En avant la musique libre ! Interview de Martin

Avant d’être un outil, le logiciel est une création de l’esprit. Et pour les programmeurs les plus inspirés, le code peut s’apparenter à une création artistique. Il est donc logique que la défense et la promotion du logiciel libre soient assez vite allées de pair avec la volonté de rendre libres d’autres créations de l’esprit, d’autres domaines artistiques.

La culture, bien vite, a exploré cette nouvelle façon d’aborder l’échange des créations de l’esprit… La musique a été un des premiers domaines où des expériences libres ont eu lieu à grande échelle. Martin, un tout jeune étudiant qui a conçu le site Framazic, nous parle du tournant culturel pris par l’association Framasoft.

— Pouhiou

Framablog : Tu as proposé le site Framazic lors d’un projet de stage… À quel besoin voulais-tu répondre avec ce projet ?

Le but principal de Framazic est de faire découvrir la musique libre, aussi bien d’un point de vue théorique que pratique.

  • Théorique, parce qu’il est important d’expliquer ce qu’est et ce que n’est pas la musique libre. Il y a encore trop de confusion entre musique libre (c’est à dire sous licence libre), musique libre de droits (dans le domaine public) et musique sous licence de libre diffusion. Faire la différence entre de la musique libre et libre de droits est essentiel pour comprendre comment fonctionne la culture libre : la licence libre ne signifie pas que le musicien perd le contrôle de ses œuvres, mais bien qu’il décide d’encadrer leur diffusion ;
  • Pratique, puisque l’on propose une liste de plateformes, labels, etc. où l’on vous souhaite de dénicher la perle rare !

En tout cas, l’objectif de Framazic n’était pas de créer une plateforme d’hébergement de musique, mais bien de mettre à disposition une porte d’entrée vers la musique libre.

Malgré tout, tu as proposé ce site culturel à une association qui a « Soft », donc « logiciel », dans son nom… Tu ne craignais pas le refus ? Ce fut bien reçu ?

En réalité, ce n’est pas moi qui ai eu l’idée de Framazic. C’est un projet qui traînait dans les cartons de Framasoft depuis bien longtemps, et que j’ai repris et adapté à ce que je voulais qu’il devienne. Certes Framasoft est né du logiciel libre, mais la perspective « Culture libre » n’est pas nouvelle et a mûri progressivement. Le projet Framabook est un bon exemple à ce titre : partie des manuels de logiciels libres, la collection s’est vite étendue à la BD, à l’essai, et même récemment au roman. Cependant là où Framazic fait figure d’exception dans le réseau de projets, c’est que c’est le premier consacré uniquement à la culture libre.

Donc pour répondre à la question, bien sûr que ce fut bien reçu !

J’imagine que tu as suivi la sortie de Framazic avec intérêt… Quel accueil a-t-il reçu ? Es-tu content des résultats obtenus, de ce qu’ils apportent… ?

J’ai été très agréablement surpris en voyant que des sites d’information comme PcInpact, Écran.fr et d’autres avaient repris l’information. On a aussi eu droit à 5 pages dans le Linux Essentiel d’octobre-novembre. De manière générale, le projet a été très bien reçu. Les commentaires et témoignages que l’on a pu recevoir étaient très encourageants. Ça fait réellement plaisir de voir que Framazic a pu être utile pour d’autres personnes, surtout quand on s’est beaucoup investi pour le créer.

Le libre est né en même temps que le logiciel. Pour la musique (et les autres créations artistiques), c’est différent : un marché, un écosystème et des règles de fonctionnement existaient déjà… Est-ce que le libre a une chance dans le monde culturel ?

Je l’espère ! Précisons que la musique libre ne s’est pas créée à partir de rien : les pratiques d’échange et de mise à disposition existent depuis bien longtemps. L’avantage de la musique libre c’est d’offrir un cadre légal, pratique et clair à la diffusion. On en voit toute son utilité avec la diffusion numérique.

Je pense que tout le monde peut se retrouver dans la musique libre, les artistes, « petits » comme « grands », les mélomanes et les diffuseurs. Même si la musique libre implique un changement radical de modèle de diffusion, je pense qu’elle pourra trouver sa place. Mais là où tu as raison, c’est que le système médiatique est très fermé. Ça peut être un frein, mais il y a d’autres moyens de se faire connaître. La musique libre n’est pas l’œuvre de quelques illuminés marginaux. Il y a, je pense, un début de mouvement de masse. Par exemple, Jamendo a réussi à percer dans le grand public. Je vous invite à faire un tour sur framazic.org pour plus de détails sur tous ces points.

Entre nous, ton premier coup de cœur culturellement libre, c’est quoi ?

En musique, j’avais découvert Tryad il y a quelques années. Un grand classique en matière de musique libre, qui m’a fait entrer dans ce monde. Je l’écoute encore régulièrement. Je suis resté très attaché à ce collectif d’artistes. C’est d’ailleurs pour ça que les trois premières chansons de la compilation de Framazic sont de Tryad. Je pense que c’est un bon exemple pour montrer ce que de bons musiciens peuvent faire arriver à faire en musique libre.

Crédit photo : Julien Reitzel CC-by-sa




Framasoft, un coup d’œil sur la communauté – Interview aKa

Dans cette semaine consacrée à l’accueil et aux nouveautés déjà là et imminentes, prenons un temps pour faire le point sur la communauté qui irrigue littéralement Framasoft de son énergie active. Car au-delà de l’association et des outils web, Framasoft est avant tout une communauté… Alexis, notre éleveur de lolcats plus connu dans les bas-fonds du Web sous le sobriquet de aKa, nous parle de ces gens de l’ombre qui œuvrent tant et tant pour partager librement et faire de la culture libre un idéal en marche, résolument.

— Pouhiou


Framablog : Comment une communauté s’est-elle construite autour de Framasoft ? Quels outils aviez-vous il y a dix ans ?

Il y a dix ans j’avais ma bite, mon couteau et Internet. Aujourd’hui Internet est toujours là (même si on le menace), le couteau a un peu changé de forme mais il a toujours la même fonction, quant au reste pas la peine de s’appesantir dessus.

Mais tentons de répondre plus sérieusement à la question de la communauté. Le phénomène est assez classique dans le Libre : petit à petit des gens sont venus me rejoindre parce qu’ils trouvaient que ce que j’avais initié était original et intéressant. De là à parler de « communauté »…

Disons que c’est un mot pratique, à la mode et connoté positivement mais il me serait assez difficile d’en définir les contours. Toute personne qui a un jour participé de près ou de loin à nos projets peut avoir la carte de membre (qui n’existe pas). J’irai même plus loin en élargissant à toute personne qui promeut et diffuse le Libre d’une manière ou d’une autre, ce qui fait du coup une bien vaste communauté 😉

J’imagine qu’aujourd’hui les moyens de communication ont changé… Mon petit chat m’a dit que tu gazouillais beaucoup ?

