Les DRM sont inefficaces d’après Mark Shuttleworth d’Ubuntu

Eliminate DRM - semaphore_ - Flickr - CC-BY

Deuxième traduction[1] du blog de Mark Shuttleworth connu entre autres choses pour être à l’initiative de la célèbre distribution GNU/Linux Ubuntu.[2]

Il devient de plus en plus difficile pour les partisans des DRM de défendre et justifier leurs positions.

Combien de temps tiendront-ils encore ?

Mark Shuttleworth - blog - screenshot

Note aux ayant-droits : les DRM sont inefficaces

Note to content owners: DRM doesn’t work

Mark Shuttleworth – 7 avril 2007

Certaines idées sont vouées à l’échec, mais suffisamment séduisantes pour certaines personnes pour qu’elles soient condamnées à être essayées encore et encore.

Les DRM en font partie.

Je me suis réjouis de voir, il y a peu, que les clés de chiffrement pour *tous* les disques HD émis jusqu’à aujourd’hui avaient été découvertes et publiées. J’ai espoir que cela aboutira au dévoilement des schémas de protection de contenu des Blu-Ray et HD-DVD avant que ces lecteurs n’aient atteint 1% de leur marché potentiel. C’est en effet une bonne nouvelle puisqu’elle pourrait amener les gens qui implantent de telles protections à reconsidérer leur position.

On est déjà passé par là. Le système de chiffrement DVD-CSS a été cracké très rapidement, avec style et légalement. Les ayant-doits, Hollywood Inc, étaient scandalisés et ont poursuivi toute personne faisant simplement référence au logiciel libre qui pouvait accomplir ce décryptage simple. Ils ont utilisé le DMCA pour renforcer les lois sur le droit d’auteur bien au delà de son but originel. Ils se sont comportés comme un cerf pris dans les phares, aveuglés par la vision apocalyptique d’un monde où leur contenu circule rapidement et efficacement, sans pouvoir entrevoir une issue sûre alors que les phares se rapprochent. Leur marché changeait, ouvrant de nouvelles possibilités et de nouvelles menaces, et ils voulaient ralentir le rythme de ce changement.

Les ayant-droits pensent que les DRM peuvent ralentir l’évolution naturelle du marché.

En ce qui concerne les films, une des raisons principales de l’adoption des DRM a été le refus de l’industrie de sortir de l’ère de l’anologique. Les films sont en général envoyés aux salles de cinémas sous forme de films en celluloïd, de grosses bobines de celluloïd. L’impression et la distribution de ces films aux cinémas qui vont les montrer coûtent très cher. La stratégie de sortie de la plupart des films était donc définie par les contraintes du monde réel. Les studios imprimaient donc un certain nombre de pellicules et les envoyaient aux cinémas dans quelques pays. Quand la diffusion est achevée ici alors ces films sont envoyés dans de nouveaux pays. C’est la raison pour laquelle les films sortent en général à des dates différentes dans différents pays. C’est purement et simplement dû à des contraintes physiques liées à l’organisation des déplacements de morceaux de celluloïd et cela n’a plus sa place dans notre ère de distribution numérique, instantanée, mondiale.

Evidemment, quand les DVD sont apparus, les ayant-droits ne voulaient pas que les gens achètent le DVD aux USA et se le fassent envoyer en Australie avant même que le film ne passe dans les cinémas là-bas. D’où la lésion cérébrale que nous appelons zonage, les ayant-droits ont implanté la protection CSS afin que le DVD ne soit pas seulement chiffré mais aussi pour qu’il contienne un marqueur de zone qui est censé l’empêcher d’être lu ailleurs que sur le marché pour lequel il a été prévu. Si vous vivez en dehors des USA et que vous avez déjà essayé de lire un por^Wo petit documentaire des USA vous saurez de quoi je parle en disant lésion cérébrale : vous ne pouvez pas le lire en dehors des USA et la demande dans votre zone n’est pas suffisante pour justifier une version spécifique à votre région, alors tant pis pour vous.

La vérité est que la survie sur un marché dépend de votre capacité à vous adapter aux possibilités. L’industrie cinématographique doit faire de gros efforts pour adopter une distribution numérique mondiale, cela leur permettra d’organiser des sorties mondiales le même jour (modulo la traduction), de la même manière que vous et moi pouvont tout voir sur Youtube le jour où c’est mis en ligne.

La vérité est aussi que, alors que l’horizon change, la viabilité des modèles économiques se fait et se défait. Ceux-là même qui tentent d’imposer les lois de l’analogique à du contenu numérique vont se retrouver du mauvais côté du raz-de-marée. Tant pis pour vous. Il est nécessaire d’innover (encore, parfois!) et rester à la pointe, peut-être même d’être disposé à cannibaliser vos propres marchés, bien que pour être honnête cannibaliser ceux des autres est bien plus attirant.

Voici quelques vérités :

  • Tous les DRM ayant une clé de chiffrement hors-ligne seront crackés. Peu importe si cette clé est conservée pour la plus grande partie sur du matériel protégé, car tôt ou tard l’un des maillons sera brisé. Et si vous voulez que vos produits soient visibles sur la plupart des PC il vous faudra des logiciels de lecture. Ils sont encore plus facilement crackables. Donc, même si vous essayez de protéger chaque connexion analogique (mon idée préférée est de faire pression pour chiffrer la liaison entre le matériel hifi et les hauts-parleurs!) quelqu’un, quelque part aura accès à votre contenu brut. Le seul effet que cela aura est l’augmentation du prix du matériel. Je me demande quel est le coût de tout le chiffrement associé au HD-DVD/Blu Ray, quand vous prenez en compte la complexité, le design et le coût séparé de l’IP, du matériel et du logiciel pour chaque appareil HD qui existe.
  • L’alternative au stockage hors-ligne de la clé est l’accès uniquement en flux continu et ce n’est pas non plus protégeable. Le système de flux classique, la diffusion par voie hertzienne, a été hacké quand les magnétoscopes sont apparus et c’était vu comme une utilisation normale. Aujourd’hui l’une des radios numériques diffusée par satellite (Sirius ou XM je crois) est accusée par les ayant-droits pour leur soutien à des appareils qui permettent d’enregistrer leur signal de qualité CD sur des lecteurs MP3. Les services de streaming par le web qui ne permettent pas l’enregistrement local du contenu sont une forme inutile de protection, facilement et régulièrement contournés. Et évidemment, tout le monde ne souhaite pas forcément être connecté pour avoir accès à vos programmes.
  • Un crack suffit. Pour n’importe quel fichier numérique, il suffit d’une copie non protégée et vous pouvez être sûr que tous ceux qui le veulent l’auront. Que ce soit un logiciel sur un site de warez ou un MP3 sur un service de téléchargement en Russie ou un réseau de partage de fichiers, vous ne pouvez pas colmater toutes les brèches. Reconnaissez-le, soit les gens veulent vous payer pour vos fichiers soit ils ne veulent pas et la meilleure stratégie que vous puissiez adopter est de rendre les choses aussi simple que possible pour ceux qui veulent rester en accord avec la loi. Cela ne se traduit pas par des poursuites contre des grands-mères ou des enfants, cela se traduit par un accès pratique au contenu qui permet à chacun de faire ce qui est juste, facilement.
  • Quelqu’un trouvera un modèle économique qui ne dépendra pas de l’ancienne conception et si ça n’est pas vous alors ils vous mangeront tout cru. Vous allez sûrement leur intenter une action en justice, mais ça ne sera qu’une manœuvre défensive tandis que l’industrie subira une réforme autour de ce modèle économique, sans vous. Et quand je parle d’industrie je ne parle pas de vos adversaires, ils se trouveront sans doute dans la même impasse, mais de vos fournisseurs et de vos clients. Ce sont les distributeurs de contenu qui courent un risque ici, pas les créateurs ou les consommateurs.

