Cela fait partie des mauvaises surprises de son adoption : « La loi Hadopi favorise la diffusion et la protection de la création sur internet et demande à l’éducation nationale de renforcer l’information et la prévention auprès des jeunes qui lui sont confiés », peut-on lire sur le très officiel site Educnet du ministère.
Puis juste en dessous : « Ainsi les élèves reçoivent une information sur les dangers du téléchargement et de la mise à disposition illicites d’œuvres ou d’objets protégés par un droit d’auteur »[1].
Et voici donc l’enseignant que je suis contraint devant ses élèves à se transformer en porte-parole d’une loi qu’il critique dans ses grandes largeurs. Dès lors comment faire lorsque l’on est très loin de considérer que « l’Hadopi favorise la diffusion de la création sur Internet » ? Renier quelques uns de ses principes ou désobéir à son employeur qu’est l’État, tel est le cruel dilemme !
Il y a pourtant une issue, et c’est ce même site Educnet qui nous montre la voie : « L’ensemble de ces démarches d’information doit s’inscrire dans une stratégie globale de l’établissement, de l’école, qui favorise le dialogue avec les élèves, leur appropriation des droits et devoirs des internautes citoyens et responsables qu’ils sont en puissance : rédaction d’une charte des usages d’internet, informations et débats pendant les heures de vie de classe ou d’ECJS, sensibilisation à l’occasion de l’utilisation d’un outil spécifique. »
Informations et débats pendant les heures d’ECJS, voilà l’option retenue par ce billet, en appelant enseignants (en charge ou non de l’ECJS cette année), élèves, parents d’élèves et acteurs de la « bataille » Hadopi de bonne volonté à se joindre au projet, d’autant qu’il est fortement suggéré d’inviter des intervenants extérieurs à entrer dans les classes pour participer.
Parce que, comme nous allons nous en rendre compte ci-après, on peut, en toute légalité et dans le même mouvement, respecter le vœu du législateur et interpeller les élèves sur la genèse, la rédaction et l’application de cette loi.
L’ECJS Késako ?
L’Éducation civique, juridique et sociale, ou ECJS, est un enseignement relativement méconnu parmi la pléthore de matières que compte le lycée. Peut-être parce qu’elle propose un certain nombre d’originalités.
Tout d’abord c’est une discipline jeune puisque créé en 2001. Ensuite, elle ne dispose pas de professeur attitré et est dispensée par n’importe quel autre professeur de l’établissement scolaire (traditionnellement ce sont plutôt les enseignants d’histoire ou de sciences économiques qui s’y collent, mais rien n’empêche un professeur de mathématiques de se porter candidat). Mais c’est surtout une discipline qui, à de rares exceptions près, n’ajoute pas de nouvelles connaissances puisqu’il s’agit avant tout de les réinvestir pour y faire « l’apprentissage de la citoyenneté » dans le cadre du dispositif pédagogique novateur qu’est le « débat argumenté ».
Toutes séries confondues, l’horaire alloué est d’une demi-heure par semaine pour les trois niveaux que sont la Seconde, la Première et la Terminale, que l’on transforme généralement en deux heures une fois par mois ou une heure deux fois par mois. L’ECJS n’est pas incluse dans l’examen final du baccalauréat.
Mais il est génial ce programme d’ECJS !
En gardant l’Hadopi dans un coin de notre tête, prenons le temps de parcourir ensemble le programme officiel d’ECJS. Car comme vous allez vous en rendre compte, c’est une lecture riche d’enseignements.
Je m’excuse par avance de la longueur des extraits ci-dessous. Il s’agit de mieux appréhender ce qui fait la spécificité et la noble ambition de l’ECJS (que de nombreux parents d’élèves ignorent totalement). Il s’agit également de comprendre en quoi un débat argumenté autour de l’Hadopi y aurait toute sa place, en permettant aussi bien d’expliquer cette loi que de la critiquer. Il s’agit enfin de commencer à percevoir qu’au delà d’Hadopi c’est par la porte de l’ECJS que pourrait un jour entrer cette grande absente de l’école qu’est la « culture libre ».
En voici une sélection des Principes généraux.
Concourir à la formation de citoyens est une des missions fondamentales du système éducatif. Au sein du dispositif de rénovation des lycées, la création d’un enseignement d’éducation civique, juridique et sociale (ECJS) constitue une des principales innovations. Le nombre d’heures qui lui est globalement accordé étant modeste, c’est dans ses objectifs et par ses méthodes que cette innovation doit être significative.
