Dogmazic : le retour de la plus grande playlist libre

Depuis mi-mai, l’équipe de Musique libre a réussi le pari de ressusciter Dogmazic après trois ans de sommeil.
Alain, un des bénévoles qui a permis ce retour à la vie et président de l’association a accepté de répondre à nos questions.

Le logo de Dogmazic
Le logo de Dogmazic

Bonjour Alain, pour ceux qui auraient découvert l’univers du libre ces dernières années, peux-tu nous présenter Dogmazic ?

Dogmazic est une plate-forme de diffusion et de téléchargement de musiques libres. Le site, propulsé par l’association Musique Libre héberge quelque 55 000 morceaux de musique de 4500 artistes sous près de 36 licences différentes. Il existe depuis 2004.

Quelle est la différence entre le site « musique libre » et « Dogmazic » ?

Le site « musique libre » est le site de l’association. C’est un blog d’actualités, un forum et une partie documentation très fournie. Il permet de mettre en valeur ce que nous estimons intéressant à connaître, à voir, à réfléchir. Le mouvement autour des cultures libres est vaste et est en constante évolution.

Parlons licence (pour les petites bêtes velues qui traînent sur le forum, on parle ici de musique sous licence de libre diffusion et non de licence libre). Je n’ai pas trouvé comment rechercher des artistes ou des morceaux selon la licence d’utilisation. Je ne suis pas doué ou bien ce n’est pas possible ?

Peut-être aussi que notre interface n’est pas claire, mais c’est possible. En premier, il faut avoir un compte et être enregistré, puis, en allant dans « recherche avancée » et en faisant une recherche par critères en incluant les licences recherchées (NDM : je ne suis en effet pas doué). Il est notamment possible d’enregistrer la recherche dans une playlist qui se repeuplera dès qu’une nouvelle œuvre est publiée sous la licence choisie. Pour la petite histoire, nous préférons parler de licences libres et ouvertes, la « licence de libre diffusion » entraîne une confusion autour de la diffusion commerciale qui, elle, n’est pas libre dans le cas de licences avec la mention « non commerciale » (pour plus de détails lire le texte en suivant le lien)

En effet, avec un compte, une recherche détaillée est possible ;-)
En effet, avec un compte, une recherche avancée est possible ;-)

En quoi Dogmazic est différent d’autres plateformes (Jamendo) ?

Dogmazic est propulsé par une association, tout ce que nous faisons, nous le faisons à but non lucratif, c’est pour cela que vous ne trouverez pas de publicités sur le site, financé exclusivement par les cotisations et les dons. Nous avons aussi un espace de documentation régulièrement mis à jour avec les dernières informations pratiques autour des musiques libres. Jamendo est une entreprise avec des logiques de développement et de financement tout à fait différentes des nôtres.

Quels sont le/les critère(s) pour avoir son/ses morceaux présents sur Dogmazic ? Vu la taille impressionnante des musiques archivées sur votre site, on peut se demander si vous ne privilégiez pas une logique de quantité 🙂 Est-ce qu’il y a une sorte de « sélection » ou filtrage à la soumission de musiques ou bien est-ce totalement libre ?

Depuis les débuts du site, il n’y a pas de sélection. Car sur quels critères pourrions-nous juger d’une œuvre (à part avoir une politique éditoriale comme celle d’un label) ? Nous acceptons tous les titres quelle que soit leur qualité. Par contre, nous choisissons de mettre en avant les titres les mieux produits. La seule sélection qui est faite c’est celle concernant les samples copyrightés ou les reprises de musiques du domaine du copyright que nous n’acceptons pas.

Il faut un temps d’accoutumance pour apprécier un morceau, on voit bien que les radios ressassent les mêmes airs à la mode.

Comment se faire connaître quand on fait de la musique libre et qu’on ne passe pas en radio ?

Concerts, concerts, concerts ! Ou des participations à des projets suffisamment médiatisés sur internet pour amener plus de gens à écouter, à diffuser, à donner… Nous avons aussi de notre côté à mettre en valeur certaines initiatives comme les web-radios libres.

Qu’est-ce qu’un musicien/groupe peut avoir à gagner à donner ses créations en téléchargement sur la plateforme Dogmazic ?

Il y a quelques avantages non négligeables. Le premier est que vous êtes directement identifiés comme faisant de la musique libre (ce qui est plus discret sur des plate-formes comme Soundcloud voire Youtube), vous pouvez choisir la licence que vous souhaitez (hors des Creative Commons, comme la licence Art Libre ou encore la licence WTFPL). Nous mettons en place une solution de dons (paypal) et micro-dons (flattr) pour les artistes, et les œuvres publiées sur Dogmazic alimentent une base de donnée libre, musicbrainz, qui permet de retrouver et d’identifier plus facilement les musiques libres dans les principaux logiciels de musiques.

J’ai envie de partager un album que j’aime particulièrement et hébergé sur Dogmazic. Je peux avoir un petit lecteur pour mettre sur mon site internet ?

Tout à fait possible, mais il faut avoir un compte pour ce faire. Une icône à côté du morceau le permet, avec quelques options intéressantes en plus.

Un player, un QR code : tout ce qu'il faut pour partager ses morceaux préférés.
Un player, un QR code : tout ce qu’il faut pour partager ses morceaux préférés.

Quelle a été la potion magique pour réussir à remettre en ligne Dogmazic (parce qu’on aurait bien besoin de la recette pour finaliser le reboot de notre annuaire) ?

Une équipe de plusieurs admin, une vision financière apaisée, un moteur de site simple et au code connu de tous (php), qui permet un recrutement plus large de personnes, et un lien privilégié avec un des développeurs de la solution logicielle. En ce qui nous concerne, Ampache, logiciel sur lequel est basé Dogmazic, profite de nos tests en grandeur nature et fait grandir le projet de Dogmazic à chaque version. Nous avons d’ailleurs commencé avec une version 3.6 (celle qui est disponible dans les dépôts Debian), en ce moment, et après une période de tests, nous sommes passés à la version 3.8.

Pourquoi avoir relancé le site ?

Parce qu’on nous le demande ! Le site a occupé une large place en France et ailleurs pour la musique libre à une époque où les débats sur le téléchargement étaient très médiatisés, de nombreux artistes se sont reconnus dans la démarche des musiques libres. Aujourd’hui, les choses changent un peu et les opportunités aussi. Un artiste de musique libre peut aujourd’hui monétiser beaucoup plus facilement ses œuvres qu’auparavant, et, ce, sans passer par la Sacem ou d’autres sociétés d’auteur (Youtube par exemple, Juno, Bandcamp et bien d’autres permettent de rémunérer des artistes…). Donc, l’enjeu, de taille, est qu’il faut que tout cela soit connu des artistes, qu’ils ne se disent pas que « la Sacem c’est automatique ». Tout ce que nous disons c’est que ce n’est pas avec des antibiotiques que la plupart des petits artistes résolvent leurs problèmes financiers, au contraire, trouvons des alternatives et Dogmazic en est une.

Les nouveaux albums à la date du 26 août 2015
Les nouveaux albums à la date du 26 août 2015

Cela fait maintenant trois mois que Dogmazic a été remis sur pied. Avez-vous déjà fait un premier bilan ? De nouveaux artistes se sont-ils inscrits ? Les visiteurs sont-ils au rendez-vous ?

Oui, de nouveaux artistes se sont inscrits, de nouveaux sons ont été déposés (près de 1000 nouveaux morceaux). En ce moment, le site plafonne à 350 visites par jour, ce qui est peu, mais nous sommes aussi conscients qu’il y a toujours du travail à faire pour refaire connaitre le site, valoriser les œuvres présentes…




Stop the Music, une nouvelle sur les libertés. 2/2

À l’occasion du RaysDay 2015, l’équipe de traduction Framalang a choisi de traduire la nouvelle Stop the Music, de Charles Duan, publiée originellement sur Boing Boing. Cette histoire futuriste explore les dérives possibles des lois sur le copyright.

La première partie de cette nouvelle est disponible ici sur le framablog.

Voici donc la seconde et dernière partie de cette traduction. Exceptionnellement, nous avons choisi de ne pas traduire le titre (libre à vous de le faire !)

Comme son œuvre originelle, cette traduction est sous licence CC-BY-SA-NC.

Traduit par : Piup, egilli, Sphinx, Singularity, audionuma (et les anonymes)

Stop the Music (image : Boing Boing
Stop the Music (image : Boing Boing)

Stop the music

V.

À la Cour suprême des États-Unis

Eugene L. Whitman contre Alfred Vail Enterprises, Inc.

Audience de l’avocat Maître Richard A. Tilghman

représentant du plaignant Eugene L. Whitman

Le 12 février 2046

 

La présidente de la Cour suprême, Mme Diehr : Nous écoutons ce matin le débat dans l’affaire 45-405, Whitman contre Alfred Vail Enterprises.

Me Tilghman ?
Me Tilghman : Madame la Présidente de la Cour suprême, et Mesdames Messieurs les juges de la Cour.

Aujourd’hui, nous demandons à cette Cour de protéger l’un des droits à la propriété les plus anciens et les plus importants en place dans cette nation : le droit d’auteur qui protège l’œuvre créative des auteurs, des artistes, et, plus précisément dans le cas de cette affaire, des musiciens.

La section 106 de la loi sur le droit d’auteur réserve aux propriétaires de droits d’auteur le droit exclusif de faire des copies de leurs œuvres, de faire des œuvres dérivées basées sur les œuvres originales, et de distribuer et de produire en public ces œuvres, entre autres choses. Ces droits sont…

Juge Diamond : Avant d’entrer dans les détails fastidieux du droit d’auteur, Me Tilghman, pouvez-vous m’expliquer pourquoi nous devrions ne serait-ce qu’envisager d’examiner cette affaire ? C’est une affaire concernant l’effacement des souvenirs des gens, aussi je souhaite commencer par comprendre pourquoi vous pensez que le système EffaceMem National est pertinent en dehors du cadre très restreint de l’activité terroriste, que nous avons autorisé durant l’affaire Neilson. Comprenez : nous parlons de suspendre temporairement les droits civiques de la liberté de pensée. Pourquoi devrions-nous envisager d’effacer les souvenirs des gens dans n’importe quel autre contexte que le terrorisme ?

Me Tilghman : Monsieur le juge, bien que Neilson ait été une affaire concernant un acte terroriste, le raisonnement n’était pas limité à ce type de situation. La décision de cette Cour s’appuyait sur les principes généraux de la Constitution, et elle a décidé que l’effacement des souvenirs à l’échelle nationale était admissible lors « d’un risque imminent envers un intérêt incontestable du peuple américain ». L’intérêt incontestable, dans l’affaire Neilson, était le droit à la sécurité contre le terrorisme, mais d’autres intérêts importants peuvent également correspondre à cette description.

Présidente Diehr : Et, bien entendu, il y a le fait qu’une idée illégale est de la contrebande. Vous savez, personne ne se demande pourquoi il est illégal de posséder des drogues illicites, ou des armes de destruction massive. Une idée peut être tout aussi destructrice que toutes ces choses. Ne paraît-il pas que le gouvernement devrait posséder le pouvoir de confisquer des idées dangereuses afin de protéger le peuple ?

Me Tilghman : C’est en effet la vérité, votre Honneur. La possession d’une pensée illégale devrait être traitée de la même façon que la possession d’un objet illégal. Et une copie illégale d’un travail sous droits d’auteur est une contrebande,

Juge Flook : Bien… bien… mmh. Je peux comprendre l’argument concernant la contrebande d’une manière générale, mais c’est la pente glissante qui m’inquiète. J’étais d’accord avec Neilson mais j’étais préoccupée concernant ce qu’un autre usage de l’EffaceMem National pourrait causer. Poussé trop loin, il pourrait mener à la censure, à un contrôle de l’esprit par le gouvernement, un totalitarisme orwellien. Comment puis-je être sûre, Me Tilghman, que ce que vous demandez ne nous mènera pas vers ces sentiers ?

Me Tilghman : C’est une excellente question du juge Flook. Question qui possède heureusement une réponse simple. Comme je le disais précédemment, Neilson estimait qu’un « intérêt incontestable du peuple américain » pourrait justifier l’utilisation du système EffaceMem National sans nous amener sur ces pentes glissantes. Or, la protection du droit d’auteur correspond à ce type d’intérêt incontestable car le droit d’auteur est un droit fort, absolu.

