Hadopiraterisible !

Désolé pour ceux qui comme moi sont abonnés à leur flux RSS mais voici reproduite en intégralité la dernière dépêche de la Quadrature du Net.

Histoire de nous associer à l’indignation du collectif mais aussi peut-être sensibiliser quelques nouveaux lecteurs sur un sujet qui nous concerne tous. Prochain rendez-vous : l’Assemblée nationale.

The thing they call progress - Shutterhack - CC-by-nc-nd

"Création et internet" – Riposte graduée – Le Sénat déconnecté.

URL d’origine de l’article (CC by-nd)

Paris, le 31 Octobre 2008. La loi « Création et Internet » a été débattue et votée à toute allure en trois séances au Sénat, au terme d’un débat navrant, indigne des enjeux et des citoyens, mercredi 29 et jeudi 30 octobre. Sous le regard attentif des lobbyistes initiateurs et seuls bénéficiaires de cette loi (Vivendi, SACD, SACEM, SNEP, etc.)[1], le coûteux projet de loi décrété par Nicolas Sarkozy en novembre 2007 a été adopté sans aucune opposition. Les sénateurs ont plébiscité et voté à l’unanimité[2] l’usine à gaz administrative de la « riposte graduée » contre les partageurs sur Internet. Le Sénat français, tout entier au service de l’exécutif, contredit ainsi superbement l’Europe.

Un fossé générationnel au service de modèles économiques du passé…

Les sénateurs légiférant sur un domaine qu’ils ne maîtrisent pas, fossé générationnel et culturel aidant[3], ont pour beaucoup déchiffré, souvent mot à mot, des discours pré-mâchés par les industries du divertissement et leur ministre, Christine Albanel.

« Inconsistances, mensonges, amalgames et insultes que les industriels profèrent habituellement à l’encontre de leurs clients[4] servent de justification à des votes autistes, dans l’ignorance du débat public qui se tient dans la société française[5]. », résume Jérémie Zimmermann, co-fondateur de la Quadrature du Net.

… sous contrôle de l’executif, sans opposition.

Jeudi matin, dans un frémissement, quelques mesures adoucissant vainement la « riposte » sont votées contre l’avis du gouvernement et du groupe socialiste. Quelques courageux sénateurs centristes et UMP tentent de faire remplacer par des amendes la coupure d’accès à internet, afin de réduire le caractère visiblement injuste et disproportionné de la « riposte graduée ».

La majorité reprend les choses en main à la faveur d’une opportune suspension de séance juste avant le scrutin tranchant cette question. Une poignée de frais représentants de l’UMP parmi la vingtaine de sénateurs présents et le renfort de Roger Karoutchi[6] permettent un vote de la loi en un temps record, sans heurts, sans surprise et sans aucune forme d’opposition. Christine Albanel, « réconfortée », recevra-t-elle un accueil aussi chaleureux lors de la suite de l’examen de la loi à l’Assemblée Nationale ?

« La seule option acceptable aurait été le rejet pur et simple de ce texte. Les quelques modifications cosmétiques, vaguement positives, votées avant que le gouvernement ne reprenne un contrôle qui commençait à échapper à Christine Albanel, n’y changeront rien. Le Parti Socialiste a même surmonté ses divisions afin d’unanimement[7] voter ce texte anachronique si cher à Nicolas Sarkozy ! » affirme Gérald Sédrati-Dinet, analyste pour La Quadrature du Net.

Un déni manifeste des citoyens français et de l’Europe.

Plus se précise la mise en œuvre pratique de la "riposte graduée", plus elle dévoile son incapacité intrinsèque à fonctionner sans mettre en place une surveillance automatique à grande échelle du Net. Les processus techniques qu’on a demandé aux sénateurs de prendre pour argent comptant sont facilement contournables. Ils occasionneront, inévitablement et à grande échelle, des sanctions d’internautes qui n’auront commis aucune contrefaçon (faux positifs) et n’inquiéteront pas la plupart des contrefacteurs (faux négatifs). Le droit à la défense des personnes suspectées n’existe donc pas, car on ne peut garantir ni son innocence ni sa culpabilité ; ce texte est donc manifestement anti-constitutionnel.

« Cette loi est scandaleuse et ne sert que quelques industries qui refusent l’évolution de la société. Le Sénat aide le gouvernement à s’asseoir sur la démocratie européenne et à nier les droits fondamentaux des citoyens. Ces manœuvress représentent la pire façon de faire de la politique et d’écrire la loi. Il faut mettre un terme à ce processus dans l’intérêt de tous, en France et dans le reste de l’Europe. » concluent, de concert, les représentants du collectif citoyen.

Notes

[1] Crédit photo : The thing they call progress de Shutterhack sous licence Creative COmmons By-Nc-Nd. Légendée ainsi par la Quadrature du Net : « Riposte graduée : une usine à gaz contre les citoyens. »

[2] À l’unanimité de tous les groupes votant, le groupe des sénateurs Communiste, républicains et citoyens (CRC) ayant revendiqué son « abstention combative »…

[3] À l’exception notable du sénateur Bruno Retailleau, seul à paraître familier de l’environnement numérique et de ses réalités économiques et sociales au travers de quelques interventions salutaires.

[4] Clients présents, potentiels futurs clients, et anciens clients pour qui le rejet des pratiques de ces industries se traduit par un refus d’achat…

[5] Des propositions sont pourtant avancées pour discuter enfin une solution au problème que ce projet de loi a oublié : financer la création culturelle à l’ère numérique.

[6] Émissaire du gouvernement auprès du Parlement, il remplace le zélé conseiller Henrard aux côtés de la ministre Albanel, le temps de s’assurer que la situation était maîtrisée.

[7] Au plus fort de la séance durant laquelle le texte a été voté, seuls 2 sénateurs sur la vingtaine présente en hémicycle étaient socialistes, votant pour tout leur groupe.




