Khrys’presso du lundi 12 février 2024

Comme chaque lundi, un coup d’œil dans le rétroviseur pour découvrir les informations que vous avez peut-être ratées la semaine dernière.


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Spécial France

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  • Pourquoi il est grand temps de changer nos représentations des femmes scientifiques (theconversation.com)

    En France, alors que la parité était presque atteinte dans les séries S, la réforme des programmes de lycée en 2020, en supprimant les mathématiques dans le tronc commun, a annihilé des années d’efforts vers l’égalité. Le nombre de filles dans les sections de maths au lycée a chuté : 40 % seulement en spécialité mathématiques, 30 % en maths expertes. Soit une baisse de 28 % des effectifs féminins dans les sciences en terminale entre 2019 et 2021, et la spécialité « Numérique et sciences de l’informatique » est particulièrement abandonnée par les filles.

  • Macron wants more French babies – but his meddling fertility plan isn’t the answer (theguardian.com)

    Emmanuel Macron, has announced a plan for what he calls “demographic rearmament” including fertility testing for those aged 25. […] Such a utilitarian view of the birthrate not only puts an unhelpful burden on the shoulders of all French people of childbearing age, but is an offensive intrusion in to our intimate lives and personal choices. At 46, Macron himself has chosen not to be a father – why can’t he let everyone else make their own choices? […] It took Macron four years to finally allow women to access assisted reproductive technology, which LGBTQ+ campaigners had demanded ever since same-sex marriage was legalised in 2013. The delay meant many women were denied the chance to become mothers.[…] And how can we not recall that French women of colour have also been lectured about their bodily autonomy?](Mayotte, in the Indian Ocean, is one of the few French regions to have experienced a recent birthrate surge. However, in Mayotte, where women are overwhelmingly black, this is not seen as an asset but a problem – so much so that the regional health authority has proposed offering sterilisation to young women.

  • Adrien Quatennens « regrette » sa ligne de défense dans son affaire de violences conjugales (huffingtonpost.fr)

    Le député du Nord admet des mots « mal choisis » et assure qu’il n’adopterait pas la même ligne de défense aujourd’hui.

  • Commission sur l’inceste : accusée d’agression sexuelle, la vice-présidente de la Ciivise, Caroline Rey-Salmon, se met en retrait (liberation.fr)

    La vice-présidente de la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants, également pédiatre légiste et experte judiciaire, est mise en cause pour un examen gynécologique sur une jeune femme.

  • Loana témoigne être victime d’un viol : “TPMP” rit… et le malaise grandit (telerama.fr)

    Face à des réactions déplacées en plateau, l’ancienne star de la téléréalité a tenté de raconter ce qu’elle avait subi. Cyril Hanouna assume, C8 vante les audiences de l’émission… mais a retiré la séquence de ses réseaux et replays.

  • Le procureur de Limoges sur la sellette pour des blagues grivoises et des faits de sexisme (huffingtonpost.fr)

    Baptiste Porcher, procureur de Limoges, a comparu en audience disciplinaire devant le Conseil supérieur de la magistrature. Plusieurs femmes dénoncent des comportements sexistes et misogynes.

  • «Il faut que vous sachiez» : dans une lettre à sa fille, Judith Godrèche évoque ses accusations de viol contre Benoît Jacquot (liberation.fr)

    L’actrice, qui vient de porter plainte pour viols sur mineure de 15 ans contre le réalisateur septuagénaire, évoque dans un texte publié par le journal «le Monde» les raisons qui la poussent à sortir de son silence.

  • Judith Godrèche nous tend la main, saisissons-là (blogs.mediapart.fr)
  • Gérard Miller désormais accusé par plus de quarante femmes (huffingtonpost.fr)

    Sur les quelque 41 nouveaux témoignages recueillis, 18 évoquent une agression sexuelle ou un viol. Des faits qui se seraient déroulés entre 1993 et 2020 en suivant un mode opératoire bien rodé.

