Libérons le matériel informatique : la lutte continue…

Bohman - CC byNous savons tous que le plus gros frein à une adoption plus importante des systèmes GNU/Linux, c’est l’incompatibilité matérielle. Qui en effet n’a pas rencontré de problèmes de pilotes ou cherché des heures sur les forums pour faire fonctionner sa webcam ? Comment convaincre facilement quelqu’un de passer à Linux tout en devant le prévenir que tout ne fonctionnera peut-être pas sur sa machine[1] ? Pas forcément évident.


Certes, de grandes avancées ont été accomplies dans le monde du libre, comme l’évoque la FSF dans son appel pour 2009, et bon nombre de machines et périphériques tournent aujourd’hui à merveille sous GNU/Linux, d’une part grâce aux efforts de la communauté pour créer des pilotes, et d’autre part grâce aux fabricants qui en fournissent plus volontiers pour les systèmes Linux.

Hélas, trop nombreux sont ceux qui ne proposent pas de pilotes libres et ouverts. Une des priorités établies par la FSF pour 2009 est d’ailleurs l’obtention de pilotes libres pour les routeurs. Rappelons au passage que c’est d’une histoire de pilote d’imprimante que tout est parti.

Même s’il peut être séduisant d’avoir des pilotes et des programmes propriétaires portés sous Linux, qui permettent de bénéficier d’une bonne prise en charge de notre matériel ou d’applications Web à grand succès, cela ne résoud pas les problèmes inhérents aux programmes dont le code n’est pas accessible, puisqu’on ne peut ni l’améliorer, ni l’adapter à ses besoins, ni l’examiner pour éviter les mauvaises surprises (côté applications, on pense à Skype, qui a le fâcheux réflexe d’aller fouiner dans vos données personnelles… et ô surprise, développer un logiciel de remplacement pour Skype est la troisième des priorités de la FSF).

Alors pour illustrer la question, voici un article dénonçant la politique de Nvidia, qui refuse de publier des pilotes ouverts pour ses cartes graphiques, contrairement à ATI, qui le fait depuis son rachat par AMD.

PS : Merci à Antistress pour le lien concernant les pratiques douteuses de Skype.

Nvidia dit non aux pilotes de périphérique libres, je dis non à Nvidia

Nvidia says no to free drivers, I say no to Nvidia

Libervisco – 27 juin 2008 – Nuxified
(Traduction Framalang : Siltaar, Olivier et Don Rico)

Les développeurs du noyau Linux ont plébiscité une motion signée par une centaine de développeurs indiquant qu’ils considèrent les modules non-libres du noyau comme indésirables et dangereux. Comme ils l’expliquent « de tels modules vont à l’encontre de l’ouverture, de la stabilité, de la flexibilité et de la maintenabilité du modèle de développement de Linux et coupent leurs utilisateurs de l’expertise de la communauté de Linux. Les fabricants qui fournissent des modules de noyau à source-fermée forcent leurs clients à abandonner certains avantages clés de Linux ou à choisir de nouveaux fabricants. »

Ils sont allés jusqu’à critiquer spécifiquement Nvidia, qui ne fournit pas de pilotes de périphériques libres. Nvidia a répondu. Ils s’y refusent car, comme ils le disent, les pilotes contiennent « une propriété intellectuelle qu’Nvidia souhaite protéger », et ont de plus expliqué qu’ils fournissent déjà d’excellents services pour Linux, qu’ils ont une équipe chargée de la conception du pilote non-libre, essayant en fait de nous faire croire qu’ils proposent déjà à leurs clients sous GNU/Linux une offre honnête.

Donc mettons les choses au clair : quelle est cette offre ? Vous achetez une carte graphique, obtenez un CD de pilotes qui contient, ou non, une version Linux des pilotes (si c’est non, vous devez vous rendre sur leur site Web pour les télécharger), puis vous les installez et ça marche. Ça a l’air bien, non ? Et si vous pouviez faire mieux ? Et si vous étiez un programmeur qui souhaite améliorer un aspect particulier du pilote ? Ça vous est impossible. Donc, la question qui se pose est : possédez-vous vraiment et entièrement la carte que vous avez achetée ? Peut-être. Mais qu’en est-il de ce truc qui la fait fonctionner, ce truc qui lui fait faire ce pour quoi vous l’avez achetée ?

Eh bien, visiblement, ça ne vous appartient pas. Vous avez tout juste le droit de l’utiliser tel quel, et c’est bien le problème. Si vous pensez que quelque chose ne fonctionne pas à cause d’un bogue dans le pilote, non, vous ne pouvez pas le réparer. Vous ne pouvez que contacter leur super service après-vente et les supplier d’y remédier.

En résumé, l’offre c’est donc : vous achetez une carte, mais la seule façon de l’utiliser c’est de louer un pilote auquel vous n’avez qu’un accès incomplet, rendant ainsi votre fructueuse utilisation de la carte constamment dépendante de Nvidia et limitant évidemment de ce fait le contrôle que vous devriez avoir en tant que supposé propriétaire.

Qui leur donne le droit d’imposer de telles pratiques ? Eh bien, pour être franc, c’est vous, tant que vous achetez la carte. J’ai dit dans mon dernier post ici même que je ne considérais plus forcément leur proposition (répugnante) comme une offre immorale, mais la question est de savoir si vous êtes prêt à l’accepter ? Estimez-vous qu’acheter un produit et en obtenir un contrôle limité constitue une offre honnête à vos yeux ?

C’est une question à laquelle chacun doit répondre pour lui-même. De mon point de vue, alors que je projetais d’acheter une Nvidia, vu que le projet de rétro-conception « nouveau » semble avancer à bonne allure, je pense désormais (avec une certaine rancœur) y renoncer. AMD participe au développement d’un pilote libre pour ses cartes récentes, c’est donc par conséquent la voie à suivre.

Conclusion : Nvidia, vous dites non aux pilotes libres, alors je vous dis non. Pas mal, non ? Peut être que si suffisamment d’acheteurs agissaient de la sorte, la précieuse « propriété intellectuelle » d’Nvidia deviendrait subitement superficielle (cette « propriété » étant la recette qui fait fonctionner MA carte ! (si tant est que je l’achète)) Merci.

Notes

[1] Crédit photo : Bohman (Creative Commons By)




Vivre libre ou mourir, ou s’adapter pour survivre ?

Wili Hybrid - CC byQuand un petit malin demande à Richard Stallman ce qu’il pense de la piraterie, on peut s’attendre à une réponse bien sentie… et on aura raison ! Avec l’humour qu’on lui connaît, Stallman en profite pour dénoncer les licences restrictives, les pratiques intrusives des éditeurs de logiciels propriétaires (ou comme il se plaît à les appeler, "privateurs"), et l’amalgame entre partage et vol.

Mais la question, plus vaste, que pose cet article du Deccan Herald, est celle du rapport entre logiciel libre et logiciel propriétaire, et de l’opposition entre deux conceptions assez opposées. À l’avis tranché de Stallman (rejet pur et simple des logiciels propriétaires), s’oppose celui de Jimmy Wales, créateur de Wikipédia, selon qui l’un doit se nourrir de l’autre.[1]

Alors, refus de tout compromis ou adaptation pour la survie de l’espèce, tel est le sujet de réflexion que nous vous proposons avec cette traduction signée Framalang.

Darwinien ou marxiste ?

Darwinian or Marxist

L. Subramani – 17 décembre 2008 – Deccan Herald
(Traduction Framalang : Goofy, Don Rico et Olivier)

Que pensez-vous de la piraterie ? Richard Stallman, considéré comme le père du mouvement pour le logiciel libre, a donné à cette question une réponse amusante et qui donne à réfléchir. « La piraterie, » a déclaré Stallman lors d’une conférence à Bangalore au mois de décembre 2008, « c’est très mal, parce que c’est mal de s’attaquer à des bateaux en mer. »

Comme la personne qui l’interrogeait était tenace et précisait que la question portait sur la piraterie dans le sens de piratage de logiciels et de musique, Stallman a donné une réponse meilleure encore : « Les pirates ne s’attaquent jamais à des navires avec des logiciels et de la musique, mais avec des canons. »

D’après Stallman, le piratage est un des termes inventés pour attaquer la liberté et la « solidarité d’une communauté », et ce terme doit être rejeté. « Rompre un accord n’est pas correct, mais si un distributeur de logiciels assimile votre désir de partager ce que vous aimez avec vos amis à l’attaque d’un navire, cette idée mérite d’être dénoncée. » a-t-il déclaré, sous les applaudissements de l’assistance.

Sans nul doute, l’idée de logiciel « libre » invite à concevoir le développement et la distribution de logiciel du point de vue de l’utilisateur. La liberté d’utiliser le code, d’en étudier la source, de la modifier, de la partager, d’en distribuer des copies à d’autres, voilà qui s’adresse à l’utilisateur. Mais dans quelle mesure de telles libertés peuvent-elles être exigées dans une ère dominée par les marques déposées et les technologies « juteuses », voilà une question toujours en suspens après tous les arguments convaincants donnés çà et là.

En fait, Stallman lui-même n’a rien contre l’idée de faire du profit en vendant des logiciels, mais il veut que ceux qui développent et distribuent ces produits s’en tiennent rigoureusement à cet ensemble de « libertés ». Il est possible qu’il ait raison de prétendre que les gens sont tellement préoccupés d’acheter ce qui peut tourner sur leur machine qu’ils en oublient leurs droits. Mais on ne peut s’empêcher de se demander s’il est vraiment condamnable que des vendeurs de produits surveillent le système de leurs clients pour s’efforcer de mieux les satisfaire ou pour les empêcher de distribuer leur copie – ce qui est le seul moyen dont ils disposent pour s’assurer de la vente du logiciel.