J’y suis allé un peu à reculons sur les réseaux sociaux mais c’est vrai que, pour ce qui concerne le microblogging, j’ai fini par me prendre au jeu, aussi bien pour le compte Framasoft, que je gère, que pour mon compte personnel, que je gère aussi (étonnant, non ?). Le compte Twitter de Framasoft vient de dépasser les dix mille abonnés soit dit en passant et il n’y a pas que des lolcats dedans !

Tu peux me faire un portrait-type du contributeur / de la contributrice ? Qu’ont en commun ces personnes qui donnent de leur temps et de leur savoir-faire sur un projet ?

Le dénominateur commun c’est de penser que le Libre au sens large apporte quelque chose à la société actuelle. Pour ce qui est du portrait-type, la question est difficile puisque je n’ai souvent d’elle ou de lui que les traces écrites de son travail et de sa communication autour du travail (d’ailleurs parfois on ne devinera jamais si c’est « elle » ou « lui » derrière son pseudo). Pour en savoir plus il faudrait aller plus loin dans l’intime et nous sommes des gens pudiques nous Môssieur ! Heureusement il y a les rencontres dans la vraie vie, avec des vrais verres de bière autour d’une vraie table, qui autorisent parfois certains confidences…

D’ailleurs, peut-on dire qu’il y a une communauté Framasoft, ou une communauté par projet ? (framalang, framabook, github, framalibre, etc.)

Là aussi cela dépend où l’on place le curseur. Disons que Framasoft c’est un peu comme l’Europe, et les projets les pays qui composent l’Europe. Ah zut, on me dit dans l’oreillette que l’Europe va mal actuellement et que j’aurais pu trouver une autre métaphore.

À quoi faut-il faire attention pour conserver le soutien d’une communauté ? Qu’est-ce qui te semble indispensable quand tu chapeautes un groupe de contributeur-trice-s ?

Bonne ambiance et pertinence sont les deux mamelles d’une communauté qui va vivre heureuse, avoir beaucoup d’enfants et continuer à nous soutenir. Il convient bien moins de « chapeauter » que d’être présent, à l’écoute, reconnaître le travail des autres, et communiquer son enthousiasme.

Exercice difficile… sans démagogie, qu’est-ce qu’on ne dit pas assez à la FramaCommunauté ?

Ce n’est pas difficile du tout et ça n’est pas démagogique : on ne lui dit pas assez souvent… qu’on l’aime <3 ! Parce que venir bénévolement (et parfois anonymement) se joindre et donner un peu de son temps libre à un projet libre, c’est précieux et généreux.




Framasoft rembobine, bientôt l’avance rapide

C’est la semaine FramAccueil. Une semaine où, chaque jour, on vous présentera un peu plus les coulisses de notre nouvelle page d’accueil. Car revenir sur cette présentation de toute la galaxie Framasoft, c’est surtout revenir sur plus de 10 ans d’aventures clavistes et AFK, de sites et outils web, de travail collaboratif au service du Libre au sens large. Avec la nouvelle page d’accueil de Framasoft, toute la galaxie Frama est accessible en quelques roulements de molette.

Cette semaine est l’occasion pour nous de mieux communiquer sur l’ensemble des services proposés, grâce à vos dons, à vos apports, à notre travail commun. De faire le point sur le présent avant de mieux se tourner vers l’avenir.

Nous avons donc demandé à Christophe, le président de l’association, de répondre à quelques questions pour faire l’historique de l’association et de ses projets…

— Pouhiou

Framablog : Christophe, quand on entre dans l’association Framasoft, il y a toujours quelqu’un pour dire : « Tu vas voir : avant de connaitre tous les projets qui existent et de comprendre tout ce qui s’est fait, t’en as au moins pour un an. » Tu confirmes ?

Après un an et demi de présidence, j’en suis encore là. À ma décharge, je précise que certains framasoftiens sont beaucoup plus anciens que moi dans l’asso… Ce que d’aucuns pourraient voir comme une pléthore d’activités est en réalité le reflet du foisonnement Framasoftien. Au fil des rencontres, Alexis a su tisser des liens plus ou moins solides avec d’autres acteurs du Libre, et il a su aussi attirer des volontaires qui ont collaboré activement à certains projets plus que d’autres, ou ont pris en charge un projet en particulier, et se sont ainsi intégrés petit à petit dans le cercle associatif.

Une expression qui est longtemps restée pour décrire Framasoft était : « un réseau à géométrie variable ». C’était et c’est toujours plus ou moins le cas : qu’on adhère ou non aux valeurs de Framasoft, qu’on soit un acteur du libre, un ardent défenseur ou parfaitement ignorant de la différence entre Gnome et KDE ou entre les licences GNU GPL et BSD, il est toujours possible de participer à l’un des projets de Framasoft.

Les années aidant, nous devons aux donateurs comme à la bonne santé des projets une certaine stabilité dans nos objectifs, et c’est tout un projet de structurer Framasoft autour de projets phares… avec tout ce que cela comporte comme risques, puisque un projet mis en valeur peut très bien s’avérer complètement inutile face à l’avancement inexorable du Libre dans bien des domaines.

L’idée est donc désormais de structurer les activités autour de trois grands piliers d’une éducation populaire au Libre : le logiciel, la culture et les services.

Framablog : Pour savoir comment nous en sommes arrivés là, partons du début. Ca veut dire quoi Framasoft ? Il paraît qu’au départ, c’est une bande de potes ?

Si on comprend tous que le « soft » fait référence aux logiciels, il est plus difficile de savoir d’où vient la racine « Frama » que l’on retrouve en préfixe à tous les projets. Framasoft était au départ un petit catalogue en ligne qui était hébergé comme une rubrique du site Framanet (pour FRAnçais et MAthématiques en IntraNET), co-animé par Alexis Kaufmann et Caroline d’Atabekian(1), tous deux enseignants du secondaire. Fin 2001, Framasoft est devenu un site à part entière, axé sur les logiciels libres et proposant un annuaire collaboratif. Depuis lors, l’annuaire a toujours été une activité centrale de Framasoft, mais il était devenu de plus en plus évident que le Libre ne se résume pas à des logiciels(2).

Quand, en 2004, l’association (loi 1901) fut créée, il y avait déjà beaucoup de contributeurs. L’annuaire dépassait déjà largement les seuls logiciels libres disponibles sous Windows, mais concernait les trois grands systèmes d’exploitation du marché. Pour structurer la communauté ainsi formée et permettre davantage de dialogue non seulement entre contributeurs mais aussi avec le grand public découvrant le libre, le forum Framagora fut créé et nombreux sont ceux qui, tout comme moi, ont découvert et intégré Framasoft grâce à ce forum. Et c’est « seulement » en 2005 que le projet d’un DVD-Rom compilation de logiciels libre (aujourd’hui FramaDVD) et le projet Framakey sont nés.

Le premier reprenant l’idée de The Open CD a été créé par un groupe d’étudiants, encadrés par Pierre-Yves (alias Pyg) et le second que le même Pierre-Yves menait. Ceci amorça la dynamique que nous connaissons aujourd’hui, qui se caractérise par plusieurs projets avec des communautés autour. Celles-ci s’entrecroisent, et grâce à elles, c’est aux frontières des projets que l’innovation se fait.