Présidente Diehr : Bien, cet argument correspond à celui que vous exposez dans votre briefing à propos de la Gestion des droits numériques (NdT : qui correspond aux DRM).

Me Tilghman : C’est exact.

Bien entendu, les DRM sont la technologie qui permet aux œuvres soumises au droit d’auteur de ne pas être utilisées contrairement aux vœux des ayants droit. Il fut un temps, aux débuts de l’informatique, où cette technologie était assez grossière et peu répandue. À cette époque, j’aurais pu rejoindre votre avis, M. Flook : le droit d’auteur était rarement appliqué et le piratage allait bon train.

Mais à la fin du siècle dernier, le monde s’est orienté vers les appareils mobiles, appareils qui pouvaient être tracés, contrôlés voire désactivés à distance. Cela permit de mettre en œuvre des DRM fortes, efficaces, à terme développées par un consortium industriel. Ces DRM sont maintenant incluses dans chaque appareil électronique vendu. Ce standard industriel que sont les DRM permet aux ayants droit d’avoir un contrôle total sur leurs œuvres : ils ont le pouvoir d’empêcher la copie, le pouvoir de contrôler qui utilise l’œuvre, le pouvoir de supprimer les données d’un appareil pour protéger l’œuvre d’un usage abusif. C’est un contrôle absolu.

Sous cet angle, la demande de mon client dans cette affaire ne constitue pas particulièrement une étape majeure. Il contrôle déjà chacun des exemplaires de son œuvre présent dans chaque appareil électronique. Tout ce qu’il souhaite désormais, c’est d’avoir ce contrôle sur les exemplaires stockés dans les esprits des personnes.

Juge Diamond : Attendez… attendez une seconde. Vous oubliez complètement les droits qui existent en contrepartie. Les consommateurs n’ont-ils pas le droit d’effectuer des copies à usage personnel ou de jouer de la musique entre amis ? Tous ces usages font partie des « usages raisonnables », autorisés par les lois sur le droit d’auteur si je me souviens bien. Réaliser des parodies, utiliser des citations dans des articles, enregistrer les émissions diffusées pour les regarder plus tard : tous ces actes sont considérés comme « usages raisonnables » et les personnes ont le droit de le faire malgré le droit d’auteur.

Me Tilghman : Bien que ces exceptions au droit d’auteur restent valables pour les livres, elles ont toutes été remplacées par la loi concernant la Gestion des droits numériques.

Juge Flook : Pour être parfaitement honnête, Me Tilghman, je n’ai pas tout à fait compris cet argument de votre briefing. D’après moi, vous évoquez la section 1201 du Digital Millennium Copyright Act. Or, cette section ne mentionne rien qui concerne le remplacement de l’usage raisonnable et les autres exceptions mentionnées par le juge Diamond. Comment arrivez-vous à la conclusion que la section 1201 remplace de tels éléments ?

Me Tilghman : Il est vrai que c’est un concept délicat, votre Honneur, et je m’excuse si je ne l’ai pas bien expliqué lors des briefings.

Il est vrai que ces exceptions au droit d’auteur, telles que l’usage raisonnable, s’appliquent aux livres. Toutefois, l’applicabilité de ces exceptions est fortement limitée par les DRM et la section 1201. Les DRM modernes s’assurent que les œuvres protégées ne peuvent être utilisées contre la volonté de l’auteur, même si celle-ci va à l’encontre de ces exceptions. La section 1201, quant à elle, a rendu illégal le contournement des DRM. Par l’opération de la loi et de la technologie, il est donc illégal d’utiliser une œuvre protégée par DRM en dehors de ce qui est permis par l’ayant droit, quelle que soit « l’exception statutaire » au droit d’auteur prétendue.

Présidente Diehr : Donc, autrement dit, le Congrès a rendu illégal tout ce qui n’est pas autorisé par les DRM, y compris si les DRM bloquent l’une de ces exceptions au droit d’auteur. Et cela signifie alors que le respect des DRM est en fait plus important que ces exceptions telles que l’usage raisonnable. Est-ce correct ?

Me Tilghman : Oui, c’est tout à fait correct. Avec la section 1201, le Congrès a décidé que les intérêts des ayants droit prévalaient quand cela concernait les données enregistrées sur les appareils. Aucune raison que les données enregistrées dans les esprits soient considérées différemment.

Juge Diamond : Cela me paraît absurde. Cette loi rend-elle illégal l’exercice des droits par les personnes ? Par exemple, qu’en est-il de l’exercice du droit à un usage raisonnable ?

Me Tilghman : Cela vous paraît peut-être absurde que les DRM outrepassent légalement l’usage raisonnable mais cela a été établi par la loi depuis longtemps. Une affaire datant de 2001, Universal City Studios contre Corley, a spécifiquement énoncé que le contournement des DRM était illégal en raison de la section 1201 et ce, même si cela était fait dans un but d’usage raisonnable. L’affaire MDY Industries contre Blizzard Entertainment, datée de 2010, a abouti à la même conclusion.

Si les décisions liées à ces affaires étaient injustifiées, le Congrès a disposé de 40 ans pour changer la loi. Il n’y a eu aucun changement sur ces points. La section 1201 reste écrite telle qu’elle a été adoptée. Cela permet de montrer que le droit d’auteur est aujourd’hui un pouvoir de contrôle total. C’est un droit très fort.

Juge Flook : Ceci est fascinant. Je pense que je comprends maintenant votre argument comme quoi le droit d’auteur est un droit fort. Mais reprenons un peu de recul.

Cette affaire concerne l’effacement de souvenirs dans les esprits des citoyens. Dans les esprits de tous les citoyens. Je comprends maintenant votre argument expliquant que le droit d’auteur est un droit fort, soutenu par les DRM et des lois telles que la section 1201. Toutefois, je ne suis pas sûr des raisons qui nous pousseraient à passer de ce droit fort à ce remède que serait l’effacement de la mémoire.

Il est évident que cette loi EffaceMem est très récente et nous sommes toujours en train de réfléchir à ses implications avec les autres domaines législatifs. Mais j’aimerais être sûr qu’il ne s’agit pas des prises de pouvoir observées dans les années 20 et 30, époque à laquelle de grandes entreprises du nucléaire ont prétendu à toutes sortes de droits suite à des interprétations excentriques des lois environnementales. Quel est le besoin légitime des ayants droit d’effacer les souvenirs des personnes ?

Me Tilghman : Le besoin légitime, c’est l’intérêt d’un contrôle total sur une œuvre protégée par le droit d’auteur. Cet intérêt d’un contrôle total est légitimé par les DRM et les protections offertes par la section 1201 qui permettent un tel contrôle. Les lois actuelles sur le droit d’auteur donnent aux ayants droit un pouvoir total, intégral, sur leurs œuvres protégées.

Le pouvoir de contrôler, c’est le pouvoir d’effacer. Les systèmes de DRM modernes permettent déjà aux ayants droit de supprimer les exemplaires qui sont en infraction grâce à un simple bouton. Les copies physiques qui violent le droit d’auteur peuvent être détruites conformément à la section 503(b) du Copyright Act. Et depuis que la commission américaine sur le commerce international a commencé, en 2014, à considérer les transmissions de données comme des importations de biens, elle a régulièrement saisi et bloqué des informations sur Internet. Il ne fait aucun doute que la suppression des informations de la pensée publique sera un remède tout à fait accepté pour le non-respect du droit d’auteur.

Pourquoi est-ce que cela devrait avoir une importance que les informations soient retirées d’un disque de silicium ou d’un neurone humain ? Comme la présidente Diehr l’expliquait précédemment, les informations qui portent atteinte au droit d’auteur, comme la chanson Straight Focus de M. Vails, constituent de la contrebande, quel que soit l’endroit où ces informations sont stockées. En fin de compte, tout ce que nous demandons dans cette affaire, c’est de modestement pouvoir transposer aux esprits humains le pouvoir que les ayants droit ont sur les ordinateurs, grâce aux DRM. S’il est possible d’empêcher les tablettes de penser quoi que ce soit d’illégal, pourquoi ne devrions-nous pas empêcher les personnes d’utiliser leurs têtes pour violer les droits applicables aux –si bien nommées– propriétés intellectuelles ?

La seule raison qui permettait aux exemplaires en infraction d’être conservés dans les esprits des personnes était que nous ne disposions pas des technologies pour effacer ces exemplaires des souvenirs. Aujourd’hui, nous disposons d’une telle technologie. Pour cette raison, j’exhorte la Cour de prendre une décision logique et dans l’ordre des choses pour la protection des ayants droit et pour leur permettre de protéger pleinement ce qui leur appartient.

Présidente Diehr : Merci, Me Tilghman.

Me Proctor ?

 

 

VI.

À la Cour suprême des États-Unis

Eugene L. Whitman contre Alfred Vail Enterprises, Inc.

Audience de l’avocate Maître Willa M. Proctor

représentant la défense, Alfred Vail Enterprises, Inc.

Le 12 février 2048
Me Proctor : Madame la Présidente, Mesdames, Messieurs les juges,

Depuis les quelques trois siècles que les États-Unis d’Amérique sont une nation, l’inviolabilité de l’esprit est un principe central. La poursuite du bonheur – la poursuite de la pensée individuelle – s’y inscrit, avec la vie et la liberté, comme un droit inaliénable.

Or, c’est cette poursuite du bonheur qui est fondamentalement remise en cause dans ce tribunal aujourd’hui. Le plaignant vise à violer le droit fondamental à la liberté de penser, à la fidélité des idées, à la poursuite du bonheur. Il vise à violer ces principes pour justifier de la protection de la propriété intellectuelle.

La liberté de pensée n’est certainement pas absolue comme l’a reconnu ce tribunal dans l’affaire Neilson. Mais au même titre que la liberté d’expression, le droit à un procès équitable et le droit à une défense égale, c’est un droit fondamental, qui ne peut être brisé que lorsqu’existe un intérêt primordial pour la partie adverse : un intérêt tel que le terrorisme ou la sécurité nationale.

Le droit d’auteur ne représente pas un tel intérêt. Il ne met pas la sécurité ou la protection de la nation en jeu, il s’agit purement de l’intérêt financier d’une seule personne.

Présidente Diehr : Bien, l’intérêt d’une seule personne ne peut-il pas être primordial s’il est suffisamment fort ? L’intérêt à protéger une personne d’un crime violent ou les droits fondamentaux d’une personne, protégés par la loi, représentent certainement de tels intérêts primordiaux. Et si, comme Me Tilghman le suggérait, le droit d’auteur est un droit fort, absolu, pourquoi ne devrait-il pas s’inscrire dans cette catégorie d’intérêts primordiaux méritant la plus haute protection ?

Me Proctor : Eh bien nous y voilà, votre Honneur, le droit d’auteur n’est pas aussi absolu que ce que Me Tilghman aimerait nous le faire croire. L’exception la plus connue à l’encontre de ce caractère absolu du droit d’auteur est la doctrine de l’usage raisonnable par laquelle quelqu’un peut commettre un acte semblable à une infraction au droit d’auteur sans en porter la responsabilité, car l’utilisation qui est faite de l’œuvre est jugée raisonnable et acceptable.

Présidente Diehr : Me Tilghman a expliqué que les DRM et la section 1201 l’avaient emporté sur l’usage raisonnable. Quelle réponse apportez-vous à cette explication ?

Me Proctor : Il a peut être raison d’un point de vue pratique mais l’anéantissement de l’usage raisonnable ne doit pas être propagé ou appuyé par ce tribunal. Les doctrines comme celle de l’usage raisonnable sont majeures afin de permettre aux artistes et créateurs de continuer leurs travaux. Tout art est construit sur les succès et les inspirations du passé. De la même façon qu’aujourd’hui ce tribunal cite des affaires passées au sein des avis qu’il rend, un roman fera référence à des travaux précédents, un peintre utilisera les techniques des grands maîtres, un musicien empruntera différentes idées à des genres et musiques diverses.