Que signifie « éduquer à la citoyenneté » dans un système scolaire ? Deux réponses sont possibles. L’une consiste à faire de la citoyenneté un objet d’étude disciplinaire, au même titre que les mathématiques, la physique, la littérature etc. ; la citoyenneté s’apprendrait à l’école avant de s’exercer dans la vie du citoyen. L’autre réponse part de l’idée que l’on ne naît pas citoyen mais qu’on le devient, qu’il ne s’agit pas d’un état, mais d’une conquête permanente ; le citoyen est celui qui est capable d’intervenir dans la cité : cela suppose formation d’une opinion raisonnée, aptitude à l’exprimer, acceptation du débat public. La citoyenneté est alors la capacité construite à intervenir, ou même simplement à oser intervenir dans la cité. Cette dernière réponse peut être mise en oeuvre au lycée aujourd’hui.
Lorsqu’une pratique éducative consiste à transmettre un savoir sous forme d’une succession d’évidences sanctionnées par les autres, l’élève apprend en outre autre chose que ces contenus : il apprend que le savoir est détenu par des autorités, il a la tentation de ne le recevoir que passivement, il commence par admettre qu’il peut être délégué à « ceux qui savent ». Appliquée à l’ECJS, une telle pratique formerait des citoyens passifs, percevant le savoir comme déconnecté de ses enjeux sociaux, économiques et politiques. Certes, on ne crée pas le savoir, on le reçoit ; il est énoncé et validé par quelqu’un qui fait autorité. Mais le savoir n’est pas seulement quelque chose de transmis ; on doit aussi se l’approprier. L’élève pourra exercer sa citoyenneté grâce au savoir, mais un savoir reconstruit par lui, dans une recherche à la fois personnelle et collective.
L’éducation civique, juridique et sociale doit être abordée comme un apprentissage, c’est à dire l’acquisition de savoirs et de pratiques. Grâce à ce processus doit s’épanouir, à terme, un citoyen adulte, libre, autonome, exerçant sa raison critique dans une cité à laquelle il participe activement. Ainsi se constitue une véritable morale civique ; celle-ci contient d’abord une dimension civile fondée sur le respect de l’autre permettant le « savoir-vivre ensemble » indispensable à toute vie sociale, mais elle suppose aussi une nécessaire dimension citoyenne faite d’intérêt pour les questions collectives et de dévouement pour la chose publique.
Le seul savoir nouveau auquel il faut initier les élèves, grâce à l’ECJS, concerne le droit, trop ignoré de l’enseignement scolaire français. Il s’agit de faire découvrir le sens du droit, en tant que garant des libertés, et non d’enseigner le droit dans ses techniques.
C’est cette dernière citation qui m’a servi de base pour mon article Plaidoyer pour étudier le droit à l’école. Or justement, avec l’Hadopi en ECJS, on améliore illico la situation.
La suite donne quelques détails sur la pratique pédagogique du débat argumenté.
Mobilisant un ensemble de connaissances disponibles, l’ECJS doit satisfaire la demande exprimée par les lycéens lors de la consultation de 1998 sur les savoirs, de pouvoir s’exprimer et débattre à propos de questions de société. Le débat argumenté apparaît donc comme le support pédagogique naturel de ce projet, même s’il ne faut pas s’interdire de recourir à des modalités pédagogiques complémentaires.
Faire le choix du débat argumenté n’est ni concession démagogique faite aux élèves ni soumission à une mode ; c’est choisir une méthode fructueuse. Le débat argumenté permet la mobilisation, et donc l’appropriation de connaissances à tirer de différents domaines disciplinaires (…) Il fait apparaître l’exigence et donc la pratique de l’argumentation. Non seulement il s’agit d’un exercice encore trop peu présent dans notre enseignement, mais au-delà de sa technique, il doit mettre en évidence toute la différence entre arguments et préjugés, le fondement rationnel des arguments devant faire ressortir la fragilité des préjugés. Il doit donc reposer sur des fondements scientifiquement construits, et ne jamais être improvisé mais être soigneusement préparé. Cela implique qu’il repose sur des dossiers élaborés au préalable par les élèves conseillés par leurs professeurs, ce qui induit recherche, rédaction, exposés ou prises de parole contradictoires de la part d’élèves mis en situation de responsabilité et, ensuite, rédaction de comptes rendus ou de relevés de conclusions.