Il faut lire Internet & Création de Philippe Aigrain

Law Keven - CC by-saLa loi Création et Internet (Hadopi) est aujourd’hui devant le Sénat. Alors que, faute à la crise économique, de nombreux autres projets de loi ont été sagement repoussés, celle qui nous concerne ici suivra la procédure d’urgence : le texte ne sera ainsi débattu qu’une fois, au lieu de deux, par chaque assemblée.

L’urgence ne s’imposait pas, sauf à vouloir que nos élus ne se penchent pas trop dans le détail sur ce projet de loi. Mais quitte à se placer coûte que coûte en situation d’urgence, alors il y a bien quelque chose à faire : lire le nouveau livre de Philippe Aigrain Internet & Création dont le sous-titre annonce un ouvrage qui va justement se risquer à lever le point d’interrogation : « Comment reconnaître les échanges hors marché sur internet en finançant et rémunérant la création ? ».

Parce que n’en déplaisent aux défenseurs radicaux de cette loi qui ont la caricature d’autant plus facile qu’ils sentent que leurs monopoles se fissurent, Philippe Aigrain n’est pas un « anarchiste numérique ». Au contraire, prolongeant son travail quotidien à la Quadrature du Net, il tente ici de réconcilier partisans et détracteurs en exposant clairement la situation et ses enjeux et en avançant des propositions concrètes et argumentées[1].

Extrait (p.12) :

« Avec ce rapport, nous tentons une gageure : parler à presque tous, installer un cadre commun qui ne suppose pas de se mettre d’accord sur tout pour explorer ensemble les voies du possible. Lecteurs, il vous faut cependant consentir à de petits efforts. Si vous êtes sincèrement convaincus qu’un individu qui met un fichier numérique représentant une œuvre à disposition des usagers d’un réseau pair à pair est un pirate (celui qui s’empare par la violence des biens d’autrui) et que les œuvres saignent lorsqu’on les partage, nous ne vous demandons pas d’abandonner ces croyances. Acceptez cependant de lire la prose de ceux qui ont une autre vision de ces activités. Considérez leurs propositions et le soin qu’elles mettent à préserver ce à quoi vous tenez : la reconnaissance et la récompense de ceux qui contribuent à la création ; l’organisation des filières qui permettent à certaines formes d’œuvres d’exister ; l’accès de tous à la culture. Si au contraire vous pensez qu’à l’âge d’internet, la gestion collective ne sert plus à rien et qu’il suffit de laisser faire les échanges universels pour que les ressources nécessaires aux activités créatives se répartissent mieux qu’aujourd’hui, nous ne vous demandons pas de changer d’avis.Mais lisez avec soin ce qui suit, et demandez-vous si les solutions qui y sont esquissées ne garantissent pas ce qui est pour vous l’essentiel : le développement des activités propres à internet, leurs libertés constitutives, la coopération de tous à la production d’un objet commun. »

Le détail des propositions mentionnées ci-dessus est donc contenu dans ce livre. C’est assez technique parfois mais sortir de l’anathème pour changer de paradigme ne s’improvise pas !

Oui la situation actuelle est intenable et non démocratique et il convient d’en faire son deuil. Oui un mécanisme de financement mutualisé (une « licence globale » revue et corrigée pour ceux qui se souviennent de la tout aussi contestée loi DADVSI) est souhaitable et permettrait non seulement de libérer les échanges hors marché entre individus mais également d’avoir un impact positif sur l’économie générale de la création.

En voici le plan tel qu’il apparait dans l’introduction (p. 5-6) :

« L’introduction rappelle le contexte des débats actuels. Elle défend la nécessité d’envisager ensemble la liberté de certains types d’échanges sur internet et la mise en place d’une nouvelle source de financement et de rémunération de la création. Le deuxième chapitre discute des échanges hors marché entre individus sur internet, montre l’intérêt qu’il y aurait à les reconnaître comme légitimes et propose de les délimiter précisément. Le troisième chapitre discute de l’état des mécanismes de financement et de rémunération de la création. Il souligne la crise qu’ils traversent et défend l’intérêt de les compléter par une redevance payée par les usagers d’internet. Le quatrième chapitre compare différentes formes de financements mutualisés pouvant être envisagées. Sur la base de cette comparaison, il défend l’intérêt d’un mécanisme de licence accordant des droits d’usage aux individus. Le cinquième chapitre analyse les différents cadres juridiques applicables, des licences collectives étendues aux licences légales. Il analyse chacun des mécanismes du point de vue de leur compatibilité avec les traités internationaux et le droit européen. Le sixième chapitre discute les paramètres fondamentaux du mécanisme (œuvres incluses dans le mécanisme, droits et obligations des usagers, montant de la redevance, relation avec d’autres dispositifs). Le septième chapitre répond à certains arguments qui ont été avancés contre la libération des échanges hors marché entre individus sur internet ou contre la mise en place d’un financement mutualisé. Le huitième chapitre discute de la répartition du produit de la redevance entre médias, entre fonctions pour chaque média et entre contributeurs. Le neuvième chapitre analyse les modes d’observation des usages permettant une répartition juste des ressources collectées. Enfin, la conclusion esquisse quelques pistes pouvant conduire à l’introduction du mécanisme proposé. »

Merci à Philippe Aigrain pour ce document qui tombe à point nommé et apporte beaucoup au débat. Merci également d’avoir choisi l’éditeur InLibroVeritas et opté pour une licence Creative Commons (la by-nc-nd) permettant la mise à disposition dans son intégralité du format numérique du livre. Mais comme pour le projet Framabook nous vous invitons à acheter le livre (pour la modique somme de 10 €) pour soutenir la démarche et faire en sorte que de plus en plus de ressources de qualité suivent ce modèle original de diffusion.

