Drupal : entretien avec Dries Buytaert

Gabor Hojtsy - CC by-saQuel est le point commun entre l’APRIL, Ubuntu-fr et Framasoft ? Une volonté commune de faire avancer le logiciel libre francophone, oui, certes, mais plus pragmatiquement ces trois vénérables institutions ont décidé, sans se concerter, de migrer cette année leur site vers Drupal. Enfin pour être précis, Framasoft n’y est pas encore mais on y travaille en coulisses.

Ce CMS, connu pour sa grande souplesse et modularité a en effet le vent en poupe actuellement[1]. Du coup nous avons eu envie d’en savoir plus en traduisant cette interview de son créateur, le belge Dries Buytaert.

Le créateur de Drupal imagine l’avenir de la publication Web en plug-and-play

Drupal’s Creator Envisions Web Publishing’s Plug-and-Play Future

Entretien conduit par Michael Calore – 19 juin 2008 – Webmonkey.com
(Traduction Framalang : Vincent, Olivier et Don Rico)

L’aventure de Dries Buytaert[2] commence à l’université quand il code un forum privé pour sa résidence étudiante. Neuf ans plus tard, ce modeste logiciel de forum est devenu Drupal, l’un des systèmes de gestion de contenu Open Source le plus populaire sur le Web, qui compte des milliers de contributeurs actifs. En mars 2008, Dries Buytaert se rapproche de l’entrepreneur Jay Batson, et ensemble ils fondent Acquia, entreprise commerciale qui propose un support technique aux inconditionnels de Drupal et la promotion, l’adoption ainsi que le développement de la plate-forme.

Webmonkey a rencontré Dries et Jay pour discuter de l’histoire de Drupal, des nouveautés à venir et du rôle que leur société va jouer dans l’avenir du projet.

Webmonkey : Dries, peux-tu nous raconter l’histoire de Drupal ? La naissance de l’idée et comment la plate-forme a pris corps ?

Dries Buytaert : C’est arrivé un peu par accident. En 1999, j’étais étudiant à l’Université d’Anvers en Belgique. Je faisais du développement Web en CGI et avec des « server-side includes » (programmation côté serveur), mais je voulais en savoir plus sur des technologies telles que PHP et MySQL. Au même moment, nous avons eu besoin d’un système de messagerie interne pour notre résidence étudiante. J’ai alors écrit un forum de discussion simple. Et une fois mon diplôme obtenu, j’ai décidé de mettre mon forum interne sur Internet.

Quand j’ai enregistré un nom de domaine pour ce projet, j’ai voulu inscrire le nom « Dorp », qui veut dire « petit village » en néerlandais. Mais à cause d’une faute de frappe je me suis retrouvé à enregistrer le nom de domaine Drop. Ça peut paraître étonnant, mais Drop.org était disponible, et comme c’est un mot anglais qui a plusieurs significations, j’ai décidé de le conserver.

Notre communauté d’utilisateurs originelle s’est éteinte assez rapidement, mais j’ai continué à y travailler en apportant de nouvelles fonctionnalités comme les flux RSS ou un système de notation du contenu par les utilisateurs. Les visites sur le site ont été de plus en plus nombreuses, et chacun apportait idées et des suggestions, comme par exemple modifier l’algorithme qui gère la modération des commentaires. À un moment, je recevais tellement de suggestions que j’ai décidé d’ouvrir le code source. C’était la version 1.0 de Drupal, qui est sortie début 2001.

Au moment de la sortie, j’étais assez sûr d’avoir un bon système. Je pensais qu’il tenait la comparaison avec les autres technologies Open Source telles que PHP-Nuke, et que c’était donc la bonne décision.

Webmonkey : L’un des aspects clés de la conception de Drupal est sa modularité. Les utilisateurs installent un noyau logiciel et ajoutent ensuite des fonctionnalités en installant des modules spécialisés. D’où vient cette idée d’architecture modulaire ?

Buytaert : Ça faisait partie de l’idée de départ. J’étais presque choqué que la plupart des autres systèmes ne proposent pas de conception modulaire – pour moi, avec mon background d’étudiant en informatique, ça me semblait très naturel. En ce temps-là, j’étais aussi impliqué dans le noyau Linux, à travailler sur les pilotes de réseau sans-fil. C’est à l’évidence aussi un système modulaire, j’y ai certainement puisé mon inspiration.

Jay Batson : Moi qui ai eu à faire à pas mal de systèmes de gestion de contenu avant de rencontrer Dries, je peux dire que la plupart des autres CMS ne viennent pas de personnes qui sont diplômés en informatique. Ils ont été élaborés par des web-designers ou des programmeurs qui étaient peut-être autodidactes et avaient bidouillé un système qui fonctionnait plus ou moins. Ils n’émanaient pas de personnes qui ont une réelle formation en informatique. C’est là une des grandes différences entre Drupal et les autres systèmes.

Webmonkey : La popularité de Drupal auprès de ceux qui cherchent à construire un site autour d’une sorte de réseau social n’est plus à démentir. Est-ce parce qu’il offre un contrôle précis de la gestion des utilisateurs, ou est-ce parce que Drupal est devenu populaire en même temps que les réseaux sociaux prenaient leur essor ?

Buytaert : À mon avis, la gestion des utilisateurs en est bel et bien la raison principale. Drupal est un système multi-utilisateurs depuis le début, mais la plupart des autres systèmes ne sont pas au niveau de Drupal pour ce qui est de la gestion des utilisateurs et des droits d’accès.

C’est un système très communautaire de par sa conception. Par exemple, le site d’origine Drop.org ressemblait beaucoup à Digg, où l’on pouvait soumettre des liens et voter pour chaque suggestion. Ce type d’interaction entre les utilisateurs a été une fonction clé de Drupal dès le départ. Au fil du temps, nous nous sommes éloignés de ces fonctionnalités. Le système de vote a été retiré du cœur du système, mais il existe toujours sous forme de module. À la place, nous évoluons vers une plate-forme capable d’en faire plus, aussi bien pour ce qui concerne la gestion de contenu Web traditionnelle que pour la partie « sociale ».

Batson : Ils ont aussi eu un coup de booster parce que Drupal 5 avait comme slogan « Plomberie pour la communauté ». Au moment où les sites communautaires gagnaient en importance, le système se vendait lui-même comme étant optimisé pour cette fonction.

À ce moment là également, beaucoup de monde est venu grossir les rangs de la communauté Drupal et contribuer au code. Ainsi, une part importante du code a été écrite autour de ces fonctionnalités communautaires. Je sais qu’à cette époque Dries consacrait l’essentiel de son temps à la gestion de ces contributions, afin de garder un noyau Drupal réduit tout en s’assurant que les fonctions clés étaient présentes et, en même temps, en insistant sur l’importance des modules.

Buytaert : J’ai toujours encouragé les autres à être créatifs dans leurs contributions au code de Drupal. Je pense qu’il est extrêmement important de ne brider personne. Ainsi, pour ceux qui veulent bâtir un réseau social ou un clone de Flickr, il est à mon sens essentiel que Drupal, en tant que plate-forme, les y aide. C’est ce que permet la conception modulaire.

Webmonkey : Parlez-nous d’Acquia, la société que vous avez fondée ensemble.

Batson : Notre but est de devenir pour Drupal ce que sont Red Hat et Canonical pour Linux. Si vous cherchez une version de ce logiciel Open Source avec support technique, vous venez nous voir et vous payez un abonnement. Pour le prix de l’abonnement, vous obtenez une distribution, un ensemble de services pour la maintenance et les mises à jour, plus un accès à notre centre de support technique. Si par exemple vous êtes responsable d’un site de média important dont toute la partie logicielle est construite autour de Drupal et que vous avez une question, vous aurez alors la possibilité de nous contacter directement par téléphone. Vous obtiendrez votre réponse en moins d’une heure, au lieu d’envoyer un courriel et de patienter une journée ou d’attendre sur IRC que la personne qualifiée se connecte. À l’opposé, notre service est également adapté aux petits sites qui ont besoin d’aide pour l’installation des modules ou pour gérer les mises à jour. C’est un modèle économique qui a déjà fait ses preuves dans l’Open Source.

L’autre rôle que peut jouer Acquia, c’est le support de la communauté des développeurs Drupal. Drupal a une merveilleuse croissance organique. En gros, la communauté double chaque année. C’est impressionnant, mais nous voudrions la voir croître d’un facteur dix.

Webmonkey : Combien de développeurs travaillent sur Drupal à l’heure actuelle ?

Buytaert : Pour Drupal 6, la dernière sortie importante en date, 900 personnes environ ont contribué au cœur. À titre de comparaison, c’est équivalent au nombre de personnes qui contribuent au noyau Linux. Il y a plus de 2000 modules additionnels et chaque module est maintenu par un ou plusieurs développeurs. Le site Drupal.org compte entre 250000 et 300000 utilisateurs enregistrés. Ils ne sont pas nécessairement développeurs, mais ces personnes participent à la communauté d’une façon ou d’une autre.

Webmonkey : Que nous réserve Drupal pour l’avenir ?

Buytaert : Nous travaillons en ce moment même sur Drupal 7. Nous aurons une meilleure couche d’abstraction pour les bases de données, un meilleur support pour les outils WYSIWYG, et des améliorations dans la facilité d’utilisation pour les administrateurs, ce qui rendra Drupal plus facile à configurer.

Nous développons une nouvelle fonctionnalité essentielle, appelée Kit de Construction du Contenu (CCK). Celle-ci vous permet de définir de nouveaux types de contenu en passant par une interface Web. Par exemple, si vous avez un site de vélo et que vous voulez que vos utilisateurs puissent partager leurs balades favorites, vous pouvez créer un nouveau contenu que vous appellerez "parcours". Ce contenu pourra inclure un point de départ, un point d’arrivée, un lien vers Google Maps, quelques photos de la route, du texte décrivant le parcours. Une fois que vous avez toutes ces données, vous pouvez choisir de visualiser ce parcours sur une carte Google, de l’afficher dans un tableau, ou d’en faire ce que bon vous semble. Plusieurs vues différentes peuvent être extraites de ce grand sac de données utilisateur, et tout ceci à partir d’une simple interface Web.

Avec Drupal, notre objectif à long terme, c’est de vraiment démocratiser la publication en ligne grâce aux contributions de la communauté, de rendre possible, pour tout un chacun, la création de sites Web puissants et intéressants, en quelques clics seulement. Drupal vous permet d’avoir un prototype opérationnel en quelques heures, sans avoir à écrire une seule ligne de code. C’est vraiment un outil très puissant.

Notes

[1] Qu’il me soit tout de même permis de remercier vivement la communauté Spip pour l’extraordinaire service rendu et de saluer comme il se doit la toute nouvelle version 2.0.

[2] Crédit photo : Gabor Hojtsy (Creative Commons By-Sa)




Comment Eben Moglen a rencontré Richard Stallman

Tranche d’Histoire du logiciel libre…

Aux premiers temps de l’informatique, (presque) tous les logiciels étaient libres (sans même le savoir). Puis vient le temps de la propriétarisation du code qui obligea certains, comme Richard Stallman, à protéger la liberté des logiciels ou plus précisément la liberté des utilisateurs de logiciels.

Cette protection serait d’autant plus forte qu’elle serait sans faille vis-à-vis de la loi. Et c’est ainsi que le monde des hackers fit connaissance avec celui des juristes pour enfanter de licences qui font bien plus qu’accompagner les logiciels libres puisqu’elles participent à leur définition même.

Or, l’une des rencontres les plus fécondes entre le juridique et l’informatique (libre) est très certainement celle d’Eben Moglen avec Richard Stallman. Et c’est pourquoi nous avons jugé intéressant de traduire[1] la retranscription d’une interview qu’Eben Morglen a donné à Joe Barr de Linux.com en juin dernier pour en sous-titrer la vidéo[2].

« Nous sommes des nains juchés sur les épaules des géants. Stallman était un géant, je me suis juché sur ses épaules et j’ai vu le monde. »

Vous trouverez la version au format libre Ogg de l’interview sur Linux.com. Si vous souhaitez lui ajouter le sous-titrage en voici le fichier SRT.

Eben Moglen: How I discovered Free Software and met RMS (video)

Comme Stallman, John Gilmore et d’autres de ma génération, on peut dire que j’ai été impliqué dans le logiciel libre quand j’étais enfant car les logiciels étaient libres pour eux. J’ai commencé à 14 ans comme développeur d’applications APL pour Scientific Time Sharing Corporation (STSC) en 1973. J’ai travaillé à la conception et à la mise en oeuvre d’applications APL pour STSC et pour Xerox dans les années 70 et, en 79, j’ai été travailler pour IBM au laboratoire de Santa Theresa où j’ai modifié les interpréteurs APL pour IBM. J’ai travaillé sur l’APL et APL2. J’ai écrit une bonne partie du premier compilateur pascal d’IBM.

La manière dont nous travaillions était basée, après tout, sur le partage du code avec les personnes (clients) qui utilisaient les ordinateurs sur le terrain. Ils nous aidaient à concevoir, mettre en œuvre, améliorer et modifier les choses (code). Ils avaient les sources et quand ils émettaient un APAR (NdT : Authorized Program Analysis Report, dans la nomenclature d’IBM ce terme désigne un problème officiellement reconnu et diagnostiqué par le centre de support IBM), ils envoyaient un patch.

Ainsi, dans un sens, nous vivions dans un environnement où le logiciel était encore libre. Bien sur, nous avions des principes de propriété mais, en 1979, quand la commission "CONTU" terminait sa réflexion sur le logiciel libre, ces principes de propriété n’étaient pas encore bien compris et dépendaient à la fois de tout le monde et de personne.

Pouvait-on y attacher une propriété intellectuelle? AT&T et IBM n’étaient pas d’accord. Quelle partie du code pouvait-on protéger par un brevet ? Quasi rien. Pouvait-on le considérer comme un secret industriel ? Et bien non, ce code permettait seulement de différencier des ordinateurs onéreux.

Ainsi, d’une certaine manière, le monde dans lequel nous vivions présupposait une liberté à bricoler (le code). J’ai principalement travaillé sur des langages interprétés où les codes source et objet sont confondus. Il fallait partager le code. J’ai travaillé sur des produits distribués sur des environnements 370 (NdT : IBM mainframe) où le client s’attendait à recevoir le code source et s’il avait le code source de VM (NdT : OS) et que quelqu’un lui fournissait du MVS (NdT : OS) dans un langage appelé PLS pour lequel il n’avait pas de compilateur, il se plaignait ; parce qu’il s’attendait à pouvoir compiler le produit sur le site. Il s’agissait tout de même d’un super-ordinateur de plusieurs millions de dollars, qui aurait osé lui dire qu’il n’avait pas le droit de compiler le logiciel sur sa machine ?

D’une certaine façon, je dirais que j’ai toujours vécu dans le logiciel Libre. Ce toujours a néanmoins connu une pause.

Alors que je travaillais chez IBM en 1979, on m’a demandé de tester et de faire un rapport interne sur un machin nommé LISA ; le dernier gadget de Apple pour faire entrer la technologie de Xerox PARC (NdT: Palo Alto Research Center) dans le monde de Steve Jobs. Le LISA était une sorte d’ordinateur Pre-Macintosh ; j’ai donc écrit mon rapport interne sur cette machine et le contenu de ce rapport était le suivant : C’est une catastrophe. Cette machine incarne la fin du langage en relation avec l’ordinateur, c’est l’interface de l’homme des cavernes : tu vises et tu grognes. Si on résume l’interaction homme machine à viser et grogner, on écarte le rôle du langage dans l’évolution de l’esprit humain et de sa conscience. Le langage est ce qui nous rend plus intelligent, si nous n’utilisons pas le langage pour communiquer avec les machines alors ni nos cerveaux ni ceux des machines ne s’épanouiront comme ils devraient le faire. Cet argument eu peu de poids chez IBM et il en eu encore moins dans le monde en général au fil du temps.

Je devins moins enthousiaste devant la perspective de programmer dans ce monde car j’étais mordu de langage de programmation et le langage n’était plus ce qui était en vogue. Je suis donc parti et j’ai obtenu une licence de droit et un Doctorat en histoire et je suis devenu Historien du droit et j’ai fait d’autres travaux. J’ai débuté avec un emploi en tant qu’assistant Juge (NdT: Law Clerk) pour Weinfeld à NY, j’ai été assistant de Thurgood Marshal, puis j’ai commencé à me demander de quelle manière on pouvait rendre le monde plus juste !