Le débat doit reposer sur le respect d’autrui et donc n’autoriser aucune forme de dictature intellectuelle ou de parti pris idéologique.
Le dossier documentaire sur lequel se fonde le débat est le témoin de la progression de cette démarche. Il peut prendre des formes variables : présentation de textes fondateurs ou de textes de loi, sélection d’articles de presse, collecte de témoignages, recherche ou élaboration de documents photographiques, sonores ou vidéo. C’est ici que l’ECJS peut utiliser toutes les modalités interactives de la recherche documentaire actuelle.
L’objectif de ce billet est de suggérer aux enseignants en charge de l’ECJS de faire d’Hadopi l’un de leurs sujets de débats argumentés. Nous pourrions par exemple regrouper les volontaires dans une liste de discussion dédiée qui serait un espace d’échanges autour du projet. Et de commencer alors à envisager ensemble une liste de ressources à intégrer dans le dossier documentaire, aidant ainsi les élèves à faire un premier tri.
Dans le cadre de la liberté des choix pédagogiques, les élèves doivent acquérir des méthodes à travers lesquelles ils seront initiés à l’étude des règles juridiques et des institutions. On peut ainsi, à propos de situations concrètes, enseignées ou vécues, et sans préjuger de l’usage d’autres pratiques, identifier trois moments remarquables.
– Le premier moment étudie les circonstances et les conditions de l’invention de la règle ou de l’institution. On a trop tendance à oublier l’origine et l’histoire des règles (…) L’histoire est donc ici très particulièrement mobilisée ; étudier les conditions de naissance d’une règle, en montrant qu’elle est une production historique et non un a priori absolu, contribue à humaniser la règle de droit : ce n’est plus un dogme mais une règle de vie.
– Le deuxième moment privilégie l’étude des usages de la règle par les acteurs sociaux concernés. La règle n’est pas nécessairement utilisée comme ses inventeurs l’avaient imaginé : la pratique d’une règle peut s’éloigner des principes qui ont guidé sa fondation. Il faut donc conduire l’élève à se demander pourquoi les acteurs sont amenés à utiliser une règle dans un sens plutôt que dans un autre.
– Le troisième moment s’attache aux discours produits sur les règles. Chaque époque produit des discours qui tentent de justifier rationnellement les règles existantes. D’une époque à une autre, d’un lieu à un autre, ces discours peuvent différer jusqu’à être contradictoires.
Je ne sais pas ce que vous en penserez mais ces trois moments s’accordent parfaitement bien avec la jeune histoire (non achevée) de la loi Hadopi 😉
Quant au passage suivant, c’est une invitation lancée à tous :
De très nombreux professeurs, par leur savoir, leur culture, leur implication dans la vie du lycée, ont vocation à contribuer à cet enseignement. La participation d’intervenants extérieurs, témoins dans un champ social étudié, est évidemment souhaitable.
Vient ensuite le détail du programme pour chaque niveau du lycée. L’intitulé de celui de Seconde est : De la vie en société à la citoyenneté.
L’actualité locale, nationale et internationale fournit de nombreux matériaux qui permettent aux enseignants de construire un débat sérieux sur un sujet civique, politique, juridique ou social mettant en évidence une dimension de la citoyenneté. Le choix d’un événement ou d’une combinaison d’événements dans l’actualité doit répondre à deux soucis : d’une part être susceptible d’intéresser les élèves, d’autre part permettre d’éclairer une des dimensions de la citoyenneté.
L’Hadopi, pardi ! Avec cette étrange particularité que certains élèves par leurs pratiques numériques vont se sentir directement visés par la loi !
La première tâche face à un événement consiste à confronter les sources d’information pour, en les croisant, attester de la réalité de ce qui va être étudié. L’événement brut n’existe pas en lui-même, il n’existe qu’à travers le médium qui le fait connaître et il est différemment reçu selon les représentations dominantes du moment. Prendre de la distance par rapport aux faits communiqués est donc essentiel à l’éducation du citoyen.