Comme le fait remarquer Stallman lui-même, on ne se soucie que trop rarement des implications de la licence d’un logiciel. Jusqu’à une période assez récente, beaucoup ne se préoccupaient pas, lorsqu’ils revendaient leur vieux PC, de ce qu’ils risquaient en négligeant d’effacer toutes leurs données personnelles de disque dur. Les experts ont souvent signalé les dangers encourus en signant la « politique de confidentialité » des services en ligne sans la lire vraiment. Mais devrions-nous être « radicaux » dans notre réaction, comme le suggère Stallman, au point de rejeter les logiciels propriétaires et de nous abandonner corps et âme au logiciel libre ? La réponse est venue le même soir de Jimmy Wales, le fondateur de Wikipédia, la plus grande base de connaissance au monde. Wales a élaboré la meilleure application pratique des idées de Stallman en faisant de Wikipedia une plateforme ouverte pour créer, partager et modifier des contenus.

Bien que Wales admette être tout à fait « Stallmanien » dans ses convictions, il reconnaît être moins radical dans le développement d’un système d’accès au savoir en ligne qui comporte des contenus en plus de 200 langues, et rivalise avec de très puissantes institutions comme l’Encyclopædia Britannica.
« Le logiciel libre est une façon de concevoir la création et la distribution de contenu », déclare Wales. « Il existe souvent une tension entre les deux modèles (le libre et le propriétaire). Nous ne pouvons concevoir, par exemple, qu’un individu seul puisse créer un système de logiciels qui serait vendu des millions de dollars. C’est aussi absurde que de croire que de grands distributeurs vont créer des logiciels complètement Open Source. Donc d’une manière ou d’une autre ils doivent apprendre à co-exister. »

Et il existe des raisons de penser que les modèles du logiciel libre et celui du logiciel propriétaire peuvent co-exister. Il est difficile, par exemple, de rejeter l’argument de Stallman suivant lequel l’enseignement dispensé aux enfants à l’école devraient s’appuyer sur les logiciels libres de telle manière qu’ils ne soient pas excessivement dépendants d’un seul système propriétaire.
De la même façon qu’ils apprennent ce que sont les feuilles des plantes en les observant de près, ils peuvent apprendre le fonctionnement d’un logiciel en étudiant son code source, ce qui est possible avec un logiciel libre.

Mais il est aussi difficile de concevoir le développement de logiciels sans un modèle propriétaire. Une solution serait qu’une majorité d’utilisateurs insistent auprès des fabricants de logiciels pour qu’ils soient moins intrusifs. Stallman prétend que les entreprises commerciales devraient faire plus que protéger leurs propres intérêts.

« Les entreprises commerciales doivent fournir des produits utiles aux utilisateurs sans les tenir en otage au moyen de pratiques inacceptables », dit Stallman. « Aujourd’hui, les logiciels installent des programmes espions pour savoir ce que fait l’utilisateur, et les fabricants contraignent les usagers à créer du contenu avec leurs programmes, au lieu de leur vendre une copie de leur logiciel. De telles pratiques compromettent les droits de l’utilisateur, et nous devons insister auprès des fabricants pour qu’ils soient au contraire respectés. » À quel point les fabricants seront-ils réceptifs à ces propos, voilà ce que tout le monde se demande.

Notes

[1] Crédit photo : Wili Hybrid (Creative Commons By)




Quand l’album de Nine Inch Nails bouscule toute l’industrie musicale

Notsogoodphotography - CC byOn risque d’en parler longtemps. Imaginez-vous en effet un album de musique sous licence Creative Commons, disponible gratuitement et légalement sur tous les sites de partage de fichiers, et qui arrive pourtant en tête de meilleurs ventes 2008 sur la très fréquentée plate-forme de vente en ligne Amazon !

Voilà une nouvelle qui fait du bien et qui va à l’encontre de bon nombre d’idées reçues véhiculées notamment par certaines pontes de l’industrie culturelle (et leurs amis politiques). Une véritable petite bombe en fait, surtout en temps de crise. Les mentalités et les comportements évoluent et cela bénéficie indirectement aux logiciels libres qui sont « gratuits » ou « payants » selon que vous décidez ou non de soutenir le logiciel libre considéré[1].

Nine Inch Nails : l’album MP3 sous licence Creative Commons s’est vendu comme des petits pains

NIN’s CC-Licensed Best-Selling MP3 Album

Fred Benenson – 5 janvier 2009 – Creative Commons Blog
(Traduction Framalang : Don Rico)

L’album de Nine Inch Nails (NIN) diffusé sous licence Creative Commons, Ghosts I-IV, a fait un bon nombre de gros titres.

Pour commencer, l’opus a été salué par la critique et récompensé par deux nominations aux Grammy Awards, ce qui atteste la qualité musicale de cette œuvre. Mais ce qui nous emballe vraiment, c’est le formidable accueil qu’a reçu cet album chez les adeptes de musique. En plus d’avoir généré plus d’un 1,6 million de dollars de gains pour Nine Inch Nails dès la première semaine et d’avoir atteint la première place du classement de Billboard dans la catégorie musique électronique, Ghosts I-IV figure à la quatrième place des albums les plus écoutés de 2008 sur Last.fm, fort de 5 222 525 écoutes.

Mais le plus enthousiasmant, c’est que Ghosts I-IV a été l’album MP3 le plus vendu en 2008 sur la plateforme de téléchargements de MP3 d’Amazon.

Songez un peu à ce que ça signifie.

Les fans de NIN auraient pu utiliser n’importe quel réseau de partage de fichiers pour télécharger légalement l’album entier, puisqu’il est sous licence Creative Commons BY-NC-SA. Beaucoup l’on d’ailleurs fait, et des milliers continueront à le faire. Alors pourquoi les fans prendraient-ils la peine de payer des fichiers identiques à ceux qui sont disponibles sur les réseaux P2P ? On peut d’abord l’expliquer la facilité d’accès et d’utilisation des pages de téléchargements de NIN et d’Amazon. Mais il y a aussi le fait que les fans ont compris qu’acheter des fichers MP3 allait directement profiter à la musique et à la carrière d’un groupe qu’ils apprécient.

La prochaine fois qu’on tentera de vous convaincre que produire de la musique sous licence Creative Commons entamerait les ventes de musique numérique, souvenez-vous que Ghosts I-IV a prouvé le contraire, et soumettez cet article à votre interlocuteur.

Notes

[1] Crédit photo : Notsogoodphotography (Creative Commons By)




Les bonnes résolutions du logiciel libre pour 2009 ?

Foxypar4 - CC byNous pouvons nous réjouir du succès croissant que connaît le logiciel libre depuis quelques années, emmené par quelques projets phares tels que Firefox, Wikipédia, OpenOffice.org et Ubuntu pour les plus connus d’entre eux.

Les solutions Open Source sont de plus en plus utilisées sur les ordinateurs personnels et plus seulement dans le monde des serveurs, et entre le fiasco Vista et la crise, on se prend à rêver de jours radieux pour le libre…

Sauf que… Tout n’est pas rose au royaume du code ouvert ! Ces belles réussites cachent parfois des problèmes plus ou moins inquiétants : Firefox, fort de son record de téléchargements pour sa version 3.0, pourrait voir sa juteuse alliance avec Google menacée par les ambitions du géant de la recherche dans le domaine des navigateurs. Wikipédia mène en ce moment même une campagne d’appel aux dons massive pour lui permettre de poursuivre son développement. OpenOffice.org, adoptée par de plus en plus d’administrations et de particuliers, connaît quant à elle quelques couacs en coulisses, où des tensions se créent entre Sun et la communauté (nous traiterons de ce sujet dans un prochain billet).

Alors même si l’heure n’est pas à l’alarmisme[1], il convient de ne pas se laisser griser par le succès et de garder à l’esprit qu’il y a encore du boulot…

L’excellent Bruce Byfield, dont nous avons déjà traduit plusieurs articles dans les colonnes du Framablog, a publié un billet où il dresse avec une grande pertinence une liste de neuf problèmes de comportement qu’il a relevés chez les partisans du libre (et chez lui…) qui nuisent au développement des projets Open Source et à la communauté. Il y parle entre autres de l’acharnement aveugle contre Microsoft, de l’hostilité envers les nouveaux venus, et de la tentation d’accepter des compromis qui au bout du compte, pour quelques parts de marché en plus, risquent de nuire à long terme au mouvement du libre.

Bien sûr, en homme raisonnable, il propose à chaque fois une solution pour y remédier et faire en sorte que le libre poursuive sa marche vers "la domination du monde", comme il l’évoque en plaisantant dans les lignes que vous allez lire.

Neufs bonnes résolutions pour bien commencer l’année 2009, donc… (J’en profite au passage pour adresser mes meilleurs vœux aux lecteurs du Framablog).

Neuf problèmes de comportement qui font du tort au logiciel libre

Nine Attitude Problems in Free and Open Source Software

Bruce Byfield – 15 octobre 2008 – Datamation
(Traduction Framalang : Don Rico et Goofy)

Le logiciel libre et Open Source (NdT : Free and Open Source Software ou FOSS), j’adore ça. C’est une cause, une extension de la liberté d’expression, que je peux défendre en tant qu’auteur, et les membres de la communauté, en plus d’être brillants, sont à la fois passionnés et pragmatiques. C’est un domaine stimulant, et celui dans lequel j’ai choisi de travailler.

