Pour un monde avec un million de Netflix

À l’occasion du #DayAgainstDRM, attardons-nous sur un des géants du web.

Cette multinationale dont l’initiale n’est pas dans GAFAM a eu un rôle déterminant pour imposer des verrous numériques (les DRM) dans nos appareils, nos logiciels et jusque dans ce qui fait le web.

À noter : cet article bénéficie désormais d’une version audio.
Merci à Sualtam, auteur de lectureaudio.fr pour cette contribution active.

Il est temps qu’on parle de Netflix.

Pour en savoir plus sur le #DayAgainstDRM.

 

Le péché originel : le droit d’auteur

La convention de Berne, initialement signée en 1886 par moins d’une dizaine d’états de la zone européenne, implique aujourd’hui 179 membres. Lire cette convention permet de reprendre la mesure des interdits qu’elle pose. Elle stipule notamment que le droit de communiquer au public la représentation d’une œuvre est soumise à l’autorisation de son auteur. C’est ce que l’on appelle le droit patrimonial : « l’auteur d’une œuvre de l’esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous » (article L111-1 du code de la propriété intellectuelle français).

mimiandeunice.com — ♡ Copying is an act of love. Please copy & share.

En France le droit patrimonial s’installe dans la loi en 1791, juste après la révolution, il est alors octroyé pour une durée couvrant la durée de la vie de l’auteur plus cinq ans. Petit à petit cette durée a été augmentée pour atteindre aujourd’hui 70 ans après la mort de l’auteur. Certaines exceptions font que c’est parfois un peu plus (je vous le mets quand même ?), parfois moins, notamment dans le cas des œuvres collectives (où ce n’est « que » 70 ans après la publication de l’œuvre). Dans d’autres pays c’est également parfois plus, parfois moins (c’est « seulement » 50 ans après la mort de l’auteur au Canada). On peut retenir qu’une œuvre publiée en 2020 ne pourra pas être reproduite sans autorisation de l’auteur au moins jusqu’en 2070, souvent 2090. Au XXIIe siècle quoi. C’est dans longtemps.

Oui, on sait, il faut bien que les industries culturelles vivent, que les auteurs soient rémunérés, etc. On aurait des choses à dire, mais ce n’est pas le sujet… Quand même, il faut garder en tête que ces lois ont été envisagées d’un point de vue industriel, de façon à garantir un retour sur investissement à des sociétés qui mobilisaient des moyens techniques lourds et onéreux. L’habillage sous terme de « droit d’auteur » n’est qu’une apparence sémantique : ce qui importe, c’est de sécuriser la filière de captation industrielle de la valeur.

En résumé, les créations ne sont pas librement exploitables en général et on parle d’ayant-droits pour désigner les personnes qui ont le contrôle d’une œuvre.

Le droit d’auteur, allégorie.

La gestion des droits numériques aka le DRM

La copie étant devenue plus facile — mais pas plus légale — avec les facilités ouvertes par la numérisation des œuvres, puis les facilités de circulation prolongées par Internet puis le Web, les ayants droit ont cherché des moyens de lutter contre ce qui profitait à presque tout le monde. Sauf eux donc. Notons qu’un ayant droit n’est en général pas un auteur. Celui-ci a généralement cédé ses droits patrimoniaux à l’ayant droit qui les exploite et lui reverse une partie des bénéfices. La répartition occasionne d’ailleurs régulièrement des négociations et souvent des conflits, comme lors de la grève des scénaristes américains, fortement syndiqués, qui bloqua une partie de la production audiovisuelle états-unienne en 2007-2008.

Les ayants droits, qui ont donc des droits à faire valoir même quand ils n’ont en rien contribué à l’œuvre — c’est le cas des héritiers des écrivains par exemple — ont déployé de nombreuses stratégies pour défendre leurs droits. Dont les DRM. Un DRM c’est un programme informatique dont l’objectif est de faire dysfonctionner la lecture d’un fichier dans le cas général. C’est un buggeur. Informatiquement c’est assez étonnant comme pratique, ça consiste à faire en sorte que les programmes fonctionnent moins bien. Donc si vous avez un contenu sous DRM, vous devez disposer du moyen technique (un logiciel non libre le plus souvent) fourni par celui qui gère l’accès au contenu pour le lire.

Brendan Mruk and Matt Lee — CC BY-SA

On pourrait aussi parler des nombreuses occasions où les DRM empêchent les programmes de fonctionner même dans le cas où a été légitimement acquis le contenu — parce que quand vous vous amusez à faire exprès de faire dysfonctionner des programmes, eh bien c’est plus facile que de les faire de nouveau fonctionner après — mais ce n’est pas non plus le sujet. On pourrait aussi expliquer que les DRM n’empêchent pas ceux qui veulent vraiment accéder aux contenus de le faire tout de même et donc qu’ils ont surtout comme conséquence de compliquer la vie de tout le monde sans rien résoudre en réalité. Mais ce n’est toujours pas notre sujet. Gardez néanmoins en tête que le vendeur peut ainsi effacer un de vos livres, même d’Orwell, avec toutes vos notes, voire votre bibliothèque complète car il ne trouve pas cette activité assez rentable.

En résumé il est illégal de diffuser le contenu de quelqu’un sans son accord et il existe des techniques pour compliquer la vie de ceux qui voudraient le faire quand même.

Quand les fabricants du Web ont laissé entrer les DRM

Le web n’a pas échappé aux DRM. Cela s’appelle les EME (Encrypted Media Extension). Il y a eu des oppositions, la FSF, l’Electronic Frontier Foundation, les associations militantes du libre. Et il y a eu aussi des acteurs, dont le W3C et Mozilla qui ont cédé devant la puissance des industriels souhaitant exploiter le droit d’auteur et devant les pratiques déjà en place. Ce fut certainement le processus de standardisation du web le plus controversé, et ce sont les promoteurs des DRM qui ont gagné.

https://www.w3.org/TR/encrypted-media

Et aujourd’hui cela verrouille le web.

Le composant de gestion des DRM dans le navigateur n’est pas libre. Mozilla Firefox, ainsi que la majorité des autres navigateurs non libres utilisent Widevine de Google. Il est très difficile techniquement et totalement interdit légalement de chercher à en connaître les codes sources. Il est donc illégal de connaître le fonctionnement de l’un des outils que l’on utilise le plus au quotidien. Oui, même si c’est Firefox.

De plus le mécanisme DRM rend la construction de nouveaux navigateurs plus compliquée, voire même impossible selon Cory Doctorow. En fait il reste possible de fabriquer un nouveau navigateur mais il ne pourra pas lire les contenus sous DRM. Parce qu’un éventuel système DRM alternatif, c’est compliqué à faire, et que ça n’aurait de toutes façons pas la confiance des ayants droit. Et puis parce que Google, l’acteur dominant sur ce terrain (oui, sur ce terrain-là aussi) n’acceptera pas de licencier un lecteur Widevine libre.

Notez bien, même si vous avez bien acquis le droit d’accéder à ces contenus, que vous avez tout bien payé, vous ne pourrez pas les lire. Un tel navigateur libre a donc peu de chance de survivre, en dehors du cercle militant (c’est par exemple le cas du Tor Browser construit sur la base de Mozilla Firefox mais n’intégrant pas le composant propriétaire Widevine).

En résumé, il est aujourd’hui impossible de diffuser de la vidéo, et des médias en général, sous droit d’auteur sur le Web sans un accord avec un géant du numérique.

L’émergence du continent Netflix

Mettre en place un serveur d’accès libre à des fichiers ne coûte pas grand chose. En 2020, c’est vrai même pour des vidéos. Avec une machine solide qui coûtera quelques centaines d’euros par mois à amortir (accès Internet, disques, énergie, etc…), on peut diffuser quelques milliers de films à quelques milliers d’utilisateurs (peut être pas de la 4K en streaming à toute heure, mais ce serait tout de même une offre suffisante pour de nombreux utilisateurs relativement modestes dans leurs usages). Donc en théorie de nombreuses sociétés commerciales devraient être en mesure d’offrir un tel service. On devrait être en situation de concurrence forte.