Lire ce livre vous donnera peut-être comme moi l’étrange impression de faire partie de ces pionniers qui, à tâtons, avancent lentement mais sûrement dans le sens de l’Histoire. Une Histoire qui, nous le savons bien, a connu son lot de rendez-vous manqués. Ne prenons pas plus de retard et saisissons ici tout de suite l’occasion d’être à l’heure 😉

PS : Joli coup de projecteur, on pourra également lire l’article Internet : du piratage au partage que Libération consacre ce même jour à ce même livre en ne cachant pas sa sympathie pour les propositions contenues dans l’ouvrage !

Notes

[1] Crédit photo : Law Keven|http://flickr.com/photos/66164549@N00/2487291985/] (Creative Commons By-Sa)




Edvige, Hadopi, Paquet Télécom… se non è vero, è ben trovato !

Dreammaker182 - CC by-saFichier Edvige, Loi Hadopi, Paquet Télécom… Il y a une sorte de mail viral qui circule en ce moment sur le réseau français, certains allant même jusqu’à se demander si l’association « Parents pour la Société de l’Information et de la Communication » (PSICO) existe réellement (les mêmes en gros qui acceptent les valises virtuelles bourrées de dollars issues du Nigéria).

Je le recopie ici parce que comme disent mes amis italiens : « se non è vero, è ben trovato ! »

Il ne manquait plus que l’interdiction du logiciel libre comme cancer de la nouvelle économie marchande (permettant qui plus est de contourner les protections et les surveillances) et nous avions la totale 😉

Ce qui m’offre l’occasion de rappeler au passage l’existence de la Quadrature du Net, véritable balise éclairante pour moi (pour nous ?) sur tous ces sujets parfois complexes et techniques mais fondamentaux pour l’avenir de nos sociétés numériques c’est-à-dire, qu’on le veuille ou non, de nos sociétés tout court ![1].

Lettre ouverte au Président de la République Nicolas Sarkozy

Un communiqué de l’association « Parents pour la Société de l’Information et de la Communication » (PSICO)

Nous nous permettons de nous adresser à vous à la veille de l’adoption par le Parlement de la loi dite « Paquet Telecom » pour soutenir votre politique de la manière la plus vigoureuse.

Etant parents de jeunes consommateurs, nous faisons comme vous le constat que l’Internet devient une zone de non-droit et qu’il convient d’y mettre de l’ordre. Tout doit être mis en oeuvre afin que nos enfants respectent les oeuvres protégées par le droit d’auteur et ne nuisent en aucun cas aux intérêts des artistes, des industries culturelles, des opérateurs de télécommunications et des investisseurs qui sont la source même du progrès économique de notre pays.

Aussi nous soutenons les mesures promulguées par le projet de loi :

1 – Mise en place par les industriels et les opérateurs de télécommunication d’une police privée dotée de moyens de surveillance du réseau adaptés à la menace qu’ils subissent.

2 – Généralisation sur tous les ordinateurs personnels des citoyens français de logiciels d’écoute permettant à cette police de vérifier à distance la légalité des usages.

3 – Encouragement de la diffusion de dispositifs anti-copie sur tous les produits numériques et pénalisation de auteurs de logiciels qui pourraient permettre de les contourner.

4 – Rappel à l’ordre des contrevenants par un courriel d’avertissement suivi de mesures graduelles de répression par les agents de l’Etat.

5 – Pénalisation des auteurs de logiciels permettant éventuellement l’échange non sécurisé d’oeuvres soumises au droit d’auteur.

En tant que parents responsables, nous avons décidé de nous mobiliser, non seulement pour montrer à nos enfants le bienfondé de ces mesures, mais aussi pour faire tout ce qui est en notre pouvoir pour favoriser leur pleine et entière application. C’est pourquoi, notre association entend :

1 – Mettre en place une permanence téléphonique pour conseiller et venir en aide aux parents d’enfants contrevenants.

2 – Editer des manuels en ligne permettant aux parents de vérifier le bon fonctionnement des mesures de protection et d’écoute sur les ordinateurs de leurs enfants.

3 – Mobiliser nos enfants pour qu’ils fassent connaître les faits délictueux de leur camarades à notre cellule de recoupement de l’information.

4 – Transmettre les cas constatés aux services de l’Etat, en particulier au service du fichier Edvige pour les enfants de plus de 13 ans.

5 – Effectuer une veille citoyenne et un suivi sur l’application de la loi afin que, dans le respect de l’Egalité républicaine, tous les contrevenants subissent effectivement les conséquences de leurs actes délictueux.

Ainsi, nous Parents, unis avec les industriels de la culture et les services de l’Etat, nous réussirons ramener l’ordre sur le réseau et à éduquer nos enfants dans le respect de la Création, de la Culture, du Commerce et du Droit. Ainsi nous aurons contribué à ce que la Technologie reprenne la place qu’elle n’aurait jamais du quitter, celle du contrôle de l’application de nos valeurs fondamentales !

Soyez certain, Monsieur le Président de la République de notre soutien entier et inconditionnel.

Pour l’Association des Parents pour la Société de l’Information et de la Communication (PSICO), son Président, Adolf Bit-Torride

Notes

[1] Crédit photo : Dreammaker182 (Creative Commons By)




Quand le gratuit devient payant au cinéma en plein air de la Villette

Marilyn - Virginyyyy - CC-by-nc

Rares sont les parisiens de l’été, permanents ou de passage, qui ne sont pas allés au moins une fois voir un film en plein air au festival cinématographique de la Villette. C’était même devenu un rendez-vous pic-nic-convivial assez classique de la capitale[1].

J’en parle au passé parce que la donne a quelque peu changé cette année. Gratuit depuis toujours (à savoir dix-sept ans) il faut, pour cette édition 2008, s’acquitter d’un droit d’entrée de deux euros. La somme est modique pour le bobo parisien mais pas forcément pour les populations des banlieues avoisinantes (Pantin, Aubervilliers…) qui avaient pris l’habitude de venir en famille. Mais, modique ou pas, elle est peut-être aussi quelques part révélatrice d’une évolution marchande dont on n’a pas fini de constater les méfaits effets.

