Licences Creative Commons, reprise des débats !

Kevindooley - CC byDans un billet précédent, aKa constatait que les utilisateurs des licences Creative Commons (ou CC) optaient dans leur grande majorité pour les clauses les plus restrictives qu’elles proposent.

C’est justement le cas de Ryan Cartwright, auteur régulier de billets sur le Free Software Magazine (FSM), surtout connu pour The Bizarre Cathedral, sa série de comic strips ayant pour sujet le monde de GNU/Linux et des logiciels libres. Cartwright a choisi de publier ses vignettes sous la licence CC BY-NC-SA, c’est-à-dire en bon français Attribution / Pas d’utilisation commerciale / Partage à l’identique[1].

Certains ont reproché ce choix à Cartwright, avançant que ces clauses restrictives allaient à l’encontre de l’esprit du logiciel libre et de ses quatre libertés. Dans un billet publié sur le FSM, dont nous vous proposons la traduction, Cartwright a répondu à ces critiques et justifié son choix, expliquant que selon lui des licences adaptées au code et aux logiciels ne pouvaient pas forcément s’appliquer à des œuvres de création, et que ces clauses permettaient surtout de protéger « l’utilisateur final », dans ce contexte le lecteur de The Bizarre Cathedral.

En bonus, je vous livre une traduction à la volée d’une précision sur les arguments de Cartwright publiée sur le site des Creative Commons par Rob Myers (dessinateur, auteur et bidouilleur membre de la FSF et du CC Network) :

Définir la clause SA comme une restriction comparable à la clause NC est une rengaine à la mode, mais erronée. Cartwright en convient mais finit tout de même par écrire que les deux clauses reviennent au même.
Ce n’est pas de la perspicacité, c’est un vieux bobard éculé. La clause SA empêche que soient ajoutées plus tard des restrictions supplémentaires, et la clause NC est une restriction supplémentaire. Qu’y a-t-il de difficile à comprendre ?

Pourquoi la licence de The Bizarre Cathedral est-elle « non libre » ?

Why is the Bizarre Cathedral Licence "Non-Free"

Ryan Cartwright – 21 octobre 2008 – Free Software Magazine
(Traduction Framalang : Joan, Don Rico et Olivier)

Depuis plusieurs semaines je crée les petites bandes dessinées The Bizarre Cathedral pour le magazine Free Software Magazine. Chacun d’entre eux est mis à disposition sous une licence Creative Commons BY-NC-SA : Paternité – Pas d’utilisation commerciale – Partage des conditions initiales à l’identique. J’ai récemment reçu quelques mails arguant du fait que c’est une licence « non-libre » et remettant en question l’usage que j’en fais ici. Certains de ces mails sont très polis, d’autres m’ont demandé de changer immédiatement la licence (sous-entendu « ou sinon… »). Je ne vais pas modifier la licence, et voici pourquoi.

Les quatre libertés s’appliquent au logiciel, pas à l’art

Les quatre libertés ne peuvent s’appliquer aux travaux créatifs – et particulièrement à quelque chose comme une bande dessinée. Il n’y a pas de code source que les utilisateurs pourraient étudier et modifier. Le copyleft par contre peut s’appliquer aux projets artistiques et les licences Creative Commons sont la forme la plus courante de licences copyleft appliquées à des œuvres artistiques. La FSF (à laquelle la plupart de mes correspondants semblent faire référence dans leurs arguments) indique que les licences Creative Commons sont incompatibles avec la GNU GPL ou la GNU FDL.

Chacun de ceux qui m’ont écrit à propos du choix de la licence pense que le problème réside dans la clause « Pas d’utilisation commerciale » (NC). Apparemment je passe du côté « non-libre » en stipulant aux lecteurs qu’ils ne doivent pas vendre mes travaux. Ce que je ne comprends pas, c’est comment les clauses « Partage des conditions initiales à l’identique » et « Paternité » sont plus libres. En 2004, quand le projet Xfree86 – serveur graphique X-Window – à l’époque omniprésent – a ajouté une nouvelle clause à sa licence indiquant qu’une mention de paternité dans le code ne pouvait être retirée, la communauté du logiciel libre s’est mise en action. Il me semble me souvenir que « scandale » était un mot très en vogue à l’époque. Le projet (libre) X.Org fit un fork et devint le serveur de choix. Pourquoi donc une clause de paternité est-elle libre dans le monde de l’art mais pas dans celui du logiciel ?

Tant qu’on y est, la clause « Partage des conditions initiales à l’identique » ne restreint-elle pas également la liberté ? Ne devrait-on pas avoir le droit de distribuer The Bizarre Cathedral sous la licence de son choix ? Certains clament que la licence GNU-GPL n’est pas vraiment libre car le copyleft restreint la liberté des utilisateurs à redistribuer le logiciel. La même chose peut s’appliquer aux licences CC.

Au bout du compte, la recherche de la liberté absolue pour une licence débouche sur une seule conclusion : pas de licence ou domaine public. « Faites-en ce que vous voulez », tel est le message des travaux du domaine public.

Pourquoi j’utilise cette licence « non-libre »

Il existe parfois de bonnes raisons de limiter les libertés de certains pour assurer une plus grande liberté pour tous. C’est la raison pour laquelle on met les assassins en prison – leur liberté est réduite pour assurer au plus grand nombre la liberté de vivre sans être assassiné (en tous cas, c’est la théorie). Le copyleft procède de la même logique, en réduisant certaines libertés lors de la redistribution, il assure une plus grande liberté pour les utilisateurs finaux. C’est pourquoi j’ai choisi la licence CC BY-NC-SA pour The Bizarre Cathedral.

  • BY car je souhaite que les personnes qui obtiennent un seul épisode puissent venir apprécier les autres ici, à FSM.
  • SA car je souhaite que tout le monde ait le même accès aux comic strips.
  • NC car je souhaite que les gens puissent les apprécier sans aucune dépense. Je suis payé pour les faire, donc je veux qu’ils puissent être appréciés sans coût.

Pour préciser davantage mon sentiment sur la clause NC, je ne suis pas foncièrement opposé à la revente de mes travaux, mais par le passé j’ai découvert que certains se les appropriaient et en demandaient des sommes indécentes. Cela a réduit la portée et l’impact du projet. Plus jamais ça. Les licences CC permettent de retirer chaque restrictions que j’impose sur mes travaux sur simple demande. Donc, si vous souhaitez en vendre un, ou une œuvre dérivée, contactez-moi et nous en discuterons. Comme mentionné plus haut, je n’ai pas d’objections à ce qu’on demande de l’argent pour ce que je fais, j’exige simplement qu’on obtienne d’abord ma permission expresse.