Parfois, néanmoins, le pire ennemi de la communauté, c’est la communauté elle-même. Certains comportements, souvent enracinés, nuisent à son unité et à ses objectifs communs, tels que fournir une alternative au logiciel propriétaire ou prêcher la bonne parole du FOSS. Au sein de la communauté, presque tout le monde s’est un jour rendu coupable d’un de ces comportements fâcheux, moi y compris, mais nous en discutons rarement. C’est pour cette raison que ces comportements perdurent et gênent les efforts de la communauté.

Admettre l’existence de ces comportements me semble être un bon début pour y remédier, alors voici neuf de ceux que j’ai le plus souvent constatés chez moi comme chez d’autres.

1) Se tromper d’ennemi

Chaque fois qu’une communauté se construit sur un certain idéalisme ou des convictions, les luttes intestines semblent être la norme. Cela s’applique aux groupes religieux et politiques, et il n’y a donc rien de surprenant à ce que ce soit aussi la norme au sein du FOSS, où les opinions de beaucoup sont souvent très tranchées.

Trop souvent, hélas, les conflits internes semblent l’emporter sur les objectifs communs. Plusieurs grands pontes professionnels ou semi-professionnels se forgent un nom en s’en prenant à d’autres membres de la communauté (peu importe leur nom, si vous vous intéressez à la question, vous savez de qui il s’agit, et je me refuse à les encourager dans leur démarche en leur faisant de la publicité gratuite).

Parfois, comme le mentionne Jeremy Allison, ces pontifes osent émettre des critiques que nul autre n’oserait exprimer. Mais la plupart du temps, leur motivation semble n’être que d’attirer l’attention sur eux, sans se soucier des divisions qu’ils créent au sein de la communauté, et en lisant les propos de ces pontes, nous encourageons ces divisions.

Pis encore, les dissensions entre les défenseurs du logiciel libre et ceux du logiciel Open Source. Certes, ce sont deux philosophies différentes : le logiciel libre (free software) s’attache à la liberté de l’utilisateur, alors que l’Open Source se soucie surtout de la qualité du logiciel. Pourtant, malgré ces distinctions fondamentales, les membres des deux camps travaillent sur les mêmes projets, avec les mêmes licences, et ont beaucoup plus de points qui les unissent que de points qui les opposent.

Alors pourquoi s’attarder sur les différences ? À l’évidence, les partisans du logiciel libre et ceux de l’Open Source ne trouveront personne d’autre avec qui ils ont plus en commun.

2) Ennuyer le monde avec des histoires de logiciels

Le logiciel étant l’un des éléments centraux de la communauté du FOSS, ses membres passent logiquement beaucoup de temps à en discuter. Pourtant, si vous essayez d’intéresser quelqu’un au FOSS, parler de logiciel ne fonctionne que si vous vous adressez à un auditoire de développeurs. Pour les autres, même la gratuité du FOSS n’a pas grand intérêt, sinon les partagiciels ou shareware seraient beaucoup plus utilisés.

Pour la plupart des gens, le logiciel en soi n’a pas grand intérêt, même s’ils passent de dix à douze heures par jour devant leur ordinateur.

Comme l’a signalé Peter Brown, le président de la Free Software Foundation, il y a quelques années, le FOSS doit s’inspirer des méthodes des partisans du recyclage. Ces partisans du recyclage ne défendent pas leur cause en expliquant où sont amenés les matériaux recyclables pour leur donner une seconde vie, ni en expliquant comment on fait fondre le verre pour le réutiliser plus tard… non, ils présentent les bénéfices du recyclage dans le quotidien de tout un chacun.

De la même façon, au lieu de parler du logiciel ou de ses licences, la communauté du FOSS doit davantage évoquer les problèmes tels que les droits, la protection de la vie privée et de la liberté d’expression des utilisateurs, des questions qui vont bien au-delà du clavier et de l’écran.

3) Se contenter d’imiter d’autres systèmes d’exploitation

Pendant des années, le FOSS a dû s’efforcer de rattraper le développement de Windows et d’OS X. C’était une nécessité incontournable, parce que le FOSS a commencé plus tard, et pendant longtemps, a disposé de moins de ressources que ses rivaux du monde propriétaire.

En outre, les utilisateurs changent d’autant plus facilement de système d’exploitation pour passer au libre que ce dernier ressemble à ce qu’ils connaissent. Et les développeurs ne vont pas non plus perdre leur temps à réinventer l’ordre des entrées de menu dans une fenêtre ou les raccourcis clavier pour copier ou coller.

Cependant l’imitation pose aussi des problèmes. Elle peut mener à copier à l’aveugle, par exemple à placer le menu principal en bas à gauche alors que c’est en haut à gauche qu’on le trouve le plus vite. Cela signifie aussi qu’on a toujours un train de retard, ce qui n’attire guère de nouvelles recrues – après tout, qui voudrait s’embarrasser d’un système d’exploitation qui n’est pas à jour ?

La vérité, c’est que dans un nombre croissant de domaines, y compris celui du bureau d’ordinateur et de la suite bureautique, le FOSS a déjà rattrapé les systèmes propriétaires, ou est en passe de le faire. Dans certains cas, tels que KDE4, le FOSS a pris la tête en ce qui concerne l’expérimentation. Mais la majeure partie de la communauté n’est pas encore passée de l’idée d’imitation à celle d’innovation, et cette absence de prise de conscience risque d’entraver les progrès du FOSS.

Comme l’indiquait justement Mark Shuttleworth de Canonical l’été dernier, il ne suffit pas d’égaler Apple. Le but devrait être de le dépasser.

4) Se méfier des nouveaux venus

Toute communauté tend à se replier sur elle-même. Du fait qu’elle est constituée de réseaux d’associations qui existent depuis des années, et que le statut de chacun y dépend de ses contributions, la communauté FOSS est probablement plus insulaire que la plupart. Un nouveau venu au FOSS doit à la fois maîtriser un certain volume d’expertise technique mais aussi tout un répertoire de connaissances et de principes implicites, avant de pouvoir espérer intégrer la communauté.

Tout cela est compréhensible, mais ne peut justifier l’impatience affichée ni le dédain que beaucoup de membres de la communauté infligent aux nouveaux venus. Trop souvent, j’ai vu des débutants animés de bonnes intentions, même s’ils étaient trop peu informés, perdre tout intérêt pour le FOSS parce que leurs questions basiques déclenchaient des répliques cinglantes dans lesquelles le commentaire dominant était : « RTFM » (NdT : Read The Fucking Manual, soit « Lisez Le Putain De Mode d’Emploi »).

Apparemment, beaucoup de membres de la communauté doivent encore prendre conscience que la plupart des gens ont pour premier réflexe de demander l’aide de quelqu’un avant de se documenter, ou que poser une question au lieu de se renseigner par soi-même est souvent autant une tentative d’établir le contact qu’un appel à l’aide.

Certes, tout le monde n’a pas la capacité d’assurer une aide technique. Mais si l’on créait un code de bonne conduite traitant spécifiquement de l’accueil des nouveaux venus, la communauté pourrait accueillir quelques recrues supplémentaires au lieu de les faire fuir. Ce serait aussi davantage en accord avec les quatre libertés du mouvement du logiciel libre, et avec la définition de l’Open Source, comme le soulignait récemment un blog sur GNUMedia.

5) Accorder aux développeurs un statut privilégié

Le mouvement du FOSS a pris naissance chez les développeurs, et leur travail reste un élément central du mouvement. Mais ce qui semble échapper à beaucoup, c’est que la communauté s’est étendue bien au-delà de son cercle d’origine. En ce qui concerne les projets d’envergure, en particulier, responsables de la documentation, testeurs, artistes, responsables du marketing et chefs de projet – sans parler des utilisateurs finaux – sont devenus des rouages essentiels. De plus en plus, la conception d’un logiciel libre prend la forme d’une collaboration entre personnes issues de divers domaines de compétence.

Malgré ce changement, néanmoins, on traite dans de nombreux projets les non-développeurs comme des collaborateurs de second ordre. Souvent, ils ne peuvent devenir membres à part entière du projet et n’ont pas voix au chapitre. Si un non-développeur émet une suggestion susceptible d’améliorer le projet, trop souvent la réponse qu’il obtiendra d’un développeur sera "Nous attendons ton code avec impatience", le développeur sachant très bien qu’il ne s’adresse pas à un codeur.

En de telles circonstances, difficile de reprocher aux non-développeurs de perdre leur enthousiasme pour un projet. Et sans eux, la plus grosse partie du travail nécessaire à un logiciel moderne ne sera simplement pas effectuée.

6) Passer son temps à cracher sur Microsoft

La communauté tout entière se méfie de Microsoft, et ce à juste titre, nulle autre entreprise de logiciel propriétaire n’a fait preuve d’autant d’hostilité à l’égard du FOSS, et ses tentatives récentes pour un réchauffement diplomatique sont trop hésitantes pour convaincre qui que ce soit. Toutefois, certains au sein de la communauté semblent plus motivés par l’envie exprimer bruyamment leur hostilité inébranlable à l’encontre de Microsoft que par le souci de défendre la liberté informatique.