J’ai eu ensuite un boulot d’enseignant dans une excellente Université en tant que Historien du droit. J’y ai fait ma thèse de Doctorat et écrit quelques articles d’histoire. Je m’intéressais à la signification à long terme de l’information dans la société humaine. Puis j’ai voulu coder car je suis un codeur compulsif et aussi parce que j’avais un PC à ma disposition qui, certes n’était pas la machine de onze millions de dollars à laquelle j’étais habitué, mais c’était un ordinateur qui pouvait servir à deux trois petites choses. Je n’aimais pas beaucoup DOS mais je n’ai jamais utilisé Windows qui était La Chose mauvaise pour les ordinateurs. Je n’allais pas utiliser quelque chose que je considérais comme la pire des choses. Je savais ce que X windows était, mais qui désirait utiliser ça, vous savez… le cerveau etc… Je suis donc passé chez Coherent lorsque la compagnie de Mark Williams créa un Unix estropié à 99$. Je l’ai essayé et j’ai commencé à l’utiliser avec les Outils du projet GNU puis ensuite j’ai utilisé les outils GNU sous DOS. J’utilisais DJGPP, puis le compilateur C de Delorie pour porter UNIX sur le DOS afin d’utiliser EMACS sur ma machine DOS car tout comme Stallman j’avais une grande dévotion pour EMACS.

Donc quelque part le logiciel libre a toujours été présent mais l’essentiel de ma vie était non technologique. En 1991 je décidais que je savais ce qu’il fallait faire pour commencer à travailler pour la liberté au 21 siècle: La cryptographie à clé publique était la première chose à implémenter. Nous en avions besoin pour deux raisons: garder les secrets à l’abri du gouvernement et faire du commerce électronique. Donc j’ai commencé à m’intéresser à la question, à chercher un moyen de faire de la cryptographie pour casser les règles du gouvernement sur le chiffrement de données. En Juillet 1991 j’ai vu un programme appellé Pretty Good Privacy (PGP) publié sur un forum. J’ai récupéré l’archive zip, j’ai lu le manuel de l’utilisateur et j’ai lu le code source car celui-ci était fourni, puis j’ai écrit un email non sollicité à l’auteur Phil Zimmerman qui n’avait jamais entendu parler de moi et je lui ai dit: « Bravo, tu vas changer le monde. Tu vas aussi ne pas tarder à être dans un merde noire, lorsque ça te sera tombé dessus je pourrais t’aider. Voici qui je suis, voila ce que j’ai fait et voici ce que je sais, quand tu auras des soucis appelle moi. » Dix jours plus tard le FBI frappait à sa porte et les ennuis commencèrent.

Donc j’ai décidé de travailler comme bénévole dans un groupe local de défense ; nous étions quelques personnes à prendre sur notre temps libre pour essayer d’empêcher le gouvernement fédéral d’accuser Zimmerman de violation de la loi sur le trafic d’armes. Notre but était d’aller aussi loin que possible avec cette affaire jusqu’au cœur des choses, afin de mettre les contradictions au grand jour. Alors que je travaillais sur l’affaire Zimmerman j’ai passé du temps avec John Markov du Times et au cours d’une interview je lui ai exposé mon idée selon laquelle le droit de parler le PGP (communiquer avec PGP) était le pendant numérique du droit de parler le Navajo. Markov fit paraître ceci dans le Times et ça devint une maxime que de nombreuses personnes utilisèrent comme signature dans leurs emails pendant quelques mois. Stallman vit la couverture de Markov sur le Times et il m’écrivit. Il me dit « j’ai un problème légal/juridique personnel et j’ai besoin d’aide; il me semble que tu es l’homme qu’il me faut. » Je lui ai répondu: « J’utilise Emacs tous les jours et il faudra du temps pour que tu épuises ton crédit d’aide juridique gratuite!.» il m’a demandé de le faire et j’ai fait ce qu’il fallait faire pour lui.

J’ai réalisé qu’il était la source même d’informations sur ce que je devais faire. J’avais fait ce qu’il me semblait important de faire au sujet de la cryptographie et je voyais que le problème était sur le point d’être réglé, mais je ne savais pas quoi faire ensuite pour apporter la Liberté technologique au 21ème siècle. C’était en automne 1993 et j’ai réalisé que toute personne qui avait un souci concernant la Liberté Technologique ne connaissait qu’une seule adresse mail : rms AT gnu.org. Si RMS me transférait tout ses messages nécessitant l’intervention d’un juriste, je serais assez rapidement mis au courant de ce qu’il y avait à faire en ce bas monde. RMS avait la meilleure prospective stratégique qui soit.

Je me suis donc assis sur ses épaules pour quelques années, faisant tout le travail qu’il considérait comme important et me tenant au courant de tout ce que les gens lui écrivaient. A la fin, je lui ai dis « tu as besoin d’un conseiller juridique » et il a dit « bien sûr ! » et j’ai commencé à faire le travail qu’il y avait à faire. C’était juste du travail que je faisais sur mon temps libre, j’étais toujours un historien du droit, personne parmi mes collègues académiques n’avait la moindre idée de ce dont il s’agissait, tout le monde savait que je racontais que le logiciel libre allait conquérir le monde et il me répétaient « oui oui, c’est formidable, super, merci beaucoup, à bientôt » et ça en restait là. Mais je savais où nous allions et surtout j’avais compris que Stallman en personne était la plus haute des montagnes et qu’en étant assis sur ses épaules on voyait bien plus loin.

Newton et consorts jusqu’à Bernard de Chartres avaient raison. Nous sommes des nains juchés sur les épaules des géants et c’est ce qui s’est passé : Stallman était un géant, je me suis juché sur ses épaules et j’ai vu le monde. Donc d’une certaine manière on pourrait dire 1993, ou 1995, ce qu’on peut dire en tout cas c’est que j’en ai fait de plus en plus plus car il y avait de plus en plus de travail. Mais je ne pouvais pas me multiplier par neuf ! Et puis d’un coup l’espace temps à gonflé et on s’est tous rendu compte que c’était arrivé.

En gros, la réponse est que j’étais là avant le Big Bang et le temps n’existait pas encore. Beaucoup de personnes ont commencé à s’y référer seulement après que tout cela ait vraiment commencé. Mon point de vue est que tout cela entre dans la continuité de quelque chose qui a commencé il y a bien longtemps, c’est le renversement d’une singularité dans le déroulement du temps. Microsoft a, un temps, réussi à faire croire que le logiciel pouvait être un produit. Maintenant ce n’est que rarement un produit. L’information technologique précisant la façon dont nous et nos cerveaux numériques existent, ce n’est pas un produit, c’est une culture, c’est l’empreinte d’un être humain en interaction avec les autres. C’est comme la littérature, ça ne peut être un produit.

Donc, nous sommes en train de découvrir qu’il s’agit d’une culture engendrée par des communautés; nous aurions pu nous en rendre compte en 1965 où en 1970. C’était difficile à voir en 1990 mais c’est devenu évident (rires) en 2006. Pour moi il s’agit plus, d’un point de vue historique, de mettre un terme à une confusion temporaire plutôt que de parler d’un mystèrieux et étrange point de départ qui aurait surgit d’on ne sait où.

Notes

[1] Grand merci à Ripat, Ziouplaboum et Olivier pour la traduction.

[2] Grand merci à Xavier Marchegay pour le sous-titrage.




Stallman – How a hacker became a freedom fighter

Une courte interview de Richard Stallman traduite par Olivier et relu par GaeliX (Framalang).

L’occasion pour moi d’annoncer que la traduction collective de sa biographie a retrouvé de l’énergie. Ce sera pour cet été si tout va bien…

Interview Stallman - NewScientist.com

Entretien : Comment un hacker est devenu un combattant pour la liberté

Interview: How a hacker became a freedom fighter

Michael Reilly – 12 avril 2008 – NewsScientist.com

L’un des pères fondateurs du « logiciel libre » et membre vénérable de la communauté des hackers, Richard Stallman a fait de la défense des libertés individuelles le combat de sa vie. Cela se traduit généralement par la fourniture de logiciels aux hackers et par des attaques contre les lois du copyright. Mais comme il le confie à Michael Reilly, sa défense des libertés personnelles individuelles s’étend à la protection de la vraie démocratie et des droits de l’Homme qui sont de plus en plus piétinés aux USA et ailleurs.

Est-il vrai qu’à une époque vous viviez dans votre bureau ?

Oui c’est exact. J’y ai vécu durant la moitié des années 80 et quasiment durant l’ensemble des années 90.

Qu’est ce qui vous a poussé à faire ça ?

C’était pratique et économique. Devoir me déplacer pour rentrer chez moi quand j’avais sommeil était mauvais : d’abord parce que si j’avais sommeil ça pouvait me prendre deux heures pour me motiver et mettre ma veste et mes chaussures et tout ça. Et ensuite, la marche jusqu’à chez moi m’aurait réveillé, donc une fois arrivé je n’aurais quand même pas été au lit. C’était nettement plus simple de pouvoir dormir à l’endroit où j’étais.

Pour vous, qu’est ce que veut dire « hacker » ?

Un hacker est quelqu’un qui apprécie l’intelligence espiègle. Je sais que pour beaucoup de personnes il représente un pirate informatique, mais puisqu’au sein de ma communauté nous nous appelons « hacker » je n’accepterai aucune autre signification. Si vous voulez parler de ces personnes qui cassent les codes de sécurité vous devriez parler de « cracker ». Le terme « hacker » ne se limite pas au domaine des ordinateurs. Au Massachusetts Institute of Technology il existe une ancienne tradition, les gens « hackent » les bâtiments et les lieux publics en y accrochant le fameux panneau de signalisation « Nerd Crossing » par exemple. Aucune sécurité n’est détournée et c’est espiègle et intelligent.

À propos de l’espièglerie, quand avez-vous commencé à dire « happy hacking » à la place de « Au revoir » ?

Quelque part dans les années 70. Je cherchais un moyen de dire au revoir et de souhaiter mes meilleurs vœux aux autres hackers et « happy hacking » semblait parfait pour ça. C’est devenu une habitude.

Quand êtes-vous passé de hacker à activiste ?

Cela s’est produit en 1983 quand j’ai initié le mouvement du logiciel libre (NdT : the free software movement). J’étais arrivé à la conclusion que les logiciels libres étaient le seul moyen d’apporter la liberté aux utilisateurs, j’ai donc lancé le mouvement pour provoquer cela.

Au fond, qu’est ce que le mouvement des logiciels libres ?

Il provient d’un désir de liberté. Je veux utiliser un ordinateur sans que personne ne contrôle ce que je fais dessus. Et je veux être libre de partager avec vous. Cela signifie donc que je ne peux pas utiliser les logiciels propriétaires inclus avec la plupart des ordinateurs dans les années 80. Les logiciels propriétaires éloignent les utilisateurs et les rendent impuissants : éloignés parce qu’il est interdit de les partager et impuissants parce qu’ils ne disposent pas du code source. Les développeurs décident donc de ce que fait le logiciel et les utilisateurs n’ont pas leur mot à dire.

Pour changer cet état de fait j’ai écrit le système d’exploitation GNU. Dans le même cadre j’ai rédigé la GNU General Public License, qui garantit que tous les utilisateurs de ce système d’exploitation reçoivent, en plus du logiciel, quatre libertés essentielles : la liberté de faire fonctionner le programme comme ils le souhaitent, la liberté de partager le logiciel avec leurs amis et leurs voisins, la liberté de modifier le programme à leur convenance et la liberté de distribuer leur copie modifiée à tout le monde.

Lorsque la composante Linux a été ajoutée au système GNU nous avions un système d’exploitation complet et les gens se sont vraiment mis à l’utiliser. Ils ont aussi découvert certains avantages pratiques. C’est un système puissant et stable et bien sûr vous n’aviez pas à payer le droit de l’utiliser, ce qui est un avantage plutôt superficiel mais qui était important aux yeux de nombreuses personnes.

Les gens l’ont-ils largement adopté ?

Le système GNU/Linux est devenu plutôt populaire, même si le souci de liberté ne s’est pas répandu autant que le système lui-même. Beaucoup de gens ont ainsi reçu la liberté sans trop savoir ce que cela représentait. Lorsque les gens ont la liberté mais n’en jouissent pas il est probable qu’ils la perdront. Par exemple, au milieu des années 90, certains distributeurs de GNU/Linux, on en trouvait déjà un certain nombre, ont commencé à ajouter des logiciels propriétaires et disaient « Regardez ce que l’on vous offre ! ». Ils répandaient principalement le message que les programmes non-libres sont bons. Ce n’est pas ainsi qu’on fera passer le message que la liberté est importante. Cela montre bien que de perdre de vue la liberté a des conséquences concrètes.

Vous êtes inquiet de la perte de toutes sortes de liberté. Est-ce pour cela que vous avez soutenu Dennis Kucinich dans sa campagne pour devenir le candidat Démocrate aux élections présidentielles ?

J’ai soutenu son programme de restauration de différents droits de l’Homme, tel que l’habeas corpus, qui a été en partie détruit aux USA. Le président Bush a obtenu le pouvoir de mettre en prison des étrangers simplement en les désignant comme des « combattants ennemis ». Kucinich milite également pour l’arrêt de la torture et des guerres d’agressions. Il aurait mis un terme à l’occupation de l’Irak.

Quel est la plus grande menace qui pèse sur le monde ?

Les logiciels libres ne sont pas la première priorité, mais c’est un domaine dans lequel j’ai vu comment apporter ma contribution. Je pense qu’il y a deux graves problèmes. Le premier est le réchauffement climatique et l’environnement. Le second est la démocratie des droits de l’Homme et la séparation de la politique du monde des affaires. La seule façon de restaurer la démocratie est de mettre un terme au pouvoir politique du monde des affaires.

Comment peut-on y parvenir ?

Son emprise est si forte, je ne sais pas comment la renverser. Tout ce que je peux dire c’est qu’il faut le faire. Les gens tiennent pour acquis que le monde des affaires ait une grande influence en politique, mais tant que cela sera vrai nous n’auront pas de vraie démocratie.

Est-ce que certains hommes politiques partagent cette vision ?

Le président de l’Equateur, Rafael Correa, se bat vraiment pour la démocratie. Il est aussi en faveur des logiciels libres. Je lui ai expliqué le concept en personne et il a compris que cela avait du sens, sur le plan pratique comme sur le plan éthique. C’est un ancien professeur d’économie. Il a flanqué à la porte l’influence des US et des multinationnales et a refusé de signer un traité d’échange avec les USA. Et une fois que le traité concernant les bases militaires américaines arrivera a expiration il ne le renouvèlera pas.

Votre foi dans les logiciels libres vous a amené à considérer des manières de réformer les lois sur le copyright. Comment vous-y prendriez-vous ?

Avec un copyright modéré. Les gens devraient être libres de redistribuer des copies exactes de quasiment tout, films, CD, … à leurs amis ou à des inconnus si c’est à but non commercial. Les autres usages devraient toujours être couverts par le copyright.

Croyez-vous que les gens se sensibiliseront aux logiciels libres et à la liberté en général ?

Je suis de nature pessimiste. Mais tellement de choses surprenantes se sont produites que je ne pense pas savoir ce qui se passera aux cours des dix prochaines années. Je préfère admettre mon ignorance.




Entretien avec un lycéen

Gregory - CC by-saEt si on donnait la parole aux lycéens ? Enfin non, à un lycéen, qui plus est rencontré sur… LinuxFr.

Merci en tout cas à Fabien (alias Xion345) d’avoir trouvé le temps, en pleines révisions du BAC, de répondre à quelques questions[1].

Bonjour, peux-tu rapidement te présenter…

Bonjour,

Je suis Fabien André, lycéen en terminale S option SVT (spé Maths). J’envisage des études d’ingénieur dans le domaine de l’électronique, de l’informatique ou des télécoms.

Quels logiciels libres utilises-tu au quotidien ?

J’utilise surtout les logiciels libres sur l’ordinateur familial, sous GNU/Linux (Kubuntu, majoritairement). Les logiciels que j’utilise le plus souvent sont le navigateur web Firefox, le client mail Thunderbird et le lecteur multimédia VLC. J’utilise également l’environnement KDE (Kopete pour la messagerie instantanée, amaroK comme lecteur musical).

Parmi les logiciels libres moins connus que j’apprécie particulièrement, il y a BasKet qui permet d’organiser ses notes simplement et efficacement ainsi que Freemind qui permet de créer des "cartes mentales", utiles pour classer ses idées.

Comment as-tu découvert les logiciels libres et en quoi te semblent-ils intéressants ?