Certains ont été un peu troublés par tout ce ramdam autour de la catégorisation « non-libre » due à la clause NC. Pour résumer, voici ce que vous pouvez faire avec les comic-strips The Bizarre Cathedral :

  • Les redistribuer et les partager
  • Les traduire
  • Les utiliser dans d’autres projets
  • Les étudier et les savourer

Vous pouvez faire tout ça à condition de :

  • indiquer la source des originaux
  • ne pas faire payer ceux à qui vous les proposez

La liberté a énormément de valeur à mes yeux : j’écris du logiciel libre, j’écris pour Free Software Magazine, et j’encourage la liberté dans la vie de tous les jours. Je suis en désaccord sur le fait que la clause NC à elle seule rend « non-libre » cette licence. Je dirais plutôt « moins libre » mais je maintiens qu’en soi elle n’est pas vraiment moins libre que les clauses BY ou SA ou que le copyleft. La GPL est-elle « non-libre » parce qu’on ne peut pas l’associer avec une librairie non copyleftée, ou est-elle seulement moins libre que la LGPL ?

Pour finir, et pour que ce soit clair pour tout le monde, The Bizarre Cathedral restera sous licence CC BY-NC-SA pour l’instant.

Notes

[1] Crédit photo : Kevindooley (Creative Commons By)




Le jeu Yo Frankie ! dans la hotte du Père Noël

C’est Noël avant l’heure. Le jeu Yo Frankie! de la Fondation Blender est enfin disponible en téléchargement (mais vous pouvez aussi acheter le DVD pour soutenir le projet). Sous licence Creative Commons By, ça a l’air mignon comme tout !

En voici une présentation vidéo :

—> La vidéo au format webm

La Fondation Blender s’occupe du fameux logiciel du même nom. Elle est aussi à l’origine des deux films d’animation Elephant Dream et Big Buck Bunny.




De l’usage des « œuvres protégées » à l’Éducation Nationale

MK Media - CC byD’un côté vous avez le « copyright », qui donne à l’auteur un droit exclusif d’exploitation sur son œuvre (texte, image, musique, cinéma, logiciel, etc.) et qui s’applique par défaut en l’absence de toute autre mention.

C’est ce qu’a toujours connu l’Éducation Nationale avant l’apparition des nouvelles technologies, et mis à part le problème du « photocopillage qui tue le livre », tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles. D’autant que l’on ne pouvait pas avoir conscience qu’il pouvait en être autrement. Et puis, il suffisait d’être patient et d’attendre que certaines œuvres tombent dans le domaine public.

Puis est arrivé le « copyleft », c’est-à-dire la possibilité donnée par l’auteur d’un travail soumis au droit d’auteur (texte, image, musique, cinéma, logiciel, etc.) de copier, d’utiliser, d’étudier, de modifier et de distribuer son œuvre dans la mesure où ces possibilités restent préservées.

Ce copyleft ouvre la voie aux Open Educational Ressources. Nous en avons un bel exemple chez nous avec Sésamath et ses « manuels libres », et rien que cette semaine j’ai noté deux nouvelles ressources scolaires dans la sphère anglophone : Collaborative Statistics, un manuel sous licence Creative Commons By-Sa et Chemical Process Dynamics and Controls édité à même un wiki et sous la même licence[1].

Question : Qui du copyright ou du copyleft est plus adapté aux situations d’enseignement à l’ère du numérique ?

Pour nous aider à répondre nous allons nous appuyer sur les accords issus du texte toujours en vigueur paru au Bulletin Officiel n°5 du 1er février 2007 concernant l’usage en situation scolaire de l’écrit, de la presse, des arts visuels, de la musique et de l’audiovisuel.

L’un des problèmes de ces accords c’est qu’il y a confusion et collusion entre « œuvres protégées » et « œuvres protégées sous le classique copyright ». Le copyleft, qui n’est à aucun moment mentionné, protège lui aussi les œuvres, par exemple en garantissant toujours la paternité des auteurs, mais pas de la même façon et pas dans le même but.

Toujours est-il que voici donc nos enseignants confrontés uniquement à des œuvres protégées sous copyright. Et là, tout petit hiatus, on ne peut a priori strictement rien faire avec de telles œuvres puisque l’auteur (ou les ayant-droits) en détient les droits exclusifs d’exploitation. Pour lever l’interdit il faudrait en théorie demander au cas par cas les autorisations. Vous imaginez un professeur d’histoire et géographie contactant tous les ayant-droits des illustrations qu’ils comptent montrer à ses élèves pendant toute l’année avec toutes ses classes ? Ce n’est pas réaliste.

Dans la mesure où « l’exception pédagogique » n’est parait-il qu’un mythe sans le moindre fondement juridique, l’Institution se devait de faire quelque chose et c’est ce qui fut fait avec ce texte officiel du BO, conséquence directe des négociations avec les ayant-droits de « l’industrie culturelle ».

En voici quelques extraits (évidemment choisis et commentés à dessein, donc je vous invite à le lire en intégralité, histoire de vous en faire une meilleure idée, c’est un peu indigeste mais juridiquement et aussi « culturellement » c’est fort instructif et pas seulement si vous faites partie de la maison).

Accrochez-vous et ayez une pensée compatissante pour nos enseignants qui doivent en connaître les détails sur le bout des doigts et ne surtout pas commettre d’erreurs dans leurs applications.

Mise en œuvre des accords sectoriels sur l’utilisation des œuvres protégées à des fin d’enseignement et de recherche

C’est l’accord général qui fixe le cadre et donne le modèle.

Le ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche a conclu, avec les titulaires des droits d’auteur et en présence du ministre de la culture et de la communication, cinq accords sur l’utilisation des œuvres protégées à des fins d’enseignement et de recherche, à raison d’un accord pour chacun des grands secteurs de la propriété littéraire et artistique : l’écrit, la presse, les arts visuels, la musique et l’audiovisuel.

Louable intention.

Le champ de ces accords recoupe dans une large mesure celui de la clause introduite au e) du 3° de l’article L. 122-5 du code de la propriété intellectuelle par la loi n° 2006-961 du 1er août 2006 relative au droit d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information.