Il serait bon de s’élever contre cette hostilité, et ce pour plusieurs raisons. Tout d’abord, elle se révèle contre-productive et ne contribue en rien à promouvoir les objectifs du FOSS. Comme le fait remarquer Joe Brockmeier, chef de file de la communauté openSUSE, et qui fut aussi mon collègue chez Linux.com, il semblerait que ceux qui passent leur temps à cracher sur Microsoft ne contribuent jamais à aucun projet.

Plus grave encore, ces râleurs patentés criant plus fort que tout le monde, on les prend souvent à tort, vu de l’extérieur, pour la majorité de la communauté, et l’on s’imagine que tout le monde dans l’univers du FOSS est gueulard et parano. Une telle perception ne risque pas d’encourager grand monde à s’impliquer. Et de nos jours, s’en prendre à Microsoft est tellement à la mode que les gueulards, et donc le FOSS tout entier, risquent d’être noyés dans la masse.

Mais la principale raison pour laquelle il faut rejeter ces violents préjugés anti-Microsoft, c’est qu’à cause d’eux la communauté risque de ne se montrer assez vigilante à l’égard d’autres adversaires aussi dangereux. Personne, par exemple, ne semble s’inquiéter des actes liberticides d’Apple, même si à bien des égards cette entreprise est en train de devenir le principal ennemi du logiciel libre.

En bref, quel que soit l’angle sous lequel on le considère, cet acharnement contre Microsoft est un frein dont la communauté doit se débarrasser, ou qu’elle doit reléguer au second plan.

7) Prendre comme modèle de croissance le mode de développement des entreprises commerciales

Avec le succès viennent les problèmes d’échelle. Lorsqu’on les identifie, il faut rapidement s’atteler à les résoudre, aussi est-il peut-être naturel aux projets FOSS de s’inspirer des procédés de développement des entreprises commerciales pour gérer leur croissance.

Quelles qu’en soient les raisons, les gros projets FOSS agissent de plus en plus comme des entreprises commerciales de logiciels. Les dates de publication fixes, par exemple, sont devenues la norme pour de nombreux projets, tels que GNOME, Ubuntu et Fedora, qu’il y ait ou non nécessité de publier une nouvelle mouture. Depuis peu, Mark Shuttleworth propose en outre une publication synchronisée pour les projets les plus importants, de sorte qu’il soit plus facile aux distributions de prévoir leur dates de publication, même si jusqu’à présent cette idée n’a pas trouvé un écho très favorable.

Dans certains cas, emprunter des idées aux entreprises commerciales peut se révéler utile. Il faut néanmoins garder à l’esprit que, même si le FOSS peut s’accorder avec un mode de fonctionnement commercial, ses objectifs sont différents. Qu’advient-il, par exemple, de la politique propre à l’Open Source (ne publier un logiciel que lorsqu’il est prêt) si un projet s’engage à des dates de sortie régulières ? Tôt ou tard, on ne pourra échapper à des problèmes de contrôle de qualité.

Plus important encore, le développement du FOSS reste dans la plupart des cas fondamentalement différent du développement d’un logiciel commercial. Dans de nombreux cas, les développeurs du FOSS comptent parmi eux une forte proportion de bénévoles, et sont souvent dispersés en davantage de lieux que les membres d’une équipe de développement d’un projet commercial. Étant donné ces circonstances, le FOSS doit, comme depuis ses origines, organiser le déroulement de ses travaux au fur et à mesure. Par exemple, comment mener à bien des phases de test lorsque les testeurs sont tous bénévoles ? En ce domaine, comme dans bien d’autres, le FOSS doit innover plutôt qu’emprunter ses idées ailleurs.

8) Placer les parts de marché en tête des priorités

Une blague bien connue dans l’univers du libre dit que l’objectif du FOSS est de devenir le maître du monde. Et qui, au sein de la communauté, ne ressent pas une certaine fierté quand un gouvernement ou une entreprise choisit de passer au libre, ou qu’une application comme Firefox gagne quelques points de parts de marché ?

Toutefois, comme je l’ai déjà écrit, attirer de nouveaux utilisateurs n’a aucun intérêt si on le fait au détriment des idéaux du libre, ou si ces nouveaux utilisateurs ne les défendent pas. Même s’il est grisant d’obtenir enfin la reconnaissance qui lui est due, la communauté ne doit pas oublier que le but du jeu n’est pas seulement de fournir des logiciels alternatifs, mais aussi une philosophie et un rapport à l’informatique alternatifs.

Si l’on emploie seulement ses efforts à gagner des parts de marché, ce qui semble être le cas d’un nombre croissant d’acteurs de la communauté, alors le libre assure sa défaite au moment même où il semble connaître le plus de succès.

9) Se contenter d’un système d’exploitation qui ne soit pas complètement libre

Maintenant que la communauté touche au but et qu’elle est à deux doigts de pouvoir proposer un système d’exploitation complètement libre, on pourrait croire que tout le monde voudrait donner un dernier coup de collier pour transformer l’essai. Pourtant, comme le montrent les réactions à la liste de priorités principales que la Free Software Foundation a récemment réactualisée, un nombre étonnant de membres de la communauté ne ressentent pas le besoin d’atteindre cet objectif final. Peu importe, disent-ils, s’ils doivent utiliser des pilotes propriétaires pour leur carte vidéo ou le Flash Player d’Adobe sur YouTube. D’après eux, nous sommes arrivés assez près du poste de travail libre pour ne pas chercher à combler les derniers trous, et au moins on peut télécharger gratuitement les éléments qui manquent.

Penser que la situation actuelle est assez satisfaisante n’est pas cohérent avec le souci d’excellence qui est la clé de voûte de l’Open Source. Plus important encore, cela signifie qu’on accepte l’échec, et qu’on abandonne le projet de fournir des systèmes d’exploitation alternatifs 100% libres. Pourquoi jeter l’éponge alors qu’on est si près du but ?

Débattre de ces problèmes

Ces comportements qui entravent le mouvement du logiciel libre sont bien sûr bien sûr une question de point de vue. J’imagine sans mal un défenseur de l’Open Source me rétorquer que se focaliser sur la liberté de l’utilisateur nuit à la diffusion en masse, ou le chef d’une entreprise dont l’activité est fondée sur le logiciel libre me répondre que considérer le libre comme un projet d’abord non commercial constitue un frein à la réussite.

Mais mon propos va au-delà de ces points précis. Le message que je veux vraiment faire passer, c’est que le libre a tellement gagné en importance, et si vite, qu’il n’a pas eu le temps de se demander si les comportements des débuts étaient encore pertinents ou si les nouvelles approches s’accordaient avec ses valeurs essentielles. Avant de croître davantage, la communauté doit se pencher sur ses modes de fonctionnement et les évaluer. Si elle ne le fait pas, elle risque, sinon de s’effondrer sous le poids des contradictions, du moins de se créer sans nécessité de lourds handicaps.

Notes

[1] Crédit photo : Foxypar4 (Creative Commons By)




La documentation sur le logiciel libre doit-elle être libre ?

Kennymatic - CC byTous les livres devraient-ils être « libres », au sens où ils seraient tous placés sous une licence libre ? Bien évidemment non. Si un auteur (romancier, essayiste, historien, poète…) ne souhaite pas voir son ouvrage modifié ou commercialisé sans son consentement, il en va de son plus respectable choix. Et puis n’oublions pas qu’au bout d’un certain temps le domaine public prend le relai (temps peut-être un peu trop long actuellement mais là n’est pas le propos).

Il existe cependant certains domaines bien précis où l’adoption de telles licences est à évaluer avec attention, surtout si l’objectif visé est l’édition, le partage et la diffusion de la connaissance, et plus particulièrement de la connaissance « en perpétuel mouvement ». On peut ainsi sans risque affirmer que l’encyclopédie Wikipédia et les manuels scolaires de Sésamath ne seraient pas ce qu’ils sont sans les licences libres qui les accompagnent.

Quant à la documentation des logiciels libres, ce choix apparait si ce n’est « naturel » en tout cas cohérent et pertinent. Car il s’agit non seulement d’une question de principe et de fidélité aux licences des logiciels libres mais également d’une question d’efficacité et de qualité collectivement déclinées. Avec à la clé une ressource utile et disponible constituant un atout supplémentaire pour faire connaître et diffuser le logiciel libre traité[1].

C’est ce que vient nous rappeler cet article du site Gnu.org que nous avons choisi de reproduire ici et qui encourage les éditeurs à vendre des manuels sous licences libres lorsque le sujet de l’ouvrage est un logiciel libre (ce qui n’est pas le cas actuellement, à quelques rares exceptions près comme, désolé pour la citation réflexive, la collection Framabook).

Il est bien évident que le principal frein est d’ordre financier. Les éditeurs « traditionnels » du monde informatique en langue française (Eyrolles, Dunod, ENI, Pearson, Campus Press, Micro Application…) imaginent qu’une mise sous licence libre de leurs ouvrages aurait un impact négatif sur les ventes, les bénéfices et le retour sur investissement. Cela reste difficile à prouver car la perte de clients potentiels (qui se contenteraient de la version numérique « gratuite ») est susceptible d’être compensée par une plus large publicité faite aux ouvrages en particulier parmi l’active et influente communauté du logiciel libre francophone (sans même évoquer la question du « capital sympathie » de l’éditeur qui pourrait s’en trouver là renforcée).