La vie quotidienne dans la cité fournit des occasions de réflexion sur la nécessaire civilité des rapports humains en tant que première condition de l’exercice de la citoyenneté. On peut le montrer à partir de l’étude de manifestations d’incivilité ; on peut aussi utiliser différents faits de la vie sociale. La citoyenneté ne se réduit pas à la simple civilité. Elle implique la participation à une communauté politique.
L’intitulé du programme de Première est : Institutions et pratiques de la citoyenneté.
Il entre parfaitement en résonance avec le sujet qui est le nôtre quand on pense aux actions de protestations issues d’Internet et à des associations telles que La Quadrature du Net.
Dans notre régime politique, celui de la démocratie représentative, la participation politique prend essentiellement la forme de l’élection de représentants du peuple, mais aussi d’autres formes : participation au débat public, actions collectives… Le principe de la représentation apparaît comme le fondement de la légitimité dans toute société moderne et peut être ainsi un moyen d’aborder les grands problèmes politiques contemporains.
Ainsi, le fait politique peut être abordé à travers l’idée de représentation. Dans tous les domaines qu’elle structure – Assemblée Nationale, partis, syndicats, associations, lycées… – la représentation crée une mise à distance entre représentants et représentés tout en les mettant en relation. Ces deux mouvements produisent, selon les époques et à des rythmes variables, des tensions continues, inévitables dans les sociétés démocratiques : tensions entre les différentes institutions, entre ces institutions et le monde vécu par les citoyens.
Ces tensions, source de conflits inévitables, sont constitutives du sens moderne du politique. On pourra les analyser en montrant que les sociétés démocratiques s’efforcent de les gérer par des pratiques politiques qui sont conformes aux principes du droit et excluent le recours à la violence.
En ce sens, la représentation politique désigne le processus par lequel des gouvernants sont légitimés par l’élection pour parler au nom du peuple et habilités à décider en son nom. L’interrogation sur les formes de la représentation politique et les problèmes qu’elle rencontre peut servir de point de départ à la réflexion. Celle-ci mérite enfin d’être enrichie par l’analyse d’un ensemble de concepts : pouvoir, domination, autorité, violence, et leur mise en relation à travers des faits précis. Il est en effet recommandé d’étudier ce thème en partant d’un exemple.
Le citoyen se définit par l’exercice de la souveraineté politique dans la Cité à laquelle il appartient. L’exercice de la citoyenneté ne saurait donc se réduire ni à la possession de droits fondamentaux, ni à l’exercice du droit électoral : il implique la prise en compte de toutes les formes de la participation politique. La démocratie se définit comme le gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple ; cela exclut le pouvoir d’une autorité qui ne tirerait pas sa légitimité du peuple mais d’une source extérieure ou réputée supérieure. La démocratie implique donc la participation active des citoyens.
Celle-ci concerne autant la participation au débat public censé éclairer les décisions collectives que la prise de ces décisions elle-même. Elle peut donc prendre différentes formes. Le thème précédent met en évidence l’importance dans une démocratie de la participation au processus de désignation de représentants élus. Celui-ci insiste sur les autres dimensions : la participation à l’espace du débat public où se forme l’opinion publique, ce qui implique l’analyse critique des moyens de communication de masse et de leurs effets (y compris de l’Internet, des forums et du courrier électronique), la participation aux associations civiles, sociales et politiques, notamment à l’échelon local, la participation à des groupes défendant des intérêts, par exemple les syndicats et la participation à des actions collectives, locales ou nationales, sur des objectifs sociaux ou civiques.
Il ne s’agit pas bien sûr d’étudier toutes les formes de participation politique et d’actions collectives mais d’en choisir une manifestation qui puisse à la fois faire sens et susciter l’intérêt des élèves.
Si l’État républicain garantit les libertés individuelles et les droits du citoyen, les devoirs du citoyen sont la contrepartie et la condition de ces droits. Toutefois, l’État semble exercer une pression dont le citoyen prétend parfois s’affranchir (fraudes, désobéissance à la loi, incivisme, dégradation des biens publics, destruction de la propriété collective). Il importe donc de montrer en quoi le respect de la loi et de ses devoirs par le citoyen n’est pas un conditionnement à l’obéissance ; c’est, tout au contraire, son choix libre et raisonné d’institutions sans lesquelles les libertés, les droits et la sécurité ne pourraient exister.
L’intitulé du programme de Terminale est : La citoyenneté à l’épreuve des transformations du monde contemporain.