La peur de l’industrie musicale de Napster les a poussé dans le cul-de-sac des DRM. Microsoft, Apple, Sony et d’autres compagnies encore ont développé des systèmes de DRM et les ont présentés à l’industrie musicale comme l’approche "saine" de la distribution de musique en ligne. C’était un bel argument : "Tous les avantages de la distribution en ligne avec tous les avantages économiques des vinyles", en résumé.

Parmi les prétendants, Sony a clairement été écarté parce qu’ils font partie des ayant-droits et il était hors de question que le reste de l’industrie paye une taxe technologique à l’un de leur concurrent (un peu comme le système Symbian de Nokia qui n’a jamais rencontré le succès chez les autres grands groupes comme il était trop lié à Nokia). Microsoft n’entrait pas dans la compétition, parce qu’ils sont évidemment trop puissants et que l’industrie musicale pouvait voir un coup d’état venir à des kilomètres. Mais le mignon petit Apple ne pouvait faire de mal à personne! Alors iTunes et AAC ont été accueillis les bras ouverts et Apple a réussi à s’approprier un quasi-monopole sur la distribution et la lecture de musique numérique légale. Apple a magnifiquement joué le jeu et a su profiter pleinement de la peur de l’industrie musicale.

L’appel récent de Steve Jobs, à l’intention de l’industrie musicale pour abandonner les DRM, a apporté une douce touche d’ironie, donnant à Apple l’avantage moral. Très très bien joué en effet !

Il y a quelques années j’étais à Davos, au Forum Economique Mondial. Ça devait être en 2002 ou 2003, quelques années après que la bulle Internet ait éclatée. C’était le tout début de l’iPaq, chacun à la conférence s’en était vu prêter un. Je me souviens très bien assister à une session qui était plus ou moins un confessionnal pour dirigeants, une sorte de fête de l’absolution par reconnaissance de stupidité. Les uns après les autres, des grands noms se sont succédés pour raconter des histoires d’épouvantes à propos de comment ils ont laissé les internés diriger l’asile et autorisé des jeunes, de vingt ans et quelques, à leur dire comment dépenser le capital de leurs actionnaires sur des projets .com. J’ai vraiment trouvé ça intéressant puisque j’ai passé toute la période .com à dire aux grandes entreprises de ne PAS sur-investir et se concentrer sur leurs relations avec leurs clients et partenaires de l’époque en utilisant le net, pas de conquérir le monde du jour au lendemain.

Mais le meilleur vint à la toute fin, quand le chef de Sony USA, également en charge de la division musicale, Sir Stringer, s’est présenté pour soulager sa conscience. Il pavoisait avec éloquence sur comment Sony n’avait PAS investi dans les .com et donc sur comment on se sentait en étant la seule personne dans la salle qui ne s’était pas fait avoir par des enfants. C’était un discours très amusant, très fin qui lui a valu des applaudissements et des rires. J’étais là à me demander s’il avait la moindre idée de combien de chansons pouvaient tenir dans l’iPaq dans sa poche ou combien de temps ça prendrait de les télécharger. Je ne pense pas. De tous les directeurs qui ont parlé ce jour là, j’ai pensé que ce serait probablement lui qui sera fortement touché, et rapidement, par la locomotive numérique.

Sir Stringer est maintenant Chef de la direction de Sony monde. Il est amusant alors que la PS3 de Sony ait dû être retardée pour terminer le travail sur son système de DRM.

C’est sûr maintenant, certaines mauvaises idées sont trop attirantes pour mourir.

Notes

[1] Merci à Daria, Olivier et Yostral de Framalang pour cette traduction.

[2] L’illustration est une photographie de semaphore_ issue de Flickr et sous licence Creative Commons BY.




Mais pour qui vote le libriste ?

Difficile d’échapper à l’élection présidentielle française en ce moment. Alors je vais y aller moi aussi de mon petit couplet et d’oser vous proposer ma très fine analyse sociologico-politique à une question que vous ne vous posez pas en m’appuyant pour cela sur deux sondages en rien comparables. Vous voici donc prévenu, et si vous poursuivez la lecture de ce superficiel billet ce n’est plus de ma faute.

Kézako un libriste ?

Première difficulté c’est quoi un libriste ? Le jargon français a sa petite idée.

Libriste - Jargon Français

Un libriste serait donc un fan du logiciel libre, un peu comme on serait fan de Johnny Hallyday en somme. On a échappé au Partisan du librisme mais ça reste tout de même peu satisfaisant. Et puis il y a cette précision qui interpelle au risque de produire son effet contraire : Le terme est positif. Ouf ! nous voici rassurés parce que quand le terme est négatif ça donne généralement l’équation suivante : libriste = intégriste du libre, qui, d’après ses détracteurs, voudrait rendre libre à peu près tout ce qu’il touche au mépris le plus élémentaire du pragmatisme situationiste de nos habitudes et des règles économiques du marché.