Wikipédia a atteint en quelques semaines les objectifs de sa campagne de dons (six millions de dollars), Sésamath possède des salariés rémunérés avant tout grâce à la « vente physique » de leurs manuels pourtant sous licence libre. Quant au plus modeste projet Framabook, son volume sur Ubuntu dépasse aujourd’hui les trois mille exemplaires achetés quand bien même cet achat se fasse encore presque exclusivement en ligne (et ce n’est pas fini puisqu’Ubuntu est bien partie pour durer encore un petit bout de temps).

N’ayez pas peur, comme dirait l’autre. Il me tarde de voir par exemple l’excellente collection Accès Libre d’Eyrolles porter encore mieux son nom.

Logiciels et manuels libres

Free Software and Free Manuals

GNU.org – dernière mise à jour : 24 mars 2008
(Traduction : Benjamin Drieu)

Le plus grand défaut des systèmes d’exploitation libres n’est pas dans le logiciel, mais dans le manque de bons manuels libres que nous pouvons y inclure. Beaucoup de nos programmes les plus importants ne sont pas fournis avec des manuels complets. La documentation est une partie essentielle de tout logiciel; quand un logiciel libre important n’est pas fourni avec un manuel libre, c’est un manque majeur. Aujourd’hui, nous avons de nombreux manques importants.

Il y a de nombreuses années, j’ai voulu essayer d’apprendre Perl. J’avais une copie d’un manuel libre, mais je ne l’ai pas trouvé facile d’accès. Lorsque j’ai demandé à des utilisateurs de Perl s’il existait une alternative, ils me dirent qu’il y avait de meilleurs manuels d’introduction, mais que ceux-ci n’étaient pas libres.

Mais pourquoi cela ? Les auteurs de ces bons manuels les ont écrit pour O’Reilly Associates, qui les publie sous des termes restrictifs (pas de copie, pas de modification, les sources ne sont pas disponibles). Cela les exclut de la communauté du logiciel libre.

Ce n’était pas la première fois que ce genre de choses se produisait, et (malheureusement pour notre communauté) c’en est loin d’être fini. Les éditeurs de manuels propriétaires ont encouragé un grand nombre d’auteurs à restreindre leurs manuels depuis. J’ai souvent entendu un utilisateur de GNU me parler d’un manuel qu’il était en train d’écrire et avec lequel il comptait aider le projet GNU, puis décevoir mes espoirs en expliquant qu’il avait signé un contrat avec un éditeur qui restreindrait son manuel de telle manière que nous ne pourrions pas l’utiliser.

Etant donné la rareté de bons rédacteurs en langue anglaise parmi les programmeurs, nous ne pouvons pas nous permettre de perdre des manuels de cette manière.

L’intérêt d’une documentation libre (tout comme pour un logiciel libre) est la liberté, pas le prix. Le problème avec ces manuels n’était pas que O’Reilly Associates vende les versions imprimées de ses manuels, ce qui est bon en soi. (La Free Software Foundation vend aussi des impressions des manuels GNU). Mais les manuels GNU sont disponibles sous forme de code source, alors que ces manuels-là ne sont disponibles que sous forme imprimée. Les manuels de GNU sont distribués avec la permission de les copier et de les modifier; mais pas ces manuels de Perl. Ces restrictions sont le problème.

Les conditions à remplir pour un manuel libre sont à peu près les mêmes que pour un logiciel; il s’agit de donner à tous les utilisateurs certaines libertés. La redistribution (y compris une distribution commerciale) doit être autorisée afin que le manuel accompagne chaque copie du programme, de manière électronique ou imprimée. Permettre les modifications est crucial aussi.

En règle générale, je ne crois pas qu’il soit essentiel que nous ayons la permission de modifier toutes sortes d’articles ou de livres. Les problèmes de l’écriture ne sont pas forcément les mêmes que ceux du logiciel. Par exemple, je ne crois pas que vous ou moi devrions nous sentir obligés de donner la permission de modifier des articles tels que celui-ci, qui décrivent nos actions et nos positions.

Mais il y a une raison particulière pour laquelle la liberté de modifier des documentations libres traitant de logiciels libres est cruciale. Lorsque les programmeurs exercent leur droit de modifier un logiciel et d’ajouter ou de modifier des fonctionnalités, s’il sont consciencieux, ils changeront aussi le manuel afin de pouvoir fournir une documentation précise et utilisable avec leur propre version du programme. Un manuel qui interdirait aux programmeurs d’être consciencieux et de finir leur travail, ou qui leur imposerait d’écrire un nouveau manuel à partir de zéro s’ils modifient le programme ne répond pas aux besoins de notre communauté.

Même si un refus total des modifications est inacceptable, quelques limites sur la manière de modifier une documentation ne pose pas de problème. Par exemple, il est normal d’avoir des injonctions de préserver la notice de copyright originale, les termes de distribution ou la liste des auteurs. Il n’y a pas non plus de problème à demander que les versions modifiées incluent une notice expliquant qu’il s’agit d’une version modifiée, et même d’avoir des sections entières qui ne puissent ni être supprimées ni être modifiées, du moment qu’il ne s’agit pas de sections ayant trait à des sujets techniques (certains manuels GNU en ont).

Ce type de restrictions n’est pas un problème, car d’une manière pratique elles n’empêchent pas le programmeur consciencieux d’adapter le manuel pour correspondre au programme modifié. En d’autres termes, elles n’empêchent pas la communauté du logiciel libre de faire son oeuvre à la fois sur le programme et sur le manuel.

De toutes façons, il doit être possible de modifier toute la partie technique du manuel ; sinon ces restrictions bloquent la communauté, le manuel n’est pas libre, et nous avons besoin d’un autre manuel.

Malheureusement, il est souvent difficile de trouver quelqu’un pour écrire un autre manuel quand un manuel propriétaire existe déjà. L’obstacle est que la plupart des utilisateurs pensent qu’un manuel propriétaire est suffisament bon, alors ils ne ressentent pas le besoin d’écrire un manuel libre. Il ne voient pas qu’un système d’exploitation libre a une fissure qui nécessite un colmatage.

Pourquoi ces utilisateurs pensent-ils que les manuels propriétaires sont suffisament bons ? La plupart ne se sont pas penchés sur le problème. J’espère que cet article sera utile dans ce sens.

D’autres utilisateurs considèrent les manuels propriétaires acceptables pour la même raison qu’énormément de personnes considèrent le logiciel propriétaire acceptable : ils pensent en termes purement pratiques, sans mettre la liberté en compte. Ces personnes sont attachées à leurs opinions, mais comme ces opinions découlent de valeurs qui n’incluent pas la liberté, ils ne sont pas un modèle pour ceux d’entre nous qui s’attachent à la liberté.

Je vous encourage à parler de ce problème autour de vous. Nous continuons à perdre des manuels au profit d’éditions propriétaires. Si nous faisons savoir que les manuels propriétaires ne sont pas suffisants, peut-être que la prochaine personne qui voudra aider GNU en écrivant de la documentation réalisera, avant qu’il soit trop tard, qu’elle devra avant tout la rendre libre.

Nous pouvons de plus encourager les éditeurs à vendre des manuels libres et dénués de copyright au lieu de manuels propriétaires. Une façon de le faire est de vérifier les termes de distribution de manuels avant de les acheter, et de préférer les manuels sans copyright à des manuels copyrightés.

La reproduction exacte et la distribution intégrale de cet article est permise sur n’importe quel support d’archivage, pourvu que cette notice soit préservée.

Notes

[1] Crédit photo : Kennymatic (Creative Commons By)




Linux est-il menacé par les anciens de chez Windows ?

Zach Klein - CC byC’est indéniable, le système d’exploitation GNU/Linux est en forte croissance et attire chaque jour de nouveaux utilisateurs. Parmi ces derniers, on compte une large part d’anciens utilisateurs Windows qui pour x raisons, à commencer par « la déception Vista », ne souhaitent plus continuer avec Microsoft.

Nous ne pouvons que nous en réjouir et vive la démocratisation Linux ! Sauf que cette nouvelle vague de migration n’est pas sans poser questions voire problèmes à la communauté Linux existante. En effet elle s’accompagne souvent d’un désir plus ou moins inavoué de voir Linux s’uniformiser et s’approcher le plus possible de Windows[1], quitte à le singer et prendre alors le risque de perdre sa propre identité.

Quand les utilisateurs de Windows veulent changer Linux… Comment réagir ?

How Windows Users are Changing Linux and What We Should Do About It

Linux Canuck’s Weblog – 3 décembre 2008
(Traduction Framalang : Goofy et Olivier)

Pas de doute, de nombreux utilisateurs ont décidé de quitter Windows pour s’en aller vers le Mac mais également vers Linux. Pour une part c’est parce qu’ils ne sont pas satisfaits de Vista. Mais ce n’est pas la raison qui importe ici, c’est ce qui en découle pour la communauté Linux.

Je suis actif sur plusieurs forums d’aide et je vois passer beaucoup de demandes. Un grand nombre d’entre elles viennent d’utilisateurs de Windows complètement perdus. Leur nombre et leur façon d’appréhender Linux ont une certaine influence. Personne n’a de statistiques précises, mais nous savons que la migration vers Linux va s’accroissant. Comme la plupart des nouveaux utilisateurs viennent de l’univers Windows, ils apportent avec eux leurs habitudes et leur expérience de Windows. Le passage n’est pas aussi aisé que la migration d’une version de Windows à l’autre, comme, disons, de passer de XP à Vista. Passer de XP à Linux est un choc pour beaucoup d’entre eux.