Ainsi, même si les DRM et la section 1201 ont diminué cette doctrine de l’usage raisonnable pour les appareils électroniques, ce tribunal ne devrait pas la diminuer encore en déclarant le droit d’auteur comme un droit complètement absolu. Et c’est pour cette simple raison que le système EffaceMem National ne peut être approprié ici. Ce système est réservé pour des situations portant sur des droits absolus, où il n’y a aucune valeur compensatrice pour la partie opposée.

Juge Diamond : Les nombreuses lois appliquées dans les états qui régulent l’usage de la technologie EffaceMem devraient confirmer votre point de vue selon lequel le système EffaceMem National est réservé pour des cas d’importance absolue, n’est-ce pas ?

Me Proctor : Certainement, votre Honneur. Lorsque EffaceMem est devenu populaire il y a quelques années, les états ont immédiatement agi afin de réguler l’industrie qui aurait pu abuser de cette technologie. Aujourd’hui, chacun des cinquante-deux états possède des lois précisant les autorisations pour les opérateurs EffaceMem, limitant les opérations d’effacement de mémoire à un ensemble restreint de situations appropriées, imposant des périodes d’attente pour ceux qui souhaitent l’utiliser, requérant des vérifications conséquentes pour vérifier le consentement et l’information des personnes.

Juge Diehr : Et toutes ces lois sont inapplicables ici. Comme vous le savez sûrement, le National Security Act de 2040 est prioritaire sur ces lois et permet au système EffaceMem National d’être utilisé pour « protéger n’importe quel intérêt ou droit national » selon les termes de la loi. Ainsi, l’application d’un droit créé par le gouvernement américain, disons le droit d’auteur, est explicitement permis même si les lois que vous mentionnez existent, n’est-ce pas ?

Me Proctor : Votre Honneur, le National Security Act a été promulgué cinq mois seulement après les attaques terroristes d’août 2039 et il paraît évident que cette loi a été conçue pour traiter du terrorisme et de la sécurité nationale. Peut-être que le texte de la loi suggère que cette loi outrepasse les lois des états lorsqu’il s’agit de protéger les droits d’auteur. Mais replacée dans le contexte dans lequel le National Security Act a été passé, c’est une interprétation vraiment très large de la loi.

Juge Flook : Il me semble, Maître, que vous faites référence au problème plus large dont nous avons discuté avec Me Tilghman : celui des pentes glissantes. Si le droit d’auteur n’est pas un intérêt aussi fort que la sécurité nationale, permettre d’utiliser le système EffaceMem National pour faire respecter le droit d’auteur ouvrirait alors la porte à toutes sortes d’utilisations inconsidérées du système.

Me Proctor : C’est exactement là qu’est mon souci, votre Honneur. Les abus autour de l’effacement de mémoire, les abus autour d’un effacement national, généralisé, de la mémoire, sont faciles à imaginer. Un parti politique au pouvoir pourrait l’utiliser pour affaiblir les opinions envers le parti opposé. Les grosses entreprises pourraient l’utiliser pour saboter d’autres entreprises. L’effacement des souvenirs pourrait devenir un outil d’oppression, d’ostracisme, de…

Présidente Diehr : Eh bien, il me semble qu’il existe de nombreuses autres situations pour lesquelles il serait approprié d’utiliser ce système. Notamment pour les fuites d’informations classées secrètes. Le gouvernement ne devrait-il pas être en mesure d’utiliser le système EffaceMem National pour empêcher de telles fuites ?

Me Proctor : Les fuites d’informations classées secrètes relèvent de la sécurité nationale et il faut donc s’en protéger comme du terrorisme. Aussi, quand bien même utiliser EffaceMem pour empêcher ces fuites serait approprié, cela ne signifie rien pour l’utilisation du système EffaceMem National dans le cas d’un non-respect du droit d’auteur.

Présidente Diehr : D’accord, prenons dans ce cas un exemple portant sur le droit d’auteur. Disons que nous avons une situation comme l’ancienne affaire sur le droit d’auteur Harper & Row contre Nation Enterprises, dans laquelle un magazine met la main sur un livre avant sa publication, dévoile le livre et publie ses meilleurs extraits en avance. Cela détruit le marché pour le livre et est entièrement contraire au droit exclusif de distribution d’une œuvre protégée par le droit d’auteur. Le seul remède pour l’ayant droit est d’effacer tout souvenir de ces révélations afin que le livre puisse être vendu et lu de nouveau. Ce cas n’est-il pas approprié pour un tel système ?

Me Proctor : Non, votre Honneur.

Juge Flook : Hein ?

Me Proctor : Pardon ?

Juge Flook : Bien… mmh. L’argument avancé par la présidente Diehr est intéressant. Je connaissais l’affaire Harper & Row mais je ne l’avais pas considérée de cette façon.

Ça me rappelle quelque chose qui m’est arrivé il y a quelques années, lorsque j’étais encore étudiant en droit. J’avais travaillé sur un projet de recherche sur les lois locales de 2012 à propos des sacs plastiques. J’ai passé des mois à fouiller parmi les registres législatifs municipaux, j’ai même dû me rendre dans un hôtel de ville qui conserve encore les lois dans des registres papier.

À la fin, j’avais collecté toutes les données dont j’avais besoin et j’avais commencé à écrire mon article sur le sujet. Je savais que ça allait être quelque chose, au moins pour un étudiant en troisième année dont le nom n’apparaissait que dans une note d’une revue législative. Mais j’ai parlé de ces résultats à un des professeurs de l’époque. Celui-ci a répété la conclusion principale lors d’une conférence de presse. Bien sûr, cette conclusion s’est répandue sur tous les sites d’informations en quelques jours.

Je suppose que j’aurais dû être content que les faits soient diffusés de cette façon. Mais, quand mon article a été prêt à être publié deux mois après, bien sûr, plus personne n’était intéressé. L’article fut finalement rejeté et le semestre que j’y avais consacré fut perdu.

Manifestement, j’ai réussi sur d’autres travaux…

Juge Diamond : Je pense que vous avez plutôt réussi, juge Flook.

(Rires)

Juge Flook : Eh bien, étant assis sur le banc avec vous, je ne dois pas être si mauvais.

(Rires)

Je suppose que ce que je retiens de cet incident c’est que d’avoir un contrôle sur son propre travail est très important. J’ai perdu le contrôle sur mes recherches. Aujourd’hui, la technologie peut remédier à ça. Les DRM permettent aux ayants droit de contrôler leurs œuvres sur les appareils. Peut-être que cette technologie a été controversée au début mais aujourd’hui, tout le monde l’accepte vu que la section 1201 n’a pas été modifiée. Pourquoi ne devrions-nous pas avoir le contrôle de nos œuvres qui sont dans les esprits des autres ? C’est tout ce que M. Whitman demande, n’est-ce pas ? Une sorte de deuxième chance pour retirer les informations transgressives qui n’auraient jamais dues être diffusées en premier lieu.

Présidente Diehr : Quelque chose qui ressemble peut-être au nettoyage d’un polluant ? Cela pourrait être une analogie environnementale.

Juge Flook : Mmh… Oui, peut-être. C’est peut-être le parallèle que je cherchais quand je demandais si l’effacement de mémoire était la bonne solution ici. Un peu comme on nettoie les produits chimiques de l’air, nous nettoyons les esprits des informations qui n’auraient pas dû y être.

Me Proctor : Je… je vois que mon temps de parole est écoulé, pourrais-je…

Présidente Dieh : Le tribunal vous accorde une à deux minutes pour répondre.

Me Proctor : Merci, votre Honneur. Pour répondre à votre question M. Flook, nous ne faisons pas que nettoyer les esprits d’une information. Nous nettoyons beaucoup plus.

Lorsque j’ai parlé avec mon client, M. Vail, de l’importance de sa chanson, il m’a expliqué que cette musique était intimement liée au souvenir de sa fille, Sarah Vail. Straight Focus est composée des morceaux favoris de Sarah et les souvenirs qu’il a de cette chanson sont des souvenirs d’elle. La chanson utilise également les techniques neurologiques qu’il a inventées afin de mélanger ces morceaux et de déclencher les souvenirs de Sarah dans son esprit. C’est, à proprement parler, cette chanson qui garde la fille de M. Vail en vie pour lui. Lui confisquer les souvenirs c’est lui retirer ce fragment d’elle.

Ce résultat déplorable ne l’est que plus pour les fans de cette chanson. Ces derniers ont apprécié ce morceau et ont construit leurs propres souvenirs autour. Les artistes ont créé des remixes et reprises à partir de ce morceau grâce à des éléments personnels et créatifs.

Devrions-nous abandonner toute cette création, tout ce progrès, toutes ces pensées et tout ce bonheur pour la seule requête, unilatérale, d’un compositeur ? La Constitution des États-Unis affirme que la loi sur le droit d’auteur doit « promouvoir le progrès de la science et les arts utiles ». Or, l’effacement de mémoire demandé par M. Whitman n’effacerait pas uniquement la chanson contrevenante, qui était déjà un travail d’adaptation, mais aussi toutes les œuvres progressives créées à partir de celle-ci. L’effacement est une régression, pas un progrès, et ce tribunal ne saurait l’autoriser.

Présidente Diehr : Merci, Me Proctor, l’affaire est soumise au vote.

 

 

VII.

The Washington Post

La Cour suprême autorise l’effacement d’une chanson de la mémoire nationale

Le 25 juin 2046

Dans une décision très controversée, la Cour suprême a approuvé par cinq voix contre quatre la décision à l’encontre du géant de la musique et de la technologie Vail Enterprises, exigeant l’utilisation du système EffaceMem National pour effacer tous les souvenirs du tube Straight Focus des esprits de tous les citoyens des États-Unis.

Représentant la majorité, le juge Flook a rappelé ses préoccupations quant à la restriction nécessaire des usages du système EffaceMem National pour que celui-ci ne soit utilisé que pour les « infractions graves ». Il reste toutefois persuadé que « les mesures pour un droit d’auteur fort, développées ces dernières décennies indiquent que la nation considère désormais l’atteinte au droit d’auteur comme une de ces infractions graves ». Dans la suite de son discours, il a déclaré que « la suppression des souvenirs est un remède approprié étant donné les mesures existantes permettant aux ayants droit de supprimer les idées exprimées sur presque tous les autres supports, notamment en raison de la section 1201 et des autres parties de la loi sur le droit d’auteur ».

En désaccord, le juge Diamond a trouvé la décision « diamétralement opposée aux conditions constitutionnelles nécessaires pour que les droits d’auteur puissent promouvoir le progrès des arts et de la science » et a prédit que cette décision mènerait à « une ère dépourvue de toute musique, toute œuvre littéraire, toute création qui se baserait sur une œuvre passée ».

Les dirigeants de l’industrie musicale ont applaudi cette décision de la Cour suprême approuvant la suppression de la mémoire. Clifford King, président de la Recording Industry Association of America a déclaré : « Le droit d’auteur devrait fournir aux créateurs un contrôle total sur leurs œuvres et sur la manière dont le public les perçoit. Éliminer ces contenus illicites des esprits des gens s’inscrit dans ce contrôle. »

Les avocats en faveur des libertés individuelles ont désapprouvé ce message. « Le droit d’une personne à être libre de penser outrepasse l’intérêt commercial du droit d’auteur » peut-on lire dans une lettre signée ce matin par vingt organisations à but non lucratif qui demandent au Congrès de casser ce jugement et cette décision.

La décision affectera vraisemblablement et en premier lieu le créateur de Straight Focus, Alfred Vail, contraint à mettre en œuvre l’effacement des souvenirs de son propre morceau. M. Vail n’a pu être contacté pour répondre sur le sujet. Son voisinage a indiqué ne pas l’avoir vu quitter son domicile depuis l’annonce de la décision.

Cet acte exceptionnel d’effacement de mémoire, dans le cadre du non respect du droit d’auteur, restera unique pendant quelque temps. En effet, celui-ci intervient uniquement par un concours de circonstances qui font que le coupable est aussi le propriétaire du système EffaceMem National. Toutefois, cela pourrait ne pas durer longtemps : les brevets portant sur EffaceMem expireront dans deux ans.