  • Le comédien Philippe Caubère mis en examen pour viols et agressions sexuelles sur mineures (telerama.fr)

    Une plainte pour atteinte sexuelle avait été révélée en janvier mais ce sont désormais […] trois femmes au total qui accusent l’acteur de faits alors qu’elles étaient mineures.[…] aujourd’hui âgé de 73 ans, il avait déjà fait l’objet d’une plainte pour viol en 2018 et classée sans suite en 2019 par une autre plaignante (condamnée par la suite en 2021 pour diffamation). Au moment de cette enquête, la jeune femme portant plainte aujourd’hui avait été contactée par les services de police. Elle n’avait pas souhaité déposer plainte pour ces faits à cette date, a relevé son avocate. Cette dernière a lié « la médiatisation soudaine de cette plainte » au récent soutien de son client à l’acteur Gérard Depardieu, mis en examen pour viols. Il est l’un des signataires de la tribune publiée dans Le Figaro appelant à ne pas effacer le comédien.

  • Après les accusations d’Adèle Haenel, un procès se profile pour Christophe Ruggia (liberation.fr)

    Le parquet de Paris a requis le renvoi en correctionnelle du réalisateur Christophe Ruggia jeudi 8 février pour des agressions sexuelles sur mineure sur l’actrice Adèle Haenel au début des années 2000.

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Khrys’presso du lundi 5 février 2024

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Khrys’presso du lundi 29 janvier 2024

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Pourquoi faire de l’éducation populaire au numérique ?

Julie et Romain, les deux cofondateurices de l’Établi numérique, ont fait un travail très intéressant d’introspection sur le sens de leur activité, faire de l’éducation populaire au numérique. Nous sommes ravi⋅es de leur laisser la parole.

Dès nos premières discussions, avant-même la création juridique de la structure, nous savions ce que nous voulions faire : de « l’éducation populaire au numérique ». Pour nous, c’est la meilleure manière de décrire ce que nous faisons. Mais concrètement, qu’est-ce qu’on veut dire quand on parle d’éducation populaire au numérique et pourquoi pensons-nous que c’est fondamental en ce moment ?

L’explosion du numérique

Il y a vingt ans, quand, profitant du climat politique du 11 septembre 2001, la Loi sur la Sécurité Quotidienne introduit l’obligation pour les fournisseurs de service de chiffrement de fournir leurs algorithmes aux autorités, les réactions sont très limitées dans le champ de la société civile et inexistantes au niveau politique. La Quadrature du Net n’existe pas encore pour faire un travail de veille juridique et de vulgarisation des enjeux, et les organisations professionnelles de journalistes (par exemple) ne se sont pas encore saisies de ces questions. À cette époque, nous étions peu en dehors des spécialistes à nous intéresser aux questions de surveillance.

Deux décennies plus tard, L’Etabli numérique est régulièrement sollicité pour des ateliers et des formations sur l’intimité numérique, et les livres, newsletters et autres podcasts sur les libertés numériques fleurissent. Qu’est-ce qui a changé sur cette période ? Beaucoup de choses, mais en particulier un évènement majeur : le numérique est devenu une partie intégrante du quotidien de la quasi-totalité de la population en France. Aujourd’hui, plus de 80% des personnes ont un smartphone et 83% se connectent à Internet tous les jours ; en 2000, moins de 15% de la population a un accès Internet. Il y a vingt ans, Internet a déjà commencé à transformer le monde, mais le réseau n’affecte qu’un petit nombre de secteurs, et impacte surtout la vie professionnelle des personnes concernées. Maintenant, impossible de ne pas être affecté⋅e d’une manière ou d’une autre par les transformations numériques en cours. Dans notre vie intime, dans nos interactions avec les administrations, au travail : le numérique est partout.

En 2001 donc, il était encore possible de ne pas être concerné⋅e par le numérique et ses impacts ; à l’époque, les expert⋅es et les spécialistes lié⋅es à l’industrie naissante de la tech monopolisaient le sujet, mais les enjeux étaient moindres. En 2023, le numérique affecte tout le monde ; il doit donc pouvoir être réfléchi, débattu et transformé par tout le monde. Faire de l’éducation populaire au numérique, c’est contribuer, modestement et avec nos moyens de petite structure, à la construction d’un espace démocratique de délibération autour du numérique.

Qu’on le veuille ou non, le numérique est là. Toute une infrastructure numérique faite de câbles, de machines et d’armoires à serveurs recouvre maintenant le globe entier. Plus encore, le numérique a transformé nos manières de vivre, de nous organiser et de nous déplacer d’une manière telle que tout retour en arrière soudain est impossible. Pour le meilleur et pour le pire, notre société est devenue profondément numérique.

