Le piège JavaScript par Richard Stallman

Wlappe - CC byVu le developpement croissant du cloud computing, il fallait bien que l’on se pose un jour quelques questions.

Le mois dernier Richard Stallman publiait un article autour des applications en ligne en général et du JavaScript en particulier, qui fit couler pas mal de bits dans la blogosphère.

Parce que des logiciels tels que Gmail ou Google Documents exportent non seulement nos données sur les serveurs qui hébergent les applications (ici les serveurs Google) mais exécutent au passage dans nos navigateurs du code qui ne donne pas, loin de là, les signes d’une totale liberté[1].

La débat est donc ouvert, avec en toile de fond la faible représentation actuelle des applications web véritablement libres.

Le piège JavaScript

The JavaScript Trap

Copyright © 2009 Richard Stallman – Licence Creative Commons By-Nd
(Traduction : Cédric Corazza – URL d’origine de la traduction)

Vous exécutez peut-être des programmes non-libres sur votre ordinateur chaque jour sans même vous en apercevoir — par l’intermédiaire de votre navigateur Web.

Dans la communauté du logiciel libre, l’idée que les programmes non-libres maltraitent leurs utilisateurs est familière. Certains d’entre-nous refusent totalement d’installer des logiciels propriétaires, et beaucoup d’autres considèrent que la non-liberté est une attaque contre le programme. Beaucoup d’utilisateurs sont conscients que ce problème s’applique aussi aux plugins que les navigateurs proposent d’installer, car ils peuvent être libres ou non-libres.

Mais les navigateurs exécutent d’autres programmes non-libres pour lesquels ils ne demandent pas votre avis — des programmes que contiennent des pages Web ou vers lesquels elles pointent. Ces programmes sont très souvent écrit en JavaScript, bien que d’autres langages puissent être utilisés.

JavaScript (dont le nom officiel est ECMAscript, mais peu de gens utilisent ce nom) était autrefois utilisé pour faire des effets frivoles, certes jolis mais non-essentiels à la navigation et aux fonctionnalités d’affichage. Il était acceptable de les considérer comme de pures extensions du langage de balises HTML, plutôt que comme de vrais logiciels ; ils ne représentaient pas un problème significatif.

Beaucoup de sites utilisent encore JavaScript de cette façon, mais certains l’utilisent pour des programmes conséquents réalisant des travaux importants. Par exemple, Google Docs télécharge sur votre machine un programme JavaScript qui pèse un demi megaoctet, dans une forme compactée que nous pourrions appeler Obscurscript car il n’y a aucun commentaire et très peu d’espaces, et les noms de méthode ne font qu’une lettre. Le code source d’un programme est la forme préférée pour le modifier ; le code compacté n’est pas du code source, et le vrai code source n’est pas disponible pour l’utilisateur.

Normalement, les navigateurs ne vous disent pas quand ils chargent des programmes JavaScript. La plupart des navigateurs ont un moyen de désactiver JavaScript totalement, mais aucun d’eux ne peut vérifier des programmes JavaScript qui ne sont pas triviaux et non-libres. Même si vous en êtes conscient, cela vous serait difficile d’identifier et bloquer ces programmes. Cependant, même au sein de la communauté du logiciel libre, la plupart des utilisateurs ne sont pas conscients de ce problème ; le silence des navigateurs tend à le dissimuler.

Il est possible de publier un programme JavaScript en tant que logiciel libre, en distribuant le code source sous une licence de logiciel libre. Mais même si le code source du programme est disponible, il n’existe pas de moyen facile d’exécuter votre version modifiée à la place de l’original. Les navigateurs libres actuels ne proposent pas de fonctionnalité permettant d’exécuter votre version modifiée à la place de celle délivrée par la page. L’effet est comparable à la Tivoisation bien que moins difficile à outrepasser.

JavaScript n’est pas le seul langage que les sites Web utilisent pour les programmes envoyés aux utilisateurs. Flash supporte la programmation par l’intermédiaire d’une variante étendue de JavaScript. Nous aurons besoin d’étudier le problème de Flash pour faire des recommandations appropriées. Silverlight semble créer un problème similaire à Flash, excepté qu’il est pire, car Microsoft l’utilise comme plateforme pour des codecs non-libres. Un remplacement libre de Silverlight ne ferait pas l’affaire pour le monde du libre, à moins qu’il ne propose des codecs de remplacement libres.

Les applets Java s’exécutent aussi dans le navigateur et soulèvent des problèmes similaires. En général, toute sorte d’applet système pose ce genre de problème. Avoir un environnement d’exécution libre pour une applet ne fait que repousser d’un cran le problème.

Un fort mouvement s’est développé qui appelle les sites Web à ne communiquer qu’avec des formats et des protocoles libres (certains disent « ouverts ») ; c’est-à-dire, dont la documentation est publiée et que chacun est libre de mettre en œuvre. Avec la présence de programmes dans les pages Web, ce critère est nécessaire mais pas suffisant. JavaScript lui-même, en tant que format, est libre et l’utilisation de JavaScript dans un site Web n’est pas nécessairement mauvaise. Cependant, comme nous l’avons vu plus tôt, ce n’est pas nécessairement bon. Quand le site transmet un programme à l’utilisateur, il n’est pas suffisant pour le programme d’être écrit dans un langage documenté et libre d’entraves ; ce programme doit être libre aussi. « Seule l’utilisation de programmes libres transmis aux utilisateurs » doit faire partie des critères satisfaisants pour un comportement correct des sites Web.

Le chargement et l’exécution silencieux de programmes non-libres est un des nombreux problèmes soulevés par les « applications Web ». Le terme « application Web » a été conçu pour ne pas tenir compte de la distinction fondamentale entre un logiciel délivré aux utilisateurs et un logiciel s’exécutant sur un serveur. Il peut faire référence à un programme client spécialisé qui s’exécute dans un navigateur ; il peut faire référence à un logiciel serveur spécialisé ; il peut faire référence à un programme client spécialisé qui travaille main dans la main avec un logiciel serveur spécialisé. Les côtés client et serveur soulèvent des problèmes éthiques différents, même s’ils sont si intimement intégrés que l’on pourrait dire qu’ils font partie d’un seul programme. Cet article ne traite que du problème logiciel côté client. Nous traiterons le problème du côté serveur séparément.

Pratiquement, comment pouvons-nous traiter le problème des programmes JavaScript non-libres dans les sites Web ? Voici un plan d’action.

D’abord, nous avons besoin d’un critère pratique pour les programmes JavaScript non-triviaux. Puisque « non-trivial » est une question d’interprétation, il s’agit de concevoir un critère simple qui donne de bons résultats, plutôt que de déterminer la réponse correcte.

Notre proposition est de considérer qu’un programme JavaScript est non-trivial s’il définit des méthodes et s’il charge un script externe ou s’il est chargé en tant que script externe, ou encore s’il fait une requête AJAX.

À la fin de cet article, nous proposons une convention par laquelle un programme JavaScript non-trivial dans une page Web, peut déclarer l’URL de l’emplacement de son code source ainsi que sa licence, en utilisant des commentaires stylés.

Enfin, nous avons besoin de modifier les navigateurs libres pour qu’ils supportent la liberté des utilisateurs de pages avec JavaScript. Tout d’abord, les navigateurs doivent être en mesure de prévenir les utilisateurs au sujet des programmes JavaScript non-libres plutôt que de les exécuter. Peut-être que NoScript pourrait être adapté pour faire cela.