M. King a déclaré : « Nous sommes aux débuts de la préparation de notre nouveau système, provisoirement appelé Gestion des droits mentaux. Cela permettra à chaque auteur, artiste, compositeur de récolter les bénéfices de cet effacement de mémoire, autorisé par la décision de la Cour suprême. »

Dans le cadre de cette affaire, l’activation du système EffaceMem National n’aura pas lieu avant plusieurs semaines, vraisemblablement pas avant fin juillet. Les ingénieurs travaillant sur le système coderont les paramètres correspondant à l’information à supprimer afin qu’aucun souvenir (pas même le souvenir que le souvenir ait été effacé) ne subsiste.

Comme pour les autres activations du système, celle-ci aura probablement lieu en fin de matinée ou en début d’après-midi afin de minimiser le dérangement. La procédure consistera à diffuser, pendant environ quinze secondes, des sons graves et rythmés – dont certains les ont décrits comme lyriques ou apaisants – suffisamment forts pour pénétrer dans les bâtiments. Ces sons sont calibrés pour retirer tout souvenir de la chanson. Après ces quelques secondes, la musique se taira.

 

VII.

Message de Rand. A. Warsaw pour Alice Stevens Vail

Le 4 avril 2084

Coucou Maman,

(J’essaie ce nouveau truc pour transcrire directement mes pensées – désolé si c’est un peu brouillon, j’ai encore du mal à me concentrer mentalement.)

Je m’occupais des affaires de Papy Al afin qu’elles soient prêtes pour la licitation de la semaine prochaine (ça va tellement vite, je n’arrive pas à croire que l’enterrement a eu lieu la semaine dernière). Parmi toutes ces affaires, il y avait une boîte coincée derrière un bureau dans le grenier. À première vue, on aurait dit qu’elle était tombée ici par accident – ça doit faire des années qu’elle est ici, elle était tellement poussiéreuse – mais je pense que Papy a peut-être voulu la cacher.

À l’intérieur, il y avait quelques documents législatifs et quelques coupures de journaux sur un procès concernant une chanson qu’il avait écrite. Je ne savais pas du tout qu’il avait été musicien. Cela dit, ça ne me surprend pas vu que les documents mentionnent l’effacement généralisé des souvenirs de sa chanson.

Sur le haut de la pile de papiers, il y avait cette note :

26 juin 2046. Lundi dernier, la Cour suprême a approuvé l’éradication de ma chanson Straight Focus de la mémoire collective. Ma chanson ! Chanson pour laquelle j’ai passé des mois à réfléchir et à organiser. Tout ça pour quelques notes idiotes empruntées à quelqu’un d’autre.

J’ai pensé à quitter le pays pour au moins échapper à la sentence d’EffaceMem. Malheureusement, le juge a déclaré que je devais être présent pour appliquer la sentence et activer le système dans un mois. En plus, le gars de la RIAA (NdT : Association de l’industrie du disque étatsunienne) a dit que ce n’était qu’une question de temps avant que leur système de Gestion des droits mentaux soit mondial.

J’espérais vraiment laisser Straight Focus en héritage. Je me rappelle avoir expliqué EffaceMem à Sarah quand elle avait sept ou huit ans. Elle m’avait dit : « Papa, peut-être que tu devrais faire quelque chose pour que les gens se souviennent plutôt que pour qu’ils oublient. » Après qu’elle a perdu sa bataille contre le cancer, j’ai pris conscience que je voulais faire quelque chose dont les gens se souviendraient – quelque chose qui me permettrait de me souvenir d’elle.

Straight Focus a permis ça. Tout le monde aimait cette chanson, il y avait plein de superbes versions faites par les fans, des vidéos et tout. Je partageais mes nouvelles idées musicales avec le monde entier, créant quelque chose qui puisse rester dans les mémoires.

Le droit d’auteur est supposé protéger les artistes comme moi, n’est-ce pas ? Mais ici, c’est la loi sur le droit d’auteur qui détruit ma création. Comment ont-ils pu rester aveugles face à ce qui allait arriver ? Comment ont-ils pu laisser cette stupide loi 1201 telle quelle pendant presque cinquante ans ?

La vie est pleine d’ironie. La dernière chose à laquelle je m’attendais était que ma propre technologie d’effacement de mémoire soit utilisée contre mes idées.

Depuis que Sarah est morte, ça a été une chute continuelle. Elle aimait la musique et il n’y avait rien de plus important que sa playlist favorite. Après l’avoir perdue, cette playlist a failli m’échapper avant qu’ils ne la suppriment en raison de la loi sur la succession des biens numériques (plutôt étrange que votre parent ne puisse hériter de votre bibliothèque musicale). J’ai créé Straight Focus pour garder son souvenir en vie mais ils ont supprimé cette chanson, y compris sur mes propres ordinateurs.

Et maintenant, ils suppriment même les souvenirs de cette chanson sur elle. C’est comme s’ils la supprimaient de mon esprit.

Avant donc que mes souvenirs me soient pris le mois prochain, je vais emballer ce qui me reste de cette chanson – presque tous mes souvenirs de Sarah, je pense. Je pensais à laisser la boîte sous mon bureau pour que je puisse la voir après qu’ils auront lancé EffaceMem. Toutefois, mes pensées actuelles sont trop tristes et trop douloureuses et je ne sais pas si je veux rouvrir ces blessures après avoir perdu mes souvenirs. Je vais donc placer cette boîte ici, dans le grenier. Peut-être que je la retrouverai un jour, espérons dans de meilleures circonstances.

Il y a aussi cette cartouche en plastique qui fait environ la taille de ma main avec une sorte de bande marron brillante à l’intérieur. Il y a écrit Straight Focus dessus. Il y a également cette machine noire avec des boutons et on dirait que la cartouche peut y être insérée mais je n’arrive pas à l’allumer. Je pense qu’il faut une source d’énergie. J’ai essayé tous les chargeurs sans fil à induction que j’ai à la maison, aucun n’a fonctionné. Je suppose que la machine doit être trop ancienne pour ça.

J’apporterai tout ce que j’ai trouvé quand je viendrai demain. On demandera à Oncle James s’il peut trouver une solution vu qu’il aime toutes ces machines du XXIe siècle. Qui sait, peut-être que nous découvrirons toute une facette d’Alfred Vail dont nous n’avions jamais entendu parler.

 

Merci à l’équipe Framalang de ce gros travail de traduction !




#Apolog, le 3e tome des NoéNautes disponible chez Framabook

Enfin ! Après des mois d’attente, le troisième tome des aventures des Noénautes, les télépathes de Pouhiou, est enfin sorti dans la collection Framabook.

Interrogé par deux de ses correcteurs, l’auteur nous explique comment il a écrit cet opus au cours d’un NaNoWrimo effréné, et nous révèle un peu de ce qu’on va y trouver.

Encore une fois, il n’a rien fait comme tout le monde…

 

https://framablog.org/media/video/pouhiou2.mp4

 

Pouhiou : réécrire l’Histoire, oui, mais avé l’assent provençal

Bon, Pouhiou tu es gentil mais là on a un peu oublié les deux premiers épisodes des Noénautes, tu ne pourrais pas nous résumer les saisons précédentes de cette saga foutraque et jouissive ?

#Smartarded, Tome I des NoéNautes à télécharger ou achter sur Framabook.org
#Smartarded, Tome I des NoéNautes à télécharger ou acheter sur Framabook.org

…et tout ça sans trop spoiler ? OK, chiche, on y va !

Les NoéNautes, c’est le nom que l’on donne aux 8 personnes qui, tous les 88 ans, naissent sur terre avec des pouvoirs de télépathes (des pouvoirs qui, en général, s’éveillent à l’adolescence). Ce sont des personnes qui peuvent voir dans la Noétie (la sphère des idées qui planent autour de nos têtes) et qui peuvent implanter des idées dans notre crâne… mais aussi dans des noeuds (de tricot) ou des cristaux (de sucre) !

Dans #Smartarded, on suit le blog d’Enguerrand, Connard Professionnel qui se découvre tardivement ses pouvoirs et se voit poursuivi par d’autres NoéNautes. Il faut dire que ces 8 personnes sont réparties en 5 Maisons rivales, et s’entendent comme des chats affamés devant la dernière sardine.

Dans #MonOrchide, on lit le blog de Cassandre, une autre NoéNaute qui parviendra à réunir ses comparses pour découvrir et débouter le complot qui règne autour d’elleux : en effet, derrière les Maisons se cachent des Descendants qui attisent la rivalité entre les NoéNautes, et les manipulent afin d’acquérir richesse et influence…

Mais l’avantage de ce troisième tome, c’est qu’il revient aux sources de tout cela, et peut se lire sans trop avoir lu les précédents (même si ça va être plus velu !)

Fred : pourquoi est-ce que Goofy dit « foutraque » à chaque fois qu’il parle de toi ? Tu es vraiment siphonné ?

Goofy : C’est pas lui qui est foutraque (Pouhiou est seulement toulousainzin, c’est connu) mais bien son récit selon moi, et c’est plutôt un compliment, mais j’en ai trop marre de lire tout le temps « un roman déjanté ».

Possible. J’avoue que j’aime bien aller chercher l’originalité, que ce soit dans la forme ou dans le fond. C’est pour cela qu’on peut avoir un épisode qui se croit chez Tarantino, des huîtres ou des bonbons transformés en armes (et des chatons en boucliers), et un langage qui s’amuse autant avec les codes de Twitter qu’avec l’accent provençal.

D’après ce que me disent mes lecteurices, cela donne des romans inhabituels, où il faut quelques pages pour s’habituer à la langue… mais qui sont tellement dans le jeu (ils jouent avec toi quand ils ne se jouent pas de toi !) qu’on finit par s’y amuser avec délices (ou à le jeter dans un coin pour reprendre un bon vieux Marc Lévy !)

Tu as fini ton roman en allant écrire chez les copains dans tous les coins de France,  ça n’a pas  dû être simple de voyager, rencontrer, discuter (on te connaît) et écrire en même temps ?

Alors je ne l’y ai pas fini, je l’ai débuté. Les 50 451 premiers mots de cet ouvrage ont été écrits entre le premier et le 30 novembre 2013, lors d’un NaNoWrimo. Pour relever ce défi (écrire 50 000 mots d’une fiction en novembre) j’ai demandé à mon lectorat une résidence d’artiste ambulante, en mode « J’irai écrire chez vous »…

C’était aussi formidable qu’épuisant.

Car, en plus de devoir écrire 1666 mots par jour, je devais faire mes recherches, concevoir un effet de style bien particulier, ne pas rager contre ma tablette et son clavier bluetooth tout pourri… Et passer le reste du temps à parler, rencontrer, voyager, parler lors des rencontres de voyages… et bloguer tout cela sur le Framablog !

On ne s’en rend pas compte sur le moment, mais un mois aussi dense, aussi riche, à être attentif à chaque personne, chaque discussion, chaque nouvelle idée qui voulait s’écrire à sa manière dans le roman : ça vide. Littéralement comme littérairement. J’ai fini ravi, hein, mais dans un état d’épuisement moral et intellectuel assez… intéressant. J’ignorais qu’on pouvait être à la fois aussi empli et vidé.

Que s’est-il passé ensuite ? J’imagine que pendant plusieurs mois tu devais avoir des messages de lecteurs impatients…

#MonOrchide, tome II des NoéNautes, à télécharger ou acheter sur Framabook.og
#MonOrchide, tome II des NoéNautes, à télécharger ou acheter sur Framabook.og

Je suis rentré et me suis enfermé dans ma chambre pendant un mois et demi. Sortir pour les courses de Noël ou les fêtes de fin d’année en devenait une épreuve ! Puis je me suis remis à vivre, avec un déménagement, un Guide du Connard Professionnel, puis des vidéos parlant de cul…

Durant tout ce temps, j’essayais de revenir sur #Apolog. J’en corrigeais et relisais les chapitres, j’avançais au compte-goutte. L’écriture vient toujours aussi bien, chez moi, mais le fait de s’y mettre était souvent une épreuve. J’ai oublié ce que je claironnais lors des précédents romans : c’est l’histoire qui décide de quand et comment elle s’écrit, pas moi.

Bien sur que j’ai tenté de forcer le rythme, y’avait du monde qui attendait cette suite, moi le premier… Mais c’est quand (au bout de quelques mois) je suis parvenu à m’extraire de cette pression que j’ai enfin pu m’atteler à l’écriture de scènes très dures et d’enfin conclure ce roman.