Illustrations CC BY David Revoy

Un enjeu démocratique

En tant que citoyen⋅nes, nous n’avons (presque) pas été consulté⋅es tout au long de ce processus, mais c’est quand même à nous de faire l’inventaire et de déterminer ce que nous voulons faire de cette transformation. Le numérique est un sujet trop sérieux pour être laissé à des milliardaires, indépendamment de ce qu’on pense des milliardaires en question. Ce n’est pas d’un match de boxe entre Zuckerberg et Musk diffusé sur Twitch dont nous avons besoin, mais d’espaces de décisions où, à toutes les échelles, nous réfléchissons ensemble sur les communs numériques que nous souhaitons nourrir, renforcer ou réajuster.

Un des problèmes que nous avons à l’heure actuelle, c’est que le numérique est certes reconnu comme un enjeu de société, mais qu’il reste identifié comme un sujet technique malgré tout . Aujourd’hui encore, il faut être développeur⋅euse, chercheur⋅euse ou travailler dans la tech pour être légitime sur la question numérique. C’est l’industrie du numérique elle-même qui pose souvent les paramètres du débat sur les enjeux de la technologie, ce qui rend difficile toute réelle évolution. La Tech pense toujours pouvoir résoudre par plus de technologie les problèmes causés par la technologie, et nos dirigeant⋅es politiques sont souvent ravi⋅es de la suivre dans ce technosolutionisme naïf.

C’est là que l’éducation populaire intervient. Faire de l’éducation populaire au numérique, c’est fournir à chacun⋅e les clés de compréhension nécessaires pour pouvoir se positionner, mais c’est aussi déconstruire l’idée que la technologie est une question de spécialistes. Tout utilisateurice de la technologie a des retours à faire sur ce qui fonctionne ou pas, des idées de ce qu’il faut changer, des expériences à transmettre, bref une expertise. L’éducation populaire part d’une vérité simple : nous sommes tou⋅tes déjà expert⋅es du numérique, même si nous ne le sommes pas tou⋅tes à la manière d’un⋅e ingénieur⋅e. Plus encore, si on veut éviter de continuer à reproduire les problèmes systémiques du numérique tel qu’il est actuellement, cette expertise collective est indispensable.

L’objectif étant de permettre à tout un⋅e chacun⋅e de se saisir des enjeux du numérique, il est fondamental que les méthodes que nous utilisons invitent à la discussion, à la participation, à l’évolution. Participer à un atelier sur les impacts environnementaux du numérique, c’est déjà réfléchir à ce qu’on veut garder ou pas dans le monde numérique actuel, c’est déjà se confronter aux besoins et aux enjeux des autres, c’est rentrer dans une démarche de délibération autour du numérique. C’est pour cette raison que nous accordons une attention particulière aux méthodes pédagogiques dans les interventions que nous construisons. L’important, c’est que les participant⋅es à nos formations repartent équipé⋅es et confiant⋅es sur leur capacité à réfléchir et à prendre des décisions, pas que tout le monde soit d’accord à la fin, et encore moins que tout le monde finisse d’accord avec nous.

Sortir de la dystopie

En 2000, le numérique était une utopie qui allait nous libérer tou⋅tes des contraintes de notre quotidien et impulser une nouvelle ère de progrès social. Vingt ans plus tard, le numérique a réussi à s’imposer partout, mais a pris en chemin des traits clairement dystopiques : les réseaux sociaux ont parfois permis de coordonner des révoltes démocratiques, mais sont aussi un espace de discrimination ; le travail à distance fait émerger des nouvelles formes de travail plus riches, mais permet aussi un renforcement de l’intensité du travail  ; Internet donne accès à un savoir incroyable, mais permet aux rumeurs et à la désinformation de se propager toujours plus rapidement ; …

Faire de l’éducation populaire au numérique, c’est permettre à tou⋅tes de comprendre et de transformer cette réalité numérique complexe dans laquelle nous vivons maintenant. Sortir de la dystopie ne se fera pas par des débats de spécialistes, mais par l’intelligence collective.




