Aurions-nous un train d’avance sur l’organisation du monde de demain ?

Victor Bezrukov - CC byIl est désormais acquis qu’une expérience de contributeurs dans une ou plusieurs communautés du logiciel libre est un atout dans le secteur professionnel informatique. Mais, dans ce monde qui bouge et qui commence à mettre de l’« open » à toutes les sauces, elle pourrait l’être également bien au-delà.

C’est pourquoi il est bon d’encourager les jeunes à se lancer et participer. C’est pourquoi aussi il est proprement scandaleux que les instances éducatives françaises continuent superbement d’ignorer le logiciel libre et sa culture.

PS : Oui, je sais, ni le titre, ni mon intro, ni la photo[1] ne collent parfaitement avec la traduction qui va suivre, mais bon un peu quand même ! Et puis le titre est joli non ? Vous auriez préféré « Les winners de demain sont dans le logiciel libre » ? Non quand même pas !

Sur un difficile marché du travail, votre expérience dans le monde de l’open source pourrait être un atout à plus d’un titre

In a tough job market, your open source experience may be an asset in more ways than one

Chris Grams – 16 août 2011 – OpenSource.com
(Traduction Framalang : Poupoul2 et Marting)

Cela vous ressemble-t-il ?

Depuis longtemps, vous utilisez des logiciels open source ou contribuez à des projets open source. Vous utilisez peut-être régulièrement des outils open source dans votre activité professionnelle, ou encore préférez-vous seulement vous amuser avec, pour le plaisir ou pour maitriser de nouvelles compétences.

Vous êtes connus pour raconter des histoires (peut-être véridiques) qui montrent que vous appartenez au monde de l’open source depuis longtemps (de « Je me souviens avoir téléchargé la première version de Fedora » à « Je me trouvais dans la pièce où le terme open source a été inventé »). Mais plus important encore, vous vous considérez comme un membre actif d’une ou plusieurs communautés open source.

Pensez-vous que le temps passé à contribuer à ces communautés open source pourrait être plus qu’une bonne expérience technologique ? Qu’il pourrait vous préparer à des emplois qui n’ont aucun rapport avec l’usage ou la fabrication du logiciel ?

J’ai étudié l’histoire et les sciences politiques à l’université. Non parce que je voulais devenir politologue ou historien, mais parce que, enfin… en fait je ne le sais pas vraiment. Mais au final, je suis réellement heureux d’avoir étudié ces matières.

Pourquoi ? Elles m’ont apporté des tonnes d’expérience lorsque je faisais de la recherche ou que j’écrivais, elles m’ont appris à organiser efficacement mes idées et mes pensées. Bien que je ne me rappelle pas comment Alexandre le Grand a battu les Perses à la bataille d’Issos et que je ne sois plus capable de réellement comparer les points de vue de Rousseau et Locke, j’utilise de nombreuses compétences acquises lorsque j’étudiais quotidiennement ces sujets.

Au risque d’avoir l’air de faire de la publicité pour une éducation aux arts libéraux, permettez-moi d’aller plus loin.

Pendant que vous avez joyeusement participé à des communautés open source parce que vous aviez besoin d’un morceau de logiciel ou que vous souhaitiez le rendre meilleur, il se pourrait que vous bénéficiez d’un effet secondaire important. Vous pourriez avoir acquis une expérience de la gouvernance des organisations du futur.

Au cours des quelques années passées, j’ai eu la possibilité de travailler avec des organisations de différentes industries, dont la finance, l’éducation, les services, l’hôtellerie, et même dans des environnements gouvernementaux ou non gouvernementaux. Nombre d’entre-elles sont occupées à explorer comment elles peuvent être plus compétitives, grâce à l’utisation de techniques que nous, dans le monde de l’open source, avons déjà mises en œuvre avec succès.

Par exemple, certaines souhaitent tester des projets collaboratifs à grande échelle, impliquant des participants qui ne sont pas membres de leurs organisations. D’autres veulent savoir comment créer des méritocraties internes où les gens se sentent investis et où les meilleures idées peuvent venir de n’importe où. D’autres encore souhaitent démarrer des relations plus riches avec la communauté de ceux qui se soucient de leurs organisations. Si vous êtes un lecteur d’opensource.com, vous nous avez vu mettre en valeur de nombreux exemples dans les affaires, les gouvernements, l’éducation, la santé ou autres.

Ces organisations ont beaucoup à apprendre de ceux d’entre vous qui ont déjà une expérience pratique réelle dans de véritables communautés.

Dans son libre Outliers, Malcolm Gladwell a introduit l’idée que ceux qui sont devenus des sommités mondiales dans leur art (il cite comme exemples Mozart, Steve Jobs et les Beatles) y sont parvenus en partie parce qu’ils ont été capables de le pratiquer de manière démesurée avant les autres dans leur domaine. Selon les recherches que Gladwell cite dans son livre, une personne a besoin de 10000 heures de pratique pour atteindre la maîtrise.

À combien êtes-vous de ces 10000 heures de participation dans le monde de l’open source ? Si vous avez passé 40 heures par semaine dans des communautés open source pendant 5 ans, vous avez peut-être déjà acquis vos 10000 heures.

Mais même si vous n’avez pas encore vos 10000 heures, je crois que vous en savez déjà beaucoup sur les modes de fonctionnement des communautés open source.

Ainsi, si vous croyez que les organisations du futur pourraient être gouvernées grâce aux principes actuellement utilisés avec succès dans les communautés open source, et que vous y avez une copieuse expérience de contribution, pourriez-vous avantager une organisation qui recherche des moyens plus efficaces, pour être plus compétitive ? Et pourriez-vous être un atout pas uniquement par vos compétences technologiques open source, mais également grâce à votre état d’esprit open source ?

Un exemple : Mes amis Dave Mason et Jonathan Opp, qui totalisent chacun bien plus que 10000 heures d’expérience dans le monde de l’open source, ont récemment fait leur entrée dans le concours Harvard Business Review / McKinsey M-Prize dans la catégorie Management innovant avec un hack profondément inspirée par leur expérience dans l’open source.

Leur idée ? Prendre le principe du « fork » tel que pratiqué dans les projets de développement open source et l’appliquer au management des organisations (tous les détails de leur idée sont ici). Leur bidouille « Prête à forker » a récemment été sélectionnée dans une liste de 150 propositions soumises par des gens du monde entier comme l’une des 20 finalistes du M-Prize. Plutôt impressionnant.

Alors pensez-y : au-delà de votre expérience technologique, qu’avez vous appris d’autre en contribuant à des communautés open source, qui pourrait avoir de la valeur pour un employeur potentiel ? Y a-t-il des compétences et des manières de penser que l’open source vous a enseignées qu’il serait bon de valoriser dans un entretien d’embauche, ou comme argument pour une promotion ou un nouveau poste ? Commencez à voir votre expérience open source comme un nouvel ensemble de compétences en matières de pensée et de travail, qui pourraient être très demandées par les organisations qui voudront rester compétitives dans le futur.

En agissant ainsi, vous pourriez vous ouvrir des opportunités intéressantes que vous n’auriez pas envisagées auparavant.

Notes

[1] Crédit photo : Victor Bezrukov (Creative Commons By)




Librologie 1 : Les mots interdits de Richard Stallman

Je vous ai présenté il y a peu ces Librologies, la nouvelle chronique que aKa m’a invité à tenir ici-même. Dans ce premier épisode je vous propose de nous intéresser au premier des Libristes : l’informaticien américain Richard Stallman, fondateur du mouvement Libre. Valentin Villenave[1].

Librologie 1 : Les mots interdits de rms

Qui de plus approprié pour cette première chronique Librologique, que Richard Stallman ? Né en 1953 — l’année même où paraissaient les premières Mythologies de Roland Barthes, auxquelles nous rendons ici hommage —, il est tout à la fois le premier auteur de logiciels tels qu’Emacs ou GCC, le fondateur du projet GNU, le co-auteur de la licence GPL et FDL, et par là l’instigateur du mouvement du logiciel Libre. Cependant, son apport a très tôt dépassé les frontières de l’informatique : on lui doit notamment la première ébauche de l’encyclopédie Libre Wikipédia, et sa page personnelle témoigne de la diversité de ses préoccupations : droits de l’Homme, libertés civiques, nouveautés scientifiques et patrimoine culturel…

Conférence Stallman - Affiche Utopia (Toulibre)Au confluent de nombreux phénomènes communautaires (qu’il a d’ailleurs lui-même suscités), la personne de Richard Matthew Stallman, communément désigné par ses initiales rms (en minuscules, ainsi qu’il sied aux informaticiens des années 1970 pour qui l’avènement du bas de casse sur les écrans informatiques représenta une vraie conquête), fait l’objet de ce que nous pourrions appeler un culte — terme sur lequel il convient de s’arrêter un instant.

Le culte est une expression-clé d’un certain parler-jeune, dans lequel le terme s’emploie indifféremment sous forme substantive ou adjectivale : ainsi, l’on parlera d’un « film culte » pour souligner à la fois le nombre et l’enthousiasme des fans, ainsi que pour conjurer un aspect historique ou anecdotique. Le culte est ainsi devenu un argument publicitaire usé jusqu’à la corde, et qui relève de l’auto-suggestion : l’engouement pour ce produit n’est pas un effet de mode : c’est un culte (qui se voit donc conférer une légitimité immémorielle, comparable aux millénaires qui ont façonné les grandes religions). On voit ici à l’œuvre le mécanisme exact de la « privation d’Histoire » que Roland Barthes observait dans ses Mythologies il y a plus d’un demi-siècle : le « culte » est un mythe.