Droit d’Auteur et Droits Voisins dans la Société de l’Information parfois appelé aussi DADVSI.

Conformément aux principes fondamentaux du droit de propriété intellectuelle, constamment rappelés par la législation française, l’utilisation collective d’une œuvre protégée est soumise en principe au consentement préalable du titulaire des droits d’auteur. Pour répondre aux besoins du service public de l’enseignement et favoriser la diversification des supports pédagogiques, les cinq accords sectoriels proposent un cadre général pour les utilisations les plus usuelles. Les utilisations qui entrent dans le champ de ces accords et qui en respectent les clauses sont réputées autorisées sans que les établissements ou les personnels n’aient à effectuer de démarches particulières.

C’est ce que j’évoquais plus haut. L’idée c’est d’obtenir une sorte de passe-droit pour ne plus avoir à demander d’autorisations. Bien entendu, comme nous le verrons plus bas, il y a quelques compensations.

La représentation dans la classe d’œuvres protégées est couverte de façon générale dès lors qu’elles illustrent le cours. Il en va ainsi de la projection d’une image, d’un document audiovisuel ou de la diffusion d’une chanson qui éclaire un point de l’enseignement ou qui en constitue l’objet principal. Cette représentation collective peut également intervenir pour illustrer le travail qu’un élève ou un étudiant présente à la classe.

Cette couverture est pleine de bon sens sauf si c’est le seul cas de couverture possible.

Les accords autorisent la représentation d’extraits d’œuvres lors de colloques, conférences ou séminaires organisés à l’initiative et sous la responsabilité des établissements d’enseignement supérieur ou de recherche. Les accords exigent que le colloque, la conférence ou le séminaire soit destiné aux étudiants ou aux chercheurs. Dans le cas contraire, la représentation d’œuvres sera subordonnée à l’accord préalable des titulaires de droit.

Le supérieur n’est pas très gâté. On lui fixe un cadre très précis et dans le cas contraire c’est interdit (sauf accord préalable…).

Les dimensions des œuvres qui peuvent être numérisées et incorporées dans un travail pédagogique ou de recherche mis en ligne sont précisées pour chaque catégorie :
– pour les livres : 5 pages par travail pédagogique ou de recherche, sans coupure, avec reproduction en intégralité des œuvres des arts visuels qui y figurent, dans la limite maximum de 20% de la pagination de l’ouvrage. Dans le cas particulier d’un manuel scolaire, l’extrait ne peut excéder 4 pages consécutives, par travail pédagogique ou de recherche, dans la limite de 5% de la pagination de l’ouvrage par classe et par an ;
– pour la presse : deux articles d’une même parution sans excéder 10% de la pagination ;
– pour les arts visuels : le nombre d’œuvres est limité à 20 œuvres par travail pédagogique ou de recherche mis en ligne. Toute reproduction ou représentation numérique de ces œuvres doit avoir sa définition limitée à 400×400 pixels et avoir une résolution de 72 DPI.

Arbitraire et pour le moins alambiqué tout ça ! Limite ubuesque ! Rappelons, pour mémoire, qu’avec le copyleft il n’y aucune contrainte d’utilisation.

La mise en ligne de thèses sur le réseau internet est admise en l’absence de toute utilisation commerciale et, le cas échéant, après accord de l’éditeur de la thèse. La mise en ligne devra utiliser un procédé empêchant celui qui consulte la thèse sur internet de télécharger les œuvres qui y sont incorporées.

Nouvelle barrière.

La reproduction numérique d’une œuvre doit faire l’objet d’une déclaration pour permettre d’identifier les œuvres ainsi reproduites. Cette déclaration consiste à compléter le formulaire mis en ligne à l’adresse suivante.

Il y a donc obligation de déclarer chaque œuvre utilisée ! Ce qui, pour notre professeur d’histoire-géographie, peut prendre un certain temps. Mais ayez la curiosité de vous rendre sur le site de la déclaration. Aucune identification n’est demandée, je me suis imaginé renseignant une photographie et me suis retrouvé avec deux uniques champs : « Auteur » et « Nbre estimé d’élèves/étudiants destinataires ». On clique sur valider et c’est tout. Est-ce ainsi que l’on va redistribuer équitablement les droits ?

Accord sur l’utilisation des livres et de la musique imprimée à des fins d’illustration des activités d’enseignement et de recherche

Le cas particulier des livres (et des partitions musicales). Accord entre le ministère et Le Centre français d’exploitation du droit de copie (CFC), agissant également au nom de la société de perception et de répartition de droits suivante AVA, sur mandat exprès de ces dernières, La Société des éditeurs et auteurs de musique (SEAM) ci-après dénommés « les représentants des ayants droit ».

Le ministère réaffirme son attachement au respect des droits de propriété littéraire et artistique. Il partage le souci des ayants droit de mener des actions coordonnées pour sensibiliser l’ensemble des acteurs du système éducatif – enseignants, élèves, étudiants et chercheurs – sur l’importance de ces droits et sur les risques que la contrefaçon fait courir à la vitalité et la diversité de la création littéraire et artistique.

J’ai déjà entendu cela quelques part…

Pour ce qui concerne les œuvres musicales visées par l’accord : de parties d’œuvres musicales visées par l’accord dont la longueur sera déterminée d’un commun accord entre les Parties, en fonction des œuvres concernées et des usages appliqués ; à défaut d’accord particulier, l’extrait ne peut excéder 20 % de l’œuvre musicale concernée (paroles et/ou musique) par travail pédagogique ou de recherche, par classe et par an, dans la limite maximale de 3 pages consécutives d’une même œuvre musicale visée par l’accord ; pour les ouvrages de formation ou d’éducation musicales et les méthodes instrumentales, l’extrait ne peut excéder 5 % d’une même œuvre musicale visée par l’accord (paroles et/ou musique) par travail pédagogique ou de recherche, par classe et par an, dans la limite maximale de 2 pages consécutives d’une même œuvre musicale visée par l’accord.

Bienvenue dans le monde de la complexité…

En ce qui concerne les œuvres musicales visées par l’accord, sont autorisées exclusivement les reproductions numériques graphiques temporaires exclusivement destinées à la représentation en classe par projection collective. Les reproductions d’œuvres musicales par reprographie ne sont en aucune manière autorisées par le présent accord ainsi que rappelé à l’article 4.2 ci-après. Il est précisé que le présent article n’autorise pas les reproductions numériques temporaires des œuvres musicales visées par l’accord disponibles uniquement à la location auprès des éditeurs concernés.