J’ai découvert les logiciels libres il y a 4 ans avec Firefox (à l’époque dans sa version 0.7 :-)). Internet Explorer plantait tout le temps et j’étais à la recherche d’un bon navigateur. J’ai rapidement découvert Firefox et en cherchant un peu plus d’informations à propos de celui-ci, j’ai découvert qu’il s’agissait d’un logiciel libre. Impressionné par la qualité de ce logiciel, je me suis mis à utiliser VLC et OpenOffice. Plus tard, j’ai découvert qu’il existait même un système d’exploitation libre: Linux. Je me suis ensuite fait télécharger une Knoppix 3.6 par un ami que j’ai après installé par curiosité.

Ce n’est que plus tard, que j’ai vraiment cherché à m’informer sur les valeurs et l’esprit du logiciel libre.

Ils me semblent intéressants car on peut comprendre leur fonctionnement voir même les améliorer. Je suis souvent impressionné par leur capacité à fédérer les gens, à les faire coopérer. Je trouve que ce modèle de partage, de coopération et de diffusion du savoir est très riche !

Au cours de ton parcours scolaire as-tu souvent rencontré des logiciels libres ? Y a-t-il des professeurs qui t’en ont parlé, qui les ont utilisés en classe avec vous ?

J’ai très rarement rencontré des logiciels libres, que ce soit au collège ou au lycée. La dernière fois que j’en ai entendu parler remonte à la troisième : mon prof de techno installait Ubuntu sur un poste de la salle !

Je crois que les professeurs (en tout cas pour ce que j’en ai vu) ne sont pas mieux informés que le reste de la population en ce qui concerne les logiciels libres. Ils font un peu comme tout le monde et nous présentent les logiciels utilisés dans les Travaux Pratiques de bac (ce qui est on ne peut plus normal) : Excel et Geoplan en Mathématiques, Aviméca et Regressi (voire Excel) en Physique, Anagène, Phylogène et Sismolog en SVT.

Lorsqu’ils nous proposent de l’aide pour certains devoirs, ils nous demandent d’envoyer nos documents au format Word par e-mail !

Penses-tu que les logiciels propriétaires comme Windows et MS Office (Word, Excel…) sont trop présents à l’école. Et si oui que proposerais-tu pour améliorer la situation ?

En fait, plus que la trop forte présence des logiciels propriétaires dans l’éducation, c’est la quasi-absence des logiciels libres qui me gène un peu. Je n’ai rien contre les logiciels propriétaires mais dans le domaine de l’éducation, je pense que les logiciels libres présentent de nombreux avantages : possibilité pour les élèves de les utiliser à la maison, possibilité pour les profs de demander l’ajout de nouvelles fonctionnalités… Le navigateur Firefox était installé dans mon lycée sur les postes du CDI mais il n’est pas mis a jour ni correctement configuré pour utiliser le proxy de l’établissement.

Pour améliorer la situation, je pense qu’il serait possible d’installer des logiciels comme Firefox, OpenOffice, VLC, Geogebra ou 7-zip sur les postes des CDI des lycées. Je suis conscient que ce n’est pas si simple et que cela engendre des couts de maintenance mais ça reste faisable. Pourquoi ne pas également informer les profs de l’existence de ces logiciels et même les encourager à présenter certains logiciels libres utiles dans leurs matières ?

Il me parait que la distribution de clés USB équipés avec des logiciels libres (ou de CD) aux profs ou aux élèves est une bonne chose mais je crois que pour être totalement efficaces, ces opérations devraient être assorties d’une courte présentation des logiciels et d’explication de ce que sont les logiciels libres.

Certains caricaturent les jeunes et leur usage d’internet qui se résumérait à MSN, Skype, Skyblog, World of Warcraft et du copier/coller de Wikipédia. Qu’as-tu envie de dire à ces gens là ?

Je crois que leur répondrait qu’ils se trompent assez lourdement ! Je peux comprendre qu’ils ait rencontré des "djeuns’" utilisant Internet de cette façon. Il y en a une partie, je veux bien le croire. Cependant, il ne faut pas généraliser, ils représentent une minorité.

La plupart ont bien compris qu’Internet ne se résume pas à MSN et Skyblog. Nous l’utilisons pour nous informer sur les sujets qui nous intéressent, discuter sur des forums et bien sur pour nos documenter sur nos exposés (voir même développer des logiciels libres !). Et il peut arriver que certains publient des informations intéressantes sur leurs blogs ou sites personnels ! En revanche, tout le monde utilise MSN (et moi le premier), ce qui n’est pas forcément une bonne chose pour l’interopérabilité mais sous Jabber, je n’ai aucun contact !

Quant au copier/coller, j’aimerais leur dire que nous ne somme pas complètement dupes. Nous nous rendons bien compte qu’un prof peut vérifier en deux secondes si un article a été copié de Wikipédia. En plus, nous avons tout de même un certain esprit critique : nous vérifions nos informations, essayons des les comprendre. Nous les adaptons au sujet. Et ça prend du temps! Bref, les gens qui disent que Wikipédia ne sert qu’au copier/coller m’énervent profondément ! De plus, on aurait inventé le plagiat avec Wikipédia ? Il est tout aussi facile de copier un article de "Tout l’univers", d’Encarta ou de l’Encyclopedia Universalis.

Est-il difficile d’expliquer à ses camarades ce qu’est un logiciel libre ? Penses-tu que la diffusion de la pratique du piratage et la confusion libre/gratuit compliquent la situation ?

Oui, en général, ce n’est pas facile car une partie (pas tous !) s’en moquent complètement.

La confusion libre/gratuit complique grandement la situation : peu arrivent à saisir la distinction libre/gratuit car au final "ça ne change rien" pour eux. J’essaye de leur montrer qu’ils se trompent, que c’est différent, que par exemple, du fait de l’ouverture du code source, on a un certain contrôle sur le logiciel, on peut savoir exactement ce qu’il fait.

Penses-tu que ce serait une bonne idée de créer un "cours d’informatique" comme cela se discute actuellement ? Et si oui pour quel niveau et pour quel contenu ?

Oui, je pense que ce serait vraiment une bonne idée étant donné l’importance de l’informatique et d’Internet à la fois dans l’éducation, dans la vie économique, mais aussi dans notre vie personnelle, pour s’informer, se divertir voire même pour entretenir nos relations sociales.

Cependant, je ne pense pas qu’il serait utile d’apprendre aux élèves à utiliser le traitement de texte XYZ, le tableur XYZ ou encore tel logiciel de géométrie dynamique. Ce genre de chose est déjà fait, et je pense que c’est une bonne chose, dans les matières où l’utilisation de tels logiciels est pertinente. Je pense qu’il faudrait plutôt traiter certaines questions comme : Qu’est ce qu’un format ? Quelle est la différence entre interopérable et compatible ? Qu’est-ce que la licence d’un logiciel ? Pour quels usages a-t-on le droit de copier tout ou partie d’un article sur internet ? En matière de liberté d’expression, qu’est-ce qui est autorisé ou non sur internet ?

Bref, plus un cours d’informatique citoyenne, ou un cours de bon usage de l’informatique plus qu’un cours d’informatique technique. Je crois que 4 ou 5 heures par an seraient suffisantes pour nos informer sur ces questions.

Comment vois-tu l’avenir du logiciel libre ?

Ce n’est pas une question facile ! 🙂

Je pense que le logiciel libre a avenir prometteur. De toutes façons, il a réussi à se développer dans des conditions pas très favorables avec une société qui domine le secteur de l’informatique. Un nombre incroyable de personnes le soutiennent que ce soit en écrivant du code, de la documentation ou simplement en aidant les nouveaux venus…

Je crois aussi qu’en ce moment, au niveau économique, le vent souffle dans le sens du logiciel libre, l’économie migre vers les services (les SSLL ont une croissance importante), les constructeurs de matériel ouvrent leurs spécifications, de grosses sociétés comme Sun ou IBM s’y intéressent.

Il reste cependant menacé par les DRM, la soi-disant "informatique de confiance" et la vente liée.

Bonne chance pour le BAC 😉

Merci. Je me prépare, je me prépare ;-).

Notes

[1] Crédit photo : Gregory (Creative Commons By-Sa)




Troisième manuel libre de mathématiques de Sésamath

Sésamath - Manuel 3ème - Couverture

Clap troisième ! Déjà disponible pour les niveaux Cinquième et Quatrième, la très libre association de professeurs de mathématiques Sésamath nous propose son nouveau manuel scolaire de mathématiques, cette fois-ci pour le niveau Troisième.

Outre la qualité et l’originalité de son contenu (et son prix serré de 11 €), ce manuel se démarque de ses petits camarades de l’édition classique de part son mode collaboratif d’élaboration (une petite centaine de collègues ont participé à sa rédaction) mais aussi et surtout par sa licence libre (la GNU/FDL) qui autorise quiconque (profs, élèves, parents…) à utiliser, copier, modifier et distribuer la version numérique du manuel.

Si j’étais prof de maths (ce que je suis du reste !), je tenterais de ce pas de convaincre les collègues de mon établissement de faire le choix du manuel Sésamath pour la rentrée scolaire prochaine[1].

L’occasion d’un court entretien avec l’un de ses membres fondateurs, Sébastien Hache.

Sésamath - Manuel 3ème - Exemple

Pourriez-vous nous présenter votre nouveau bébé ? (y a-t-il des nouveautés par rapport aux 2 précédents ?)

Sébastien Hache : Le Sésamath 3e est le 3e ouvrage de la collection (après le Sésamath 5e il y a 2 ans et celui de 4e l’an dernier). Il s’agit d’un manuel scolaire sous licence FDL, écrit avec la suite Open Office.org. Près de 80 auteurs, professeurs de Mathématiques, ont travaillé ensemble, essentiellement à distance, pour construire cet ouvrage.

Sur le fond, la ligne éditoriale du Sésamath 3e est restée très proche de celle de ses 2 prédécesseurs afin de garantir une continuité entre les différents ouvrages de la collection : utilisation des TICE, travail de groupe, narrations de recherches, QCM… et toujours énormément de compléments en ligne.

Ceci dit, le mode de conception a mûri ; de nouveaux outils ont été utilisés : par exemple, pour la première fois, un Wiki a servi à créer les feuilles de route de chaque chapitre. Globalement, ce processus complexe du « travailler ensemble » a été mieux géré que les années précédentes, l’expérience aidant. Au final, on peut donc dire que le Sésamath 3e est encore plus coopératif que ses petits frères en 5e et 4e.

Une autre constatation importante : depuis 2 ans, l’équipe de rédaction a été profondément renouvelée. Beaucoup de ceux qui avaient fait les premiers manuels se sont investis dans d’autres projets de Sésamath, souvent avec succès. De nouvelles énergies ont pris le relais sur le projet de manuel, avec efficacité et conviction. Cela peut signifier que le modèle est assez indépendant des individus et procède plutôt d’un certain état d’esprit. A ce titre, il devrait être reproductible ou transférable.

Quel bilan faites-vous des deux précédents ?

Le bilan est très positif. A n’en pas douter, ce concept de manuel scolaire libre a été (et est toujours) un levier important du développement de l’association. Tout d’abord, il a permis de créer de nombreuses synergies entre les différents projets de Sésamath, grâce en particulier aux compléments du manuel en ligne. Ensuite, comme je l’ai dit précédemment, beaucoup de collègues entrent dans Sésamath par le projet du manuel, se formant au passage aux techniques de travail coopératif… puis s’investissent dans d’autres projets de l’association, y amenant ainsi encore davantage de coopération.

Par ailleurs, le succès éditorial de ces manuels (près de 95 000 vendus l’an dernier en 4e) a permis à Sésamath d’être financièrement indépendant et de pouvoir salarier un de ses membres. Depuis des années, Sésamath demande du temps de décharge à l’Institution, en vain. Et pourtant, Sésamath a besoin de temps pour mieux accompagner les usages, les pratiques, les développements.

Plus généralement, il était primordial de pérenniser ce modèle d’édition afin de le rendre attractif et viable pour d’autres. Nous pensons avoir relevé ce défi.

Effectuez-vous des mises à jour des 2 précédents à partir des retours des collègues en situation ?

Pour le moment, nous tenons essentiellement compte des coquilles signalées qui, au demeurant, restent assez peu nombreuses. Mais de plus en plus de collègues nous envoient, et c’est important, des activités dérivées de celles du manuel, ou d’autres types de compléments. Sésamath est en train de mettre en place une sorte d’Espace Numérique de Travail pour les professeurs de Maths. L’un des objectifs de cet espace est justement de mutualiser autour du travail coopératif initial afin de favoriser à terme la refonte des manuels Sésamath. Ce site contiendra également un « livre du maître » pour le manuel 3e ainsi que des compléments spécifiques aux enseignants.

Vous travaillez sur un projet de manuel libre au Sénégal. Pourriez-vous nous en dire plus ?

A la suite de la mention d’honneur obtenue par Sésamath lors du prix sur l’utilisation des TICE à l’UNESCO, de nombreuses perspectives concrètes se sont ouvertes. En particulier, nous sommes en discussion sur la possible création de manuels libres en Mathématiques au Sénégal, en prenant appui sur les manuels Sésamath. L’idée n’est pas tant de donner des contenus qu’une certaine expertise du travail coopératif. Ainsi l’association espère aussi recevoir beaucoup en retour sur les pratiques et usages au Sénégal. Très honnêtement, en créant un manuel libre, Sésamath n’avait jamais pensé à ce type de possibilité. Mais si cela pouvait se faire (car malgré tout c’est un processus long et difficile) nous en serions vraiment fiers et très heureux.

Comment expliquez-vous que les autres disciplines ne vous aient pas encore emboîté le pas ?

Il y a eu des essais, mais provenant souvent de collègues isolés qui ne se rendent pas nécessairement compte de tout le travail et de l’énergie que cela demande. Il y a beaucoup de compétences différentes qui sont en jeu. Il faut à la fois les rassembler et les faire travailler ensemble. A ce stade, nous pensons que cela ne peut pas se faire spontanément ou de façon trop déconcentrée.

C’est évidemment plus facile si les collègues sont déjà organisés entre eux. Sésamath n’a pas vocation à créer ces premiers noyaux, mais peut essayer de les accompagner. Pour cela, il faut réussir à synthétiser le processus d’édition coopérative : quels outils ? quelles structures ? Quelle organisation ? Il n’est pas facile de faire ce travail d’abstraction, mais il est sans doute nécessaire pour facilité les transferts.

Il nous semble aussi qu’il y a actuellement un enjeu fort dans le premier degré.

Quels sont les futurs projets de Sésamath ?

Le prochain défi que doit relever Sésamath, c’est l’accompagnement de tous ceux qui utilisent les ressources de l’association. Cet accompagnement passe par une meilleure prise en compte de ces utilisateurs : professeurs, parents ou élèves. Des accès spécifiques vont être créés. La plate-forme pour les enseignants et un site dédié entièrement à l’accompagnement à la scolarité (libre et gratuit) pour les élèves et parents. Ce sont 2 énormes chantiers qui sont déjà en préparation depuis un certain temps et qui devraient éclore pendant l’année 2008.

Notes

[1] Chaque établissement peut commander un specimen avant le 24 avril chez le partenaire éditeur Génération 5.




Créer un digg-like francophone de la culture libre ?

FSDaily - screenshot

Dans notre récent appel à soutien nous évoquions une frustration liée à un manque de disponibilité généralisée pour démarrer des projets qui dorment depuis trop longtemps dans nos cartons. Ainsi en va-t-il d’un "digg-like francophone de la culture libre" dont on vient vous demander avis parce que si vous le jugez pertinent il ne serait pas trop chronophage à mettre en place puisqu’ensuite nous bosserions tous dessus !

Présentation et explication par moi-même interviewé par la célèbre journaliste finlandaise Céline Hükksse, venue spécialement d’Outokumpu pour l’occasion. C’est un peu longuet mais c’est tout à l’honneur du professionnalisme de Céline Hükksse que d’avoir souhaité faire ainsi le tour complet du sujet (et plus si affinités).

Bonjour aKa. Alors, parlez-nous un peu de ce nouveau projet ?

Bonjour Céline. Le pitch ce serait de mettre en ligne et alimenter ensemble un digg-like francophone de la culture libre.

Nous estimons qu’un tel site pourrait avoir son utilité en faisant microsoft office de tri sélectif dans la masse à croissance exponentielle de ressources crées chaque jour sur internet. Outre ses avancées dans le monde logiciel (où il reste encore beaucoup à faire), nous pensons également que la culture libre est à terme susceptible de modifier en profondeur des pans entiers de la société (on voit bien comment aujourd’hui il en arrive à titiller le politique et même parfois l’économique) avec toutes les actions et résistances que cela implique.