Les utilisateurs de navigateur ont aussi besoin d’une fonctionnalité pratique pour indiquer le code JavaScript à utiliser à la place du JavaScript dans une page donnée. (Le code spécifié pourrait être un remplacement total, ou une version modifiée du programme JavaScript libre dans cette page). Greasemonkey est très proche d’arriver à réaliser cela, mais pas tout à fait, car il ne permet pas la modification du code JavaScript dans une page avant que le programme ne s’exécute. Utiliser un proxy local fonctionne, mais c’est trop peu pratique actuellement pour être une réelle solution. Nous avons besoin de construire une solution fiable et pratique, comme les changements dans les sites de partage. Le Projet GNU aimerait recommander les sites dédiés aux changements libres seulement.

Ces fonctionnalités permettront à un programme JavaScript inclus dans une page Web d’être réellement libre. JavaScript ne sera plus un obstacle particulier à notre liberté — pas plus que C et Java ne le sont maintenant. Nous serons capables de rejeter et même de remplacer les programmes JavaScript non-triviaux non-libres, tout comme nous avons rejeté et remplacé les paquetages non-libres pour les installations classiques. Notre campagne pour libérer le code JavaScript des sites Web peut alors commencer.

Merci à Matt Lee et John Resig pour leur aide pour la définition de notre proposition de critère.

Appendice : une convention pour publier des programmes JavaScript libres

Pour des références au code source correspondant, nous recommandons

 // @source: 

suivi de l’URL

Pour indiquer la licence du code JavaScript intégré dans la page, nous recommandons de mettre la notice de licence entre deux notes de cette forme :

 @licstart  The following is the entire license notice for the JavaScript code in this page. ... @licend  The above is the entire license notice for the JavaScript code in this page. Traduction : @licstart  Ce qui suit est la totalité de la notice de licence pour le code JavaScript de cette page. ... @licend  Ce qui précède est la totalité de la notice de licence pour le code JavaScript de cette page. 

Bien sûr, tout ceci doit être contenu dans un commentaire multiligne.

La GNU GPL, comme beaucoup de licences de logiciels libres, nécessite la distribution d’une copie de la licence avec les formes binaire et source du programme. Cependant, la GNU GPL est longue et l’inclure dans une page avec un programme JavaScript n’est pas pratique. Vous pouvez oublier ce prérequis, pour du code dont vous êtes le détenteur des droits d’auteur, avec une notice de licence comme ceci :

 Copyright (C) YYYY  Developer The JavaScript code in this page is free software: you can redistribute it and/or modify it under the terms of the GNU General Public License (GNU GPL) as published by the Free Software Foundation, either version 3 of the License, or (at your option) any later version.  The code is distributed WITHOUT ANY WARRANTY; without even the implied warranty of MERCHANTABILITY or FITNESS FOR A PARTICULAR PURPOSE.  See the GNU GPL for more details. As additional permission under GNU GPL version 3 section 7, you may distribute non-source (e.g., minimized or compacted) forms of that code without the copy of the GNU GPL normally required by section 4, provided you include this license notice and a URL through which recipients can access the Corresponding Source. Traduction : Copyright (C) YYYY  Développeur Le code JavaScript de cette page est un logiciel libre : vous pouvez le redistribuer et/ou le modifier selon les termes de la licence GNU General Public License (GNU GPL) telle que publiée par la Free Software Foundation, en version 3 de la licence, ou (à votre discrétion) toute version suivante. Le code est distribué SANS AUCUNE GARANTIE ; sans même la garantie implicite de MARCHANDABILITÉ ou d'ADÉQUATION À UN BUT PARTICULIER.  Consulter la GNU GPL pour plus de détails. En tant que permission supplémentaire selon les termes de la GNU GPL version 3 section 7, vous pouvez distribuer des formes « non-source  (par ex., minimisées ou compactées) de ce code sans la copie de la GNU GPL normalement requise par la section 4, attendu que vous incluez cette notice de licence et une URL par laquelle les destinataires peuvent accéder au code source correspondant. 

Notes

[1] Crédit photo : Wlappe (Creative Commons By)




Trop souvent placé sur le terrain idéologique et associatif…

Littledan77 - CC byOn attendait la dépêche AFP sur THE manifestation du moment, à savoir Solutions Linux, et elle vient de tomber sur mon téléscripteur.

Comme souvent avec l’agence, le premier paragraphe résume et annonce simultanément la couleur : « À contre-courant d’un secteur informatique qui fait grise mine, le logiciel libre avance ses pions à la faveur de la crise qui incite les entreprises à faire des économies et met ainsi au défi ce jeune marché de faire ses preuves ».

Qu’on y parle principalement business c’est somme toute logique pour un événement qui s’adresse avant tout au monde de l’entreprise. Mais que signifie exactement cette « mise au défi de faire ses preuves » ?

La réponse est peut-être dans la conclusion : « Trop souvent placé sur le terrain idéologique et associatif, le monde du logiciel libre doit, selon M. Poujol, se professionnaliser beaucoup plus pour réussir sa mue ».

Doit-on comprendre : quitter l’immaturité du « logiciel libre » pour adopter le plus sérieux et rassurant « Open Source » ?

Je ne connais pas ce M. Poujol mais j’y vois là comme une pointe de condescendance vis-à-vis d’un mouvement qui pourrait y perdre beaucoup si jamais ils réussissait effectivement cette mue[1].

Et vous ?

Notes

[1] Crédit photo : Littledan77 (Creative Commons By)




Recherche évangéliste du Libre désespérément

Eduardoizquierdo -  CC byUne traduction sans prétention qui pose la question des lacunes marketing, supposées ou avérées, du logiciel libre (ou plutôt de l’Open Source pour être plus précis car nous sommes aux US et il est avant tout question de business). Un marketing qui serait porté par des spécialistes que le monde informatique anglo-saxon a pris l’habitude d’appeler des « évangélistes ».

Dans le domaine qui nous préoccupe ici, les évangélistes dignes de ce nom (Stallman, Shuttleworth…) se feraient donc rares et ce serait du coup un handicap alors même que tout est en place pour que logiciel libre crève l’écran LCD[1].

Il est vrai que lorsque l’on observe chez nous le travail de communication d’un Tristan Nitot (sur son blog, en conférence, dans les médias…), on se dit qu’effectivement il est plus qu’utile à Mozilla et, indépendamment de la qualité intrinsèque des produits, cela a dû certainement avoir une influence sur le succès en France et en Europe du navigateur Firefox.

L’Open Source a-t-il besoin de meilleurs évangélistes ?

Does OpenSource Need Better Evangelists

Sam Dean – 20 février 2009 – OStatic
(Traduction Framalang : Aragog, Goofy et Olivier)

Les sociétés commerciales Open Source ont-elles besoin de meilleurs évangélistes ? Tout pousse à le croire. Par exemple, Savio Rodrigues note que dans le récent tour d’horizon des « entreprises les plus novatrices du monde » du magazine Fast Company, pas une seule entreprise Open Source n’est répertoriée. Sun Microsystems figurait sur la liste l’année dernière, mais cette année elle n’apparaît plus que parmi les exclues dans la rubrique « Les 33 sociétés, parmi les 50 bien classées par Fast Company l’an dernier, qui ne figurent plus sur la liste cette fois mais qu’il faut suivre ». Je ne pense pas qu’ici le problème soit lié à un manque d’innovation parmi les candidats Open Source dignes d’une liste comme celle de Fast Company ; c’est plutôt un problème d’évangélisation médiocre.

