MiMOOo ou la migration OpenOffice.org de l’administration publique en questions

MimOOo Box« MiMOOo » vous connaissiez ? Nous non plus ! Cherchons alors ensemble à en savoir davantage, parce que cela en vaut la peine…

MiMOOo est l’acronyme de ce qui se présente comme un beau projet institutionnel français signifiant Mutualisation interMinistérielle pour OpenOffice.org.

Laissons une Sophie Gautier enthousiaste nous le présenter plus avant sur son blog : « MiMOOo ou quand l’administration s’organise comme l’open source ! Ce groupe de travail interministériel a mis en place une véritable stratégie de migration à OOo. Depuis un peu plus d’un an, les différents ministères se rencontrent régulièrement pour définir des statégies communes, partager outils et problématiques. S’inspirant des techniques de mise en commun des projets de développement, MiMOOo a ainsi optimisé sa migration à travers le partage des expériences et des savoirs ».

Cette citation date d’avril 2007. On peut donc en déduire que Mimoo existe depuis au moins avril 2006, c’est-à-dire depuis un certain temps déjà.

Hypothèse corroborée par cette dépêche tout aussi enthousiaste de LinuxFr du mois de septembre 2006, titrée La plus grosse migration OpenOffice.org au monde : 400 000 postes dans l’administration française, et ainsi présentée : « Courant 2007, l’administration centrale française (essentiellement les ministères) va voir 400 000 de ses postes informatiques migrer vers la suite bureautique OpenOffice.org et le format ouvert OpenDocument, ce qui constitue actuellement la plus grosse migration vers OpenOffice.org au monde. Le groupe de travail interministériel responsable de ce déploiement met à disposition des administrations de nombreux outils : cédérom interministériel d’installation d’OpenOffice.org[1], mallette pédagogique, formation en ligne, pack de communication, outils d’accompagnement, mémentos, guide, etc. »

On retrouve donc notre groupe de travail interministériel. Mais problème : les deux principaux liens proposés par la dépêche (Le programme de migration et Communauté assistance OpenOffice.org) sont aujourd’hui inaccessibles.

MiMOOo en (toute) discrétion

Parce qu’il se trouve justement que malgré son bel âge nous ne disposons aujourd’hui que de trop rares et déjà anciennes informations publiques sur le projet.

Il ne subsiste en effet aujourd’hui qu’un petit encart dans une brochure sur la modernisation de l’État (page 2 – avril 2007), mais surtout cet article de présentation, sur le site gouvernemental des Ateliers de la modernisation, dont le titre interpelle par son optimisme (alors que la dernière mise à jour date de septembre 2006) : Poste de travail : les clés d’un projet réussi.

Article qui vient confirmer les informations précédentes avec des citations comme : « Le projet de par sa nature induisait une démarche de mutualisation. En effet, la notion de logiciel libre est étroitement liée à un idée de partage des ressources, des connaissances : un état d’esprit qui se prête au travail collaboratif. »

Et depuis plus rien. Point de bilan et perspectives à l’instant t et aucune trace des « cédérom interministériel d’installation, mallette pédagogique, formation en ligne, pack de communication, outils d’accompagnement, mémentos, guide, etc. ».

Alors, trois ans plus tard, où en sommes-nous ? Telle est la légitime question qui en appelle plusieurs autres dans le détail.

Cette absence d’informations publiques signifie-t-elle qu’à ce jour le groupe hiberne et que la migration OpenOffice.org est au point mort dans l’administration publique ?

Assurément non. Elle signifie simplement que nous les administrés ne sommes pas en mesure d’évaluer les avancées du projet. Elle signifie également que nous ne pouvons profiter des documents produits pour l’occasion sur OpenOffice.org, rétention dont nous ne sommes pas habitués lorsqu’il s’agit de logiciel libre. Elle signifie enfin que la collaboration avec la communauté francophone d’OpenOffice.org a dû être si ce n’est nulle tout du moins fortement limitée.

MiMOOo en réunion

Nous pouvons de plus affirmer que MiMOOo est une cellule toujours active.

En effet nous savons, de « source autorisée », que le groupe s’est réuni le 19 mai dernier. Lors de cette réunion, étaient présents des représentants des ministères suivants :

  • Le ministère de l’Économie et du Budget
  • Le ministère de l’Intérieur
  • Le ministère de la Justice
  • Le ministère de l’Alimentation, de l’Agriculture et de la Pêche
  • Le ministère de l’Écologie, de l’Énergie, du Développement durable et de la Mer
  • La Gendarmerie Nationale
  • Les services du Premier ministre
  • La Caisse nationale des allocations familiales
  • L’Assemblée Nationale
  • L’École nationale d’administration

On remarquera quelques grands absents, à commencer par le ministère de… l’Éducation nationale ! On aurait pu s’attendre en effet à ce que ce ministère y siège en bonne place et y envoie un représentant compétent en la matière, ce dont la maison ne manque pas.

MiMOOo en question(s)

À partir de là, voici une liste non exhaustive de quelques questions que nous aimerions poser avant tout au groupe de travail MiMOOo, mais également à l’Éducation nationale, en passant par le personnel administratif et l’équipe francophone d’OpenOffice.org,

N’y voyez surtout pas un nouvel avatar de « la dictature d’Internet » qui souhaite mettre son nez partout. Et nous comprenons fort bien que certaines informations n’aient pas vocation ni intérêt à être diffusées publiquement. Nous, simples citoyens (et contribuables) en appelons juste à plus de transparence, puisque ce projet concerne l’administration publique en route vers une migration massive en logiciel libre et format ouvert.

Questions à MiMOOo
  • Quelle est la composition de ce groupe et sa gouvernance ? De quel département ce groupe est-il l’émanation ?
  • Quelles sont ses prérogatives ? Est-il uniquement consultatif ? Est-il décisionnel au niveau des plans d’équipement et/ou de formation ?
  • Qui sont les destinataires de ses conclusions ?
  • Qui contacter pour obtenir des renseignements sur les travaux de ce groupe ?
  • Y a-t-il eu d’autres réunions depuis ? Quelle est la fréquence de ces réunions ?
  • Pourquoi MiMOOo ne publie-t-il pas ses comptes rendus et ses débats en ligne ?
  • Qu’en est-il aujourd’hui de cet ambitieux objectif de 400 000 postes sous OpenOffice.org affiché en 2006 ?
  • Concerne-t-il toutes les administrations ou bien uniquement celles présentes à la réunion ?
  • Qu’en est-il aujourd’hui de cette autre volonté affichée en 2006, celle de « migrer vers le format OpenDocument » ?
  • MiMOOo a-t-il eu, ou tenté d’avoir, une influence quelconque dans l’élaboration de la toute récente nouvelle version du Référentiel général d’interopérabilité qui, d’après l’April, « sème la confusion en préconisant deux formats bureautiques concurrents » ? (cf le communiqué de l’April : RGI : le cadeau de François Fillon à Microsoft)
  • Pourquoi un certain nombre de ressources créées en interne ne seraient-elles pas rendues publiques si elles sont susceptibles de profiter à toute la communauté ?
Question au personnel des ministères
  • Avez-vous vu passer MiMOOo dans votre service ? Si oui, dans quelles conditions (formation, accompagnement, documentation…) ?
  • Faites-vous partie des 400 000 postes qui ont migré vers OpenOffice.org ?
Questions à l’Éducation nationale
  • Qui est le représentant MiMOOo du ministère de l’Éducation Nationale ? Comment le contacter ?
  • De quels mandats ce représentant a-t-il été chargé par son ministère de tutelle ?
  • Fait-on une distinction entre la migration de l’informatique pédagogique (les postes des élèves et des enseignants) et la migration de l’informatique administrative (les postes de la direction, de l’intendance, etc.) ?
  • L’absence remarquée à la réunion du 19 mai est-elle ponctuelle ou permanente ?
Questions à OpenOffice.org
  • Quelle relation le projet francophone OpenOffice.org entretien-t-il avec MiMOOo ?
  • Le projet francophone OpenOffice.org offre-t-il assistance et expertise à MiMOOo ? Intervient-il dans les réunions, les formations ?
  • En retour, MiMOOo (que l’on peut assimiler ici à un « grand compte public ») fait-il remonter les remarques, avis, critiques, problèmes rencontrés lors du déploiement ? Donne-t-il accès aux ressources évoquées ?
Question à la cantonade
  • Est-il normal qu’une structure telle que MiMOOo, pour rappel composée exclusivement de fonctionnaires, soit si discrète dans son action, sa communication et la diffusion de ses ressources créées en interne ?