Khrys’presso du lundi 22 janvier 2024

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Les autres lectures de la semaine

  • Tempête géomagnétique et vulnérabilité des câbles optiques sous-marins (1-3-3-2) (i-resilience.fr)
  • Enquête – Mégabassines, réalisée en collaboration avec le média Off Investigation : Profits, export et grandes cultures : les vraies raisons des mégabassines (reporterre.net) ; Mégabassines : comment l’État a pris le parti des gros céréaliers (reporterre.net)
  • Clarification (blog.mondediplo.net)

    S’il y a un paradoxe dans cette période spécialement sombre, c’est qu’il y surnage malgré tout quelques motifs d’espoir. Entre soutien inconditionnel, loi « immigration » et « régénération » — régénération… —, une puissante clarification est en train de s’opérer. Sur le plan idéologique au moins, la tripartition vasouillarde a volé en éclats. Il ne reste plus que deux blocs. Hommage de l’extrême droite […] : « Attal a piqué nos idées ». […] En face, le bloc qui se définira bientôt comme bloc antifascisation doit serrer sa différence, accueillir avec satisfaction les poids et mesures, l’opprobre médiatique — l’opprobre bourgeois. Rien n’atteste mieux sa dangerosité pour l’ordre des choses.

  • Faire société c’est cesser de financer l’école privée (blogs.mediapart.fr)
  • Les 4 leçons bourgeoises de l’affaire Oudéa-Castéra (frustrationmagazine.fr)

    On pourrait s’indigner de son attitude face à la presse, de ses mensonges répétées […] et son maintien en poste malgré le scandale… Mais ce serait oublier qu’elle fait partie de la bourgeoisie : une classe dominante sûre d’elle, persuadée d’être dans son bon droit et dont les idéaux et les façons de penser sont très différents des autres.

  • Extrême droite. Quand la colonisation rachète la collaboration (orientxxi.info)

    Dans Le Pen et la torture. Alger 1957, l’histoire contre l’oubli […] l’historien Fabrice Riceputi reconstitue, documents, cartographie et témoignages à l’appui, un fait […] récemment remis en question par des journalistes de la radio publique : […]JM Le Pen a commis des actes de torture en Algérie[Il] analyse ce que ce déni dit aujourd’hui de l’hégémonie culturelle de l’extrême droite en France.

  • « Les plus pessimistes étaient beaucoup trop optimistes » (terrestres.org)

    « la transition est l’idéologie du capital au XXIème siècle. Grâce à elle, le capital se trouve du bon côté de la lutte climatique. »

  • Les contrats à impact social : « cheval de Troie de la financiarisation des associations » (basta.media)
  • « Les atlas sont un instrument de la colonisation » (usbeketrica.com)

    Les cartes sont-elles l’apanage des puissants ? Comment la « contre-cartographie » peut-elle renverser les logiques de domination ? Trois questions à Nepthys Zwer, directrice éditoriale de l’ouvrage Ceci n’est pas un Atlas (éditions du Commun) et co-autrice de Cartographie radicale (éditions La Découverte).

  • David Graeber – The Utopia of Rules (theanarchistlibrary.org – texte de 2015)

    On Technology, Stupidity, and the Secret Joys of Bureaucracy

  • Partitions. Par-delà les propagations. (affordance.framasoft.org)
  • Platform Tilt: Documenting the Uneven Playing Field for an Independent Browser Like Firefox (blog.mozilla.org)

    Browsers are the principal gateway connecting people to the open Internet, acting as their agent and shaping their experience. The central role of browsers has long motivated us to build and improve Firefox in order to offer people an independent choice. However, this centrality also creates a strong incentive for dominant players to control the browser that people use. The right way to win users is to build a better product, but shortcuts can be irresistible — and there’s a long history of companies leveraging their control of devices and operating systems to tilt the playing field in favor of their own browser.

  • Books Fatal to Their Authors (1895) (publicdomainreview.org)

    Writers have been punished with more variety, more frequency, and more severity than you might expect. Ditchfield catalogues hundreds of authors who were banished from their homeland, languished in prisons and castles and monasteries, and spent decades on the run. Their right hands were cut off and their children executed; fines were levied and reputations destroyed. In one case, a gang of hit men found a fugitive satirist, Trajan Boccalini, resting on a couch in Venice and beat him to death with sandbags. In another, the writer was presented with a choice: either be beheaded or eat his book.

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Pourquoi se syndiquer dans l’informatique ?

On le sait, le syndicalisme ne se porte pas formidablement bien dans notre pays. Et dans certains métiers, il ne va pas forcément de soi. C’est pourquoi l’article de Cécile et Thomas, publié initialement sur 24joursdeweb nous a semblé essentiel, et nous sommes ravi⋅es de le partager ici.