Heureusement, la communauté Linux est accueillante et a l’esprit large. Beaucoup d’entre nous étions dans la même situation qu’eux. Pas tous, cependant. Ce qui peut créer quelques problèmes : par exemple quand un gourou d’Unix demande à un débutant venu de Windows d’ouvrir un terminal et d’éditer GConf en ligne de commande avec Nano. Il est certain qu’un échange entre ces deux-là est fort intéressant. Mais pour une raison étrange c’est souvent la frustration qui prédomine pour chacun d’eux au final. Il faut s’attendre à de telles choses quand deux univers différents entrent en collision frontale…

Or nous découvrons que les utilisateurs de Windows ont sur la communauté Linux une influence que nous n’avions par prévue. Les utilisateurs de Windows n’ont pas l’habitude de choisir. À leurs yeux l’éventail des choix proposés sous Linux est déstabilisant.

Parlons d’abord du nombre de distributions. Par quel bout commencer pour faire son choix ? Chacun a son opinion, mais on ne sait pas qui croire. Si bien que les utilisateurs se fient à la réputation et à la popularité. Ils se peut qu’ils choisissent Fedora parce qu’ils savent que c’est un produit de Red Hat et qu’ils ont entendu dire que Red Hat est un poids lourd de Linux (pour les serveurs, mais ils ne font pas la différence). Ils n’ont pas conscience que Fedora n’est pas une distribution pour débutants et aucun argument ne les en fera démordre. Pire encore, ceux qui ont une ancienne version de Red Hat, qui veulent l’utiliser sur un vieil ordinateur de bureau et qui espèrent la voir fonctionner comme on leur a décrit Linux, de façon moderne et ergonomique. Et puis il y a Ubuntu. Ils l’utilisent parce que c’est la distribution que la plupart des gens utilisent. Il n’est donc pas surprenant que nos forums débordent de confusion et souvent même de frustration.

Voici donc où selon moi se trouve le problème. Cette frustration et cette confusion incitent les utilisateurs de Windows à déclarer que Linux devrait ressembler davantage à Windows. Ils veulent supprimer les choix et ils veulent que les choses soient standardisées. Pire encore, un petit nombre d’entre eux veulent changer Linux pour qu’il s’approche le plus possible de Windows. Nous devons donc être prêts à faire face à de telles déclarations et à préserver ce qui fait la spécificité de Linux.

Le problème survient souvent ingénument. Certains vont se trouver devant un problème d’installation de paquetage qui va leur faire dire quelque chose comme « c’est bien plus facile d’installer sous Windows ». Ce n’est pas le cas et nous devons leur expliquer pourquoi c’est faux et ce assez gentiment pour qu’ils ne soient pas rebutés. Ou encore ils peuvent demander quel est le meilleur programme antivirus à installer, ou bien comment défragmenter un disque, des choses classiques dans un environnement Windows mais qui n’ont pas d’équivalent sous Linux.

Vous pouvez entendre proclamer qu’il ne devrait pas y avoir autant de choix. Que ça submerge les débutants et que ce serait mieux s’il n’y avait qu’une seule distribution. J’ai lu hier encore un billet d’humeur à ce sujet. En fait, c’est assez fréquent. Ils disent quelque chose comme ça : « Linux a un problème et, s’il veut réussir, il faut qu’il concurrence Windows, par conséquent, Linux doit changer ». L’auteur de l’article poursuit en disant à quel point Linux ne peut se comparer favorablement avec Windows. La gestion des fichiers de configuration est « chaotique » et le besoin d’une base de registre centralisée se fait sentir. Il existe trop de gestionnaires de paquetages et donc les développeurs commerciaux ne peuvent pas tous les supporter, voilà ce qu’ils disent. Et puis le noyau change tout le temps à cause de sa gestion séparée…

Les critiques viennent de deux groupes, celui des débutants de base et celui des utilisateurs bien informés qui ont des besoins particuliers. Je suis certain que vous avez déjà entendu de telles récriminations, ainsi que l’idée que Linux est trop diversifié pour réussir un jour à s’imposer.

Le problème est que personne n’a jamais franchi le pas qu’ils voudraient voir franchir. Linux n’a nul besoin d’entrer en compétition avec quoi que ce soit. Il suit sa propre voie et se développe avec l’assentiment de tous. Par conséquent les seuls changements qui lui sont nécessaires relèvent de son évolution naturelle.

Linux est déjà un succès. Il n’a pas besoin de devenir ce qu’il n’est pas. Si, comme certains le souhaitent, Linux devait essayer de rivaliser avec Windows, il y perdrait son identité. Il deviendrait le modèle dominant et ne serait plus ce qu’il est, une alternative au modèle dominant.

Alors comment devons-nous répliquer face à de telles réclamations ? D’abord il nous faut être vigilants pour mieux les détecter. Ensuite, nous devons les identifier pour ce qu’elles sont, des tentatives de détournement de Linux. Nous devons tenir bon et être fiers de ce que nous avons, sans rêver à ce que cela pourrait devenir si par hasard nous leur emboitions le pas. Linux est ce qu’il est et Windows est ce qu’il est. Les utilisateurs ont le choix. Un point c’est tout.

D’un point de vue pratique, nous devons répondre de façon circonstanciée. Il faut éduquer les débutants, leur montrer comment se servir de Linux. Ils ont besoin de savoir pourquoi nous faisons les choses à notre manière et il faut leur rappeler que la force de Linux vient de sa diversité.

Ceux contre qui il est plus difficile de rétorquer, ce sont ceux qui publient des commentaires et qui bloguent, ceux qui connaissent Linux et ses particularités. Ils présentent ces dernières comme des erreurs et exposent leurs arguments. Dans ce cas de figure nous devons comprendre et nous former avant de leur répliquer. Nous devons leur exposer des arguments de poids pour expliquer que nous ne pouvons les suivre sur ce terrain. Pour cela nous devons savoir d’où ils viennent, vers quoi ils nous engagent et peut-être même quel est le motif secret qui les anime. Chacun a son petit secret.

Pour espérer défendre les couleurs de notre champion Linux, il nous faut être préparés à rester fermes sur nos positions. Nous devons tout d’abord accepter Linux tel qu’il est. Si nous-mêmes sommes d’accord avec ces détracteurs, nous devons apprendre pourquoi les choses sont ce qu’elles sont. Linux a une histoire. Il existe de bonnes raisons qui ont fait qu’il nous arrive ainsi aujourd’hui.

À chaque fois que les gens essaient de modifier radicalement le cours des choses, c’est un échec. Le changement révolutionnaire déclenche des forces incontrôlables. Au contraire, les évolutions construisent et améliorent les fondements. C’est plus lent mais c’est plus sûr. Linux change, mais change à sa manière. C’est sain et naturel.

Linux est Open Source, donc les gens sont libres d’en faire ce qu’ils veulent. Chacun, Microsoft compris, peut créer sa propre distribution qui fait précisément ce qu’on lui demande. Le problème c’est que cela ne produit pas le résultat escompté. Cela ne fait qu’accroître le nombre de distributions. En fait, c’est une révolution que certains veulent faire. Ils voudraient que Linux cesse d’être ce qu’il est pour que leur vision devienne une réalité. Ils ont besoin que les autres projets s’interrompent tout autant que de faire réussir les leurs. Voilà pourquoi de telles discussions sont intrinsèquement dangereuses, et pourquoi nous devons hausser le ton.

La plupart des utilisateurs de Linux sont bien informés et experts. Beaucoup sont également silencieux. Puisque Linux n’a pas de porte-parole, il ne peut compter que sur nous, ses utilisateurs et développeurs qui partageons la même idée. Nous devons proclamer ce que Linux représente et ne pas rester silencieux lorsqu’il est nécessaire de nous exprimer.

Parfois certains feraient mieux de s’abstenir de répondre. Les commentaires du genre « tu as tort », « tu es un crétin » ne sont pas constructifs. Ils montrent qu’on est passionné, mais pas grand-chose d’autre. Ceux qui émettent des critiques méritent qu’on leur explique pourquoi les choses sont telles qu’elles sont. Nous devons dire pourquoi nous ne partageons pas leur désir de changer ce qui est déjà bon.

Personnellement je me fiche de savoir où en est Microsoft. Je n’utilise pas Windows et ne l’utiliserai pas. Que Microsoft triomphe ou s’effondre n’est pas une question qui m’intéresse. Linux n’a nul besoin que Windows s’effondre pour réussir. Il n’y a pas de compétition dans mon esprit. Dès que les gens commencent à parler comme si elle existait, je me méfie de leurs motivations et de leurs intentions. Les gens qui écrivent que Windows 7 va tuer Linux ne comprennent manifestement ni Linux ni ses utilisateurs.

Nous n’allons pas partir à l’abordage dès que Microsoft lance quelque chose. Nous utilisons Linux parce qu’il correspond à nos besoins et traduit notre désir de liberté, de contrôle et de maitrise de notre ordinateur, ce que Microsoft ne poura jamais offrir. Chez Microsoft comme chez Apple, les objectifs sont diamétralement opposés. Ils conçoivent l’ordinateur comme quelque chose qu’ils devraient contrôler et par extension, ils aimeraient bien vous contrôler vous et vos habitudes. Les gens qui ont ça en tête ne choisissent pas Linux et ne le feront jamais. Voilà précisément le problème selon moi.