En espérant, sait-on jamais, que tout ou partie des questions trouveront réponse dans les commentaires. Parce que « la plus grosse migration OpenOffice.org au monde » mérite certainement plus que cela, c’est-à-dire pour le moment une seule page Web mise à disposition.

Edit du 16 novembre : 24h après la mise en ligne de ce billet est apparu un article MiMOOo sur Wikipédia qui répond à bon nombre des questions ! Merci pour cette excellente et originale initiative.

Notes

[1] C’est l’image virtuelle de la boîte de ce cédérom qui sert d’illustration à ce billet.




Viol de la licence GPL : Microsoft s’excuse et fait profil bas

Miss Rogue - CC by-saLa semaine dernière Microsoft a dû retirer de ses serveurs un logiciel qui permet d’installer Windows 7 à partir d’une image ISO, après qu’un bloggeur a découvert que le logiciel était une modification dissimulée d’un logiciel libre sous licence GPL dont Microsoft hébergeait lui-même les sources.

On attendait une réaction publique et officielle, la voici sous la plume de Peter Galli, rien moins que le « Open Source Community Manager for Microsoft’s Platform Strategy Group »[1].

Mise à jour de l’outil USB/DVD de Windows 7

Update on the Windows 7 USB/DVD Tool

Peter Galli – 13 novembre 2009 – Port 25
(Traduction Framalang : Gilles)

Comme vous avez pu le lire, et tel que cela a été indiqué ici, nous avons mené une enquête concernant l’outil de d’installation de Windows 7 depuis une clé USB, qui pouvait contenir du code sous licence GPL V2. le WUDT (NDT : Windows 7 USB/DVD Download Tool) est un outil gratuit, offert par le Microsoft Store, qui permettait à nos clients de créer une clé USB amorçable ou un DVD de sauvegarde à partir de l’édition électronique de Windows 7, disponible sous forme d’image ISO.

Après avoir analysé le code en question, nous sommes désormais en mesure de confirmer que tel était bien le cas, bien que cela n’ait pas été fait de manière délibérée. Bien que nous ayons confié cet outil à un développeur externe, nous partageons la responsabilité de cette situation; ce code est passé au travers des mailles de notre processus de revue de code. Nous avons également procédé à une revue d’autres portions de code disponibles dans le Microsoft Store, et il s’agit du seul incident que nous avons pu y découvrir.

Lorsqu’il est porté à notre attention qu’un composant de Microsoft contient du code développé par un tiers, notre objectif est de respecter les termes contractuels selon lesquels ce code est partagé. En conséquence, nous publierons le code source, ainsi que les fichiers binaires, de cet outil dès la semaine prochaine, sous les termes de la licence General Public Licence V2 (GPL V2), et prenons également des mesures pour améliorer nos futures revues de code, grâce à cette expérience

Nous nous excusons auprès de nos clients pour tout désagrément que cela a pu leur causer.

Notes

[1] Crédit photo : Miss Rogue (Creative Commons By-Sa)




Copyright Watch ou l’observatoire mondial et collaboratif du droit d’auteur

Copyright Watch - EFFHadopi aura non seulement contribué à intéresser un grand nombre de nos concitoyens sur un sujet autrefois chasse gardée des industries culturelles, mais elle aura également permis de mettre le focus sur la France (en refroidissant d’ailleurs peut-être certains autres gouvernements dans leur velléités d’en faire autant).

Or justement qu’en est-il exactement de la situation hors de nos frontières sur toutes ces questions autour d’un droit d’auteur[1] qui se trouve totalement bousculé par l’avènement des nouvelles technologies et pratiques en réseau qui en découlent ?

Force est de reconnaître qu’en dehors de notre propre pays et de celui, influence numérique oblige, des États-Unis, nous n’en avons bien souvent qu’une connaissance ponctuelle, partielle et parcellaire (même si des sites comme Numerama, FFII ou La Quadrature font de gros efforts pour nous tenir au courant, en particulier sur l’Europe).

C’est pourquoi la nouvelle initiative de l’Electronic Frontier Foundation est plus que bienvenue. Elle s’appelle Copyright Watch et vise à suivre et surveiller le droit d’auteur et ses évolutions dans chaque pays.

En effet, avoir ainsi à disposition eu un unique endroit des documents, liens et informations actualisées, indépendantes et localisées sur les législations en vigueur (ou en préparation) nous sera précieux pour étude, information, comparaison, action, etc.

Le projet débute à peine, il est pour ainsi en bêta actuellement. Le premier objectif étant de trouver des correspondants (NdT : des local copyright monitors) prêt à maintenir leurs informations nationales à jour. Une fois ceci réalisé nous serons alors en présence d’une ressource de référence nous permettant d’avoir une meilleure vue d’ensemble sur la situation internationale, pointant ici des lois liberticides et là des lois favorisant au contraire le partage et diffusion d’une culture des biens communs.

Une base de données d’autant plus bienvenue que tout le monde n’a pas forcément intérêt à ce que tout ceci soit facilement accessible 😉

Qu’est-ce que Copyright Watch ?

About Copyright Watch

Copyright Watch – Novembre 2009 – Traduction partielle de la page « About » du site
(Traduction Framalang : Siltaar et Goofy)

Avant, le détail des lois sur le droit d’auteur n’était important que pour une minorité travaillant dans les industries culturelles. Désormais, avec la croissance d’Internet, nous sommes tout concernés car nous sommes potentiellement tous des auteurs, éditeurs, et partageurs d’œuvres de création.

Notre rêve est ici de construire une ressource conviviale sur les lois nationales du droit d’auteur afin d’aider les citoyens du monde à entreprendre des recherches comparatives. Nous souhaitons en effet sensibiliser à l’importance d’un droit d’auteur équilibré dans la société de l’information, et attirer l’attention sur les points communs et les divergences dans l’approche législative des différents pays.

Nous avons aussi voulu créer un outil de partage d’information, où des correspondants locaux pourraient publier des informations à propos des amendements proposés sur leurs propres lois du droit d’auteur, et à comprendre les changements dans celles des autres.

Nous espérons que Copyright Watch sera une ressource maintenue et conduite par la communauté de l’accès au savoir (NdT : Access to Knowledge movement, c’est-à-dire nous tous si nous participons) et que ce système de veille sur le droit d’auteur dans chaque pays permettra de garder cette information pertinente et à jour.

Enfin, nous espérons que Copyright Watch aidera à documenter l’importance du droit d’auteur sur tous les aspects de la vie culturelle et des libertés fondamentales. Équilibrées et bien calibrées les lois sur le droit d’auteur sont extrêmement importantes dans notre société mondiale et mondialisée de l’information.

Le plus petit changement dans l’équilibre juridique entre les ayants droit et le public peut permettre ou détruire des modèles économiques, criminaliser ou libérer des comportements quotidiens, et transformer ou éradiquer de nouvelles technologies. Une loi qui est passée dans un pays peut rapidement être reprise par d’autres, par des accords commerciaux bilatéraux, des initiatives politiques régionales ou des traités internationaux.

Nous devons tous rester vigilants.

Notes

[1] Rappelons une nouvelle fois que le Copyright anglo-saxon n’est pas synonyme de Droit d’auteur (cf liens Wikipédia).




La neutralité du réseau – Benjamin Bayart – Extrait du livre La bataille Hadopi

La bataille Hadopi - InLibroVeritas - CC by-sa et Art Libre« La bataille d’Hadopi n’a été, finalement, qu’une des batailles, ni la première, ni la dernière, de la guerre qui vise à obtenir ou maintenir la liberté d’expression sur les réseaux, et donc qui vise à consacrer le principe de la neutralité du réseau. C’est la première grande guerre des enjeux politiques du 21e siècle. »

Ainsi s’achève ce très intéressant article de Benjamin Bayart pioché dans le non moins intéressant livre choral d’InLibroVeritas La bataille Hadopi (et ses 40 auteurs).

Benjamin Bayart, c’est le président de French Data Network (FDN). C’est aussi l’homme de la désormais célèbre expression du « Minitel 2.0 » et de la citation suivante qui prend le même chemin : « l’imprimerie a permis au peuple de lire, Internet va lui permettre d’écrire ».