Bon, bref, passons, ne nous écartons pas du sujet (parce qu’il y aurait beaucoup à dire sur ces habitude et ces règles du marché) et faisons un choix. On va réduire ici le libriste à… un visiteur du célèbre site linuxfr. Voilà, ça vaut ce que ça vaut, mais ça m’arrange pour la suite.

Deux sondages

Le premier sondage est tout ce qu’il y a de plus classique et pour tout vous avouer je l’ai pris un peu au pif pourvu qu’il fut récent. Il s’agit d’une enquête Ipsos/DELL difusée par SFR et Le Point auprès de 1300 personnes interrogées par téléphone le 7, 9 et 10 avril sur leur intention de vote au premier tour.

Sondage Ipsos/DELL Présidentielle

Le second est plus original puisqu’issu du site LinuxFr (vous savez, le repaire de… libristes). Il est toujours en cours et compte, en ce doux mercredi 11 avril à 23h41, exactement 2677 votes.

Sondage LinuxFr Présidentielle

Si on lui écarte les réponses qui ne correspondent pas à des votes pour des candidats, et ceci afin de pouvoir mieux le comparer au sondage précédent, ça donne alors : Royal : 24,8 %, Bayrou : 44,4 %, Sarkozy : 14,2 %, autre de gauche ; 13,8%, autre de droite ; 2,8%.

Subjectif comparatif

Les sondages, blabla, on n’a pas attendu 2002 pour cela, c’est à prendre avec des pincettes, ils ne disent que ce qu’on veut bien leur faire dire, tout ça… Ok, j’en conviens fort bien. Tout comme je reconnais, mais c’est assumé et apprécié, que les sondages LinuxFr sont beaucoup plus un pretexte à convivialité et échanges (décontractés) qu’un truc véritablement sérieux. Il suffit de consulter la liste des sondages précédents pour s’en convaincre dont le passionnant Combien de bouton(s) possède(nt) votre souris ?

Il n’empêche qu’il y a tout de même quelques différences notables entre les deux études. Alors moi, ni une ni deux, faisant fi de la moindre rigueur scientifique, d’en tirer pour notre libriste les quelques enseignements / hypothèses / élucubrations suivant(e)s.

  • Le libriste ne vote pas comme le français moyen
  • Le libriste vote deux fois plus pour Bayrou et deux fois moins pour Sarkozy que le français moyen (Royal restant stable)
  • L’axe Bayrou-Royal totalise un peu plus des 2/3 des votes ce qui tendrait à ancrer le libriste au centre gauche
  • L’axe Bayrou tout seul s’approche des 50%
  • Question connexe : Si, parait-il, Bayrou est le favori des bobos, est-ce que le libriste est lui-même un bobo ?
  • L’extrême droite est marginale chez le libriste
  • L’extrême gauche n’est pas marginale mais son score ne suffit pas à démontrer que le libriste est majoritairement un gauchiste révolutionnaire altermondialiste (comme on peut parfois le lire çà et là)
  • Le libriste s’exilera à Bangalore si Sarkozy passe

Le propos reste à affiner

Soit. Admettons cette dissymétrie. On peut alors se demander en quoi les prises de position des candidats vis-à-vis du logiciel libre influence directement le vote de notre libriste. Y accorderait-il la même importance que celles concernant l’éducation, l’économie, le chômage, l’Europe, tout ça ? Cela pourrait expliquer que Bayrou soit sa coqueluche et Sarkozy son mouton noir parce que l’un a défendu publiquement très tôt le logiciel libre tandis que l’autre se fait plutôt discret sur le sujet.

C’est possible mais ce serait un peu réducteur. Il est cependant plausible que les prises de position des candidats sur les nouvelles technologies et la société de l’information dans son ensemble (dont le récent débat autour de la DADVSI) touchent notre libriste tout comme elles touchent, et c’est logique, l‘internaute moyen (qui lui se distingue du français moyen en ce que ce dernier n’est connecté qu’à 44% au net). C’est ce que laisserait à penser un autre sondage réalisé sur le site d’Agoravox le média citoyen (la révolte du pronétariat, le cinquième pouvoir, tout ça…) dont les résultats sont très proche de ceux de LinuxFr.

Libristes et agoravoxiens, même combat donc ici. Peut-on alors étendre ces préférences au net francophone tout entier ? Et de se souvenir qu’en 2005 internet avait majoritairement dit non au référendum français sur le traité établissant une Constitution pour l’Europe avec le résultat final que l’on sait…




Envoyer cet article à un ami

Cher(e) ami(e),

Tu te retrouves sur cette page parce qu’un(e) ami(e) t’a gentiment invité par blog, mail, msn ou autre à venir voir un peu ce que Linux et les logiciels libres sont devenus (en fait on ne dit pas Linux mais GNU/Linux mais ça tu t’en fous complétement pour le moment, par contre on dit bien logiciels libres et non logiciels gratuits même si ils sont gratuits ce dont tu ne te fous pas).

À l’heure où l’on cherche par tous les moyens à te vendre le nouveau Windows Vista, observe cette petite vidéo anglophone de démonstration et constate avec moi les zolis zeffets graphiques que l’on obtient désormais sur son bureau sous Linux. Tu remarqueras au passage que l’on peut naviguer avec confort sur internet, faire du traitement de texte (comme dans Word), voir ses films et même jouer au solitaire histoire que tu ne sois pas trop dépaysé(e).

Voilà, c’est tout.

Personne ne te demande ici de changer d’ordinateur, de système d’exploitation, de logiciels et d’habitudes. Retiens juste que Linux a évolué et que, sait-on jamais, à l’occasion, peut-être un jour, si…

Bien sincèrement,

aKa, pigiste au Framablog.

PS : Si tout ceci te semble probant tu es bien entendu cordialement invité(e) à envoyer à ton tour cet article à un(e) autre ami(e).




Je suis votre pire cauchemar

Janvier 2000, Eric S. Raymond, l’une des plus célèbres personnalités du logiciel libre (auteur notamment de La cathédrale et le bazar), se retrouve dans un ascenseur et remarque le badge Microsoft de l’un de ses occupants Craig Mundie.

Je vois que vous travaillez pour Microsoft, lui dit-il (avec perspicacité). Et l’autre, avec l’air un peu hautain du type en costard-cravate qui toise un hacker : Oui, et vous qui êtes-vous ?