Dans le slogan « la route est longue mais la voie est libre », je n’ai jamais vu cette longueur comme le chemin de croix harassant vers la libération quasi-théologique de l’informatique, mais au contraire comme une suite infinie de choix possibles vers une ligne d’horizon.

Framablog : Et des projets avortés, ou qui sont tombés en désuétude… genre le « cimetière Framasoft »… il y en a ?

Je ne veux pas éluder la question, mais regarder en arrière n’est jamais quelque chose de productif. Nous sommes des bénévoles et, à ce titre, si nous donnons du temps à Framasoft, ce n’est pas pour être nostalgiques. À vrai dire, des projets avortés, il y en a tous les jours : tout ce que nous aimerions faire et ce que nous n’avons pas le temps ni les moyens (humains surtout) de réaliser. Il arrive très souvent que nous dépensions beaucoup d’énergie pour rien.

Malgré l’enthousiasme de la communauté, le projet Framavion n’a jamais vraiment décollé.

C’est le lot de n’importe quel projet associatif et communautaire. Par exemple, nous aimerions développer davantage le projet Framaphonie, les services Cloud que nous proposons peuvent toujours être améliorés, et notre annuaire…. là je ne dis rien pour l’instant parce qu’il se trouve que nous avons la solution !

Framablog : Du coup, aujourd’hui, quels sont les projets qui enthousiasment le plus la communauté ?

Là encore il est difficile d’établir une hiérarchie. Certains projets ne nécessitent pas forcément une grande communauté et sont pourtant très célèbres, comme Framadate. Donc il faut décrire les choses non en termes de productivité mais en termes de rapport entre le nombre de contributeurs et la dynamique journalière (le nombre d’actions par contributeur). De ce point de vue, le groupe Framalang qui s’occupe de traduire des textes, le plus souvent anglophones, est de loin celui qui a une activité très soutenue… et comme il utilise Framapad pour travailler, et le Framablog pour produire des textes à destination du public, on voit ici nettement les interactions entre les projets.

Le projet Framabook aussi connaît de l’activité ces temps derniers. C’est invisible pour le public, mais la production d’un livre représente beaucoup d’heures de la part des membres, en particulier la relecture d’un ouvrage. Donc ici, ce n’est pas en termes de dynamique qu’il faut envisager les choses mais en termes d’heures travaillées. Tout comme le Framablog, qui exige une veille soutenue de l’ensemble de la sphère du Libre, ou le développement de la Framakey qui mobilise de temps à autre Pierre-Yves durant de longues heures pour l’adapter à un projet de partenariat.

Framablog : Est-ce qu’on peut dire un mot sur les FramaTrucs de demain ?

C’est bien simple : nous en avons plein les cartons. Mais ce qui est certain, c’est que le déballage ne peut se faire qu’à partir du moment où nous aurons structuré… allez je lâche le nom de code : Framalibre !

Quelques logos à l’étude pour les projets à venir

(1) Caroline d’Atabekian ne tardera pas à fonder le plus important portail collaboratif des enseignants de Lettres, le WebLettres, dont la naissance est évoquée dans ce billet .

(2) L’ouvrage Histoires et Cultures du Libre (Coll. Framabook, 2013) se veut être une illustration de l’immensité des domaines concernés par le Libre.

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Crédit photo : Musée de l’air et de l’espace de San Diego




La page d’accueil de Framasoft fait peau neuve !

Des années, peut-être même une décennie, qu’elle n’avait pas bougé et avait fini par prendre la poussière. Nous avons décidé de mettre radicalement à jour notre page d’accueil, en proposant une entrée qui rend plus lisible et reflète mieux ce que Framasoft est devenu aujourd’hui. Avant donc, cela donnait ça :

Framasoft ancienne page d’accueil

Autrement dit cela mettait surtout en avant l’historique premier service Framasoft, à savoir son vaste annuaire de logiciels libres (rebaptisé « Framalibre », en attendant lui aussi une substantielle et prochaine mise à jour). Quant à la forme, elle nous confiait depuis un certain temps ses envies de jeunesse, de fougue responsive, de Web sémantique…

Or, vous l’avez lu dans notre poisson du 1er avril, Framasoft est une galaxie en pleine expansion « afin d’amener un public toujours plus large à plus de liberté dans l’univers numérique ».

En effet, Framasoft, dix ans plus tard, c’est aussi Framakey, Framabook, Framablog, Framapad… en tout pas moins d’une vingtaine de projets ayant le Libre comme dénominateur commun. Il est d’ailleurs significatif que l’on parle désormais de Libre et non seulement de logiciels libres. Tous ces projets ont du coup été regroupés dans trois principales catégories, logiciels, cultures et services libres, plus claires et cohérentes pour le visiteur. Et puis aussi, voire surtout, Framasoft ce sont des hommes et des femmes qui travaillent bénévolement pour faire vivre et avancer tous ces projets au sein d’une communauté active et enthousiaste animée par une association. Nous avons également souhaité mettre plus en avant cet aspect humain, d’autant plus que nous existons avant tout à partir d’Internet.

C’est aussi pour cela que nous vous proposons l’interview de la principale responsable de cette nouvelle page d’accueil, peupleLà, pour en savoir plus sur le pourquoi du comment d’un tel choix.

Merci de votre attention. De votre confiance et fidélité aussi.

Si vous ne l’avez pas encore vue, voici notre nouvelle page d’accueil. N’hésitez pas à donner votre avis et rapporter des bugs dans les commentaires, car ici comme ailleurs tout est en mouvement.

— Pouhiou

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Bonjour peupleLà, peux-tu te présenter succinctement ? Qui se cache derrière ce pseudo ?

Bonjour. Je travaille comme éditrice dans les humanités numériques. Je suis également traductrice de l’anglais américain, entre autres activités. Derrière le pseudo se trouve une personne passionnée — et parfois perplexe — devant tout ce que les humains arrivent à créer individuellement ou collectivement : un rêve de liberté, des formes de société, ouvertes ou fermées, des œuvres d’art, des systèmes de pensée, des langages, des merveilles technologiques et des horreurs de toutes sortes, des jeux et des guerres… (on me souffle dans l’oreillette de *ne pas faire trop long*)

Alors Framasoft, tu y es entrée comment et pourquoi ?

Très simplement : un twitt > tester Framapad > des traductions > rejoindre Framalang > le projet Open Advice > rejoindre Framabook > rejoindre Framasoft > etc. En fait l’approche de Framasoft est très au point. Un petit appeau pour appâter les oisillons innocents, et le temps de se rendre compte de la manœuvre, on se retrouve embringué dans un truc sympathique et improbable. Il faut mettre en garde les jeunes personnes influençables : le Libre, c’est bien beau et séduisant, mais si on sait quand et comment ça commence, sait-on vraiment où cela va nous entraîner ?

Et que fais-tu de beau au sein du réseau ?