Ce terme me semble directement emprunté à l’anglais, où il se confond avec l’idée de secte : particulièrement aux États-Unis, où n’importe quelle association cultuelle peut bâtir « sa » religion. Cette liberté religieuse (qui peut parfois prêter à confusion) a notamment été mise à profit dans la seconde moitié du XXe siècle par une certaine jeunesse contestataire ou iconoclaste : dès les années 1960 l’on comptera ainsi, entre autres, l’Église du SubGénie, le Discordianisme, ou le Pastafarianisme, l’église athée de la Licorne Rose Invisible (à laquelle votre serviteur se flatte d’appartenir)… ou plus récemment des cults directement inspirés par des films, tels que le Jediisme ou le Matrixisme — pour ne rien dire du Dudeisme !

Martin Bekkelund - CC by-saCertainement influencé par ces courants en son temps, et lui-même athée revendiqué, Richard Stallman s’est employé à subvertir à sa façon les codes des rituels religieux : ainsi de sa brillante idée de célèbrer, tous les 25 décembre,… l’anniversaire d’Isaac Newton. Il ne dédaigne pas non plus, à l’occasion, créer sa propre église autour de l’éditeur Emacs et de Saint-iGNUcius.

Subvertir une codification revient à la perpétuer : à ce titre, le culte de rms donne lieu à sa propre iconographie — laquelle n’a rien à envier à celle que Barthes observait autour de l’Abbé Pierre en 1953 (il y aurait beaucoup à dire, par exemple, sur la coiffure et la barbe de Stallman, mi-négligées mi-visionnaires). Cependant dans ce cas précis, le culte cède le pas au folklore : si de nombreux Libristes témoignent encore un grand respect à Richard Stallman, pour la plupart (et en particulier les générations ultérieures, celles de Linus Torvalds et de l’open-source sur lesquelles nous reviendrons prochainement) il n’est guère plus qu’un personnage haut-en-couleurs, une sorte de vieil oncle bougon et un peu radoteur que l’on tolère au repas de famille sans vraiment lui prêter attention.

Le site gnu.org est à ce titre riche d’enseignements. Longtemps maintenu dans un style extrêmement dépouillé (tout comme la page personnelle de Stallman que je mentionnais plus haut), il persiste à mettre l’accent sur le contenu plus que sur la forme, et contient notamment un grand nombre d’articles parfois arides, souvent rédigés par rms lui-même, dans une rubrique intitulée « philosophie ».

D'Arcy Norman - CC byUne des constantes du folklore stallmanien, qui marque (et amuse) toujours quiconque assiste à une des nombreuses conférences que rms donne chaque année, et ce quelle que soit la langue dans laquelle il s’exprime (anglais, français ou espagnol), est son souci maniaque de la terminologie employée. Non content de veiller à ne jamais utiliser certaines expressions (« open source », « propriété intellectuelle »), il en déconseille également l’usage à tout interlocuteur, spectateur lui adressant une question. Cette opposition se manifeste parfois avec véhémence, et dans une mise en scène largement ritualisée, à tel point qu’il n’est pas exclu que d’aucuns se fassent un malin plaisir de lui faire entonner sa routine : « non, n’employez pas ce mot, il ne faut pas, c’est incorrect ! » et ainsi de suite : le « culte » se fait alors apophatique.

En programmeur de talent, rms a donc pris soin de documenter ses propres choix terminologiques sur le site du projet GNU, dans un article intitulé Words To Avoid, traduit en français non par « mots à éviter » mais de façon plus adoucie (et verbeuse), par Mots et phrases prêtant à confusion, que vous devriez éviter (ou utiliser avec précaution).

  • On y trouve, bien évidemment, ses chevaux de bataille les plus courants (« open source », « propriété intellectuelle »), ainsi que d’autres termes assez évidents : l’emploi prédicatif du terme Photoshop®, le MP3.
  • D’autres termes sont liés à la définition de ce qu’est et n’est pas un logiciel Libre : gratuité, commercial, marché
  • Certains termes de propagande sont également démontés, qu’il s’agisse de slogans positifs (DRM, Trusted Computing, Cloud Computing) ou négatifs (vol, piratage).

Enfin, une certaine catégorie de termes me semble tout à fait remarquable : il s’agit de mots d’apparence inoffensive, naturelle pourrait-on dire, et couramment employés par les Libristes eux-même, mais derrière lesquels Richard Stallman débusque un empilement de présupposés qui, de fait, les orientent et en font des termes de propagande.

Ainsi, parler d’écosystème des logiciels Libres (ou de toute communauté humaine) révèle une attitude tout à fait comparable à la Norme bourgeoise que critiquait Barthes en son temps : c’est s’abstraire, sous l’apparence d’un regard scientifique extérieur porté sur un phénomène naturel, de toute responsabilité et de tout aspect éthique. C’est se mettre en retrait de la communauté humaine, et rester impassible alors que des prédateurs exterminent leurs congénères, que disparaissent « les droits de l’Homme, la démocratie, la paix, la santé publique, l’air et l’eau purs, les espèces en danger, les patrimoines traditionnels »… on le voit, le propos va ici bien au-delà de l’informatique.

Dans un autre ordre d’idées, parler de n’importe quel auteur comme d’un créateur n’est pas un choix anodin (particulièrement dans l’éthos anglo-saxon protestant) : c’est assimiler les auteurs ou artistes à des divinités — non pas pour leur attribuer une toute-puissance, mais pour les brandir comme prétexte afin d’exiger la soumission des citoyens (nous aurons l’occasion de revenir sur ce statut des auteurs dans la société bourgeoise, que Roland Barthes démonte savoureusement dans son texte L’Écrivain en vacances). rms recommande aussi, depuis peu, de ne pas parler de rémunération des artistes : ce serait sous-entendre, selon lui, que de l’argent leur est systématiquement et moralement dû, de même que la divinité appelle l’offrande.

Avec cette même optique, Stallman critique enfin (comme d’autres après lui) un autre travers contemporain qui consiste à désigner les œuvres de l’esprit sous le terme de contenu. Ce terme peut s’employer, semble-t-il, indifféremment au singulier ou au pluriel — un peu comme, dans les entreprises, le terme « personnel », autre parangon méprisant du parler moche. Ce qui m’intéresse ici est bien sûr l’idéologème qu’il recouvre, et qui constituera l’une des thématiques récurrentes de ces Librologies ; avec le « contenu », l’essence des objets disparaît au profit de leur quantité. « Téléchargez des contenus », vous dira-t-on — sont-ce des morceaux de musique ? des films ? des essais ? des fictions ? Peu importe. Sont-ils originaux ? expressifs ? troublants ? Nous n’en saurons rien. C’est que nous ne sommes plus dans un ethos civique ou artistique, mais marchand : dans ce milieu où l’on ne parlera plus Libre, mais libre de droits — je n’en donnerai qu’un exemple, mais il est parlant.

Nous avons vu combien Roland Barthes brocarde à l’envi ce désir « d’immanence » de la bourgeoisie de son temps : « tout phénomène », écrit-il dans un de ses textes sur Poujade, « qui a son propre terme en lui-même par un simple mécanisme de retour, c’est-à-dire, à la lettre, tout phénomène payé, lui est agréable » — la « rémunération » des artistes, que nous évoquions à l’instant, n’est pas autre chose. Le « contenu », par définition, est quelque chose d’indéterminé mais qui se définit par sa seule quantifiabilité, équationnelle et rassurante pour le « bon sens » de nos bourgeois d’aujourd’hui. Appliqué à l’art, le terme est, littéralement, lourd de sens.

Comment, dès lors, réfléchir et argumenter sainement lorsque l’on raisonne avec des termes aussi peu précis ou orientés ? Nul doute que nombre de Libristes veuillent, de tout cœur et en toute sincérité, défendre par exemple « l’écosystème des créateurs de contenu »… et pourtant, le simple fait de poser le problème en ces termes oriente déjà le discours et biaise la réflexion.

Ce questionnement se situe d’ailleurs sur toutes sortes de terrains : juridique, médiatique, technique, ontologique ; il est exprimé, à l’occasion, de façon assez rugueuse : il est à ce titre intéressant de voir combien les versions successives de la page Words To Avoid (et plus encore, ses traductions) tentent d’adoucir son propos, d’en lisser les formulations.

Comme l’avaient remarqué Barthes, mais également Bourdieu ou Orwell en leur temps, contrôler le langage revient à contrôler la pensée : imposer sa propre terminologie, c’est façonner le raisonnement du public et couper court à toute opposition argumentée. En cela, Richard M. Stallman est probablement l’un des penseurs les plus fins du mouvement Libre, ayant très tôt perçu qu’avant même de commencer à raisonner il est indispensable de questionner le langage même que l’on utilise.

Devons-nous pour autant nommer rms un philosophe ? D’aucuns ont franchi le pas, et l’on lira à ce titre avec intérêt la préface rédigée par Lawrence Lessig, fondateur des licences Creative Commons :

Chaque génération a son philosophe, un écrivain ou un artiste qui capte l’air du temps. Quelquefois, ces philosophes sont reconnus comme tels ; souvent cela prend des générations avant qu’ils soient reconnus. Mais reconnus ou pas, un temps reste marqué par les gens qui parlent de leurs idéaux, dans le murmure d’un poème, ou l’explosion d’un mouvement politique.

Notre génération a un philosophe. Il n’est ni artiste, ni écrivain professionnel. Il est programmeur.