Mais ce n’est pas ce que l’on observe. On observe une domination oligarchique avec Netflix qui confisque environ la moitié du marché en Europe et une vingtaine d’acteurs au dessus de 5% de parts de marché.

Netflix et les DRM, par la FSF.

Pourquoi est-on dans cette situation ? Parce que la mise en place du service implique surtout d’acheter des droits. Et qu’il faut ensuite une infrastructure technique solide pour gérer les données, les chiffrer, les diffuser à ceux qui ont acquis le privilège d’y accéder et pas aux autres, etc. Sinon on risque d’être poursuivi en justice par les ayants droits.

Donc il faut des moyens. Beaucoup de moyens.

En résumé, c’est à cause de l’état du droit international qu’il est coûteux de diffuser la culture par des voies légales. Et c’est parce que c’est coûteux que l’on assiste à l’émergence de cet acteur proto-monopolistique qu’est Netflix.

Plus, c’est mieux

À noter que le monopole est une stratégie de développement industriel à part entière1, consciemment appliquée. Il signifie donc être et rester seul tout en haut. Cela implique une guerre commerciale permanente avec d’éventuels concurrents (guerre alimentée par la puissance financière des actionnaires).

Or le monopole pose problème. Il permet, une fois établi, des pratiques commerciales inégales, c’est donc un problème pour les consommateurs qui deviennent dépendants d’un système, sans alternative. C’est même pour ça qu’il est combattu depuis très longtemps2, même dans des zones où l’économie de marché n’est pas discutée3.

L’Oncle Sam peint par James Montgomery Flagg pendant la Première Guerre mondiale — Wikipédia, Public Domain

Mais, notamment quand il touche à la culture, le monopole pose d’autres problèmes, que d’aucuns considéreront comme plus importants.

Il engendre la concentration de la distribution. Qu’un diffuseur choisisse ce qu’il veut diffuser est légitime. C’est son business. Son catalogue c’est son business, s’il ne veut pas gérer de vieux films lents en noir et blanc, c’est son droit. S’il ne veut pas de film chinois ou français, il fait bien ce qu’il veut sur ses serveurs. S’il veut entraîner des IA à pousser des utilisateurs à regarder tout le temps les mêmes genres de trucs, c’est son problème (bon, et un peu celui des utilisateurs si c’est fait à leur insu, mais disons qu’ils donnent leur consentement, même moyennement éclairé, à un moteur de recommandation, donc qu’ils ne sont pas totalement innocents).

Mais dès lors qu’il n’y a plus qu’un seul diffuseur, c’est différent, car il décide alors de ce qui est diffusé. Tout court. Il acquiert le pouvoir de faire disparaître des pans entier de la culture. Et de décider de ce que sera celle de demain.

En résumé, la recherche du monopole est une stratégie économique des géants du web ; appliquée aux domaines culturels, elle engendre un contrôle de la culture.

Le pouvoir de fabriquer la culture

Mais ça ne s’arrête pas là. L’acteur monopolistique devient riche, très riche. Si c’est un vendeur de livres, il se met à commercialiser d’autres trucs rentables (comme des médicaments). Si c’est un diffuseur de films et de séries, il se met aussi à produire des films et des séries. C’est lui qui paye les acteurs, les scénaristes et qui choisit ce qu’il va diffuser. Il rachètera ou créera ensuite des écoles du cinéma qui expliqueront comment faire les choses comme il pense qu’il faut les faire. Il conçoit ses propres appareils pour imposer son format exclusif non-standard, en ne permettant pas la lecture d’autres formats, ouverts.

Bref il se déploie. Il acquiert le pouvoir de faire la culture. Il devient la culture. Mais ce n’est pas un être humain, un artiste, un poète, c’est un système industriel qui a pour but de grossir pour générer des profits financiers. Il va donc fourbir ses outils pour servir ces buts. Des recettes de storytelling sont définies, puis usées jusqu’à la trame tant qu’un retour sur investissement suffisant est réalisé. Un marketing de plus en plus précis va tenter de définir des communautés, des profils, à servir selon des algorithmes toujours plus précis, nourris d’informations collectées de façon pantagruélique. L’expérience utilisateur sera étudiée, affinée, optimisée afin de contraindre l’usager par des moyens détournés à demeurer dans l’écosystème contrôlé par l’industrie. Ses concurrents vont s’efforcer de le dépasser en y consacrant plus de moyens techniques et financiers, en appliquant le même genre de recettes, pour servir les mêmes objectifs.

Un démocrate, une pièce de Julie Timmerman et un dossier : Edward Bernays, petit prince de la propagande (C&F Éditions https://cfeditions.com/bernays)

Le but est désormais de s’arroger le plus de temps de cerveau disponible que possible.

C’est là que réside le véritable souci : la place hégémonique de ce modèle économique fait qu’il définit nos horizons d’une façon mondialisée uniforme. En cherchant à capter notre attention, cela définit nos protentions, notre attente de l’avenir d’une façon univoque. Il assèche notre écosystème symbolique des possibles. Il limite nos portes de sortie. Il renforce sa propre vision du monde. Le modèle dominant issu d’une société anglo-saxonne capitaliste, avec ses présupposés et ses valeurs, finit ainsi par être essentialisé.

En résumé, plus petit est le nombre d’acteurs qui font la culture et plus restreinte est cette culture, qui tend à l’uniforme.

Un monde sans Netflix ? Non, un monde avec un million de Netflix !

Est-il possible de faire autrement ? Is there an alternative ? Oui et non. On peut imaginer.

Dimitri Damasceno — CC BY-SA https://www.flickr.com/photos/dimidam/12380371

On peut imaginer le soutien par chaque état de sa propre industrie numérique de façon à disposer de, disons 100 Netflix, deux ou trois par pays qui aurait l’envie et les moyens4.

On pourrait aussi imaginer de réduire les contraintes législatives et techniques liées au droit d’auteur. On arriverait peut-être à 1000 Netflix en réduisant ainsi le coût d’entrée juridique. On garderait des interdits (la reproduction massive), des embargos (6 mois, 1 an, 3 ans, mais pas 70 ans), etc. On resterait globalement dans le cadre actuel, mais selon une équation plus équilibrée entre ayants droits et utilisateurs.

Et puis allons plus loin, imaginons un monde où la culture serait sous licences libres. Chacun pourrait librement créer une activité basée sur l’exploitation des œuvres. On ouvrirait un site de diffusion de musique ou de séries comme on ouvre un commerce de proximité ou un chaton. Ça ferait sûrement un million de Netflix. Un archipel de Netflix où chaque îlot aurait sa vision, avec des archipels qui ne pourraient pas se voir. Mais on s’en foutrait, s’il y avait un million de Netflix, il y en aurait bien un qui nous correspondrait (même si on est d’un naturel exigeant).

On peut donc imaginer. Mais on peut aussi commencer dès aujourd’hui à mettre les voiles.

Les auteurs peuvent déposer leurs œuvres sous licence libre, pour préparer le monde de demain. Ils peuvent le faire quelques mois, voire années, après une exploitation commerciale classique. Ça permettra à d’autres d’en vivre. À la culture de se diffuser. Et même ça les aidera peut-être en tant que créateurs et créatrices, à faire émerger d’autres modèles de financement de la culture, moins mortifères que ceux qui existent actuellement pour les créateurs et créatrices5.

Les utilisateurs de culture peuvent agir via leurs usages, c’est à dire avec leurs porte-monnaie comme le propose la FSF :

 

Cancel your subscription to Netflix, and tell them why. https://defectivebydesign.org/cancelnetflix.

Il est également possible de soutenir directement des créateurs et créatrices qui tentent de sortir de ces ornières, en proposant leur travail sous licences libres.

Les citoyens peuvent jouer de leur influence en interpellant les détenteurs du pouvoir politique, ou en soutenant les acteurs associatifs qui militent contre les DRM, comme la FSF ou La Quadrature Du Net.