J’amène mon grain de sel et mes compétences là où elles peuvent être utiles. Je participe beaucoup aux traductions, et surtout à la phase de préparation des publications où je donne libre cours à mes tendances psycho-rigides en matière de langue française et d’ortho-typographie.

Cette nouvelle page d’accueil, on te l’a imposée ou tu étais volontaire ?

C’était ça ou le supplice des fourmis… Comme je l’expliquais plus haut, l’approche Framasoft est très bien rodée. Après leur recrutement, les nouveaux membres doivent passer par divers rituels initiatiques qui leur permettent progressivement de s’intégrer au groupe. Cela inclut un certain nombre d’épreuves dont je ne suis pas autorisée à parler publiquement. Comme le dit notre devise : « La route est longue, mais la voie est libre… »

Plus sérieusement, la page d’accueil ne m’a pas été imposée, elle s’est proposée à moi, parmi les nombreux projets en cours que j’ai découverts lorsque j’ai rejoint l’association. Ce projet était dans les cartons depuis longtemps et était devenu urgent : c’était donc une priorité pour l’année 2013. Des questions de choix de design et d’ergonomie restaient sans réponse, et comme ce sont des domaines sur lesquels, sans être une experte, j’ai quelques compétences, c’était le projet dans lequel il m’a semblé le plus facile d’entrer au départ. J’ai amené des propositions et de fil en aiguille, j’ai fini par soumettre une maquette qui a été validée par l’asso. Puis je me suis également chargée de l’intégration.

Explique-nous un peu ces nouvelles couleurs et cette mise en page radicalement différente de la précédente version. En quoi te semble-t-elle cohérente et ergonomique ?

Ce projet a vraiment été le moyen pour moi de découvrir Framasoft de l’intérieur : les personnes, les projets, le fonctionnement, le réseau… bref, le bazar ! Certains choix étaient déjà arrêtés : l’utilisation du framework bootstrap, le fait que cette page devait être un portail vers l’ensemble du réseau — et ne plus être principalement la page d’accès à l’annuaire des logiciels libres —, la présentation succincte de chaque site du réseau.

Il fallait donc trouver une forme qui parte de l’existant et qui rende compte de l’esprit « Frama » : le foisonnement, beaucoup d’envies dans beaucoup de directions, une histoire déjà longue dans laquelle je comprenais qu’il fallait trouver une sorte de fil conducteur. Être noob était un avantage, car je pouvais encore me placer de manière « naïve », comme quelqu’un qui découvre le réseau (ce qui était le cas).

Des discussions internes avaient permis de se rendre compte qu’il y avait en fait désormais trois axes Framasoft : les logiciels libres (le socle historique de Frama), la culture libre, et bien plus récemment, le cloud libre… ainsi que divers projets difficilement rangeables. J’ai donc très logiquement imaginé de regrouper les sites du réseau — les FramaTrucs — par axes, de créer des pseudo-pages pour chacun de ces axes et de proposer une navigation interne à la page pour limiter l’effet « scroll interminable » de la mort qui tue, dû à la présence de contenus nombreux. Le haut de la page permet aux habitués d’accéder directement aux contenus qui les intéressent. La deuxième pseudo-page présente la communauté, sans laquelle le Libre n’est rien. Suivent une pseudo-page pour chacune des catégories de FramaTrucs.

J’avais envie de mettre un peu de couleurs dans tout ça, et en même temps je suis plutôt fan de sobriété et de design épuré. Après plusieurs essais de gammes de couleur, j’ai proposé la version qui est actuellement en ligne, dans l’idée d’identifier aussi chaque axe par une gamme de couleurs qui lui serait propre, tout en gardant quelques repères historiques de l’identité visuelle de Framasoft : les pingouins mascottes, le bleu, très présent sur la plupart des sites existants, le titre « Framasoft » bicolore… j’ai pensé que je pouvais utiliser ce qui restait des couleurs primaires et secondaires : rouge, jaune et vert, pour les axes nouveaux qui ont émergé dans les activités de l’asso.

fillette visage peint

PeupleLà, encore toute petite, faisait déjà des essais de couleurs pour la page d’accueil

Il a également fallu réfléchir aux éléments de navigation : c’est une page portail, donc elle comporte énormément de liens et ce n’est pas évident à gérer. J’ai opté pour que ces éléments soient repérables, identifiables par la cohérence des couleurs et des symboles clairs, mais le plus discrets possible pour éviter d’alourdir trop cette page. Ce n’est peut-être pas la meilleure stratégie, mais j’ose espérer que les visiteurs s’approprieront ces codes de couleur. Les petits carrés de navigation interne ont l’avantage d’être utilisables aussi sur les diverses plateformes mobiles.

Et puis, cette page porte forcément la trace de mes préférences : je sais bien qu’on ne travaille pas pour les gens qui sont comme soi, j’en tiens compte, mais il se trouve que je fais partie de ceux qui ont tendance à pratiquer le terrible et terrifique et horrifique « effet rebond » quand ils atterrissent sur un site qui leur montre où aller et que faire à grands coups de boutons et de signes énormes qui disent We’re cool: we don’t make you think!

N’as-tu pas peur de dérouter les anciens visiteurs ?

Euh… peur ? quel mot ! Disons que ça m’ennuierait que cette page perturbe les anciens visiteurs au point qu’ils la rejettent. Je pense qu’on a tous tendance à avoir nos habitudes, et que ça n’est pas toujours agréable de devoir les changer du jour au lendemain. En même temps, le changement fait partie de la vie. Quand on bouge un espace ou dans l’espace, qu’on déménage ou qu’on voyage, ça déstabilise et on a besoin d’un temps pour prendre de nouveaux repères. J’espère donc que la période d’adaptation ne sera pas trop pénible pour les anciens visiteurs et qu’ils apprécieront le nouveau point de vue qu’on leur propose, qu’ils sauront y faire leur chemin.

remarques de style

Que reste-t-il à faire concrètement ? En modifiant ainsi l’accueil, n’est-ce pas le réseau entier qui va petit à petit se mettre au diapason ?

L’idée c’est un peu ça, oui. En même temps, il ne s’agit pas de créer une identité uniforme, style corporate. De toutes façons, même si on le voulait, ce serait impossible : Framasoft est vraiment beaucoup plus du côté « bazar » que du côté « cathédrale ». Ce que j’ai en tête, comme je le disais, c’est plutôt de donner un fil pour pouvoir s’y retrouver dans le bazar : pouvoir se perdre, flâner, découvrir, c’est super… mais pouvoir aussi trouver rapidement le chemin si on a une direction précise à l’esprit, c’est important aussi. Je participerai probablement à d’autres projets de ce type d’ici la fin de l’année, et peut-être que d’autres viendront apporter leur contribution. Qui sait ?

Un dernier mot ?