C’est à mon avis ici qu’un débat sur l’Hadopi trouverait le plus naturellement sa place. On aurait presque l’impression qu’il a été rédigé en pensant à cette loi 😉
En classe terminale, il s’agit de montrer que les exigences de droit, de justice, de liberté et d’égalité qui caractérisent l’État et les sociétés démocratiques sont confrontées à de nouveaux défis qui mettent à l’épreuve la citoyenneté, notamment les évolutions de la science et de la technique, les exigences renouvelées de justice et d’égalité, la construction de l’Union européenne et la mondialisation économique, culturelle, juridique et politique. Ces évolutions obligent les hommes à toujours repenser leurs droits et leurs libertés, ce qui suscite des débats dans l’espace public. La tension entre les intérêts particuliers et l’intérêt général, des expressions nouvelles de violence et d’atteinte aux libertés, exigent des réponses juridiques sans cesse adaptées. Le débat démocratique amène à interroger les normes et les valeurs sur lesquelles repose le droit et à les confronter à des conceptions différentes de l’éthique et à l’idée de droits de l’Homme.
Les progrès des sciences et des techniques dans tous les champs de l’activité humaine, la production, la consommation, la médecine… bouleversent les formes de l’existence, les rapports des hommes entre eux, la perception de l’espace et du temps, le corps humain lui-même. Ils suscitent des interrogations et des exigences nouvelles en matière de droits, de justice, de liberté, de responsabilité, de sécurité, par exemple dans les domaines de la bioéthique, de la prévention des risques naturels ou techniques, de la mondialisation des réseaux de communication, de la santé, de la qualité de la vie, de l’environnement, de l’avenir de la planète… Ils modifient aussi les conditions d’exercice de la citoyenneté.
Faut-il fixer des limites aux progrès des sciences et des techniques et en fonction de quels principes ? Comment État et citoyen peuvent-ils contrôler démocratiquement ces transformations ? Comment garantir l’indépendance des décisions démocratiques dans des domaines qui requièrent des savoirs spécialisés ? Quel rôle les experts doivent-ils jouer ? Existe-t-il un risque de technocratie ? Peut-on garantir un égal accès de tous les citoyens aux bénéfices des sciences et des techniques ? Face à ces complexités et à ces défis, comment permettre l’exercice de la citoyenneté ?
Que de questions intéressantes en perspective ! Comme évoqué ci-après, on pourra également élargir le débat à la situation dans les autres pays européens (en analysant par exemple le succès du Parti Pirate suédois).
La citoyenneté s’est construite historiquement dans le cadre national. Le projet européen, depuis un demi siècle, a conduit à la construction d’institutions qui sont aujourd’hui à l’origine de nombreuses décisions de notre vie collective. Une grande partie du droit national, dans les pays de l’Union européenne, est désormais de source européenne. D’un point de vue juridique, il n’existe pas aujourd’hui de citoyenneté européenne indépendante de la citoyenneté nationale ; d’un point de vue politique, tout ce qui donne une réalité concrète au principe de citoyenneté reste, pour l’instant et pour l’essentiel, national. L’Union européenne crée un niveau d’institutions supérieur et complémentaire aux institutions nationales. Elle amène à repenser les questions de la souveraineté, de l’égalité, de la liberté, de la sécurité, par exemple dans le domaine de l’économie, de l’harmonisation des législations, de l’ouverture des frontières et de la circulation des personnes et des biens, de la construction de forces armées plurinationales.
Le terme de mondialisation désigne un processus pluriséculaire complexe fait de mutations géographiques, économiques, culturelles, juridiques et politiques. Il s’accompagne d’une prise de conscience à l’échelle du monde de la perturbation des équilibres physiques de la planète et de l’homogénéisation relative du monde vivant. L’ensemble de ces mutations, par exemple le délitement apparent de la notion de frontière nationale, la concentration de pouvoirs au sein d’entreprises transnationales, le rôle accru des institutions internationales, les transferts de souveraineté des États-nations, la vitesse des transformations techniques et des communications, engendre de nouveaux défis qui mettent la citoyenneté à l’épreuve.
Ouf, merci d’avoir tenu jusque là ! J’espère vous avoir convaincu que ce fort pertinent programme d’ECJS est tout ce qu’il y a de plus « Hadopi compatible » et que le caractère controversée de cette loi (qui pour une fois met tout le monde d’accord) se prête magnifiquement à la méthode du débat argumenté.