Mais c’est surtout un « expert des libertés numériques » (dixit Nicolas Dupont-Aignan) et certainement l’un des meilleurs d’entre nous lorsqu’il s’agit d’exposer et d’expliquer ce sujet à la fois simple (à comprendre) et complexe (à défendre) qu’est la Neutralité du Net.

C’est pourquoi cet article synthèse, au style plaisant malgré la rugosité du propos, nous semble important à lire et à faire lire.

PS : Vous trouvez l’article trop long pour un blog ? C’est peut-être parce qu’Internet vous a rendu idiot ! Mais nous avons une solution : commander le livre, dont les bénéfices iront intégralement à La Quadrature du Net, et qui vous fera découvrir par la même occasion 39 autres articles du même acabit.

La neutralité du réseau

URL d’origine du document

Benjamin Bayart – Octobre 2009 – La Bataille Hadopi (InLibroVeritas)
Licence Creative Commons By-Sa et Licence Art Libre

La bataille d’Hadopi, telle que nous l’avons connue à l’Assemblée Nationale et dans les médias a eu plusieurs vertus. La première, longuement expliquée déjà, est d’avoir amené à la politique toute une population, appelée « les Internautes » pour faire simple, qui ne s’en préoccupait pas vraiment avant.

La seconde vertu de la bataille d’Hadopi, c’est d’avoir permis de bien mettre en avant ce qui est, au fond, l’enjeu central de tous ces sujets, à savoir non pas la rémunération des artistes, auteurs et troubadours, mais la neutralité du réseau et ses enjeux.

En effet, quand le Conseil Constitutionnel a eu à connaître de ce texte, finalement bébêtte, qui menaçait de couper d’Internet les enfants qui téléchargent comme nos parents nous privaient de télé, il le censura. Et pas sur de l’argutie légère ou sur un point de détail, non, sur du fondamental, sur du lourd, du très lourd : présomption d’innocence et liberté d’expression. Deux des piliers des Droits de l’Homme depuis 1789.

Comment cette loi supposée traiter un problème assez léger a pu se cogner dans des problèmes aussi lourds ?

Internet – liberté fondamentale

Pour expliquer ça, il faut revenir un peu en arrière, et essayer de comprendre ce qu’est Internet, et son influence sur la marche du monde. Internet est, en beaucoup de points, comparable à l’imprimerie. D’abord par sa nature, c’est un moyen de diffusion de la connaissance, et d’accès à celle-ci. Ensuite, par ses conséquences. L’invention de l’imprimerie, et son lent développement, à partir de 1445, ne peut pas être séparée des évolutions majeures de l’époque. Pas de renaissance et de démarche scientifique sans moyen moderne de diffusion des connaissances. On ne peut pas séparer la renaissance du renouveau philosophique, et en particulier de la philosophie des Lumières, donc des révolutions démocratiques. De même que tout le progrès scientifique et technique du dix- neuvième siècle est impensable sans les avancées fondamentales de la renaissance et la naissance de la démarche scientifique.

Ce n’est pas l’imprimerie qui a fait ça. On peut toujours lancer des petits caractères en plomb sur les soldats, ça ne renverse pas les gouvernements. Mais l’imprimerie était une étape nécessaire, pour permettre ces évolutions et ces changements, il fallait un moyen moderne et rapide de diffuser et de conserver le savoir pour qu’il puisse s’accroître.

De la même manière, Internet change très en profondeur la façon dont se diffuse, et donc la façon dont se crée, le savoir. Une bonne façon de résumer ça est de dire que l’imprimerie a permis au peuple de lire, Internet va lui permettre d’écrire.

On a déjà dit cent fois qu’Internet met à la disposition de tous, et sans coût notable, modulo quelques barrières pénibles, la totalité du savoir de l’humanité, c’est facile à comprendre. On a moins souvent dit, parce que c’est moins clair pour un esprit formé au siècle dernier, qu’Internet permet à chacun de construire le savoir de l’humanité, c’est-à-dire d’écrire.

Bien entendu, chacun sait qu’Internet n’est pas qu’un lieu d’échanges savants entre érudits. Forcément. L’imprimerie ne sert-elle qu’à imprimer des ouvrages savants ? Pour un livre « intelligent », combient sont imprimés de prospectus, de tracts, de catalogues, de correspondances sans intérêts (factures, relevés, avis, et autre paperasses) ? Et bien Internet suit la même pente. Fondamentalement, il a été créé pour diffuser et produire de la connaissance scientifique à grande échelle et rapidement, mais il était évident depuis le premier jour qu’il servirait aussi à diffuser et produire tout le reste de ce qu’on peut vouloir diffuser ou produire comme information.

Cependant, bien que l’imprimerie soit en majorité utilisée à des fins futiles, il ne vient à l’idée de personne de remettre en cause la liberté de la presse. Il y a là une logique, l’outil technique a apporté une avancée pour la société, et c’est pour défendre l’avancée qu’on défend l’outil. D’une manière similaire, Internet crée une percée importante, un changement profond, même si une partie colossale du trafic sur le réseau correspond à autre chose.

Un argument souvent opposé à cette vision du réseau est d’expliquer que les discussions y sont trop souvent d’un faible niveau, qualifiées de discussions de café du commerce. Là encore, c’est une analyse à courte vue. D’abord parce que la forme d’expression permise par le café du commerce ne permet pas de construire de vrais argumentaires : on est dans l’oral, dans le périssable, et dans le débat privé, donc sans argumentation extérieure possible. Ce qu’Internet crée comme débat est structurellement différent. Les débats sur la place publique, le plus souvent par écrit, permettent aux points de vues de se confronter, de s’invalider, ou au contraire de se renforcer, de s’étayer. De tout cela, il ressort une espèce de discussion du café du commerce dont on consignerait les arguments par écrit, pour les étudier, les rendre publics, bref, pour en faire une vraie réflexion. Au final, c’est plus proche des débats publics, qu’on connaît depuis longtemps, mais qui ne sont plus réservés à de petits groupes.

De tout celà, une idée forte est à retenir : Internet est l’avancée technique qui a permis, enfin, l’exercice réel de la liberté d’expression. La presse, on s’en rend compte avec le recul, ne fournissant au fond que la liberté d’accéder à l’information. Et c’est bien sur cette base-là que la Conseil Constitutionnel a censuré l’Hadopi, c’est bien en se référant à l’article 11 de la Déclaration Universelles des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, à savoir :

Art. 11 : La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme ; tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi.

On a donc, validé par le Conseil Constitutionnel, cette première étape de marquée : Internet est essentiel à l’exercice de la liberté d’expression, qui est une liberté fondamentale.

Hadopi – Besoin d’un juge

C’est le premier point, immense, gagné dans la bataille d’Hadopi. Maintenant, ce n’est plus une renvendication, ce n’est plus un point de vue de visionnaire maniaque du réseau ou de futurologue échevelé, c’est une décision, forte, d’une autorité qu’on ne peut pas soupçonner de travailler avec légèreté, ou de se laisser emporter par sa technophilie. Or, de ce point fondamental qui vient d’être édicté par le Conseil, il découle des conséquences inattendues et fortes, pour ceux qui pensaient priver les gens d’Internet comme on prive un enfant de télévision ou de dessert.

En effet, priver un citoyen d’une liberté fondamentale, ce n’est pas une décision qui se prend à la légère. Il y a des cas, prévus, connus, codifiés, mais ce sont des sanctions lourdes, pour des délits ou des crimes graves. L’exemple le plus connu, et pratiquement le seul, est l’emprisonnement ou l’assignation à résidence[1]. Une telle mesure de privation de liberté ne peut être décidée que par un juge, et dans le cadre d’une procédure contraignante. Ce qu’on apprend donc, toujours en lisant la même décision du Conseil, couper l’accès Internet d’un citoyen, c’est aussi sérieux que de l’envoyer en prison, et ne peut donc pas se faire dans n’importe quelles conditions. On est maintenant bien loin de la petite loi simpliste, pensée trop vite par des gens qui ne comprennent plus le monde qui les entoure.

De là, bien entendu, les autres conséquences qu’en tire le Conseil dans sa décision, à savoir que la présomption d’innocence est de mise, qu’il faudra des preuves de la matérialité des faits pour condamner, que le juge sera requis, que le mouchard filtrant obligatoire pour pouvoir se disculper n’est pas valable dans ce contexte, bref, tout l’édifice Hadopi s’effondre.