Une jolie citation extraite de L’ïle aux fleurs, « Libre est l’état de celui qui jouit de liberté. Liberté est un mot que le rêve humain alimente. Il n’existe personne qui l’explique, et personne qui ne le comprenne. »

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Crédit photo vagabondbloggerlicence CC-BY-NC-SA




Alertez les manchots… Framanav, le retour

On l’a vu avec notre redoutable poisson d’avril : Framasoft évolue. Bien entendu, il n’est nullement question d’un quelconque partenariat avec Microsoft. Framasoft est et restera dédié à la diffusion du Libre auprès du public le plus large ; quitte à prendre le temps et la patience nécessaires pour que la famille Toulemonde apprenne à se libérer. Quitte, aussi, à prendre les gens là où ils/elles sont, et à répondre à leurs besoins de manière libre et ouverte en créant et adaptant de nouveaux outils. C’est ainsi que ce « réseau d’éducation populaire » s’est étoffé, passant d’un annuaire à une galaxie de sites web et services variés.

Grace à vos dons, à vos apports, à notre ouvrage commun… de grands (et beaux) changements s’annoncent. Si nous étions dans Game Of Nobody-wants-a-fucking-Throne on entendrait : « Penguins are commiiiiiing ».

C’est aux petits détails qu’on repère les grandes évolutions. Alors, histoire de vous mettre l’eau à la bouche, voici une petite interview de Pierre-Yves Gosset (alias PYG) qui nous présente la Framanav.

Pouhiou pour le Framablog : PYG, je n’ai pu m’empêcher de remarquer qu’en haut de la plupart des sites web estampillés Frama, une jolie barre est venue se poser… Tu nous présentes ?

Bien sûr. Il s’agit tout simplement d’une barre de navigation commune permettant de présenter et d’accéder rapidement aux sites de ce joyeux bor^W bazar qu’est devenu le réseau Framasoft au fil des années. Elle permet donc de retrouver (mais aussi de découvrir !) les sites du réseau Framasoft, maintenant classés en trois catégories : Logiciels libres, Culture libre, et Services libres.

Framanav new-look

Une telle barre existe depuis début 2007, à compter du moment où Framasoft a dépassé les limites d’un simple annuaire logiciel pour proposer d’autres services. Elle a connu différentes évolutions au fil du temps, mais il fallait aujourd’hui une nouvelle version afin de présenter plus clairement les activités plutôt foisonnantes de l’association.

Par ailleurs, cette Framanav intègrera un système d’annonces et d’alertes qui nous permettra d’interagir plus facilement avec nos visiteurs. Par exemple, lorsque nous envisagerons une mise à jour de Framapad.org, nous pourrons informer les utilisateurs directement sur le site par un système d’alerte, afin qu’ils ne se lancent pas dans une traduction collaborative, par exemple, 10 minutes avant que l’on n’interrompe le service. Cela nous permettra aussi d’annoncer plus facilement (et très ponctuellement), sur tous les sites une information que nous estimons importante, comme par exemple la publication d’un nouveau Framabook…. (attention, je crois que tu baves un peu, là…).

L’ensemble du réseau faisant plus d’un million de visites par mois, mais proposant pour l’essentiel des services libres et gratuits sans inscription, cela nous a paru à la fois complémentaire et probablement plus efficace que notre bonne vieille Lettre d’informations.

Framablog : Il y avait donc, à ton avis, un besoin de faire connaitre l’ensemble des services Framasoft ?

Oui. Ces deux dernières années, Framasoft a multiplié les projets. Framapad ou Framadate fêtent leur 2 ans, Framazic, Framamindmap ou Framacalc ont moins d’un an. Les utilisateurs peuvent s’y perdre, bien entendu. Mais surtout, ils risquent tout simplement d’ignorer l’existence d’un service.

Framasoft, c’est aujourd’hui 11 serveurs dédiés, et plus de 35 sites publics (oui, ils ne sont pas encore tous présentés dans la Framanav, on en garde encore un peu sous le pied 😉 ). Ce n’est clairement pas facile de s’y retrouver. Par exemple, nous avons d’excellents retours d’utilisateurs du site framapack.org (qui permet aux utilisateurs Windows de se constituer un « panier de logiciels libres installables en 3 clics » extrêmement utile suite à l’achat d’une machine par exemple), mais le site reste trop méconnu.

De plus nous avons choisi d’y intégrer les sites que nous hébergeons gracieusement, comme par exemple le Geektionnerd, ou VeniVidiLibri. Mais aussi des sites « partenaires » comme le Planete-libre. J’espère sincèrement que cette nouvelle barre de navigation commune permettra à chacun de s’y retrouver plus facilement et plus rapidement.

Framablog : Mettons les mains dans le cambouis… Qu’est-ce qui a été le plus dur pour toi ? Adapter la barre à chacun de nos sites ou concevoir un menu clair et intuitif ?

La Framanav a été réalisée à l’aide de Bootstrap, un framework HTML/JS/CSS issu du travail de développeurs travaillant chez Twitter : http://twitter.github.io/bootstrap/. Il s’agit d’un framework plutôt simple et agréable, proposant suffisamment de fonctionnalités, mais pas trop (il faut conserver un poids raisonnable).

La création de la barre elle-même a été extrêmement rapide (de l’ordre de la journée, environ). La principale difficulté réside dans l’adaptation à chaque site. En effet, comme je le disais, Framasoft, c’est plus de 30 sites publics (WordPress, Dotclear, Drupal, Mediawiki, Etherpad, Ethercalc, SPIP, PhpBB et j’en passe). L’adaptation purement CSS à chaque site n’est elle-même pas complexe (j’y passe rarement plus d’une heure).

Cependant, la principale difficulté réside dans le fait que la Framanav utilise jQuery (c’est aussi un choix volontaire de notre part d’utiliser cette bibliothèque javaScript sur chacun de nos sites), et là, ça se complique souvent, car suivant les CMS, les versions de jQuery sont incompatibles ou nécessitent un travail de réécriture ou d’optimisation du code (et non, pour les habitués de jQuery, un simple jQuery.noConflict() ne résout pas toujours le problème, ça serait trop simple !). Cela explique que la Framanav soit toujours en cours de déploiement sur certains sites (par exemple framapad.org, développé en node.js, dispose d’un système de template/cache un peu particulier qui m’a fait retirer la nav après 24h de mise en place).

Par ailleurs, il reste encore du travail sur la compatibilité avec les smartphones. Elle est encore largement perfectible, mais elle sera améliorée au cours des prochains mois. Bref, la migration se fait dans le temps, comme souvent avec les projets libres. D’ailleurs, pour ceux qui voudraient donner un coup de main, le code est disponible sur le GitHub Framasoft : https://github.com/framasoft/framanav

Framablog : La question troll : tu as testé la FramaNav sur Internet Explorer ? Tu es allé jusqu’au 6 ?

Internet Exploquoi ? Connais pas… Plus sérieusement, je l’ai testée avec une machine virtuelle Windows 7 / IE 9 et un vieux Windows XP / IE 8 et ça fonctionnait plutôt bien 😉 Je l’ai aussi testée avec différents smartphones/tablettes.

Framablog : Maintenant qu’on y est, qu’est-ce que ça te fait de voir tout Framasoft, comme ça, à portée de clic ?