Microsoft déteste ce que représente Linux. Cela n’a rien à voir avec les problèmes pratiques tels que les expriment les gens qui veulent changer Linux pour qu’il ressemble à Windows. Cela a tout à voir avec la façon radicalement différente dont nous voyons les choses et le fait que pour la première fois ils entrent en compétition avec une idéologie qu’ils ne peuvent pas acheter comme une entreprise, si bien que leur solution est de changer l’idéologie, en lançant à ses trousses des gens qui soulèvent des problèmes pratiques. Tout cela fait partie d’une campagne d’intox à laquelle il se peut que certains s’activent délibérément, tandis que d’autres en sont les instruments inconscients, depuis longtemps avalés par la Machine.

Au bout du compte, il n’importe guère de savoir s’ils sont délibérément actifs ou passivement impliqués. Le fait est qu’ils sont en campagne. J’ai lu des rapports ces dernières semaines mentionnant que Microsoft offre des portables gratuits à des blogueurs et verse de l’argent à des entreprises pour que tous recommandent Windows. De là à envisager qu’ils paient des personnes et des entreprises de la même façon pour d’autres buts, il n’y a qu’un pas. Non seulement il est nécessaire pour Microsoft de s’attaquer à l’idéologie, mais la firme veut aussi réduire le fossé entre les deux systèmes d’exploitation de telle sorte que peu de choses les différencient. Ils veulent nous affadir pour nous détruire plus facilement.

Nous avons beaucoup à faire pour éviter ce résultat. Nous avons besoin de maintenir Linux sur sa lancée, pour que nous puissions être une alternative. Si nous ne sommes plus une alternative, nous n’avons plus rien à offrir, sinon un prix, et le prix à payer est une chose avec laquelle Microsoft sait très bien s’arranger.

Je conseille de parler haut et fort en faveur de Linux et de promouvoir l’unité de la communauté Linux. C’est normal d’avoir des rivalités amicales entre distributions, mais nous devons être sur nos gardes vis-à-vis d’attaques bien plus insidieuses venant de l’extérieur, et protéger ce que nous avons en commun. Si Linux doit changer, que cela demeure de l’intérieur.

Notes

[1] Crédit Photo : Zach Klein (Creative Commons By)




Au secours, mon livre est sous licence Microsoft !

Gwilmore - CC byDans son livre Rapture for the Geeks: When AI Outsmarts IQ, que l’on pourrait traduire par Au bonheur des geeks : Quand l’IA l’emporte sur le QI, Richard Dooling s’est amusé à imaginer son ouvrage sous un contrat de licence type de logiciels Microsoft en suivant presque mot à mot les termes de son contenu.

Le résultat est à la limite du surréalisme, jusqu’à se demander si ces licences Microsoft ne sont pas intrinsèquement surréalistes, quand bien même uniquement appliquées aux logiciels ! L’occasion du reste pour certains lecteurs[1] de ce blog sous Windows d’enfin lire « le contrat qu’on ne lit jamais » qu’ils ont passé à l’achat avec Microsoft.

Et si le CLUF de Microsoft s’appliquait aux livres

If Microsoft’s EULA Applied To Books

Richard Dooling – 7 octobre 2008
(Traduction Framalang : Don Rico et Yonnel)

RAPTURE FOR THE GEEKS : (VENTE AU DÉTAIL)

CONTRAT DE LICENCE POUR L’UTILISATEUR FINAL (CLUF)

Date de publication : 7 octobre 2008

1. CONCESSION DE LICENCE. Richard Dooling vous concède les droits suivants, sous réserve que vous respectiez les termes du présent CLUF :

2. INSTALLATION ET UTILISATION. Vous êtes autorisé à installer, utiliser, accéder à, afficher ou exécuter UN (1) EXEMPLAIRE DE CE LIVRE sur UNE SEULE PERSONNE, telle qu’un adulte, un homme, une femme, un adolescent ou tout autre être humain. Ce livre NE PEUT être lu par plus d’une personne.

3. ACTIVATION OBLIGATOIRE. Les droits de licence qui vous sont concédés au titre du présent CLUF sont limités aux trente (30) premières minutes à compter de votre installation initiale du LIVRE, à savoir son ouverture, à moins que vous ne fournissiez les informations requises pour activer votre exemplaire sous licence, de la manière décrite dans cette page. Il est possible que vous deviez également réactiver le livre si vous vous modifiez ou changez de personnalité. Par exemple, si vous vieillissez et gagnez en maturité, développez une maladie mentale, changez de régime alimentaire, ou recevez des membres ou des articulations artificiels, un pacemaker, des implants, ou bénéficiez d’une greffe d’organe, vous devrez alors réactiver votre licence avant d’être autorisé à pouvoir de nouveau consulter le livre.

4. UTILISATION FRAUDULEUSE. Ce livre contient des technologies conçues pour empêcher toute utilisation frauduleuse ou illégale du livre. Un puce intégrée permet à l’éditeur de scanner vos rétines de temps à autre afin de s’assurer que c’est bien VOUS et VOUS SEULEMENT qui lisez ce livre, et non quelque pirate voleur de livres. Au cours de ce processus, Richard Dooling ne collectera sur vous aucune information permettant de vous identifier personnellement, mais seulement des échantillons de sang, de tissus organiques et de moelle épinière (de force si nécessaire) afin de déterminer votre séquence d’ADN. Si vous ne disposez pas d’un exemplaire sous licence valable du livre, vous n’êtes pas autorisé à lire le livre ni ses mises à jour ultérieures.

5. TRANSFERT DU LIVRE. Vous êtes autorisé à effectuer un transfert permanent du livre à un autre utilisateur final, mais après ledit transfert vous devrez procéder à la suppression de tout souvenir du livre présent dans le cerveau du lecteur précédent. Si le livre était mémorable au point que les souvenirs ne peuvent être totalement retirés du lecteur précédent, exécutez ce dernier avec le moins de cruauté possible (liste des méthodes à employer fournie en Appendice A) et adressez sous pli la preuve de l’exécution et l’acte de décès (avec cachet du notaire) à Richard Dooling, à l’adresse indiquée ci-dessous.

6. RÉSILIATION. Sans préjudice de tous autres droits, Richard Dooling pourra résilier le présent CLUF si vous n’en respectez pas les termes. Dans ce cas, vous devrez détruire tous les exemplaires de ce livre et tous ses composants, détruire toute note que vous auriez prise concernant ce livre, et oublier tout passage du livre que vous seriez tenté de vous remémorer. Si vous trouvez ce livre absolument inoubliable, décapitez-vous et envoyez votre tête par colis postal à Richard Dooling, afin d’obtenir un remboursement de 50$. Veillez bien à joindre l’original de votre facture (pas de photocopie !), le code-barre préalablement découpé sur la couverture du livre, et le formulaire de remboursement fourni dans votre exemplaire, que vous prendrez soin de remplir avant de détacher et poster votre tête.

7. PROTÉGEZ-VOUS ! Ne lisez que des livres authentiques achetés chez un revendeur autorisé. Ne téléchargez pas de livres piratés ! Chaque fois que vous lisez un livre contrefait, vous encourez de graves dangers. Dans une enquête récente, un institut mandaté par Richard Dooling a montré que 25% des sites Web proposant des exemplaires piratés de livres tentaient également d’installer des espiogiciels et des troyens susceptibles d’endommager votre système d’exploitation et de vous empêcher de consulter des sites porno sur votre ordinateur dans de bonnes conditions.

Assurez-vous que votre exemplaire de Rapture for the Geeks est AUTHENTIQUE ! Vous bénéficierez alors d’un accès facile aux mises à jour, suites, deuxième et troisième éditions du livre, téléchargements, support technique et offres spéciales. Validez SANS TARDER votre exemplaire de Rapture for the Geeks grâce au Richard Dooling’s Genuine Advantage !

À présent, si vous êtes sûr d’être en possession d’un exemplaire AUTHENTIQUE de Rapture for the Geeks, il est sans doute sans danger de poursuivre.

Extrait de Rapture for the Geeks: When AI Outsmarts IQ, par Richard Dooling.

Notes

[1] Crédit photo : Gwilmore (Creative Commons By)




Songbird ou l’alternative libre à iTunes

RossinaBossioB - CC bySongbird (fiche Framasoft) est aussi bien un logiciel multiplate-forme de gestion de bibliothèque musicale, un lecteur audio et un navigateur web basé sur Firefox. Prometteur dès son origine, il vient enfin de passer en version 1.0 et représente désormais une réelle et crédible alternative à iTunes d’Apple (qui, aussi cool soit-il, a fortement tendance à verrouiller le marché et les technologies associées).

Pour marquer l’évènement mais aussi vous inciter à l’essayer nous avons choisi de traduire un article qui met en avant ce que sait faire Songbird[1] mais que ne sait pas faire iTunes. Car nombreuses sont les fonctionnalités originales qui sont susceptibles de vous apporter une expérience musicale nouvelle[2] sur internet.

Songbird : dix fonctions qu’on ne trouve pas dans iTunes

10 Things Songbird Does That iTunes Can’t

Adrian – 6 décembre 2008 – AudioJungle.net
(Traduction Framalang : Don Rico et Daria)

Songbird est récemment passé en version 1.0, avec pour mission d’être à iTunes ce que Firefox est à Internet Explorer. La recette consiste à s’inspirer du concept de base d’un programme fermé et privatif, et d’en faire quelque chose d’ouvert, d’extensible et de plaisant à utiliser. Songbird a pour objectif de « rendre le pouvoir au peuple ».