Et Eric S. Raymond de réfléchir quelques instants et lui répondre… Je suis votre pire cauchemar !

—> La vidéo au format webm

Il n’avait pas tort.
Et Microsoft en tremble encore… [1].

😉

Annexe : retranscription de la vidéo

That was in january 2000, and one of the people who was there was Craig Mundie who is some kind of high mocky mocker at Microsoft. I think vice-president of consumer products or something like that. And, hum, I have actually met him, I bumped into him in an elevator, in an elevator and I looked his badge and said I see you work for Microsoft and he looked back at me and said Oh yeah and what do you do? And I thought he seemed just sort of a tad dismissive. I mean, here’s the archetype of, you know, guy in a suit looking at scruffy hacker and so I gave him a thousand yard stare and said I’m your worst nightmare.

Notes

[1] Cet extrait vidéo est issu du film Revolution OS (2001)




Donner de la confiture aux cochons

Joshua Bell - Washington DC Métro - Janvier 2007

Relevé sur linuxfr par patrick_g.

Ce long et passionnant article du Washington Post vaut vraiment la lecture.

Il relate une expérience originale qui a été organisé en janvier dernier à Washington.

Prenez un violoniste extrêmement célèbre et acclamé dans le monde entier (Joshua Bell), ajoutez un violon d’une qualité incomparable et d’une valeur de plus de trois millions de dollars (le stradivarius Gibson ex Hubermann) et jouez les pièces les plus sublimes du répertoire (la Chaconne de Bach et l’Ave Maria de Schubert)…tout ceci de façon parfaitement anonyme dans le métro de Washington à l’heure de pointe !

Est-ce que les gens qui passent devant le type en jean, tee-shirt et casquette de baseball qui joue du violon devant le mur de la station de métro, près de la poubelle, vont se rendre compte qu’il y a quelque chose de vraiment inhabituel ? Est-ce qu’ils vont stopper net et ressentir l’incomparable beauté de cette musique ?

Sur les 1104 personnes qui vont passer en 45 minutes devant Joshua Bell, combien vont s’arrêter ou même simplement donner de l’argent ? Combien vont passer devant lui, à moins d’un mètre, sans même tourner la tête ?

Vous trouverez la réponse dans l’article ainsi qu’une interview des passants quand on leur a révélé l’expérience.

L’article cite un fragment de poème de W. H. Davies qui résume bien le sentiment qui se dégage à la fin de la lecture :

Quelle est cette vie si, voué au souci,
Nous manque le temps de faire halte et contempler.

What is this life if, full of care,
We have no time to stand and stare.




Licence Art Libre 1.3 – Entretien avec Antoine Moreau

« L’approche de Copyleft Attitude avec la Licence Art Libre est de ne pas donner le choix entre plusieurs licences. Nous avons décidé, dès le départ, de faire le choix du Libre, plutôt que d’avoir le libre choix.»[1]

Expo des LogoLefts - Licence Art Libre

Viva la un point trois !

Plus de trois ans après la 1.2, sortie officielle hier de la nouvelle version de notre licence copyleft préférée : la licence Art Libre millésime 1.3 (lien vers l’ancienne version pour comparaison).[2].

Nous avons voulu en savoir plus sur la génèse collective de cette nouvelle mouture en posant quelques questions à son pygmalion Antoine Moreau[3].

Outre Antoine Moreau, ont participé à sa rédaction Isabelle Vodjdani, Mélanie Clément-Fontaine et tous les membres de la liste de diffusion copyleft_attitude, particulièrement Antoine Pitrou, Benjamin Jean, Jean-Pierre Depétris et Esteban Hache.

Souhaitons donc nous aussi un bel avenir et épanouissement à la licence Art Libre (ou LAL pour les intimes)[4], quitte à la voir disparaître un jour en beauté parce qu’on aura plus besoin d’une licence libre pour faire des oeuvres libres.

Entretien avec Antoine Moreau

Quels sont les changements majeurs par rapport aux version précédentes ?

Cela a été un vrai bon travail de groupe. Les complémentarités du noyau dur de Copyleft Attitude ont pu faire une LAL équilibrée et plus précise. La version 1.3 apporte les améliorations suivantes :

  • une rédaction plus sobre.
  • une terminologie plus explicite.
  • des précisions concernant les droits voisins.
  • des précisions concernant les responsabilités des auteurs.
  • des précisions concernant l’incorporation de l’oeuvre
  • les critères de compatibilités avec les autres licences libres.
  • une dimension internationale et une capacité d’interopérabilité.

Quels ont été les principaux points d’achoppements qui ont nécessité débats voire compromis ?

La rédaction du préambule a été difficile. Il y a eu discussions pour conserver ou non certaines tournures de phrases. Un compromis a été trouvé. Le préambule est moins imagé, moins poétique, moins politique, il est plus sobre.

Quid désormais de la compatibilité avec les autres licences "copyleft" comme la Creative Commons BY-SA ou la GNU GPL/FDL ?

Nous avons établi clairement et précisément les critères de compatibilité. Mais il faut que l’intention soit réciproque de la part des autres licences libres.

La compatibilité entre licences libres n’est le fait pas du seul domaine juridique, c’est une question "politique" entre parties (entre la LAL et la CC by-sa ; entre la LAL et la GNU GPL ou FDL). Nous avons déjà fait une démarche avec CC france dans ce sens et allons poursuivre pour réussir la possibilité d’une réelle compatibilité. Il fallait poser les conditions, la LAL 1.3 le dit maintenant très clairement.

Pourrais-tu préciser en quoi cette double clause "Les auteurs des originaux pourront, s’ils le souhaitent, vous autoriser à diffuser et/ou modifier l’original dans les mêmes conditions que les copies." se distingue des usages liés aux logiciels libres ?

C’est pour les créations non numériques. L’original pourra être diffusé/modifié alors qu’il ne peut être dupliqué à l’infini. C’est aussi une précaution par rapport au droit moral.

Par rapport à d’autres licences similaires on trouve un préambule et un mode d’emploi. Pourrais-tu nous expliquer le pourquoi et l’intention de leur présence ?

Dès le départ nous avons décidé d’écrire un préambule et un mode d’emploi dans la LAL. Le préambule est utile car il explicite les intentions philosophiques et culturelles de la LAL. Le mode d’emploi est utile aussi car il dit comment, pourquoi et quand utiliser la LAL. Notre souci a toujours été de rédiger une licence simple à lire et à comprendre et claire dans ses intentions et dans sa pratique.