Un vrai terrain miné…

L’accord n’autorise pas la distribution aux élèves, étudiants ou chercheurs de reproductions intégrales ou partielles d’œuvres visées par l’accord.

C’est bien dommage parce qu’avec le copyleft l’élève peut tranquillement repartir de l’école avec l’œuvre numérique dans sa clé USB.

Les moteurs de recherche des intranets et extranets des établissements permettront l’accès aux travaux pédagogiques ou de recherche, ou aux communications faites lors de colloques, conférences ou séminaires, mais ne comporteront en aucune manière un mode d’accès spécifique aux œuvres visées par l’accord ou aux extraits d’œuvres visées par l’accord ou une indexation de celles-ci.

De la recherche bridée en somme.

Le ministère informera les établissements du contenu et des limites de l’accord. Il s’engage également à mettre en place dans l’ensemble des établissements des actions de sensibilisation à la création, à la propriété littéraire et artistique et au respect de celle-ci. Ces actions, définies en liaison avec les représentants des ayants droit, interviendront au moins une fois par an et par établissement. Elles pourront prendre des formes diverses en partenariat avec des auteurs, des compositeurs, des éditeurs de livres ou de musique ou des artistes plasticiens.

Je veux bien participer 😉

En contrepartie des autorisations consenties dans l’accord et compte tenu des engagements pris par le ministère à l’article 6, celui-ci versera au CFC et à la SEAM une somme de :
– 1 146 000 euros sur l’exercice budgétaire 2007 ;
– 1 146 000 euros sur l’exercice budgétaire 2008.
Cette somme sera répartie par le CFC et la SEAM entre les titulaires de droits ou leur représentant qui leur ont donné mandat pour conclure l’accord.

C’est précis et non négligeable.

Dans l’hypothèse où il apparaîtrait que, dans le cours de l’application de l’accord, les utilisations numériques d’œuvres visées par l’accord augmenteraient de façon significative, la rémunération définie ci-dessus devra être révisée en conséquence. Les Parties se rapprocheront pour fixer la rémunération adaptée.

Je suis curieux de savoir comment on peut réellement se rendre compte de cela. Via le formulaire de renseignement mentionné plus haut ? Je n’ose à peine le croire !

Les représentants des ayants droit pourront procéder ou faire procéder à des vérifications portant sur la conformité des utilisations d’œuvres visées par l’accord au regard des clauses de l’accord. Les agents assermentés de chaque représentant des ayants droit auront la faculté d’accéder aux réseaux informatiques des établissements afin de procéder à toutes vérifications nécessaires. Ils pourront contrôler notamment l’exactitude des déclarations d’usage et la conformité de l’utilisation des œuvres visées par l’accord avec chaque stipulation de l’accord.

Quand les « agents assermentés » des ayant-droits sont autorisés à pénétrer dans le sanctuaire scolaire… Je ne sais pas trop (ou trop bien) comment qualifier cela.

Accord sur l’utilisation des publication périodiques imprimées à des fins d’illustration des activités d’enseignement et de recherche

Le cas de la presse. Accord entre le ministère et Le Centre français d’exploitation du droit de copie (CFC) agissant au nom des éditeurs de publications périodiques imprimées.

En contrepartie des autorisations consenties par le présent accord, le ministère de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche versera au CFC une somme de :
– 291 000 euros sur l’exercice budgétaire 2007 ;
– 291 000 euros sur l’exercice budgétaire 2008.
Cette somme sera répartie par le CFC entre les titulaires de droits qui lui ont donné mandat pour conclure le présent accord.

Accord sur l’utilisation des œuvres des arts visuels à des fins d’illustration des activités d’enseignement et de recherche

Passons aux œuvres des arts visuels (images, photos, illustrations, etc.). Accord signé entre le ministère et l’AVA, société de perception et de répartition de droits, agissant au nom des sociétés de perception et de répartition de droits suivantes sur mandat exprès de ces dernières : ADAGP, SACD, SAIF et SCAM, l’ensemble de ces sociétés étant ci-après dénommées « les sociétés de perception et de répartition de droits ».

En contrepartie des autorisations consenties dans l’accord et compte tenu des engagements pris par le ministère à l’article 6, celui-ci versera à AVA une somme de :
– 263 000 euros sur l’exercice budgétaire 2007 ;
– 263 000 euros sur l’exercice budgétaire 2008.
Cette somme sera répartie par AVA aux titulaires de droits ou leur représentant.

Accord sur l’interprétation vivante d’œuvres musicales, l’utilisation d’enregistrements sonors d’œuvres musicales et l’utilisation de vidéomusiques à des fins d’illustration des activités d’enseignement et de recherche

Quant à la musique… Accord entre le ministère et La SACEM, société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique, agissant pour elle- même et au nom des sociétés de perception et de répartition suivantes sur mandat exprès de celles-ci : ADAMI, SACD, SCPP, SDRM, SPPF, SPRE, SPEDIDAM, l’ensemble de ces sociétés, y compris la SACEM, étant ci-après dénommées « les sociétés de perception et de répartition de droits ».

En contrepartie des autorisations consenties par l’accord et compte tenu des engagements pris par le ministère à l’article 5, le ministère versera à la SACEM une somme de :
– 150 000 euros sur l’exercice budgétaire 2007 ;
– 150 000 euros sur l’exercice budgétaire 2008.
Cette somme sera répartie par la SACEM entre les sociétés de perception et de répartition de droits.

Accord sur l’utilisation des œuvres cinématographiques et audiovisuelles à des fins d’illustration des activités d’enseignement et de recherche

Et pour finir le cinéma. Accord entre le ministère et la PROCIREP, société des producteurs de cinéma et de télévision, agissant au nom des sociétés de perception et de répartition de droits assurant la gestion des droits sur les œuvres audiovisuelles et cinématographiques, ci- dessous désignées : ARP, ADAMI, SACD, SACEM, SCAM, SPEDIDAM, l’ensemble de ces sociétés, y compris la PROCIREP, étant ci-après dénommées « les sociétés de perception et de répartition de droits ».