Apparu en février 2006, Songbird est de cinq ans le cadet de l’iTunes d’Apple, et ne propose pas encore d’équivalent pour chacune de ses fonctionnalités. La prise en charge des iPod, des podcasts et des pochettes d’album, ainsi que la stabilité sont ainsi considérées comme en version bêta et nécessitent encore quelques améliorations. L’encodage de CD, la surveillance des dossiers et la prise en charge de la vidéo manquent encore à l’appel.

Les atouts propres à Songbird en font néanmoins un excellent lecteur multimédia dans l’univers du Web 2.0. C’est un outil flexible que se doit de posséder tout mélomane qui se sert du Web pour l’exploration des nouveautés musicales. Sa façon de fonctionner avec les sites et les blogs consacrés à la musique me semble particulièrement digne d’intérêt. Songbird a bouleversé la façon dont j’envisage la découverte et l’écoute de musique en ligne.

Voici quelques-uns des atouts de Songbird.

1. La navigation par onglets.

À l’instar de la plupart des navigateurs modernes, Songbird propose la navigation par onglets. Si l’on ne peut écouter qu’un seul morceau à la fois, on est en droit de s’interroger sur l’intérêt de s’essayer au multitâche dans un lecteur audio. Eh bien figurez-vous que j’ai trouvé ce système d’onglets bien plus utile que je ne m’y attendais.

Avec ma bibliothèque ouverte dans un onglet, j’ai pu en même temps, dans d’autres onglets, modifier mes préférences, installer des modules complémentaires, parcourir les différents « plumes » (NdT : les thèmes de Songbird) disponibles, et surfer sur Internet. Ce système se révèle aussi fort utile pour afficher des photos Flickr et des vidéos YouTube de l’artiste que l’on est en train d’écouter.

2. Les Plumes (thèmes ou skins)

Basé sur Firefox, Songbird partage nombre de ses points forts, et parmi eux les thèmes, qui dans Songbird s’appellent des « plumes » (NdT : on pourrait aussi dire «  plumages »). Diverses plumes sont déjà disponibles, y compris quelques sympathiques thèmes sombres, un thème de style iTunes, et un autre inspiré par Vista Aero.

À mesure que Songbird gagnera en popularité, nul doute que la communauté en créera des centaines d’autres. Cette fonctionnalité à elle seule attirera ceux qui accordent de l’importance à la créativité et à l’originalité.

3. Les modules complémentaires (extensions ou plugins)

Si vous ne trouvez pas dans Songbird la fonction qui vous intéresse, vous pouvez toujours installer ou créer un module complémentaire. Parmi les extensions déjà disponibles, on trouve :

  • LyricMaster, qui affiche les paroles d’une chanson afin que vous puissiez chanter en même temps. J’attends avec impatience que quelqu’un concocte une extension permettant de faire défiler la grille d’accords.
  • MediaFlow, qui est semblable au CoverFlow d’Apple.
  • La prise en charge des iPod, qui m’a paru fonctionner à merveille lorsque je l’ai essayée avec l’iPod d’un copain.
  • Livetwitter, qui ajoute la prise en charge de Twitter, de MSN/Windows Live Messenger, de Pidgin et de Mercury.
  • Last.fm Album Art, qui vous évitera peut-être de perdre des heures à traficoter sur le Web pour compléter votre collection.

4. Transformez une page Web en liste de lecture (playlist)

Songbird inclut un navigateur basé sur Firefox, possédant des fonctions telles que les marque-pages et la navigation par onglets. Une des fonctions inédites du navigateur consiste à faire apparaître tous les fichiers musicaux de la page dans une liste de lecture en bas de l’écran. Voilà qui fait de Songbird un excellent outil pour découvrir de la musique en ligne, surtout lorsqu’on associe cette fonction à celle d’abonnement que nous allons évoquer ci-après. La liste de lecture rend également facile le téléchargement de morceaux.

5. Abonnez-vous à des blogs MP3 et faites-en des listes de lecture

Si vous faites un clic droit sur la page d’un blog consacré à la musique, vous trouverez « S’abonner à cette page » dans la liste des options. Cliquez dessus, et l’on vous demandera dans quel dossier sauvegarder la musique de ce blog, et à quelle fréquence vous souhaitez que Songbird vérifie les mises à jour du site. Une fois que vous serez abonné, la page s’affichera comme une liste de lecture, et les nouveaux morceaux seront automatiquement téléchargés vers le dossier que vous aurez indiqué.

6. Affichez du contenu multimédia associé à l’artiste écouté

Grâce à la fonction Mashtape de Songbird, découvrez des photos présentes sur Flickr, des vidéos YouTube, des biographies issues de Last.fm, des infos provenant de Google News (et d’autres sources) ou Wikipédia en rapport à l’artiste que vous êtes en train d’écouter. Le panneau Mashtape s’affiche sous votre liste de lecture. Vous y trouverez les onglets suivants : Infos sur l’artiste, nouvelles, Photos, et Vidéos.

  • Les infos sur l’artiste contiennent une courte biographie, une discographie, une liste de marqueurs (tags) associés et des liens fournis par Last.fm. Lorsqu’on clique sur un lien de cette section, la page Last.fm concernée s’ouvre dans un nouvel onglet.
  • Les actualités (nouvelles) sont issues d’un certain nombre de sources et récoltées via RSS ; parmi ces sources, on trouve Google News, Hype Machine et Digg.
  • L’article Wikipédia du groupe en train d’être écouté vous est également proposé.
  • Les photos Flickr défilent avec fluidité à l’écran. Lorsque vous cliquez sur l’une d’elles, sa page Flickr s’ouvre dans un nouvel onglet.
  • Les vidéos sont associées à l’artiste que vous écoutez, mais pas à la chanson précise qui passe dans Songbird. En cliquant sur un lien de vidéo YouTube, vous ouvrez un nouvel onglet où vous pourrez visionner la vidéo.

7. Lisez une vaste gamme de formats audio

Songbird lit les fichiers au format MP3, FLAC et Ogg Vorbis sur toutes les plateformes. Il lit le WMA et le WMA DRM sous Windows, le AAC et le Fairplay sous Windows et Mac. Je n’apprécie guère les DRM, mais le fait que Songbird soit capable de lire des fichiers protégés rendra son utilisation plus facile à certains. Des modules complémentaires permettent de lire les formats DirectShow et Audible.

8. Une meilleure intégration de Last.fm

Si vous ne connaissez pas Last.fm, foncez vous créer un compte. Last.fm dresse une liste de tous les morceaux que vous écoutez (un plug-in est disponible pour la plupart des lecteurs audio), vous recommande des morceaux susceptibles de vous plaire, et vous présente d’autre membres qui partagent vos goûts musicaux. Last.fm permet d’écouter en streaming des milliers de morceaux. Outre soumettre les chansons que vous écoutez à la base de données de Last.fm, Songbird vous permet de « scrobbler » vos morceaux, d’indiquer lesquels vous adorez et lesquels vous souhaitez bannir directement depuis le programme.

9. Achetez vos places de concert

Si vous achetez vos places de concert en ligne (qui s’y prend autrement, de nos jours ?), vous trouverez sans doute la fonction Songkick fort pratique. Depuis Songbird même, vous pourrez chercher les concerts prévus près de chez vous et acheter directement vos places. La fonction Songkick n’est (NdT : pour l’instant ?) fournie que pour les USA, le Royaume-Uni, l’Australie, le Canada et la Nouvelle-Zélande.

10. Songbird tourne sous Linux

Enfin, Songbird fonctionne sous les systèmes d’exploitation Linux et OpenSolaris. Eh oui, je l’admets, je suis un geek. Comme iTunes, Songbird existe aussi pour Mac et Windows, comme ça, pas de jaloux.

Artistes : quelques conseils pour que Songbird donne une bonne image de vous

Pensez à la façon dont vous percevront ceux qui utilisent Songbird pour écouter votre musique. Vous pouvez exploiter la richesse de l’expérience multimédia qu’offre Songbird pour améliorer l’image de votre musique et de votre groupe.

  • Utilisez des liens directs, non cachés pour renvoyer aux fichiers MP3 sur votre site de sorte que la mini liste de lecture s’affiche au bas de l’écran quand on visite votre page via Songbird.
  • Ajoutez votre groupe à Last.fm, avec une description et des photos de bonne qualité, et envisagez d’uploader quelques-uns de vos morceaux sur leur base de données. Ainsi, quand il lira votre musique, Songbird aura quelque chose à afficher, et vous ne passerez pas pour un groupe totalement inconnu. Près du bas de la page d’accueil de Last.fm, vous trouverez le lien « Vous faites de la musique ? Uploadez-la ! » qui vous expliquera comment procéder.
  • Si votre groupe donne des concerts, assurez-vous que vos dates figurent dans la base de données de Songkick. Ainsi, quand vous donnerez un concert quelque part, ceux qui vous écoutent bénéficieront d’un moyen supplémentaire de le savoir. Difficile de louper le lien « Ajouter un nouveau concert » sur leur page d’accueil.

Et vous, avez-vous essayé Songbird ? Faites-nous partager vos impressions.

Notes

[1] Ce que l’article ne fait pas, mais que nous pourrions faire dans les commentaires, c’est ajouter Amarok dans la comparaison.

[2] Crédit photo : RossinaBossioB (Creative Commons By)