Le terme « évangéliste » a été largement utilisé pendant des années par d’éminents employés de Microsoft et Apple lorsque ces entreprises se développaient. Je me rappelle avoir pensé que ce mot est étroitement associé à des gens, dont certains sont des fanatiques, qui recherchent une large audience pour les messages religieux. Pourtant, c’est exactement la raison pour laquelle le surnom a été attribué aux gens tels que Guy Kawasaki pour Apple. Le titre était censé évoquer la ferveur, la foi envers la plate-forme, le besoin de transmettre le message à la foule. Et en parlant d’Apple, qui est l’alter ego Open Source de Steve Jobs ?

Dans un article datant de l’année dernière et intitulé « Les quatre choses dont Linux a besoin », Joe Brockmeier soutenait qu’une des quatre choses nécessaires était le « marketing unifié ». Il écrivait :

« Si vous prenez tous les budgets marketing de tous les fournisseurs de Linux, que vous doublez ce chiffre et que vous y ajoutez un zéro, peut-être commenceriez vous à vous approcher de la somme que Microsoft dépense en marketing pour Windows. Les agences de publicité de diverses industries l’ont bien compris — c’est une bonne idée de mettre en commun votre argent pour augmenter votre part de marché quand vous faites conjointement concurrence à une autre entreprise. »

C’est le genre d’effort de marketing unifié que les évangélistes futés pourraient facilement mener, pour Linux certes, mais aussi pour l’Open Source dans son ensemble. Si cela se fait si peu dans la communauté Open Source, c’est en partie parce qu’elle est trop « communautariste », ce qui la dessert. Je pense que la Fondation Linux est en train de faire quelques bonnes percées dans le processus d’unification, mais davantage d’efforts sont nécessaires pour un évangélisme de l’Open Source fort et unifié, et davantage d’argent aussi.

Dana Blankenhorn vient de faire un bon article qui montre que la communauté Open Source s’appuie plus sur des formules que sur les faits. Il montre du doigt les proclamations discutables formulées par Jonathan Schwartz de Sun sur JavaFX, présenté comme « la plate-forme de RIA (Rich Internet Application) dont la croissance est la plus rapide du marché. »

Pourquoi est-ce que Schwartz ne vante pas plutôt le succès fantastique qu’a rencontré récemment MySQL ? C’est aussi cela du bon évangélisme, la diffusion d’informations pertinentes avec force et conviction.

Voici une analyse récente du cloud computing, venant d’un groupe de réflexion de chercheurs de l’université de Californie, à Berkeley. Elle contient 25 pages de petits caractères sur l’état et l’avenir du cloud computing, mais ne mentionne qu’une seule fois l’Open Source, en passant. Voilà où nous en sommes, alors que les progrès de l’Open Source jouent aujourd’hui un rôle vital sur la scène du cloud computing.

Je trouve absurde que Hulu, qui propose du contenu vidéo en ligne (qui l’eut cru ?), soit numéro trois sur la liste des novateurs de Fast Company, alors que pas une seule société Open Source n’y apparait. Le problème n’est pas le manque d’innovation, mais plutôt un manque de bonne communication et un manque crucial d’évangélisme Open Source unifié.

Notes

[1] Crédit photo : Eduardoizquierdo (Creative Commons By)




Entretien avec Richard Stallman (crise, écologie, politiques européennes…)

D'Arcy Norman - CC byC’est un Richard Stallman qui a, comme d’habitude, laissé la langue de bois au vestiaire que nous retrouvons ici au cours d’un entretien rapporté par le magazine britannique eWeekEurope.

Le logiciel libre en toile de fond, il est notamment interrogé sur le Green computing (informatique écologique), les conséquences de la crise et les politiques toujours critiquables du Royaume-Uni et de l’Europe (surtout si l’on persiste à confondre « Open Source » et logiciel libre)[1].

Richard Stallman : Le logiciel libre est meilleur pour l’environnement

Richard Stallman: Free software costs the environment less

Andrew Donoghue – 18 mars 2009 – eWeek Europe
(Traduction Framalang : Olivier et Claude)

Le créateur de GNU affirme que les logiciels libres sont plus durables que les logiciels propriétaires et soutient que le Royaume-Uni et l’Europe ne voient pas le côté éthique des logiciels.

Le président de la Free Software Foundation, Richard Stallman, ne souffre pas les idiots. En fait il ne souffre pas grand chose, surtout quand c’est propriétaire.

Lors d’une conférence de presse qui s’est récemment déroulée à Budapest, à la suite d’un discours assez suivi sur les droits d’auteur, Stallman a prévenu ses hôtes hongrois de ne pas lui demander s’il désire quelque chose car cela ne ferait que l’ennuyer. On peut voir dans cette approche directe de l’arrogance ou simplement l’expression d’un esprit passionné, chacun son point de vue.

Stallman est un personnage passionné, pas de doute la dessus. Et pas seulement au sujet des logiciels libres – il rejette le terme Open Source qui d’après lui n’a rien à voir avec la liberté. Un rapide coup d’œil à son site Internet et vous verrez que l’homme à qui l’on doit le système d’exploitation GNU – qui a ouvert la route à Linux – est en mission contre tout ce qu’il trouve injuste ou qui restreint la liberté.

Stallman a bien en ligne de mire des problèmes divers comme le réchauffement climatique ou les cartes d’identité numériques, des problèmes qui attisent sa fougue au moins autant que son combat principal : les logiciels libres.

Au cours de la conférence de presse et de la session de Questions/Réponses faisant suite à son discours, Stallman a répondu aux questions de EWeek Europe UK, entre autres, pour donner son opinion sur l’informatique dite verte, l’impact de la crise et l’intérêt porté alors aux logiciels libres.

Qu’est-il arrivé à vos chaussures ?

Je les ai enlevées, j’ai rapidement chaud aux pieds.

La crise a-t-elle des conséquences sur l’intérêt porté aux logiciels libres ?

Je ne sais pas. Tout ce que je sais, c’est que beaucoup de gens continuent à rejoindre la FSF, nous dénombrons plus de membres maintenant qu’il y a un an. Les gens doivent renouveler leur inscription chaque année, donc on reçoit suffisamment de renouvèlement pour que notre base de membre grandisse. Nous ne sommes donc pas affectés. Mais qui suis-je pour l’affirmer.

Certains disent que la crise pousse les entreprises à adopter les logiciels Open Source ou « gratis » ?

Ce n’est pas la même chose. Les logiciels sont les mêmes, mais ce ne sont pas les mêmes idées. Donc…

Mais si vos idées se répandent pas d’autres moyens… c’est positif, non ?

Je ne vais pas dire non à plus d’utilisateurs, mais évidemment, si leur motivation première est l’économie d’un peu d’argent ils oublient l’essentiel, nous devons donc leur montrer qu’il y a plus important. Il ne faut pas oublier aussi que des programmeurs au chômage ce sont des programmeurs qui ont du temps pour écrire des programmes libres. Je ne sais pas encore si ça nous fera plus de bien que de mal. On verra.

Que pensez-vous de l’annonce récente, faite par le gouvernement du Royaume-Uni, d’ouvrir les appels d’offre pour les projets informatiques gouvernementaux aux solutions Open Source ?

Jusqu’à présent ils n’étaient ouverts qu’aux logiciels propriétaires, c’est donc une bonne chose, mais ce n’est toujours pas la bonne politique. Nous savons que le gouvernement britannique n’a aucun respect pour les droits de l’homme. On dirait que Tony « Blair(eau) » et le nouveau Gordon « Clown » donnent l’impression d’être en campagne pour complètement abolir les droits de l’Homme traditionnels. C’est maintenant un crime d’être suspecté au Royaume-Uni, ils peuvent littéralement inculper quelqu’un au motif qu’il est suspect.

