et officiellement de prendre le bon chemin, avec force décrets et positions de principe, alors, ni partisans ni vindicatifs, nous l’accueillerons volontiers à nos côtés car « la route est longue, mais la voie est libre… ».

— L’association Framasoft

Par contre, si c'est juste pour prendre le thé... merci de se référer à l'erreur 418.
En revanche, si c’est juste pour prendre le thé… merci de se référer à l’erreur 418.


  1. Voir aussi sur education.gouv.fr. Autre lien sur web.archive.org.
  2. Mais pas toujours. Microsoft cible aussi quelques prospects juteux avec les établissements « privés » sous contrat avec l’EN, qui bénéficient d’une plus grande autonomie décisionnelle en matière de numérique. Ainsi on trouve de véritables tableaux de chasse sur le site de Microsoft France. Exemple : Pour les élèves du collège Saint Régis-Saint Michel du Puy-en-Velay (43), « Windows 8, c’est génial ! ».
  3. Certes, on pourrait aussi ajouter que, bien qu’il soit le plus familier, Microsoft n’est pas le seul acteur dans la place: Google est membre fondateur de la « Grande École du Numérique » et Apple s’incruste aussi à l’école avec ses tablettes.
  4. On pourra aussi noter le rôle joué par l’AFDEL et Syntec Numérique dans cette dernière décision, mais aussi, de manière générale, par les lobbies dans les couloirs de l’Assemblée et du Sénat. Ceci n’est pas un scoop.