Bon mais alors pourquoi soudainement un tel changement ? C’est un peu emberlificoté mais c’est très bien expliqué dans l’article de Rue89 qui m’a mis la puce à l’oreille.

Il y a plusieurs problèmes mais ils gravitent plus ou moins tous autour du Centre national de la cinématographie (CNC), qui serait un peu au cinéma ce que la SACEM est à la musique (je caricature, si certains veulent préciser ou amender dans les commentaires, qu’ils n’hésitent surtout pas).

On a un problème avec une nouvelle directive du CNC qui oblige désormais les festivals de cinéma gratuit en plein air à présenter leur programmation devant une commission de régulation afin, par exemple, d’éviter de détourner le public des salles de cinémas.
On a aussi un problème avec les sponsors et donc la publicité. Présente au festival depuis ses débuts, elle échappe à une taxe du CNC prévue dans ce cas de figure.
Enfin il y a un problème quantitatif, celui qui voit chaque année près de cent cinquante mille personnes assister à ces projections gratuites, ce qui pourrait, selon certains, faire du tort aux exploitants de salles et distributeurs.

Ainsi donc le passage au payant permet de ne pas se retrouver devant la commission (qui peut très bien ne pas donner son aval pour tel ou tel film trop récent ou trop grand public), il permet également de payer la taxe CNC, et enfin il permet de garder ses sponsors qui eux permettaient justement de préserver.. la gratuité ! (comprenne qui pourra)

Certes c’est dommage voire contrariant, mais on est a priori très loin du logiciel libre. Alors pourquoi évoquer cette petite polémique sur le Framablog ?

En fait, à y regarder de plus près, on est en présence d’une configuration assez familière :

  • des questions (complexes) de droits
  • une nouvelle directive toute fraîche qui oblige à obtenir l’aval d’un organisme (pourtant public) de régulation et/ou de contrôle (c’est selon) représentant les intérêts financiers d’une industrie et/ou la création culturelle cinématographique (c’est selon)
  • de la publicité qui soutient mais dont on aimerait bien si possible se passer
  • autour d’un événement ayant lieu dans un espace public (un parc municipal c’est, me semble-t-il, un bien commun administré à l’aide de nos impôts)
  • des citoyens qui se sentent un peu mis devant le fait accompli et qui, ne disposant pas de structures officielles pour se faire entendre, décident de monter une opération pétition sur internet.

Comparaison n’est pas raison, mais j’y ai vu néanmoins quelques similarités avec certains évènements passés ou présents qui ont bousculé la communauté comme la question des brevets logiciels en Europe, la loi DADVSI, la loi Hadopi, ou encore le (grave) problème actuel que pose le paquet Télécoms[2]. On notera qu’à chaque fois il est question d’argent et même parfois, et contrairement à ce qui nous préoccupe ici, de beaucoup d’argent.

Quant à la pétition, en voici quelques extraits jugés significatifs :

« Cette décision porte un coup à la vocation populaire, dès l’origine, à l’image de son environnement géographique, du Parc de la Villette. Le Parc est un établissement public. Que sa directrice puisse expliquer dans l’édition du Parisien du samedi 21 juin 2008 « En faisant payer, nous sommes plus libres » manifeste une conception pour le moins incompréhensible de sa mission de favoriser l’accès du plus grand nombre à la culture.

Nombre d’habitant-es du 19e arrondissement et des alentours ne peuvent pas partir en vacances, ou n’ont pas accès à la culture en-dehors de la gratuité. Le Parc de la Villette pouvait jusque-là s’enorgueillir de ne pas sélectionner ses publics selon leurs pouvoirs d’achat, à travers cette manifestation comme à travers d’autres.

Pour nous la culture n’est pas une marchandise et il est nécessaire de maintenir mais aussi de multiplier les spectacles gratuits en plein air. La culture, c’est comme le service public, ça a un coût mais ça n’a pas de prix. C’est parce qu’il y a des services publics de l’éducation, de la santé et de la culture que l’accès à l’éducation, à la santé et à la culture est une réalité pour des millions de personnes qui sinon n’en verraient pas la couleur. Céder à la pression des marchand-es de la culture ou rendre la culture accessible sans discrimination et sans sélection par l’argent, il faut choisir.

Nous voulons que les projections du cinéma en plein air gardent leur aspect convivial, spontané, populaire qui les rend si attachantes. Ce n’est pas aux spectateur-rices de payer deux fois leurs places, avec leurs impôts et en s’acquittant d’un droit d’entrée de 2 euros. L’État, les collectivités locales, le CNC et le Parc de la Villette doivent s’entendre. »

Je n’ai pas retrouvé trace sur le site du Parisien de l’étonnante citation de la directrice. Mais en admettant qu’elle fut bien prononcée, alors non Madame, on n’est pas forcément « plus libre en faisant payer ». Nous sommes quelques uns ici à pouvoir en témoigner…

Plein air - Aeroporc - CC-by-nd

Notes

[1] Crédits photos : Marilyn par Virginyyyy sous licence Creative Commons By-Nc et Plein Air par Aeroporc sous licence Creative Commons By-Nd.

[2] Pour les deux derniers problèmes mentionnés, on peut faire confiance à la Quadrature du Net pour nous tenir au courant et nous proposer d’agir ensemble.




Qu’est-ce qu’une oeuvre culturelle libre ?

Star Wars – Episode XIV – Acte III – Scène 2

Jeune Padawan : Bonjour Maître, je viens vous présenter ma dernière création libre.

Maître Jedi : Création intéressante… Elle est « libre » dis-tu. Qu’est-ce qui te permet de l’affirmer ?

Jeune Padawan : Je lui ai associée une licence prise chez les scribes de la planète Creative Commons.