Pensez-vous qu’on puisse vraiment qualifier un logiciel de « vert » et si oui, peut-on dire que les logiciels libres sont plus « verts » que les logiciels propriétaires ?

On ne peut pas faire de lien direct entre écologie et logiciels. Mais c’est vrai que Microsoft, en particulier, use de son pouvoir pour forcer les gens à acheter plus de matériel et à mettre au rebut leur vieux matériel, c’est la raison pour laquelle le US Green Party s’est joint à la Free Software Foundation pour condamner WIndows Vista.

De plus, les logiciels libres donnent aux utilisateurs le contrôle. Les logiciels propriétaires assujettissent les utilisateurs au contrôle des développeurs. Si le développeur est une entreprise avide, elle utilisera ce contrôle pour obtenir ce qu’elle veut de la part des utilisateurs, y compris des choses nuisibles ou désagréables. Je pense donc que votre empreinte écologique sera moindre avec des logiciels libres, mais ce n’est qu’une conséquence indirecte.

Pensez-vous que l’Union Européenne en fasse assez pour encourager l’utilisation des logiciels libres ?

Non, en fait l’Union Européenne ne veut pas parler de ce qui touche à la liberté. Ils ont mis en place un groupe pour étudier l’utilisation de « l’Open Source » mais j’ai lu aujourd’hui que ce groupe est infiltré par des organisations financées par Microsoft qui le sabote complètement. Que pouvez-vous espérer quand ils tournent la question de manière à ignorer les problèmes éthiques ? Cela fait des années que Microsoft fait semblant de participer à « l’Open Source », mais c’est bien parce que ce terme n’a aucune connotation éthique, contrairement aux logiciels libres, qu’il est facile pour Microsoft de développer quelques programmes qui se veulent Open Source et de dire « Vous voyez, nous sommes un développeur Open Source », comme ça ils sont invités dans ces commissions et ils peuvent freiner des quatres fers.

Alors que devrait faire l’Union Européenne ?

L’Union Européenne devrait reconnaître que les ordinateurs méritent d’être libérés et elle devrait arrêter d’adopter des directives qui rendent les gens moins libres.

Imaginiez-vous dans les années 70 que Windows, un système d’exploitation propriétaire, serait utilisé par plus de 90 pour cent des ordinateurs ?

Qui sait, je ne pensais pas à ça alors.

Qu’en pensez-vous maintenant ?

Je suis vraiment triste de voir qu’autant de gens utilisent des logiciels propriétaires, cela signifie que les développeurs ont hypnotisé les utilisateurs. Microsoft dispose d’un pouvoir que personne ne devrait jamais avoir. Apple aussi a le pouvoir sur ses utilisateurs.

Microsoft utilise une porte dérobée qui lui permet de modifier les logiciels quand ça lui chante. L’utilisateur n’a aucun contrôle, aucun moyen de se défendre. Windows n’est pas armé pour se protéger du pire auteur de logiciels malveillants, c’est à dire Microsoft. Apple a fait la même chose dans Mac OSX. Et non, GNU/Linux n’a pas de telle porte dérobée en général.

Vous décidez de la version du logiciel que vous voulez installer. Les utilisateurs de logiciels libres ont le contrôle. Si un utilisateur trouve une porte dérobée dans un logiciel libre, quelqu’un en publiera une version épurée et tout le monde l’adoptera. Les utilisateurs de Windows n’ont pas cette possibilité car ils n’ont aucun contrôle.

Notes

[1] Crédit photo : D’Arcy Norman (Creative Commons By)




La Free Software Foundation récompense les Creative Commons

John Sullivan - CC by-saAnd the winner is… Chaque année la Free Software Foundation (ou FSF) organise une petite cérémonie de prix pour récompenser un projet et une personnalité qui auront fait chacun dans leur domaine avancer « la cause ».

C’est ainsi que les années précédentes ont été primés des projets aussi prestigieux que Groklaw ou Wikipédia, et des personnalités qui font autorité comme Miguel De Icaza, Guido van Rossum, Alan Cox, Theo de Raadt ou encore Lawrence Lessig, l’inspirateur des… licences Creative Commons.

Et pour 2009, dans la catégorie personnalité de l’année… j’ai nommé… Wietse Venema (créateur de Postfix), et dans la catégorie projet de l’année… zut, l’enveloppe ne veut pas s’ouvrir… les Creative Commons, dont on salue l’influence sur cette culture libre en mouvement qui n’en pas fini d’essaimer.

Vous trouverez ci-dessous la traduction d’un extrait du communiqué de la FSF annonçant l’événement[1].

Wietse Venema et les Creative Commons lauréats des Free Software Awards de 2008

Wietse Venema and Creative Commons announced as winners of the annual free software awards

FSF – 24 mars 2009 – Boston, Massachusetts, USA
(Traduction Framalang : Don Rico)

La Free Software Foundation (FSF) a annoncé les résultats des Free Software Awards pour l’année 2008 à l’occasion de la conférence LibrePlanet, qui rassemble le monde GNU/Linux et s’est tenue les 21 et 22 mars au Harvard Science Center de Cambridge, Massachusetts.

Les Creative Commons ont été distingués dans la catégorie Projects of Social Benefit (NdT : Projet d’intérêt général), et Wietse Venema dans la catégorie Advancement of Free Software (NdT : Prix pour le développement du logiciel libre). La cérémonie était présentée par le fondateur et président de la FSF, Richard Stallman.

Chaque année, la FSF décerne le prix pour les Projets d’intérêt général à une initiative qui profite de façon intentionnelle et significative à la société dans son ensemble grâce au logiciel libre, ou par la mise en pratique des idées du mouvement du logiciel libre.

Depuis leur création en 2001, les Creative Commons ont permis la constitution d’un corpus sans cesse croissant de travaux scientifiques, pédagogiques et artistiques que chacun peut partager et utiliser comme base de travail. Les Creative Commons ont également contribué à alerter l’opinion sur les méfaits des régimes de copyright sans cesses plus restrictifs. Richard Stallman a remis le prix des Projets d’intérêt général à Mike Linksvayer, le vice-président des Creative Commons.

À cette occasion, ce dernier a déclaré : « C’est un immense honneur. Ce sont les Creative Commons qui devraient remettre un prix à la Free Software Foundation et à Richard Stallman, car sans eux les Creative Commons ne pourraient exister. »

En recevant cette récompense, les Creative Commons rejoignent au palmarès des FSF Awards Groklaw (2007), Sahana (2006), et Wikipédia (2005).

Notes

[1] Crédit photo : Matt Hins (Creative Commons By-Sa)




Ou toute autre version ultérieure de la licence…

Cambodia4kidsorg - CC byCe billet est un peu technique, au sens juridique du terme, mais la problématique abordée est loin d’être inintéressante (et n’étant pas des spécialistes comme Veni Vidi Libri, nous vous remercions par avance des précisions, compléments et corrections que vous apporterez dans les commentaires).

Il évoque les risques potentiels encourus par une création (logicielle, culturelle, etc.) à adopter une licence portant la mention « ou toute autre version ultérieure » (de la-dite licence). Dit autrement, il s’agit de la confiance que vous, auteurs ou utilisateurs, accordez à ceux qui rédigent la licence choisie, puisque vous vous engagez ainsi non seulement au moment présent mais également dans le futur, avec une licence susceptible d’être modifiée au cours du temps. Ce que vous créez ou utilisez aujourd’hui peut donc ne pas suivre exactement les mêmes règles demain.