Comment vois-tu l’avenir de la LAL ?

Je pense que l’avenir de la LAL c’est de disparaître en beauté. C’est à dire qu’on ait plus besoin d’une licence libre pour faire des oeuvres libres. Cela implique un changement du CPI et il se pourrait bien que la LAL (mais toutes licences libres qui ont déjà fait leurs preuves) influe dans ce sens.

En attendant, la LAL a de l’avenir, elle est devenue une licence de référence pour les contenus libres copyleft. La Free Sofware Foundation la recommande et de plus en plus d’oeuvres (et pas seulement d’auteurs français) sont sous LAL.

Annexe : Comparaison des préambules

Préambule de la nouvelle version 1.3

Avec la Licence Art Libre, l’autorisation est donnée de copier, de diffuser et de transformer librement les oeuvres dans le respect des droits de l’auteur.

Loin d’ignorer ces droits, la Licence Art Libre les reconnaît et les protège. Elle en reformule l’exercice en permettant à tout un chacun de faire un usage créatif des productions de l’esprit quels que soient leur genre et leur forme d’expression.

Si, en règle générale, l’application du droit d’auteur conduit à restreindre l’accès aux oeuvres de l’esprit, la Licence Art Libre, au contraire, le favorise. L’intention est d’autoriser l’utilisation des ressources d’une oeuvre ; créer de nouvelles conditions de création pour amplifier les possibilités de création. La Licence Art Libre permet d’avoir jouissance des oeuvres tout en reconnaissant les droits et les responsabilités de chacun.

Avec le développement du numérique, l’invention d’internet et des logiciels libres, les modalités de création ont évolué : les productions de l’esprit s’offrent naturellement à la circulation, à l’échange et aux transformations. Elles se prêtent favorablement à la réalisation d’oeuvres communes que chacun peut augmenter pour l’avantage de tous.

C’est la raison essentielle de la Licence Art Libre : promouvoir et protéger ces productions de l’esprit selon les principes du copyleft : liberté d’usage, de copie, de diffusion, de transformation et interdiction d’appropriation exclusive.

Préambule de l’ancienne version 1.2

Avec cette Licence Art Libre, l’autorisation est donnée de copier, de diffuser et de transformer librement les oeuvres dans le respect des droits de l’auteur.

Loin d’ignorer les droits de l’auteur, cette licence les reconnaît et les protège. Elle en reformule le principe en permettant au public de faire un usage créatif des oeuvres d’art.
Alors que l’usage fait du droit de la propriété littéraire et artistique conduit à restreindre l’accès du public à l’oeuvre, la Licence Art Libre a pour but de le favoriser.
L’intention est d’ouvrir l’accès et d’autoriser l’utilisation des ressources d’une oeuvre par le plus grand nombre. En avoir jouissance pour en multiplier les réjouissances, créer de nouvelles conditions de création pour amplifier les possibilités de création. Dans le respect des auteurs avec la reconnaissance et la défense de leur droit moral.

En effet, avec la venue du numérique, l’invention de l’internet et des logiciels libres, un nouveau mode de création et de production est apparu. Il est aussi l’amplification de ce qui a été expérimenté par nombre d’artistes contemporains.

Le savoir et la création sont des ressources qui doivent demeurer libres pour être encore véritablement du savoir et de la création. C’est à dire rester une recherche fondamentale qui ne soit pas directement liée à une application concrète. Créer c’est découvrir l’inconnu, c’est inventer le réel avant tout souci de réalisme.
Ainsi, l’objet de l’art n’est pas confondu avec l’objet d’art fini et défini comme tel.
C’est la raison essentielle de cette Licence Art Libre : promouvoir et protéger des pratiques artistiques libérées des seules règles de l’économie de marché.

Notes

[1] Citation d’Antoine Moreau extraite d’une intervention le 28 juillet 2005 sur la liste de diffusion Creative Commons France.

[2] L’illustration, sous licence Art Libre of course, est un détail miniaturisé de la page Expo des LogoLefts du site artlibre.org.

[3] D’Antoine Moreau, on pourra lire ou relire les deux articles publiés sur la Tribune Libre de Framasoft : Qu’est-ce que l’art libre ? et La création artistique ne vaut rien.

[4] Ce serait du reste vraiment une bonne idée que, tel Jamendo pour exemple, de sites appréciés comme Flickr (photo) ou Blip.tv (vidéo) proposent à leurs utilisateurs la licence Art Libre en plus des Creative Commons.




« La connaissance libre nécessite le logiciel libre » J. Wales (Wikipédia)

J’ai récemment publié sur ce blog un billet, un peu provocateur, sur la relation entre Wikipédia et le logiciel libre : Wikipédia peut-elle rester neutre lorsque l’on touche au logiciel libre ?. Ce que je tentais (péremptoirement ?) de dire c’est que le logiciel libre sera toujours un champ un peu spécial dans l’encyclopédie de part la filiation étroite qu’il existe entre les deux projets, mouvements et communautés. Et de me permettre d’ajouter que cela me convenait fort bien 😉

Dans la liste de mon argumentaire en faveur d’une accointance entre l’encyclopédie et le logiciel libre, on trouvait cette célèbre citation de Jimbo Wales, fondateur de Wikipédia : « Imaginez un monde dans lequel chacun puisse avoir partout sur la planète libre accès à la somme de toutes les connaissances humaines. C’est ce que nous faisons. ».

J’ai voulu aller encore un peu plus loin ici en demandant à notre groupe de travail Framalang de traduire un article du même Jimbo Wales paru sur son blog en octobre 2004 Free Knowledge requires Free Software and Free File Formats qu’il me sembait intéressant d’apporter à un débat qui pour moi n’est pas (encore) clos.

Mais avant cela je voulais témoigner (une nouvelle fois) de mon admiration pour Wikipédia puisqu’il n’aura fallu que quelques jours à l’encyclopédie pour lever la controverse de neutralité sur la page Linux – 9 avril 2007 (Linux aujourd’hui) qui avait servie de pretexte à mon billet.