Me trouvant en contact régulier avec l’intéressé, j’ai récemment eu l’occasion de lui demander son point de vue sur la question : « Je suis content, m’a-t-il répondu, que les gens me considèrent comme un philosophe, car cela montre qu’ils ont compris que le mouvement des logiciels Libres n’est pas un mouvement purement informatique, mais un mouvement culturel, social et philosophique ». Réponse pragmatique : le « positionnement » de Richard Stallman ne peut s’analyser autrement que par le public auquel il s’adresse.

Jared and Corin - CC by-saC’est en ce sens que doivent être lues, je pense, les pages « philosophie » du projet GNU : il ne s’agit bien évidemment pas d’ouvrages philosophiques au sens où l’entendent, par exemple, les universitaires et chercheurs en philosophie. Richard Stallman ne propose pas de redéfinir notre vision du monde, et son « apport » à la philosophie, si tant est même qu’il existe, se limite à rappeler des notions simples de droits de l’Homme, de partage et d’entraide, sur lesquelles se fondent le mouvement Libre. Et pourtant, il ouvre ainsi l’accès à une réflexion d’une finesse et d’une exigence nettement différente des préoccupations ordinaires des informaticiens et autres geeks.

Pour amener un tel public à un véritable questionnement éthique qui ne se contente point des évidences d’un discours médiatique prémâché, rms a manifestement choisi de se présenter comme philosophe, et de tirer ainsi partie de l’iconographie et du culte qui l’entoure : plus qu’un philosophe, il est un personnage de philosophe.

Notes

[1] Crédits photos : Affiche Utopia Toulouse, Martin Bekkelund, D’Arcy Norman et Jared and Corin (Creative Commons By et By-Sa)




La pathétique histoire d’un glaçon qui ne voulait pas fondre

Zimontkowski - CC by-sa - Wikimedia CommonsComment dire avec la plus extrême courtoisie à l’« industrie du copyright » qu’elle fait définitivement fausse route et que, quelles que soient les risibles barrières qu’elle tente de mettre en place, rien ne pourra empêcher sa nécessaire et profonde mutation ?

En se retournant vers le passé et en allant chercher un exemple tout à fait cinglant et probant : la disparition des vendeurs de pain de glace causée par l’arrivée inopinée des réfrigérateurs[1].

C’est l’histoire que nous narre avec brio Rick Falkvinge, fondateur du Parti pirate suédois (interviewé ici sur le Framablog).

C’est bien sûr une histoire triste si l’on se place du côté des vendeurs de pain de glace.

Mais ainsi va la vie et c’est également fort caustique lorsque l’on pense à tous les vains efforts que déploie actuellement dans la panique l’« industrie du copyright ». J’espère que ceux qui en font partie ne tomberont pas sur ce billet car ils se sentiraient alors bien morveux !

Personne ne demanda de redevance sur les réfrigérateurs

Nobody Asked For A Refrigerator Fee

Rick Falkvinge – 21 août 2011 – TorrentFreak
(Traduction Framalang : Ypll, Brandelune, Barbidule, Goofy et Lolo le 13)

J’habite à Stockholm, en Suède. Il y a cent ans, un des plus gros employeurs de la ville était une entreprise du nom de Stockholm Ice. Son activité était aussi simple que nécessaire : aider à conserver les denrées périssables comestibles plus longtemps en distribuant du froid dans un format portable.

L’hiver, ses employés coupaient de gros blocs de glace sur les lacs gelés, ils les stockaient sur de la sciure dans d’énormes granges, puis coupaient les blocs en morceaux plus petits qu’ils vendaient dans la rue. Les gens achetaient la glace et la conservaient avec la nourriture dans des placards spéciaux, de telle sorte que la nourriture soit entreposée au frais.

(C’est pour cette raison que certaines personnes âgées appellent encore les réfrigérateurs des « boites à glace ».)

Lorsque les maisons furent électrifiées dans la première moitié du siècle dernier, ces distributeurs de froid devinrent obsolètes. Après tout, ce qu’ils distribuaient, c’était la possibilité de conserver la nourriture au frais alors que d’un seul coup tout le monde pouvait y arriver sans aide.

Cela prit relativement peu de temps dans les villes. Avec la disponibilité des réfrigérateurs à partir de 1920 environ, la plupart des ménages furent équipés avant la fin des années 1930. Un des plus gros employeurs de la ville – les distributeurs de froid – était devenu complètement obsolète à cause du développement technique.

Cette époque vit de nombreux drames humains, les hommes de la glace perdant leur gagne-pain et devant se reconvertir pour trouver des emplois dans des domaines complètement nouveaux. La profession de vendeur de glace n’était déjà pas facile, et le fait de voir son fonds de commerce se désintégrer en temps réel ne l’a pas rendu plus simple.

Mais voici ce qui ne s’est pas passé lors de la décrépitude de l’industrie de la distribution de glace :

  • Aucun propriétaire de réfrigérateur ne fut poursuivi pour production de son propre froid et contournement des chaînes de distribution du froid existantes .
  • Aucune loi ne fut proposée pour rendre les compagnies d’électricité pénalement responsables si l’électricité qu’elles fournissaient était utilisée d’une manière qui détruise les emplois des glaciers.
  • Personne ne demanda de redevance mensuelle sur les réfrigérateurs aux propriétaires de réfrigérateurs, redevance perçue par le Syndicat des glaciers.
  • Aucun panel d’experts grassement payés ne fut instauré pour dire dans un parfait consensus à quel point les glaciers étaient nécessaires pour l’ensemble de l’économie.

Au lieu de cela, leur monopole de distribution devint obsolète, fut contourné, et l’économie tout entière bénéficia de la décentralisation qui en découla.

Nous assistons actuellement à une répétition de ce scénario, mais où l’industrie de la distribution – l’industrie du copyright – a l’audace de venir exiger des lois d’exception et d’affirmer que l’économie s’effondrera sans leurs services inutiles. Mais l’histoire nous apprend, à chaque fois, que le déclin d’une industrie est positif. Cela signifie que nous avons appris quelque chose d’important – faire les choses plus efficacement. De nouvelles compétences et de nouvelles activités apparaissent toujours après coup.

L’industrie du copyright nous répète, jusqu’à plus soif, que si elle ne peut pas faire graver son monopole de distribution obsolète dans la loi, avec des sanctions toujours plus lourdes pour qui l’ignorerait, la création culturelle ne pourra exister. Comme nous l’avons vu, tout aussi régulièrement, ce sont des foutaises.

Ce qui est peut-être vrai, c’est que l’industrie du copyright ne peut plus investir un million de dollars US pour produire un titre. Mais vous ne pouvez pas exiger un monopole légal en ne prenant en compte que vos coûts, alors que d’autres font la même chose pour beaucoup moins – pratiquement zéro. Il n’y a jamais eu autant de musique disponible que maintenant, simplement parce que nous aimons tous créer. Et pas pour de l’argent, mais parce que nous sommes ainsi. Nous avons toujours créé.

Que dire des films, alors ? Des productions de plusieurs centaines de millions ? Il y a des exemples de films faits dans un garage (un d’entre eux a même fait mieux que Casablanca, et est devenu le film le plus vu de tous les temps dans son pays d’origine). Mais peut-être l’argument est-il quelque peu plus puissant par rapport aux productions de type blockbuster.

J’irais même plus loin : même s’il est vrai que les films ne peuvent plus se faire de la même manière tout en préservant à la fois Internet et nos libertés individuelles, alors peut-être qu’il s’agit de l’évolution naturelle de la culture.

Je passe pas mal de temps avec des ados dans mon action avec le Parti Pirate. Une chose qui me frappe est qu’ils ne regardent pas de films, en tout cas beaucoup moins que lorsque j’étais ado. Tout comme j’ai jeté mon poste de télé il y a 15 ans, peut-être n’est-ce que la progression naturelle de la culture. Personne ne serait surpris si nous passions de la culture du monologue à la culture du dialogue et de la conversation à ce point de notre histoire.

Après tout, nous avons déjà eu les opérettes, les ballets et les concerts comme points culminants de la culture. Même les feuilletons radophoniques (dont certains très connus). Personne n’est particulièrement choqué que ces expressions aient eu leur heure de gloire et que la société soit passée à de nouvelles expressions culturelles. Graver dans le marbre de la loi les formes contemporaines de culture n’apporte aucune valeur ajoutée et entrave les évolutions que nous avons toujours connues, pour empêcher les changements qui se sont déjà produits.

Partout où je regarde, je vois que les monopoles de copyright doivent être réduits pour permettre à la société de se sortir de la mainmise actuelle sur la culture et le savoir. Les ados d’aujourd’hui ne voient en général même pas le problème – ils considèrent comme totalement normal le partage dans le monde connecté, à tel point qu’ils écartent tout signe du contraire comme bêtise d’antan.

Et ils ne demandent certainement pas de redevance sur les réfrigérateurs.

Rick Falkvinge est un chroniqueur régulier de TorrentFreak, et partage ses réflexions de temps à autre. Il est le fondateur du Parti Pirate Suédois, aficionado de whisky, et pilote de moto au ras des pâquerettes. Son blog http://falkvinge.net est spécialisé en politique des médias.

Notes

[1] Crédit photo : Zimontkowski (Creative Commons By-Sa)




Librologies : une nouvelle chronique hebdomadaire sur le Framablog

Valentin VillenaveBonjour à tous, amis lecteurs du Framablog !

À l’invitation d’aKa (qu’il en soit remercié jusqu’à la septième génération — je vous rappelle que Framasoft accepte aussi les dons), je me permets de vous proposer aujourd’hui, et pour les semaines à venir, une chronique hautement bavarde et intellectuelle (voire #lmi), en forme d’auto-critique du mouvement Libre et de ses alentours. C’est une démarche nécessairement subjective, mais j’espère pouvoir aller au-delà de mon point de vue personnel pour pouvoir isoler, analyser et conceptualiser nos petites manies d’internautes et de Libristes.