Prenons l’exemple de la plus célèbre des licences de logiciels libres, la GNU General Public License (ou GNU GPL). Voici ce que l’on peut lire dans la traduction non officielle du paragraphe 9 de la version 2 datant de 1991 :

La Free Software Foundation se réserve le droit de publier périodiquement des mises à jour ou de nouvelles versions de la Licence. Rédigées dans le même esprit que la présente version, elles seront cependant susceptibles d’en modifier certains détails à mesure que de nouveaux problèmes se font jour.

Chaque version possède un numéro distinct. Si le Programme précise un numéro de version de cette Licence et « toute version ultérieure », vous avez le choix de suivre les termes et conditions de cette version ou de toute autre version plus récente publiée par la Free Software Foundation. Si le Programme ne spécifie aucun numéro de version, Vous pouvez alors choisir l’une quelconque des versions publiées par la Free Software Foundation.

Donc si vous placez votre logiciel sous GNU GPL sans préciser la version ou en version 2 avec la mention « ou toute version ultérieure », alors « vous avez le choix de suivre les termes et conditions de cette version ou de toute autre version plus récente publiée par la Free Software Foundation », version plus récente dont on nous assure, et c’est là que ça peut coincer, qu’elle sera « rédigée dans le même esprit ».

Or, justement, dans l’intervalle, la GNU GPL est passée en version 3 en 2007 (sa version actuelle). Extrait de la FAQ de cette nouvelle version, à la question Pourquoi les programmes doivent-ils se référer à « la version 3 de la GPL ou toute version ultérieure » ? :

De temps en temps, après quelques années, il nous arrive de modifier la GPL—quelquefois simplement pour éclaircir un point, quelquefois pour autoriser certaines utilisations alors qu’elles ne l’étaient pas auparavant, et quelquefois pour renforcer une exigence. (Les deux derniers changements datent de 2007 et 1991). L’utilisation de ce « pointeur indirect » dans chaque programme nous permet de changer les conditions de distribution de l’ensemble des logiciels GNU, lorsque nous modifions la GPL.

Si aucun programme ne contenait ce pointeur indirect, nous serions forcés de longuement discuter du changement avec de très nombreux détenteurs de copyright, ce qui serait virtuellement impossible. En pratique, la probabilité d’aboutir à un mode de distribution unifié pour les logiciels GNU serait nulle.

Supposez qu’un programme dise « Version 3 de la GPL ou toute version ultérieure » et qu’une nouvelle version de la GPL soit publiée. Si la nouvelle version de la GPL donne une permission supplémentaire, cette permission est immédiatement disponible pour tous les utilisateurs du programme. Mais, si la nouvelle version de la GPL comporte une exigence plus restrictive, cela ne limitera pas l’utilisation de la version courante du programme, car ce dernier peut toujours être utilisé sous GPL Version 3. Lorsqu’un programme dit « Version 3 de la GPL ou toute version ultérieure », les utilisateurs seront toujours autorisés à l’utiliser, et même à le modifier, selon les termes de la GPL Version 3—même après que d’autres versions de la GPL auront été rendues disponibles.

Si une exigence plus forte dans une nouvelle version de la GPL n’est pas obligatoire pour les logiciels existants, à quoi sert-elle ? Lorsque la version 4 de la GPL est disponible, les développeurs de la plupart des programmes sous GPL distribueront les versions suivantes de leur programme en spécifiant « Version 4 de la GPL ou toute version ultérieure ». Les utilisateurs devront se conformer aux clauses plus restrictives de la GPL Version 4, pour les versions suivantes de ce programme.

Les développeurs ne sont toutefois pas dans l’obligation d’agir ainsi ; ils peuvent continuer à autoriser l’utilisation de la version précédente de la GPL, si c’est leur souhait.

Le fait qu’une licence évolue n’est en rien critiquable puisque depuis 1991 il s’en est passé des choses dans le monde numérique (à commencer par l’avènement d’Internet). De plus cette nouvelle version a été le fruit d’un long processus de concertation publique (voir la lettre de Chris Frey plus bas), la FSF ayant le souci de donner confiance et ne pas donner l’impression qu’on lui signait un chèque en blanc pour les « versions ultérieures » de ses licences.

Il n’empêche que ces modifications « rédigées dans le même esprit » sont laissées à la libre appréciation de chacun. C’est ainsi que Linus Torvalds, conformément au dernier paragraphe de notre extrait ci-dessus, n’a toujours pas passé le noyau Linux en GPL v3 et préfère rester en GPL v2, au grand dam de la FSF.

Mais prenons désormais l’exemple d’une autre licence de la FSF, la GNU Free Documentation License (ou GNU FDL). À l’origine cette licence avait été pensée pour la documentation de logiciels libres mais elle a été adoptée, faute d’existence d’autres licences mieux adaptées à l’époque, par le poids lourd de la culture libre que constitue l’encyclopédie Wikipédia.

Or, depuis, une licence clairement mieux adaptée est apparue : la licence Creative Commons By-Sa[1]. Ces deux licences n’étant pas compatibles, que pouvait-on faire ? C’est justement la réponse à cette question que nous avons évoqué dans notre récent billet dédié : Wikipédia en route vers la licence Creative Commons By-Sa. Ce billet explique pourquoi et comment la FSF a accepté de modifier sa licence GNU FDL (version intermédiaire 1.3) pour que Wikipédia puisse légalement passer sous Creative Commons, passage justement rendu possible parce que la licence de Wikipédia est la GNU FDL sans mention de version (acceptant donc implicitement « toute version ultérieure » de la licence).

Le problème c’est que contrairement au passage de la GNU GPL de la version 2 à la version 3, il n’y a pas eu de concertation publique et de long processus de maturation transparent et « démocratique ». De plus les modifications apportées ont clairement été rédigées dans l’unique but de satisfaire la Wikimedia Foundation (et Creative Commons) puisqu’elles ne s’adressent qu’aux wikis crées avant novembre 2008 qui ont jusqu’en juin 2009 pour se décider à migrer. Une mise à jour « sur mesure » en quelque sorte.

Aussi nobles soient les intentions des uns et des autres, il y a tout de même ici un peu d’arbitraire et d’opacité aussi bien sur le fond que dans la forme. C’est ce que critique Chris Frey dans cette « lettre ouverte à Richard Stallman » que nous avons choisi de traduire et vous proposer ci-dessous, accompagnée par la réponse toute aussi ouverte de Richard Stallman.

Lettre ouverte à Richard Stallman

Open Letter to Richard Stallman

Chris Frey – 4 novembre 2008 – Advogato.org
(Traduction Framalang : Olivier, Siltaar et Don Rico)

Cher M. Stallman,

Je vous écris pour exprimer la déception que j’ai ressentie à l’égard de la Free Software Foundation par rapport à la publication récente de la version 1.3 de la GNU Free Documentation License .

Cette nouvelle version introduit à la section 11 une nouvelle clause qui, selon la FAQ, accorde aux wikis le droit de modifier la licence de certains contenus pour les faire passer de la licence GFDL 1.3 à la licence CC-BY-SA 3.0, pour les ajouts datant d’avant le 1er novembre 2008. Ils peuvent appliquer ce changement de licence jusqu’au 1er août 2009.

Cela constitue à mon sens une erreur morale importante et un abus de confiance. Même si cette nouvelle clause n’est pas dangereuse, elle n’en reste pas moins mauvaise.