Cette controverse portait principalement sur un passage ambigu avec usage a priori non factuel des mots maturité et succès :

Wikipédia - Screenshot - Linux - NPOV

Le passage en question a été à ce jour ainsi modifié (9 avril 2007) :

Wikipédia - Linux - 07/04/07 - screenshot 1

Elle portait également sur l’absence de section Critiques sur la page Linux en comparaison notamment avec la page Windows Vista qui elle en avait une (et plutôt deux fois qu’une !). Cette absence n’est plus puisqu’elle est apparue (9 avril 2007) dans l’intervalle en trois paragraphes : Support matériel, Gestion numérique des droits et Sécurité.

Cet épisode est selon moi tout à fait révélateur de l’excellente réactivité et capacité de Wikipédia à résoudre ses problèmes. Après échanges et communication, parfois assez vifs, sur la page de discussion de l’article Linux (exemple 1 : Pourquoi absence d’une section Critiques et exemple 2 : Comment rédiger cette section Critiques), on se retrouve avec le compromis actuel qui n’est certes pas la panacée mais qui est selon moi effectivement bien meilleur que la situation précédente.

On notera que la concertation ne s’est pas arrêtée là. Elle s’est poursuivie sur une page dédiée à la controverse de neutralité de l’article Linux mais surtout mon humble billet a suscité un fort intéressant sondage spontané au sein de la communauté Wikipédia : Neutralité de Wikipédia et logiciels libres.

Au passage, cet épisode est également révélateur pour moi de la difficulté de parler d’un article de Wikipédia à l’instant t de l’auteur qui dans la plupart des cas ne correspond plus à l’instant t+1 du lecteur (d’où la présence des dates et du recours aux historiques des articles pour figer leur contenu).

Toujours est-il qu’en une semaine (à partir de la date d’emission de mon billet le 1er avril), on relève, sur l’historique de la page Linux, 84 modifications réalisées par 17 contributeurs !

C’est aussi et surtout ça Wikipédia. Et le professeur que je suis demeure pédagogiquement impressionné par le produit de cette mise en relation surtout pour un article tel que Linux où le consensus est une douce chimère.

Le simple spectateur de l’encyclopédie qui visite l’article vitrine Linux ne se rend pas forcément compte de toute l’effervescence collective qu’il y a eu dans les coulisses pour aboutir au résultat qui s’offre à lui à l’instant t. Qu’il ait alors l’envie ou la curiosité de cliquer sur "modifier" et il est susceptible de basculer dans une toute autre dimension, un peu comme Alice et son miroir.

Sinon pour en revenir au sondage, il est en cours de vote et je m’en garderai bien d’en tirer la moindre conclusion si ce n’est pour relever que je ne suis pas le seul à m’interroger sur la relation ténue et privilégiée qui existe entre Wikipédia et le logiciel libre. À commencer par son influent et charismatique fondateur Jimbo Wales qui écrivait il y a un peu plus de deux ans sur son blog un billet au titre évocateur Free Knowledge requires Free Software and Free File Formats dont nous vous proposons la traduction ci-dessous (merci Penguin).

Parce que si la connaissance libre nécessite conceptuellement le logiciel libre (et des formats ouverts) alors tout ce qui le favorise n’est-il pas à encourager et ce qui le freine à décourager ?

Wikipédia - Wales's blog - screenshot

La connaissance libre nécessite le logiciel libre et les formats ouverts

Jimmy Wales – Octobre 2004

Des gens me demandent parfois pourquoi je suis si résolu à ce que Wikipedia utilise toujours des logiciels libres, même si dans certains cas un logiciel propriétaire pourrait être plus commode ou mieux adapté à un besoin particulier.

L’argumentation est la suivante : après tout, notre mission première est de produire de la connaissance libre, pas de promouvoir le logiciel libre, et bien que l’on puisse préférer les logiciels libres pour des raisons pratiques (puisqu’ils sont en général les meilleurs dans le domaine du web), nous ne devons pas faire une fixation là-dessus.

Je pense que cette argumentation est totalement erronée, et pas simplement pour des raisons pratiques, mais par principe. La connaissance libre nécessite le logiciel libre. C’est une erreur conceptuelle que de penser notre mission comme étant distincte de cela.

Qu’est-ce que la libre connaissance ? Qu’est-ce qu’une encyclopédie libre ? Son essence peut être immédiatement saisie par toute personne qui comprend le logiciel libre . Une encyclopédie libre, ou n’importe quelle connaissance libre, peut être lue librement, sans devoir obtenir la permission de personne. La connaissance libre peut être librement partagée avec d’autres. La connaissance libre peut être adaptée à vos propres besoins. Et vos versions modifiées peuvent être partagées librement avec d’autres.

Nous produisons un site web d’un volume très important, rempli d’une variété incroyable de connaissance. Si nous produisions ce site en utilisant un logiciel propriétaire, nous créerions des obstacles potentiellement insurmontables pour ceux qui voudraient prendre notre connaissance et faire la même chose que nous. Si vous devez demander l’autorisation d’un vendeur de logiciel propriétaire afin de créer votre propre copie de nos travaux, alors vous n’êtes pas totalement libres.

En ce qui concerne les formats propiétaires des fichiers, la situation est encore pire. Il est possible d’argumenter, même si ce serait à mon avis peu convaincant, que tant qu’il est possible d’ouvrir assez facilement le contenu Wikimedia dans un logiciel libre existant, alors une utilisation interne d’un logiciel propriétaire n’est pas si mauvaise. Pour les formats propriétaires, même cette séduisante erreur ne peut pas être acceptée. Si nous proposons des informations dans un format propriétaire ou avec la gêne d’un brevet, alors nous ne violons pas seulement notre propre engagement en faveur de la liberté, mais nous forçons ceux qui veulent utiliser notre connaissance prétendument libre à utiliser eux-mêmes des logiciels propriétaires.

Finalement, nous ne devrions jamais oublier en tant que communauté, que nous sommes l’avant-garde d’une révolution de la connaissance qui va transformer le monde. Nous sommes les pionniers et les guides de ce qui devient un mouvement mondial pour libérer la connaissance des contraintes propriétaires. Dans 100 ans, l’idée d’un manuel ou d’une encyclopédie propriétaire sera aussi bizarre et lointaine pour les gens qu’est pour nous l’utilisation de sangsues en médecine.