J’en suis tellement ému que j’ai envie d’aller corriger quelques bugs de dernière minutes, tiens ! J’aimerais juste conclure en remerciant JosephK, bénévole de Framasoft, qui avait réalisé la précédente version de la nav (que vous pouvez encore admirer sur quelques sites).




Du projet étudiant au navigateur web, la trajectoire d’un développeur open source

Aujourd’hui nous choisissons de mettre en lumière un jeune développeur qui devrait donner des idées à tous les étudiants en informatique qui nous lisent. Comme vous allez le voir, en choisissant la voie de l’open source, les projets qui paraissaient hors d’atteinte sont finalement accessibles. Rien n’est gagné d’avance mais la voie est libre !

De Firefox à Chromium en passant par Midori, ce ne sont pas les navigateurs Web qui manquent. Il y en a pour tous les goûts, des plus complets aux plus légers. Parmi eux se trouve QupZilla, un navigateur lancé en 2010 par son actuel développeur principal, David Rosca. Alliant légèreté et fonctionnalités, il a aussi la particularité d’être développé par un étudiant qui a lancé ce projet à l’âge de 17 ans, alors qu’il était encore lycéen. Il étudie maintenant l’informatique à l’Université technique de Prague, en République Tchèque. Aujourd’hui, il répond à nos questions pour le Framablog.

Contributeurs Framasoft : lamessen, eyome, Asta lyn

David Rosca aka Nowrep, développeur de QupZilla

F : Bonjour David, merci de nous accorder cette interview. Peux-tu nous présenter le projet QupZilla ?

David : QupZilla est un navigateur web multi-plateforme écrit sur l’infrastructure Qt. Il utilise le moteur de rendu Webkit à travers le module Qt. L’utilisation de Qt fait que QupZilla est parfaitement adapté à la plate-forme KDE mais il fonctionne aussi très bien sur les autres environnements. Il fonctionne avec tous les systèmes d’exploitation. La dernière version (1.4.1) est sortie il y a peu de temps.

Il est important de dire que QupZilla est un navigateur web qui a pour objectif de rester léger, ne vous attendez donc pas à ce qu’il devienne aussi énorme que les navigateurs les plus courants.

F : Comment a démarré cette aventure ?

David : Cela ne devrait pas vous surprendre : j’aime coder et créer de nouvelles choses. J’avais déjà quelques expériences dans l’écriture d’applications et j’étais assez confiant sur les langages de script. Mon souhait était de créer une vraie application. L’élément déclencheur a été de passer sous un système d’exploitation Linux, à partir de ce moment, je me suis dit : « Pourquoi pas ? Il n’y a plus rien qui t’arrête maintenant ! ». En fait mon plus gros problème a été de trouver quel type d’application créer. J’avais commencé à suivre quelques tutoriels, je commençais à comprendre les bases de ce type de programmation mais l’ennui serait vite arrivé si je n’avais pas su quelle appli développer. Au cours d’une discussion, un ami m’a suggéré de créer un navigateur, c’était sans doute une plaisanterie mais j’ai vraiment aimé cette idée et j’ai donc commencé à travailler dessus.

F : Une fois que tu as su quoi créer, comment t’es-tu organisé ?

David : J’ai d’abord choisi un langage de programmation. Mon choix s’est porté vers Python, un langage plus facile que le C++. Bizarrement, choisir la facilité a été la cause de mon plus gros problème. Quand vous apprenez un nouveau langage de programmation, vous rencontrez de nombreux problèmes et vous cherchez des solutions sur Internet. Plus votre langage est populaire, plus vous trouverez de réponses. Mais même si PyQt (Python pour Qt) est très populaire, la majorité des tutoriels, exemples, etc. sont pour le C.

J’ai donc essayé de traduire le C++, utilisé dans les tutoriels, en Python. C’était très difficile car je n’avais aucune expérience du C++ et que je commençais à peine à apprendre Python. J’ai donc finalement décidé d’utiliser le C++ et j’ai réécrit tout le code que j’avais. Et ça a vraiment été une bonne chose.

À ce moment-là, je ne pensais pas que mon code puisse être rendu public. Je plaisantais bien sûr sur le fait qu’un jour, j’aurais des centaines de milliers de téléchargements, mais c’était tout. Je ne pouvais même pas imaginer que quelqu’un puisse vouloir participer à mon projet. Ce ne sont donc pas les choses auxquelles vous pensez quand vous êtes en train d’apprendre un nouveau langage et que vous commencez un « projet d’apprentissage ».

F : Tu as choisi de développer ton logiciel sous licence GPLv3. Peux-tu nous expliquer pourquoi ?

David : Pour être honnête, j’ai choisi la GPLv3 uniquement parce que la majorité des projets open source l’utilisaient (kernel linux inclus, mais en GPL V2). Je ne connaissais pas vraiment les différences entre les licences. Mais maintenant, je suis content de mon choix. Je ne voudrais pas choisir une autre licence pour Qupzilla. Je ne sais pas exactement ce que serait la licence de mes rêves, je ne suis pas un expert en licence. Mais je suis vraiment satisfait avec la GPLv3.

F : Cela fait maintenant plusieurs années que tu travailles sur QupZilla, peux-tu nous dire ce que cela t’a apporté, ce qui a marché et moins bien marché ?

David : Tu as raison, ça fait un bon moment que j’ai commencé à coder QupZilla. Même si il y a eu des périodes où je n’avais pas assez de temps pour développer, parfois à cause de l’école ou simplement par manque d’intérêt, je suis toujours revenu vers QupZilla. QupZilla m’a d’abord apporté beaucoup d’expérience, à la fois en codage, en utilisation de nouveaux outils et en gestion d’un projet qui au final n’est pas si petit. J’ai aussi rencontré beaucoup de nouvelles personnes. Pour résumer, j’ai savouré chaque instant. Bien sûr, il y a eu quelques erreurs, petites ou grandes. C’était essentiellement à cause d’un manque de connaissances et d’expérience dans les domaines concernés. Mais j’en ai toujours tiré une leçon. Il y a beaucoup de choses que je ferais différemment si je pouvais revenir en arrière dans le temps. Par exemple, j’aurais commencé à écrire des tests pour les fonctions de base dès le début du projet, pour éviter les régressions (c’est ce que je fais maintenant).

F : Aujourd’hui, QupZilla est un projet bien vivant, apprécié, et qui compte de nombreux contributeurs. Il est intégralement traduit dans plus de 20 langues. Imaginais-tu que ça puisse prendre une telle ampleur alors que le marché des navigateurs est extrêmement concurrentiel ? Comment a-t-il selon toi trouvé son public ?

David : Les navigateurs légers sont très populaires, principalement sur les machines Linux étant donné qu’il est possible de les faire fonctionner sur de très vieux matériels. Du coup, j’ai pensé qu’il y avait peut-être une place pour QupZilla. Maintenant, je peux dire que j’avais raison. Je pense également que « léger » ne veut pas forcément dire « manque de fonctionnalités ». C’est cette optique de développement que suit QupZilla.

F : Tu as choisi d’utiliser de nombreux outils facilitant le travail communautaire autour de ton projet : Qt comme base de travail, Github pour le code, récemment Transifex pour la traduction. Quels étaient tes critères ? Ont-ils été satisfaits ?