En résumé ? Coupez votre abonnement Netflix et envoyez les sous à une asso, un·e artiste de votre choix, qui milite pour un truc chouette ou qui simplement produit des contenus à votre goût. Même si c’est juste pour un mois ou deux, histoire de voir comment ça fait…




Refuser les rapports et soutenances de stages confidentiels

Aujourd’hui, nous vous proposons de sortir un peu des sentiers (re)battus du libre et des communs pour explorer un peu plus ceux de l’éducation et du partage. Stéphane Crozat, membre de Framasoft et prof. à l’Université de Technologie de Compiègne, souhaite partager ici une réflexion autour des conditions de publication des rapports de stage. Profitons du fait que le Framablog est aussi le blog des membres de l’association Framasoft pour lui donner la parole.

Stéphane Crozat, Framasoft

Chaque semestre, une partie significative des entreprises qui accueillent des stagiaires de l’Université Technologique de Compiègne dont je suis suiveur font une demande de procédure de confidentialité concernant le rapport et/ou la soutenance de l’étudiant. Je suis opposé à cette pratique.

Récemment encore une grande société française impliquée notamment dans des activités en lien avec la défense m’a fait une telle demande.

Ce semestre, j’ai pris le temps de poser mes arguments à plat, à la suite de quoi la demande a été retirée. Le mail que j’ai reçu en réponse faisait état du bien-fondé de ces arguments. Je les partage donc afin de contribuer peut-être à rendre les demandes de confidentialité plus marginales.

Préambule : la confidentialité est un droit de l’entreprise

Je ne suis pas opposé aux besoins de confidentialité des entreprises. De nombreux contextes l’exigent. À titre personnel il est par exemple évident que les informations dont je dispose sur les étudiants ne sauraient être divulguées publiquement.

Il est à noter que :

  • le principe de confidentialité est inclus par défaut dans le droit de travail : « le contrat de travail est exécuté de bonne foi (article L1222–1 du Code du travail) » ce qui implique notamment la loyauté, la non-concurrence ou la confidentialité ;
  • le stagiaire n’est pas complètement soumis au code du travail mais le principe de confidentialité reste présent dans la logique du stage et est communément explicité par une clause de non divulgation qui peut être ajoutée au contrat de travail ou à la convention de stage.

Donc, la confidentialité est une règle qui s’applique légitimement par défaut.

Entretien d'embauche. À la question "pouvez-vous m'en dire plus sur votre stage" le candidat répond "euh, non".

Argument 1 : Le rapport de l’étudiant est un élément de son CV, s’il est confidentiel, il ne pourra pas le produire.

Si un rapport est confidentiel, alors il ne pourra pas être produit pour faire valoir le travail réalisé, lors de la recherche d’un stage ultérieur ou lors de la recherche d’un emploi.

  • Un mémoire de stage est un travail personnel significatif pour le stagiaire qui mérite de figurer au rang des choses dont il peut être fier et qu’il peut montrer. C’est le déposséder de quelque chose d’important que de lui interdire de produire le résultat de son travail.
  • À défaut, c’est minorer l’importance de ce travail de restitution, ce qui peut conduire à des rapports sans intérêt, puisqu’en fin de compte personne ne les lira (à part peut-être à des fins d’évaluation, une fois, peut-être distraitement).

Proposition 1 : faire un rapport court et public

Je propose d’écrire un rapport synthétique et de bonne facture, non confidentiel et éventuellement de lui annexer un document confidentiel (qu’il n’est pas nécessaire de diffuser hors de l’entreprise).

On aura d’emblée l’ambition que ce rapport soit public, destiné à être diffusé sur le Web typiquement.

Le stagiaire cherchera à faire valoir les actions qu’il a pu mener sans divulguer d’information sensible. On peut pour cela procéder à de l’anonymisation, ou encore à la troncature d’information, sans nuire à la bonne compréhension du propos général. C’est en soi un bon exercice. La stagiaire pourra bien entendu mentionner en préambule qu’il a rédigé son rapport sous cette contrainte (un exemple d’approche : librecours.net/module/ing/rap).

Cette proposition a également le mérite de simplifier la gestion de la confidentialité et d’éviter les entre-deux inconfortables où personne ne sait exactement ce qu’il peut faire et laisser faire :

  1. un rapport public accessible à tous tout le temps,
  2. un rapport privé accessible à l’entreprise uniquement.

Argument 2 : La soutenance est un moment de mise en commun, cela ne peut pas fonctionner si tout le monde ne joue pas le jeu.

La soutenance est un moment d’échange entre étudiants, enseignants et entreprises. Les sessions sont organisées de telle façon que chacun profite des expériences des autres. Lorsque quelqu’un demande une soutenance confidentielle, il exclut de fait les autres de ce partage, c’est donc un appauvrissement de cette phase de restitution de stage. Si tout le monde procède ainsi, l’exercice perd tout intérêt, c’est en quelque sort un cas de dilemme du prisonnier6 : si personne ne se fait confiance, alors tout le monde perd.

Les paroles de l'étudiant sont "caviardées" dans sa bulle

Pour que la situation reste équitable, les soutenances confidentielles doivent se dérouler à part, en dehors de l’espace commun partagé par les autres. Ainsi ceux qui refusent de partager leur expérience se privent de la possibilité de profiter de l’expérience des autres.

C’est donc une dégradation de la situation d’apprentissage pour le stagiaire.

Proposition 2 : sélectionner ce qui est présenté en excluant ce qui est confidentiel

Je propose une soutenance non confidentielle sans information sensible. Il est possible qu’une soutenance ne porte pas sur l’ensemble du stage, c’est même souvent le cas, on peut donc se focaliser sur quelques-unes des tâches les moins sensibles et les exposer avec soin.

Le but d’une soutenance n’est pas de rendre compte dans le détail de tout ce qui a été fait, le temps ne le permettrait pas, mais de donner à voir une partie de ce que l’on a appris, ce que l’on sait faire, et, peut être en premier lieu : de communiquer des choses intéressantes au public.

Le public de la soutenance : ses oreilles sont bouchées de gros tampons d'ouate.

Une bonne soutenance est pour moi une soutenance à l’issue de laquelle on a appris des choses que l’on ignorait grâce à la clarté de l’exposé du stagiaire.

Cela n’implique pas de révéler des secrets spécifiques, mais au contraire d’avoir été capable de monter en généralité pour présenter en dehors du contexte les compétences et connaissances acquises. C’est ce qui fait leur valeur pour le stagiaire et ses futurs collaborateurs.

Conclusion : un argument personnel complémentaire

Accepter un travail d’encadrement de stage correspond à la perspective d’instaurer un échange. On consacre un peu de temps, on fait éventuellement bénéficier un peu de son expérience lorsque c’est utile, et en échange on apprend des choses que l’on peut réinvestir dans sa propre pratique professionnelle.

Le métier d’un enseignant-chercheur consistant à publier de la connaissance au service de tous, les informations confidentielles lui sont mal utiles. Donc le bilan est négatif : on ne gagne rien et on perd un peu de ce temps si précieux pour tous.

Je refuse a priori tout engagement dans le suivi de stages comprenant des rapports ou soutenances confidentielles.




TousAntiConneries

Gee avait publié sa BD StopConneries en réaction à StopCovid, il lui semble donc opportun de publier aujourd’hui une nouvelle BD, TousAntiConneries. N’hésitez pas à relire l’article d’origine qui reste tristement d’actualité.

Sources :

Crédit : Gee (Creative Commons By-Sa)




Message aux Youtubeurs, Youtubeuses, et surtout à celles et ceux qui aiment leurs contenus

L’article qui suit devait être au départ un simple message de clarification d’un de nos membres sur notre forum, et puis… paf l’article ! Il a un peu débordé et nous nous sommes dit que malgré son aspect un peu foutraque, cela vaudrait sans doute la peine de le publier sur le Framablog.