Neutralité du réseau

Un point n’est pas abordé par le Conseil Constitutionnel dans sa décision, et pourtant il est important pour comprendre là où on va, c’est celui de la nécessité de la neutralité du réseau.

Pour aborder ce sujet-là, il faudrait faire un peu de technique, expliquer avec quelques termes barbares des notions affreuses, comme l’analyse de traffic, l’analyse protocolaire, l’analyse de contenu, l’analyse de comportement, et le tout dans un beau jargon anglais. Pour éviter cela, on va se contenter d’une définition intuitive et pratique : on dit que le réseau est neutre si on sait qu’on peut lui faire confiance pour ne pas altérer le message. C’est le cas par exemple du réseau utilisé pour les discussions orales : quand on parle, de vive voix, en face à face, on sait que l’air qui nous sépare ne modifie pas les propos, que ce qui est dit est vraiment dit. Qu’il vienne se glisser dans la discussion un interprète, et alors, forcément, la question de confiance se pose.

L’intermédiaire, dans cet échange, n’est acceptable que si les deux interlocuteurs lui font une confiance entière et absolue. à tel point que, lorsqu’on n’a pas confiance en l’interprète, chacun vient avec le sien. On dit alors que le réseau est neutre quand il joue le rôle d’un interprète idéal, réussissant à transporter le message sans l’altérer en rien, sans le déformer.

Une autre façon de le dire, c’est de considérer ce qu’est Internet. D’où que je sois sur le réseau, je vois Internet. Si l’Internet que je vois depuis un point A n’est pas le même que l’Internet que je vois depuis un point B, alors, quelque part, quelque chose n’est pas neutre. Par exemple, quand un site est filtré dans un pays, c’est une atteinte à la neutralité du réseau : depuis ce pays-là, le site ne marche pas, et curieusement depuis partout ailleurs il marche bien. Par exemple, quand un site est enrichi : je peux mettre en place, sur le réseau de mon entreprise, un mécanisme qui fait qu’à chaque fois que j’accède à tel site de mon fournisseur habituel, il soit affiché des informations annexes (dernière fois qu’on a commandé tel produit, quantité disponible en stock, etc). Quelqu’un qui viendra se connecter à ce réseau verra un site qui n’est pas le même que celui qu’il voit quand il se connecte depuis chez lui : mon réseau n’est plus neutre, il fausse la communication, il ajoute des informations qui n’existent pas.

La neutralité des réseaux est importante. En fait, autant que le réseau lui même. C’est presque sa définition. Internet n’est que l’accord d’interconnexion, techniquement neutre, entre les réseaux de plus de 40.000 opérateurs sur la planète. Supprimez cette neutralité, et ce n’est plus Internet.

Il ne faut pas se méprendre, ça ne veut pas dire qu’il ne faut pas, jamais, enrichir ou filtrer, simplement, que ce n’est pas le réseau qui doit le faire, et que si un réseau fait ça, ce n’est plus Internet.

Pour reprendre les exemples précédents, le service, fort utile, imaginé sur ce réseau d’entreprise, n’est pas en soi une mauvaise chose. Simplement, ce réseau d’entreprise n’est plus Internet. C’est un réseau d’entreprise, un outil interne, comme le logiciel de comptabilité ou l’outil pour faire les devis.

Il y a donc deux éléments fondamentaux pour définir la neutralité du réseau : le premier est que jamais le réseau lui-même ne doit altérer en rien le contenu, le second est que les altérations sont nécessairement pilotées en périphérie du réseau. Par exemple quand je filtre les mails publicitaires (les spams), c’est moi qui ai la maîtrise de ces filtres, je peux les activer ou les désactiver, selon mon bon vouloir. Et ce point-là est fondamental, c’est moi qui trie le courrier intéressant du courrier inutile, pas le facteur.

Pilier des libertés

La neutralité du réseau n’est pas, en elle-même, une liberté fondamentale. Mais c’est un élément important, parce que sur cette neutralité sont adossées des libertés.

Par exemple la liberté d’expression évoquée par le Conseil Constitutionnel, n’a pas de sens sur un réseau qui ment : comment savoir si le texte que je suis en train d’écrire sera bien reçu, non modifié, par mes lecteurs ? Comment savoir s’il sera modifié, et si oui par qui ? Moi, je vois bien ce texte tel que je l’ai posté. Tant qu’Internet est neutre, et que donc tout le monde voit le même Internet, alors tout le monde voit mon texte tel que je l’ai publié. Sitôt que le réseau n’est plus neutre, je n’ai aucun moyen de savoir ce que voit mon voisin. Donc, sur un réseau non-neutre, je ne peux pas exprimer librement ma pensée, et donc l’exercice pratique et réel de cette liberté est remis en cause.

Par exemple la liberté d’accès à l’information. En effet, tant que le réseau est neutre, chacun peut être confiant dans ce qu’il lit sur le réseau. Non pas que toutes les informations y soient justes (ce serait utopique comme croyance), mais simplement de savoir que l’information qu’on reçoit est bien celle qui a été émise. Si le réseau n’est plus neutre, comment savoir si le texte est bien le fruit de la pensée de son auteur, ou s’il a été ‘‘ caviardé ’’ au passage par les habiles ciseaux de la censure moderne ? Si je ne peux plus avoir confiance dans le réseau de transport, alors je ne peux plus avoir confiance dans l’information qui est dessus. La liberté d’accès à l’information est amputée.

Par exemple, la libre concurrence, qui est une liberté moindre en général (la liberté de choisir son fournisseur, par exemple), peut devenir fort sérieuse sitôt qu’on parle d’accès à l’information (choisir un quotidien par exemple, ce n’est pas tout à fait comme choisir une marque de lessive). En effet, les atteintes à la neutralité du réseau sont souvent le fait d’opérateurs en place, ou de fournisseurs de services bien implantés, utilisant une position de force pour évincer d’éventuels concurrents. Ce mode de fonctionnement n’est pas le modèle habituel d’Internet. En effet, sur un réseau neutre, n’importe quel abonné à Internet peut, de chez lui, proposer n’importe quel service, et peut donc, sans permis, sans moyens financiers particuliers, sans moyens techniques particuliers, innover et mettre en œuvre des idées nouvelles. Sur un réseau non-neutre, ce n’est plus possible. Les modèles économiques qui découlent de ce choix d’un réseau neutre ou non ont, entre autre conséquence, pour effet d’empêcher l’innovation en la réservant aux acteurs en place.

Si la neutralité du réseau n’est pas une liberté en elle-même, elle est nécessaire à pouvoir garantir d’autres libertés, tout comme la séparation et l’équilibre des pouvoirs n’est pas une liberté en elle-même, mais une condition nécessaire.

Modèle économique

L’argument le plus souvent employé par les opposants à la neutralité des réseaux est celui de la congestion. Internet serait trop plein, et, étant rempli, il faudrait rationnaliser l’usage de la bande passante devenue rare. La technique habituelle de rationalisation des ressources rares étant l’économie, on transporterait de manière plus prioritaire les données des plus offrants, et donc on pénaliserait les autres.

Cet argument a pour principale caractéristique d’être faux. Sauf dans sa causalité, en effet le réseau est très régulièrement saturé. Et ce de manière normale et naturelle. En moins de dix ans, la France est passée, par exemple, de zéro à plus de dix-huit millions d’accès permanents à haut débit, générant des usages, et donc de la charge pour le réseau. Dans cette croissance très rapide, bien entendu, il y a des phases de saturation, qui sont résorbées en investissant sur la capacité du réseau.

Il y a deux façons de traiter une saturation du réseau, l’une qui est d’investir sur la capacité du réseau, cet investissement devant être refait très régulièrement, aussi longtemps que les usages continueront de croître à un rythme soutenu, l’autre étant d’investir, très régulièrement aussi, dans des équipements permettant de sélectionner le trafic à faire passer en priorité. Ces deux modèles correspondent à des niveaux d’investissements similaires, simplement pas sur les mêmes technologies.

Porter atteinte à la neutralité du réseau est donc bien, effectivement, un moyen de résoudre une saturation du réseau, tout comme on peut résoudre une pénurie de logements en augmentant les prix des loyers, ou en construisant des logements. Simplement, ce moyen est dangereux, qui porte atteinte, comme on l’a vu, aux libertés. Laisser à des opérateurs privés, à des financiers, le choix de porter atteinte aux libertés individuelles n’est pas une option valable.