Il y a de nombreuses années, j’ai lu des critiques visant les recommandations quant à l’application de la licence GNU GPL aux logiciels. On critiquait la formule « version 2 of the License, or (at your option) any later version » (NdT : version 2 de la licence, ou, selon votre choix, toute version ultérieure) avançant l’argument que cette formulation conférait trop de pouvoir à la FSF, et que cela revenait à signer un chèque en blanc permettant le détournement futur de l’œuvre licenciée.

Ces critiques ont à mes yeux perdu de leur sens après que j’ai été témoin de la transparence et de l’attention extrême portée à la rédaction de la nouvelle GPL version 3. Tous les commentaires furent enregistrés sur un site Web et débattus de manière tout à fait transparente. La rédaction a été longue et méticuleuse, réalisée en prenant en compte l’opinion des utilisateurs de la licence, et dans l’objectif de servir l’intérêt des logiciels libres. C’était magnifique.

Je commençais à comprendre les avantages d’une licence ouverte. J’avais compris les intentions de la FSF. Ils ne fléchissaient pas concernant les principes des logiciels libres, mais au contraire se montraient toujours plus fermes. Seule la FSF pouvant modifier la GPL, et étant donné le sérieux de sa méthode pour la mettre à jour, je me suis dit que je pouvais lui accorder ma confiance.

Hélas, ce changement apparemment précipité apporté à la GFDL vient tout gâcher. Cette modification va à l’encontre de la clause tacite selon laquelle c’est l’auteur qui choisit la licence pour son travail, mais elle introduit en outre un nouvel acteur. Non seulement la FSF peut changer les termes de la GFDL, mais voilà que la Creative Commons Corporation peut à présent modifier les termes qui régissent des travaux plus anciens auparavant placés sous GFDL.

Fort heureusement, cette situation ne durera que jusqu’au 1er août 2009. Mais les anciens wikis placés sous GFDL ont désormais une double licence.

Peut-être ai-je vécu coupé du monde légal, mais je n’ai pas non plus vu d’appel à contribution pour cette révision. Si je l’ai manqué, je regrette de n’avoir pu donner mon avis plus tôt. Si la période de discussion était plus courte, voire inexistante, c’est une faille dans le processus de mise à jour de la GFDL, et j’espère que la FSF y remédiera.

Concrètement, cette requalification de licence importe peu. Le cadre de ce qui peut être soumis à une requalification de licence est bien délimité, et ces deux licences ont en gros la même fonction. Certains auteurs ont peut-être préféré la GFDL à la licence CC-BY-SA pour des raisons spécifiques, l’une d’entre elles étant le fait que la licence doit être jointe à l’œuvre. Cette condition de la GFDL est à la fois une caractéristique et un défaut de conception. Mais ce choix, qui auparavant revenait à l’auteur, lui est à présent retiré.

Au final, les conséquences sont sûrement minimes. En effet, beaucoup voient en ce changement un grand pas en avant. Je pense que c’est simplement la réputation de la FSF qui s’en trouve affectée. Quel message cela adresse-t-il aux utilisateurs d’autres licences de la FSF ? Est-on sûr que la FSF ne permettra pas la modification des licences de nos œuvres au profit de licences non-FSF si l’on opte pour la clause « version ultérieure » ? Dans le passé je ne me serais même pas posé la question. À présent, j’ai un doute.

J’ai hâte de connaître votre sentiment à ce propos et, si vous le permettez, je publierai une copie conforme de votre réponse là où je publie cette lettre.

Je vous remercie de votre attention.

Cordialement,

Chris Frey

Réponse ouverte à Chris Frey à propos de la GFDL 1.3

An open response to Chris Frey regarding GFDL 1.3

Richard Stallman – 3 décembre 2008 – FSF.org
(Traduction Framalang : Olivier, Siltaar et Don Rico)

Cher M. Frey,

Votre lettre concernant les modifications récentes apportées à la GFDL, qui permettent aux administrateurs de certains wikis sous licences GFDL de modifier la licence de leur contenu sous licence Creative Commons BY-SA, soulève des questions cruciales vis-à-vis des modifications, de la manière dont elles ont été conduites et de leurs implications quant à la gestion par la FSF de nos licences à l’avenir.

De mon point de vue, et c’est aussi celui du conseil de la FSF, cette modification de la licence est totalement en accord avec nos valeurs, notre éthique et nos engagements, et c’est une nouvelle démonstration que la FSF mérite toujours votre confiance. Les licences comportant la clause « ou toute version ultérieure » nous permettent de donner de nouvelles permissions qui répondent aux besoins de la communauté et de contrer les nouvelles menaces qui pèsent contre la liberté des utilisateurs.

Cette option de changement de licence introduite par la GFDL 1.3 est complètement en accord avec l’esprit et les objectifs de la GFDL. Certains sites Web pourront ainsi passer de la GFDL à une autre licence libre, une autre licence qui diffère sous certains aspects mais qui est très proche globalement de la GFDL. Cette disposition permet à ces sites de rendre leur licence compatible avec de vastes collections de contenu sous licence libre avec lesquelles ils veulent coopérer.

L’impact de ce changement est limité car l’option de changement de licence ne s’applique qu’à un nombre de cas limité : les wikis, telle Wikipédia, qui ne font pas usage de certaines clauses particulières de la GFDL, comme les sections invariantes (NdT : contenu qui n’est modifiable que par l’auteur lui-même) et les textes de couverture, qui n’ont pas d’équivalent dans la licence CC-BY-SA.

Nous avons offert aux wikis une option à durée limitée dans le temps leur permettant de passer sous CC-BY-SA les contenus issus de la contribution du public. La fondation Wikimedia a initié un débat public quant à la décision à prendre : les participants de Wikipédia peuvent donner leur avis pour ou contre le changement. Nous n’avons joué aucun rôle dans cette décision, nous avons simplement donné à Wikipédia l’opportunité de la prendre.

Ce changement ne s’est pas fait dans la précipitation. La FSF s’est entretenue pendant plus d’un an avec la Wikimedia Foundation, Creative Commons et le Software Freedom Law Center pour planifier ce changement.

Ces discussions sont restées secrètes pour une raison que, je l’espère, vous approuverez : limiter l’applicabilité de cette option et éviter l’éventualité d’un changement de licence massif d’autres contenus placés sous licence GFDL. Cette option a été pensée uniquement pour les wikis bénéficiant d’une collaboration publique. Nous ne souhaitions pas que tout le monde puisse changer la licence des œuvres couvertes par la GFDL en les « blanchissant » au travers de Wikipédia ou d’autres sites similaires avant la date butoir.

Si un wiki exerce son option de changement de licence, cela implique qu’il accorde sa confiance aux Creative Commons plutôt qu’à la Free Software Foundation pour ce qui est des modifications futures de la licence. En théorie ,on pourrait y voir une source d’inquiétude, mais je pense que nous pouvons faire confiance à Creative Commons pour continuer sa mission à l’occasion des mises à jours de ses licences. Des millions d’utilisateurs font déjà confiance aux Creative Commons à ce sujet et je pense que nous pouvons faire de même.

Vous avez qualifié notre modification de licence de « trahison », mais si vous examinez ce que nous avons entrepris, vous verrez que nous sommes restés fidèles à nos principes.

Nous n’avons jamais affirmé que nous ne changerions pas nos licences, ou que nous ne ferions pas de modifications comme celle-ci. Nous nous sommes en revanche engagés à effectuer ces changements en respectant l’esprit de nos licences, et en garantissant les objectifs de ces licences. C’est ce que nous avons fait avec la GFDL 1.3 et, à plus grande échelle, avec la GPLv3, et c’est ce que nous continuerons à faire.