Est autorisée par l’accord la représentation dans la classe, aux élèves ou étudiants, de toute œuvre cinématographique ou audiovisuelle diffusée par un service de communication audiovisuelle hertzien non payant (…) L’utilisation d’un support édité du commerce (VHS préenregistrée du commerce, DVD vidéo, etc.) ou d’une œuvre cinématographique ou audiovisuelle diffusée sur un service de communication audiovisuelle payant, tel que, par exemple, Canal+, Canalsatellite, TPS, ou un service de vidéo à la demande (VOD ou S-VOD), n’est pas autorisée par l’accord, sauf dans le cas prévu à l’article 3.2.

Ne reste plus, si j’ai bien compris, que nos chères chaînes de télévision généralistes à voir uniquement en direct live.

En contrepartie des autorisations consenties par l’accord et compte tenu des engagements pris par le ministère à l’article 5, le ministère versera à la PROCIREP une somme de :
– 150 000 euros sur l’exercice budgétaire 2007 ;
– 150 000 euros sur l’exercice budgétaire 2008.
Cette somme sera répartie par la PROCIREP entre les sociétés de perception et de répartition de droits.

Je prends ma calculette… ce qui nous donne pour les seules années 2007 et 2008… quatre millions d’euros tout rond pour toutes « les sociétés de perception et de répartition de droits ». C’est pas mal, surtout si l’on se souvient des nombreuses clauses restrictives qui parsèment les accords (et puis, au risque de m’égarer, n’oublions pas également la taxe sur la copie privée, qui certes s’applique à tout le monde mais qui participe de la même logique).

Voilà. Dans un monde où n’existerait que le copyright, on se retrouve à négocier ainsi avec les ayant-droits de l’industrie culturelle pour le résultat que vous avez donc aujourd’hui sous les yeux. Reconnaissons que ce n’est pas toujours évident pour les enseignants (et leurs élèves) de s’y retrouver !

Il est à noter qu’à l’époque de la discussion de ces accords, c’est-à-dire en 2006 au fameux temps de l’examen de la loi DADVSI, certains enseignants n’avaient pas hésité à carrément prôner la « désobéissance civile ». Avec une pétition à le clé ayant regroupée pas moins de 5000 signataires.

Il y a cependant une bonne nouvelle. Tous ces accords se terminent le 31 décembre 2008. Nous attendons donc avec impatience (et fébrilité) les nouvelles directives 2009. Peut-être que cette fois-ci le copyleft aura doit de cité ? Dans le cas contraire, cela n’empêchera nullement les enseignants de s’y intéresser toujours davantage, pour finir par lentement mais sûrement construire ensemble les bases d’un nouveau paradigme.

Notes

[1] Crédit photo : MK Media (Creative Commons By)




Le site Change.gov d’Obama embrasse la licence Creative Commons By

Joshua Davis - CC by-saEn attendant l’investiture et dans la continuité de sa campagne, Barack Obama et son équipe ont mis en place le site Change.gov au lendemain des élections.

Réseau social, discussion citoyenne, démocratie participative… appelez-cela comme vous voulez mais toujours est-il que les internautes américains sont donc invités à donner leur avis sur leur pays et le prochain mandat. Et ça marche plutôt bien car le nombre d’interventions (et d’interventions argumentées) y est impressionnant. Il faut dire aussi que le site est extrêmement bien réalisé : messages, votes, multimédias et fils RSS à tous les étages.

Un exemple « au hasard » dans la rubrique Ideas for Change in America : Support the Free Software Movement 😉

Bonne nouvelle : le site vient de passer hier sous licence Creative Commons By, licence qualifiée par Larry Lessig lui-même de « la plus libre des licences Creative Commons » (the freest CC license).

Il est à noter que tout ce qui émane d’une agence gouvernementale US est d’ordinaire placé automatiquement dans le domaine public. Sauf qu’ici on ne se retrouve pas exactement dans ce cas de figure puisqu’il s’agit d’un site de transition avant prises de fonction. Et puis surtout la licence s’applique également à tous les contributeurs citoyens du site : Visitors to this website agree to grant a non-exclusive, irrevocable, royalty-free license to the rest of the world for their submissions to Change.gov under the Creative Commons Attribution 3.0 License.

Ajoutons à cela que l’identification d’inscription au site se fait via OpenID. Et rappelons que tous les photographies du staff de campagne du candidat Obama[1] étaient placées elles aussi, via Flickr, sous Creative Commons (la By-Nc-Sa)[2].

Ce ne sont que des petits détails eu égard à ce qui attend le prochain président mais ils témoignent d’une connaissance et d’une sensibilisation si ce n’est à la « culture libre » tout du moins à une certaine approche des libertés numériques publiques qui se trouvent être ainsi communiquées à tous les citoyens qui participent au site.

Et pendant ce temps-là de l’autre côté de l’Atlantique…

Notes

[1] Crédit photo : Joshua Davis (Creative Commons By-Sa)

[2] Signalons par ailleurs une récente et intéressante proposition de Tim O’Reilly qui, dans un article intitulé Put change.gov Under Revision Control! critique le fait que le site Change.gov ait récemment modifié son contenu sans que les internautes aient eu la possibilité de voir les changements effectués. S’inspirant du logiciel (et de l’historique des pages de Wikipédia) il propose que le site se dôte d’un système de gestion de versions pour que tout un chacun puisse localiser les changements et accèder aux versions antérieures du contenu ainsi modifié.




Wikipédia en route vers la licence Creative Commons By-Sa

Drunkprincess - CC byIl y a à peine un mois la Free Software Foundation sortait la version 1.3 de sa licence de documentation libre la GNU Free Documentation License (ou GNU FDL).

Ceci peut apparaître totalement anodin, d’autant qu’il ne s’agit d’une d’une version intermédiaire avant la 2.0, mais c’est en fait un évènement à marquer d’une pierre blanche dans la petite histoire de la « culture libre ».

Cette nouvelle version a en effet été principalement motivée pour répondre au souhait de la Wikimedia Foundation de pouvoir changer la licence du contenu de ses projets, la fameuse encyclopédie libre Wikipédia en tête.

À sa création en 2001 Wikipédia a certainement adopté la meilleure des licences libres existantes, à savoir justement la GNU Free Documentation License. Or cette licence a été principalement créée pour la documentation de logiciels libres et posséde certaines contraintes qui peuvent compliquer la vie des utilisateurs de l’encyclopédie. Ainsi un enseignant qui souhaite distribuer l’imprimé d’un article de Wikipédia à ses élèves doit nécessairement y adjoindre l’intégralité de la licence (à savoir plusieurs pages) quand bien même l’article considéré ne remplit pas une page. Dans la pratique notre enseignant ne le fait généralement pas et se retrouve donc à ne pas respecter les termes de la licence.