Difficultés techniques

Filtrer Internet, puisque c’est bien de cela qu’on parle, pose de grosses difficultés techniques :

  • Que ce soit du filtrage pur (faire disparaître tel contenu), et on se retrouve alors avec des moyens qui fleurissent pour contourner le filtre. Par exemple, tel texte est interdit, il circulera le lendemain sous forme d’une image, ou d’un enregistrement audio.
  • Que ce soit de la priorisation de trafic, et là aussi les moyens de contournement fleuriront. Le trafic web est plus rapide que le trafic de partage de musique chez mon opérateur ? Dans les jours qui suivent, l’application de téléchargement ressemblera à s’y méprendre à du trafic web, pour devenir elle aussi favorisée.

Ce n’est pas nouveau, c’est le principe de l’arme et de l’armure. Plus l’arme est puissante, plus l’armure est solide. Et, en matière de réseau et de numérique en général, la puissance des moyens de contournement des filtres se trouve sur les ordinateurs en périphérie du réseau (basiquement, sur mon bureau). Or il y a beaucoup plus de puissance sur les ordinateurs individuels des utilisateurs que sur la totalité de tous les systèmes de traitement du réseau lui-même. Pour faire un parallèle hasardeux : que les automobilistes décident de ne plus s’arrêter au péage, et, forcément, les barrières de péage seront explosées. Il y a trop de voitures pour les contenir autrement qu’avec la bonne volonté des conducteurs.

Difficulté politique

Par ailleurs, le filtrage décidé par un état, en général sous couvert de nobles objectifs, comme par exemple de museler les terroristes, ou de protéger les enfants, etc. pose une vraie difficulté politique.

Chaque état aura sa propre politique de filtrage, selon ses propres critères, correspondant à sa notion de l’intérêt général. Par exemple, l’Iran et les USA n’ont pas la même vision de ce qu’est un dangereux terroriste mettant en danger la nation. Or le trafic, sur Internet, passe d’un opérateur à l’autre, sans faire vraiment attention aux pays. Si chaque pays a sa propre politique de filtrage, alors le filtrage résultant, pour l’internaute, est la somme des effets de ces politiques sur le chemin suivi par sa communication.

Pour aboutir à un résultat cohérent, il faut donc une cohérence des filtrages. Sans quoi, quand je veux accéder à une information interdite dans le pays A, je m’arrange pour que ma connexion passe plutôt par un pays B qui a d’autres vues, chose qui est techniquement assez simple, et en train de se démocratiser. D’ailleurs, pourquoi ces techniques sont en train de se démocratiser ? Elles ont été mises au point en général pour des usages pointus, par exemple d’accéder aux données clefs de l’entreprise, pour le cadre dirigeant, depuis chez lui, sans risque pour la sécurité de l’entreprise. Elles ont été raffinées pour contourner les filtrages les plus voyants, par exemple pour accéder à de l’information y compris quand on est en Chine. Et elles sont en train de se démocratiser… à cause de la bataille d’Hadopi et des batailles voisines qui ont lieu dans toute l’Europe.

Le premier grand combat

Au final, tout ça nous dit quoi ? Qu’Internet est important, que ce n’est pas un jouet, mais un pilier de la société de demain. Et qu’on ne peut pas en faire n’importe quoi. En particulier, on ne peut pas se permettre de l’abîmer, de le polluer, de le filtrer.

La bataille d’Hadopi n’a été, finalement, qu’une des batailles, ni la première, ni la dernière, de la guerre qui vise à obtenir ou maintenir la liberté d’expression sur les réseaux, et donc qui vise à consacrer le principe de la neutralité du réseau. C’est la première grande guerre des enjeux politiques du 21e siècle.

Notes

[1] Qui portent, bien entendu, atteinte à la liberté d’aller et venir, qui est elle aussi une liberté fondamentale.




Le framabook Simple comme Ubuntu nouveau est arrivé !

Framabook - Simple comme Ubuntu 9.10 - Cover Alexandre Mory Art LibreEn avance sur le Beaujolais, nous sommes heureux et fiers d’annoncer la sortie du nouveau framabook Simple comme Ubuntu (ou SCU) dans son millésime 9.10 Karmic Koala.

Comme il a en a pris la bonne habitude, il suit d’à peine quelques jours la sortie de la nouvelle version d’Ubuntu.

C’est la résultante du travail intense de son auteur Didier Roche, accompagné par les remarques et suggestions de toute la communauté, sans oublier la fine équipe de relecteurs et un éditeur InLibroVeritas qui trouve encore le temps d’être prêt malgré La bataille Hadopi qu’il mène sur tous les fronts.

Une petite interview s’imposait. D’autant que, grande et originale nouveauté, il n’est pas courant de trouver un livre « dans » un système d’exploitation !

PS : J’en profite pour rappeler que la collection Framabook a pour slogan « le pari du livre libre » et qu’en commandant (pour vous ou pour offrir à l’approche des fêtes) sa version matérielle chez InLibroVeritas, vous contribuez à soutenir tout le projet.

Entretien avec Didier Roche

Bonjour Didier, peux-tu te présenter brievement et nous décrire tes multiples activités autour d’Ubuntu ?

Didier RocheBonjour Alexis,

Je suis un ingénieur de production informatique de 26 ans travaillant dans une grande boite d’édition logicielle française (propriétaire, mais c’est un bug que je suis en train de corriger hardiment ;)).

Cela fait un peu plus d’une dizaine d’années que j’utilise un système GNU/Linux et j’ai donc connu et utilisé de multiples distributions : Red Hat, Mandrake, Debian pendant plusieurs années pour certaines…

J’ai adopté Ubuntu dès ses débuts (première installation en novembre 2004) et jamais lâché depuis.

Je suis depuis bientôt deux ans secrétaire de l‘association Ubuntu-fr, après avoir été quelques mois administrateur de sa partie documentation. J’aide notamment à l’organisation de l’Ubuntu party parisienne. Participer à une association de ce type fait que l’on se doit d’être présent les nombreux et classiques événements du Libre auxquels Ubuntu-fr participe ou initie.

Enfin, je suis également ce que l’on appelle MOTU (signifiant pompeusement « Master Of The Universe »), groupe de développeurs ayant les droits adéquates qui s’occupe des dépôts universe/multiverse d’Ubuntu. Cependant, je travaille plus particulièrement dans l’équipe « desktop » qui s’occupe principalement de mettre à jour GNOME dans Ubuntu. A ce titre, j’ai eu la chance d’être sponsorisé par Canonical (société principale qui finance de nombreux développeurs Ubuntu) pour aller à l’UDS (Ubuntu Developer Summit) en mai dernier à Barcelone et à Dallas dans une quinzaine de jours. Cela m’a permis d’être le principal développeur de Quickly, projet poussé par Canonical afin de créer une application distribution et technologie agnostique, qui permet de rendre plus aisée la programmation sous GNU/Linux (plus d’information sur LWN).

Ton livre Simple comme Ubuntu (alias le SCU) est une grande réussite de « l’édition libre », et une belle collaboration Ubuntu-fr, InLibroVeritas et Framasoft. Peux-tu nous en raconter la génèse, son évolution et en quoi ce choix de la licence libre est important pour toi ?

Simple Comme Ubuntu a une histoire très singulière que j’évoque rapidement dans sa préface. Lors de mes études d’ingénieur généraliste (comprendre un environnement avec peu de véritables passionnés d’informatique), j’étais en 2005-2006 dans une association au nom d’Afric’Edu dont l’objectif est la récupération, le reconditionnement et l’envoie de matériel informatique dans les écoles d’Afrique. On officie également une formation sur place sur un mois. Voulant installer un système d’exploitation Libre basé sur GNU/Linux (comme l’année précédente), je pensais qu’Ubuntu convenait parfaitement aux besoins. Cependant la connaissance de l’équipe sur GNU/Linux frisait malheureusement l’axe des abscisses, un peu gênant pour ensuite effectuer des formations, non ? 🙂

Ayant vu l’excellente suite de billet de yeKcim sous licence CC By-Sa, je me disais à l’époque qu’il ne manquait pas grand chose pour en faire une documentation complète. J’ai naturellement respecté la licence, conscient de ses bienfaits et publié « Simple Comme Linux » (pour Dapper Drake 6.06), un pdf d’une quinzaine de pages que nous avons utilisé en support de cours au Togo.