Maître Jedi : Mais encore…

Jeune Padawan : C’est-à-dire ?

Maître Jedi : Mais encore, laquelle d’entre toutes les licences Creative Commons possibles ?

Jeune Padawan : La licence Creative Commons BY-NC-ND.

Maître Jedi : Je vois… Tu autorises donc quiconque à diffuser ta création pourvu que sa paternité soit conservée et qu’elle ne subisse ni modification ni commerce sans ton assentiment. C’est bien cela ?

Jeune Padawan : Oui, Maître.

Maître Jedi : Cette libre diffusion te fait alors dire que ta création est « libre » ?

Jeune Padawan : Oui, Maître.

Maître Jedi : Je comprends. Mais sache qu’il existe des galaxies entières qui ne considèrent pas ton œuvre comme libre.

Jeune Padawan : Ah bon !

Maître Jedi : Oui. Tu vois la galaxie Logiciels Libres, là-bas, derrière Cassiopée ?

Jeune Padawan : Celle dont toute la République vante la maîtrise technologique et l’éthique sociale ?

Maître Jedi : Celle-là oui. Cette galaxie est associée au logiciel depuis bien longtemps déjà mais elle a pris ce nom le jour où l’un de nos meilleurs éléments, Maître Jedi Stallman, est venu leur dire que leur principale activité était menacée par l’Empire et qu’il fallait agir pour s’en préserver. C’est ainsi que furent adoptées les quatre libertés du logiciel libre. Ces libertés sont précises voire sévères. Elle peuvent même t’apparaître contraignantes puisqu’on ne te demande plus ton autorisation pour altérer (ils disent modifier) ou exploiter (ils disent diffuser) ton œuvre. Mais elles ont permis à cette galaxie de résister d’abord, de poursuivre son développement ensuite et enfin de s’épanouir. Pour les rebelles de l’Alliance mais également pour de très nombreux simples citoyens de notre République, elle représente un modèle et une source d’espoir. As-tu envie que ta création entre un jour dans le Grand Livre de la Connaissance du peuple Wikipédia ?

Jeune Padawan : Oh ! J’en serais honoré Maître.

Maître Jedi : Alors là encore tu n’as pas choisi la bonne licence Creative Commons.

Jeune Padawan : Je ne le savais pas, Maître.

Maître Jedi : Les scribes de la planète Creative Commons non plus. Enfin si mais ils n’avaient pas pleinement pris conscience de ces nuances. C’est pourquoi ils ont récemment décidé d’ajouter un sceau particulier à certaines de leurs licences. Ce sceau est un symbole qui relie les habitants de la galaxie Logiciels Libres, le peuple Wikipédia et tous ceux qui placent leurs créations sous ces licences. Ce sceau est également la garantie que l’on peut travailler ensemble, sans entraves et en confiance, au bien commun de toute la République

Jeune Padawan : …Permettant alors aussi de mieux se défendre face à l’Empire.

Maître Jedi : En effet, oui.

Jeune Padawan : Je vais peut-être changer ma licence alors…

Maître Jedi : Telle n’était pas mon intention jeune Padawan. Ne sois pas si influençable !

Jeune Padawan : Oui, Maître. Toujours être libre de son choix mais savoir que le choix du libre n’a pas toujours la même définition en tout point de notre République.

Maître Jedi : C’est exactement cela. Tu seras bientôt prêt jeune Padawan.

Moi : Fin de cette introduction-divagation qui n’avait pas d’autre but que de vous présenter lyriquement la traduction ci-dessous annonçant le pourquoi du comment de ce nouveau label. Un label qui mine de rien donne du sens aux licences Creative Commons selon qu’on le possède ou non.

France Gall : C’est peut-être un détail pour vous mais pour moi ça veut dire beaucoup.

Certifié œuvres culturelles libres

Approved for Free Cultural Works

Mike Linksvayer – 20 février 2008 – CreativeCommons.org
(Traduction Framalang : Olivier Rosseler)

CC - Approved for Free Cultural WorksLa famille des licences Creative Commons s’aggrandit avec le sceau ci-dessus pour les licences qui remplissent les critères des Licences Culture Libre (NdT : Free Culture Licenses) selon la Définition des Œuvres Culturelles Libres, Parternité (BY) et Paternité-Partage à l’identique (BY-SA). Le domaine public n’est pas une licence mais est qualifiable d’œuvre culturelle libre d’après la Définition.

Une manière simple d’appréhender la définition est de la voir comme l’application des principes du logiciel libre au contenu. La liberté de modification, sans distinction de l’usage ou de l’usager, est un préalable nécessaire, ce qui signifie que les licences Creative Commons Pas d’utilisation commerciale (NC) et Pas de modification (ND) ne remplissent pas les conditions. Évidemment on ne vous demande pas d’accepter la définition de la liberté du mouvement des logiciels libres ou la Définition des Œuvres Culturelles Libres, et même si vous les acceptez des licences plus restrictives sont nécessaires dans certains cas. Quoiqu’il en soit, ce sceau marque une démarcation importante entre les licences plus restrictives et celles qui le sont moins, une démarcation dont les créateurs et les utilisateurs de contenu devraient être conscients.

Pourquoi les utilisateurs devraient-ils être conscients de ces distinctions ? Voici un exemple concret : certains projets importants n’acceptent que du contenu sous licence libre (conformément à la définition) ou appartenant au domaine public. C’est la cas en particulier de Wikipédia et les sites Wikimédia qui emploient la Définition des Œuvres Culturelles Libres dans leur politique de licence. L’identification claire des licences CC que l’on peut qualifier de libres est en effet l’un des problèmes à résoudre pour une potentielle migration de Wikipedia vers une licence CC Paternité-Partage à l’identique (BY-SA).