Dans ce contexte il nous semble intéressant d’avoir à disposition une sorte d’observatoire en temps réel de notre slogan la route est longue mais la voie est libre permettant aux convaincus de se tenir au courant et aux autres de… rallier la Cause 🙂

Certes, mais au fait c’est quoi un digg-like ?

Un Digg-like, est un « nom provenant du célèbre site web digg.com et du terme anglo-saxon like (semblable), qui est utilisé pour qualifier les sites web utilisant la même formule que digg.com. Ces sites ont tous une interface de soumission où chaque utilisateur inscrit peut proposer un site web intéressant ou un billet d’un blog qui mérite d’être connu. Par la suite, les nouvelles proposées se retrouvent dans la section "en attente" du digg-like et c’est le rôle des utilisateurs de la faire passer en page principale en votant pour cette nouvelle lorsqu’elle est vraiment intéressante et pertinente. Un algorithme tenant compte du nombre de vote selon le temps ainsi que d’autres facteurs (dépendant du digg-like) détermine si la nouvelle passe en page principale. »

C’est bien dit non ? Bon d’accord c’est pas de moi c’est de Wikipédia. Retenons en tout cas qu’il s’agit de soumettre rapidement (j’allais dire à la volée) des articles de sites ou de blogs et que ce sont les visiteurs eux-mêmes qui choisissent de mettre collectivement tel ou tel lien en lumière.

Quelle serait la différence avec digg.com ?

Avant tout la langue française. Je n’ai ainsi jamais vu une seule news francophone atteindre le haut de l’affiche de digg.com.

Il y aurait du reste beaucoup à dire sur non seulement cette prédominance de l’anglais mais surtout sur la prédominance d’articles rédigés par des américains (quand bien même issus de la contre-culture). En fait c’est la quasi-totalité du web 2.0 qui est américain et cela pose quelques questions en terme de pluralisme et de vision du monde. Mais là n’est pas le propos. Dites-moi si je m’égare Céline…

Vous vous égarez en effet. Soit OK pour digg.com mais alors quelle serait la différence avec des digg-like francophones déjà présents comme scoopeo.fr ou wikio.fr ?

La thématique et la sensibilité des visiteurs / utilisateurs / éditeurs. Le choix assumé et délibéré de proposer majoritairement des news autour de la culture libre en général ou du logiciel libre en particulier. Ce serait notre niche en quelque sorte.

Je n’ai ainsi que très rarement vu de telles news arriver en accueil des sites que vous citez et qui ont fait le choix compréhensible d’être le plus généraliste possible. Le risque est alors de se retrouver avec des liens souvent plus anecdotiques que réellement intéressants (Scoopeo) ou reprenant simplement les dépêches d’agences et des grands médias (Wikio). Enfin une dernière chose, nous n’avons de Loïc Le Meur dans notre équipe capable de lever 4 millions d’euros pour le projet 😉

Accepté. Mais, plus dur, quelle serait la différence avec linuxfr.org ?

Linuxfr est notre référence absolue en matière de news francophones autour de linux et des logiciels libres et il est tout à fait légitime de se demander ce que ce projet pourrait apporter de plus. Ce qui fait selon moi la sève de DLFP c’est non seulement la qualité des dépêches mais également les nombreux pour ne pas dire fameux commentaires apportés par les lecteurs sous ces dépêches. C’est généralement très instructif même lorsque la polémique (ou le troll) s’installe. Ils font un peu n’achetez pas microsoft office de baromètre non officiel de la culture geek à l’instant t. Et du coup il arrive que la dépêche LinuxFr soit souvent plus riche et intéressante que le contenu même de la dépêche ! J’en profite du reste pour tirer un grand coup de chapeau aux modérateurs pour le soin apporté à la présentation et aux liens connexes de ces dépêches.

Commentaires, culture geek, modération et donc workflow, c’est là que se trouvent les principales différences selon moi. Notre projet de Digg-like n’aura pas pour vocation à suciter des commentaires sous les liens (quand bien même ce soit techniquement possible). Du coup, un peu tel un saut de puce, on y passera mais sans y faire une longue halte comme sur LinuxFr. La thématique culture libre est aussi a priori plus vaste que la culture geek revendiquée par LinuxFr qui ne sort que rarement du champ GNU/Linux et logiciels libres. Enfin l’absence de modération aura théoriquement pour conséquence d’avoir une plus grande exhausitivité, une plus grande réactivité et autorisera aussi les liens moins factuels comme les prises de positions, les coups de gueules, ou des choses plus légères mais qui méritent peut-être mention sur les blogs ou ailleurs.

Il faut aussi je pense prendre acte qu’avec l’avénement des blogs qui autorisent tout un chacun à avoir son propre espace web on va se retrouver (ou plutôt on se retrouve déjà) avec tout plein de ressources intéressantes mais éparses et un tel projet peut aider à y accéder plus aisément.

Cela pourra également être intéressant pour les auteurs mêmes des liens candidats. Ils ont mis en ligne leur article qu’ils ont envie de faire connaître et diffuser ? Alors il leur suffira de passer sur le site et de proposer dans la foulée leur info (en un lien et trois lignes de description) qui sera tout de suite publiquement visible dans la catégorie des "news en attente". D’autres passeront et si ils jugent la news petinente et digne d’être distribuée alors ils voteront pour elle et pouf, ça y est, elle se retouvera en tête de gondole !

Bien, bien. Mais, toujours plus dur, quelle serait la différence avec fsdaily.com ?

Nous y voilà 😉

Il n’y aurait pas beaucoup de différences avec fsdaily.com (d’où est issue l’illustration de ce billet) puisque c’est un peu ça ce que nous voulons mettre en place justement. Les deux différences seraient donc le français et l’extension à la culture libre.

Pour me tenir au courant de l’actualité du libre je n’ai pas besoin de ça puisque mon lecteur de fil RSS m’apporte tout sur un plateau chaque matin.

Ah que j’aimerais tenir ce plateau !

N’importe quoi !

Euh… Oui, moi aussi j’ai un lecteur de fil RSS où s’accumulent les Linuxfr, Standblog, etc. sans oublier… Digg et FSDaily (quitte à ne plus trouver le temps de tout lire et faire le tri). Mais d’abord vous serez peut-être surpris d’apprendre que nous sommes encore peu nombreux à utiliser cette technique qui fait de nous, qu’on le veuille ou non, des power users en la matière. D’ailleurs à ce propos nous pourrions faire bon usage des fil RSS de notre futur Digg-like. Nous pourrions bien sûr les rajouter à notre propre lecteur mais également alimenter tout le réseau Framasoft (et tous les autres sites qui le souhaitent) non seulement avec le fil RSS principal (qui donne les news les plus votées) mais également avec des fil RSS de tags ou de catégories spécifiques. Toutes les combinaisons seront potentiellemet possibles.

Et puis je ne pense pas qu’on puisse circonscire l’info autour du libre à nos uniques abonnements RSS sachant que le libre se démocratise chaque jour un peu plus et que de plus en plus de monde, venus de divers horizons, agissent, proposent ou s’emparent du débat. Sans oublier qu’on se sent parfois un peu seul, snif, avec notre lecteur RSS. Ici il y a une dimension collective et communautaire de types échanges de liens et de bonnes infos, et peut-être aussi une volonté d’apporter et partager de l’information qui fait sens dans un monde où les grands médias se focalisent souvent trop sur l’évenementiel et le spectaculaire.

Enfin il y a toujours cette spécificité de la culture libre…

Mais, mon bon monsieur, c’est quoi cette "culture libre" au juste ?

C’est un peu une question piège ! En fait je n’en sais trop rien.

Nous voilà bien !

Le plus simple est encore de citer quelques exemples. Il y a bien entendu les logiciels libres et des initiatives très proches comme Wikipédia. Il y a aussi les Creative Commons (ce qui n’empêche pas le débat !) et dans son sillage tout ce qui touche aux créations culturelles et artistiques avec des initiatives comme In Libro Veritas ou Dogmazic. Il y a tout ce qui gravite autour de la propriété intellectuelle, de l’interopérabilité, des brevets, du droit d’auteur… Ce qu’à l’occasion de la loi DADVSI on a appelé les libertés numériques. A la frontière je mettrais bien des actions comme Critical Mass, le Bookcrossing ou encore les Réseaux d’échanges réciproques de savoirs mais ceci n’engage que moi.

Il y aura aussi peut-être à terme son influence sur le politique (la démocratie participative tout ça…), sur le sociologique (tout système trop pyramidal tout ça…) et sur l’économique (la dualite monde marchand et monde non marchand chère à François Bayrou tout ça…). Sans oublier le relationnel et une certaine éthique. Et tant que j’y suis un peu de commerce équitable et une pincée d’écologie. Un véritable art de vivre en construction quoi !

Méfiez-vous le librocentrisme vous guette ! Ne seriez-vous pas également un peu idéaliste sur les bords ?

Oui un peu et j’assume cette naïveté. Ce n’est pas autrement qu’a réussi le projet fou mais surtout impossible Wikipédia.

De toutes les façon ce seront les participants qui alimenteront le site et donc ce seront eux qui donneront le ton. C’est un des paris du projet que d’arriver tout de même à un truc cohérent malgré ou plutôt grâce à la possibilité offerte à chacun d’y placer et de voter pour la news de son choix.

Justement, faites-vous donc une confiance aveugle en la sagesse des foules ? Qu’est-ce qui va me garantir que les news qui ont le plus de votes seront les plus intéressantes ? Et puis d’abord les sites à la sauce web 2.0, il faut du monde pour que cela fonctionne.

Oula, ça en fait des questions !

La première chose à dire c’est que je préfère de loin l’expression réseau social à web 2.0, ça fait plus associatif et moins… start-up ! Ensuite, n’est pas Wikipédia qui veut, non je ne fais pas une confiance aveugle à la sagesse des foules et rien ne nous garantit a priori que les news qui auront le plus de votes seront les plus intéressantes. Je dirais que c’est la beauté du jeu mais je crois cependant que Framasoft possède tout de même quelques bonnes cartes en main.

Digg, del.icio.us, Flickr, YouTube… ça tourne effectivement bien parce qu’ils bénéficient à plein de l’effet réseau lié à la très forte fréquentation. C’est à nuancer mais on peut tout de même affirmer que la qualité est ici liée à la quantité dans la mesure où les utilisateurs ont un choix plus ample pour sélectionner leurs favoris. Flickr avec 3 pékins qui se partagent 12 photos, non seulement ça ne le fait pas mais ce n’est tout simplement plus Flickr.

Tout ça pour dire que nous n’aurions pas bien entendu la prétention de rivaliser avec les exemples ci-dessus mais je pense que l’échelle de fréquentation du réseau Framasoft est tout de même suffisante pour permettre au site de bien se lancer en lui offrant de suite une certaine visibilité. Une visibilité propre à susciter curiosité et, j’espère, intérêt mais également propre à inviter chaque jour un peu plus de monde à rejoindre le projet en votant et proposant des news. Je pense également que l’expérience et la forte culture du libre de certains de nos utilisacteurs (dont les membres de notre forum) seront un plus pour fédérer le projet, s’approprier l’outil et proposer de la qualité.

C’est d’ailleurs un peu là que réside, en toute fausse modestie, l’un des atouts du réseau Framasoft. Dans cette capacité à fédérer et mettre en place des projets (le dernier en date c’est la joyeuse petite équipe de traducteurs compétents et réactifs de chez Framalang dont on peut voir souvent des traces sur ce blog) parce qu’il y a du monde qui passe, un monde qui pense comme nous que la route est longue mais la voie est libre, et un monde qui se sent d’autant plus en confiance qu’on est là depuis un petit bout de temps et que , je crois, on a déjà fait pas mal de petites choses pour la diffusion du logiciel libre et son état d’esprit.

Je ne dis pas que chez nous ça prend à tous les coups, loin de là et on a connu quelques beaux ratés. Mais ça peut prendre à cause des arguments du paragraphe précédent. Autant de bonnes raisons d’essayer de ne pas mettre tout de suite la clé sous la porte 😉

Arrêtez vous allez m’émouvoir.

Telle était bien mon intention !

Euh, revenons à nos moutons. Comment allez-vous mettre en place techniquement un tel site ? Digg n’a, à ma connaissance, jamais voulu montrer le code source de la plate-forme qui gère son site.

Et pour cause ! Digg n’a pas placé son outil sous licence libre pour les mêmes raisons que l’écrasante majorité de tous les sites étiquettés web 2.0. Pour être le premier (voire l’unique) dans son secteur, attirer du monde et ce faisant rendre chaque jour son outil un peu plus pertinent au fur et à mesure de la croissance de l’audience.

Imaginez qu’ils aient dès le départ libéré leur code ? Alors il y aurait eu risque de se retrouver avec une myriade de petits Digg-like, Flickr-like, del.icio.us-like ou YouTube-like dont aucun n’auraient vraiment émergés. Et alors adieu veau, vache, cochon, couvée et revente à prix d’or à Yahoo! (del.icio.us, Flickr) ou Google (YouTube). C’est ce que j’appelle le "web 2.0 mais libre 0.2" (dont je n’arrive pas à trouver le temps pour en faire un billet blog).

Pourquoi 0.2 et pas carrément 0 ?

Pour la beauté de la formule qui n’a rien à envier à la vôtre !

Mouais… mais encore ?

Parce qu’il y a tout de même une dimension collective et collaborative dans l’élaboration et l’édition de ces sites. Et surtout, ouf nous sommes sauvés, parce qu’il reste l’inévitable Wikipédia qui non seulement garantit la licence libre des articles mais également de son outil de travail à savoir le moteur wiki Mediawiki.

Un autre truc que j’aime bien chez Wikipédia, et qui nous concerne indirectement ici, c’est qu’il garantit le pluralisme des langues.

Soit mais alors pour notre problème technique…

C’est là que, tel Zorro, la communauté du libre intervient. Il y a une demande, il y a un besoin, mais un digg.com qui ne coopère pas. Qu’à cela ne tienne nous allons créer un outil similaire from skratch. Et c’est ainsi qu’est né le très libre Pligg qui n’a plus grand chose à envier à son modèle (pour s’en convaincre il suffit d’aller faire un tour sur fsdaily.com). Tout ça pour dire qu’on tient l’outil et merci pour eux 😉

Il est effectivement fondamental de bien tenir son outil… Autre chose, avez-vous déjà choisi le nom de baptême de votre projet ?

Non car nous sommes prudents voir superstitieux. Mais rien ne nous empêche de demander aussi les avis pour cela. On avait bien pensé à Frama.licio.us mais c’est un peu obscur pour le néophyte et puis c’est moins un del.icio.us-like qu’un digg-like que l’on souhaite créer.

Et puis, vu la teneur même du sujet, pourquoi ne pas sortir des noms en FramaTruc pour une fois ?!

Bonne chance en tout cas. Sur le papier cela semble aussi cohérent que pertinent.

Merci Céline… Puis-je, euh, à mon tour me risquer à vous poser une question ?

Mais bien sûr. Faites, je vous en prie.

Euh… comment dire… êtes-vous libre ce soir ?

Décidément vous aimez les extensions du domaine du libre vous ! Je suis libre de refuser vos avances inappropriées oui. Ne seriez-vous pas en train de vous égarer à nouveau ?

Je le crains… Rassurez-moi, vous couperez cela au montage ? Vous savez ma femme, tout ça…

Bien entendu. Vous pouvez compter sur moi ! Un dernier mot ?

Oui. Pour que la mayonnaise prenne et que la sagesse des foules ne nous entraîne pas au départ un peu partout c’est-à-dire un peu nulle part, il est important selon moi de ne pas lancer le site à vide.

Si il y a quelques lecteurs disponibles dont l’assentiment pour ce projet confine à l’enthousiasme, nous les invitons à se manifester pour constituer ensemble une petite équipe de premiers utilisateurs (aKa AT framasoft.net). Nous chercherons alors ensemble à mieux définir et cirsconscrire le champ de cette culture libre (en échangeant points de vue, liens et fils RSS préférés). A charge également pour l’équipe, et c’est très important pour ne pas louper l‘inauguration officielle (peut-être en septembre prochain ?), d’alimenter les premiers liens, tags, et catégories du site afin de faire tout de suite comprendre de quoi il s’agit à ceux qui découvriront le projet, puis voteront, puis proposeront à leur tour des news.

Monsieur aKa, malgré vos égarements bien français, je vous remercie.

Merci à vous, ce fut un plaisir. Bon retour à Outokumpu.