De plus sont arrivées dans l’intervalle les licences Creative Commons avec le succès que l’on sait. Plus souples, mieux adaptées aux contenus culturels (textes, multimédias…) et possédant une traduction juridique officielle dans de nombreux pays, elles ont été massivement adoptées par les auteurs de l’ère numérique. Et d’ailleurs la grande majorité des images, sons et vidéos qui apparaissent aujourd’hui dans Wikipédia se trouvent être placés sous licence Creative Commons (et plus précisément les plus libres de la gamme, à savoir la By et By-Sa).

On peut affirmer sans risque de se tromper que si Wikipédia avait vu le jour en 2008, elle aurait choisi la licence Creative Commons By-Sa[1].

Le problème c’est qu’elle n’a jamais pu envisager cela parce que les deux licences étaient incompatibles. C’est justement cette incompatibilité que vient de lever la Free Software Foundation dans la nouvelle version de sa licence GNU FDL modifiée quasiment sur mesure pour que Wikipédia puisse passer sous Creative Commons By-Sa.

Dans la mesure où Free Software Foundation ne souhaite pas voir toutes les ressources sous GNU FDL suivre le même chemin, la clause est restreinte aux wikis créés avant le premier novembre 2008 et s’arrêtera après le 1er août 2009. Autrement dit la Wikimedia Foundation a quelques mois pour se décider mais il serait étonnant qu’elle ne profite pas d’une opportunité qu’elle a elle-même ardemment désirée.

Et pour ajouter plus de poids encore à cette information rien de telle que la traduction de l’annonce de Larry Lessig sur son blog où il témoigne aussi bien de son enthousiasme que de sa reconnaissance envers Richard Stallman[2].

Nouvelle de la plus haute importance émanant de la Free Software Foundation

Enormously important news from the Free Software Foundation

Lawrence Lessig – le 3 novembre 2008
(Traduction Framalang : Olivier)

La Free Software Foundation a publié la nouvelle version 1.3 de sa GNU Free Document License. La section 11 de cette licence permet (principalement) maintenant à certains wikis d’être publiés sous licence Creative Commons Paternité-Partage des Conditions Initiales à l’Identique (By-Sa v3.0) à condition que le changement de licence soit effectué avant le 1er août 2009. Ceci implique donc que la communauté Wikipédia a le choix de modifier sa licence au profit d’une licence Creative Commons (voir la FAQ pour cette amendement).

C’est un changement d’une importance majeure pour la communauté de la culture libre, difficile de le nier. Un défaut élémentaire du mouvement de la culture libre actuel est que la licence qui protège son projet le plus important, Wikipédia, le rend incompatible avec une qmajorité d’autres contenus du mouvement de la culture libre. Une solution pour y remédier serait évidemment de tout mettre sous Free Document License (FDL). Mais cette licence a été créée à l’origine pour les manuels et pour certaines raisons techniques elle était peu (voire parfois pas du tout) adaptée à d’autres types importants de contenu.

Cette modification devrait maintenant permettre l’interopérabilité des projets de culture libre, tout comme la prédominance de la GNU GPL permet l’interopérabilité entre les projets de logiciels libres. Cette modification abat des obstacles inutiles et contre-productifs à la diffusion et au développement de la culture libre.

Richard Stallman y est pour beaucoup dans ce changement. Nombreux étaient en effet ceux qui pensaient qu’il n’autoriserait jamais le changement de licence d’un Wikipédia devenu par sa licence FSF l’exemple emblématique de son mouvement pour les libertés. Car c’est de cela qu’il est question, tout comme le système d’exploitation GNU/Linux qui a été rendu possible par son mouvement, Wikipedia a été rendu possible par la liberté qu’offre la FDL. Qu’un homme moins noble que Richard Stallman trouve toute sorte d’excuses pour faire opposition à ce changement serait compréhensible.

Mais voici les mots de Richard, en 2002 et dans un autre contexte : « Si nous ne voulons pas vivre dans la jungle, nous devons changer notre manière de faire. Nous devons commencer par faire comprendre à tout le monde qu’un bon citoyen est une personne qui coopère quand cela s’avère nécessaire… ».

Vous pouvez ajouter « bon citoyen » à la liste des grandes qualités de ce père de la liberté moderne.

Notes

[1] On notera que Framasoft s’est aussi retrouvé avec ce dilemme quand sont apparues les licences Creative Commons, dilemme que nous avons résolu par le « tour de passe-passe » consistant à adopter au choix les deux licences en question pour notre contenu. Ce qui donne depuis 2004 : « Sauf mention contraire, le site est placé sous double licence Creative Commons By-Sa et GNU Free Documentation License ».

[2] Crédit photo : Drunkprincess (Creative Commons By)




Lettre de soutien d’Eben Moglen aux Creative Commons

Ramkrsna - CC by-saComme l’APRIL, Wikipédia et bientôt aussi… Framasoft, Creative Commons (alias CC) lance une vaste campagne de soutien. A cette occasion ils ont fait appel à « quelques grande plumes » pour appuyer leur propos.

Eben Moglen, que le Framablog apprécie tout particulièrement, s’est exécuté sans se faire prier tant il pense que le mot « partage » est un mot fondamental de ce début de siècle.

Il n’oublie pas au passage d’évoquer la controverse qu’il peut y avoir entre les Creative Commons et le logiciel libre (le fameux et récurrent débat sur les clauses non commerciales NC et non dérivables ND qui ne sont pas libres au sens des logiciels libres) mais il est de ceux qui pensent qu’il convient de rassembler toutes les forces quand de l’autre côté on tente justement de limiter, contrôler, voire même détruire le partage.

Correspondance Commune #1 : Eben Moglen

Commoner Letter #1: Eben Moglen

Eben Moglen – 20 octobre 2008 – CreativeCommons.org
(Traduction Framalang : Olivier)

L’année dernière nous avons débuté une nouvelle tradition de notre campagne de soutien : la série Correspondance Commune. Je l’ai déjà dit, mais je persiste et signe : cette campagne cherche à développer le soutien et à rassembler notre communauté autour de deux points fondamentaux : l’importance du soutien aux Creative Commons et l’ouverture que permettent nos outils. Au cours des trois mois à venir, cinq membres éminents de la communauté CC vous feront partager leurs raisons de soutenir les CC. Si vous êtes concernés par les CC et les questions d’ouverture et d’accès cette liste est faite pour vous.