Vous avez entièrement raison d’attendre de la FSF une éthique irréprochable. J’espère que les modifications apportées à la licence GFDL vous convaincront que nous respectons cette éthique.

Cordialement,

Richard Stallman
Président de la Free Software Foundation

Notes

[1] Crédit photo : Cambodia4kidsorg (Creative Commons By)




En 2009 avec la Free Software Foundation

Angela7dreams - CC byCertains critiquent leur radicalité, d’autres les admirent pour cela. Quoi qu’il en soit, nous sommes de ceux qui pensent que la situation actuelle du logiciel libre doit beaucoup au travail de la Free Software Foundation et de son président Richard Stallman.

C’est pourquoi nous avons choisi de traduire et relayer leur récent appel à soutien dans un article qui en profite pour faire le point sur de nombreuses actions passées et à venir (DRM, Vista, formats OGG et ODF, brevets, matériels…) qui sont autant de témoignages du dynamisme et du volontarisme de la fondation[1].

La Grande offensive 2009 – Appel de la Free Software Foundation

The Big Push 2009 – Free Software Foundation Appeal

Peter T. Brown – 14 décembre 2008 – FSF.org
(Traduction Framalang : Don Rico et Olivier)

Chers partisans du Logiciel Libre,

Notre communauté a accompli d’immenses avancées en créant des outils qui favorisent la communication et la liberté, et qui influent en profondeur sur la vie de tout un chacun. Le logiciel libre est devenu un modèle démontrant que notre société peut avancer de façon collaborative et, parmi ceux qui défendent ces idéaux, les membres de notre communauté sont à la pointe de la lutte.

La revendication, la diplomatie et l’éducation représentent une composante essentielle du travail qu’effectue la Free Software Foundation pour la communauté, mais afin d’ouvrir la voie à une adoption plus large du logiciel libre, notre œuvre doit aussi dépasser les frontières de cette seule communauté. Nous parvenons à toucher un public plus large grâce à des campagnes d’envergure touchant aux questions éthiques associées à nos préoccupations, telles que Defective by Design, campagne visant à faire disparaître les DRM, qui a eu une grande portée sur la perception qu’a le public des verrous numériques appliqués à la musique, aux jeux, aux livres électroniques et aux vidéos. Par ailleurs, tandis qu’applications Internet et autres services en ligne gagnent en popularité et en commodité, nous œuvrons pour qu’on n’impose pas aux utilisateurs de l’outil informatique d’abandonner leur liberté afin d’en bénéficier. La publication de notre licence GNU Affero General Public Licence (AGPL) et les pourparlers que nous menons actuellement avec le groupe autonomo.us constituent des fondations solides pour aborder cette question et aider la communauté à développer davantage d’alternatives libres pour le bien de la société.

La communauté du logiciel libre doit aujourd’hui se pencher sur de nombreuses problématiques : votre employeur ou votre établissement scolaire exige-t-il de vous que vous utilisiez des logiciels Microsoft ? Exige-t-on de vous l’utilisation de formats propriétaires lors de vos échanges avec votre banque ou certaines administrations ? Forme-t-on vos enfants à l’utilisation de produits Microsoft ou Apple au lieu de leur apprendre à avoir le contrôle de leur ordinateur ?

En tant que défenseurs du logiciel libre, nous pouvons bousculer ce statu quo et contester l’argument fallacieux voulant qu’il soit plus commode d’utiliser les outils intrusifs des entreprises de logiciel propriétaire, car nos chances d’obtenir de grands changements n’ont jamais été meilleures :

La Free Software Foundation, dans le cadre de sa campagne End Software Patents (ESP) (NdT : Non aux brevets logiciels) a remis un dossier d’amicus curiae à la cour d’appel du Tribunal Fédéral des États-Unis (CAFC) lors de son audience en banc dans l’affaire Bilski, au terme de laquelle le jugement Bilski a battu en brèche, voire rendu techniquement nul, le jugement State Street qui en 1998 avait ouvert les vannes de la brevetabilité des logiciels et des idées commerciales. Les légions de brevets logiciels utilisés pour menacer les développeurs qui écrivent des logiciels destinés aux distributions GNU/Linux fonctionnant sur les ordinateurs personnels ont, en théorie, été balayées. Le jugement Bilski représente sans nul doute une percée capitale pour le logiciel libre et une victoire pour notre campagne, et grâce à ce jugement nous sommes en mesure de réduire les menaces auxquelles sont confrontées les institutions qui envisagent de passer au logiciel libre.

Des distributions 100% libres, telle la distribution gNewSense, soutenue par la FSF, sont désormais opérationnelles, ce qui semblait hors d’atteinte il y a quelques années à peine. Grâce au travail que nous avons accompli en 2008 auprès de SGI, on peut enfin bénéficier de l’accélération graphique 3D avec des logiciels libres et gNewSense.

Après la mise à jour de notre liste de projets prioritaires, il ressort que le nombre de logiciels propriétaires pour lesquels il n’existe pour l’instant pas de solution de remplacement libre et pour lesquels les utilisateurs estiment qu’on leur force la main se réduit. Une nouvelle preuve si elle était nécessaire que nous attaquons ce problème sur tous les fronts.

Des fabricants de matériel favorables au logiciel libre nous ont offert le premier smartphone sous logiciel libre, le Neo FreeRunner. Le projet OLPC, quant à lui, a débouché sur la création du premier ordinateur portable tournant sous logiciel libre, le XO, lequel a rapidement crée un marché pour les ultraportables à bas prix, marché sur lequel les contraintes économiques ont fait de GNU/Linux une solution incontournable. Depuis quelques mois, les administrateurs système de la FSF travaillent sur le prochain portable Lemote, machine adaptée aux logiciels libres qu’utilise Richard Stallman et qui, nous l’espérons, sera bientôt largement disponible dans le commerce. La possibilité d’acheter du matériel adapté au logiciel libre n’a jamais été aussi grande.

La FSF ne cesse de mener des campagnes pour promouvoir les formats et les standards libres et ouverts. Notre campagne en faveur des codecs audio et vidéo libres porte ses fruits, et le navigateur de Mozilla, Firefox, prendra bientôt nativement en charge le format Ogg, nous offrant ainsi une possibilité sans précédent de promouvoir les codecs libres. Notre action en association avec de nombreux partenaires en faveur du format OpenDocument (ODF) et contre l’OOXML de Microsoft a été couronnée de succès, de nombreux pays ayant adopté des politiques pro-ODF.

Nous avons fêté en 2008 le 25ème anniversaire du projet GNU, avec une vidéo du comédien britannique Stephen Fry qui a fait un tabac. Stephen Fry y fournit un rappel salutaire de notre conception alternative de la technologie, selon laquelle on ne troque pas sa liberté contre une certaine commodité mais on soutient au contraire le développement d’outils qui rendent la société meilleure. Plus d’un million de personnes ont visionné ce film, traduit en 32 langues.

Mises bout à bout, ces percées sont importantes car elles nous donnent l’occasion d’écarter les arguments de ceux qui avancent un soi-disant côté pratique pour promouvoir les outils intrusifs des sociétés à visées monopolistiques, et de soulever des questions vitales auprès de nos employeurs. Pourquoi utilisons-nous ce logiciel propriétaire qui nous rend dépendants de cette entreprise alors que nous pourrions utiliser des logiciels libres qui nous rendraient la maîtrise de nos outils ? Ces avancées nous permettent d’exiger des administrations qu’elles fonctionnent avec des outils ouverts. Pourquoi les administrations de mon pays me forcent-elles à acquérir le logiciel d’une entreprise commerciale alors qu’il existe des formats ouverts fonctionnant avec des logiciels libres ? Et pourquoi tel ou tel établissement scolaire accepte-t-il qu’une entreprise commerciale lui offre des logiciels propriétaires qui mettent des chaînes à l’éducation de mes enfants au lieu d’utiliser des logiciels libres qui leur donneraient la possibilité d’avoir la maîtrise de la technologie dont ils se servent pour apprendre ?