David : J’ai choisi Qt parce qu’il est disponible partout. Il convient parfaitement aux applications multi-plateformes. GitHub comme hébergeur pour le dépôt git est aussi le choix n°1. Ils offrent un bon plan pour les projets open source, et avec l’approche « codage social », il est plus facile de trouver de nouveaux contributeurs. Pour moi, GitHub est le meilleur choix pour n’importe quel projet open source.

J’ai récemment déplacé toutes mes traductions vers Transifex. Ça facilite la gestion, et c’est aussi un moyen de trouver de nouveaux traducteurs (ce qui s’est déjà confirmé). Je ne suis toutefois pas satisfait de la vitesse à laquelle ils implémentent les nouveaux éléments (essentiellement les nouvelles langues). Il faut plus d’un an et demi pour une demande de nouvelle langue. Du coup, il y a des soucis, notamment avec les traductions serbes.

F : Comment vois-tu la suite de QupZilla ? Tu as longtemps été le seul développeur. Tu as maintenant quelques contributions au niveau du code. Penses-tu à l’avenir te faire davantage épauler ?

David : Je ne pense pas que ça va changer tant que ça. Ce n’est pas vraiment facile d’attirer de nouveaux contributeurs. La situation actuelle me convient : je suis le développeur principal et d’autres personnes m’envoient des patch (correctifs et contributions) de temps en temps. Mais ça va peut-être changer si QupZilla a de la chance 🙂

F : Nous savons que les projets grandissants ont souvent besoin de trouver de nouveaux contributeurs pour avancer. Peut-être même qu’en ce moment, l’un de tes plus importants contributeurs est en train de lire cette interview. Peux-tu nous dire quels sont tes besoins humains sur le projet ?

David : Il n’y a jamais assez de contributeurs. Non seulement pour coder, mais aussi pour traduire, tester les nouvelles versions, etc. Mais ce qui aiderait vraiment QupZilla, mais aussi tous les autres projets basés sur QtWebKit serait d’insister d’avantage sur la partie en C++ de QtWebKit. Il y a en ce moment une nouvelle version pour Qt 4.8, QtWebKit 2.3. C’est une release vraiment bonne. Cependant, le développement est nécessaire pour garder le projet compétitif. Ce serait donc la meilleure façon d’aider QupZilla.

F : Tu fais maintenant partie de la grande famille du logiciel libre. Es-tu impliqué dans d’autres projets ? Souhaites-tu t’investir sur certains en particulier ?

David : J’ai envoyé de petits correctifs pour de nombreux autres projets, mais je n’ai jamais fait quelque chose de grand. Par exemple, je peux parler du lecteur de musique Tomahawk ou encore QtWebkit (sur lequel QupZilla est basé). J’aimerais contribuer d’avantage à QtWebKit, mais ce n’est pas facile de travailler sur un projet aussi important. J’aimerais aussi participer au Google Summer of Code project pendant les vacances d’été.

F : Tu es pour le moment étudiant, mais la vie professionnelle arrive à grand pas. Comment vois-tu ton avenir ?

David : Tu as raison, j’étudie maintenant à l’université. J’ai choisi une université ouverte sur l’open source, mes expériences ont donc déjà été utiles.

J’espère vraiment réussir à travailler dans une société basée sur des technologies open source. J’aime la communauté open source. Mais qui sait ce qui arrivera ? Quoi qu’il en soit, je n’ai pas l’intention d’arrêter de contribuer à des projets libres et open source.

F : Merci d’avoir pris le temps de répondre à nos questions. Nous te souhaitons une bonne continuation, en espérant voir Qupzilla grandir dans le bon sens.

David : Merci à vous aussi.




Quand le peuple veut hacker sa constitution…

Il y a un peu plus d’un an, nous avions fait écho à l’expérience politique peu banale qui se jouait en Islande en proposant cet article. Les effets de la crise bancaire de 2008 avaient entraîné l’effondrement économique de cette petite « Suisse » qu’était l’Islande. Et voilà que cette île que nous connaissions surtout en France pour ses paysages somptueux et ses geysers menait une forme de révolution pacifique et silencieuse en refusant le système bancaire, en faisant chuter deux gouvernements, et en réunissant une Assemblée constituante, formée de 25 citoyens « ordinaires » chargés de réécrire la Constitution islandaise.

Mieux encore, chacun était invité à participer à cette réécriture collaborative sur le site web dédié. Cela ressemble fort à un conte de fées démocratique et les plus sceptiques d’entre nous rappelleront que l’histoire — avec ou sans majuscule — n’est jamais univoque. Le fait est que nous disposons de peu d’articles et de sources pour nous faire une idée objective de cette expérience. Le fait est, également, que si le cas islandais fut peu évoqué dans les médias depuis 2008, il en était totalement absent depuis des mois. Où en est l’Islande de cette constitution des citoyens ?

Hélas, nous savons bien que la fin heureuse des contes de fées ne sert le plus souvent qu’à faire oublier les épreuves et maléfices qui en forment l’essentiel. Les Nornes veillent en Islande et ne semblent pas favorables : la constitution est en passe d’être rejetée. Nous proposons ici la traduction d’un texte de Thorvaldur Gylfason, l’un des 25 délégués à la Constituante, qui donne son point de vue sur l’expérience, de sa naissance à sa possible chute.

— peupleLà                         

Traduction Framalang : Asta, Lycoris, Garburst, lamessen, Goofy, peupleLà, mathilde, Pouhiouzak, KoS

Grandeur et décadence de la Constitution islandaise et de sa réécriture collaborative

Article original par Thorvaldur Gylfason

Professeur d’économie à l’Université d’Islande, il fut l’un des 25 délégués de l’Assemblée constituante islandaise réunie en session d’avril à juillet 2011, élu par la nation et nommé par le Parlement pour réviser la Constitution islandaise.

En 2008, lorsque son système bancaire s’est effondré, infligeant de lourds dommages collatéraux à ses créanciers étrangers comme à ses propres citoyens, l’économie islandaise est sortie de l’état de grâce. À la suite de ce spectaculaire plongeon, les efforts de l’Islande pour venir à bout de la situation étaient au centre des attentions : elle a assigné en justice les banquiers et autres responsables présumés du désastre, et invité le peuple islandais et ses représentants élus au suffrage direct à jeter les bases d’une nouvelle constitution post-crise destinée entre autres à réduire la probabilité d’un nouvel effondrement.

Des foules de manifestants se sont rassemblées sur la place du Parlement de Reykjavik en frappant bruyamment sur des poêles et des casseroles (NdT : on parle de la révolution des casseroles). Au pied du mur, le gouvernement d’après-crise formé en 2009 lança le processus. Une Assemblée nationale, constituée de 950 individus choisis au hasard dans le registre d’état civil, fut réunie. Tout Islandais âgé de 18 ans ou plus avait une chance égale d’obtenir un siège à l’Assemblée.