Rentré d’Afrique, je l’ai publié sur le forum d’Ubuntu-fr où de nombreux retours et suggestions ont été faites. La documentation s’est ainsi étoffée jusqu’à atteindre environ 70 pages où Alexis Kauffmann m’a alors parlé en novembre 2006 de la collection Framabook qui n’était alors formée que d’un seul opus sur Thunderbird. Le passage d’une documentation à un véritable livre a été particulièrement chronophage, mais le résultat a plu et plaît encore, et c’est ce qui compte !

À nouvelle version d’Ubuntu, nouvelle version du SCU. Quelles en sont les principales nouveautés ? Je crois savoir qu’il y en a une de poids tout à fait originale…

Tout à fait. Depuis la version Karmic, Simple Comme Ubuntu est maintenant… dans Ubuntu ! C’est à dire qu’il fait parti des dépôts universe (il suffit d’installer le paquet simplecommeubuntu) pour avoir accès au livre librement et légalement en version électronique, installé sur sa machine. Les sources en LaTeX permettent de construire le pdf comme tout autre logiciel de la distribution, ce qui permet d’avoir un accès aisé aussi bien aux sources qu’au contenu. Son intégration dans les archives du projet Debian est en cours.

Chaque nouvelle version d’Ubuntu est un réel challenge. Car en plus du surplus d’activité au niveau Ubuntu-fr, il y a également la release d’Ubuntu côté développement qui me prend énormément de temps. Chaque mise à jour du livre (tous les 6 mois) nécessite une moyenne d’une cinquantaine d’heures au niveau des modifications et changement des copies d’écran. La deadline est par conséquent très serrée ! Nous essayons d’être le plus réactif possible. L’excellent comité de relecture de Framabook, que je ne remercierai jamais assez pour l’acharnement de ses membres (certains depuis juin 2006 !), permet d’obtenir un niveau de qualité très satisfaisant.

Aujourd’hui (cela s’est fait graduellement et non sur mon impulsion, bien au contraire), Simple Comme Ubuntu est devenu en quelque sorte le livre officiel de la communauté francophone (il suffit d’aller voir sur le forum le nombre d’échanges le conseillant), nous l’avons donc, à partir de cette version, intégré aux 3 000 CD francophones qu’Ubuntu-fr presse à ses frais et vend sur les divers évènements où nous nous rendons (il sera également sur la clef de la Framakey Ubuntu-fr Remix version Karmic). Rien de mieux que d’avoir ensemble le(s) logiciel(s) et la manière de les utiliser. 🙂

Concernant les nouveautés et dans le plus pur esprit du Libre, je n’ai pu résister à joindre ci-dessous le changelog des changements impactés dans le livre (gérant le livre dans un VCS, je pourrais même fournir un patch) 🙂

Merci Didier pour ces précisions. Tu nous donnes rendez-vous à l’Ubuntu Party de Paris ?

Exactement, il y a des Ubuntu Party dans la France entière, la plus importante en terme de visites (4000 personnes aux deux précédentes éditions) étant à Paris, au Carrefour Numérique, Cité des sciences et de l’industrie les 28 et 29 novembre. De nombreuses associations du Libre (dont Framasoft) y tiendront un stand et il y a de nombreuses conférences et activités proposées pour tous les niveaux, de débutant à confirmé.

N’hésitez pas à venir nous rencontrer et rester informé sur le programme complet bientôt publié sur le site de l’Ubuntu party.

Didier

Découvrir la nouvelle version 9.10 du framabook Simple comme Ubuntu…

Release note de SCU version 9.10

  • Mise à jour des tous les éléments de Jaunty vers Karmic. Nombreuses images également modifées.
  • Revue de la procédure d’installation. Quelques remarques supplémentaires sur l’installation et le chiffrement de partition
  • Modification suite au passage de gdm 2.28
  • Modification des éléments dans Systèmes (un vrai bento de renommage), ajout d’ibus et suppression de SCIM
  • Sources de mises à jour redevient sources de logiciels une énième fois :/
  • Ajout de palimpset
  • Suppression d’évolution dans la barre supérieure par défaut
  • Modifier des éléments du tableau de bord en haut à droite (NM, Icône présente, etc.): une bonne pelletée de changements 🙂
  • Nombreux changements dans l’applet FUSA
  • Remplacement d’ajouter/supprimer par l’App Center d’Ubuntu. Adaptation de la partie dédiée. Beaucoup de modifications tout au long du livre (notamment le fait qu’il n’y ait plus de confirmation pour l’installation d’appli dans universe et également que toutes les applications soient disponibles par défaut). Il n’y a plus d’indicateur de popularité non plus
  • Modifications de la nettoyeur système
  • Suppression de l’installation de la version propriétaire de Java vu que la version libre a bien évolué et permet maintenant d’adresser la plupart des cas.
  • Ajout et modification de l’écran de changement de fond d’écran
  • Le clin d’oeil du thème vista basic a été gardé le temps de trouver un screenshot potable pour faire un seven basic 🙂
  • La nouvelle version de gdm n’est plus thémable graphiquement
  • Gnome-screenshot -> option pour prendre une partie de l’écran.
  • Petite note pour indiquer que tracker n’est pas installé par défaut, idem pour deskbar
  • Changement de l’outil pour gérer la connexion automatique et par défaut de GDM
  • Ajout de exec devant numlock et déplacement au chapitre 7
  • Ajout précision sur ami de root et la notification pour dropper les privilèges
  • Changement de la méthode de notification de connexion wiki/ethernet. Suppression des icônes et modifiant du descriptif correspondant.
  • Ajout d’empathy
  • Rafraichissement de la description de pidgin
  • Racketiciel et detaxe.org ont maintenant fusionnés: un seul lien
  • Le clavier par défaut proposé maintenant en « France – Alternative »
  • Ext4 est maintenant utilisé par défaut
  • Support linguistique: prise en charge des langues
  • Puis prise en charge linguistique -> prise en charges des langues
  • Note sur chiffrement et trousseau qui apparait désormais uniquement si vous utilisez un trousseau de clef.
  • Test du matériel -> Test du système
  • Renommage de certains boutons comme Installer/supprimer des langues -> Installer / supprimer des langues
  • Suppression de la gravure directement par Nautilus
  • Comparaison de Cinelerra avec Adobe Premiere et ajout des dépôts de lprod pour installer ce dernier.
  • Quelques modifications sur la description des onglets dans Firefox
  • La situation des cartes graphiques d’ATI se sont améliorés. Remarque mise à jour
  • Suppression de la remarque sur Waow de Vista vu que maintenant Seven est sorti 😉
  • Modification sur une remarque sur les noyaux (pour 1 Go de RAM, t’as plus rien ;))
  • Des liens de logiciel changés, textes rafraichis
  • Sélectionner avec un motif -> Sélectionner les éléments correspondants à \ldots{}
  • Ajout sur la version électronique du descriptif du projet Framabook
  • Corrections de quelques zillions de coquilles, reformulations, etc. 🙂



Google se conjugue au futur et Microsoft au passé ?

Google sfida Microsoft con Chrome - Copyright Federico FieniOn le sait, Microsoft n’a pas vu venir le Web et ne porte pas le logiciel libre dans sa culture (c’est le moins que l’on puisse dire).

À partir de là comment s’étonner qu’un Google lui fasse aujourd’hui concurrence et menace demain d’attaquer frontalement ses deux plus beaux fleurons (et source colossale de revenus) que sont le système d’exploitation Windows et la suite bureautique MS Office.

Un Google qui a massivement investi dans le cloud computing, l’informatique dans les nuages, Un Google qui non seulement ne méprise pas le logiciel libre mais sait très bien l’utiliser quand ça l’arrange, par exemple pour faire s’y reposer son navigateur Chrome ou son prochain et très attendu Google OS (histore de boucler la boucle)[1].

À propos de Google OS, un petit coup de Wikipédia : « Google Chrome OS est un projet de système d’exploitation qui sera fondé sur son navigateur Web Chrome et un noyau Linux. À destination des netbooks dans un premier temps, il serait capable, à terme, de faire tourner des ordinateurs de bureau traditionnels. Google laisse à penser que son OS fonctionnerait en ligne sur tout ou partie, comme ses applications (Google Documents, Gmail, etc.). Après sa suite gratuite Google Documents concurrent de la suite payante Microsoft Office, puis Android face à Windows Mobile, ce nouveau système d’exploitation gratuit attaque le cœur du business Microsoft. »

La fin d’un cycle, si ce n’est d’une époque ?