NB : comme cet article peut faire débat, et que le framablog n’est pas un outil très adapté pour suivre une discussion, nous avons ouvert un fil de discussion sur le forum PeerTube : Participer à la discussion

La politique de Youtube concernant les contenus des vidéastes est de plus en plus rigide, rendant le travail des créateurs et créatrices de contenus de plus en plus difficile.

Nous en sommes conscient⋅es, et cela fait même plusieurs années que nous constatons non seulement ce type de faits, mais aussi que nous prédisons, sans trop nous tromper, que ce mouvement va continuer à rendre les productions de plus en plus contraintes, jusqu’à aboutir à une forme de contenus totalement normés par Youtube/Google/Alphabet. Au départ plateforme d’expression et de créativité, Youtube profite de son hégémonie indiscutable pour réduire l’inventivité de celles et ceux qui ont quelque chose à dire ou à montrer.

C’est d’ailleurs une des raisons qui a poussé Framasoft à créer et développer le logiciel PeerTube.

Ces derniers jours, nous voyons de nombreuses personnes, notamment sur les médias sociaux, enjoindre des vidéastes de renom (ou pas) à « passer à PeerTube ».

Cela ne nous met pas très à l’aise, et il faut que l’on vous explique pourquoi 🙂

D’abord, Framasoft est une petite association d’éducation populaire aux enjeux du numérique. Nous défendons l’esprit critique et la liberté de choix. Nous pensons que les injonctions au changement induisent de la résistance au changement.

Dit autrement, nous savons que les vidéastes sont des personnes douées d’intelligence et de capacités de veille. Il est peu probable qu’elles acceptent les contraintes de Youtube en s’en fichant complètement. Il est aussi peu probable qu’une personne ne leur ait pas déjà pointé l’existence d’alternatives (il n’y a pas que PeerTube, d’ailleurs). Bref, il est vraisemblable de penser que beaucoup de vidéastes sont dans un processus de réflexion (« Rester sur Youtube ? Partir ? Comment ? Pour aller où ? Avec quelle énergie ? Et qu’est-ce que je fais de l’existant ? de ma communauté ? », etc).

Nous respectons pleinement ce processus, et nous vous encourageons à le respecter aussi. Peut-être que votre vidéaste préféré⋅e choisira d’expérimenter des alternatives (bien !), de quitter Youtube (bien !) ou même de rester sur Youtube (bien aussi ! C’est son choix, pas le vôtre, pas le nôtre).

Par ailleurs, cela donne l’impression que vous êtes des « témoins de Framasoft » 😛 Je vous laisse vous mettre à la place du vidéaste qui reçoit son douzième tweet « Tu devrais essayer PeerTube ! » de la journée. C’est… Saoulant ! Et nous, cela nous place dans une situation un peu compliquée, où des personnes croient qu’on a lâché une armée de fidèles à leurs trousses pour les convertir au libre de gré ou de force par le harcèlement. Du coup, et c’est compréhensible, ces vidéastes ont une mauvaise image du libre avant même d’avoir essayé.

Rappelons que PeerTube n’est pas développé par une startup qui veut lever des millions, mais par une association qui ne vise ni le profit, ni la gloire : nous ne jugeons donc pas le succès du réseau PeerTube au nombre de vidéos hébergées, au nombre de vues, ou aux « poids lourds » qui seraient passé de Youtube à PeerTube. Le succès de PeerTube tient, pour nous, dans sa capacité à proposer « autre chose », et dans sa capacité d’émanciper de Youtube toute personne qui en aurait le besoin, qu’il s’agisse d’un vidéaste à x millions d’abonnés, d’une étudiante souhaitant partager une idée, d’un père de famille souhaitant partager une vidéo de vacances à quelques personnes, ou d’une institution souhaitant archiver ses vidéos.

Ensuite, PeerTube, ça n’est pas Youtube !

Prenons quelques lignes pour rappeler quelques différences :

Pas de point d’entrée unique

Il y a le logiciel PeerTube, il y a le réseau PeerTube, mais il n’y a pas une seule plateforme en .com ou .org. Ne cherchez donc pas « peertube.com » ou « peertube.org », ce ne sont que des domaines cybersquattés.

Pour un⋅e vidéaste, ça change pas mal de choses, car ça signifie qu’il ou elle doit choisir son instance PeerTube, c’est à dire le serveur sur lequel une personne aura installé le logiciel PeerTube. Et il y en a aujourd’hui plus de 500. Donc, évidemment, ce large choix peut signifier « c’est le bordel » pour plein de gens. On le comprend, mais ça reste une volonté — et une conséquence — de ne pas centraliser.

Rappelons que les instances peuvent être fédérées entre elles. Ce qui permet au visiteur de l’instance « monpeertube.org » de voir ou de commenter les vidéos de l’instance « autrepeertube.fr » sans quitter monpeertube.org.

Rappelons aussi que, même s’il n’y a pas de point d’entrée unique, il est possible de créer des portes d’entrée via un moteur de recherche, comme Framasoft l’a fait avec https://sepiasearch.org/

Pas de rémunération automatique

Sur Youtube, il est possible, en quelques clics, de demander à ce qu’une vidéo soit monétisée, pour peu qu’elle réponde aux critères prédéfinis de Google (par exemple, parler de guerres, ou même de menstruation, c’est un coup à se voir refuser la monétisation de sa vidéo). Google affichera alors des publicités, et plus la vidéo (et donc les pubs) sera vue, plus cela rapportera au vidéaste.

C’est un système qui peut se défendre. S’il convient à certain⋅es, et bien tant mieux. Nous, à Framasoft, on n’aime pas trop. Déjà parce que la publicité, c’est pas trop notre kif. Ensuite parce que c’est Google qui décide qui sont les annonceurs (perso, j’aurai un peu de mal à voir une publicité Total interrompre ma vidéo). Enfin parce que c’est Google qui décide de tout et place le vidéaste en position de soumission féodale : Youtube décide de qui peut monétiser ses vidéos (et peut retirer cette possibilité à tout instant), mais décide aussi du montant de la rémunération (et peut décider de diviser ses prix par 10, 100 ou 1 000 du jour au lendemain).

PeerTube refuse une monétisation centralisée

Cela ne signifie pas qu’un⋅e vidéaste ne peut pas gagner d’argent avec des vidéos publiées sur PeerTube, mais qu’il ou elle devra choisir et mettre en place son mode de rémunération. Ça peut être de mettre son compte Patreon ou uTip ou Liberapay dans le bouton « soutenir » prévu à cet effet. Ça peut être d’afficher une vidéo sponsorisée avant ou après son contenu (mais ça sera à lui ou elle de gérer cela), etc. Les possibilités sont en fait quasi-infinies, mais 1) il n’y aura clairement pas de PeerTube-money, et 2) il faudra faire des choix, et il y a des chances que les choix qui paieront le plus seront ceux qui demanderont le plus d’efforts (ex: contacter et gérer des sponsors, ça sera sans doute plus rémunérateur, mais aussi plus énergivore, que d’afficher un compte uTip).

Pas de migration de communauté

PeerTube permet d’importer automatiquement tout le contenu d’une chaîne, ou même de la synchroniser entre Youtube et PeerTube, de façon à ce qu’une vidéo ajoutée sur Youtube soit directement ajoutée sur votre instance PeerTube (NB: il faudra probablement demander à l’administrateur de l’instance de le faire pour vous, car pour l’instant, l’outil est en ligne de commande).

Par contre, ce que PeerTube ne peut pas faire, car Youtube/Google ne le permet pas, c’est d’importer votre communauté. Si vous avez 50 000 followers sur Youtube, il va falloir les motiver à vous retrouver sur PeerTube. Et certains se perdront en route. Évidemment, vous pouvez faire le choix de ne pas migrer d’un coup, mais plutôt d’y aller progressivement (c’est par exemple ce qu’ont fait nos ami⋅es de Datagueule).