Soutenez dès à présent notre grande offensive pour porter ces questions au premier plan en 2009.
Devenez membre ou faites un don.

Cordialement,

Peter T. Brown
Directeur exécutif de la Free Software Foundation

Notes

[1] Crédit photo : Angela7dreams (Creative Commons By)




Vivre libre ou mourir, ou s’adapter pour survivre ?

Wili Hybrid - CC byQuand un petit malin demande à Richard Stallman ce qu’il pense de la piraterie, on peut s’attendre à une réponse bien sentie… et on aura raison ! Avec l’humour qu’on lui connaît, Stallman en profite pour dénoncer les licences restrictives, les pratiques intrusives des éditeurs de logiciels propriétaires (ou comme il se plaît à les appeler, "privateurs"), et l’amalgame entre partage et vol.

Mais la question, plus vaste, que pose cet article du Deccan Herald, est celle du rapport entre logiciel libre et logiciel propriétaire, et de l’opposition entre deux conceptions assez opposées. À l’avis tranché de Stallman (rejet pur et simple des logiciels propriétaires), s’oppose celui de Jimmy Wales, créateur de Wikipédia, selon qui l’un doit se nourrir de l’autre.[1]

Alors, refus de tout compromis ou adaptation pour la survie de l’espèce, tel est le sujet de réflexion que nous vous proposons avec cette traduction signée Framalang.

Darwinien ou marxiste ?

Darwinian or Marxist

L. Subramani – 17 décembre 2008 – Deccan Herald
(Traduction Framalang : Goofy, Don Rico et Olivier)

Que pensez-vous de la piraterie ? Richard Stallman, considéré comme le père du mouvement pour le logiciel libre, a donné à cette question une réponse amusante et qui donne à réfléchir. « La piraterie, » a déclaré Stallman lors d’une conférence à Bangalore au mois de décembre 2008, « c’est très mal, parce que c’est mal de s’attaquer à des bateaux en mer. »

Comme la personne qui l’interrogeait était tenace et précisait que la question portait sur la piraterie dans le sens de piratage de logiciels et de musique, Stallman a donné une réponse meilleure encore : « Les pirates ne s’attaquent jamais à des navires avec des logiciels et de la musique, mais avec des canons. »

D’après Stallman, le piratage est un des termes inventés pour attaquer la liberté et la « solidarité d’une communauté », et ce terme doit être rejeté. « Rompre un accord n’est pas correct, mais si un distributeur de logiciels assimile votre désir de partager ce que vous aimez avec vos amis à l’attaque d’un navire, cette idée mérite d’être dénoncée. » a-t-il déclaré, sous les applaudissements de l’assistance.

Sans nul doute, l’idée de logiciel « libre » invite à concevoir le développement et la distribution de logiciel du point de vue de l’utilisateur. La liberté d’utiliser le code, d’en étudier la source, de la modifier, de la partager, d’en distribuer des copies à d’autres, voilà qui s’adresse à l’utilisateur. Mais dans quelle mesure de telles libertés peuvent-elles être exigées dans une ère dominée par les marques déposées et les technologies « juteuses », voilà une question toujours en suspens après tous les arguments convaincants donnés çà et là.

En fait, Stallman lui-même n’a rien contre l’idée de faire du profit en vendant des logiciels, mais il veut que ceux qui développent et distribuent ces produits s’en tiennent rigoureusement à cet ensemble de « libertés ». Il est possible qu’il ait raison de prétendre que les gens sont tellement préoccupés d’acheter ce qui peut tourner sur leur machine qu’ils en oublient leurs droits. Mais on ne peut s’empêcher de se demander s’il est vraiment condamnable que des vendeurs de produits surveillent le système de leurs clients pour s’efforcer de mieux les satisfaire ou pour les empêcher de distribuer leur copie – ce qui est le seul moyen dont ils disposent pour s’assurer de la vente du logiciel.

Comme le fait remarquer Stallman lui-même, on ne se soucie que trop rarement des implications de la licence d’un logiciel. Jusqu’à une période assez récente, beaucoup ne se préoccupaient pas, lorsqu’ils revendaient leur vieux PC, de ce qu’ils risquaient en négligeant d’effacer toutes leurs données personnelles de disque dur. Les experts ont souvent signalé les dangers encourus en signant la « politique de confidentialité » des services en ligne sans la lire vraiment. Mais devrions-nous être « radicaux » dans notre réaction, comme le suggère Stallman, au point de rejeter les logiciels propriétaires et de nous abandonner corps et âme au logiciel libre ? La réponse est venue le même soir de Jimmy Wales, le fondateur de Wikipédia, la plus grande base de connaissance au monde. Wales a élaboré la meilleure application pratique des idées de Stallman en faisant de Wikipedia une plateforme ouverte pour créer, partager et modifier des contenus.

Bien que Wales admette être tout à fait « Stallmanien » dans ses convictions, il reconnaît être moins radical dans le développement d’un système d’accès au savoir en ligne qui comporte des contenus en plus de 200 langues, et rivalise avec de très puissantes institutions comme l’Encyclopædia Britannica.
« Le logiciel libre est une façon de concevoir la création et la distribution de contenu », déclare Wales. « Il existe souvent une tension entre les deux modèles (le libre et le propriétaire). Nous ne pouvons concevoir, par exemple, qu’un individu seul puisse créer un système de logiciels qui serait vendu des millions de dollars. C’est aussi absurde que de croire que de grands distributeurs vont créer des logiciels complètement Open Source. Donc d’une manière ou d’une autre ils doivent apprendre à co-exister. »

Et il existe des raisons de penser que les modèles du logiciel libre et celui du logiciel propriétaire peuvent co-exister. Il est difficile, par exemple, de rejeter l’argument de Stallman suivant lequel l’enseignement dispensé aux enfants à l’école devraient s’appuyer sur les logiciels libres de telle manière qu’ils ne soient pas excessivement dépendants d’un seul système propriétaire.
De la même façon qu’ils apprennent ce que sont les feuilles des plantes en les observant de près, ils peuvent apprendre le fonctionnement d’un logiciel en étudiant son code source, ce qui est possible avec un logiciel libre.

Mais il est aussi difficile de concevoir le développement de logiciels sans un modèle propriétaire. Une solution serait qu’une majorité d’utilisateurs insistent auprès des fabricants de logiciels pour qu’ils soient moins intrusifs. Stallman prétend que les entreprises commerciales devraient faire plus que protéger leurs propres intérêts.

« Les entreprises commerciales doivent fournir des produits utiles aux utilisateurs sans les tenir en otage au moyen de pratiques inacceptables », dit Stallman. « Aujourd’hui, les logiciels installent des programmes espions pour savoir ce que fait l’utilisateur, et les fabricants contraignent les usagers à créer du contenu avec leurs programmes, au lieu de leur vendre une copie de leur logiciel. De telles pratiques compromettent les droits de l’utilisateur, et nous devons insister auprès des fabricants pour qu’ils soient au contraire respectés. » À quel point les fabricants seront-ils réceptifs à ces propos, voilà ce que tout le monde se demande.

Notes

[1] Crédit photo : Wili Hybrid (Creative Commons By)