Grâce à notre travail, chaque personne sur la planète aura un accés aisé et à bas prix, à une connaissance libre qui leur donnera le pouvoir de faire ce qu’ils veulent. Et mon point de vue est qu’il ne s’agit pas d’un fantasme injustifié, mais bien de quelque chose que nous sommes déjà en train d’accomplir. Nous sommes devenus, en taille, l’un des plus grand site du monde, en utilisant un modèle d’amour et de coopération qui est encore presque totalement inconnu du plus grand nombre. Mais nous commençons à être connu, et nous serons connu, à la fois pour nos principes et nos réussites – car ce sont ces principes qui rendent ces réussites possibles.

Dans ce but, ce sera un élément important de fierté pour nous que la fondation Wikimedia ait toujours utilisée des logiciels libres sur tous les ordinateurs que nous possédons, et que nous mobilisions toutes nos forces pour garantir que notre connaissance libre _soit_ réellement libre, en n’obligeant pas les gens à utiliser des logiciels propriétaires pour la lire, la modifier et la redistribuer commme il leur convient.




Microsoft est mort (et le logiciel libre ne se sent pas très bien ?)

March of the Baby Turtles - Clearly Ambiguous - CC-BY

Encore une traduction (merci Olivier). Celle d’un récent article de Paul Graham au titre choc : Microsoft is dead.

Il nous a semblé intéressant d’abord parce que Paul Graham n’est pas n’importe qui dans le monde de l’informatique. Mais ensuite parce que son point de vue d’américain plongé dans les startups à la sauce web 2.0 tranche singulièrement avec celui d’un européen plongé dans le logiciel libre, comme… moi par exemple ! (sauf à s’appeler Loïc Le Meur ou Tariq Krim mais là n’est pas la question).

Graham propose quatre grandes causes à la mort du géant : Google, Ajax et le Javascript, le haut-débit et Apple. Et d’expliquer en gros que comme les applications de bureau vont toutes finir par migrer sur le web alors on n’aura plus trop besoin de se soucier de son ordinateur du moment qu’il nous fait accéder avec confort à internet. L’exemple emblématique et annonciateur serait alors de consulter ses messages sur Gmail depuis son joli laptop Apple en wi-fi grande vitesse (ce que de nombreux geeks font déjà, j’en ai vu, j’ai les noms !).

Ce qui est notable ici c’est que non seulement le logiciel libre n’est pas cité (ou alors vraiment à la marge), alors que nous sommes (étions ?) nombreux à penser depuis longtemps qu’il est l’un des premiers pour ne pas dire le premier facteur de la chute annoncée du colosse, mais qu’en plus les arguments avancés par Graham font que cela peut également changer la donne pour le logiciel libre lui-même.

En effet force est de constater qu’il est très peu présent dans ce monde encore balbutiant mais en pleine effervescence des applications de bureau taggés web 2.0 accessibles depuis internet. Mais alors, en admettant que la thèse de Graham soit valide, le logiciel libre serait-il lui aussi menacé par cette évolution ? Parce que si il est vrai que l’on arrive à faire des OpenOffice.org en lieu et place de MS Office (et des… GNU/Linux en lieu et place de Windows !), créer un "Gmail libre" me semble hors de portée de la communauté. Poussons le raisonnement jusqu’au bout pour toucher les rives de la science-fiction, entouré de technologies web 2.0 propriétaires finira-t-il par ne rester qu’un Firefox comme logiciel libre phare de nos usages ?

Nous n’en sommes pas encore là. Et à affirmer effectivement que Microsoft soit déjà mort, le macstartupien Paul Graham n’est peut-être pas l’inspecteur idéal pour en désigner seul les coupables[1].

Microsoft is dead - Screenshot

Microsoft is dead

Paul Graham – Avril 2007

Il y a quelques jours j’ai soudainement pris conscience que Microsoft était mort. Je parlais avec un jeune créateur d’une startup de la différence entre Google et Yahoo. Je disais que Yahoo a été empêtré dès sa naissance dans sa peur de Microsoft. C’est la raison pour laquelle ils se sont définis comme une compagnie de média et non une compagnie de technologie. Alors j’ai regardé son expression et j’ai vu qu’il n’avait pas compris. C’est comme si je lui avais dit à quel point les filles aimaient Barry Manilow[2] au milieu des années 80. Barry qui ?

Microsoft ? Il n’a rien dit, mais je pouvais lire que ça lui paraissait invraisemblable que quelqu’un soit encore effrayé par eux.

Microsoft projette son ombre sur le monde du logiciel depuis près de 20 ans, depuis la fin des années 80. Je me souviens qu’avant eux c’était IBM. En pratique j’ai ignoré cette ombre. Je n’ai jamais utilisé de logiciels Microsoft, donc cela ne me touchait qu’indirectement, par exemple dans les spams que je recevais. Et parce que je n’y faisais pas attention je n’ai pas remarqué que cette ombre avait disparue.

Mais elle est partie maintenant, je peux le sentir. Plus personne n’a peur de Microsoft désormais. Ils font toujours beaucoup d’argent, tout comme IBM d’ailleurs. Mais ils ne sont pas dangereux.

Quand est ce que Microsoft est mort et de quoi ? Je sais qu’ils semblaient dangereux jusqu’en 2001 parce que j’avais écrit un article alors sur le fait qu’ils étaient moins dangereux qu’il n’y semblait. Je dirais qu’ils sont mort en 2005. Je sais que lorsque nous avons lancé Y Combinator[3] nous ne nous sommes pas inquiétés de la concurrence de Microsoft quand nous avons fondé les startups. En fait, nous ne les avons même pas invités aux journées de présentation que nous avons organisées pour présenter les startups aux investisseurs. Nous avons invité Yahoo et Google et d’autres entreprises d’internet, mais nous n’avons jamais pris la peine d’inviter Microsoft, pas plus qu’ils n’ont pris la peine de nous envoyer un email. Ils font partie d’un monde différent.

Qu’est ce qui les a tués ? Quatre choses je pense, qui se sont produites en même temps au milieu des années 2000.

La raison la plus évidente est Google. Il ne peut y avoir qu’un seul géant et c’est clairement eux. Google est de loin l’entreprise la plus dangereuse, à la fois dans le bon et le mauvais sens du terme. Microsoft peut au mieux boiter pour essayer de les suivre.

Quand est-ce que Google a pris la tête? Certains diront que c’était en août 2004 lors de leur IPO[4] mais ils ne menaient pas encore la danse à cette époque. Je dirais qu’ils ont pris les commandes en 2005. Gmail leur a donné un avantage décisif. Gmail montrait qu’ils pouvaient faire plus que de la recherche.