Nous aurons cette année le plaisir d’accueillir dans nos lignes Eben Moglen, du Software Freedom Law Center, Renata Avila, Chef du Creative Commons Guatemala Project, Jonathan Coulton, chanteur et auteur-compositeur de chansons qui licencie tout son travail sous CC, Richard Bookman, Maître de conférence de pharmacologie moléculaire et cellulaire à l’université de médecine Miller School de Miami et Jimmy Wales, fondateur de Wikipedia et membre du conseil d’administration de CC.

Nous sommes enchantés que la première lettre de la série soit signée par Eben Moglen[1], Professeur de droit et d’histoire du droit à l’université de Columbia et fondateur, directeur du conseil et président du Software Freedom Law Center.

Logiciel libre et Creative Commons, par Eben Moglen

Après avoir dédié tant d’années de ma vie à la défense du mouvement des logiciels libres j’ai une certaine affinité avec le travail réalisé par Creative Commons et c’est donc un grand honneur d’écrire au nom des CC.

Au 21ème siècle, les logiciels pour ordinateurs sont devenus des outils aussi nécessaires qu’un stylo, de l’encre et du papier, aussi nécessaires que de la craie, de la glaise et des tubes de peinture. Les logiciels sont également aussi indispensables à la distribution des œuvres créatives que les fils de cuivre, l’éclairage et la publicité. Le but du mouvement des logiciels libres est de rendre disponibles des logiciels pour tous les usages, logiciels que chacun serait libre de copier, modifier et redistribuer. En poursuivant ce but les hackers qui créent les logiciels libres ont également rendu possible la culture libre. Technologie et art sont ainsi liés depuis le commencement.

Les bases légales du mouvement des logiciels libres et l’invention fondamentale de Richard Stallman qu’est le copyleft sont à la base de la conception "Partage des Conditions Initiales à l’Identique" Share Alike qui est si importante pour le futur des Creative Commons. Des millions d’écrivains, de photographes, de chercheurs, de musiciens, de wikipédiens, de hackers, de professeurs et tous les autres travaillent allègrement et librement en commun, nourris par le principe du partage. Tout commence avec l’intuition géniale de Larry Lessig : comment adapter la philosophie du partage développée par Richard Stallman a la culture au-delà de la production de logiciels ? Les idées de Larry ont allumé le phrase des Creative Commons, un phare que les créatifs du monde entier ont rallié, ils se sont rassemblés pour modifier le droit d’auteur et en faire un outil de partage.

Ces mêmes principes sont toujours au cœur de ces deux mouvements et chaque compromis apporte, et c’est naturel, son lot de controverse. Je comprends tout à fait pourquoi, pour ceux aux yeux de qui les principes de liberté sont toujours la première et la seule priorité, les Creative Commons semblent une grande, et peut-être trop vaste, collection de modèles de licences et d’approches du sujet de la culture libre. Pour moi, cette diversité de visions et d’intentions a toujours été à mettre au crédit des Creative Commons : par définition leur contour, leurs grandes lignes doivent être aussi larges et indistinctes que l’inspiration créatrice humaine qui est sans limite. Et pourtant, malgré toutes ces différences d’opinion, un engagement central subsiste, inébranlable : la prise de conscience de l’importance primordiale du droit de toutes les formes de culture au partage.

Dans un futur proche notre coopération sera nécessaire sur un grand nombre de sujets. Toute personne familière avec le Web réalise, par exemple, que les contenus audio et vidéo doivent être mieux intégrés dans leur construction et leur utilisation. L’immense flot de créativité qui ne demande qu’à se développer dépendra de la libération des technologies multimédia face aux chaînes qui lui sont imposées par le système des brevets. En effet des dizaines d’entreprises prétendent "posséder" différents morceaux de la technologie de diffusion numérique de contenu audiovisuel en ligne. La jungle de restrictions de licence qu’ils imposent sur leurs différentes "inventions brevetées" est en grande partie responsable des incompatibilités, des plugins qu’il vous faut télécharger et qui ne fonctionnent que parfois sur certains systèmes et aussi des restrictions des possibilités magnifiques, utiles, belles et qui donnent matière à réflexion.

Le Web s’est magistralement développé grâce aux logiciels libres et à l’activité culturelle libre, il nous permet de partager et c’est grâce au partage qu’il est devenu ce qu’il est. Mais si nous voulons accomplir ne serait-ce qu’un pas de plus dans notre nouvelle aventure humaine qu’est l’espace Web nous devons nous assurer que la liberté n’est pas écrasée par les entreprises des médias qui s’arment de brevet pour empêcher le futur.

Œuvrer pour la libération des codecs et autres logiciels multimédias n’est qu’un exemple des efforts qu’il nous faudra consentir ensemble pour assurer la liberté du partage. Apporter mon soutien aux Creative Commons n’est pas seulement quelque chose que je ressens comme une nécessité, c’est quelque chose que nous devons tous faire. J’espère que vous vous joindrez à moi dans notre soutien des Creative Commons par vos dons, votre énergie et votre puissance créative. Rien ne nous est impossible si nous partageons.

Notes

[1] Crédit photo : Ramkrsna(Creative Commons By-Sa)




Longue vie au bébé de Gwen Stefani

Dennis Stefani - CC by-nc-ndAyant constaté que ce blog avait du mal à attirer de jeunes lecteurs, j’ai décidé d’ouvrir une section people en commençant ici par Gwen Stefani chanteuse semble-t-il assez populaire chez certains d’entre eux.

Plus sérieusement il s’agit juste de souligner la démarche originale de ne pas réserver pour un pont d’or la première photographie publique de son nouvel enfant né l’été dernier et prénommé Zuma Nesta Rock Rossdale (sic !) à un magazine (comme c’est devenu la lucrative coutume) mais de l’offrir à tout le monde via son site internet et une licence Creative Commons (ici la By-Nc-Nd). J’ajoute que si j’en juge par le nom de l’auteur de l’image, Dennis Stefani, on reste en famille et un peu d’intimité dans ce monde de voyeurs ne peut pas faire de mal.