Le plus bête a été le temps perdu sur des finitions telles que les addenda, la couverture, etc. Entre mon nouveau boulot chez Framasoft et le succès de #CulPouhiou, je n’ai pas su gérer et prendre le temps. Mais on est au bout, et je suis fier de ce nouveau bébé !

Et alors keskya de nouveau dans cette saison 3 ?

Dans cette troisième saison, je me suis éclaté. il y a des intrigues historiques (réinterpréter l’Histoire pour y inclure des NoéNautes tous les 88 ans, c’est jubilatoire !), une prophétie qui se dévoile peu à peu, et donc un éclairage important aussi bien sur les origines que sur l’état actuel des NoéNautes.

Là où je me suis vraiment amusé, c’est quand je me suis mis à créer un code littéraire. J’aime les œuvres qui dévoilent les ficelles de l’histoire qu’elles te racontent. Alors je me suis pris au pied de la lettre. Ici, le roman te dit quand il fait une description, quand il lance un dialogue, le tout avec des balises… Bien évidemment, si ce code est là, c’est qu’il va être plus utile et puissant qu’on ne le croit.

Tu nous refais le coup de la surprise sur le narrateur, ça t’amuse ?
Oui.

C’est un jeu. Un contrat silencieux entre l’histoire, les gens qui la lisent et moi : jusqu’où on peut aller ? Jusqu’où tu me suivras ?

Alors je tente l’auto-parodie… Et, en même temps, quand un magicien fait un tour dont le truc semble trop évident, c’est peut-être pour mieux te distraire…

Cette fois tu as puisé dans des références à caractère historique, pourquoi ? C’est pour faire plus sérieux ou pour capter le lectorat des retraités ?

Cesse donc de dévoiler mon machiavélique plan marketing !

Sérieusement, c’est par irrévérence. Lorsque j’ai écrit le baiser entre Saint-Georges et le Dragon, j’ai explosé de rire en sautillant sur ma chaise ! Quand on écrit du fantastique (ou de l’Urban Fantasy, puisqu’il parait que c’est ce que je fais), l’Histoire est une source d’inspiration merveilleuse, toujours emplie de légendes et d’exagérations ! Cela m’a aussi permis d’aller revoir le Japon féodal (un amour d’étudiant) et de retrouver ce Palais des Papes où j’ai été guide (OK : pour les 3 mois de mon stage de fin d’études, mais il reste dans mon cœur).

D’ailleurs, pour écrire ces références à l’histoire, je n’aurais jamais pu m’en sortir sans Wikipédia, dont les articles et les liens vers les sources ont été pour moi une caverne d’Ali-Baba !

Cliquez sur la couv pour télécharger ou acheter #Apolog, le tome III des NoéNautes sur  Framabook.org
Cliquez sur la couv pour télécharger ou acheter #Apolog, le tome III des NoéNautes sur Framabook.org

Et d’ailleurs qui sont les gens qui te lisent et suivent tes aventures scripturales ? Tu as une idée de la « sociologie » de ton lectorat, ou au moins de ceux que tu as pu rencontrer ?

Évidemment, il est varié… Mais si je fais la moyenne, je pense qu’une majorité sont des personnes de 20-35 ans, qui sont à l’aise avec l’informatique, et/ou les thématiques LGBT+, et/ou la littérature fantastique, fantasy, pulp…

C’est ça qui est drôle quand on met tout ce que l’on est dans ses histoires : il y en a tellement que des univers (et des lectorats) très différents s’y retrouvent !

Qu’est-ce qui te fait kiffer dans l’écriture ? Est-ce que c’est un moyen d’obtenir de la reconnaissance et de faire des rencontres avec les lecteurs, ou bien dès l’écriture y a-t-il un plaisir particulier ?

Je crois, intimement, que nos esprits et nos personnes sont faits de contes. D’histoires. Alors se poser devant une idée et se demander : « Comment je la raconte ? Pourquoi je la raconte celle-là, et de cette manière-là ? Qu’est-ce que ça va faire à l’autre ? »… C’est un moment inouï !

Après, ce que je dis là, c’est probablement du baratin téléramiste. En vrai, y’a un plaisir fou, primal, à être pris dans les mots et les idées, puis pris par le flot, et de nager dedans au rythme des clapotis du clavier… Aujourd’hui, je me rends compte des jours où je n’ai pas écrit (au moins un commentaire ou un email bien bien long) au fait que je suis énervé, irascible. Quand je me mets à créer, à exprimer ce qu’il y a, là dedans, au ventre… ça va mieux. Alors je le fais.

Et l’opus N°4 ce sera quoi donc ? Et puis ce sera quand ? Tu as déjà une idée ? Nan passque t’en as promis huit, quand même…

Pouhiou, par Kaweii (CC-0)
Pouhiou, par Kaweii (CC-0)

Je pense qu’on reviendra au blog. Cette expérience d’écriture en direct est bien trop prenante pour que je n’y regoûte pas. Je n’en sais que peu de choses au final. J’en connais le titre (et je ne le dirai pas), le narrateur, et je pense que cette fois-ci il sera le héros de l’histoire qu’il raconte (ce qui n’est pas le cas dans les romans précédents).

Je crois aussi qu’il va parler d’insouciance et de futilité, parce que je vois beaucoup trop de gravitas en moi et autour de moi. J’ai envie d’un roman avec un petit rire sincère… parce qu’il va probablement détruire les NoéNautes tels qu’on les connaît !

Quand se fera-t-il : quand il le décidera. Peut-être que ce ne sera pas si loin de la sortie de celui-ci, ce serait beau que cela s’enchaîne.

Quant à la suite… qui sait ? J’aimerais un jour me lancer un défi marathonien, finir ces 4 autres romans en un gros… Mais j’ignore complètement si j’en suis capable (et comment je ferais pour avoir un boulot, une vie sociale, d’autres projets…)

Tu verses tes romans dans le domaine public et tu fais des conférences pour expliquer pourquoi. Cool. Mais c’est quoi, cette histoire de confiance dont tu parles tout le temps ?

Le droit d’auteur a été conçu à l’époque où, pour distribuer la culture, il fallait commercialiser des objets (des livres papier). Cet angle économique sous-tend l’essence même de la législation, que je vois basée sur la méfiance du commerçant (envers le voleur, celui qui n’est pas client).

Je ne suis pas un vendeur.

Je donne forme à des histoires pour qu’elles trouvent leur public (qu’il soit « de niche » ou « grand » importe peu, ce n’est pas de mon ressort).

Plutôt que de me méfier des personnes qui s’intéressent à mes fariboles, je préfère les leur confier. Quand tu tournes la page, tu me fais confiance pour poursuivre l’histoire le plus justement possible jusqu’au mot fin. Pourquoi je ne pourrai pas te faire confiance pour la traiter le plus justement du monde ? Ainsi, tu peux en être lectrice, mécène, adaptateur, diffuseuse, critique, traducteur, éditrice, etc… En te faisant confiance, j’y gagne plus parce que tout le monde y gagne… C’est le principe du Libre, non ?

Et alors, comme toujours, on te laisse le dernier mot.

Ben ce mot sera Apologue : un terme littéraire qui désigne un conte moral, une histoire qui veut te faire comprendre quelque chose.

#Apolog, c’est un peu la même chose, sous la forme d’un journal d’erreurs… et avec l’accent provençal.




Framasoft fait son « Ray’s day » avec 8 nouvelles Libres

Depuis sa création, Framasoft s’est donné pour mission de diffuser la culture libre et d’en emprunter la voie — libre elle aussi. Aujourd’hui, c’est le « Ray’s day », l’occasion de fêter l’acte de lecture en célébrant l’anniversaire de feu Ray Bradbury.

L’événement, initié l’année dernière par l’auteur Neil Jomunsi se veut « comme une grande fête d’anniversaire dans le jardin avec ballons et tartes aux myrtilles ». Pas une fête pour « vendre de la culture », juste une grande envie de partager nos lectures.

8 nouvelles Libres

Alors, à Framasoft, comme on aime beaucoup les tartes aux myrtilles, on s’est dit qu’on allait participer. Le temps de cette belle journée, différents membres de l’association ont donc pris la casquette d’écrivain pour vous présenter un livre électronique inédit contenant 8 histoires différentes :

  • Apocalypse de Pouhiou ;
  • Caméléon et Daimôn : la colère de Frédéric ;
  • Celui pour qui sonnent les cloches de Marien ;
  • Steve et Mars bipolaire de Gee ;
  • La revanche du lobby pâtissier de Greg (invité par Framasoft à l’occasion) ;
  • Ils sont fait de viande, une traduction de Terri Bisson par Luc.

Cliquez sur l'image pour télécharger le livre numérique.
Cliquez sur l’image pour télécharger le livre numérique.

Cet ebook, au format .epub (le format ouvert du livre numérique) est téléchargeable à cette adresse et est bien évidemment libre.

Lisez, partagez, adaptez ou modifiez-les, ces histoires vous appartiennent désormais ! Et si l’envie vous en prend, diffusez le mot sur les réseaux sociaux avec le hashtag #RaysDay… l’occasion aussi de découvrir d’autres initiatives à travers la toile.

Mais ce n’est pas tout…

En effet, suite à un harcèlement textuel et potache sur les réseaux sociaux, Gee et Pouhiou ont repris leur casquettes de Connards Professionnels pour un nouvel épisode de « Bastards, inc. – Le Guide du Connard Professionnel ». L’occasion de relire et/ou télécharger les épisodes précédents, et de lire cet épisode inédit en attendant qu’ils reprennent (dès le 2 septembre) leur rythme de croisière de ce roman/BD/MOOC de connardise.

Cliquez sur l'image pour aller lire ce nouvel épisode
Cliquez sur l’image pour aller lire ce nouvel épisode

Enfin, le groupe Framalang vient d’achever la traduction d’une nouvelle futuriste sur le copyright et ses dérives : Stop the Music de Charles Duan (initialement publiée sur BoingBoing, un site tenu, entre autres, par Cory Doctorow). La traduction n’a pu être prête à temps pour rejoindre l’epub de cet article, c’est pour cela que vous en retrouverez la première partie dès aujourd’hui ici sur le Framablog !

Partagez vos lectures !

On vous souhaite donc à tous un bon Ray’s day 2015 et une bonne journée de lecture. N’oubliez pas d’aller voir sur le site officiel du Ray’s Day toutes les initiatives de partage qui sont proposées aujourd’hui, ainsi que de télécharger les ebooks sur leur bibliothèque en ligne / catalogue OPDS !

En espérant vous retrouver l’année prochaine,

L’équipe de Framasoft.




RaysDay : Stop the Music, une nouvelle sur les libertés. 1/2

À l’occasion du RaysDay 2015, l’équipe de traduction Framalang a choisi de traduire la nouvelle Stop the Music, de Charles Duan, publiée originellement sur Boing Boing. Cette histoire futuriste explore les dérives possibles des lois sur le copyright.

Voici donc la première partie de cette traduction (la seconde et dernière partie sera publiée sur le Framablog la semaine prochaine). Exceptionnellement, nous avons choisi de ne pas traduire le titre (libre à vous de le faire !)

Comme son œuvre originelle, cette traduction est sous licence CC-BY-SA-NC.

Traduit par : Piup, egilli, Sphinx, Omegax, ac, audionuma (et les anonymes)

Stop the Music (image : Boing Boing
Stop the Music (image : Boing Boing)

Stop the music

I.

À la Cour fédérale du district central de Californie

Eugene L. Whitman contre Alfred Vail Enterprises, Inc.

Plainte pour violation du droit d’auteur

Le 18 février 2044

 

Le plaignant, Eugene L. Whitman, représenté par ses avocats, porte plainte contre Alfred Vail Enterprises, Inc. suite aux faits suivants :

1. Le plaignant, M. Whitman, compositeur de son état, a écrit la chanson populaire Taking It Back

2. Le 14 janvier 2044, le défendeur Vail Enterprises a distribué la chanson Straight Focus qui remporte aujourd’hui un grand succès.

3. Straight Focus inclut un fragment de huit notes, extraites de Taking It Back. Par conséquent et au vu de cette œuvre dérivée non autorisée, Vail Enterprises a manqué au droit d’auteur de M. Whitman.