Ces chroniques se réfèrent abondamment aux Mythologies[1] que publiait Roland Barthes voilà presque 60 ans, à la frontière entre sémiologie, idéologie et politique : bref, c’est ici qu’on déballe les grands mots ! Je ne parle ici qu’en mon seul nom de Libriste de base, musicien, contributeur GNU, sympathisant de plusieurs associations et chercheur-de-petite-bête spécialisé ; cependant je suis extrêmement flatté que cette idée ait pu intéresser le Framablog, dont j’admire depuis longtemps la qualité et la sincérité. Framasoft m’a permis de découvrir le logiciel Libre et sa philosophie depuis près de 10 ans, autant dire que c’est pour moi tout un symbole — ou peut-être un mythe ? À suivre…

Une dernière chose : les commentaires sont là pour troller engager des débats intéressants et rigoureux ; je serai ravi d’y prolonger ces chroniques si nous veillons, par exemple, à choisir et définir soigneusement les termes que nous employons. N’hésitez pas, par ailleurs, à signaler des sèmes ou des motifs qui vous paraitraient dignes d’intérêt ; enfin (je dis ça je dis rien) un formulaire de contact plus confidentiel est disponible sur mon site personnel. Ensemble, traquons le détail qui tue !

Valentin Villenave

Librologie 0 : mythologie des Mythologies

Certains collectionnent les timbres, d’autres codent en Python ; pour ma part, mon loisir préféré se nomme sémiologie. Souvenir de mes études littéraires, signe de mon goût pour le découpage-de-cheveux en quatre, ou simple jeu d’esprit ; ou encore, plus probablement, l’espoir d’apprendre à enfin raisonner correctement.

Nous vivons, de fait, dans un monde où le pouvoir s’exerce principalement par la communication ; l’information n’est pas inaccessible, mais au contraire, multiple et orientée ; les messages innombrables que nous rencontrons chaque jour peuvent s’articuler ensemble pour fabriquer notre consentement.

Au cœur de ce processus, dont il est à la fois le moteur et l’enjeu, se trouve le langage — qu’il soit verbal, visuel ou autre : des mots sont vidés de leur sens, des images nous convainquent ou nous séduisent, des idées nous sont présentées comme des évidences… Or l’appauvrissement d’un langage ne peut aboutir qu’à un épuisement de la pensée : comment prendre le temps de réfléchir, s’interroger ou critiquer lorsque tout invite à se satisfaire d’une pensée toute-prête ?

Ces remarques n’ont rien de nouveau, je m’empresse de l’admettre. La rhétorique et la sophistique existent depuis des millénaires, l’imprimerie depuis six siècles, les médias de masse depuis deux siècles, et leur étude critique s’est considérablement affinée au XXe siècle avec les travaux d’intellectuels tels que George Orwell, Pierre Bourdieu ou Noam Chomsky ; elle continue aujourd’hui avec des publications comme Acrimed ou le Monde diplomatique, et plus généralement, toute une frange de la gauche occidentale éduquée, et dont l’identité s’est précisément construite par une critique des classes dominantes (ce qui n’empêche pas d’en faire partie, comme en témoigne le phénomène dit bourgeois-bohème).

JohnRobertShepherd - CC byL’un des textes fondateurs de cette étude critique de la culture dite « de masse », est aussi l’un des plus accessibles : il s’agit des Mythologies de Roland Barthes, rédigées au cours des années 1950 sous forme de chronique presque anecdotique. Outre l’avènement de cette analyse critique et raisonnée, on peut y lire l’émergence non seulement de Barthes lui-même, qui restera l’un des linguistes les plus importants du siècle, mais aussi de la sémiologie (discipline alors toute récente), de la pensée structuraliste (terme que Barthes récusera volontiers par la suite), et de la sociologie en tant que « sport de combat », pour reprendre l’expression de Pierre Bourdieu.

L’attrait (et l’immense succès) de Mythologies, je le disais à l’instant, semble anecdotique : à travers une cinquantaine de textes courts, l’auteur examine des objets de la vie courante (la dernière Citroën, le steak-frites, le Tour de France,…) avec un regard analytique nouveau (surtout pour l’époque), inhabituel, en un mot : exotique. On conçoit dès lors, de surcroît à l’aune de la célébrité ultérieure de Roland Barthes, auteur `culte´ du monde intellectuel parisien, combien ses Mythologies sont devenues à leur tour… un objet mythologique. Tentons donc ici de dépasser cet aspect « carte postale sémiotique », si charmant soit-il, pas davantage que nous ne nous arrêterons sur ce qu’il révèle de la société d’avant 1968.

Dès son avant-propos, Barthes présente sa démarche comme « une critique idéologique portant sur le langage de la culture dite de masse, et un démontage sémiologique de ce langage », née d’« un sentiment d’impatience devant le `naturel´ dont la presse, l’art, le sens commun affublent une réalité qui, pour être celle dans laquelle nous vivons, n’en est pas moins parfaitement historique ». La nature contre l’Histoire, tel sera l’un des axes principaux qui se dégageront peu à peu au fil des Mythologies (publiées dans leur ordre d’écriture). Barthes le résumera ainsi quelques années plus tard dans Le Mythe aujourd’hui : « la fin même des mythes, c’est d’immobiliser le monde » sous le poids des évidences « naturelles », des tautologies ou des fausses concessions ; immobiliser le monde et désamorcer toute dissension, comme si les choses avaient toujours été telles qu’elles sont, et ne pourraient être autrement.

Le mythe est donc message de résignation et de dé-responsabilisation. Il se distingue également par sa capacité d’absorption, de récupération et d’identification : « un trait constant de toute mythologie petit-bourgeoise est l’impuissance à imaginer l’Autre. L’altérité est le concept le plus antipathique au `bon sens´ ». Autre point récurrent, la propension à réduire le monde à des données quantifiables (et sur lesquelles on peut donc mettre un prix) : « nous savons maintenant ce qu’est le réel petit-bourgeois : ce n’est même pas ce qui se voit, c’est ce qui se compte ».

Le « mythologue » est notamment amené à considérer la place de la culture dans une telle société : elle y est vivement appréciée… tant qu’elle sait rester à sa place et ne pas s’encombrer d’un discours politique. « La culture est un bien noble, universel, situé hors des partis-pris sociaux : la culture ne pèse pas. Les idéologies, elles sont des inventions partisanes : donc (…) on les renvoie dos-à-dos, sous l’œil sévère de la culture (sans s’imaginer que la culture est tout de même, en fin de compte, une idéologie). »

Pour intellectuelle qu’il soit, l’analyse de Roland Barthes n’est pas purement abstraite, mais pleinement politique : « statistiquement, écrit-il, le mythe est à droite. Là, il est essentiel : bien nourri, luisant, expansif, bavard. » (Le mythe existe également « à gauche » (c’est-à-dire dans la gauche non-révolutionnaire), mais il y est « inessentiel ».) Non point que le mythe soit ouvertement politique, propagandiste ou idéologiquement orienté, bien au contraire : « le mythe est une parole dépolitisée, nous dit Barthes, il abolit la complexité des actes humains, (…) il organise un monde sans contradictions parce que sans profondeur, un monde étalé dans l’évidence, il fonde une clarté heureuse : les choses ont l’air de signifier toutes seules. »

Naturellement, ce terme de « bourgeois » qui apparaît peu à peu dans Mythologies et contamine bientôt son analyse tout entière, doit aujourd’hui être questionné d’un point de vue historique. La pensée de Barthes, comme sa terminologie, suit l’histoire de la gauche française : marquée par le Parti Communiste à la Libération, par les révoltes étudiantes en 1968, et ainsi de suite. Ainsi, les « petit-bourgeois » de Barthes sont les mêmes que ceux de Brecht, à qui l’auteur de Mythologies se réfère d’ailleurs plus d’une fois ; autre exemple, dans l’introduction ajoutée en 1970, nous le voyions plus haut, le lexique se fait guerrier et la Norme bourgeoise devient « ennemi capital ».

Si le mot de « bourgeois » est aujourd’hui passé de mode — dans notre société où la notion même de « classe sociale » semble un concept poussiéreux et folklorique — il est particulièrement intéressant de voir que Roland Barthes lui-même, avait prévu dès les années 1950 sa future disparition « la bourgeoisie, écrit-il dans Le Mythe aujourd’hui, se définit comme la classe sociale qui ne veut pas être nommée » (c’est lui qui souligne).

Et de fait, quel que soit le nom qu’on leur donne, les mécanismes rhétoriques et médiatiques démontés par Roland Barthes semblent toujours d’actualité. La pauvreté intellectuelle et le parti-pris idéologique du discours médiatique dominant n’ont jamais plus été dénoncés qu’aujourd’hui, nous l’évoquions plus haut ; les mots creux, les formules spécieuses et les détournements linguistiques (même officiellement sanctionnés) ne cessent de contaminer le langage et parasiter les raisonnements.