Gmail montrait aussi l’étendue des possibilités de ce que vous pouviez réaliser avec un logiciel web si vous tiriez partie de ce qui sera plus tard appelé "Ajax". Et c’est là la deuxième cause de la mort de Microsoft : tout un chacun peut voir que l’informatique de bureau touche à sa fin. Il semble maintenant inévitable que les applications trouveront leur place sur le web, pas les emails uniquement, mais tout, jusqu’à Photoshop. Même Microsoft s’en rend compte maintenant.

Ironiquement, Microsoft sans le vouloir a aidé à la création d’Ajax. Le x de Ajax vient d’objet XMLHttpRequest, qui permet au navigateur de communiquer avec le serveur en fond de tâche tout en affichant une page. (Au départ la seule manière de communiquer avec le serveur était de lui demander une nouvelle page.) Le XMLHttpRequest a été créé par Microsoft à la fin des années 90 parce qu’ils en avaient besoin pour Outlook. Ce qu’ils n’ont pas réalisé alors est que ça s’avérerait utile à beaucoup de gens, en fait tous ceux qui voudraient faire tourner des applications web comme des applications de bureau.

L’autre élément crucial de Ajax est le Javascript, le langage de programmation qui tourne dans le navigateur. Microsoft a vu le danger que représentait le Javascript et a essayé de le maintenir caduque aussi longtemps qu’ils le pouvaient[5]. Mais finalement le monde de l’open source l’a emporté en créant des librairies Javascript qui ont poussé sur les défauts d’Explorer comme un arbre sur du fil barbelé.

La troisième cause de la mort de Microsoft a été l’accès à Internet à haut-débit. N’importe qui le désirant peut avoir une connexion rapide à Internet et plus le tuyau est large moins vous avez besoin du bureau.

Le dernier clou refermant le cercueil a été planté, parmis toutes les raisons, par Apple. Grâce à OSX Apple est revenu d’entre les morts, fait très rare dans le monde de la technologie[6]. Leur victoire est si complète que je suis aujourd’hui surpris quand je tombe sur un PC fonctionnant sous Windows. Presque toutes les personnes que nous finançons chez Y Combinator utilise des portables Apple. Le phénomène était le même dans le public d’une école de startup. Tous les ordinateurs des gens tournent sous Mac ou Linux maintenant. Windows est pour les grand-mères, comme c’était le cas pour les Mac dans les années 90. Non seulement le bureau ne compte plus mais en plus les gens se fichent des ordinateurs avec des logiciels Microsoft.

Je suis heureux que Microsoft soit mort. Ils étaient comme Neron ou Commode[7], diaboliques comme seul l’héritage du pouvoir peut vous le faire devenir. Parce que souvenez vous, le monopole de Microsoft n’a pas commencé avec Microsoft. Ils en ont hérité d’IBM. Le marché du logiciel a été contrôlé par un monopole du milieu des années 50 jusqu’à 2005. Ce qui représente pratiquement toute son existence. L’une des raisons de l’euphorie qui entour le "Web 2.0" est le sentiment, conscient ou pas, que cette ère de monopole pourrait toucher à sa fin.

Evidemment, en tant que hacker, je ne peux m’empêcher de penser à des solutions pour réparer les choses cassées. Y’aurait-il un moyen pour que Microsoft fasse un come-back ? En principe, oui. Pour comprendre comment, pensez à deux choses : (a) La somme d’argent dont Microsoft dispose et (b) Larry et Sergey[8] faisant le tour des moteurs de recherche pour vendre leur idée pour Google pour un million de dollars et se faisant rejeter par tout le monde.

La chose la plus surprenante est que les hackers ingénieux, dangereusement ingénieux, peuvent être achetés pour pas grand chose à l’échelle des entreprises riches comme Microsoft. S’il voulait redevenir un compétiteur, voilà ce qu’il devrait faire :

  1. Racheter toutes les bonnes startups du "Web 2.0". Ils pourraient presque les acheter toutes pour moins qu’ils n’ont dépensé pour Facebook[9].
  2. Les rassembler dans un immeuble dans la Silicon Valley protégé par une enceinte de plomb pour les prémunir de tout contact avec Redmond.

Je me sens à l’aise en proposant cela, parce qu’ils ne le feront jamais. Le plus grand point faible de Microsoft est qu’ils ne réalisent toujours pas à quel point ils craignent. Ils pensent toujours qu’ils peuvent écrire des logiciels en interne. Et ils le peuvent encore, selon les lois du monde de l’informatique de bureau. Mais ce monde a pris fin il y a quelques années.

Je connais déjà les réactions que recevra cet article. La moitié des lecteurs diront que Microsoft est toujours une entreprise qui dégage des bénéfices énormes et que je devrais faire plus attention quand je tire mes conclusions en me basant sur ce que quelques personnes pensent dans notre petite bulle isolée du "Web 2.0". L’autre moitié, les plus jeunes, se plaindront que cette nouvelle date.

Notes

[1] L’illustration est une photographie de Clearly Ambiguous intitulée March of the Baby Turtles issue de Flickr et sous licence Creative Commons BY.

[2] NdT : Barry Manilow est un compositeur, acteur, producteur et scénariste américain né le 17 juin 1943.

[3] NdT : Y Combinator est une société créée par Paul Graham permettant de fournir un premier financement aux startups.

[4] NdT : IPO pour Initial Public Offering.

[5] Vous n’avez pas besoin de faire un gros effort pour rendre un logiciel incompatible. Tout ce que vous avez à faire est de ne pas fournir trop d’efforts pour corriger les bugs, que vous produisez en quantité généreuse si vous êtes une grande entreprise. La situation est semblable à l’écriture de fausses théories littéraires. La plupart ne tentent pas de les rendre obscures, ils ne font simplement pas l’effort d’être clair. Ça ne serait pas payant.

[6] En partie parce que Steve Jobs s’est fait sortir par John Sculley d’une manière rarement vue au sein du monde de la technologie. Si les dirigeants d’Apple n’avaient pas commis cette bourde ils n’auraient pas eu à rebondir.

[7] NdT : Commode, autre empereur romain considéré comme cruel et arbitraire.

[8] NdT : Larry Page et Sergey Brin sont les fondateurs de Google.

[9] NdT : Facebook est un site web de networking destiné à rassembler les lycéens et les étudiants.