Ainsi donc l’ECJS nous « couvre » et ne nous condamne pas à relayer benoîtement la « propagande » Hadopi !
Entendons-nous bien, il ne s’agit surtout pas de remplacer une propagande par une autre mais d’offrir aux élèves les conditions d’un réel débat (ceci étant dit, rien n’empêche de proposer aux élèves, dans le corpus documentaire, des ressources sur la « culture libre », en leur faisant comprendre pourquoi elle peut être considérée comme une « alternative à l’Hadopi »).
Chaque classe étant différente et l’enseignant étant avant tout présent pour animer et assurer les bonnes conditions du débat, on ne peut en rien présager de ce qu’il adviendra et des conclusions qu’en tireront nos lycéens. Mais l’essentiel sera bien là : au travers de l’exemple Hadopi ils auront fait ensemble un apprentissage de la citoyenneté, et réciproquement !
Se joindre au projet
Le projet consiste donc à faire d’Hadopi l’un des thèmes des débats argumentés de l’ECJS au lycée.
Comment procédér ?
J’ai bien quelques idées (confuses) à priori mais l’essentiel est de se regrouper et de voir cela ensemble. Parce qu’il est bien plus amusant de faire les choses collectivement, et puis c’est une habitude des lieux. Il serait bien sympathique de se constituer ainsi un petit réseau de personnes partageant la volonté de sensibiliser les élèves non seulement sur l’Hadopi mais sur les libertés numériques en général (qui le temps passant finiront presque par se confondre avec les libertés tout court). Surtout qu’on pourrait très bien envisager d’organiser plus tard d’autres débats connexes à Hadopi comme la neutralité du réseau, la vie privée, le Libre Accès, les biens communs, etc.
Pour ce qui me concerne, je n’ai pas d’ECJS cette année mais je suis tout à fait disposé et disponible pour participer et intervenir dans les classes si les professeurs d’ECJS de mon établissement m’y invitent (avec ma double-casquette prof et Framasoft). Et comme nous en sommes encore au tout début d’année, je compte leur suggérer dès maintenant de faire d’Hadopi l’un de leurs débats argumentés en offrant mes services (tout étant conscient que je suis novice dans la pratique du « débat argumenté » qui me semble beaucoup plus facile à dire qu’à faire).
Ainsi donc le projet s’adresse avant tout aux enseignants en charge de l’ECJS cette année mais aussi à tous les autres professeurs intéressés qui voudraient s’associer avec les premiers. Il s’adresse également à tous les parents de lycéens qui souhaiteraient voir le professeur d’ECJS de leurs enfants aborder ce sujet (ce qui peut commencer par leur indiquer le lien vers cet article du Framablog).
Il s’adresse enfin à tous les intervenants extérieurs potentiels (personne physiques mais aussi personnes morales, je pense aux associations ou à tout autre structure qui pourrait devenir partenaire ou partie prenante du projet). Imaginez-vous faire venir conjointement Jérémie Zimmermann et Franck Riester devant un parterre de lycéens passionnés, ça aurait de la gueule ! Nous pourrions du reste tenter de médiatiser les venues des personnalités les plus emblématiques d’Hadopi (surtout si l’on décide tous de faire ce cours à peu près au même moment). Nous montrerions ainsi à la population que non seulement l’école se soucie d’informer comme il se doit sur Hadopi mais que certains vont plus loin en profitant de l’ECJS pour que les élèves mettent la loi sur le grill 😉
J’invite donc les personnes intéressées à se manifester dans les commentaires et/ou à m’envoyer un message via le formulaire de contact du site. Je créerai un groupe Facebook dédié une liste de discussion dédiée et nous travaillerons alors ensemble à la réalisation de ce projet.
J’invite également les quelques rares enseignants qui ont déjà essayé de parler d’Hadopi en ECJS (je sais qu’il y en a) à venir nous apporter leur témoignages.
J’invite enfin tous les lecteurs du Framablog à relayer l’information, parce que non seulement notre attaché de presse est encore en vacances mais en plus nous ne possédons pas d’attaché de presse.
Nous l’avons déjà constaté, rares sont les temps scolaires où les élèves sont confrontés aux thèmes qui nous sont chers. Puisse ce modeste projet contribuer à modifier un peu la donne.