Le procédé rhétorique du « constat », que décrivait Barthes en son temps, ne s’est jamais mieux porté en ces temps de décapillotade du système financier, où, d’austérité « inévitable » en rigueur « nécessaire », la quasi-totalité des gouvernements fait sien le There Is No Alternative du Thatchérisme. En France, dans les grands partis de gauche et (plus encore) de droite, l’on se doit désormais d’être réactionnaire décomplexé — j’entends moins par là les saillies racistes, sexistes ou homophobes quasi-permanentes, que la résurgence ahurissante d’un fonds idéologique qui est celui de la Restauration — tout y est : populisme, sécuritarisme, divisions du corps social, retour du catholicisme d’État, et jusqu’aux mots d’ordre tels que « enrichissez-vous » ou « le travail rend libre » ! Quant à la « privation d’Histoire » que dénonçait Barthes voilà plus de cinquante ans, les gouvernements de la dernière décennie nous en donnent une illustration criante par leurs atteintes répétées portées à l’Histoire et son enseignement, notamment concernant l’époque coloniale et la seconde guerre mondiale.

J’évoquais plus haut l’affaiblissement et la « folklorisation » des Mythologies de Barthes, y compris — et surtout — auprès d’un certain public plus ou moins intellectuel. C’est que les sciences humaines sont elles-même devenues l’enjeu d’un processus de récupération : les sciences humaines un tant soit peu subversives, dans les sphères académiques, se voient peu à peu déshéritées au profit de l’enseignement de l’économie, exclusivement sous sa forme la plus orthodoxe ; la sociologie elle-même, sous une forme travestie et dégradée, est devenue marketing ; signe s’il en est, le terme même de « concept » se confond aujourd’hui peu ou prou avec un gizmo publicitaire.

Dans un tel contexte, la situation actuelle des citoyens les plus actifs sur Internet (milieux communautaires, activistes, artistiques, coopératifs, illégitimes,…) pose plus d’un problème épistémologique. À commencer par leur volonté d’échapper à la confidentialité de leur audience, à l’effet d’entonnoir produit par tout message un tant soit peu idéologique : comment, par exemple, s’adresser à des non-initiés lorsque l’on est soi-même geek ? De telles questions sont particulièrement récurrentes dans le mouvement Libre, dont une finalité fondamentale est justement d’atteindre à un degré d’intelligibilité, d’accessibilité et de lien social universel. Et là encore, le langage est à la fois un enjeu et un outil primordial : accéder à une discussion et une réflexion de qualité, encore aujourd’hui, requiert au préalable d’en maîtriser les outils (techniques), les modalités (conceptuelles),… voire de posséder un capital social ou symbolique suffisant pour avoir voix au chapitre.

Autre point qui mérite d’être mis en question, l’attitude volontiers critique des citoyens-internautes, Libristes ou non, vis-à-vis du mainstream — ou du moins de ce qu’ils considèrent comme tel, et qui se résume en général aux médias « traditionnels » et à la classe politique. Cette posture se nourrit, sous une forme plus ou moins dégradée, de la critique des médias de ces soixante dernières années, que nous évoquions plus haut — éventuellement sous-tendue, soit d’une culture politique qui peut aller de la gauche radicale à l’anarchisme ou au libertarianisme, soit d’un esprit « potache » (memes, lulz) issu d’un sentiment d’illégitimité.

Quels que soient ses présupposés, cette forme de critique (qui peut aller du simple mouvement d’humeur à une analyse fine et remarquablement étayée) comporte parfois des « taches aveugles » pas toujours assumées ni cohérentes : telle grande entreprise, tel gouvernant, bénéficiera de l’ignorance, l’indulgence ou même la sympathie d’un public pourtant exigeant — particulièrement dans le milieu lié aux licences Libres. Retournement plus intéressant : à partir d’un certain stade, cette attitude originellement critique donne à son tour naissance à une nouvelle culture, de nouvelles chapelles, une nouvelle doxa et les mêmes risques qui l’accompagnent. Dépolitisation du discours, appauvrissement de la réfléxion, recherche du consensus : en fin de compte, le geek n’est que le mainstream de demain.

Signe (et acteur) de ce glissement, l’avénement d’une génération de commerciaux qui investit les lieux de débat public et de coopération communautaire. Marketing dit « viral », chasse au « buzz », data-harvesting, profiling, j’en passe : les échanges sociaux sont contaminés par une démarche de séduction et de vente — d’autant que, nous l’avons vu, les sciences humaines sont passées par là et le publicitaire moderne se doit de faire appel à la connivence du chaland. Il faut être « open », être « in », être « cool », être « pro », être « fun » : les échanges humains semblent tendre vers une moyenne de trois lettres. Dans un mouvement qui n’est pas sans rappeler la conquête des radios commerciales sur la bande FM dans les années 1980 (laquelle s’auto-célébrait alors, non moins que le Web d’aujourd’hui, comme royaume de la diversité et du choix), l’attention des geeks est polarisée autour de quelques sites à la mode et d’une poignée d’« entreprenautes pognophiles » dont il conviendrait d’examiner attentivement les idéologèmes — ne serait-ce que pour s’assurer qu’ils ne sont pas simplement les faux-nez branchés d’une industrie médiatique toute traditionnelle.

De tout cela, je retire à mon tour un « sentiment d’impatience » et l’envie de prendre le temps d’examiner ce monde dont je fais moi-même partie, ce langage dans lequel je baigne, et mes propres manies d’internaute Libriste. Une lecture de Barthes aujourd’hui, n’invite pas à autre chose : questionner nos propres certitudes, notre propre langage, nos propres préconceptions — ou pour paraphraser Descartes, notre propre « bon sens ». Et c’est ce que je voudrais dresser ici : l’ébauche d’une critique idéologique des avant-gardes de la citoyenneté sur Internet, et notamment du milieu des logiciels et pratiques culturelles Libres dont je suis proche. Mes prétentions ne sont pas scientifiques (d’autres l’ont déjà tenté avec perspicacité), mais reposent sur le rapprochement empirique de quelques images, figures, réseaux de signes qui façonnent ce milieu, en dessinent les tensions et les lignes de force, les fragilités et les incohérences, les motivations et les grandeurs.

En d’autres termes plus geek : time to go meta!

Notes

[1] Crédit photo : JohnRobertShepherd (Creative Commons By)




Pseudo ou vrai nom ? De l’impact des normes sociales sur les réseaux sociaux

Jack Newton - CC by-saÀ l’occasion de la sortie de Google Plus, on a beaucoup évoqué la question de l’identité numérique via le choix, imposé ou non, du pseudo ou du vrai nom (lire par exemple l’article d’Owni Google Plus, la dictature des vrais noms).

Dans l’article ci-dessous, traduit par Clochix[1], l’influente Danah Boyd nous rappelle l’impact, souvent non prévisibles, des normes sociales dans la direction et les usages d’une plateforme Web communautaire telle qu’un réseau social[2].

Elle affirme ainsi : « Les normes sociales ne font pas partie du logiciel. Elles n’apparaissent pas en expliquant aux gens comment ils doivent se comporter. Les normes sociales apparaissent lorsque les utilisateurs comprennent comment une technologie a du sens et s’intègre dans leur vie. Les normes sociales se renforcent à mesure que les gens intègrent leur propres valeurs et croyances dans le système. »

Certes oui, sauf peut-être lorsque le logiciel est un logiciel libre car alors on peut émettre l’hypothèse qu’un certain nombre de normes sociales, positives et directement induites par la licence libre, feront d’emblée leur apparition. Ce qui pourrait faire l’objet d’un débat dans les commentaires et justifier la présence de cet article sur le Framablog 🙂

Concevoir en respectant les normes sociales, ou comment ne pas créer de foules en colère

Designing for Social Norms (or How Not to Create Angry Mobs)

Danah Boyd – 5 aout 2011 – Apophenia
(Traduction Framalang : Clochix)

Dans son livre de référence « Code », Larry Lessig soutient que les systèmes sociaux sont régis par quatre forces : le marché, la loi, les normes sociales et l’architecture ou le code. En réfléchissant aux médias sociaux, beaucoup de gens ne pensent qu’en terme de monétisation. De même, lorsqu’apparaissent des problématiques comme la vie privée, on voit régulièrement entrer en scène une régulation légale. Et naturellement, les gens pensent toujours à ce que le code permet ou non de faire. Mais je trouve déprimant que si peu de gens pensent au pouvoir des normes sociales. En fait, on ne pense souvent au pouvoir régulateur des normes sociales que lorsque les choses tournent vraiment mal. Et à ce moment, elles sont souvent hors de contrôle, réactionnaires et confuses pour tout le monde. On a vu cela avec les problèmes de vie privée et on le voit encore avec les débats sur les politiques en matière d’utilisation de son « vrai nom ». Au fur et à mesure que je lis la discussion que j’ai provoquée sur ce sujet, je ne peux m’empêcher de penser que nous avons besoin d’un échange plus critique sur l’importance de concevoir en ayant en tête les normes sociales.

Les bons concepteurs d’interface utilisateur savent qu’ils ont le pouvoir d’influencer certaines pratiques sociales par la façon dont ils conçoivent les systèmes. Et les ingénieurs oublient souvent de créditer les gens qui font l’interface pour leur important travail. Mais concevoir le logiciel lui-même n’est qu’une fraction du défi en matière de conception lorsque l’on pense à toutes les implications. Les normes sociales ne font pas partie du logiciel. Elles n’apparaissent pas en expliquant aux gens comment ils doivent se comporter. Et elles ne suivent pas forcément les logiques du marché. Les normes sociales apparaissent lorsque les gens — devrait-on dire les utilisateurs — comprennent comment une technologie a du sens et s’intègre dans leur vie. Les normes sociales se renforcent à mesure que les gens intègrent leur propres valeurs et croyances dans le système et aident à structurer comment les utilisateurs suivant le comprendront. Et de même qu’en matière d’interactions sociales, « la première impression compte », je ne peux pas sous-estimer l’importance des utilisateurs précoces. Ils façonnent la technologie sur des points critiques et jouent un rôle central dans l’édification des normes qui régissent un système.