Google est en compétition pour le futur; Microsoft, pour le passé

Google competes for the future; Microsoft, the past

Matt Asay – 23 octobre 2009 – CNET News
(Traduction Framalang : Poupoul2 et Goofy)

Google est né sur le Web, et provoque de plus en plus de quintes de toux chez Microsoft en contraignant le géant séculaire du logiciel à se battre en utilisant les règles de Google. Comme avec l’open source. Comme avec l’informatique dans les nuages.

Microsoft pourrait se reposer sur ses lauriers dans l’immédiat grâce au lancement réussi de Windows 7. Mais à long terme son plus grand succès que représentent ses vieux logiciels de bureautique menace de céder le marché à Google.

Ce n’est pas très équitable pour Microsoft. Microsoft est victime de son propre succès, en ayant besoin de s’adresser à sa clientèle existante à chaque nouvelle version, coincé qu’il est par le « dilemme de l’innovateur ». Microsoft continue de remplir ses caisses, mais ses deux derniers trimestres ont vu ses forces traditionnelles telles que le système d’exploitation Windows devenir un frein pour ses revenus, tandis que les entreprises dépensent toujours plus d’argent auprès de Google, Red Hat et quelques autres.

L’absence d’héritage de Google lui permet d’innover rapidement à large échelle, comme le suggère Todd Pierce, directeur technique de Genentech et client de Google :

Le rythme d’innovation de Google…, enfin bon, le cycle de production d’Oracle, SAP et Microsoft est de cinq ans, celui de Google est de cinq jours. C’est incrémental. En cinq jours, vous ne pouvez pas supprimer toutes vos licences de Microsoft Office, mais d’ici cinq ans, vous n’aurez plus de Microsoft Office.

Microsoft, de son côté, est tellement préoccupé par la compatibilité ascendante, « Ce produit ou cette fonctionnalité sont-ils compatibles avec notre capacité à monétiser notre monopole sur la bureautique des années 80 ? », qu’ils continuent à se battre pour comprendre le Web. Dave Rosenberg, blogueur sur CNET, note que Windows 7 aurait dû être la tête de pont de Microsoft sur l’informatique dans les nuages, mais qu’il n’en a rien été.

Il y a beaucoup de « aurait dû être » chez Microsoft, lorsqu’on parle du Web.

Dans l’intervalle, personne ne ralentit pour attendre Microsoft. Arrêtons-nous un instant sur l’informatique dans les nuages. VMware domine la virtualisation, et a de grandes ambitions dans l’informatique dans les nuages, alors que les rivaux open source Eucalyptus et VMops menacent de contester la suprématie de VMware et Microsoft, en cherchant à dominer l’informatique dans les nuages.

Et arrive alors Google, qui fournit une gamme de services d’informatique dans les nuages toujours plus large aux entreprises qui cherchent à se détacher de l’ordinateur de bureau. Dans une interview donnée à CNET News, Eric Schmidt, PDG de Google, soutient que le navigateur peut être à la fois orienté entreprise et consommateur. L’architecture est dirigée par le navigateur. C’est toute l’histoire de l’informatique d’entreprise actuelle.

En d’autres termes, le bureau est simplement un moyen pour l’utilisateur de lancer son navigateur. C’est une passerelle. Il n’y a plus de valeur dans le bureau. Elle se trouve dans le navigateur, qui devient le nouveau bureau, en termes de fonctionnalités réelles disponibles

La meilleure opportunité pour Microsoft de contrecarrer la menace de Google et des autres s’appelle SharePoint. Le PDG de Microsoft, Steve Ballmer, l’a décrit comme le nouveau système d’exploitation de Microsoft, mais ce n’est que dans un entretien récent avec Forrester qu’il lui a donné tout son sens :

Dans mon esprit, je compare SharePoint au PC, le PC est venu à la vie comme machine à tableau, puis est devenu une machine à développer, une machine à traiter du texte, SharePoint est une infrastructure à objectif global qui connectera les gens aux gens, et les gens à l’information…

Je crois que SharePoint est considéré par les administrateurs informatiques et les développeurs comme une plateforme de développement très sérieuse pour les développement rapide d’application (NdT : RAD, Rapid Application Development).

SharePoint est la meilleure tentative de Microsoft pour connecter les applications de bureau telles qu’Office, avec des outils collaboratifs et de stockage centralisé ou dans les nuages. Bien sûr, Microsoft a d’autres initiatives telles qu’Office en ligne, mais aucune ne marie aussi bien ses centres de profits historiques et l’innovation future.

SharePoint pourrait alors être le meilleur espoir de Microsoft pour marier son héritage à la future informatique en ligne.

Microsoft a besoin de cela. Ils perdent dans le marché des mobiles, et pas uniquement face à Apple. Android, le système dédié de Google, est déjà efficient et opérationnel, avec par exemple ses données AdMob qui situent aujourd’hui la pénétration des smartphones Android à 10 % au Royaume Uni.

Si nous prenons l’hypothèse que le mobile sera de plus en plus une plateforme de choix pour le client, alors nous voyons Google harceler Microsoft par le haut (les nuages de services) et par le bas (le client).

Dans les deux cas, l’open source est une arme de choix pour Google, et c’en est une que Microsoft va devoir comprendre rapidement s’ils veulent devenir un acteur de poids sur le Web. Le Web est trop grand pour que Microsoft le contrôle, et le Web est incroyablement open source, tel que le remarque Mitch Kapor, fondateur de Lotus :

La victoire de l’open source est qu’il constitue le fondement du Web, la partie invisible, celle que vous ne voyez pas en tant qu’utilisateur.

Les majorité des serveurs utilisent Linux comme système d’exploitation avec Apache comme serveur Web sur lequel tout le reste est construit. Les principaux langages sur lesquels les applications Web sont construites, qu’il s’agisse de Perl, de Python, de PHP ou de n’importe quel autre langage, sont tous open source. Donc l’infrastructure du Web est open source. Le Web tel que nous le connaissons est totalement dépendant de l’open source.

Kapor suggère que la guerre que Microsoft livre à l’open source est terminée, ou devrait l’être : l’open source a gagné. Il s’agit désormais d’une infrastructure essentielle, et quelque chose que Microsoft doit arriver à comprendre, plutôt que de le combattre. Il ne s’agit pas de « religion open source », il ne s’agit que de pragmatisme. Un pragmatisme que Microsoft peut s’approprier aussi bien que n’importe qui d’autre.

Google utilise le futur (l’open source, les nuages) pour se battre pour l’avenir, et ses tactiques menacent de frapper Microsoft au cœur de ses vaches à lait tels que Windows.

Microsoft, cependant, semble être embourbé dans son passé. Windows 7 a l’air d’une mise à jour sérieuse de son prédécesseur Vista, mais dans dix ans, cela aura-t-il une importance pour nous ? Peut-être aurons-nous changé, oubliant ces jours pittoresques où nous nous soucions du système d’exploitation et des applications telles qu’Office ?

Notes

[1] Crédit illustration : Copyright Federico Fieni




Coup de gueule : Windows 7 devrait être une mise à jour gratuite de Vista !

L'actu en patates - Copyright Martin VidbergTiens, on ne vous avait pas encore causé de la sortie du nouveau système d’exploitation Windows 7 !

Enfin « nouveau », c’est un bien grand mot puisqu’il s’agit avant tout de faire oublier l’ancien système d’exploitation, le désastreux Windows Vista, qui a réussi l’exploit de faire l’unanimité contre lui.

Et bien c’est chose faite avec ce billet d’humeur non dénué d’un certain humour[1].

Dans tout autre domaine que l’informatique, on aurait affaire à un pur scandale où tout le monde serait monté au créneau. Bravo à Microsoft pour son travail de sape sur le consommateur, qui ne sait visiblement plus distinguer la vessie de la lanterne.

PS : Mention spéciale au malicieux Goofy qui s’est bien amusé pour la traduction, et nous avec !

Que tout le monde s’éclate avec Windows 7 !

Let’s all be overjoyed about Windows 7

Dwasifar – 24 octobre 2009 – Blog personnel
(Traduction Framalang : Goofy)

Microsoft a réussi un joli coup.