Cette signalétique supplémentaire est au cœur de nos efforts pour rendre plus lisible l’éventail de licences Creative Commons, ne parlez jamais de la licence Creative Commons car elle n’existe pas. Nos actes de licence ont toujours exprimés les propriétés particulières de chacune des licences grâce à une icône et un descriptif bref. En décembre 2006 nous avons ajouté à notre signalétique la distinction entre les licences libres et moins libres par un fond vert ou un fond jaune (voyez la différence entre Paternité et Paternité – Pas d’utilisation commerciale) et nous avons commencé à proposer des bandeaux pour les licences contenant des icônes relatives aux propriétés des licences afin que l’on puisse directement identifier visuellement la licence utilisée sans avoir à cliquer pour lire l’acte.

Nous espérons pouvoir répondre à d’autres suggestions de la communauté et présenter à l’avenir d’autres améliorations des actes des licences CC et du sélécteur de licence dans un futur proche. Alors ne zappez pas !




Quand Eben Moglen nous explique le risque lié à l’accord Novell Microsoft

En novembre 2006, Novell et Microsoft signaient un accord qui fit couler beaucoup d’encre. Union libre pour Microsoft nous disait alors Libération dans la plus pure tradition de ses titres accrocheurs, avec le résumé suivant : Après avoir combattu les logiciels libres pendant des années, l’entreprise de Bill Gates pactise avec Linux.

Novell étant l’éditeur de la distribution Suse Linux, cet accord se déclinait principalement en trois volets : un volet technique (avec la création d’un centre de recherche conjoint), un volet commercial (promotion croisée entre les solutions serveurs Suse Linux de Novell et ceux Windows de Microsoft), et un volet juridique.

C’est ce dernier volet, qualifié par certains de pacte de non-agression, qui posa le plus problème à la communauté. Voici ce que l’on en dit sur le (drôle de) blog intitulé Porte25 : Open Source et Interopérabilité @ Microsoft :

Les entreprises utilisant SUSE Linux Enterprise Server sont à l’abri des conséquences judiciaires liées à l’utilisation de parties de code de Linux violant les droits de propriété intellectuelle de Microsoft : « Microsoft s’engage à ne pas faire valoir ses brevets auprès des clients ayant acheté Novell Suse Linux Enterprise ou d’autres produits de Novell. Qui a accepté de faire de même pour les clients ayant une version sous licence de Windows ou d’autres produits Microsoft ».

Dans ce contexte, il nous a semblé intéressant de vous proposer le point de vue, pour ne pas dire l’éclairage, d’Eben Moglen, l’un des plus célèbres juristes de la communauté, qui nous explique pourquoi cet accord fragilise voire menace l’écosystème du logiciel libre.

Un nouvel extrait vidéo d’une intervention donnée au Red Hat Summit 2007, dont nous avons traduit[1] la retranscription.

La vidéo au format Ogg

Eben Moglen – Red Hat Summit 2007

Veuillez m’excuser, je pensais que la question était suffisamment claire pour ne pas avoir à la répéter : « Puis-je expliquer la menace que fait planer l’accord Microsoft/Novell sur la liberté des logiciels sous GPL ? »

Je vais tâcher de m’exprimer en termes parlants, en commençant par ceci : Imaginez quelqu’un qui voudrait éliminer la liberté des logiciels libres ou du moins entraver ses développeurs de manière importante, de manière à leur ôter toute chance de rivaliser. Imaginez que ce quelqu’un possède des brevets dont la validité est douteuse, mais en grande quantité, et qu’il pourrait potentiellement utiliser pour effrayer les développeurs et les utilisateurs. Imaginez qu’une telle personne commence alors à régulièrement proférer des menaces, comme par exemple : « Hé, on a plein de brevets ! Peu importe combien, peu importe ce qu’ils protègent, peu importe leur qualité, on a plein de brevets et un jour ça va chauffer. N’utilisez pas ce logiciel. »

Imaginez que ce soit la stratégie qu’emploie la personne opposée à la liberté parce que ça vaut mieux que de faire des procès. Faire des procès coûte cher, c’est irréversible et ça peut amener à devoir expliquer de quels brevets on parle et pourquoi ils sont valables. Donc mieux vaut menacer que faire des procès, non ? Imaginez quelqu’un qui se lance dans des menaces chaque été, et ce depuis des années, un peu comme pour une tournée « Ayez très très peur », d’accord ? (NdT : « Be very afraid » tour)

Ça peut paraitre absurde, je sais.

Imaginez à présent que cette tournée annuelle « Ayez très très peur » commence à générer un retour de bâton, parce que certains, notamment les PDG des plus grandes banques et institutions financières, se rebiffent et déclarent : « Vous osez nous menacer, nous ? Nous, les plus influents, les plus riches et les plus puissants du capitalisme, nous qui déterminons la valeur de vos actions ? Vous feriez mieux de vous calmer. »

Voilà ce qui arrive quand on dit « Ayez très très peur » à ceux qui ont énormément argent, davantage encore de pouvoir, et qui contrôlent la valeur de vos actions : ils se rebiffent. Le modèle économique qui consiste à menacer d’attaquer quelqu’un en justice fonctionne si l’on s’en prend à des enfants de douze ans. Ça n’est guère efficace s’il s’agit des piliers du capitalisme financier. Par conséquent, en tant que personne engagée dans des tournées annuelles « Ayez très très peur », vous allez voir se mobiliser les clients d’entreprises qui vous rétorqueront « Vous osez nous menacer ? »

Que se passerait-il alors si l’on faisait en sorte qu’ils aient moins l’impression d’être ceux que l’on intimide ? Que se passerait-il si l’on pouvait leur donner une certaine tranquilité d’esprit — en engrangeant quelques profits au passage —, afin que les seuls qui tremblent encore après votre tournée annuelle « Ayez très très peur » soient les développeurs eux-mêmes ? On parviendrait alors à se faire bien voir, sans cesser d’agiter des brevets et de menacer de ruer dans les brancards.