En tout état de cause, M. Whitman requiert que Vail Enterprises :

A. Reçoive une injonction lui interdisant la poursuite de cette infraction au droit d’auteur de M. Whitman ;

B. Détruise l’intégralité des exemplaires de Straight Focus en possession de Vail Enterprises ;

C. Soit ordonnée de supprimer la chanson Straight Focus de la mémoire de l’ensemble des personnes résidant aux États-Unis.

 

II.

À la Cour fédérale du district central de Californie

Eugene L. Whitman contre Alfred Vail Enterprises, Inc.

Réponse de Alfred Vail Enterprises, Inc.

Le 25 février 2044

 

Le défendeur, Alfred Vail Enterprises, Inc., répond à la plainte du plaignant, Eugene L. Whitman, en les termes suivants :

1. Vail Enterprises est une société basée dans l’État du Delaware dont le siège se situe à Los Angeles en Californie et qui est intégralement détenue par M. Alfred Vail.

2. À la suite d’une carrière longue et réussie au sein de l’industrie de la neurobio-ingénierie, M. Vail fit le choix d’entrer dans le monde de la musique. Sa première composition Straight Focus est une œuvre musicale unique et innovante, jugée par les critiques comme « digne d’un nouveau siècle technologique » ou comme « une clef de voûte entre l’art et les neurosciences ».

3. En plus d’être un succès massif, la portée de Straight Focus fut internationale. Cette chanson fut vue plus de 350 millions de fois sur les sites de partage de vidéos. Outre cela, le meilleur révélateur de la popularité de cette œuvre reste : les vidéos d’appréciation, les remixes et adaptations diverses réalisées par les amateurs de ce morceau.

4. M. Vail a écrit Straight Focus à la mémoire de sa fille Sarah Vail, décédée l’année dernière en pleine adolescence suite aux complications de sa leucémie. Le morceau est composé de fragments des cinquante œuvres musicales préférées de Mlle. Vail, arrangés par lui-même grâce à sa créativité et à son expérience en neurosciences afin de produire un tour de force émotionnel musical inattendu. L’une de ces œuvres correspond au morceau du plaignant Taking It Back.

5. Le fragment de Taking It Back utilisé dans Straight Focus est minime et n’a pas altéré la valeur de ce morceau. En effet, la popularité de la composition de M. Vail a entraîné un intérêt significatif et une augmentation des ventes pour l’ensemble des œuvres sur lesquelles il s’est basé. Par conséquent, l’utilisation de ce fragment de Taking It Back par M. Vail ne constitue pas une infraction au droit d’auteur ou, a minima, constitue un usage raisonnable au titre de l’article 17 U.S.C. § 107.

6. En outre, la requête du plaignant, M. Whitman, exigeant la suppression de tout souvenir de Straight Focus des pensées des auditeurs, constitue un précédent absurde. Jamais un tribunal n’a ordonné ou autorisé de suppression de mémoire totale, visant l’ensemble du public pour une affaire liée au droit d’auteur. Cet ordre ou cette autorisation ne devrait pas être soumis à la compétence de cette cour.

 

III.

À la Cour fédérale du district central de Californie

Eugene L. Whitman contre Alfred Vail Enterprises, Inc.

Avis et ordre quant à l’effacement de la mémoire

20 juin 2044
Avis de M. Benson, juge fédéral.

Le jury du tribunal a considéré que l’accusé Vail Enterprises n’a pas respecté le droit d’auteur du plaignant M. Whitman. Le plaignant demande donc à cette cour d’émettre un arrêt obligeant Vail Enterprises à effacer tout souvenir du morceau délictueux Straight Focus des pensées de toutes les personnes résidant aux États-Unis, grâce au système EffaceMem National.

La requête de M. Whitman est une forme de réparation extrêmement inhabituelle et sans précédent. Il est donc nécessaire de procéder à quelques explications concernant le système.

Le système EffaceMem National a été développé à partir de la technologie EffaceMem, inventée par Alfred Vail en 2028. Des avancées antérieures en neurosciences ont révélé que les souvenirs humains pouvaient être modifiés ou effacés en agitant les cellules cérébrales, mais cette procédure était intrusive et risquée, et, de fait, utilisée uniquement dans des cas particulièrement inhabituels de troubles psychiques, comme les troubles de stress post-traumatiques.

M. Vail a découvert que certaines ondes sonores basses fréquences à fluctuation rapide pouvaient être utilisées pour agiter les cellules cérébrales de la même manière, permettant ainsi un effacement de la mémoire sans risque et sans intrusion, avec une excellente précision concernant la date et l’objet des souvenirs. Cette technologie, qu’il appela EffaceMem, fut offerte comme service au consommateur, le plus souvent pour effacer le souvenir d’événements embarrassants, d’ex-amants, et de situations traumatisantes.

De manière inattendue, le service au consommateur devint un élément de sécurité nationale au moment des attaques terroristes contre les États-Unis d’août 2039. L’Agence centrale de renseignement (CIA) avait intercepté une communication chiffrée contenant les détails de la planification de plusieurs bombardements simultanés sur plusieurs grandes villes. La CIA savait que l’attaque aurait lieu durant la semaine suivante, mais ne pouvait pas déchiffrer le reste du message pour identifier les détails du complot. Le temps venant à manquer, la CIA, dans une ultime tentative, se procura des milliers d’énormes haut-parleurs haute-fidélité, les répartit dans les villes, et diffusa à plein volume des enregistrements d’EffaceMem conçus pour effacer les souvenirs de toutes les conversations ayant eu lieu au moment de la diffusion des messages interceptés.

Les résultats furent saisissants : San Francisco et la ville Washington., où EffaceMem était déployé, ne subirent aucun bombardement, alors que la ville de New York, où EffaceMem n’avait pas pu être déployé à temps, fut dévastée.

À la suite de ces attaques, le pays entreprit rapidement de déployer EffaceMem sur l’ensemble du territoire. Le réseau ainsi formé, connu sous le nom de « système EffaceMem National », couvre chaque centimètre carré et chaque habitant des États-Unis, et permet d’assurer la suppression totale d’une idée dans l’esprit de la population. Le système n’a pas été utilisé de manière fréquente, mais plutôt occasionnellement, et sous supervision judiciaire stricte, pour déjouer les complots terroristes et prévenir des crimes, avec d’excellents résultats. La CIA et l’armée ont également étudié d’autres applications.

Mais le système EffaceMem National n’a jamais été utilisé pour servir des intérêts privés. Jusqu’à présent, il a été utilisé uniquement pour effacer des idées de crimes ou des dangers pour le public. Ainsi, la requête de M. Whitman d’utiliser le système pour effacer le souvenir d’un morceau de musique est parfaitement inattendue. Cette cour n’a absolument aucune décision similaire ni aucun précédent sur lequel se baser.

Au premier abord, l’injonction faite à une partie d’utiliser le système EffaceMem National semble inappropriée dans presque tous les cas, car cette cour ne peut obliger une partie à faire quelque chose que si cette partie peut faire cette chose, et utiliser EffaceMem National n’est pas possible pour la plupart des gens. Mais ici, l’accusé est une exception inhabituelle, car Vail Enterprises est propriétaire du système. M. Alfred Vail, inventeur d’EffaceMem, a plus tard fondé Vail Enterprises, qui a financé et construit le système EffaceMem National, et en est toujours propriétaire. Par conséquent, une injonction d’utiliser le système pourrait être émise à son encontre.

M. Whitman soutient que l’article 17 U.S.C. § 503(b) autorise cette cour à ordonner à Vail Enterprises de réaliser une suppression des souvenirs du morceau. Cette loi indique que cette cour « peut ordonner la destruction […] de toutes les copies ou les enregistrements audio faits ou utilisés en violation des droits exclusifs du propriétaire des droits d’auteur ». Comme les neurones qui ont enregistré les souvenirs du morceau sont des « copies ou des enregistrements audio », M. Whitman prétend que cette cour a le pouvoir d’ordonner à Vail Enterprises de procéder à la « destruction » de ces copies en effaçant les souvenirs.
Je comprends la position de M. Whitman. M. Whitman est manifestement très soucieux de protéger ses œuvres musicales, et refuse à quiconque d’en créer des œuvres dérivées ou de les altérer, en accord avec son désir de garantir que sa musique reste « pure ». Cela lui est permis, en tant que propriétaire des droits d’auteur. J’ai déjà ordonné à Vail Enterprises de supprimer toutes les copies physiques du morceau contrefait.
Mais en ce qui me concerne, je ne suis pas certain que l’injonction d’effacer des souvenirs soit raisonnable. Peut-être l’est-elle, peut-être pas ; aucune autre autorité judiciaire ne fournit de conseil sur cette question. Si la Cour d’appel ou la Cour suprême décident que ce type d’injonction est autorisé, alors je l’émettrai. Mais sans le support d’une de ces cours, il me semble nécessaire de rester prudent et de ne pas ordonner à Vail Enterprises d’effacer les souvenirs du morceau contrefait.

Demande rejetée.

 

IV.

The Washington Post

Audition à la Cour suprême à propos de l’affaire sur l’effacement de mémoire.

Le 12 février 2046

Ce matin, la Cour suprême entendra les plaidoiries dans une affaire très suivie concernant la possibilité pour un auteur de chansons d’utiliser son droit d’auteur pour effacer de la mémoire de tous les Américains une chanson supposée contrevenir au droit d’auteur.

Cette affaire, Whitman contre Vail Enterprises, voit s’affronter le chanteur Gene Whitman et le neurobiologiste (devenu artiste du remix) Alfred Vail, à propos de la chanson à succès Straight Focus. En 2044, un jury a décidé que la chanson de M. Vail violait le droit d’auteur de M. Whitman. Immédiatement, l’Association Américaine de l’Industrie du Disque a diligenté une requête auprès du système fédéral de gestion des droits numériques, déclenchant ainsi un effacement automatique de la chanson de tous les sites internet et des équipements personnels. Straight Focus n’a plus été entendue aux États-Unis depuis plus d’un an maintenant.

Mais M. Whitman considère que la suppression de Straight Focus de tous les équipements personnels n’est pas suffisante. Extrêmement protecteur de ses œuvres, M. Whitman a cherché à obtenir un arrêt de la Cour imposant l’effacement de la chanson Straight Focus de la conscience de tout le monde en utilisant le système EffaceMem National, système qui est la propriété de M. Vail.

La Cour a récusé la requête de M. Whitman, indiquant qu’elle n’ordonnerait pas l’utilisation du système EffaceMem National sans l’avis de la Cour suprême.

M. Whitmann n’a pas souhaité s’exprimer sur cette affaire. M. Vail, lors d’une interview, a exprimé son « exaspération » que cette affaire aille jusqu’à la Cour suprême.

« Ma chanson Straight Focus signifie beaucoup pour de nombreuses personnes », dit-il. « Pour moi, c’est un souvenir de ma fille que j’ai perdue il y a trois ans. Et les amateurs de cette chanson ont créé leurs propres sens et souvenirs à partir d’elle. Cela dépasse l’imagination que Gene Whitman puisse effacer toutes ces pensées en clamant une sorte de possession du droit d’auteur. »

C’est la deuxième affaire au sujet du système EffaceMem National qui est portée devant la Cour suprême. L’affaire précédente, United States contre Neilson, portait sur la constitutionnalité du système, utilisé pour supprimer l’activité criminelle à la suite des attaques du 7 août 2039. Le système a été jugé constitutionnel par une majorité divisée de 5 voix pour et 4 voix contre.

Au nom de cette majorité, la présidente de la Cour suprême, Mme Diehr, a rejeté les recours basés sur les premier, cinquième et quatorzième amendements, déclarant que le système EffaceMem National est « un outil nécessaire à la société technologique pour la prévention des méfaits et des délits à l’encontre du du public ». Vétéran de l’armée de l’air et également ancienne procureure générale, la présidente s’est vraisemblablement basée sur son expérience au sein de l’armée des États-Unis lorsqu’elle a conclu : « le nombre grandissant de menaces envers notre nation ne peut être contrecarré qu’avec un arsenal défensif renforcé. »Elle écrit par ailleurs « qu’il s’agit d’un devoir de citoyen que d’abandonner ses pensées personnelles si cela protège le plus grand bien, de la même façon qu’il était un devoir, en temps de guerre, que d’abandonner sa liberté ou ses propriétés, pour le bien de la nation ».