C’est ce qu’on appelle la loi de Metcalfe, ou « l’effet réseau » : la valeur d’un réseau augmente exponentiellement en fonction de son nombre d’utilisateur⋅ices. Dit autrement : Youtube a de la valeur, parce qu’il y a un immense nombre d’utilisateurs (et de vidéos). Ce qui fait que quitter Youtube a un « coût ». En tant qu’individu rationnel, le ou la vidéaste doit donc évaluer ce coût par rapport aux gains (financier, humains, libertés, etc.) qu’il en retirera. Ce n’est pas à un logiciel de régler cette équation, c’est à l’être humain. C’est pourquoi, à Framasoft, nous ne cherchons pas à « convaincre » que le passage à PeerTube sera forcément une bonne chose. On peut le souhaiter, on peut le penser, on peut même en être certain. Mais ça n’est pas à nous d’en décider.

Pas aussi abouti

Bon, Google/Alphabet, c’est juste la 3e plus grosse boite mondiale. 130 000 employés, 275 milliards de chiffres d’affaires, 34 milliards de profits en 2019. Google, c’est juste plus de 500 000 fois le poids de Framasoft. Imaginez ce que vous pourriez faire avec 500 000€. Inspirez… Réfléchissez… Ça y est, vous voyez ?
Maintenant, imaginez ce que vous pouvez faire avec… 1€. Inspirez… Réfléchissez… Voilà, vous avez compris 🙂

PeerTube, en 3 ans à peine et avec 1€, ne peut pas être aussi abouti techniquement que peut l’être un Youtube, qui va fêter ses 15 ans, disposant de 500 000€. Il ne le sera probablement jamais. Et on dort très bien en sachant cela.

Donc, la fonctionnalité de traduction collaborative en breton, ou le sous-titrage automatique, ou encore le support de tel navigateur peu répandu, ça n’est clairement pas pour demain, et peut-être pour jamais. Si cela vous empêche de migrer, pas de souci, on le comprend.

Pas autant de contenus

Il y a littéralement des milliards de vidéos sur Youtube. Contre à peine 250 000 sur PeerTube (cf https://instances.joinpeertube.org/instances/stats ). Pour la raison « d’effet de réseau » décrite ci-dessus, le nombre de vidéos sur Youtube y sera sans doute toujours bien plus important que sur PeerTube. Là encore, ça ne nous empêche pas de dormir. Nous ne cherchons pas à avoir « le plus gros kiki réseau » mais bien à offrir d’autres possibilités que celle de dépendre de Youtube. Nous comprenons parfaitement que cela ne conviendra pas à de nombreux vidéastes. Mais si nous leur proposons une « porte de sortie », nous ne nous sentons pas la responsabilité de devoir les attirer ou de les convaincre. C’est à elles et eux de voir si leur choix va vers plus de liberté ou plus de confort (et le confort, ça n’est pas péjoratif, on a tout à fait le droit de se dire qu’on ne veut pas se prendre la tête ou que le nombre de vidéos sur la plateforme prime sur d’autres arguments).

Pas autant de visiteurs/vues

NB: cette remarque n’existait pas dans l’article paru originellement, mais vous pouvez vous référer à la lecture du commentaire suivant publié quelques jours plus tard pour avoir des éléments de réponses : https://framablog.org/2020/10/29/message-aux-youtubeurs-youtubeuses-et-surtout-a-celles-et-ceux-qui-aiment-leurs-contenus/#comment-82912

Sauf à s’héberger, on dépend (malgré tout) d’une tierce personne

Il y a un mythe qu’il faut casser : celui qui dit qu’avec PeerTube, vous avez tous les droits.

C’est plus complexe que cela. Tout d’abord, ce n’est pas parce que vous êtes sur une plateforme d’un réseau libre que vous n’avez pas des lois à respecter (l’apologie du nazisme est tout aussi interdite sur Youtube que sur PeerTube, et heureusement !).

Ensuite, avec PeerTube, si vous êtes vidéaste, vous avez en gros quatre solutions :

1. Vous héberger vous-même. Cela réclame quelques compétences, et cela coûte de quelques dizaines à quelques centaines d’euros par an pour la location d’un serveur. Mais au moins, vous êtes maître chez vous. Si, dans une de vos vidéos, vous utilisez 30 secondes d’extrait du film OSS117, vous êtes (probablement) dans l’illégalité. Mais aucun robot contentID ne viendra automatiquement censurer votre contenu.

Pour prendre une analogie avec l’habitat, c’est un peu comme devenir propriétaire d’une maison. Sur le papier, c’est chouette, mais dans les faits, vous êtes responsable de ce qu’il s’y passe, et si une canalisation pète, ça sera à vous de le gérer.

C’est le cas, par exemple de l’instance PeerTube https://peertube.datagueule.tv (qui par ailleurs a fait le choix de ne se fédérer à aucune autre instance, donc vous n’y trouverez que les vidéos de Datagueule)

2. Sous traiter l’hébergement de votre instance, si vous ne voulez pas vous prendre la tête avec la technique. Vous faites alors le choix d’un « hébergeur » (c’est à dire une association, entreprise ou autre) qui va installer et maintenir votre instance PeerTube à l’adresse de votre choix (par exemple si vous êtes passionné de sushis, cela pourra être videos.passionsushis.fr). Il faudra très probablement les rémunérer pour ce travail. Mais au moins, vous n’avez pas à vous occuper des travaux. Et, sur cette instance, vous pouvez décider de faire ce qu’il vous plaît, y compris de choisir d’accueillir d’autres vidéastes.

En matière d’habitat, ça serait l’équivalent d’une location : vous dépendez certes d’un propriétaire (l’hébergeur) mais c’est bien vous qui gérez votre instance.

Des chatons comme https://ethibox.fr/peertube vous permettent, par exemple, de déléguer l’installation et la gestion de votre instance PeerTube.

3. Rejoindre une instance existante : il y a plus de 500 instances PeerTube. Donc, il faut choisir avec attention. Parce que si vous placez vos vidéos chez une personne autoritaire ou non coopérative, vous n’aurez pas gagné grand chose par rapport à votre situation chez Youtube. Le site JoinPeerTube donne des éléments pour faire un premier tri dans les instances et leurs politiques (l’instance est elle modérée ? par qui ? L’instance accepte-t-elle les vidéos pornos ? Comment l’hébergeur PeerTube envisage-t-il la pérennité de son instance ? etc).

En gros, ça revient à être dans une chambre d’hôtel (qui peut, ou non, vous offrir la chambre). Certains établissements vous ressembleront vraiment, que vous soyez plutôt palace 4 étoiles ou plutôt auberge de jeunesse, mais le gérant de l’hôtel peut décider de ne pas faire le ménage, ou même vous mettre dehors.

L’instance https://video.ploud.fr/about/instance est un bel exemple d’une instance ouverte à toutes et tous : gérée par une entreprise, elle accueille +2 500 utilisateurs et plus de 20 000 vidéos.

4. Mutualiser les efforts autour d’une instance thématique : c’est (à notre avis) la solution intermédiaire idéale si vous ne voulez pas gérer votre propre instance, mais souhaitez publier du contenu de qualité.

Pour poursuivre la métaphore avec l’habitat, vous seriez ici dans l’équivalent d’une colocation où les colocataires peuvent se choisir entre elles et eux par cooptation.

Prenez par exemple l’instance https://skeptikon.fr/about/instance : 2 400 utilisateur⋅ices, mais « seulement » 838 vidéos. Par contre, ces vidéos sont toutes sur une même thématique : « la zététique, l’esprit critique et le scepticisme de manière plus générale. ». Plus intéressant encore, cette instance est gérée par une association dédiée, qui est financée par les dons. Cela permet à des vidéastes de différentes tailles de pouvoir diffuser leurs vidéos hors de Youtube, tout en conservant un coût raisonnable. C’est un modèle intéressant, car si par exemple un telle association compte 30 vidéastes, payant chacun 24€ par an (soit 2€ par mois dans cet exemple), cela permet de financer un gros serveur dédié et de ne pas être limité par l’espace disque. Il faut « juste » trouver du monde pour faire collectif, ce qui n’est pas simple, mais permet aussi de construire de faire-ensemble.