Quand on parle de syndicalisme, on a souvent l’image de « Jojo-le-syndiqué-de-la-cégété », qui brûle des pneus devant l’usine en mangeant des merguez en manif. Ou encore de la mafia qui ne travaille que pour ses propres intérêts particuliers.

Dans l’informatique, milieu de cadres, le syndicalisme est tantôt mal vu, tantôt inexistant, souvent considéré comme inutile. Après tout, nous sommes des privilégié·es !

Pourtant quelques bribes commencent à émerger dans notre secteur. Il y a eu le mouvement, plutôt associatif, « On est la tech »  d’informaticien·nes, qui se sont mobilisé·es lors des premières manifestations contre le système de la retraite à points.

Dans le milieu du développement de jeux vidéo, bon nombre de syndicats ont agi contre les violences sexistes et sexuelles (on peut penser aux — trop nombreux — scandales chez Ubisoft et Quantic Dream).

Alors pourquoi des gens se syndiquent dans l’informatique ?

Être majoritairement cadres et avoir un salaire à plus de 40 K ne fait pas de nous des patrons. On reste des employé·es qui doivent arriver à l’heure au bureau et qui subissent de gros coups de pression dans les moments de rush.

D’un point de vue marxiste, nous sommes et nous restons du côté des « exploités » et pas des « propriétaires » ! (On vous rassure, on ne va pas vous faire un cours sur le marxisme… quoique !).

Vous allez me dire qu’il y a pire comme exploitation. Et vous avez raison… jusqu’à un certain point (!).

D’abord sur le côté temporaire. S’il est vrai qu’actuellement la conjoncture est plutôt bonne dans notre industrie, nous ne sommes pas à l’abri d’un retournement économique, qui est d’ailleurs dans l’actualité. Celleux qui ont vécu la crise des années 2000 de l’informatique peuvent en témoigner.

Par ailleurs, l’informatique est un métier où l’on vieillit avec ses technologies et ses modes : que vaudra votre expertise Node.js, votre certification Scrum Master ou votre expertise Window Server 2023 dans vingt ans ? Dans quarante ans ?

Parce que oui, au cas où vous ne l’auriez pas vu, vous risquez fortement de bosser jusqu’à soixante-sept ans ! Tout le monde n’aura pas la chance d’être un papy Cobol !

À quoi servent les syndicats ?

L’idée d’un syndicat est de regrouper des personnes qui partagent le même intérêt.

On trouve comme cela des syndicats de patron·es (MEDEF, CGPME…) et des syndicats de travailleuses et travailleurs. (Pour les plus connues : CGT, CFDT, SUD/Solidaires, FO…)

Les « intérêts » des salarié·es sont souvent les mêmes un peu partout et depuis toujours ; ça peut se résumer à : gagner plein d’argent, avoir une bonne ambiance au boulot (de préférence, sans harcèlement) et beaucoup de temps libre !

Les syndicats sont donc des personnes qui cherchent à se battre pour cela. Ils vont avoir quatre outils pour le faire :

  • les instances de négociation dans l’entreprise (on reviendra plus bas sur le CSE);
  • la loi ;
  • les pressions diverses ;
  • la grève.

Le comité social et économique (CSE) et les délégués syndicaux

Dans les entreprises de plus de onze salarié·es, il doit y avoir un CSE. Un lieu où les représentant·es des salarié·es, qui sont élue·es par les salarié·es, discutent avec la direction (qui elle n’est pas élue, mais qui a eu la bonne idée d’être riche au bon moment !) de sujets variés. Toutes les questions peuvent être posées à la direction, qui a pour obligation d’y répondre… avec plus ou moins de bonne foi !

Chaque syndicat ou liste qui a reçu plus de 10 % des voix aux élections va avoir des délégué·es syndicaux (DS). Ces fameux DS vont signer (ou ne pas signer) des accords d’entreprise avec la direction de l’entreprise.

Typiquement, il y a sûrement un accord d’entreprise sur le télétravail, sur l’accueil spécifique des personnes en situation de handicap ou sur les congés menstruels/hormonaux… Grâce à notre bon président (humour noir), les accords d’entreprise peuvent être moins bons que ce que propose le code du travail.

Les délégués syndicaux sont aussi ceux qui négocient les augmentations en fin d’année.