Ensuite, sur un panel de 522 candidats issus de tous les milieux sociaux, 25 représentants furent élus par la nation pour former une Assemblée constituante. Celle-ci fut chargée de rédiger une nouvelle constitution reflétant la volonté populaire telle qu’exprimée par l’Assemblée nationale. Croyez-le ou non mais l’élection de l’Assemblée constituante fut annulée sur des motifs douteux et probablement illégaux, par la Cour suprême, dont 8 des 9 juges à l’époque avaient été nommés par le parti de l’Indépendance qui est maintenant dans l’opposition après s’être déshonoré pour sa responsabilité dans la crise. C’est un évènement inédit dans l’histoire islandaise !

Le Parlement décida alors de nommer au Conseil constitutionnel les 25 candidats qui avaient obtenu le plus de votes. Comme avant eux les fondateurs de la constitution américaine de Philadelphie en 1787, les membres du Conseil ont pris quatre mois en 2011 pour ébaucher et adopter à l’unanimité une nouvelle constitution. Le projet de loi constitutionnelle stipule, entre autres :

  • que la réforme électorale doit garantir « une personne, un vote » ;
  • que les ressources naturelles soient détenues par le peuple ;
  • l’exercice de la démocratie directe par des référendums nationaux ;
  • la liberté d’information ;
  • la protection environnementale et un certain nombre de nouvelles dispositions destinées à assurer la répartition des pouvoirs dans le système existant de régime parlementaire semi-présidentiel grâce à un système de garde-fous et contre-pouvoirs.

Le préambule donne le ton : « Nous, peuple d’Islande, souhaitons créer une société juste où chacun a une place à la même table. [1]»  Le peuple a été invité à participer à la rédaction sur le site web interactif du Conseil constitutionnel. Des experts étrangers en droit constitutionnel, tels que le professeur Jon Elster de l’université de Columbia et le professeur Tom Ginsburg de l’université de Chicago, ont publiquement fait l’éloge du projet de loi et de la façon démocratique dont il a été rédigé.

Malgré tout, il était clair dès le début que de puissantes forces politiques chercheraient à saboter le projet de loi. Tout d’abord, bon nombre de politiciens estiment qu’il est de leurs prérogatives, et uniquement des leurs, de réviser la constitution, et considèrent l’Assemblée nationale et le Conseil constitutionnel élu par le peuple et nommé par le parlement comme des intrus sur leur territoire. De plus, de nombreux responsables politiques s’inquiètent à juste titre de leurs perspectives de réélection sous la clause « une personne, une voix ». Enfin, de nombreux politiciens ont peur de perdre leur influence suite à des référendums nationaux plus fréquents, et craignent d’être exposés en vertu d’une nouvelle loi sur la liberté de l’information.

Par exemple, une conversation téléphonique cruciale entre le premier ministre et le gouverneur de la Banque centrale quelques jours avant le crash de 2008 est toujours gardée secrète, bien qu’une commission parlementaire ait demandé à entendre son enregistrement. Un dernier point, mais pas des moindres : de nombreux armateurs n’aiment pas la perspective d’être privés de leur accès privilégié aux zones de pêche communes. Les dossiers rendus publics après la crise ont montré que les hommes et les partis politiques avaient été largement récompensés par les banques avant la crise.

Pas besoin d’être un génie pour comprendre que les armateurs doivent avoir traité les politiciens et les partis politiques avec beaucoup de générosité par le passé, et que de nombreux politiciens souhaitent évidemment préserver ce cordon ombilical. Pour résumer, il était clair qu’à bulletin secret, le projet de loi constitutionnelle n’aurait eu aucune chance d’être adopté par le parlement, même après le référendum national du 20 octobre 2012 sur cette loi, au cours duquel 67% de l’électorat a exprimé son soutien à ce projet de loi ainsi qu’à ses principales dispositions spécifiques, y compris la nationalisation des ressources naturelles (83% de Oui), la démocratie directe (73% de Oui), et « Une personne, un vote » (67% de Oui).

Mais le Parlement ne vote pas à bulletin secret. En fait, 32 de ses 63 membres ont été influencés par une campagne de courriels organisée par des citoyens ordinaires qui déclaraient soutenir le projet de loi et voulaient l’adopter dès maintenant. Pourtant, malgré ces déclarations publiques, la loi n’a pas été soumise à un vote du parlement, une trahison abominable — et probablement un acte illégal commis en toute impunité par le président du parlement.

Au contraire, le Parlement a décidé de bafouer ses propres déclarations publiques ainsi que la volonté du peuple exprimée par le référendum national, en gelant le projet de loi. De plus, pour couronner le tout, le Parlement a imposé à la hâte la nécessité pour tout changement constitutionnel sous la prochaine législature d’être approuvé par les deux tiers du parlement et 40% du vote populaire. Un taux de participation minimal de 80% sera nécessaire pour qu’une réforme constitutionnelle soit acceptée à la prochaine session du parlement.

Les politiciens n’ont apparemment prêté aucune attention au fait qu’en suivant ces règles, l’indépendance de l’Islande par rapport au Danemark n’aurait pas pu être acceptée lors du référendum de 1918. Concrètement, cela signifie que nous sommes de retour à la case départ, comme le voulaient les ennemis de la nouvelle Constitution. Il y a un faible espoir que le nouveau parlement respecte la volonté du peuple si l’assemblée sortante manquait à le faire en dépit de ses promesses. Dans son discours d’adieu, le Premier ministre sortant, Jóhanna Sigurðardóttir, déclarait que c’était le jour le plus triste des 35 années qu’elle avait passées au Parlement.

[1] Le préambule dit précisément : « We, the people who inhabit Iceland, wish to create a just society where every person has equal opportunity. », « Nous, peuple habitant de l’Islande, souhaitons créer une société juste où chaque personne bénéficie des mêmes possibilités. »)

* * * * *

Quelques liens pour en savoir plus…

Islande, une nouvelle constitution collaborative, sur un blog militant, Juin 2011.

Islande, une constitution citoyenne, sur un blog de Mediapart, mars 2012.

Une constitution pour changer d’Islande ? le Monde diplomatique, octobre 201.

…n’hésitez pas à proposer d’autres sources d’information/réflexion dans vos commentaires.




[Communiqué] Framasoft condamne toute tentative de censure sur Wikipédia

Ne craignant pas le ridicule ni l’effet Streisand dont elle a inévitablement été l’objet, la DCRI (Direction Centrale du Renseignement Intérieur) a récemment illustré sa méconnaissance de ce qu’est l’encyclopédie libre et collaborative mondiale en tentant de censurer une page dont tout porte à croire qu’elle est loin de divulguer des informations classées secret défense.

L’association Framasoft se déclare profondément choquée par des mesures d’intimidation dignes d’un autre temps dont a été victime Rémi Mathis, contributeur bénévole de Wikipédia. Nous resterons très attentifs à la tournure des événements et déclarons notre soutien à Wikimédia France, l’association dédiée à la promotion de Wikipédia.

Parmi les innombrables réactions et le buzz de la twittosphère mondiale, lire particulièrement :