Illustration de David Revoy (CC-By)

Bref, oui PeerTube a un énorme avantage sur Youtube : celui de vous permettre de redevenir libre des contraintes de Youtube. Que vous soyez vidéaste ou simple spectateur⋅ice. Pas de censure pour des raisons inconnues, pas de démonétisation, pas d’épée de Damoclès suspendue au-dessus de votre tête. Mais ça n’est pas non plus une solution magique. Elle réclame des efforts, et parfois même des sacrifices.

Ces sacrifices, c’est quelque chose que l’on peut accepter de faire soi-même, mais il nous semble carrément malaisant de les demander (ou pire, les exiger) de la part de quelqu’un·e d’autre.

Souvent, un·e fan qui dit « T’as pensé à passer sur PeerTube ? Tu devrais ! » ne songe pas qu’il ou elle est en train de demander un sacrifice. Mais un·e vidéaste, qui travaille au quotidien sur ces questions, ne peut pas ignorer l’effort induit par ces simples demandes. Alors soyons choux, restons disponibles auprès des créatrices et créateurs qui demandent de l’aide et des conseils, et laissons les autres en paix : ils et elles sauront où nous trouver si leur chemin les mène vers PeerTube.

NB : comme cet article peut faire débat, et que le framablog n’est pas un outil très adapté pour suivre une discussion, nous avons ouvert un fil de discussion sur le forum PeerTube : Participer à la discussion




Liiibre, une solution complète pour vos projets collaboratifs

Hier, mardi 15 septembre, les copains et copines de Indie Hosters (structure membre du Collectif des Hébergeurs Alternatifs Transparents Ouverts Neutres et Solidaires) ont officiellement mis en ligne leur nouvelle solution : Liiibre. Iels nous avaient parlé de ce projet pendant la période de confinement et au sein de Framasoft, on les avait encouragé⋅es dans cette voie. En effet, chez Framasoft, nous  accompagnons depuis plusieurs années les organisations qui prennent conscience de la nécessité de mettre en cohérence leurs outils numériques et leurs valeurs. Avec cette solution, c’est dorénavant bien plus simple pour elles de migrer sur des outils libres et émancipateurs. Nous vous proposons donc une petite présentation de cette solution en mode interview.

 


Alors, c’est quoi exactement Liiibre ?
Liiibre, c’est un espace sécurisé avec un compte pour chaque usager·e donnant accès aux meilleurs outils libres pour collaborer en ligne dans une seule interface unifiée : stockage de données, agendas partagés (Nextcloud), édition de documents (OnlyOffice), messagerie instantanée (RocketChat) et visioconférence (Jitsi). Avec un seul mot de passe, chaque usager·e accède facilement à l’ensemble des outils.

Illustrations originales de Thibault Daumain sous licence CC BY-NC-SA 4.0

Nous sommes partis du constat que sensibiliser à l’usage des outils libres sur de petites infrastructures locales (comme le font les CHATONS) c’est très important, mais qu’il devient indispensable, encore plus depuis la crise de la COVID19 où les besoins de collaborer en ligne se sont multipliés massivement, de proposer un service professionnel robuste et à plus grande échelle. C’est pourquoi nous avons choisi de déployer Liiibre avec Kubernetes, une infrastructure technique qui permet ce passage à l’échelle.

Qui est à l’origine de ce projet ?
C’est l’association IndieHosters. Nous sommes un collectif de personnes provenant d’horizons divers, dotées de compétences/réseaux spécifiques, qui développent un regard transversal sensible aux enjeux humains, écologiques, techniques, économiques, pédagogiques, artistiques, juridiques et politiques et mues par le désir d’inscrire l’association dans l’avenir des communs numériques. Depuis 2016, IndieHosters s’est spécialisé dans la mise à disposition d’outils en ligne répondant à toute une variété d’usages allant du blog au forum, en passant par le réseau social Mastodon ou encore la collaboration en ligne.

Conscients de la nécessité de s’émanciper collectivement des GAFAM, retrouver la maîtrise de nos données et raviver l’utopie concrète que porte en ses gènes l’idée même d’Internet, nous nous sommes donné pour mission de faciliter la transition vers un numérique éthique. Pour tenter d’avancer plus loin dans cette voie, nous nous sommes dernièrement constitué·es en association à but non lucratif et avons choisi de concentrer nos efforts à répondre au besoin le plus pressant aujourd’hui pour les organisations : la collaboration en ligne. Car travailler ensemble à fabriquer l’avenir, nécessite aussi d’utiliser des outils cohérents avec ses idées et valeurs.

Cette aventure a aussi été l’occasion d’étoffer le collectif : de deux personnes, nous sommes passés à six membres dans le collège de l’association. De nombreux contributeur⋅ices nous ont également rejoints, notamment pour mettre en place une équipe dédiée à l’accompagnement, en lien avec un réseau national de formateur⋅ices et de facilitateur⋅ices. Nous pensons en effet que dans un cadre collectif, ce qui va amener chacun·e à tirer les fruits des outils collaboratifs est lié à la qualité de l’animation qui relie l’équipe.

C’est pour qui ?
En mars dernier, alors que toute la France s’est retrouvée confinée, nous nous sommes demandé comment nous pouvions être utiles dans ce contexte inédit, conscients que les tissus coopératifs et associatifs allaient être touchés de plein fouet par la crise.

Durant cette période, les particuliers comme les entreprises se sont mis massivement à recourir à des solutions leur permettant de travailler en ligne. Pour certain⋅es, ce fut l’occasion de découvrir de nouveaux outils, et surtout de nouvelles manières de collaborer. Seulement ces outils nécessitent d’être hébergés quelque part. S’il est possible de faire appel à des hébergeurs éthiques comme les CHATONS pour quelques utilisateur⋅ices, il nous a semblé qu’il était temps de proposer une solution professionnelle et fiable aux entreprises et associations afin qu’elles puissent s’organiser avec des outils respectueux de leurs données et de leur autonomie.

Illustrations originales de Thibault Daumain sous licence CC BY-NC-SA 4.0

Liiibre est donc destiné aux organisations allant d’une trentaine à plusieurs centaines de personnes qui ne souhaitent pas héberger elles-mêmes leurs outils sans pour autant lâcher leur souveraineté sur les données. Si un groupe démarre dans la collaboration en ligne, nous les accompagnons dans la prise en main des outils et surtout dans la découverte des méthodologies de travail à distance en groupe. Et si ce sont des usager·es exigeant·es habitué·es à Google Drive, Slack, et consorts, mais souhaitant reprendre le contrôle sur leurs données, Liiibre s’adresse aussi à elleux.

Pas besoin de se préoccuper de l’hébergement des outils et des données, nous nous en chargeons, en garantissant que nous n’exploiterons jamais les données, ni les métadonnées. Nos outils étant sous licence libre et open source, les usager·es restent également libre de migrer Liiibre chez un autre hébergeur ou sur leurs propres serveurs à tout moment.

Quel est le modèle économique ?
Chez IndieHosters, il n’y a pas de client·e⋅s et nous ne sommes pas prestataires. Ensemble, nous permettons la mise à disposition d’une ressource dont la gestion suit un code social précis qui organise sa pérennité et son statut de commun à long terme sans que cela n’entrave jamais nos libertés, ni la maîtrise de nos données en tant que contributeur·ices.

Illustrations originales de Thibault Daumain sous licence CC BY-NC-SA 4.0

En utilisant Liiibre, non seulement un⋅e usager·e a l’assurance que ses données seront respectées, mais en devenant contributeur⋅ice, iel participe aussi à prouver qu’un modèle économique à échelle locale et humaine où l’on se fait confiance en bonne intelligence est possible sur Internet. Plutôt que de consommer un produit, vous devenez partie prenante d’une ressource commune et de la communauté qui en prend soin.