Enfin, c’est le CSE qui gère les activités sociales et culturelles (ASC), c’est-à-dire l’argent qui est donné pour les salarié·es pour les œuvres socioculturelles (les places de ciné, les réductions pour la salle de sport, la colonie de vacances de l’entreprise…).

Warning : dans notre milieu de cadres, il n’est pas rare de trouver des syndicats « jaunes », c’est à dire des syndicats pro-direction qui sont prêts a signer les pires accords d’entreprise pour les salarié·es en échange d’avancement de carrière ou de planques diverses dans la boîte…

Autre point, le CSE a aussi la responsabilité de veiller à la sécurité physique et psychologique des salarié·es. Cela se fait dans le sous-groupe du CSE appelé CSSCT : commission santé, sécurité et conditions de travail.

Bon, habituellement, les métiers de l’informatique ne présentent que peu de risques physiques, si ce n’est des problèmes de dos et aux yeux à rester trop longtemps devant un écran. Cela reste très soft par rapport à des gens travaillant dans d’autres secteurs, comme en usine ou dans le bâtiment.

En revanche, pour les questions psychologiques, c’est autre chose. Les syndicats ont un vrai rôle pour faire remonter les questions de harcèlement, de stress divers et de burnout. Même si la loi n’est pas très précise ni claire sur ces questions, faire remonter que le petit chef X est un harceleur ou qu’il y a eu quatre burnouts dans le service de M. Bidule auprès du PDG de la boîte fait toujours son petit effet.

La loi

Salarié·es comme RH ne connaissent pas toujours le droit du travail ni la loi. Le rôle des syndicats dans l’entreprise est là pour rappeler le droit du travail aux salarié·es, mais aussi à la direction quand elle se trompe ou oublie d’appliquer la loi (oups !). Et le droit du travail en France est assez lourd, mouvant et complexe.

D’ailleurs, il y a aussi une certaine superposition du droit qu’il faut avoir en tête : le Bureau International du Travail (BIT), les directives européennes, la loi française, le droit du travail, les conventions de branche et les accords d’entreprise.

Pour nous, cadres de l’informatique, on dépend très souvent de l’accord de branche qui regroupe les bureaux d’études techniques, les cabinets d’ingénieurs-conseils et les sociétés de conseils. L’accord s’appelle « SYNTEC » et a été mis à jour en mai dernier.

Connaître tout le droit est quasiment impossible. C’est pour cela que les élu·es au CSE ont des jours de délégation pour se former aux bases du droit du travail. Il y a aussi toutes les connaissances légales que les syndiqué·es apprennent et comprennent en discutant avec d’autres syndiqué·es.

Mais le gros du travail est souvent assuré par un avocat spécialiste en droit du travail.
En effet toutes les centrales syndicales ont des partenariats avec des avocats qu’ils peuvent mobiliser quand ils ont des demandes juridiques.

D’ailleurs saviez-vous que le statut de cadre (convention SYNTEC) oblige l’employeur à payer le train en première classe lors des voyages professionnels ?

Les pressions diverses

La loi, c’est bien, mais ça ne fait pas tout. Et surtout les procédures légales sont parfois longues, pour à la fin ne pas obtenir grand chose.

On aimerait vivre dans monde de bisounours où en demandant gentiment à la direction, elle nous donnerait des augmentations, des primes de télétravail et des jours de congés payés pour les enfants malades. Dans la réalité, il faut parfois savoir montrer les dents pour négocier.

Soyons francs, il y a des moments où mettre un petit coup de pression à la direction est bien plus efficace que des années de batailles juridiques.

Pour ça, les syndicats ont deux grands types de techniques : la communication interne et la communication externe.

La communication interne

En interne, on a vu que le CSE pouvait faire passer des messages à la direction.

Ces messages et ces questions sont écrites et portées à la connaissance des salarié·es. Cela permet souvent de mettre la direction face à ses contradictions.

Madame la RH, comment expliquez vous l’augmentation des dividendes aux actionnaires de 30 % quand les salarié·es ont une augmentation de 0,5 % en moyenne ?

Mais la communication interne, c’est aussi des mails possibles aux salarié·es :  dans une grosse boîte de jeux vidéos très connue, il était de notoriété publique que certains services et certains managers pratiquaient du harcèlement sexuel. Problème : aucune femme ne voulait porter plainte.