Dans un argumentaire vivement opposé, le juge Diamond rejeta l’idée que « la pensée humaine est le jouet du gouvernement fédéral ». Rappelant son passé d’avocat des droits civils et se basant sur la Constitution et la Déclaration des droits, le juge a déduit que celles-ci contenaient, dans une certaine mesure, des garanties sur la vie privée et la liberté de pensée. Selon son point de vue, ces textes entrent en conflit avec un effacement de mémoire sans consentement. Il a fait référence à l’affaire Americans for Digitals Rights contre Gottschalk qui décida que la collecte de données représentait une fouille illégale d’après le quatrième amendement. Il y a 25 ans, le juge Diamond était l’avocat qui représentait ADR lors de cette affaire qui brisa la jurisprudence pré-Internet, jurisprudence qui avait été sérieusement remise en question par le juge Sotomayor en 2012.

Le juge Flook, dans un avis séparé, indiqua qu’il était « indécis » en raison des « conséquences inquiétantes » d’un effacement de mémoire généralisé. Malgré cela, pour lui, les bénéfices de ce système compensent ces inconvénients. C’est probablement son vote qui décidera du sort de cette affaire, tous les yeux seront rivés sur lui lors des débats.

Le juge est un ancien professeur de droit, dont les intérêts et les publications portent sur les lois concernant l’environnement et les ressources naturelles. Au regard de ses prouesses universitaires et de sa passion environnementale, l’opinion du juge dans l’affaire Neilson est, comme pour beaucoup de ses confrères, brillante sur le plan analytique et partagée sur le plan émotionnel. Il a déclaré : « Je crains sincèrement un monde où mes souvenirs et les souvenirs d’innombrables personnes peuvent être effacés en appuyant sur un bouton. Mais je crains autant les attaques terroristes. Dès lors que je peux être sûr que cet effacement de mémoire est limité aux seules situations nécessaires, ma première crainte sera suffisamment restreinte. ».

L’audience débutera à 10 h et portera sur l’affaire n°45-405 : Whitman contre Alfred Vail Enterprises.

 

Rendez-vous la semaine prochaine pour la suite et conclusion de cette nouvelle !




RMLL 2015 et Résistances : Framasoft en Festivals !

C’est la canicule, on sort les recettes d’eau libre (à consommer avec modération ^^), les stands, les beaux T-shirts… c’est officiel, on arrive à l’été des Rencontres et échanges Libristes !

 

RMLL 2015 : rendez-vous à Beauvais

Logo RMLL
Logo RMLL

Rendez-vous incontournable du monde Libre, les « ReuMeuLeuLeu » (ou Rencontres Mondiales du Logiciel Libre) sont cette années accueillies et organisées par Beauvais, et c’est du 4 au 11 Juillet !

Comme nous vous l’avions annoncé, nous ne tiendrons un stand que lors des Journées Grand Public (samedi 4 et dimanche 5 juillet). Ce qui nous nous empêchera pas d’être présents lors du reste des rencontres, que ce soit entre les stands (un indice : repérez les badges « Framateam ») ou durant des conférences.

Car les RMLL proposent un programme complet de conférences, tables rondes et autre réjouissances auxquelles Framasoft se joint avec plaisir… Vous nous retrouverez donc :

Bien entendu, au delà des Framasofteries, TOUT le programme des RMLL est empli de pépites qui sauront faire pétiller votre intérêt, vos neurones et vos processeurs…

Résistances, du cinéma et des idées

affiche2015Du 3 au 11 juillet, dans la ville de Foix[1] (en Ariège), a lieu un festival de cinéma aussi engageant qu’engagé : Résitances.

L’idée de ce festival, qui fête cette année sa 19e édition, est de mettre en valeur des films qui bousculent notre vision du monde, montrent d’autres façons de vivre, de voir de raconter et de partager… bref : qui nous nourrissent l’esprit comme la société.

Framasoft sera présent lors du week-end final (10 et 11 juillet) à l’occasion de leur thématique Une civilisation du partage. l’occasion pour nous d’échanger avec un public pas forcément rompu aux codes du Libre, et pour Pouhiou de réitérer sa conférence Créateurs, la confiance paye

 

Voilà pour les quelques rencontres estivales… promis, il y aura encore plus d’occasions de se voir, de boire de la limonade libre (avec modération ^^) et de parler Dégooglisation dès la rentrée !

 

 Note inutile et donc indispensable :

[1] Et le premier ou la première qui commente « Il était une fois, dans la ville de Foix… » Pouhiou se jure de lui émonder les arquemuses… soyez prévenu-e-s !)




Framadate : un tuto et un openbar.

Parmi les divers services en ligne que nous proposons, il en est un plus… « particulier » que les autres : Framadate. On pourrait croire qu’un simple service de sondages et d’organisations de rendez-vous ferait figure d’outsider face à un tableur, un réseau social ou un service d’hébergement d’images chiffré et libre. Mais en vérité, Framadate est le deuxième service le plus visité de la galaxie Framasoft, ce juste derrière les framapads.

En témoignent aussi les nombreuses attentes, réflexions et propositions d’améliorations que nous apportent les utilisateurs et utilisatrices de ce service. Régulièrement, via notre formulaire de contact ou depuis notre git, nous recevons ces attentes, suggestions et râleries (ben ça arrive, aussi, hein ^^) auxquelles nous nous efforçons de répondre.

Car Framadate est une exception : basé sur Studs (un logiciel créé par l’université de Strasbourg) il s’agit du seul code maintenu et développé par Framasoft (sans compter ce que font certains de nos membres de leur côté… n’est-ce pas, Luc ?). Framasoft n’a pas vocation à créer du code : d’autres le font très bien, et nous sommes bien plus à notre aise à mettre en valeur leurs travaux.

Le tutoriel comme arme d’éducation populaire massive

La vocation première de Framasoft, c’est l’éducation populaire au Libre. Derrière l’expression un poil pompeuse se cache une volonté simple : amener plus de Libre dans la vie de la famille Dupuis-Morizeau (et même des Michus, bien qu’ils veulent qu’on leur fiche la paix ^^). Il s’agit pour nous d’aider à accomplir le travail qui reste une fois que le code est écrit, vérifié, testé, arrangé. Mettre ce logiciel en valeur, le faire connaître (en en parlant ou en démontrant ses vertus), parfois le traduire… ou l’expliquer.

Parler d’un logiciel (et/ou d’un service) Libre c’est bien. Dire qu’il ne faut plus utiliser Doodle mais Framadate, c’est énorme (et merci à vous qui le faites, on le voit chaque jour !). Mais qui pense à la solitude de papy Dupuis ou de cousine Morizeau lorsqu’ils se retrouvent devant ce nouveau logiciel, sans leurs repères ni leurs habitudes ? Qui pense aussi au petit dernier, qui commence à peine à tâter de la souris et veut organiser son goûter d’anniversaire, tout seul, comme un grand ?

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Cliquez sur l’image pour découvrir notre tutoriel Framadate

Chez nous, sur ce coup, c’est Christophe, notre spécialiste du LaTeX[1]. C’est pour aider ses collègues à se dé-Doodliser qu’il a commencé ce tutoriel. C’est en pensant à vos proches qu’il l’a revu et amélioré. Désormais, si vous voulez présenter cette solution libre de sondages, vous pourrez donner le lien de ce tutoriel (que vous retrouvez aisément en page d’accueil de Framadate) pour que vos proches soient totalement autonomes dans la création et l’administration d’un sondage de rendez-vous.

Framadate vous ouvre son Openbar

Chez Framasoft, donc, Framadate est un cas à part. Lorsque Studs n’a plus été maintenu, nous avons décidé de remonter nos manches et notre framaslave[2] JosephK s’est évertué à créer une V2 avec de nouvelles fonctionnalités, une meilleure ergonomie et une accessibilité sans faille… Puis Jo s’est fait enterrer vivant par sa to-do list et a tenté, tant bien que vaille, de maintenir le code et d’appliquer tests et bugfix tout en continuant de dégoogliser les internets à temps plein.

Depuis quelque mois, Jo a été rejoint par Olivier Perez, un courageux bénévole qui s’est emparé du code pour tenter de lui apporter des modifications, améliorations, parmi lesquelles :

  • tel Mirza, on se demande parfois où est passé tel ou tel framadate. Cette époque est révolue ! Grâce à la possibilité (en page d’accueil) de retrouver tous les sondages par le mail de l’administrateur, vous pourrez retrouver en un clin d’œil tous les sondages dont vous êtes l’administrateur ;
  • le nom de l’auteur, la date d’expiration et l’intitulé du sondage sont modifiables : fini la corvée de refaire un sondage pour une faute de typographie ;
  • les votes « Si nécessaire » sont décomptés entre parenthèses, permettant de ne pas baser son choix uniquement sur le nombre de votants « fermes » ;
  • une nouvelle option « Chaque participant peut modifier son propre vote » donnera à vos sondés un lien leur permettant d’éditer leur vote (et uniquement le leur) ;
  • une nouvelle option « Vote caché, seul le créateur du sondage peut voir les résultats » permet de créer un sondage où le décompte des votes sera visible uniquement par l’administrateur. Il pourra d’un clic rendre les résultats visibles à la fin par transparence ;
  • le formulaire d’administration (si vous avez installé votre propre version de Framadate) a lui aussi été complètement revu.

Par ailleurs, le code a été en grande partie réécrit, et de plusieurs bugs existants corrigés !

La liste des modifications (changelog) est disponible à cette adresse. Tout un tas d’améliorations sont au programme de cette nouvelle version que nous avons nommée… Openbar[3].

Allez, cliquez : c'est openbar !
Allez, cliquez : c’est openbar !

Aujourd’hui, l’openbar est ouvert. C’est une version de test (donc pas encore de https, on le sait, ce n’est pas encore parfait ^^). Il y a encore certainement plein de petits bogues à chasser dans les coins, des morceaux pas tout à fait comme il faudrait… et pour cela on a besoin de vous.

Pensez à nous donner vos retours

Nous vous ouvrons cette version bêta justement pour que vous nous aidiez par vos retours et suggestions… Alors bien entendu, ne nous envoyez pas tout de suite vos envies de telle ou telle nouvelle fonctionnalité : nous allons d’abord tester et mettre en production celles de la version openbar avant de nous attaquer à une nouvelle montagne d’améliorations ;).

Mais si vous repérez des bogues, incohérences, soucis et autres astuces qui peuvent permettre d’améliorer cette version-ci, n’hésitez pas à nous en faire part que ce soit dans les issues et commits de notre dépôt git (où se trouve le code de Framadate) ou dans les commentaires de cet article.

Avec votre aide, nous espérons pouvoir passer au plus vite cette version openbar en production, c’est à dire en faire le Framadate officiel par défaut. C’est ça la force du Libre : pouvoir demander de l’aide à la communauté quand le besoin s’en fait sentir. Et pouvoir, aussi, vous ouvrir l’openbar.

Santé !

Notes superfétatoires :

[1] Ceci n’est pas une allusion textuelle. Merci de ne pas en tirer de conclusions personnelles.
[2] C’est le petit nom réservé aux employés de Framasoft, parce que nous ne manquons ni de lucidité ni d’ironie ;p.
[3] Les framasoftien-ne-s ont une réputation de buveurs et buveuses de bière -Libre- à tenir. L’abus d’alcool est dangereux pour la santé, consommez avec modération !




Des parcours pédagogiques ludiques avec JLoDB

Ces dernières années, il n’y a pas de formation pour enseignants, de lettre ministérielle, d’exposition à destination des enfants qui ne parle pas de « parcours pédagogique ». Derrière ce grand terme fourre-tout on trouve globalement l’idée de faire passer l’apprenant par différentes étapes afin de lui permettre d’acquérir une notion, une compétence… Si on veut que ce parcours soit réellement pertinent et utile, il doit pouvoir s’adapter aux différents utilisateurs. C’est là que l’utilisation d’outils numériques peut prendre tout son sens.