Firefox : bilan et perspectives – Entretien avec la présidente de la Mozilla Foundation Mitchell Baker

Mitchell Baker - by Will Pate - CC BY-NC

Le navigateur Firefox est certainement l’une des plus belles réussites en matière de logiciel libre. Nous avons voulu en savoir plus en traduisant l’une des rares (et denses) interviews accordée à APC Magazine par la présidente de la Mozilla Foundation Mitchell Baker dont on peut lire ceci sur le Standblog.

Mitchell est vraiment une femme extraordinaire. Elle est réservée, presque timide, ne cherche pas la reconnaissance du public. Par contre, elle a une éthique et une volonté incroyables. Il y a quelques années, le torchon brûlait entre Netscape et Mozilla.org. La direction de Netscape voulait plus de contrôle et a mis une pression phénoménale sur Mitchell pour qu’elle plie. Devant sa volonté de respecter l’esprit du projet et le travail des contributeurs externes, la direction de Netscape l’a licenciée avec pertes et fracas et a tenté de nommer la vice-présidente de Netscape à la tête de Mozilla.org. Mitchell ne s’est pas laissée faire. Ne pouvant rien faire contre le licenciement (aux Etats-Unis, la loi est clairement du coté de l’employeur), elle s’est accrochée à Mozilla.org et a continué son boulot de Chief Lizard Wrangler (Dompteuse de lézards en chef, son titre officiel) à titre bénévole pendant plusieurs années, jusqu’à monter la Mozilla Foundation. Combien d’entre nous auraient accepté d’être licencés pour ne pas avoir à faire quelque chose qui leur déplait ? Combien auraient continué bénévolement le travail une fois licencié, parce que c’était la chose à faire ? Cette obstination à vouloir faire faire marcher le projet Mozilla malgré les aléas a été un exemple pour beaucoup de contributeurs et n’est pas étranger au fait que Peter et moi ayons pris la décision de monter Mozilla Europe au moment de notre licenciement.

Mitchell est véritablement quelqu’un de bien, et le projet Mozilla a une chance inouïe d’avoir une personne pareille à sa tête.

Une traduction collective[1] de notre groupe de travail Framalang pour une relecture finale assurée par Tristan Nitot himself avec l’aimable autorisation d’APC Magazine[2].

APC Magazine - Future of Firefox

Mozilla CEO speaks out on future of Firefox

Le 7 mai 2007- Dan Warne – APC Magazine

Selon la présidente de la Fondation Mozilla, Mitchell Baker, Firefox n’est encore qu’au début de son cycle de vie. Dans cette interview en tête-à-tête avec APCMag.com, elle parle des origines et du futur de Firefox.

Comment 12 personnes ont fait Firefox 1.0

J’ai eu cette chance rare de parler en tête à tête avec la présidente de la Fondation Mozilla, Mitchell Baker, après son discours d’ouverture du CeBIT à Sydney. J’ai été très surpris de découvrir que si peu de personnes étaient impliquées dans la création de Firefox 1.0.

Dan Warne (APC) : Firefox connaît, à ce qu’il semble, un succès phénoménal, mais on a du mal à s’imaginer à quel point le projet était petit au début et quelle ampleur il a pris depuis.

Mitchell Baker : Oui, le projet Mozilla a commencé en 1998 et était à l’origine hébergé au sein de Netscape, une organisation virtuelle. Nous songions déjà depuis un certain temps à devenir une organisation indépendante, et en 2003, nous avons décidé qu’il était temps d’obtenir un financement initial, de nous donner les actifs et de nous baptiser Mozilla.

Mais à nos débuts, mêmes les machines de développement dont nous disposions étaient réduites à la portion congrue, puisqu’il n’existait pas encore de financement viable à l’époque.

La fondation a donc débuté avec dix ou onze employés et nous avons élargi nos rangs avec deux ou trois employés supplémentaires dans les 15 mois qui ont suivi. Quand nous avons sorti Firefox, donc, nous avions à tout casser 15 employés, c’était vraiment peu.

Dan Warne (APC) : C’est une équipe incroyablement réduite pour un produit si complexe.

Mitchell Baker : On était peut-être même 12. On n’était vraiment pas nombreux, à l’époque. C’a été le grand saut pour chacun de nous : nous espérions que quelque chose ressortirait de cette aventure.

Avant de lancer Firefox 1.0, nous étions assez convaincus de tenir quelque chose et que notre produit, tout comme le moment pour le sortir, étaient bons. Peut-être qu’à l’été 2004, déjà, voire en mai ou juin, nous savions d’après le niveau d’intérêt que suscitait notre technologie et le nombre de personnes l’utilisant que vous avions vu juste.

Mais nous étions à mille lieues d’imaginer ce qui s’est passé lors du lancement effectif de Firefox 1.0 et la façon dont il a décollé. C’était inattendu et imprévisible. A mon sens, c’est difficile de prédire un démarrage pareil. On aurait dit que d’un coup il sortait de nulle part, même si nous y travaillions depuis longtemps.

Une des questions qui nous a demandé le plus de réflexion lors de la conception de Firefox 1.0, ç’a été de trouver comment en faire un produit au maximum pensé pour l’utilisateur. Cela représentait un grand changement pour nous. Dès le départ, Firefox a été conçu pour votre grand-mère ou votre grand-père, une personne intelligente pas forcément à la pointe de la technologie. Comment s’y prendre pour que cette personne apprécie Internet ?

On a donc intégré cette notion au produit, mais alors qu’on entrait dans la dernière ligne droite, nous avons dû résoudre d’autres problèmes, comme par exemple l’apparence lors du premier démarrage. Je crois qu’aujourd’hui, Firefox est bien connu pour sa zone de recherche et sa page de démarrage toute simple, etc., mais ces caractéristiques sont le fruit d’une longue, d’une très longue discussion entre nous.

Dan Warne (APC) : Vraiment ? Ca paraît une telle évidence.

Mitchell Baker : Oui, parce que ç’a été l’une nos toutes premières décisions pour rendre le programme davantage orienté utilisateur, pas dans la conception du produit, mais dans sa présentation.

Nous avons très longuement discuté pour décider si la page d’accueil devait être un portail, tenter de déterminer les réelles attentes des utilisateurs, et savoir si nous devions conserver la page de Mozilla "aidez-nous à écrire le code, voici notre système de référencement de bugs", comme c’était le cas avant, etc.

Finalement, nous sommes parvenus à la conclusion que l’ancienne page d’accueil n’était pas adaptée, et que s’il existe un point commun entre tous les utilisateurs, c’est bien qu’ils effectuent des recherches. Les gens se servent du web pour des tas de trucs différents, mais les recherches, au moins, on savait que tout le monde en fait.

C’est ce qui a décidé notre choix de proposer la fonction de recherche sur la page d’accueil, et il se trouvait que Google était intéressé par un partenariat pour une page d’accueil commune. Voilà comment on en est arrivé à notre page d’accueil. C’a été à mes yeux une bonne décision, parce qu’en effet beaucoup l’apprécient, et que si l’on regarde les pages d’accueil personnalisées des uns et des autres, ont s’aperçoit qu’elles sont toutes très différentes et qu’à part la fonction recherche, c’est aujourd’hui encore difficile de leur trouver un point commun.

Nous avons aussi établi des accords avec les moteurs de recherche concernant les revenus générés par les recherches. Ainsi, alors que les parts de marché de Firefox décollaient – je crois qu’elles progressaient de 1% par mois durant les X premiers mois -, il s’est évidemment avéré que beaucoup plus de personnes que prévu l’utilisaient, et que la combinaison recherches, page d’accueil et outil de recherche a vraiment été un plus.

Grâce à cela, Firefox a attiré un nombre inattendu d’utilisateurs, lesquels effectuaient des recherches en plus grand nombre. Nos espoirs de trouver un modèle viable commençaient donc à se concrétiser, tout allait bien et cela nous rapportait plus d’argent que ce à quoi nous nous attendions au début.

Comment Firefox génère 55 millions de dollars par an

Vous êtes-vous déjà demandé comment Firefox est devenu un navigateur si complet sans disposer d’équipes de développeurs payées pour s’atteler aux tâches laborieuses ? La Fondation Mozilla, grâce à Firefox, génère chaque année des dizaines de millions de dollars, lesquels sont réinjectés dans le développement de projets. Qui est ce généreux donateur ? J’ai posé cette question à la présidente de Mozilla, Mitchell Baker.

Dan Warne (APC) : Je voulais vous interroger à propos de l’argent que vous gagnez grâce à l’outil de recherche de Firefox, car à peu près tout le monde sait que Google paye pour l’intégration de ses fonctionnalités de recherche au navigateur, mais personne ne connaît vraiment les sommes que verse Google.

Mitchell Baker : Je me dois d’apporter plusieurs précisions sur cette question : tout d’abord, Google ne sont pas les seuls. Concernant un des points sur lequel nous avons été pionniers, tout le monde pense aussitôt à Google parce qu’il s’agit du choix par défaut, l’outil de recherche et le moteur qui apparaît en page d’accueil, mais en fait, la véritable innovation ç’a été d’offrir un choix multiple à l’utilisateur.

Si l’on y regarde de plus près, on se rend compte qu’il y a Google, certes, mais aussi Yahoo juste à côté. Ce choix va peut-être de soi pour la plupart des gens, aujourd’hui, mais ça n’était pas le cas lorsque nous avons signé nos premiers accords. Google est l’outil de recherche par défaut, mais nous avons été intransigeants sur le fait que le choix devait être possible, que d’autres moteurs de recherche, qui d’après nous intéresseraient les utilisateurs, devaient être disponibles par défaut, et enfin que les utilisateurs devaient pouvoir ajouter ceux qu’ils voulaient.

Il est très facile d’ajouter un moteur de recherche. C’était un élément fondamental pour les libertés de choix des utilisateurs. Nous avons donc des accords avec des compagnies autres que Google. Nous sommes une organisation à but non lucratif, nos chiffres sont donc audités et rendus publics. L’exercice 2006 n’est pas encore terminé, aussi rien n’est-il encore public, mais les chiffres pour 2005 tournent autour de 55 millions de dollars.

Dan Warne (APC) : Mazette ! Ca fait est un sacré paquet d’argent. Avec 55 millions de dollars, vous avez de quoi accomplir quantité de choses !

Mitchell Baker : Oui, c’est une première pour un projet open source comme le nôtre, je pense. Bien sûr, ce revenu étant imposable la fondation n’en perçoit pas autant, mais c’était néanmoins inattendu et fort bienvenu. Grace à ces gains, nous avons la possibilité d’accomplir énormément de choses, ce qui est important puisque le navigateur est un outil des plus fondamentaux pour Internet.

Nous avons essayé de le faire avec presque rien et nous y sommes plutôt bien parvenus avec Firefox 1.0. Les réussites se sont multipliées et il nous aurait été difficile de poursuivre sur cette voie avec si peu d’argent. Ce partenariat a donc été une aubaine, car les utilisateurs l’apprécient, et qui plus est la fonction de recherche est utile, contrairement à d’autres la vente de boutons pour l’interface du navigateur : ça aurait pu rapporter de l’argent, mais ça n’a aucune utilité pour l’utilisateur.

Un jour, nous trouverons peut-être une nouvelle innovation que les utilisateurs apprécieront, ce qui serait certes formidable, mais en attendant il existe déjà mille façons de générer des revenus grâce à un navigateur.

Selon les stratégies commerciales conventionnelles, il faut absolument diversifier ses revenus, ce qui dans l’idéal serait une bonne chose, mais pas au détriment du produit.

Dan Warne (APC) : Beaucoup d’applications en ligne sont en effet allées trop loin par le passé et ont fini par agacer leurs utilisateurs à cause d’accessoires envahissants.

Mitchell Baker : C’est vrai… alors en fin de compte, ou devrais-je dire dès le début, on s’est retrouvés avec des tas gens qui adoraient Firefox – et parfois je me dis que c’est bizarre de parler de tous ces gens qui se passionnent pour un logiciel, qui débordent d’enthousiasme qui sont prêts à s’investir à fond pour permettre à d’autres de l’adopter, le construire et le créer. Mais le fait est, ça existe pour de bon (rires).

Nous avons donc vu notre base d’utilisateurs croître, nous avons vu l’enthousiasme et – encore un mot galvaudé – la "passion" liés à Firefox se développer au-delà du cercle restreint de notre communauté de développeurs pour toucher un nombre incroyable de gens – et ça, c’est un atout qui n’a pas de prix. Et puis il y a aussi ce sentiment de confiance que suscite Firefox – on se dit : "Oui, c’est un bon navigateur, meilleur que celui dont je me servais avant, mais en plus je lui fais confiance.

Mais c’est à mon sens l’aspect le plus fondamental de Firefox, à la fois grâce à l’immense qualité du produit et grâce à ceux qui savent que nous sommes une organisation œuvrant pour le bien commun, que nous n’essayons pas de maximiser nos profits et que nous ne tentons pas de générer des richesses énormes pour un nombre de personnes restreint. L’actif appartient au public.

Je pense que nombreux sont ceux qui ignorent la nature open source du projet et n’ont aucune idée de la façon dont il est développé, mais qui néanmoins ont le sentiment que le résultat final est à l’image de son mode de conception, que sa réalisation est fortement basée sur la communauté, très centrée sur l’utilisateur – d’une manière ou d’une autre, ça doit se ressentir.

Dan Warne (APC) : Il me semble que l’une des particularités les plus attrayantes de Firefox, c’est l’écosystème des modules complémentaires. Je trouve d’ailleurs assez amusant de voir Microsoft se donner un mal fou pour proposer une offre similaire, mais leur écosystème d’extensions regorge de "payez 30 dollars pour enregistrer ceci", "payez 50 dollars pour enregistrer cela" C’est une démarche très commerciale, et d’après moi, c’est bien la preuve qu’il est très difficile de reproduire une offre comme la vôtre à moins d’être open source soi-même.

Mitchell Baker : C’est exact. Tout d’abord, l’intérêt pour le bien commun en opposition à la richesse personnelle des actionnaires est quelque chose de très difficile à reproduire, car ce sont deux types d’organisations fondamentalement différentes, chacune régie par des contraintes légales qui les conduisent dans des directions opposées. Il est donc par définition impossible de calquer l’une sur l’autre.

Le cadre dans lequel nous opérons, en nous axant sur une action volontaire décentralisée, modérée par une discipline stricte et axée sur le contrôle qualité, est également très ardu à reproduire. Microsoft a certainement eu différentes sources partagées et quelques initiatives plus ou moins fondées sur la collaboration ou le partage, et tant mieux pour eux. C’est une avancée, certes, mais ça n’a aucune commune mesure avec une démarche qui repose sur la mise en partage des ressources accompagnée par une structure décisionnelle, et non commandée par une structure à hiérarchie classique et mue par des impératifs de profit.

Comment alors égaler notre capacité à enrichir Firefox, améliorer la qualité de notre technologie et à permettre à qui veut de résoudre d’éventuels problèmes en retouchant une partie du code de Firefox ? C’est loin d’être à la portée de tous.

Firefox bientôt dans votre portable

La plupart des fanas de technologie se demandent pourquoi les navigateurs des téléphones portables sont médiocres à ce point. La présidente de la Fondation Mozilla, Mitchell Baker, y a réfléchi aussi et s’est demandée comment l’on pourrait adapter Firefox aux plateformes mobiles.

Dan Warne (APC) : Je souhaitais aborder avec vous le sujet de l’adaptation de Firefox aux appareils mobiles, un domaine que Firefox n’a pas encore exploré, alors qu’Opera, et même Microsoft dans une certaine mesure, a réussi à s’y imposer. Allez-vous vous développer dans cette direction ?

Mitchell Baker : Oui, mais il s’agit d’un choix sur le long terme, ça ne se fera pas dans les prochaines semaines ni les prochains mois. La mission que s’est impartie la Fondation Mozilla, c’est d’améliorer l’expérience Internet, laquelle se fera de plus en plus sur des appareils autres que les PC. Si nous ne sommes pas présents dans ce secteur, nous ne serons pas à la hauteur de la philosophie que nous avons contribué à imposer.

C’est donc quelque chose qui devra se faire. Nous avons eu pour projet de nous pencher de plus près sur la question, mais nous avons choisi de nous intéresser d’abord à notre technologie et de la fignoler afin qu’elle soit le mieux adaptée pour cela. Nous y travaillons, mais cela demande du temps.

Nous cherchons aussi un moyen satisfaisant permettant de refléter toute la richesse du web sur un petit appareil avec les contraintes actuelles, mais nous n’avons pas encore la solution. Il n’existe pas de réponse évidente, car le web et ses fonctionnalités s’accroissent sans cesse. Nous y travaillons assidûment.