La façon dont est lancé un nouveau média social a une importance critique. Votre compréhension d’un système en réseau sera largement influencée par les gens qui vous y ont introduit. Lorsqu’un logiciel se répand lentement, les normes ont le temps de bien cuire, les gens peuvent travailler à ce qu’elles devraient être. Mais lorsqu’il se développe rapidement, il y a beaucoup plus de chaos en matière de normes sociales. À chaque fois qu’un nouveau système apparaît, il y a inévitablement plusieurs normes en compétition, promues par des gens déconnectés les uns des autres. (Je ne peux vous dire combien j’aimais regarder Friendster lorsque les gays, les participants au festival Burning man et les blogueurs n’étaient pas conscients de l’existence des autres). Plus les choses vont vite, plus rapidement ces collisions arrivent et plus il y a de confusion sur les normes à adopter.

La culture de l’utilisation de son « vrai nom » sur Facebook ne s’est pas répandue à cause des conditions d’utilisation. Elle s’est développée parce que les normes ont été fixées par les premiers utilisateurs du service, que les gens l’ont vu et s’y sont adaptés. De même, la culture des pseudonymes s’est développée parce que les gens ont vu que c’est ce que faisaient les autres et ont reproduit cette norme. Lorsque les dynamiques sociales sont autorisées à se développer de façon organique, les normes sociales ont un pouvoir de régulation plus puissant que n’importe quelles règles d’utilisation formalisées. À ce moment, vous pouvez souvent formaliser la norme dominante sans rencontrer trop de résistance, surtout si vous laissez une marge de manœuvre. Mais lorsque vous commencez avec une politique de régulation sévère qui ne s’inspire pas de normes sociales — comme l’a fait Google Plus — la résistance sera forte.

Pensons à nouveau un instant à Friendster… Vous vous souvenez de Fakester ? J’ai écrit à leur sujet ici (NdT: les faux profils, notamment de célébrités). Friendster a perdu un temps fou à jouer au jeu de la taupe avec eux, supprimant les « faux » comptes et en s’en prenant à quelques-uns des plus influents de ses utilisateurs. Le « génocide de Fakester » a amené un nombre impressionnant de gens à quitter Friendster pour rejoindre MySpace, notamment des groupes de musique, parce qu’ils ne voulaient pas être façonnés par Friendster. Le concept de Fakester est mort sur MySpace, mais sa pratique principale — la possibilité pour des groupes d’avoir des représentations reconnaissables — a fini par devenir la principale fonctionnalité de MySpace.

Les gens n’aiment pas être façonnés. Ils n’aiment pas qu’on leur impose la façon d’utiliser un service. Ils ne veulent pas qu’on leur dise de se comporter comme ses concepteurs attendent qu’ils le fassent. Les conditions d’utilisation strictes ne créent pas de bon comportements, elles génèrent des utilisateurs énervés.

Ça ne signifie pas que vous ne pouvez pas ou ne devriez pas concevoir votre produit pour encourager certains comportements. Naturellement vous devriez. Tous l’art de la conception est de créer un environnement où les gens s’investissent de la manière la plus fructueuse et la plus saine possible. Mais concevoir un système pour encourager le développement de normes sociales saines et fondamentalement différent d’arriver et de dire brutalement aux gens comment ils devraient se comporter. Personne n’aime recevoir de fessée, et surtout pas une foule d’adultes obstinés.

De manière ironique, la plupart des gens qui ont adopté Google Plus parmi les premiers utilisaient leur vrai nom, par habitude, ou parce qu’ils pensaient que c’est ainsi que le système devrait fonctionner. Quelques uns ne le faisaient pas. La plupart de ceux-ci utilisaient un pseudonyme reconnaissable, ils n’essayaient même pas de duper quiconque. Leur faire la chasse était juste complètement stupide. C’était faire étalage de sa force, et les gens se sont sentis désemparés. Ils sont devenus furieux. Et à ce moment là, il ne s’agit même plus de savoir si la politique du « vrai nom » était initialement une bonne idée; à présent, c’est un acte d’oppression. Google Plus aurait été dix bazillions de fois meilleur s’ils avaient encouragé discrètement cette politique sans en faire un plat, s’ils avaient choisi de ne la suivre strictement que dans les cas les plus flagrants. Mais à présent ils sont coincés entre le marteau et l’enclume. Ils doivent soit continuer dans cette voie et gérer les foules en colère, ou laisser tomber en signe d’apaisement dans l’espoir que la colère se calme. Il n’aurait pas dû en être ainsi, et ça ne l’aurait pas été s’ils avaient pensé à encourager les pratiques qu’ils voulaient davantage par la conception que par la force.

Il y a bien sûr des raisons légitimes de vouloir encourager les comportements civiques en ligne. Et naturellement les trolls font de sérieux dommages sur un média social. Mais une politique d’usage du « vrai nom » n’arrête pas un troll non repenti ; ce n’est qu’une haie de plus qu’il s’amusera à franchir. Dans mes travaux avec des adolescents, je rencontre tous les jours des cas de harcèlement écrit entre des gens qui savent exactement qui est qui sur Facebook. L’identité de nombreux trolls est connue. Mais ça ne résout pas le problème. Ce qui compte c’est comment la situation sociale est façonnée, les normes sur ce qui est approprié et ne l’est pas, et les mécanisme de régulation à la disposition de chacun (en faisant honte publiquement ou via une intervention technique). Une culture où les gens peuvent bâtir leur réputation sur leur présence en ligne (que ce soit avec leur « vrai » nom ou avec leur pseudonyme) a un long combat à mener contre les trolls (bien que ça ne soit en aucun cas une solution infaillible). Mais cette culture ne s’obtient pas par la force; vous y arrivez en encourageant l’apparition de normes sociales saines.

Les entreprises qui créent des logiciels que les gens utilisent ont du pouvoir. Mais elles doivent être très très prudentes dans la façon dont elles affirment cette autorité. C’est très simple d’arriver et d’essayer de façonner l’utilisateur de force. C’est beaucoup plus dur de travailler assidûment à concevoir et créer l’écosystème dans lequel des normes saine émergeront. Pourtant, ce dernier point est d’une importance capitale pour la constitution de communautés en bonne santé. Parce que vous ne pouvez pas obtenir une communauté vivace par la force.

Notes

[1] De Clochix, on pourra lire l’intéressant (et déprimant) billet sur les problèmes actuels de Mozilla en particulier vis-à-vis de sa communauté : Quel gâchis…

[2] Crédit photo : Jack Newton (Creative Commons By-Sa)




20 recommandations pour accompagner la révolution de la fabrication personnelle

Fluid Forms - CC by« Un certain nombre de forces convergentes vont faire passer la fabrication personnelle, ou autofabrication, du statut de technologie marginale utilisée par les seuls pionniers et passionnés à un outil quotidien pour le consommateur et l’entreprise lambda.

Dans quelques années, on trouvera des technologies de fabrication dans les petites entreprises et établissements scolaires.

Dans dix ou vingt ans, tous les foyers et bureaux posséderont leur machine d’autofabrication.

Dans une génération, on sera bien en peine d’expliquer à ses petits-enfants comment on a pu vivre sans son autofabricateur, et qu’on devait commander des biens préfabriqués en ligne et attendre qu’ils nous arrivent dans notre boîte au lettre livrés par la Poste. »

Cette citation qui claque est extraite d’un passionnant rapport américain d’une centaine de pages sur l’émergence de la fabrication personnelle.

Commandé par l’Office of Science and Technology Policy américain, on y expose clairement de quoi il s’agit tout en proposant d’importantes recommandations pour encourager et accompagner le mouvement.

Vous en trouverez le résumé et les principales recommandations traduits ci-dessous[1].

On ne s’étonnera pas de constater que l’accent est avant tout mis sur l’éducation, en relation avec les futurs petite entreprises qui immanquablement sortiront des garages des fab labs pour proposer localement leurs services et redessiner une économie plus humaine[2].

Certains nous reprochent notre idéalisme ou notre irréalisme, mais, telle l’impression 3D qui n’est qu’un élément du mouvement, comment ne pas voir ici l’un des plus grands espoirs d’un avenir incertain ?

Et pendant ce temps-là en France me direz-vous ? Vu comment l’Éducation nationale méprise superbement le logiciel libre et sa culture depuis plus d’une décennie, ce n’est pas demain la veille qu’on rédigera une telle étude et qu’on verra arriver des laboratoires de fabrication personnelle dans nos établissements scolaires. Quitte à prendre encore plus de retard sur le véritable train du futur et du progrès.

Pour en savoir plus sur le sujet, InternetActu est un excellent point de départ : Les enjeux de la fabrication personnelle, La prochaine révolution ? Faites-là vous-mêmes !, FabLabs : refabriquer le monde, Makers (1/2) : Faire société, Makers (2/2) : Refabriquer la société.

L’usine @ la maison : l’économie émergente de la fabrication personnelle (résumé)

Factory@Home : The Emerging Economy of Personnal Manufacturing

Hod Lipson & Melba Kurman – décembre 2010 – OSTP
(Traduction Framalang : Lolo le 13 et Yonnel)

Ce rapport souligne l’émergence des technologies de fabrication personnelle, décrit leur potentiel économique, leurs bénéfices sociaux et recommande des mesures que le gouvernement devrait prendre en considération pour développer leur potentiel.

Les machines de fabrication personnelle, parfois appelées « fabber », sont les descendantes des grandes machines de production de masse des usines, mais de taille minuscule et à faible coût. Ces machines à fabriquer à l’échelle individuelle utilisent les mêmes méthodes de fabrication que leurs ancêtres industrielles mais sont plus petites, meilleur marché et plus faciles à utiliser.