Il a suffi d’un mail à l’ensemble de la boîte (plusieurs milliers de personnes) appelant à dénoncer les violences sexistes et sexuelles qu’elles auraient subies et ce, notamment dans le service bidule de M. X ou machin de M. Z, pour que des femmes aient l’immense courage de porter plainte.

Effet corollaire, au minimum, les managers des services en question ont regardé leurs pompes pendant quelques mois après, ont raté leur augmentation et — après quelques mois — ont enfin fini par se faire virer !

La communication externe, plus compliquée mais aussi très redoutable

Aujourd’hui beaucoup de sections syndicales ont un compte X/Instagram/Mastodon ou un blog plus ou moins actif où ils dénoncent les problèmes de leur boîte. Quand sur le hashtag du nom de la boîte tu trouves diffusés au grand jour tous les problèmes de l’entreprise, tu écorches l’image de la boîte et la « marque employeur ».

Ça fait réfléchir à deux fois les directions avant de faire des saloperies…

Si on va plus loin ou que l’entreprise est connue, on peut aussi avoir des articles dans la presse spécialisée.

La grève

Le dernier outil qui reste aux syndicalistes, c’est la grève. L’arrêt de travail pur et simple. On est sur du classique et du médiatique mais ça reste un outil important pour pouvoir apporter du rapport de forces dans les négociations.

Même lorsque que c’est symbolique, la grève permet de désorganiser, fait prendre du retard sur des projets et, au final, peut faire perdre de l’argent à un actionnaire.

On ne va pas se mentir, jusqu’ici dans l’informatique en France, on n’a pas souvent eu des grèves massives qui ont eu un impact significatif sur le cours de la bourse de nos boîtes.

Mais on constate que, depuis les manifestations sur les retraites, on a des rangs qui grossissent à chaque nouvelle manifestation.

Une image d'ouvrières demandant de meilleures salaires
Image CC BY : Kheel Center sur Flickr

Faut-il avoir un poster de Lénine au-dessus de son lit pour être syndiqué ?

Alors oui et non. Vous le savez sans doute, certains syndicats sont plus « politiques » que d’autres. C’est-à-dire qu’ils vont s’intéresser à des sujets plus ou moins éloignés du monde du travail et de l’entreprise : les OGM, le conflit israélo-palestinien, la lutte contre l’extrême droite…

D’autres, au contraire, vont préférer se « mettre des œillères » et ne s’intéresser qu’à ce qu’il se passe dans l’open-space.

Une autre grille d’analyse est la dichotomie « syndicalisme de service » versus « syndicalisme de lutte ».
Les premiers sont souvent dans le « dialogue » avec la direction, les seconds vont plus volontiers aller au conflit.
Les premiers sont souvent qualifiés de « syndicalisme mou » voire de « traîtres » et les seconds sont souvent qualifiés « d’excités », de « brailleurs ».

À vous de voir ce qui vous intéresserait comme style de syndicalisme et pour cela, le meilleur moyen c’est d’aller parler avec les gens. Si les grandes organisations syndicales s’inscrivent dans ces axes (plus ou moins politique ; syndicalisme de service ou de lutte), sur le terrain, dans les entreprises, on peut avoir par les personnes des choses totalement différentes.

Oui, un militant Solidaires-Informatique peut être un vendu mou du genou et oui, il est possible qu’une section CFTC organise une grève dans une boîte en solidarité avec le peuple palestinien !

(Bon, c’est rare, mais justement, allez voir par vous-mêmes, sur le terrain, ce qu’il en est !)

Mais au final, pourquoi se syndiquer, qu’est-ce que j’y gagne ?

On peut y voir un intérêt personnel. Se syndiquer, c’est souvent profiter d’un réseau et d’un service juridique. Toutes les organisations syndicales ont des partenariats avec des avocats spécialisés en droit du travail et en cas de coup de dur, ça peut s’avérer très utile.

Se syndiquer, c’est aussi payer une cotisation : tous les mois, on alimente une grande caisse commune, qui permet de compenser les pertes de salaires pendant les grèves.

Et comme les syndicats de l’informatique ne font pas souvent grève, on a souvent des caisses bien garnies, qui permettent de donner à des associations chouettes, à des logiciels libres ou simplement d’autres syndicats qui ont des besoins plus urgents de solidarité.

Certain·es se syndiquent pour faire de la politique sur le terrain, avec des résultats directs et loin des partis politiques. Histoire d’appliquer ses idéaux sur quelque chose de visible : ses collègues de bureau.