Nous procédons en ce moment à une expérience qui est clairement une expérience qui gravite autour du PC mais adaptée aux portables (ce n’est pas donc une stratégie purement mobile), mais nous menons des expériences axées sur les liens qu’entretiennent les utilisateurs de Firefox et leurs appareils mobiles. Nous savons que les gens apprécient Firefox pour ses modules complémentaires, la possibilité de le personnaliser et celle d’obtenir des informations précises grâce à Firefox et aux extensions.

Dans cette expérience en cours, que nous avons baptisée Joey, nous cherchons un moyen d’apporter aux utilisateurs les informations auxquelles ils aiment avoir accès sur leur appareil mobile. Certes il est déjà possible d’aller sur le web et d’envoyer des tas de trucs par SMS, mais quelles nouvelles fonctionnalités peut-on inventer ? Firefox offre déjà la possibilité de le personnaliser et de rassembler certains types d’informations, alors comment faire pour que Firefox permette à celui qui l’utilise de connaître une expérience plus riche avec son portable ?

Dan Warne (APC) : Envisagez-vous alors une sorte de service côté serveur qui aiderait à pré-formater le contenu pour les portables, etc. ?

Mitchell Baker : Il y a plusieurs pièces imbriquées – il y aura une partie logiciel côté serveur, une autre côté client. C’est un projet que nous allons lancer en laboratoire incessamment. Je pense que nous avons beaucoup à découvrir dans ce domaine, ce sera donc expérimental dans un premier temps, pas forcément au sein d’un projet de produit, mais une façon de commencer à récolter des infos puisque actuellement dans beaucoup de pays les utilisateurs d’appareils mobiles sont en contact avec un opérateur téléphonique et pas directement avec un vendeur de logiciel.

Donc, même si nous tenions un super produit pour faire ce que à quoi nous sommes les plus doués, c’est-à-dire toucher les Hommes, il n’existe aujourd’hui aucun moyen de l’implanter sur la plupart des appareils. Encore un point auquel nous nous attelons, et si rien ne change, peut-être que la possibilité d’obtenir différentes sortes d’informations prendrait son sens, mais rien n’est fait.

Opera est peut-être plus adapté que nous en tant que fournisseur des opérateurs car de par notre ADN nous nous concentrons sur les consommateurs et les individus. Ainsi, nous menons cette expérience tout en peaufinant notre technologie, et nous voyons ce que ça donne.

Dan Warne (APC) : Firefox a la réputation, je ne sais pas si c’est positif ou négatif, d’avoir un moteur de rendu complexe, et je pense que cela a beaucoup joué quand Apple a choisi le cœur du moteur de rendu KHTML utilisé dans le navigateur Konqueror de Linux. Ils ont déclaré à l’époque que s’ils avaient préféré KHTML à Gecko (le cœur du moteur de rendu de Firefox), c’était qu’il est très léger. Est-ce vrai que Firefox est intérieurement très lourd et pourrait se révéler difficile à faire entrer dans un appareil mobile ?

Mitchell Baker : Eh bien, tous sont difficiles à faire entrer dans un appareil mobile, alors mettons les choses au clair. Opera a fait du très bon boulot pour intégrer quelque chose d’utile dans un appareil mobile, mais leur outil est incomplet et ne possède pas les possibilités de Firefox. Adapter un outil complet à un appareil portable n’est pas une mince affaire, aussi ne peut-on comparer les deux.

Il faut cependant reconnaître, à mon sens, que WebKit d’Apple est pour l’instant plus facile à aborder que notre équivalent technologique.

Mais c’est en partie parce que notre équivalent technologique, Gecko, est accompagné de tout un ensemble d’autres outils qui permettent la création de nos communautés. Donc, pour les extensions, le langage de XUL et toute un tas d’autres choses, c’est notre technologie qui à la primauté.

Plus de fonctionnalités offrent plus de possibilités, mais un logiciel plus réduit a l’avantage d’être plus facile d’accès. Voilà pourquoi quand on envisage d’approcher un nouveau marché, nous savons que nous avons certains avantages, à mon sens inégalables. Elaborer une communauté comme la nôtre, c’est probablement impossible à faire (pour un concurrent propriétaire).

Malgré cela, nous devrions redoubler d’efforts et travailler plus intelligemment pour rendre notre code le plus facile d’accès possible, pour qu’il soit aisé de le développer et de mettre à profit (en tant que développeur) tous les avantages qu’offrent Firefox et la technologie Mozilla.

Des entreprises qui envisagent à nouveau d’adopter Firefox plutôt que de passer à IE7 ?

Avec les changements radicaux apportés par Microsoft, à la fois à l’interface utilisateur et au moteur de rendu d’IE7, un plus grand nombre d’entreprises envisagent à nouveau d’adopter Firefox, d’après Mitchell Baker, présidente de la Fondation Mozilla.

Dan Warne (APC) : Il se passe quelque chose avec l’adoption de IE7. Ce que nous voyons sur le site APC – dont on peut penser qu’il réunit presque exclusivement des adeptes de la première heure, férus de technologie et lecteurs enthousiastes – c’est que beaucoup utilisent encore IE6 au lieu d’IE7. Pensez-vous que Microsoft soit allé trop loin dans les changements avec IE7, ce qui a peut-être incité les utilisateurs à rester sous IE6 ? Et cette stratégie quelque peu malheureuse a-t-elle infléchi votre façon de voir les choses quant à la manière d’effectuer des changements dans Firefox ? Pensez-vous par exemple qu’il est nécessaire que chaque évolution se fasse plus en douceur ?

Mitchell Baker : D’abord, précisons un point ou deux : je ne suis certainement pas experte en ce qui concerne Microsoft. Je regarde IE de temps en temps, mais ce n’est pas un navigateur que j’aurais… très envie d’utiliser.

Dan Warne (APC) : (rires)

Mitchell Baker : Firefox a justement été conçu pour rendre très facile la migration à partir de IE, donc nous savons que nombreux sont ceux qui ne se rendent presque pas compte de la différence.

Des utilisateurs appartenant à de grandes entreprises m’ont confié qu’en voyant IE7, ils envisageaient de nouveau de basculer vers Firefox ou vers le support de Firefox, parce que le passage de IE6 à Firefox pourrait, dans leur cas, être plus facile que le passage de IE6 à IE7.

C’est donc un sujet de discussion intéressant. Je n’ai pas lancé d’études sophistiquées, mais quand on commence à entendre ce genre de propos, qu’on n’entendait pas tellement avant (on entendait seulement "oh non, je préfère ne rien changer.")

Mais les écueils commis par Microsoft ne nous éclairent en aucune façon sur notre plan produit. Nous sommes leaders depuis plusieurs années dans le domaine des navigateurs et de l’aide apportée aux utilisateurs pour comprendre Internet.

Pour répondre à la question de fond, nous portons un grand intérêt à un certain groupe d’utilisateurs, adeptes de la première heure et utilisateurs avancés, pour qui obtenir toujours plus de nouveautés est une exigence et une motivation, et qui se lassent très facilement. Nous avons là une importante fraction de la communauté Firefox, très vive et très active, pour qui l’innovation, les avancées et les nouvelles possibilités sont des exigences primordiales.

Dan Warne (APC) : Un des sujets qui nous tient à cœur, nous, les adeptes de la première heure, c’est le taux de pénétration de Firefox. Combien de personnes l’utilisent, aujourd’hui ?

Mitchell Baker : Au mieux, nous estimons notre socle d’utilisateurs est si situe entre 75 et 100 millions d’utilisateurs… c’est beaucoup ! Ces chiffres ne sont pas exacts car il y a des corrélations entre différentes données, mais si l’on prend 15 % du web mondial, qu’on regarde le nombre de personnes qui téléchargent des mises à jour de sécurité, et que l’on tente de corréler cela, c’est en gros ce qu’on obtient. Chaque méthode d’estimation nous donne à peu près les mêmes résultats.

Dan Warne (APC) : Alors, est-ce compliqué de faire plaisir à tout le monde ?

Mitchell Baker : La plupart de ces gens ne sont pas des utilisateurs avancés et n’apprécient pas d’avoir affaire à des changements permanents au sein d’un outil complexe. Nombreux sont ceux qui ne savent pas distinger Firefox et l’interface de Firefox du contenu dynamique provenant d’une page web.

L’aspect complexe et effrayant que peut représenter le Web pour certains nous pousse à nous concenter sur la façon de conduire notre projet de manière à continuer à leur donner accès aux richesses du web, qui est en mutation constante, à introduire les nouvelles idées exigées et générées par la communauté zélée de nos adeptes de la première heure, tout en continuant à offrir un produit que le consommateur ordinaire puisse utiliser.

Voilà le fil directeur de nos efforts, et c’est tout à fait différent des décisions que Microsoft peut prendre ou ne pas prendre.

Bien sûr, nous utilisons le système de modules complémentaires pour satisfaire beaucoup de ces besoins, et je pense donc que de plus en plus d’idées nouvelles apparaîtront sous forme d’extensions, que nous pourrons peut-être même développer ou promouvoir pour tester des projets expérimentaux tels que The Coop, afin de déterminer, avec l’aide des adeptes de la première heure ou des gens qui ont un intérêt pour un outil particulier, ce qui fonctionne à merveille, ce qui marche bien, et comment ne garder que le meilleur pour l’incorporer au noyau de Firefox, de façon que le consommateur ordinaire, de son côté, puisse y accéder sans être terrifié.

Pourquoi n’existe-t-il pas encore de bloqueur de pub intégré par défaut dans Firefox ?

Les utilisateurs les adorent, alors pourquoi Firefox n’a-t-il pas encore intégré des fonctionnalités de blocage de pub ? La présidente de la fondation Mozilla, Mitchell Baker, est circonspecte sur la raison de cette absence…

Dan Warne (APC) : A propos de modules complémentaires, je suis sûr que nombreux sont ceux qui souhaiteraient savoir pourquoi vous n’avez pas intégré un bloqueur de pub dans Firefox ?

Mitchell Baker : Je l’ignore. Il faudrait que je me renseigne, en fait !

Dan Warne (APC) : Ah oui ? J’avais pensé, en élaborant ma liste de questions, que c’était parce que le web survit plus ou moins grâce aux revenus générés par la pub et que vous ne vouliez pas vous mettre certains acteurs du web à dos. Mais je n’ai pas vraiment d’idée, ce qui explique pourquoi j’étais curieux.

Mitchell Baker : A vrai dire, je n’en sais trop rien. Peut-être parce qu’ils sont trop complexes techniquement, mais là encore, il faudrait que je pose la question.

Dan Warne (APC) : Pas de souci. Ca m’intriguait, parce qu’il existe des extensions appréciées qui remplissent cette fonction.

Mitchell Baker : C’est exact. Je suppose que certaines de ces extensions sont assez complexes d’utilisation. J’ai vu qu’elles demandaient quel élément on veut bloquer etc. Combien d’utilisateurs ordinaires seraient capables de s’en servir, je me le demande.

Dan Warne (APC) : Je pense que la plupart des gens se contentent de télécharger la liste automatique qui possède les réglages nécessaires et qui a été pré-définie par quelqu’un d’autre.

Mitchell Baker : Ce serait peut-être une solution pour en faire une meilleure extension, en effet. Il n’empêche que je ne puis vous répondre sans étudier plus avant la question.

Firefox 3.0 – "lock-in branding", ça veut dire quoi, au juste ?

L’arrivée de la version de Firefox 3.0, dont le nom de code est Gran Paradiso, parle d’une chose curieuse dans les notes de sortie de la version alpha : "ability to lock-in branding". (NdT : possibilité de verrouiller une marque) Est-ce que Firefox va devenir un panneau d’affichage sur votre PC, un peu comme IE4 ?

Dan Warne (APC) : Autre question à propos des exensions. Nous avons jeté un coup d’oeil aux notes de sortie de la version alpha, et l’un des détails que nous avons remarqué, c’est le support du rajout de marques dans Firefox, j’ai supposé que c’était, par exemple, pour que Dell puisse pré-installer Firefox sur leur PC et avoir un petit logo Dell dans Firefox ou quelque chose comme ça ? Je ne sais pas ce que ça veut dire exactement, mais j’espère que ça ne sera pas comme à l’époque d’IE4 quand Microsoft a permis de poser une marque sur c-h-a-q-u-e élément d’IE4 et vous vous retrouviez avec un navigateur dégoûtant avec des écritures géantes et des logos partout.

Mitchell Baker : (Rires) Non, non, rassurez-vous, c’est pour nous quelque chose d’inconcevable !

A propos de marque, les noms de code, comme vous le savez peut-être, sont des noms de parcs. Firefox 3.0 porte le nom de code Gran Paradiso, et il existe un parc Gran Paradiso. Récemment, quand nous cherchions les noms de codes, nous nous sommes rendus sur le site du parc Gran Paradiso, là, en bas de la page se trouvait un bouton "Téléchargez Firefox", je me suis écriée "Bingo ! C’est le nom de code qu’il nous faut !"

Dan Warne (APC) : Oh, c’est une coïncidence marrante, non ? Examinons les notes de Gran Paradiso alpha sur le web et voyons ce qu’elles disent. (Se tourne vers le chargé des relations publiques d’Edelman) Je peux utiliser votre portable deux secondes ?

Chargé des relations publiques : Bien sûr. (A Mitchell Baker) Je suis désolé mais… il n’y a pas Firefox sur ce portable.

Mitchell Baker : C’est donc à ce moment là que je sors en claquant la porte (rires).

Chargé des relations publiques : Je voulais l’installer moi-même, mais je n’ai pas l’accès requis.

Mitchell Baker : A cette machine ?

Chargé des relations publiques : Oui, malheureusement.

Mitchell Baker : Quel genre de machine est-ce ? Où est votre supérieur ? Il est venu plus tôt aujourd’hui… là, je vais me plaindre (rires).

Dan Warne (APC) : Ok, donc il y a marqué à propos de Gran Paradiso : "ability to lock in branding."

Mitchell Baker : D’accord… Ce qui est important, à mon avis, c’est de déterminer ce que signifie "branding" dans ce cas précis. On se sert parfois du terme "branding" pour désigner un ensemble d’éléments.

Par exemple, une compagnie de téléphone, T-Online, a distribué une version de Firefox en Allemagne dans laquelle la page d’accueil est celle de T-Online, il porte les deux marques. Le but, c’était qu’il soit simple pour T-Online de distribuer le navigateur avec leur page d’accueil.

Mais finalement, quand il faut faire une mise à jour, c’est extrêmement complexe, et s’assurer que lors lors d’une mise à jour la page d’accueil soit toujours celle de T-Online et pas celle par défaut pour notre version allemande, qui est celle de Google je crois, c’est très compliqué.

Je pense que "branding" englobe tout ce qui touche à ce genre de contraintes.

Dan Warne (APC) : Un peu comme le "branding" pour les téléphones portables, qui met tout sur le téléphone aux couleurs de l’opérateur ?

Mitchell Baker : Voilà, c’est ça. Ce n’est donc pas ce que vous craigniez.

Firefox va s’attaquer à Flash et Silverlight

Firefox 3.0 apporte un nouveau moteur de rendu graphique, nom de code : "Cairo" – un indice terriblement appétissant qui montrerait que Firefox pourrait s’avanturer sur le territoire d’Adobe Flash, avidement convoité par Microsoft ? Figurez-vous que la réponse est oui… La présidente de Mozilla, Mitchell Baker, m’affirme que les graphismes et le rendu vidéo font absolument partie de ses projets futurs pour Firefox.

Dan Warne (APC) : Autre chose que j’ai vu dans les notes de Gran Paradiso : quelques mentions au sujet du moteur de rendu Cairo. D’après ce que j’ai pu en lire, c’est un moteur de rendu de bonne qualité qui accélère les graphismes vectoriels évolutifs.

Mitchell Baker : Oui, les graphismes en 2D pour le moment.

Dan Warne (APC) : L’échéance est peut-être encore loin, mais je me demandais si vous alliez entrer en compétition avec Flash et Silverlight ?

Mitchell Baker : Les graphismes, c’est un domaine du web qui pourrait être amélioré, c’est évident, aussi nous concentrons-nous tous sur ce point. Nous nous concentrons dessus avec une technologie complètement ouverte, alors que Silverlight est complètement propriétaire, bien sûr, tout comme Flash, bien qu’Adobe prenne doucement la voie du libre.

Nons avons donc – je pense à Brendan et sa feuille de route – proposé à Adobe de montrer plus de signes d’ouverture auxquels afin que nous puissions participer au projet. Nous aimerions beaucoup que sorte une version libre de Flash, mais c’est à Adobe de prendre cette décision, pas à nous.