Les accords pour la sûreté des brevets rend possible ce risque pour mes clients : la communauté des développeurs. Si les entreprises pensent pouvoir acheter le logiciel que mes clients produisent à un tiers qui leur assure la tranquillité vis à vis de l’adversaire en leur vendant une licence, alors les entreprises pourraient penser qu’elles ont obtenu une paix séparée et que, si un jour en ouvrant leur journal à la rubrique « Économie » elles voient « L’adversaire s’attaque aux logiciels libres », elles pourront se dire « C’est pas mon problème, j’ai acheté telle distribution et je ne crains rien. » Le problème que présente ces accords, c’est qu’ils cherchent à isoler les clients d’entreprises, qui pourraient mettre un terme aux menaces en insistant sur leurs droits, des développeurs qui, au fond, sont les plus menacés.

Il faudrait donc conseiller à ces gens de ne pas s’accorder une paix séparée aux dépends de la communauté. De ne pas essayer de mettre ses clients à l’abri si cela revient à éliminer les affluents d’où proviennent vos biens. Nous fonctionnons comme un écosystème. Si l’on sape les défenses de la communauté, on sape tout l’écosystème, et agir ainsi pour le bien de vos clients au détriment de vos fournisseurs n’est pas une bonne manière de faire du business. Tel est le problème fondamental créé par de tels accords.

Notes

[1] Merci à Olivier, Yostral et Don Rico pour la traduction commune estampillée Framalang quality label.




Un logiciel du « domaine public » est-il un logiciel libre ?

Utilisé par Firefox, Google Gears ou Adobe, le moteur de base de données SQLite rencontre un grand succès actuellement notamment pour ses capacités à travailler hors connexion.

Or il se trouve que SQLite est dans le « domaine public ». Alors question : un logiciel du « domaine public » peut-il être considéré comme un « logiciel libre » ?

Une traduction Olivier / relecture Daria pour Framalang.

No Copyright

Le domaine public est-il open source ?

Is public domain software open-source?

Stephen Shankland – 28 février 2008 – News.com

Alors que j’écrivais un article cette semaine sur le parrainage du projet SQLite par Adobe je me suis retrouvé face à un problème complexe : les logiciels publiés dans le domaine public sont-ils également des logiciels libres ?

Mon éditeur déteste les introductions sous forme d’interrogations mais je crois bien que cette fois c’est justifié car même les experts n’arrivent pas à se mettre d’accord.

Pour rappel : si un logiciel ou tout autre œuvre de l’esprit est dans le domaine public, cela signifie qu’aucun droit d’auteur ne s’applique. Les conditions pour coller à la définition officielle de l’Open Source sont décrites par l’Open Source Initiative. Deux programmeurs, Eric Raymond et Bruce Perens, ont fondé l’OSI il y a 10 ans pour formaliser et codifier le concept de l’open source qui dérive du mouvement des logiciels libres initié par Richard Stallman dans les années 80. L’OSI compte 68 licences compatibles.

Richard Hipp, qui a créé le projet de base de données SQLite en 2000 et qui l’a placé dans le domaine public, pense qu’il peut également être considéré comme un logiciel open-source.

« J’ai tenu beaucoup de discussions à ce sujet avec des avocats d’affaire des entreprises qui utilisent beaucoup SQLite. L’idée qui s’en dégage est que le domaine public est valide et est un sous-ensemble de l‘open-source, excepté en France et en Allemagne où le concept de domaine public n’est pas reconnu » m’a-t-il dit dans une discussion par e-mail commencée avec l’histoire sur Adobe.

Mais ne sautons pas aux conclusions. Voyons l’opinion de Mark Radcliffe, avocat spécialisé en propriété intellectuelle qui est le conseiller général de l’Open Source Initiative.

Lorsque j’ai demandé à Radcliffe si le domaine public est open-source, sa réponse a été claire : « Non. Les logiciels qui appartiennent vraiment au domaine public ne sont plus protégés par le droit d’auteur et par conséquent on ne peut plus leur appliquer les conditions nécessaires pour qu’ils soient conformes à n’importe quelle licence open source. »

Louis Rosen est du même avis, il est avocat au cabinet Rosenlaw and Einschlag qui s’occupait précédemment de l’aspect légal pour l’OSI et qui y est toujours impliqué. Il m’a indiqué un document qu’il a écrit, vieux mais toujours d’actualité, sur les raisons pour lesquelles le domaine public n’est pas une licence.

« Le domaine public ne sera jamais une licence. Sa vraie signification est Pas de licence requise » affirme Rosen. « Les logiciels qui sont offerts au public ou au domaine public sont plutôt sûrs. Ce qui m’inquiète plus ce sont les gens ou les entreprises qui libèrent leurs logiciels de manière si naïve sans comprendre que les licences ou des closes légales sont bien plus efficaces et rentables. »

Même si le domaine public n’est pas une licence faisant partie de la liste officielle des licences open-source de l’OSI, Perens dit qu’il n’en est pas loin : « Les logiciels qui ont été formellement dédiés au domaine public par une déclaration écrite collent aux conditions de la définition Open Source seulement si le code source est disponible. Etonnamment on peut trouver des programmes sous forme binaire appartenant au domaine public dans certains coins reculés du Net. »

Et Raymond ajoute : « Les logiciels dans le domaine public se caractérisent par… Les utilisateurs sont assurés d’avoir tous les droits de distribution et de réutilisation que la définition de l’Open Source cherche à assurer parce qu’il n’y a pas de propriétaire pour appliquer de restrictions.»

Entre la théorie et la pratique pourtant, le projet SQLite semble plus open-source qu’autre chose. Le code source du projet est disponible sans restriction et les programmeurs qui contribuent au code doivent déclarer explicitement que leur contribution est placée dans le domaine public à jamais, ce qui semble coller au point de vue de Perens.