C’est donc sur ces principes que nous avons calculé le montant de base (8€ par mois pour chaque usager·ère au sein d’une organisation), de manière à ce qu’il permette une viabilité économique tout en étant juste pour les usager·ères. Ce montant est directement lié au coût en infrastructure technique et temps de travail de notre côté, et ne vise pas à faire du profit, seulement à pérenniser les services rendus.

Et parce que chez IndieHosters, c’est l’humain qui passe avant tout, ce montant peut-être réévalué sur la base d’un contrat de réciprocité dans lequel les usager·ères s’engagent à contribuer à la ressource par des moyens différents de la monnaie, ce qui permet à des collectifs d’accéder aux outils sans se ruiner financièrement. De même, si une organisation a les moyens de contribuer en versant le tarif plein, elle soutient en même temps d’autres groupes en leur facilitant l’accès aux outils libres. Elle n’est ainsi pas “cliente” mais bien contributrice de la communauté elle aussi.

En bref, nous gérons la complexité liée à l’hébergement d’outils libres, et nous structurons un modèle économique basé sur les communs qui privilégie le partage et la pérennité des ressources que nous mettons à disposition.




Écran bleu de la… santé

Si vous pensiez que la crise du COVID était l’occasion d’une pause dans la déferlante des politiques de santé… disons, discutables… vous vous trompiez lourdement (et on vous invite à lire La stratégie du choc de Naomi Klein).

Aujourd’hui, notre gribouilleur Gee nous cause de la « Plateforme » (aussi nommée Health Data Hub), une nouvelle porte ouverte aux GAFAM sur nos données de santé…

Sources :

Crédit : Gee (Creative Commons By-Sa)




Miroir de Valem : un projet artistique, libre et solidaire

Valem est sculpteur et aime capter les portraits dans leurs scènes de vie. Durant ses voyages au Sénégal, elle a été touchée par La Teranga, terme wolof qui conjugue les valeurs d’hospitalité, de partage et de solidarité des Sénégalais. Elle a donc réalisé de nombreux dessins inspirés de ces voyages et a créé un dispositif solidaire pour venir en aide aux familles en situations précaires. Framasoft communique cet article, car ce projet regroupe les valeurs libristes, artistiques et solidaires que nous tenons à partager.

À noter : cet article bénéficie désormais d’une version audio.
Merci à Sualtam, auteur de lectureaudio.fr pour cette contribution active.

Famille sénégalaise rencontrée lors des voyages auquel ce projet vient en aide.

Le Miroir de Valem est un dispositif physique d’art numérique libre, solidaire, open-source, low-tech, interactif, contributif et évolutif.

Le concept est que ce miroir puisse renvoyer au spectateur son propre reflet composé, en une « mosaïque d’images », de portraits dessinés en noir et blanc d’après des souvenirs de voyages (environ une centaine réalisés à ce jour et d’autres encore à venir). L’enjeu de l’œuvre est avant tout d’aider les populations qui ont inspiré les dessins constituant les reflets en leur reversant les potentielles recettes générées (également grâce à la cagnotte en ligne).

« Votre reflet n’est pas un simple « selfie », mais plutôt un « altrie ». En reconstituant votre image à partir de portraits de personnes vivant dans une autre partie du monde, le Miroir tisse des liens entre les cultures et les individus pour dessiner une humanité à la fois plurielle et unie. »

Un groupe de 5 étudiants de l’UTC (Université de Technologie de Compiègne) a aidé l’artiste Valem sur le plan technique pour réaliser ce projet, notamment 2 étudiants en Génie Informatique, 1 en Mécanique et Design Produit et 2 en Design d’interface.

Ce dispositif a été mis au point de la manière suivante :

  • le châssis en bois a été fabriqué par un ébéniste (de l’Atelier des Bois Pérennes) sur la base des plans réalisés par les étudiants ;
  • ils ont créé l’application mobile et amélioré le logiciel libre Pixelize afin de pouvoir restituer une photo en mosaïque ;
  • ils ont également placé un écran d’ordinateur derrière un miroir sans tain ;
  • puis une tablette et un Raspberry Pi pour l’interface UX d’interaction.

Un autre groupe de 4 étudiants en gestion de projets a pu aider dans l’élaboration du projet. Ils se sont notamment occupés de la création de l’association Miroir de Valem, des statuts et donc des aspects juridiques, de la communication, de l’organisation économique et des voyages au Sénégal. L’association Miroir de Valem a pour mission de :

  • promouvoir cette forme de création artistique et les valeurs associées ;
  • apporter une aide financière aux familles sénégalaises qui l’ont inspirée.

De plus, en janvier 2020, 2 étudiants en Génie Informatique les ont rejoints à plein temps pour terminer les logiciels embarqués dans le miroir, sur une tablette Android et un Raspberry Pi. La tablette héberge une application qui permet à l’utilisateur·ice de communiquer avec le miroir. Elle communique elle-même avec le Raspberry qui est en charge de transformer la photo originale en reflet et de l’afficher sur le miroir.

Schéma d’usage du Miroir.

Pour Valem, le but du projet est d’avoir une double transmission des connaissances : elle dispose de compétences artistiques et de l’ouverture à la culture sénégalaise ; les étudiants ont les savoir-faire techniques qui lui manquaient pour la réalisation du dispositif et la communication. Le projet a été riche d’échanges et de partages de notions pour tous ces acteurs. Certains d’entre eux ont eu le privilège d’être accueillis dans une famille (d’environ 30 personnes) pendant une ou plusieurs semaines. Le but du projet est donc de partir de ce point d’ancrage, donc de cette famille, pour ensuite aider d’autres familles et le quartier entier. En effet, suite à la pandémie du Covid-19, le Sénégal a été très impacté économiquement car deux de ses principales sources de revenus sont le tourisme et la pêche. Afin de mieux répondre aux besoins de cette population qui a une façon de vivre et des besoins différents des nôtres, l’association bénéficie d’un contact de confiance sur place, afin de définir au mieux quelles solutions leur proposer.

Quelle est la dimension libriste de ce projet ?

Vous pouvez copier, utiliser, partager et diffuser les dessins, le dispositif physique, les logiciels et les contenus du site web selon les droits qui vous sont accordés par leurs licences libres (voir page Crédits du site web du Miroir de Valem). Le but est que chacun·e se serve du dispositif, partage les images comme il ou elle le souhaite. Les plans du châssis en bois, le code source de l’application, les réglages du Raspberry Pi ainsi que l’application à installer sur celui-ci sont disponibles sur Framagit. Le but est de pouvoir proposer des améliorations ou même, si l’on est artiste soi-même, de pouvoir réaliser un projet comparable avec ses propres œuvres, toujours dans un but de solidarité envers les plus démunis.

Où les rencontrer ?

À l’exposition Art Up programmée (et reportée) en février 2021 à Lille (salon d’art international) afin de confronter le Miroir à un public qui vient à la rencontre/découverte des artistes, mais qui est possiblement peu sensibilisé à la culture libre.

Aux Journées Des Logiciels Libres de Lyon reportées également en avril 2021. Cette fois, c’est pour toucher un public libriste averti (ou cherchant à se sensibiliser), mais qui ne s’attend pas forcément à ce que les valeurs du libre animent un projet artistique.

Ensuite, de belles rencontres sont envisagées : comme celle de travailler avec l’ambassade du Sénégal et des villes jumelées avec des villes sénégalaises afin d’organiser des événements plus généraux ou ouverts à tous types de public, comme une fête locale.

Enfin, le projet sera présenté à la Fête de la Science de l’UTC en octobre, à un public jeune qui n’est pas forcément sensible a priori à l’art ni au libre au départ.

Ce projet permet d’aborder plusieurs concepts pouvant être mobilisés pour la construction de sociétés soutenables : la solidarité, la création collective, l’approche low-tech, la culture libre, l’économie du don, les équilibres Nord/Sud, etc. Pour transformer la société au regard des enjeux environnementaux auxquels on fait déjà face, soutenez le Miroir de Valem.