Les machines à la taille du foyer telles que les imprimantes 3D, les découpeuses laser et les machines à coudre programmables, combinées avec plan conçu sur ordinateur (en CAO), permettraient aux gens de produire des produits fonctionnels à la maison, sur demande, en appuyant simplement sur un bouton. En quelques heures, ces mini-usines pourront fabriquer un objet simple comme une brosse à dents, reproduire des pièces d’une machine complexe, créer des bijoux comme un artisan ou réaliser des ustensiles ménagers. En quelques années, les machines de fabrication personnelle pourraient être suffisamment sophistiquées pour permettre à n’importe qui de fabriquer des objets complexes tels que des appareils avec de l’électronique intégrée.

Un certain nombre de forces convergentes sont en train d’amener la conception et la production industrielles à un point critique où elles deviendront peu chères, fiables, faciles et suffisamment versatiles pour une utilisation personnelle.

L’adoption des technologies de fabrication personnelle est accelérée par les machines à bas coût, les communautés d’utilisateurs sur Internet, des logiciels de Conception Assistée par Ordinateur (CAO) d’usage plus aisé, un nombre grandissant de plans de CAO disponibles en ligne et des matières premières de plus en plus accessibles.

Les technologies de fabrication individuelle auront un impact profond sur notre façon de concevoir, fabriquer, transporter et consommer les produits physiques. En suivant le même chemin que l’ordinateur devenu personnel, les technologies de fabrication passeront de l’usine à la maison. Ces outils de production personnalisés permettront aux consommateurs, aux écoles et aux entreprises de travailler et de jouer différemment.

Ces technologies de fabrication naissantes introduiront une évolution industrielle qui réunira le meilleur de la production de masse et de la production artisanale, avec le potentiel d’inverser en partie le mouvement de délocalisation.

Les technologies de fabrication personnelle feront émerger des marchés mondiaux pour des produits personnalisés (sur le modèle de la longue traîne), dont les volumes de vente seront assez rentables pour faire vivre des entreprises spécialisées (fabrication de niche,design…). Les communautés mal desservies ou isolées géographiquement auront la possibilité de concevoir et fabriquer localement leurs propres matériel médical, jouets, pièces mécaniques et autres outils, en utilisant les matériaux présents sur place.

À l’école, les outils de fabrication à petite échelle encourageront une nouvelle génération d’innovateurs et cultiveront l’intéret des élèves pour les cours de sciences, de technologie, d’ingéniérie et de mathématiques.

Les obstacles et les défis

Nombre d’obstacles qui découragent leur généralisation à la maison, à l’école et dans les entreprises se trouvent sur le chemin de l’adoption par le grand nombre des technologies de fabrication personnelle.

Un obstacle majeur est le classique paradoxe de l’œuf et de la poule : les marchés actuels pour les technologies de fabrication personnelles à destination des consommateurs et de l’enseignement sont trop petits pour attirer l’attention d’entreprises, ce qui décourage les investissements dans la création de produits et de services qui donc ne parviennent pas à attirer plus de consommateurs.

Les autres barrières sont les questions de sécurité, les défis de la standardisation des pièces et des contrôles de versions, les problèmes de propriété intellectuelle et un manque de contrôles adaptés sur la sécurité et la réglementation.

Recommandations

Il y a plus de trente ans, notre nation a conduit le mouvement de la révolution de l’informatique personnelle. Aujourd’hui, nous devons nous assurer que nous conduirons le mouvement de la révolution de la fabrication personnelle. Des investissements gouvernementaux réfléchis et visionnaires sont nécessaires pour garantir que les États-Unis resteront compétitifs dans l’ère de la fabrication personnelle et tireront les bénéfices potentiels des technologies de la fabrication personnelle.

Ce rapport recommande les actions suivantes :

1. Créer un laboratoire de fabrication personnelle dans chaque école.

2. Former les enseignants aux technologies de conception et de fabrication en relation avec les matières scientifiques et technologiques.

3. Créer des cursus scolaires de grande qualité avec des modules optionnels de fabrication.

4. Inclure la conception et la fabrication dans les cours de soutien après l’école.

5. Allouer des ressources publiques afin d’initier les entreprises locales à la production numérique en partenariat avec les établissements scolaires locaux.

6. Encourager la publication des spécifications matérielles.

7. Développer les formats de fichiers ouverts pour les plans de CAO.

8. Créer une base de données de fichiers CAO utilisés par les pouvoirs publics.

9. Imposer la publication des sources/de la géométrie pour les ressources gouvernementales publiques.

10. Mettre en place un « Programme de Recherche et d’Innovation Individuelle » pour les entrepreneurs du DIY (Do It Yourself).

11. Donner la priorité lors d’appels d’offres aux entreprises qui utilisent la fabrication personnelle.

12. Établir un « bouclier anti-propriété intellectuelle » pour les agrégateurs et les producteurs ponctuels.

13. Explorer les microbrevets comme une unité de propriété intellectuelle plus petite, plus simple et plus agile.

14. Revisiter les réglementations sur la sécurité pour les produits fabriqués individuellement.

15. Introduire une définition plus granulaire d’une « petite » entreprise industrielle.

16. Encourager la création de Fab Labs.

17. Les avantages fiscaux accordés aux « entreprises propres » devraient également concerner les entreprises de fabrication personnelle.

18. Accorder des réductions d’impôts sur les matières premières aux entreprises de fabrication personnelle.

19. Financer une étude du Département d’éducation sur la fabrication personnelle dans les matières scientifiques et technologiques.

20. Renforcer la connaissance et l’apprentissage sur la conception de produit.

Notes

[1] Dans l’idéal nous souhaiterions traduire l’intégralité du rapport, s’il y a des volontaires qu’ils n’hésitent pas à se manifester via le formulaire de contact.

[2] Crédit photo : Fluid Forms (Creative Commons By)




#SpanishRevolution ? Traduction 1.1 du Manifeste « Democracia Real Ya »

Fito Senabre - CC by-sa« Nous ne sommes pas contre le système, c’est le système qui est contre nous ! »

« Si vous nous empêchez de rêver, nous vous empêcherons de dormir ! »

C’est avec de tels slogans que de nombreux espagnols contestent et occupent l’espace public depuis près d’une semaine, en utilisant massivement le réseau pour se coordonner.

Pas de mots d’ordre, pas de revendications précises, pas de leaders, pas d’idéologie (sauf à considérer que le petit livre de Stéphane Hessel Indignez-vous ! puisse servir de référence commune), c’est un mouvement qui déconcerte et qui n’a pas eu encore beaucoup d’écho chez nous, affaire DSK oblige.

Mais qui sait si il ne fera pas tâche d’huile en France et en Europe car, pour le coup, vérité (notamment économique) en deçà des Pyrénées est la même au delà, modulo le fait que tous les pays n’ont pas encore un taux de chômage de sa jeunesse à… 40% !

Pour en savoir plus il y a l’article Wikipédia à suivre au jour le jour (si possible en langue originale). Il y a aussi cette excellente traduction d’Owni : Comprendre le révolution espagnole[1].

« Quelque chose de grand est en train de se passer ici », nous dit-on dans ce billet. On y apprend également que l’un des éléments déclencheurs du mouvement fut le passage d’une loi présentant de forte similitudes avec notre Hadopi et notre Loppsi (la Ley Sinde). Une loi qui fit l’objet d’un pacte entre les trois grands partis coalisés (PSOE, PP et CiU) et qui, no comment, donna l’impression à une majorité d’internautes qu’elle était un cadeau fait aux groupes de pression au détriment des citoyens.

Certains n’y verront peut-être qu’un apéro Facebook amélioré, d’autres au contraire évoquent déjà la contagion du printemps arabe au sein même de nos démocraties (ou de ce qu’il en reste).

Nous verrons bien… Mais en attendant nous vous proposons ci-dessous la traduction française du manifeste de l’un des fers de lance du mouvement, le collectif « Democracia Real Ya ! », « une vraie démocratie, maintenant ! ».

Remarque : On peut considérer cette traduction comme la version 1.1 de celle que l’on peut trouver actuellement sur Internet et qui était, à nos yeux, nettement perfectible, étant entendu que vous pouvez continuer à proposer des améliorations en vue d’une version 1.2 🙂

Manifeste de « Democracia Real Ya ! »

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Nous sommes des personnes simples et ordinaires. Nous sommes comme toi. Des gens qui se lèvent chaque matin pour étudier, pour travailler ou pour chercher du boulot ; des gens qui ont une famille et des amis. Des gens qui travaillent dur tous les jours pour vivre et offrir un meilleur futur à ceux qui les entourent.

Parmi nous, cer­tains se consi­dè­rent pro­gres­sis­tes, d’autres plutôt conser­va­teurs. Certains sont croyants, d’autres pas. Certains ont des idéo­lo­gies affirmées, d’autres sont apo­li­ti­ques. Mais nous sommes tous préoc­cupés et indi­gnés par la situa­tion poli­ti­que, économique et sociale actuelle. Par la cor­rup­tion des poli­ti­ciens, des patrons, des ban­quiers… qui nous laissent impuissants et sans voix.