VidToMP3.com ou la grande hypocrisie collective

Copie d'écran - YouTube - Tryad

Dans la série « je donne des leçons en criant dans le désert »…

Un nouveau site outil de type MFA[1] vient de sortir VidToMP3.com. Il propose tout simplement de ripper, c’est-à-dire récupérer, les pistes sons de n’importe quelle vidéo des plate-formes YouTube, Dailymotion, MySpace, etc.

J’ai fait le test avec le morceau Bluetooth des sympathiques bobos de la Chanson du Dimanche. Il vous suffit d’aller sur YouTube, de copier l’URL de la vidéo recherchée et d’y coller le tout dans VidToMP3.com. Il ne vous reste alors plus qu’à cueillir sur le site, après un court laps de temps, un mp3 de qualité tout à fait correcte prêt à s’ajouter à la playlist de votre baladeur musical préféré.

C’est… cool n’est-ce pas ?!

Et comme il est désormais quasi impossible qu’une chanson un tant soit peu connue ne se retrouve pas d’une manière ou d’une autre sur ces plate-formes vidéos, ben vous tenez là un système parfait pour alimenter votre baladeur avec la musique de votre choix.

Vraiment super top cool !!!

Un système d’autant plus parfait qu’il est… sans risque. Parce que le hic c’est que ce que j’ai fait pour la Chanson du Dimanche est tout à fait illégal. Bien qu’il s’agisse d’un groupe un peu particulier puisque né sur internet grâce à la mise en ligne de leurs vidéos, il est formellement interdit de faire ce que j’ai fait, puisqu’en l’absence de licence associée à leurs vidéos c’est le copyright classique qui s’applique.

Et il en va bien entendu de même pour les autres chansons (en pire même lorsqu’il s’agit de groupes sous contrat avec les Majors).

Du coup cela me fait dire péremptoirement qu’on nage dans l’hypocrisie collective. Une hypocrisie qui, comme la valse, se décline en trois temps.

  • Les plate-formes vidéos d’abord. YouTube, MySpace, Dailymotion… aucun de ces sites n’associent de licence claire et individuelle aux vidéos proposées. Du coup c’est le Term of Use (indigeste voire incompréhensible) qui s’applique par défaut et si on le suit à la lettre alors on ne peut télécharger sur le site que des vidéos qui nous appartiennent en propre. Oui pour votre bébé au rire communicatif ou vos vacances en Asie en compagnie d’éléphants savants (et encore faut s’assurer de l’autorisation de l’éléphant, quoiqu’ici c’est plus facile puisque sachant dessiner il doit bien savoir parapher). Mais non pour le dernier clip-vidéo à la mode ou l’extrait d’une récente émission de télé dont ces sites sont pourtant truffés.[2]. J’avais déjà évoqué ce problème dans un billet au titre délicat Est-ce que YouTube nous entube ? où je préconisais plutôt l’utilisation de Blip.tv (qui, vous avez dit bizarre, n’est d’ailleurs pas encore dans la liste de VidToMP3.com). Depuis force est de constater que rien n’a bougé du côté de YouTube. Et ceci oblige des groupes libres comme Tryad à faire mention de la licence à même le descriptif de la vidéo qu’il faut dérouler qui plus est (voir illustration ci-dessus qui ouvre le billet). Ce n’est tout simplement pas sérieux messieurs de chez YouTube donc de chez Google.
  • Le site VidToMP3.com ensuite. Voilà un site qui colle de la pub partout avec son modèle économique qui est clairement l’affluence (voir ma note ci-dessous) et qui vient nous dire en petit et en bas de page : Only rip the sound from none-copyrighted sources. C’est ç’là oui, on va t’écouter mon grand et du coup plus personne ne viendra sur ton site !
  • La blogosphère ensuite. Vite, vite, faisons un billet avec VidToMP3.com dans le titre pour être bien référencé, extasions-nous sur l’utilité du service et taisons les problèmes liés aux absences de licences (si tant est que les blogueurs en question aient la moindre culture des licences). Que ne ferions-nous pas pour chouchouter nos fidèles lecteurs…

Je ne nie pas que le service puisse être parfois utile (au format audio ouvert ogg ce serait encore mieux) mais si, comme tente modestement de le faire ce blog, on se place dans une problématique de sensibilisation à la culture libre alors on n’est pas à Houston mais on a visiblement un problème.

Un problème de licences ou plutôt d‘éducation aux licences qui, si il était plus médiatisé, obligerait tout ce petit monde (visiteurs inclus) à mieux se positionner. Quitte, si entêtement et bornitude[3] il y a, à faire découvrir les douces mélopées de la musique en libre diffusion que l’on trouve sur des Dogmazik et autres Jamendo.

Quitte aussi à rencontrer les logiciels libres. Parce que dès que vous commencez à vous préoccuper des questions de licences à l’ère du numérique ils ne sont pas bien loin…

Notes

[1] MFA est l’acronyme de Made For Adsense. Un site MFA signifie qu’il a été conçu avec l’objectif non dissimulé de faire des sous avec la régie publicitaire de Google. Pour le site qui nous concerne il y a d’autres bannières mais le modèle est bien présent : proposer un service qui amènera beaucoup de visiteurs qui engendreront beaucoup de revenus publicitaires. Et, si j’ose dire, tout le monde s’y retrouve puisque cela permet au service de rester tranquillement gratuit.

[2] Pour les clip-vidéos ou passages télés c’est à nuancer parce que les ayants droits négocient au cas par cas avec les plates-formes vidéos, ce qui vient passablement compliquer la situation. Mais ce qui est sûr c’est que vous, visiteur YouTube, vous n’avez pas le droit de les récupérer.

[3] La bornitude caractérise l’attitude bornée d’une personne ou d’un groupe d’individus. Exemple : Ségolène Royal a fait preuve de bornitude en tentant de justifier sa bravitude.