Comme nous nous intéressons tous aux graphismes et qu’en fin de compte, si Flash devait rester aussi propriétaire que la technologie Microsoft, il nous faudrait poursuivre nos efforts pour développer des graphismes de manière interopérable.

Mais il est clair qu’en ce qui concerne les graphismes, c’est Flash qui règne en maître.

Dan Warne (APC) : On se demande pourquoi Microsoft prend la peine de développer Silverlight pour entrer si tard dans la compétition.

Mitchell Baker : Certes, mais c’est un domaine crucial. Nous, nous faisons la même chose, et c’est à cause de Flash. Le fait qu’il s’agisse d’une technologie propriétaire, ça nous pose problème. Pourquoi est-ce si important, me direz-vous ? D’accord, ça n’est pas vivant – c’est sur le web, mais ça ne provient pas du web, on ne peut pas y faire de recherches, il ne profite pas de toutes les fonctionnalités du navigateur, on ne peut pas en prendre le contrôle, ça vit dans une petite boîte.

Ils s’efforcent sans doute de le faire sortir de sa boîte, mais pour vraiment l’intégrer au reste du web, certaines de ces capacités devraient être dans le client web, c’est-à-dire le navigateur. Nous nourrissons donc toujours des espoirs de ce côté-là, mais nous continuons malgré tout à développer nous-mêmes nos capacités graphiques.

Dan Warne (APC) : C’est super. Est-ce que cette technologie intégrerait des capacités pour la vidéo également ?

Mitchell Baker : Nous nous y intéressons, donc nous avons quelques pistes. L’une d’elles, c’est que le web basé sur le texte autour duquel les navigateurs se sont développés est en mutation, et le rôle de la vidéo ne va cesser de gagner en importance.

Dan Warne (APC) : On a vraiment assisté à une explosion durant les six à douze derniers mois, pas vrai ?

Mitchell Baker : Oui, une fois que les possibilités sont là, ça roule tout seul. Pour certaines d’entre elles, la question qui se pose, c’est que faut-il au navigateur pour être à la hauteur, tant au niveau des applications visibles par l’utilisateur qu’à celui la technologie interne.

Nous étudions donc ces deux aspects pour tenter de dégager une solution. On se rend compte que l’audio ne pose pas de problème particulier, mais que pour la vidéo, c’est beaucoup plus complexe.

Dan Warne (APC) : Ca ne m’étonne pas. Une combinaison sans fin de CODEC…

Mitchell Baker : Il faut se débrouiller. Parmi ces outils, certains sont brevetés, alors on n’a d’autre choix que de s’en accomoder. Nous nous penchons sur le problème, mais nous n’avons pas encore franchi tous les obstacles.

Dan Warne (APC) : Vous arrive-t-il souvent d’avoir une idée, de vouloir la concrétiser, mais de découvrir qu’un brevet a déjà été déposé pour une création similaire ?

Mitchell Baker : Et bien, c’est toujours le risque. Pour l’instant, nous n’avons pas trop été confrontés à ce genre de situation.

Microsoft et les développeurs de Firefox

Y a-t-il une nouvelle idylle entre Microsoft et les développeurs de Firefox ? Chez le Microsoft nouveau, soucieux des autres et partageur, on en a fait des caisses quand on a invité des développeurs de Firefox dans les laboratoires de compatibilité avec Vista, lors du développement du méga-OS. Nous avons demandé à la présidente de Mozilla, Mitchell Baker, comment ça s’était passé.

Dan Warne (APC) : Autre évènement intéressant qui s’est produit il y a quelque temps : l’invitation très publique qu’a faite Microsoft aux développeurs de Firefox pour visiter les laboratoires de compatibilité Vista. Je me souviens avoir demandé à Microsoft à l’époque s’ils pouvaient me donner plus de précisions à ce propos, et voilà en gros ce qu’on m’a répondu : "Nous avons envoyé une invitation à nos concurrents. Qu’ils l’accepter ou pas, à eux de voir, mais s’ils la déclinent, ce n’est pas notre problème." Avez-vous des commentaires à faire sur comment ça s’est passé ?

Mitchell Baker : Il faut reconnaître que Microsoft a fait un effort et que c’était bienvenu. Il y a beaucoup de domaines dans lesquels nous aimerions travailler avec eux, notamment la compatibilité avec Vista. Certes, il est probable qu’ils posent des conditions d’ordre légal, mais quoi qu’il en soit, ils ont reconduit cette proposition. Nous avons accepté et ils ont reçu l’équipe de Mozilla, ce qui je pense nous a été utile. Voilà qui mérite d’être souligné.

Microsoft a opéré son retour dans le monde des navigateurs, à présent, et doit à nouveau prêter attention au web. Nous les rencontrerons sûrement pour discuter de la définition des standards, et c’est certainement là que nous verrons si Microsoft cherchera encore à imposer sa propre technologie propriétaire aux dépens de technologies ouvertes et opérationnelles. Ça arrive souvent dans les réunions de définition des standards. C’est là qu’ils montreront leur vrai visage et nous serons sans doute vite fixés.

Dan Warne (APC) : C’est intéressant. Y a-t-il eu des problèmes entre Firefox et Vista ? Parce que j’ai installé Firefox sur toutes les bêtas de Vista, et je n’ai jamais rencontré de problème.

Mitchell Baker : Super ! Nous avons pas mal travaillé, j’essaie de me souvenir sur quoi… Je crois qu’il y a des différences lors de l’installation.

Dan Warne (APC) : C’est fort possible, vu tous les changements de permissions etc. qu’on trouve dans Vista.

Mitchell Baker : Oui. En fait, le produit de base fonctionnait à merveille , mais on a dû procéder à quelques ajustements et modifier le processus d’installation. Je crois qu’ensuite nous avons encore dû changer deux ou trois trucs. Ce n’était donc pas pour à l’occasion de la sortie de Firefox 2.0, mais pour assurer la compatibilité avec Vista. Néanmoins, je le répète, nous n’avons pas touché aux fonctionnalités de base, seulement à quelques pièces annexes.

La stratégie pour mettre Firefox sur plus d’ordinateurs

Mozilla ne possèdant pas autant de tentacules que la pieuvre géante Microsoft pour assurer la distribution de logiciels, c’est par le bouche à oreille que Firefox a gagné ses parts de marché. Mais que faire maintenant pour faire entrer Firefox dans davantage encore de foyers ? Nous avons posé la question à la présidente de Mozilla, Mitchel Baker.

Dan Warne (APC) : La dernière fois que nous nous sommes parlés, je vous avais demandé quelle était la stratégie de distribution de Firefox. C’était je crois était à peu près au moment de la sortie de Firefox 1.0, et voilà ce que vous m’aviez répondu : "Nous ne faisons pas de commerce, nous préférerions travailler avec les utilisateurs plutôt que les grosses entreprises, et espérons que les utilisateurs le choisiront d’eux-mêmes", ce qu’à l’évidence ils ont fait en masse.

Toutefois, pourriez-vous m’en dire plus à propos de votre stratégie de distribution ? J’aimerais aussi savoir si vous cherchez à conclure des accords avec les fabriquants de PC pour qu’ils pré-installent Firefox, par exemple ?

Surtout maintenant que Dell va pré-installer Ubuntu sur certains de ses ordinateurs… Cela signifie sans doute que Firefox sera sur chaque PC Dell équipé de Linux.

Mitchell Baker : C’est fort probable !

Dan Warne (APC) : Donc, penchons-nous sur l’un de vos principaux distributeurs : Google. Qu’ont-ils à y gagner ? comment distribuent-ils Firefox, et payent-ils pour de bon une commission de 1 dollar aux blogueurs chaque fois que quelqu’un télécharge Firefox à partir d’un lien placé sur leur blog ?

Mitchell Baker : Si vous voulez connaître la ligne officielle de Google, vous devriez vous adresser à eux directement. En tout cas, la réponse consiste sans doute en une variation sur le thème "Firefox, c’est bon pour l’humanité."

Dan Warne (APC) : J’imagine qu’une entreprise ayant autant de moyens et d’autonomie que Google peut se le permettre sans se soucier que les actionnaires leur reproche de jeter l’argent par les fenêtres.

Mitchell Baker : Oui, mais je ne suis pas sûre que ça revienne à jeter l’argent par les fenêtres, justement.

Dan Warne (APC) : Désolé, ça n’était pas un reproche. Ce que je voulais dire, c’est que souvent les actionnaires sont très critiques sur la manière dont est utilisé l’argent s’ils ne voient pas un retour à court terme pour une société.

Mitchell Baker : D’accord, mais il est aussi assez évident que la cible numéro un de Microsoft, c’est Google – ce dont ils ne se cachent pas. Difficile de dire qu’ils jettent l’argent par les fenêtres quand on pense aux batailles que Google mène. Là, il faut tenir compte de Microsoft dans l’équation.

Dan Warne (APC) : Et à propos des autres moyens de distributions… les pré-installations sur PC par exemple ?

Mitchell Baker : Nous avons essayé d’autres solutions pour la distribution et continuons à les explorer. Firefox a été inclus dans les lignes de productions de quelques PC, dont l’une se trouve en Europe, je crois, mais c’est encore récent et nous ne savons pas encore ce que cela va donner.

Être intégré à la distribution de PC serait intéressant, mais de manière générale nous réussissons très bien à assurer nous-même notre distribution – le bouche à oreille, le marketing ou tout nos atouts qui peuvent attirer les gens vers nous, voilà de loin ce qui est le plus efficace. Cela étant, nous n’écartons aucune possibilité.

Le personnage de cartoon de Mozilla Japon, "Foxkeh", et d’autres développements de Firefox dans la région Asie/Pacifique

Certains développeurs majeurs de Mozilla travaillent dans un petit bureau de développement en Nouvelle-Zélande. Ils sont responsables de la réalisation de fonctionnalités clés dans Firefox 3.0. De plus, Mozilla Japon a créé un renard encore plus mignon que Firefox… son personnage de style manga s’appelle Foxkeh.

Dan Warne (APC) : Maintenant que vous êtes implantés en Australie – dans la région Asie/Pacifique –, avez-vous lancé des initiatives au sein de l’APAN (Asia & Pacific Advanced Network), ou avez-vous des contacts intéressants avec des organisations de la région ?

Mitchell Baker : Depuis de nombreuses années, nous avons une communauté active au Japon, et ce groupe est centré sur la communauté, avec une très petite organisation, Mozilla Japon, qui est à but non lucratif. Dès que nous avons commencé a gagner de l’argent,nous avons commencé, il y a environ un an, à investir dans Mozilla Japon, ce qui nous a permis d’engager sept ou huit personnes, parmie elles quelques développeurs et quelques assistants, qui accomplissent un travail intéressant.

Par exemple, ils ont créé Foxkeh. C’est une petite mascotte imaginée par les gens de Mozilla Japon pour rendre Firefox accessible et promouvoir sa diffusion sur le marché.

Ils font, entre autres, de l’excellent travail sur les extensions et conçoivent la documentation en japonais.

Il y a quelques années, nous avons fait un premier pas très discret en Chine. C’était un petit projet qui marchait bien, hébergé par la Chinese Academy of Sciences, et ces derniers mois nous avons décidé que nous devrions nous engager davantage en Chine.

Nous avons embauché du monde pour nous aider. J’y étais il y a quelques mois, et il y a un groupe d’utilisateurs en Chine, peut-être un million, ce qui est minime pour une population comme la Chine. Mais c’est un noyau d’utilisateurs et de blogueurs intéressés et enthousiastes, et certains d’entre eux nous portent un grand intérêt.

Notre sentiment est donc le suivant : Lançons-nous, voyons qui est là et qui est déjà intéressé. Tâchons de savoir si avec plus d’investissement de notre part davantage d’internautes s’intéresseraient à nous. Voyons si la conception de l’Internet à laquelle nous travaillons rencontre un écho ici. Si c’est le cas et qu’il existe une communauté, alors tâchons de les aider.

Cela devrait être un de nos imprtantes expériences pour l’année à venir.

Dan Warne (APC) : Existe-t-il d’autres contributeurs en Australie ou dans cette région du monde ?

Mitchell Baker : Quelques-uns, oui. Depuis de nombreuses années, nous avons un contributeur exceptionnel, Robert O’Callaghan, qui est originaire de Nouvelle-Zélande et qui vit aux Etats-Unis – ou plutôt qui vivait aux Etats-unis – depuis longtemps et qui cherchait à tout prix un moyen de rentrer au pays.

Il est donc rentré en Nouvelle-Zélande et travaille pour nous — nous avons même créé un petit bureau en Nouvelle-Zélande.

Dan Warne (APC) : C’est vrai ?

Mitchell Baker : Oui, car lorsqu’on a un contributeur vraiment génial, qui est également bon pédagogue, qui veut jouer un rôle de mentor et peut attirer autour de lui quelques autres personnes brillantes, c’est pour nous une chance inestimable.

En fait, la démo des applications hors-ligne qu’on vous a montrée ce matin, et qui montrait l’application Web Zimbra fonctionnant sans connexion Internet, elle a été réalisée par notre bureau de Nouvelle-Zélande.

Dan Warne (APC) : Impressionnant ! Est-ce que vous réalisez également des projets en Australie ?

Mitchell Baker : Pas en ce moment. L’une de nos plus anciens collaborateurs est maître de conférences en Australie, à l’université du Queensland, et il est impliqué dans le projet depuis 2000. C’est un mathématicien, ou au moins un spécialiste dans un domaine pour lequel les équations mathématiques sont importantes.

Il existe un langage appelé MathML, et à cette époque, il a décidé que Firefox devait l’intégrer. Depuis lors, il a contribué au projet, et c’est grâce à lui que nous pouvons être crédibles dans ce domaine.

Dan Warne (APC) : Exact… je me suis toujours demandé pourquoi Mozilla gérait totalement les équations mathématiques.

Mitchell Baker : Tout cela, c’est grâce à Roger Sidje de l’université du Queensland. Au début, il a en bavé un bout de temps.

Dan Warne (APC) : Ah oui ?

Mitchell Baker : Eh bien, n’oubliez pas qu’on était en 2000 ; à l’époque, introduire le rendu d’éléments aussi complexes et différents à l’intérieur du moteur central de rendu, c’était très difficile.

Dan Warne (APC) : Ca revient presque à comme réécrire un moteur de rendu HTML complètement différent, car les équations mathématiques se présentent parfois sous une forme très complexe.

Mitchell Baker : C’est exact, et il a été actif depuis lors. Dès que nous avons commencé à gagner de l’argent, nous avons organisé une réunion Firefox des collaborateurs clés et des non-salariés du monde entier, et Roger nous a donc rendu visite plusieurs fois car il joue un rôle prépondérant chez nous.

La bataille concernant les distributions Linux utilisant la marque Firefox

La guerre des mots sur l’usage de la marque Firefox – nom et graphisme du logo – a suscité la controverse, certains commentateurs allant même jusqu’à dire que Firefox n’était pas réellement "libre". Mais d’après la présidente de Mozilla, il existe une explication plus rationnelle et il y a eu un malentendu.

Dan Warne (APC) : J’étais en Chine il y a peu de temps, et j’y ai rencontré les gens de Red Flag Linux qui travaillent avec Intel sur un nouveau système d’exploitation, appelé MIDINUX, pour appareils mobiles pour Internet.

Ils m’ont expliqué que Red Flag Linux était en fait la distribution Linux la plus utilisée à l’échelle mondiale – davantage même qu’Ubuntu – de par l’immensité de la population chinoise. Pourtant, j’ai découvert qu’il est quasi impossible de la télécharger, à cause de l’extrême lenteur des serveurs de téléchargement Red Flag et de leur manque de fiabilité – de plus, elle est uniquement disponible pour le moment en chinois et en espagnol, ce qui à mon avis limite son intérêt pour le reste du monde.

Quoi qu’il en soit, les gens de Red Flag m’ont donné des CD d’installation et nous les avons distribué sur le disque vendu avec APC. Nous l’avons installé pour l’essayer – Firefox y est intégré, et son icône est remarquablement similaire à l’icône Internet Explorer. (Rires).

Mitchell Baker : Tiens, c’est curieux…

Dan Warne (APC) : Et le lecteur multimédia open source a aussi l’icône de Windows Media Player !

Mitchell Baker : Eh bien, il faut vraiment que nous y jetions un coup d’œil, c’est vraiment… intéressant.

Dan Warne (APC) : C’est étrange parce qu’ils ont fait en sorte que le système d’exploitation entier ressemble à Windows XP – c’est comme s’ils avaient pris toutes les icônes et les trucs de Microsoft, et les avaient appliqués à un logiciel open source.

Mitchell Baker : Le logiciel open source et Windows XP, c’est pourtant le jour et la nuit.