Ils ont réussi à convaincre des millions de gens dans le monde de sortir leur argent pour se payer une merde enveloppée de papier de soie appelée Windows Vista, et voilà que trois ans plus tard, au lancement de Windows 7, Microsoft s’est arrangé pour que les gens tombent pratiquement en extase à l’idée de payer encore plus pour ne plus avoir à utiliser Vista. Et c’est ainsi que les gens considèrent Microsoft comme une sorte de héros salvateur. Comment diable ont-il réussi ce coup-là ? « On vous a fait payer un max pour un truc merdique déglingué, et maintenant voici une version vaguement réparée un peu moins merdique, et vous allez nous l’acheter encore plus cher ! » « Ouaaaiiis, super, merci Microsoft ! Vous êtes les meilleurs ! On vous adore ! » Mais bon dieu qu’est-ce qui se passe, là ?

C’est vrai, quoi : est-ce vous achèteriez n’importe quoi d’autre dans ces conditions ? Mettons que vous ayez acheté une voiture qui se révèle être une caisse à roulettes ; rien que des ennuis pendant trois ans. Au bout de ces trois ans, vous retourneriez chez le même concessionnaire pour acheter le même modèle, tout content de la bonne affaire parce qu’ils auraient éliminé quelques défauts de fabrication ? « Super, une Clio, c’est tellement mieux que la vieille 404 pourrie qui a calé au milieu des carrefours pendant trois ans ! Quelle magnifique offre promotionnelle vous me faites là en me la vendant plein pot ! Non, je ne veux rien de plus pour ce prix-là ! Tenez, mettez-la moi bien profond tout de suite, je vous ai apporté un peu de vaseline, mais vous êtes pas obligé de l’utiliser ! »

Eh bien ça se passe comme ça chez Microsoft. Ils vendent de la merde, et lorsqu’ils vendent quelque chose qui n’est pas tout à fait de la merde, ils deviennent des héros. Ça défie l’entendement. À quel niveau est-on tombé si en faisant payer quelqu’un encore une fois pour résoudre les problèmes causés par un premier achat, on devient Superman ? Et ce n’est pas la première fois que ça se produit. Ils nous ont déjà fait le coup, en passant de WinMe à XP. Je crois même qu’ils avaient déjà fait le coup aussi avec MS-DOS, mais je ne me souviens plus trop de quelles versions il s’agissait. Ce qui est flagrant et incompréhensible, c’est qu’on puisse encore vendre aux gens des produits moins merdiques après leur avoir vendu des produits vraiment merdiques.

Windows 7 devrait être une mise à jour gratuite de Vista. De n’importe quelle version de Vista, qu’elle soit Familiale ou Intégrale, qu’on l’ait achetée ici ou là. Microsoft a reconnu clairement que Windows 7 est ce que Vista aurait dû être. En fait, c’est même comme ça qu’ils en font la promo. Bon, si c’est la version qui aurait dû être fournie, alors il n’est pas trop tard : donnez-la aux clients auxquels vous l’avez promise il y a trois ans.

Et pendant qu’on y est, je n’arrive pas à croire qu’il est impossible de créer une mise à jour de XP vers Windows 7. Microsoft sait parfaitement que les gens ont évité Vista et conservé XP, particulièrement dans les entreprises. C’est pour cela qu’ils sortent Windows 7 à toute vitesse. Vous pourriez croire qu’une mise à niveau serait une priorité. Eh bien non, les gens sont contents de nettoyer leur machine et de faire une réinstallation complète du système d’exploitation pour avoir le privilège de passer à la version supérieure. Je suppose qu’avec l’habitude de réinstaller un système d’exploitation, on finit par considérer comme normal de le faire périodiquement.

C’est tellement trop la classe de faire ça en ce moment qu’on pourrait croire que Windows 7 est à la pointe des systèmes d’exploitation, tous les problèmes sont derrière, pas vrai ? Bon d’accord, et si on essayait de le faire tourner sans antivirus pendant disons une journée, hein ? Vous feriez ça ? Non ? Moi non plus, parce qu’il y a encore de tout petits problèmes de sécurité avec Windows 7. Au fait, et la défragmentation du disque ? Vous voulez essayer Windows 7 pendant un an sans défragmenter ? Moi non plus. Je pourrais continuer, mais à quoi bon. Tout le monde connaît tous ces problèmes, et pourtant tout le monde est tellement content de voir que Microsoft a réglé quelques-uns des problèmes de régression apparus lors du passage de XP à Vista, que personne ne s’inquiète des énormes défauts de conception inclus dans chaque édition de Windows, version 7 comprise.

Et pendant ce temps-là, Linux évolue tranquillement, même si les fanatiques de Windows bêlent en choeur que Windows 7 va écraser Linux. Eh non, les gars, désolé, ça va pas marcher. Dès que le battage médiatique va diminuer, vous allez encore vous retrouver avec Windows et ses classiques faiblesses intrinsèques. Et le développement de Linux est bien plus rapide que celui de Windows. Linux a rattrapé et dépassé XP il y a trois ans au moment où Vista est sorti. Il est au même niveau que Windows 7 aujourd’hui, et avant que Windows 8 ne se profile, Linux en sera déjà bien plus loin. Tant mieux pour Microsoft s’ils améliorent des trucs, c’est ce qu’ils devaient faire. Et ça risque de leur prendre du temps. Mais il n’y aucune raison de penser qu’ils vont pouvoir continuer indéfiniment à surfer sur une vaste base d’utilisateurs avec une technologie de deuxième choix, même s’ils ont pour le moment réussi à convaincre ces utilisateurs de se faire escroquer avec le sourire.

Notes

[1] Illustration de Martin Vidberg, le dessinateur de L’actu en patates, avec son aimable autorisation.




Claude Bernard Lyon 1 offre les premières bourses Microsoft à ses étudiants

Stuartpilbrow - CC by-saL’université française ne doit plus pleurer sur le désengagement de l’État, le sauveur et bienfaiteur Microsoft est là pour y remédier.

Hier c’était Paris Descartes qui décidait de confier la communication numérique de ses étudiants à la firme de Redmond. Et aujourd’hui, fait unique dans les annales, ont vu le jour les premières bourses d’étudiants financées pour le privé.

C’est à l’Université Claude Bernard Lyon 1 que l’on doit cet acte pionnier et, vous l’aurez compris, c’est encore de Microsoft qu’il s’agit.

Extrait du communiqué de presse :

Alors qu’en novembre 2007, l’Université Claude Bernard Lyon 1 s’était engagée avec Microsoft France sur une série d’actions visant à rapprocher les deux structures en termes de partenariat économique, après plusieurs années de projets communs – l’Université et Microsoft France concrétisent aujourd’hui l’un de ses axes de partenariat qui était de contribuer financièrement au soutien d’étudiants boursiers, par le biais de la Fondation partenariale Lyon 1.

Cinq bourses sont accordées pour la rentrée universitaire 2009 à des étudiants débutants leurs études en première année de licence (…) La bourse d’un montant de 3 000 €, versée en une fois, doit permettre à des étudiants méritants d’entamer des études scientifiques dans de bonnes conditions financières.

(…) Ils recevront lundi 19 octobre 2009 à 14h30 dans la salle du conseil de l’Université leur bourse des mains d’Eric Le Marois, Directeur Education et Recherche de Microsoft France et de Lionel Collet, président de l’Université Lyon 1.

À l’issue de cette remise de bourse, Lionel Collet et Eric le Marois se prêteront au jeu des questions-réponses sur les thématiques des nouvelles technologies auprès de jeunes étudiants de l’Université.

Inclinons-nous et disons merci à la généreuse société américaine pour le soutien ainsi apporté au fleuron de notre jeunesse[1].

Quand on pense au coût annuel que représente la somme totale de toutes les licences Windows et MS Office de tous les postes de tous les établissements scolaires de France et de Navarre, on se dit que ces 5 bourses de 3 000 € ne méritent pas forcément une vaste opération de communication.

Il faut être naïf, malintentionné ou bien carrément parano pour n’y voir avant tout qu’une belle arnaque consistant à déshabiller l’élève Pierre pour habiller l’étudiant Paul sous l’œil bienveillant d’une puissance publique de moins en moins puissante et de moins en moins publique.

Notes

[1] Crédit photo : Stuartpilbrow (Creative Commons By-Sa)