Quelques outils existent dans l’univers du libre. L’association Sésamath développe par exemple le superbe projet J3P, très orienté pédagogie, qui permet à l’élève de créer son parcours parmi les différents exercices planifiés par l’enseignant en fonction de ses réponses.
Sur Framagora, nous avons eu la chance de voir l’évolution d’un projet plus ludique : JLoDB. Son auteur, Johann, nous présente sa réalisation.

 

Le site jLoDB
Le site jLoDB

Bonjour Johann, peux-tu nous présenter jLoDB ?

Bonjour. jLoDB est l’acronyme de « Javascript Learning Object Database ». C’est une base de données d’activités éducatives ; « éducatives » au sens large car il existe en son sein de nombreuses activités plus ludiques qu’éducatives : le Sudoku, Picross, Sokoban et d’autres encore. Ce projet se présente comme un site web tout ce qu’il y a de plus classique que chacun est libre d’utiliser, d’installer et de modifier comme le permet sa licence GPL-3.

L’architecture de jLoDB est modulaire. Il existe un noyau principal qui est la base de données où sont référencés tous les exercices en fonction de leur difficulté, de leur durée moyenne, de leur champ d’application et d’autres choses encore. Chaque exercice réalisé par l’utilisateur est évalué automatiquement par le programme qui lui donne une note de A à F.

Là-dessus, il est possible de développer des modules qui vont faire usage de cette base et de ces exercices. Parmi les modules actuellement disponibles on peut citer « Dä » qui est une sorte de trivial pursuit où chaque case donne lieu à un exercice issu de la base, « TiBibi » qui permet à un utilisateur de préparer et de stocker ses propres séries d’exercices et finalement « Genius socialis » qui organise les exercices suivant un parcours pédagogique.

 

Quelle est son originalité ?

D’un point de vue technique, jLoDB se veut le plus accessible possible. Le logiciel est très peu gourmand en ressources et doit pouvoir fonctionner sur tout type de matériel, même ancien. Ensuite, il repose sur des technologies libres et largement répandues (html et javascript côté client, apache, php et mysql côté serveur). En outre, l’utilisation du clavier est facultative rendant le projet compatible avec une utilisation sur tablette. Enfin, l’usage exclusif d’un format graphique vectoriel rend les activités indépendantes de la résolution de l’écran. Le petit bémol vient de la compatibilités des navigateurs puisque seul Firefox est totalement compatible. Safari, s’en sort très bien aussi, mais il souffre d’un bug d’affichage parfois pénalisant tout comme Chrome qui, en plus, ne supporte pas MathML, un format d’affichage de formules mathématiques. Internet Explorer n’est pas supporté.

Au niveau interface et jouabilité, je me suis énormément inspiré de ce qui se faisait dans le domaine du jeu vidéo. Même la représentation du parcours pédagogique est très inspiré par le sphérier de « Final Fantasy XII » ou l’arbre de compétences de « Path of exile ». Également, je suis un grand fan de logiciels comme « Docteur Kawashima » ou « Professeur Layton » qui, avec un game design astucieux, parviennent à rendre passionnant des problèmes parfois complexes. J’ai donc essayé d’appliquer le plus possible ces principes de gamification et j’espère que pour un projet éducatif, jLoDb arrive à proposer des choses ludiques et amusantes dans l’ensemble.

Initiation à la programmation
Initiation à la programmation

Enfin, du point de vue du contenu lui-même, certaines activités référencées dans la base me semblent assez peu communes.

  • 4 activités de programmation (Robot, LOGO, programmation impérative et Assembleur 6502) permettent à l’utilisateur d’apprendre l’informatique et la programmation de façon totalement autonome. C’est probablement la partie la plus développée actuellement. À l’heure où il est question de l’apprentissage de l’informatique à l’école, je crois sincèrement que jLoDb apporte une réponse tout à fait crédible.
  • L’activité « Équation » (inspiré par l’excellent « Dragon Box Algébra ») permet de résoudre des systèmes d’équations à plusieurs inconnus par simple manipulation d’éléments graphiques.
  • L’activité « MathCraft » (j’adore ce nom) propose des exercices de preuves mathématiques où l’utilisateur doit prouver une hypothèse à partir d’éléments fournis par

    Activité MathCraft
    Activité MathCraft

    l’énoncé. C’est encore assez expérimental et le formalisme de l’activité est un peu complexe, mais je trouve que cela donne des résultats plutôt prometteurs.

 

Maintenant qu’on connait un peu mieux ton projet, peux-tu te présenter un peu ? Quel est ton « parcours » ?

Je suis ingénieur en développement informatique. Dans la vraie vie, je bosse sur des programmes de gestion de flux de données. C’est un boulot intéressant car technique et exigeant mais, en même temps, il est assez frustrant parce qu’au final, il n’y a rien à montrer. Il n’y a aucun résultat visible : pas de jolies interfaces, aucune image, juste des flux de données et quelques logs. C’est, je crois, pour cette raison que j’ai commencé à programmer à la maison, pour moi, pour me faire plaisir. J’ai commencé par un logiciel de dessin sur Android en version 1.6 (« Plouik ») puis quelques jeux en SDL sous Linux avec un framework développé pour l’occasion (« Splashouille »).

 

Je suis honnêtement admiratif du boulot que tu as abattu seul. Depuis combien de temps travailles-tu sur ce projet ? Cela représente combien d’heures ?

Merci. Je ne saurais dire exactement. Si j’en crois mon compte GitHub, le dernier submit de « GNU versus zombie rotten tomatoes » (mon dernier développement hors jLoDb) remonte au 25 Juillet 2012. Je pense que cela doit correspondre au début du développement du projet. J’ai commencé par le jeu de l’alchimiste (Note De Moi : Je vous conseille de tester, c’est assez addictif comme jeu) et je me souviens l’avoir ré-écrit au moins 2 fois avant de trouver une structure satisfaisante, assez proche de ce qu’elle est encore aujourd’hui. Au niveau du temps passé, je ne saurais non plus dire. Tout cela est fait sur mon temps libre. J’essaie de développer un peu tous les jours mais cela est très fluctuant.

 

Je crois savoir que ton idée initiale était un seul et unique parcours dans lequel l’utilisateur pourrait progresser à n’importe quel moment de sa vie ? Cela ne te semble pas un peu audacieux comme projet ?

Tout provient d’un constat assez simple. En tant que joueur occasionnel, j’ai passé un temps incroyable sur de jeux comme « angry birds », « candy crush » ou « puzzle and dragons » à enchaîner des actions parfois très répétitives, à faire et refaire les mêmes niveaux, à me lever plus tôt le matin pour finir une quête quelconque. Les principes de gamification ont aujourd’hui une telle efficacité qu’il est souvent difficile de décrocher. L’idée sous-jacente du projet jLoDb est donc d’utiliser ces techniques de gamification sur des domaines plus académiques afin de créer une addiction à l’apprentissage.

Donc oui, pour répondre à la question, c’est extrêmement ambitieux (et pas mal prétentieux, aussi).

Ça l’est d’autant plus que je suis convaincu désormais qu’il est tout à fait possible d’intégrer la quasi-totalité des matières universitaires, de l’apprentissage de la lecture aux domaines post-bac (comme la thermodynamique ou la médecine). Le travail à accomplir est colossale mais au combien passionnant.

 

Tes graphismes sont très soignés. C’est toi qui fait tout cela également ? Avec quels logiciels ?

C’est gentil. Pour l’heure, j’ai réalisé l’ensemble des graphismes. J’ai cherché un peu à côté, mais j’avoue ne pas avoir trouvé grand chose. J’ai toujours aimé dessiner et mon petit niveau me permet de faire parfois illusion.Tous les graphismes sont vectoriels, du coup, j’utilise essentiellement Inkscape. Parfois, lorsque l’illustration à réaliser est très géométrique, il m’arrive de « dessiner » directement à l’aide d’un simple éditeur texte profitant du fait que le format vectoriel SVG est un format descriptif parfaitement lisible.

 

Par contre, pour le moment, les consignes des activités ne me semble pas forcément toutes toujours très claires. Besoin d’un coup de main ?

C’est un problème très récurrent avec mes développements. J’ai eu le même souci sur mon logiciel de dessin que je trouvais personnellement très intuitif mais qui, compte tenu des retours utilisateurs, ne l’était pas tant que cela.

Cela dit, je ne trouve pas que cela soit un problème en soit. Selon moi, le vrai souci est que le contenu du projet (les exercices mais aussi le parcours pédagogique) ne doit pas être rédigé par une seule personne. C’est un non-sens absolu. Surtout pour un projet libre (et surtout quand la dite personne n’a aucune compétence pédagogique). Si je le fais actuellement c’est faute de mieux car il faut bien pouvoir présenter quelque chose, mais il est clair que ce n’est pas une bonne chose. Donc oui, j’ai clairement besoin d’aide.

 

De manière générale, comment fait-on si on a envie de t’aider ?

Il y a plusieurs façons d’aider le projet. J’ai rédigé une notice dans un forum de discussion créé pour l’occasion (et encore un peu vide). Y sont détaillées les différentes façons de participer au projet.

Module Genius Socialis
Module Genius Socialis

Actuellement mon plus gros problème est la scénarisation et la validation du parcours pédagogique. Je n’ai aucune compétence pédagogique, aussi « Genius Socialis » ne doit pas être utilisé par des élèves. Pas encore. Pour qu’il soit exploitable, il faut, au préalable, qu’un groupe de personnes motivées organise et valide ces différentes séries d’exercices. Je pense que cela peut se faire via le forum car tous les outils nécessaires sont déjà disponibles. Donc, si cela vous intéresse n’hésitez pas à me contacter.

 

Et si je veux moi aussi installer jLoDB sur le serveur de mon école, c’est facile ? Tu as eu le temps de documenter cela quelque part ?

C’est facile au sens où c’est une installation relativement commune. Il faut disposer d’un serveur web. Le trio Apache, mySQL et PHP est largement suffisant. Il n’y a alors plus qu’à copier le projet dans l’arborescence web, modifier le fichier de configuration conf/jlodb.ini et lancer l’installation depuis la page principale du site. Rien de bien compliqué au final. J’ai mis un peu de documentation au niveau du forum de discussion.

 

Pourquoi le choix d’une licence libre (GPL 3) ? Tu aurais pu faire le choix du propriétaire, vendre cette solution à un éditeur scolaire et prévoir ainsi le remplacement de tes usines à spermatozoïdes par du métal précieux.

Pourquoi une licence libre ? À vrai dire, la question ne s’est pas vraiment posée : c’était une évidence dès le départ. Tout autre type de licence n’aurait fait que brider la diffusion du projet. Ce n’est pas ce dont j’avais envie.

 

Un exercice de géométrie
Un exercice de géométrie

Tu vas me trouver curieux (et cette question n’intéressera surement pas vraiment nos lecteurs), mais pourquoi as-tu choisi « Pouf-Pouf Production » comme nom de domaine ? Envie de concurrencer notre framaslave du domaine public dans les noms incongrus ?

Je pense que le choix de noms incongrus devrait être une obligation pour tous les développements non professionnels. C’est en tous cas le choix que j’ai fait en utilisant des noms parfaitement ridicules ou sans réelle signification sur l’ensemble de mes projets.

Initialement, « Plouik », mon logiciel de dessin sous Android et publié sous GooglePlay s’appelait « Sketchbook ». J’avais vérifié que ce nom n’était pas utilisé sur le market de Google mais je n’étais pas allé plus loin à l’époque. Si bien que quelque temps plus tard, j’ai reçu une lettre des avocats d’Autocad me demandant de dépublier expressément le logiciel sous peine de poursuites. Il est vrai qu’un « Autocad Sketchbook » existait déjà sur d’autres supports et, il a même été porté sous Android depuis.

J’ai donc changé le nom du logiciel. Mais, au final, le problème ne s’arrête pas là. Car même si le nom n’existe pas encore, il peut être déposé par une entreprise plus tard. Et le problème se reposera. Donc, pour éviter tout souci, le plus simple est, selon moi, de choisir, dès le départ, des noms dont personne ne veut, ni ne voudra jamais. Noms ridicules, imprononçables ou totalement incongrus : le choix reste très vaste.

 

Merci Johann pour cet entretien.