Dan Warne (APC) : Tout à fait ! Mais évidemment, ils avaient l’impression que les gens étaient plus à l’aise avec Windows XP, alors ils l’ont fait ressembler à l’OS de Microsoft. C’était très bizarre.

Mitchell Baker : En effet.

Dan Warne (APC) : Sur ce sujet particulier, il y a eu une controverse importante au sujet de l’utilisation de la marque Firefox dans les différentes distributions Linux. De quoi s’agit-il ?

Mitchell Baker : Certaines des distributions Linux distribuent le code Firefox, mais pas le produit Firefox – pas la marque Firefox, par exemple. Certaines des distributions Linux sont très à cheval sur la loi concernant les marques, et donc elles fournissent le navigateur sous une autre marque qui permet à leurs groupes de travailler dans un cadre au sein duquel ils se sentent à l’aise.

Dan Warne (APC) : En tant que présidente de Mozilla, pensez-vous que cela soit nécessaire ? Est-ce que Mozilla entamerait des actions légales contre un système d’exploitation Linux utilisant la marque Firefox ?

Mitchell Baker : Ce n’est pas le fait qu’il intègre Firefox qui nous pose problème, mais plutôt si un groupe de logiciel libre réalise des changements significatifs du code et le distribue en tant que Firefox. Ce serait problématique, et c’est parfois une divergence de point de vue qui nous oppose à certains distributeurs Linux. C’est un problème assez complexe, mais au bout du compte, ce qui nous importe, c’est que lorsque que quelqu’un distribue Firefox, nous voulons savoir exactement de quelle version il s’agit, et être sûrs que tous les patchs de sécurité soient appliqués à cette version.

Voilà ce qui nous intéresse. S’ils tout le monde se contentait de distribuer un Firefox sans modification, nous laisserions faire, mais les distributions Linux distribuent bien évidemment le produit. C’est donc à ce moment-là que nous avons établi certaines règles : vous pouvez fournir les programmes que vous voulez, mais si ce n’est pas notre programme, alors appelez-le autrement.

Dan Warne (APC) : Ce qui est plus que juste.

Mitchell Baker : Eh bien, oui, mais ç’a été source de conflits.

Dan Warne (APC) : Je dois avouer que je n’avais jamais entendu une explication aussi claire sur le problème. Je pensais qu’il s’agissait d’une sorte de guerre de territoire typique de l’industrie technologique – de petits produits open source se transforment en gros succès et commencent à agir selon une logique plus commerciale.

Mitchell Baker : Oh non, pas du tout. Nous tenons à distribuer notre produit sous notre marque, c’est tout. Nous avons cependant une clause spéciale qui autorise des distributions à apporter des modifications à Firefox sans pour autant devoir changer son nom, car certaines modifications sont nécessaires pour pouvoir installer notre navigateur sur certaines distributions Linux.

Donc, nous acceptons même de pour distribuer "Firefox" quand le code n’est pas à 100% conforme au nôtre, mais à condition que nous ayons convenu d’un accord et que nous connaissions la nature des modifications.

Mais lorsqu’il y a des différences dans les fonctionnalités, on finit par rencontrer des problèmes lors des mises à jour, par exemple. Il y a longtemps, nous nous sommes rendu compte que certaines distributions fournissaient des versions différentes de Firefox, dont certaines fondamentalement différentes, aussi ne pouvions-nous pas assurer le fonctionneraient correct des mises à jour. Voilà ce qui nous tenait à cœur, donc.

Le travail de Mozilla sur le Web 3.0 : les applications web qui fonctionnent aussi hors-ligne

Si vous êtes fanas de technologie, vous aurez déjà essayé bon nombre d’applications web… Gmail, Google Spreadsheets, Zimbra… Michael Arrington de TechCrunch en a fait un fond de commerce en les testant. Mais les visions de nirvana du Web 2.0 s’effondrent quand vous vous trouvez sans connexion à un réseau. Tout d’un coup vous vous retrouvez avec votre bon vieux Microsoft Office. La présidente de la Fondation Mozilla Mitchell Baker dit que faire fonctionner les applications web hors-ligne est une priorité pour Firefox et les versions actuelles intègrent déjà une partie de ces fonctionnalités !

Dan Warne (APC) : Votre discours d’ouverture au CeBIT, le 1er mai, traitait du fonctionnement d’applications web hors-ligne, sans connexion internet. C’est extrêmement intéressant parce que tout le monde attend l’arrivée d’un sauveur qui remplacerait Microsoft Office. Mais pour le moment, tous ceux qui ont utilisé une de ces nouvelles suites bureautiques en ligne sont conscient qu’on ne peut pas les utiliser à bord d’un avion, ou depuis tout autre lieu dépourvu de connexion Internet.

Mitchell Baker : C’est vrai. L’idée principale, c’est que nous investissons beaucoup dans le web lui-même en tant plateforme. Mais quelles sont les capacités du web, et sont-elles suffisamment solides pour offir des alternatives viables aux technologies propriétaires comme Silverlight, par exemple ?

Et sont-elles aussi assez robustes pour rendre le web attractif en comparaison des applications de bureau, parce que c’est la plateforme qui nous intéresse.

Ainsi, les applications hors-ligne sont capables de fonctionner hors-ligne un certain temps – c’est un des atouts qui devrait aller de l’avant la plateforme web. Nous avons déjà accompli une bonne partie du travail, et donc , tout le code de base ou presque – les bases de données et le stockage sont nécessaires pour le support des applications web hors-ligne – est déjà présent dans les versions actuelles de Firefox.

Ces fonctionnalités sont présentes depuis Firefox 2, mais les gens l’ignorent et ne s’en servent pas. Nous nous sommes dit que nous devrions faire une démonstration pour que les gens voient de quoi il s’agit. Nous sommes à présent assez au point et disposons d’assez de ressources pour pouvoir le faire. Notre équipe néo-zélandaise qui y travaille sont impressionants.

Mal nous a donc paru le choix idéal pour procéder à cette démo, et il a donc travaillé avec Zimbra, sur quoi il avait bien sûr déjà travaillé en tant que développeur open source. Il nous a livré une très jolie démonstration des capacités de cette technologie.

Ensuite, on a travaillé sur notre site Mozilla Developer Center (developer.mozilla.org) pour expliquer de quoi il s’agit est et fournir de l’aide. Ainsi vous pouvez trouver des infos sur les applications hors-ligne – ce dont nous sommes assez fiers. Nous proposons pas mal de documentation de qualité . Un échantillon de code devrait s’y trouver, mais je ne suis pas sûre qu’il y soit déjà.

L’idée, c’est que toutes les fonctionnalités pour les applications hors-ligne soient disponibles pour la sortie de Firefox 3, et que les sites Web offrent rapidement des applications tirant parti du fonctionnement déconnecté, de sorte que les utilisateurs réalisent l’immense intérêt de la chose.

Dan Warne (APC) : Très intéressant. Et donc la dernière question… combien de temps avant Firefox 3 ?

Mitchell Baker : (Rires) Notre objectif, c’est de le sortir pour la fin de l’année mais nous ne le saurons pas avant les bêtas. C’est quand nous aurons réalisé une certaine quantité de tests que nous pourrons donner une meilleure estimation de la date de sortie.

Nous avons besoin d’entre 50 et 100 000 utilisateurs, donc peut-être 70 000 personnes, pour vraiment avoir une idée d’où nous en sommes. C’est dans ces cas-là que nous trouvons que les tests open sources sont un avantage phénoménal. Quand nous en sommes aux bêtas et que nous atteignons ce nombre grâce au web, nous pouvons tester notre produit dans des conditions réelles sur une très vaste échelle. Même si vous automatisez des tests, vous ne pouvez pas automatiser à une telle échelle.

Donc quand vous atteignez ce nombre de personnes vous recevez beaucoup d’informations qui vous en disent bien plus que tout ce que vous pensiez auparavant. Donc c’est quand nous pouvons commencer à évaluer le nombre de bêtas seront nécessaires (inaudible).

Dan Warne (APC) : Je serai l’un d’entre eux. Merci beaucoup pour avoir partagé vos pensées aussi généreusement.

Notes

[1] Merci à Daria, Don Rico, HL, Olivier, Penguin et Yostral pour cette traduction d’envergure réalisée en un temps record dans la joie et la bonne humeur.

[2] Crédit photo : Will Pate sous licence Creative Commons BY-NC. La ressemblance entre le logo Firefox et la coupe de cheveux de Mitchell Baker ne serait que purement fortuite !




Licence Art Libre 1.3 – Entretien avec Antoine Moreau

« L’approche de Copyleft Attitude avec la Licence Art Libre est de ne pas donner le choix entre plusieurs licences. Nous avons décidé, dès le départ, de faire le choix du Libre, plutôt que d’avoir le libre choix.»[1]

Expo des LogoLefts - Licence Art Libre

Viva la un point trois !

Plus de trois ans après la 1.2, sortie officielle hier de la nouvelle version de notre licence copyleft préférée : la licence Art Libre millésime 1.3 (lien vers l’ancienne version pour comparaison).[2].

Nous avons voulu en savoir plus sur la génèse collective de cette nouvelle mouture en posant quelques questions à son pygmalion Antoine Moreau[3].

Outre Antoine Moreau, ont participé à sa rédaction Isabelle Vodjdani, Mélanie Clément-Fontaine et tous les membres de la liste de diffusion copyleft_attitude, particulièrement Antoine Pitrou, Benjamin Jean, Jean-Pierre Depétris et Esteban Hache.

Souhaitons donc nous aussi un bel avenir et épanouissement à la licence Art Libre (ou LAL pour les intimes)[4], quitte à la voir disparaître un jour en beauté parce qu’on aura plus besoin d’une licence libre pour faire des oeuvres libres.

Entretien avec Antoine Moreau

Quels sont les changements majeurs par rapport aux version précédentes ?

Cela a été un vrai bon travail de groupe. Les complémentarités du noyau dur de Copyleft Attitude ont pu faire une LAL équilibrée et plus précise. La version 1.3 apporte les améliorations suivantes :

  • une rédaction plus sobre.
  • une terminologie plus explicite.
  • des précisions concernant les droits voisins.
  • des précisions concernant les responsabilités des auteurs.
  • des précisions concernant l’incorporation de l’oeuvre
  • les critères de compatibilités avec les autres licences libres.
  • une dimension internationale et une capacité d’interopérabilité.

Quels ont été les principaux points d’achoppements qui ont nécessité débats voire compromis ?

La rédaction du préambule a été difficile. Il y a eu discussions pour conserver ou non certaines tournures de phrases. Un compromis a été trouvé. Le préambule est moins imagé, moins poétique, moins politique, il est plus sobre.

Quid désormais de la compatibilité avec les autres licences "copyleft" comme la Creative Commons BY-SA ou la GNU GPL/FDL ?

Nous avons établi clairement et précisément les critères de compatibilité. Mais il faut que l’intention soit réciproque de la part des autres licences libres.

La compatibilité entre licences libres n’est le fait pas du seul domaine juridique, c’est une question "politique" entre parties (entre la LAL et la CC by-sa ; entre la LAL et la GNU GPL ou FDL). Nous avons déjà fait une démarche avec CC france dans ce sens et allons poursuivre pour réussir la possibilité d’une réelle compatibilité. Il fallait poser les conditions, la LAL 1.3 le dit maintenant très clairement.

Pourrais-tu préciser en quoi cette double clause "Les auteurs des originaux pourront, s’ils le souhaitent, vous autoriser à diffuser et/ou modifier l’original dans les mêmes conditions que les copies." se distingue des usages liés aux logiciels libres ?

C’est pour les créations non numériques. L’original pourra être diffusé/modifié alors qu’il ne peut être dupliqué à l’infini. C’est aussi une précaution par rapport au droit moral.

Par rapport à d’autres licences similaires on trouve un préambule et un mode d’emploi. Pourrais-tu nous expliquer le pourquoi et l’intention de leur présence ?

Dès le départ nous avons décidé d’écrire un préambule et un mode d’emploi dans la LAL. Le préambule est utile car il explicite les intentions philosophiques et culturelles de la LAL. Le mode d’emploi est utile aussi car il dit comment, pourquoi et quand utiliser la LAL. Notre souci a toujours été de rédiger une licence simple à lire et à comprendre et claire dans ses intentions et dans sa pratique.

Comment vois-tu l’avenir de la LAL ?

Je pense que l’avenir de la LAL c’est de disparaître en beauté. C’est à dire qu’on ait plus besoin d’une licence libre pour faire des oeuvres libres. Cela implique un changement du CPI et il se pourrait bien que la LAL (mais toutes licences libres qui ont déjà fait leurs preuves) influe dans ce sens.

En attendant, la LAL a de l’avenir, elle est devenue une licence de référence pour les contenus libres copyleft. La Free Sofware Foundation la recommande et de plus en plus d’oeuvres (et pas seulement d’auteurs français) sont sous LAL.

Annexe : Comparaison des préambules

Préambule de la nouvelle version 1.3

Avec la Licence Art Libre, l’autorisation est donnée de copier, de diffuser et de transformer librement les oeuvres dans le respect des droits de l’auteur.

Loin d’ignorer ces droits, la Licence Art Libre les reconnaît et les protège. Elle en reformule l’exercice en permettant à tout un chacun de faire un usage créatif des productions de l’esprit quels que soient leur genre et leur forme d’expression.

Si, en règle générale, l’application du droit d’auteur conduit à restreindre l’accès aux oeuvres de l’esprit, la Licence Art Libre, au contraire, le favorise. L’intention est d’autoriser l’utilisation des ressources d’une oeuvre ; créer de nouvelles conditions de création pour amplifier les possibilités de création. La Licence Art Libre permet d’avoir jouissance des oeuvres tout en reconnaissant les droits et les responsabilités de chacun.

Avec le développement du numérique, l’invention d’internet et des logiciels libres, les modalités de création ont évolué : les productions de l’esprit s’offrent naturellement à la circulation, à l’échange et aux transformations. Elles se prêtent favorablement à la réalisation d’oeuvres communes que chacun peut augmenter pour l’avantage de tous.

C’est la raison essentielle de la Licence Art Libre : promouvoir et protéger ces productions de l’esprit selon les principes du copyleft : liberté d’usage, de copie, de diffusion, de transformation et interdiction d’appropriation exclusive.

Préambule de l’ancienne version 1.2

Avec cette Licence Art Libre, l’autorisation est donnée de copier, de diffuser et de transformer librement les oeuvres dans le respect des droits de l’auteur.

Loin d’ignorer les droits de l’auteur, cette licence les reconnaît et les protège. Elle en reformule le principe en permettant au public de faire un usage créatif des oeuvres d’art.
Alors que l’usage fait du droit de la propriété littéraire et artistique conduit à restreindre l’accès du public à l’oeuvre, la Licence Art Libre a pour but de le favoriser.
L’intention est d’ouvrir l’accès et d’autoriser l’utilisation des ressources d’une oeuvre par le plus grand nombre. En avoir jouissance pour en multiplier les réjouissances, créer de nouvelles conditions de création pour amplifier les possibilités de création. Dans le respect des auteurs avec la reconnaissance et la défense de leur droit moral.

En effet, avec la venue du numérique, l’invention de l’internet et des logiciels libres, un nouveau mode de création et de production est apparu. Il est aussi l’amplification de ce qui a été expérimenté par nombre d’artistes contemporains.

Le savoir et la création sont des ressources qui doivent demeurer libres pour être encore véritablement du savoir et de la création. C’est à dire rester une recherche fondamentale qui ne soit pas directement liée à une application concrète. Créer c’est découvrir l’inconnu, c’est inventer le réel avant tout souci de réalisme.
Ainsi, l’objet de l’art n’est pas confondu avec l’objet d’art fini et défini comme tel.
C’est la raison essentielle de cette Licence Art Libre : promouvoir et protéger des pratiques artistiques libérées des seules règles de l’économie de marché.

Notes

[1] Citation d’Antoine Moreau extraite d’une intervention le 28 juillet 2005 sur la liste de diffusion Creative Commons France.

[2] L’illustration, sous licence Art Libre of course, est un détail miniaturisé de la page Expo des LogoLefts du site artlibre.org.

[3] D’Antoine Moreau, on pourra lire ou relire les deux articles publiés sur la Tribune Libre de Framasoft : Qu’est-ce que l’art libre ? et La création artistique ne vaut rien.

[4] Ce serait du reste vraiment une bonne idée que, tel Jamendo pour exemple, de sites appréciés comme Flickr (photo) ou Blip.tv (vidéo) proposent à leurs utilisateurs la licence Art Libre en plus des Creative Commons.