Cette situa­tion nous fait souffrir au quotidien ; mais si nous nous unissons nous pouvons la modifier. C’est le moment de nous mettre en marche pour bâtir ensemble une société meilleure. Pour ce faire, nous sou­te­nons fermement que :

  • Les priorités de toute société développée doivent être l’égalité, le progrès, la solidarité, le libre accès à la culture, le développement durable et le bien-être des personnes.
  • Il existe des droits fondamentaux que la société a le devoir de garantir : le droit au logement, au travail, à la culture, à la santé, à l’éducation, à l’engagement politique, à l’épanouissement personnel et le droit à l’accès aux biens nécessaires à une vie saine et heureuse.
  • Le fonctionnement actuel de notre système politique et gouvernemental ne répond pas à ces priorités et il devient un obstacle pour le progrès de l’humanité.
  • La démocratie, par essence, émane et appartient au peuple, mais, dans ce pays, la majorité de la classe politique ne lui prête pas attention. Le rôle des politiciens devrait être de faire entendre nos voix aux institutions, en facilitant la participation politique des citoyens grâce à des voies de démocratie directe pour le bénéfice de l’ensemble de la société. Et non celle de s’enrichir et prospérer à nos dépens, en se pliant aux exigences des pouvoirs économiques et s’accrochant au pouvoir par la dictature partitocratique du PPSOE[2].
  • La soif de pouvoir et son accumulation entre les mains de quelques-uns créent inégalités, tensions et injustices, ce qui mène à la violence et que nous refusons. Le modèle économique en vigueur, obsolète et antinaturel, coince le système social dans une spirale qui se consomme par elle-même en enrichissant une minorité et en plongeant les autres dans la pauvreté. Jusqu’à l’effondrement.
  • L’accumulation d’argent est la finalité du système, sans prendre en considération le bien-être de la société et de ceux qui la composent ; gaspillant nos ressources, détruisant la planète, générant du chômage et des consommateurs frustrés.
  • Nous sommes les rouages d’une machine destinée à enrichir une minorité qui ne sait plus reconnaître nos besoins. Nous sommes des citoyens anonymes, mais sans nous rien ne serait possible car nous faisons tourner le monde.
  • Nous ne devons plus placer notre confiance en une économie qui ne tourne jamais à notre avantage. Il nous faut éliminer les abus et les carences que nous endurons tous.
  • Nous avons besoin d’une révolution éthique. L’argent ne doit plus être au dessus tout, mais simplement à notre service. Nous sommes des êtres humains, pas des marchandises. Je ne suis pas le produit de ce que j’achète, pourquoi je l’achète et à qui je l’achète.

Pour toutes ces raisons, je suis indigné(e).
Je crois que je peux changer les choses.
Je crois que je peux aider.
Je sais que tous ensemble nous le pouvons.
Il ne tient qu’à toi de nous rejoindre.

Notes

[1] Crédit photo : Fito Senabre (Creative Commons By-Sa)

[2] Contraction des deux partis PP et PSOE, un peu comme si on disait UMPS chez nous.




Ubuntu 11.04 et son interface Unity : l’ordinateur idéal pour l’éducation ?

Okubax - CC-bySortie tout récemment, la dernière version 11.04 de la distribution GNU/Linux Ubuntu offre une spectaculaire nouvelle interface graphique baptisée Unity (cf cette vidéo) que Mark Shuttleworth lui-même n’hésite pas à qualifier de « changement le plus important jamais réalisé sur Ubuntu ».

Et si cette interface[1] se révélait être idéale pour le monde de l’éducation ?

C’est l’hypothèse avancée ci-dessous par Christopher Dawson (ZDNet) en appuyant ses dires par la similarité d’usage avec les smartphones dont nos étudiants sont friands et familiers.

Mais vous ne serez peut-être pas d’accord, d’autant que le chroniqueur s’aventure également à affirmer (ce qui ressemble un peu à un argument pro Mac) que les étudiants sont « des consommateurs peu intéressés à comprendre ce qu’il y a sous le capot » et que « moins ils en voient et mieux ça vaut ».

PS : Pour info, Framasoft sera présent « en force » à la prochaine Ubuntu Party de Paris du 27 au 29 mai prochain.

Ubuntu 11.04 : l’ordinateur idéal pour l’éducation ?

Ubuntu 11.04: The ultimate educational desktop?

Christopher Dawson – 5 mai 2011 – ZDNet Education
(Traduction Framalang : Don Rico et Goofy)

J’utilise Ubuntu 11.04 depuis la version alpha, et c’est mon système d’exploitation principal sur les divers netbooks qui vadrouillent chez moi. Mes lecteurs réguliers savent que j’utilise Ubuntu depuis un bout de temps, que ce soit comme serveur ou comme système d’exploitation pour mon ordinateur. Ces temps-ci, je passe beaucoup de temps sur mon Mac, qui est génial, mais c’est plus fort que moi : je me dis que la dernière version d’Ubuntu pourrait bien être l’ordinateur idéal dans le domaine de l’éducation, pour un tas de raisons.

D’ailleurs, il pourrait bien damer le pion à OS X et devenir mon système d’exploitation favori, mais pour l’instant la question n’est pas là. Le monde de l’éducation a plus à gagner que moi avec Ubuntu 11.04. Voici pourquoi.

La première fois que j’ai essayé Ubuntu, c’était sur de vieux ordinateurs de mon lycée, il y a quelques années, pour tenter d’économiser de l’argent avec des logiciels gratuits et prolonger un peu la vie de quelques ordinosaures. Ça a fonctionné, mais depuis, Ubuntu a fait bien du chemin. Et nos utilisateurs aussi, qu’ils soient adultes ou étudiants. Nous utilisons tous couramment des téléphones sous Android ou des iPhones et naviguons dans une interface qui assume sans complexe n’être pas du Windows. C’est là qu’intervient la nouvelle interface Unity. Steven J. Vaughan-Nichols a interviewé le fondateur de Canonical, Mark Shuttleworth, qui l’évoque en ces termes :

Shuttleworth a commencé par préciser que selon lui, le point le plus important avec Unity dans Ubuntu 11.04, c’était « d’apporter à un large public de consommateurs ce qui a toujours été au cœur de la plateforme Linux : du plaisir, des libertés, de l’innovation et des performances… »

Dans le domaine éducatif, bien plus que dans la plupart des industries, nos utilisateurs sont très consommateurs (du moins la plupart ont-ils une approche de consommateurs pour les nouvelles technologies). Il existe des exceptions remarquables, bien sûr. Je me garderais bien de ranger Karl Frisch parmi les consommateurs, par exemple, et beaucoup de ceux qui utilisent les technologies de manière vraiment innovante ne le sont certainement pas plus.

Mais nos étudiants, qui sont pourtant connectés en permanence, ignorent en général tout de ce qui se passe sous la coque de leur iPhone ou de leur PC sous Windows 7, et qui plus est, ils s’en fichent. Qu’on l’aime ou le déteste (partisans et détracteurs sont également nombreux), Unity remplit fort bien sa mission en masquant les entrailles de Linux pour attirer les accros de Windows comme des abeilles sur le miel. Avec Unity, la partie visible, c’est tout ce dont vous avez besoin.

Dans les établissements scolaires, cela revient à pouvoir choisir son navigateur Web, des logiciels de bureautique si vous n’avez pas opté pour une application en ligne, et tous les logiciels éducatifs que vous déciderez d’utiliser. Moins les étudiants et les professeurs en voient et mieux ça vaut (en-dehors des cours qui exigent d’en savoir ou d’en faire plus). Après tout, ils devraient surtout concentrer leurs efforts sur l’apprentissage et pas sur les joujoux high-tech, les gadgets ou autres sources de distraction qu’ils auraient sous la main.

En fait, Unity se rapproche d’Android plus que n’importe quel système d’exploitation avant lui. Ubuntu a enfin cessé de vouloir à tout prix imiter Windows ou OS X avec les bureaux Gnome et KDE, et c’est à présent le seul système de bureau à offrir une expérience proche de celle des appareils mobiles, ce qui parle à une vaste catégorie d’utilisateurs. Ces utilisateurs de téléphones Android ou d’iPhones basculent avec facilité entre les espaces de travail et les écrans où sont regroupées les icônes des applications qu’ils utilisent le plus fréquemment. On retrouve ce même fonctionnement avec Unity, qui simplifie l’utilisation d’un système stable et gratuit.

Et voilà qu’on reparle de gratuité. Il y a presque six ans, lorsque j’ai installé Ubuntu pour la première fois dans ce labo de misère, c’était parce qu’il était gratuit et ne craignait pas les programmes malveillants. Aujourd’hui, les programmes malveillants ne présentent dans l’ensemble toujours aucun danger, et le système d’exploitation reste libre et gratuit.

À l’évidence, si votre établissement a besoin d’applications essentielles à son activité qui ne sont pas disponibles sur Ubuntu, il faudra aller voir ailleurs. Sans même se pencher sur Edubuntu et les tonnes de logiciels éducatifs libres disponibles dans les dépôts d’Ubuntu, la grande majorité des établissements trouveront de quoi satisfaire pleinement leurs besoins dans l’interface épurée d’Unity. Pour ne rien gâcher, Ubuntu 11.04 démarre en un clin d’œil, sa prise en mains est facile quel que soit le niveau de l’utilisateur, et il fonctionne à merveille sur tous types de machines, de l’ordinateur de bureau le plus complet au plus petit des netbooks. Finies les versions remixées pour netbooks, juste une interface « unifiée » d’une machine à l’autre.

Shuttleworth sera le premier à reconnaître qu’il reste du chemin à faire, mais c’est un projet qui a franchi un pas décisif pour marquer sa différence. Et cette différence peut profiter directement aux professeurs et aux élèves, s’ils désirent retrouver sur leur ordinateur de bureau et leur laptop l’utilisation intuitive de leur smartphone.

Notes

[1] Crédit photo : Okubax (Creative Commons By)