Il faut lire Internet & Création de Philippe Aigrain

Law Keven - CC by-saLa loi Création et Internet (Hadopi) est aujourd’hui devant le Sénat. Alors que, faute à la crise économique, de nombreux autres projets de loi ont été sagement repoussés, celle qui nous concerne ici suivra la procédure d’urgence : le texte ne sera ainsi débattu qu’une fois, au lieu de deux, par chaque assemblée.

L’urgence ne s’imposait pas, sauf à vouloir que nos élus ne se penchent pas trop dans le détail sur ce projet de loi. Mais quitte à se placer coûte que coûte en situation d’urgence, alors il y a bien quelque chose à faire : lire le nouveau livre de Philippe Aigrain Internet & Création dont le sous-titre annonce un ouvrage qui va justement se risquer à lever le point d’interrogation : « Comment reconnaître les échanges hors marché sur internet en finançant et rémunérant la création ? ».

Parce que n’en déplaisent aux défenseurs radicaux de cette loi qui ont la caricature d’autant plus facile qu’ils sentent que leurs monopoles se fissurent, Philippe Aigrain n’est pas un « anarchiste numérique ». Au contraire, prolongeant son travail quotidien à la Quadrature du Net, il tente ici de réconcilier partisans et détracteurs en exposant clairement la situation et ses enjeux et en avançant des propositions concrètes et argumentées[1].

Extrait (p.12) :

« Avec ce rapport, nous tentons une gageure : parler à presque tous, installer un cadre commun qui ne suppose pas de se mettre d’accord sur tout pour explorer ensemble les voies du possible. Lecteurs, il vous faut cependant consentir à de petits efforts. Si vous êtes sincèrement convaincus qu’un individu qui met un fichier numérique représentant une œuvre à disposition des usagers d’un réseau pair à pair est un pirate (celui qui s’empare par la violence des biens d’autrui) et que les œuvres saignent lorsqu’on les partage, nous ne vous demandons pas d’abandonner ces croyances. Acceptez cependant de lire la prose de ceux qui ont une autre vision de ces activités. Considérez leurs propositions et le soin qu’elles mettent à préserver ce à quoi vous tenez : la reconnaissance et la récompense de ceux qui contribuent à la création ; l’organisation des filières qui permettent à certaines formes d’œuvres d’exister ; l’accès de tous à la culture. Si au contraire vous pensez qu’à l’âge d’internet, la gestion collective ne sert plus à rien et qu’il suffit de laisser faire les échanges universels pour que les ressources nécessaires aux activités créatives se répartissent mieux qu’aujourd’hui, nous ne vous demandons pas de changer d’avis.Mais lisez avec soin ce qui suit, et demandez-vous si les solutions qui y sont esquissées ne garantissent pas ce qui est pour vous l’essentiel : le développement des activités propres à internet, leurs libertés constitutives, la coopération de tous à la production d’un objet commun. »

Le détail des propositions mentionnées ci-dessus est donc contenu dans ce livre. C’est assez technique parfois mais sortir de l’anathème pour changer de paradigme ne s’improvise pas !

Oui la situation actuelle est intenable et non démocratique et il convient d’en faire son deuil. Oui un mécanisme de financement mutualisé (une « licence globale » revue et corrigée pour ceux qui se souviennent de la tout aussi contestée loi DADVSI) est souhaitable et permettrait non seulement de libérer les échanges hors marché entre individus mais également d’avoir un impact positif sur l’économie générale de la création.

En voici le plan tel qu’il apparait dans l’introduction (p. 5-6) :

« L’introduction rappelle le contexte des débats actuels. Elle défend la nécessité d’envisager ensemble la liberté de certains types d’échanges sur internet et la mise en place d’une nouvelle source de financement et de rémunération de la création. Le deuxième chapitre discute des échanges hors marché entre individus sur internet, montre l’intérêt qu’il y aurait à les reconnaître comme légitimes et propose de les délimiter précisément. Le troisième chapitre discute de l’état des mécanismes de financement et de rémunération de la création. Il souligne la crise qu’ils traversent et défend l’intérêt de les compléter par une redevance payée par les usagers d’internet. Le quatrième chapitre compare différentes formes de financements mutualisés pouvant être envisagées. Sur la base de cette comparaison, il défend l’intérêt d’un mécanisme de licence accordant des droits d’usage aux individus. Le cinquième chapitre analyse les différents cadres juridiques applicables, des licences collectives étendues aux licences légales. Il analyse chacun des mécanismes du point de vue de leur compatibilité avec les traités internationaux et le droit européen. Le sixième chapitre discute les paramètres fondamentaux du mécanisme (œuvres incluses dans le mécanisme, droits et obligations des usagers, montant de la redevance, relation avec d’autres dispositifs). Le septième chapitre répond à certains arguments qui ont été avancés contre la libération des échanges hors marché entre individus sur internet ou contre la mise en place d’un financement mutualisé. Le huitième chapitre discute de la répartition du produit de la redevance entre médias, entre fonctions pour chaque média et entre contributeurs. Le neuvième chapitre analyse les modes d’observation des usages permettant une répartition juste des ressources collectées. Enfin, la conclusion esquisse quelques pistes pouvant conduire à l’introduction du mécanisme proposé. »

Merci à Philippe Aigrain pour ce document qui tombe à point nommé et apporte beaucoup au débat. Merci également d’avoir choisi l’éditeur InLibroVeritas et opté pour une licence Creative Commons (la by-nc-nd) permettant la mise à disposition dans son intégralité du format numérique du livre. Mais comme pour le projet Framabook nous vous invitons à acheter le livre (pour la modique somme de 10 €) pour soutenir la démarche et faire en sorte que de plus en plus de ressources de qualité suivent ce modèle original de diffusion.

Lire ce livre vous donnera peut-être comme moi l’étrange impression de faire partie de ces pionniers qui, à tâtons, avancent lentement mais sûrement dans le sens de l’Histoire. Une Histoire qui, nous le savons bien, a connu son lot de rendez-vous manqués. Ne prenons pas plus de retard et saisissons ici tout de suite l’occasion d’être à l’heure 😉

PS : Joli coup de projecteur, on pourra également lire l’article Internet : du piratage au partage que Libération consacre ce même jour à ce même livre en ne cachant pas sa sympathie pour les propositions contenues dans l’ouvrage !

Notes

[1] Crédit photo : Law Keven|http://flickr.com/photos/66164549@N00/2487291985/] (Creative Commons By-Sa)