[RÉSOLU] Un pas de plus dans Contributopia

Pour accompagner vers le Libre les organisations qui agissent pour l’Économie Sociale et Solidaire, il fallait davantage qu’un guide. Il fallait un outil évolutif, un outil que ces organisations puissent modifier, tronquer, bidouiller, bref s’approprier les contenus pour mieux les adapter à leurs particularités. Audrey nous présente [RÉSOLU], un projet contributopique…

À noter : cet article bénéficie désormais d’une version audio.
Merci à Sualtam, auteur de lectureaudio.fr pour cette contribution active.

[RÉSOLU] Un pas de plus dans Contributopia

Framasoft s’est associée au Chaton Picasoft et à la Mission Libre-Éducation Nouvelle des CEMÉA dans la réalisation de [RÉSOLU], un projet d’éducation populaire qui vise à accompagner l’adoption d’outils libres par les associations et les organisations de l’Économie Sociale et Solidaire.

Pour les accompagner dans leur transition, nous publions aujourd’hui un ensemble de fiches didactiques, sous licence libre et aux formats PDF, web et papier. Quelle est notre démarche ? D’abord présenter aux acteur⋅ice⋅s de l’ESS la nécessaire cohérence entre leurs valeurs et celles inscrites dans les outils numériques qu’iels utilisent, puis leur faciliter la prise en main de solutions alternatives libres.

Plus qu’un guide, [RÉSOLU] est un mouvement qui souhaite rapprocher les communautés du Libre et de l’ESS. Il s’agit de défendre nos libertés numériques et de promouvoir un modèle de société fondé sur la solidarité et le partage.

Pour contribuer à faire vivre ces [R]éseaux [É]thiques et en savoir plus sur les [S]olutions [O]uvertes pour [L]ibérer vos [U]sages, rendez-vous sur le site de Framabook et de [Résolu] !

Image de la première couverture
[R]éseaux [É]thiques et [S]olutions [O]uvertes pour [L]ibérer vos [U]sages

À la recherche de cohérence entre valeurs éthiques et usages numériques

Si vous avez déjà recherché la solution à un problème informatique sur des forums en ligne, la mention « [RÉSOLU] » vous est sans doute familière. Lorsque vous la croisez dans le titre donné au problème à résoudre, c’est bon signe : elle précise qu’une des solutions proposées a effectivement résolu le problème initial.

Le problème auquel nous souhaitons apposer la mention [RÉSOLU] s’ouvre par la question suivante : comment se fait-il que tant d’organisations qui promeuvent des principes de solidarité, de partage, d’accessibilité et d’émancipation agissent avec des outils numériques privateurs et peu respectueux de ces considérations éthiques ?

Si nous nous posons cette question, c’est parce que nous pensons que construire un monde meilleur, comme s’y emploie l’Économie Sociale et Solidaire, n’est possible qu’avec des outils numériques qui nous donnent toute la liberté de le faire. Avec le projet [RÉSOLU], nous souhaitons établir une forte cohérence entre les pratiques numériques des membres de l’ESS et les valeurs qu’iels partagent avec la communauté libriste.

Soyez donc [RÉSOLU]E.S à ne plus servir, et vous serez libres

La célèbre maxime d’Étienne de La Boétie porte en elle la démarche du projet [RÉSOLU] : s’extraire de la servitude aux outils privateurs de libertés numériques. Il s’agit de commencer par comprendre la nature de la servitude, de vouloir ensuite s’en extraire, puis d’être en capacité de le faire. [RÉSOLU] se propose d’accompagner ce cheminement, en se rapprochant au plus près des besoins et des aspirations des associations quant à leurs pratiques numériques.

Concrètement, cela se traduit par la mise à disposition d’un ensemble de fiches théoriques et pratiques, classées selon trois types d’actions collectives : collaborer, communiquer et organiser.

Réalisée avec le soutien de la Fondation Free, la première version de cette collection prend la forme d’un manuel au format PDF, disponible sur le site de Framabook, et d’un site web (soyezresolu.org) où vous pourrez naviguer entre les fiches et les exporter séparément en PDF.

Les fiches théoriques ont pour but d’ancrer les enjeux d’un changement des usages numériques dans le contexte de l’ESS. Il s’agit par exemple de comprendre en quoi la confidentialité des données personnelles se joue dans le choix des logiciels que l’on utilise pour communiquer, et pourquoi il est important de se poser cette question, que l’on soit militant ou non.

L’idée n’est pas de porter un discours culpabilisant, mais d’exposer les enjeux politiques, économiques et sociaux associés aux choix d’outils numériques. Si les associations portent une grande attention à ces enjeux pour définir le périmètre de leurs activités, l’objectif de [RÉSOLU] est de les convaincre qu’il est dans leur propre intérêt d’élargir cette attention à leurs usages numériques.

Les fiches pratiques ont un rôle tout aussi crucial : présenter des solutions alternatives libres et accompagner leur prise en main, avec des méthodes et des cas de figure concrets. Par exemple, une fiche consacrée au service Nextcloud explique comment partager des documents de façon sécurisée et comment synchroniser des agendas ; une autre sur le logiciel Garradin détaille comment reprendre le contrôle sur ses données de comptabilité. Mais [RÉSOLU] est plus qu’un catalogue…

Ces fiches proposent de découvrir les fonctionnalités utiles à l’organisation, la communication et la collaboration au sein de structures associatives, institutionnelles ou privées. Elles suggèrent quelques bonnes pratiques et avertissent des éventuelles difficultés ou limites à prendre en compte. En effet, accompagner le changement implique d’être transparent sur les risques et les obstacles potentiels ; [RÉSOLU] ne les efface pas, mais soulève les questions à se poser pour adopter les logiciels libres dans les meilleures conditions possibles.

un meme

[RÉSOLU] est entre vos mains : construisons ensemble les réseaux qui libèrent !

L’identification de solutions libres correspondant aux besoins de son organisation et la compréhension des raisons et des moyens de leur adoption constituent une avancée certaine vers la libération des usages numériques. Vous êtes résolu⋅e et prêt⋅e à le faire ? Allons-y ensemble !

S’il est nécessaire d’avoir confiance en soi pour se diriger sereinement vers un terrain inconnu, il est aussi important d’avoir confiance en ses compagnons d’aventure. Les associations qui ont déjà adopté des outils libres, les hébergeurs du CHATONS, les organismes d’éducation populaire et toute autre structure qui souhaite accompagner celles qui en ont besoin sont autant de contacts possibles pour ne pas avancer isolément.

Utilisé comme support pour des formations animées par les CEMÉA, nous espérons que [RÉSOLU] le sera aussi par un grand nombre d’acteur⋅ice⋅s de l’éducation populaire. Des exemplaires imprimés de [RÉSOLU] sont distribués de main en main (au sein des CEMEA, ou lors d’événements auxquels participeront Framasoft et Picasoft), auprès des organisations et des personnes intéressées par l’obtention d’une version papier.

Néanmoins, c’est d’abord aux utilisateur⋅ice⋅s de s’emparer de [RÉSOLU]. Les versions électroniques sont donc disponibles sous licence CC BY-SA, afin de multiplier les supports :

  • des versions PDF à des fins d’impressions et les sources au format ouvert pour modifications et enrichissements sur Framabook ;
  • une version web sur soyezresolu.org, avec la possibilité d’exporter chaque fiche en PDF.

Le projet [RÉSOLU] évoluera au gré de vos contributions : si vous le souhaitez, vous pouvez améliorer le graphisme ou la rédaction des premières fiches, en créer de nouvelles, ou encore participer au développement de la version web (rendez-vous sur le dépôt du projet).

Diffusez ! modifiez ! publiez !

Pour en savoir plus, vous pouvez contacter Picasoft (@), Framasoft (@) et la Mission Libre-Éducation Nouvelle des CEMÉA (@) via leurs comptes Mastodon.

— Billet édité le 28/06/2020, 17h45.