D’autres se syndiquent par amitié, parce que c’est les copains de la machine à café, est-ce scandaleux ?
D’autres aussi — souvent en fin de carrière — se syndiquent pour changer de travail : parce que les liens humains finissent par intéresser davantage que les lignes de code… À moins que ce ne soit parce que l’expertise technique qu’ils avaient en début de carrière ne vaut plus rien aujourd’hui.
En se syndiquant, on trouve une place utile dans la société. On en a connu qui se syndiquent pour des raisons familiales : une tradition de CGTistes qui ont résisté pendant la Seconde Guerre mondiale et qui prennent leur carte de père en fille. Certain·es payent juste leur cotisation et ne s’engagent pas plus. D’autres sont ultra actifs sur le terrain mais refusent de payer leur carte par principe.

Bon, disons le tout net on ne fait pas du syndicalisme « pour gagner quelque chose ». C’est beaucoup d’énergie, beaucoup de temps, des risques sur sa carrière pour de maigres victoires.

Personnellement, j’ai connu quelqu’un qui s’est syndiqué parce qu’un jour je lui ai juste dit que le chef Bidule était un connard notoire. C’était le genre de petit chef qui pousse tout son service à bout en pinaillant sur des détails inutiles qui se transformaient en « manque de professionnalisme » dans ses mots. Ses équipes finissaient par bosser le soir et le week-end, le gars en question avait fini par entrer dans une sorte de dépression. Il m’a dit que mes mots l’avaient rassuré sur ses capacités et son professionnalisme. Je n’aurais jamais pensé que mes bêtes petits mots, assez banals, iraient jusqu’à ce qu’il adhère à un syndicat. Mais ça m’a rendue un peu fière.

Je crois qu’il y a parfois un côté « psychanalyste de comptoir d’entreprise » dans le syndicalisme. Et peut-être que c’est cela ma raison de me syndiquer.

Qu’importe votre motivation, qu’importe vos raisons profondes et vos besoins.

Se syndiquer, dans l’informatique ou ailleurs, c’est engager un contre-pouvoir, c’est créer de l’espoir pour soi, pour le bureau, et pour un monde meilleur.

Cet article est un appel à se syndiquer.

Image à la une en CC BY SA :  sur Flickr




Khrys’presso du lundi 15 janvier 2024

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  • États-Unis : la Cour suprême rétablit temporairement l’interdiction de l’avortement dans l’Idaho en attendant de se prononcer sur le fond (lemonde.fr)

    Un tribunal fédéral avait suspendu dans cet Etat rural et conservateur une loi prise en 2022 restreignant l’IVG aux seuls cas où la vie de la femme enceinte est en danger. L’audience est prévue pour avril.

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    À Guanajuato, au cœur du Mexique, […] où avorter était passible de prison il y a encore deux ans, s’organise le réseau d’entraide qu’elle a fondé. Pendant vingt ans, Verónica Cruz a défié la loi de son pays, en aidant des milliers de femmes à avorter clandestinement. Sa lutte a contribué à mener le Mexique jusqu’à la dépénalisation de l’avortement, confirmée par la Cour suprême du pays pour l’ensemble de ses 32 États en septembre 2023. Aujourd’hui, son collectif féministe Las Libres (“Celles qui sont libres”) est devenu l’un des principaux fournisseurs de pilules abortives de l’autre côté de la frontière, où il a déjà assisté plus de 20 000 femmes […] “On pensait qu’aux États-Unis, c’était un droit acquis, se souvient-elle. Et tout à coup, on découvre que les anti-avortement ont travaillé dans l’ombre pendant cinquante ans, et qu’ils ont réussi à faire annuler ce droit !”

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    L’histoire du capitalisme est l’histoire d’une civilisation extractiviste, un rapport singulier à la production d’objets fondé sur la mine et sur son corollaire, la conquête. Cette entreprise d’accumulation et d’artificialisation du monde a été justifiée successivement par les idéologies du Salut, de la Civilisation, du Progrès et du Développement. La Transition n’en serait‑elle pas le prolongement ? […] Tant que la décroissance n’arrivera pas à s’imposer comme mot d’ordre, urgent et impératif, le capitalisme industriel continuera d’interpréter les revendications des mouvements sociaux comme des défis techniques.

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