OS, logiciels, serveurs et… tablettes libres pour les écoles – Entretien avec Éric Seigne

Eric_Seigne_Abuledu_en_classeLes entreprises utilisant et fabriquant du logiciel libre à destination des écoles primaires sont rares. Il faut reconnaître que le marché est compliqué et beaucoup plus difficile à conquérir puisqu’il faut démarcher chaque mairie là où les conseils généraux suffisent pour les collèges. C’est donc un travail de fourmi que doivent fournir ces sociétés pour exister. Nous avions rencontré en mars dernier les co-présidents d’iMaugis. Aujourd’hui, c’est Éric Seigne, que nous avons le plaisir d’interviewer. Il en profite pour nous annoncer une nouvelle qui devrait, nous l’espérons, faire beaucoup de bruit 😉

Bonjour Éric. Pour ceux qui ne te connaissent pas, peux-tu te présenter ?

Éric Seigne, 34 ans , directeur de la société RyXéo, éditeur de AbulÉdu, ensemble de logiciels libres multidisciplinaires à destination des établissements scolaires. Je suis un des membres fondateurs de l’ABUL, Association Bordelaise des Utilisateurs de Logiciels Libres, ainsi que d’autres associations libres.

Comment as-tu découvert le libre ?

Pendant mes années de lycée, dans le journal local (Sud Ouest) on pouvait lire que se tenaient à Bordeaux des repas entre Experts Linux… À cette époque, j’avais la chance de pouvoir bidouiller l’ordinateur de ma sœur aînée, alors équipée de DOS, tandis que mes amis disposaient d’ Amiga et Amstrad (avec écran couleur, son, jeux…) … Je me contentais du prompt A:>_ …


J’ai ensuite installé un OS/2 puis ai enfin eu mon propre ordinateur, pc offert par mon grand-père.

J’ai trouvé le moyen d’installer une slackware sans en connaître les commandes rudimentaires… J’ai persévéré et ai, comme beaucoup d’autres, apprécié. Après mon bac, je me suis installé à Bordeaux et y ai effectué mes études. J’ai enfin pu participer à ces fameux repas de linuxiens bordelais où la constitution d’une association locale (ABUL) a été décidée. À cette époque, des personnes telles que Pierre Ficheux ont suscité chez moi une réelle admiration ! À tel point qu’une Redhat a remplacé la slackware sur ma machine. La découverte de l’interface graphique n’a finalement pas changé grand-chose… si ce n’est de pouvoir lancer un Netscape… les habitudes étaient déjà trop grandes… j’appréciais les fameuses lignes de commande et ne comptais plus les abandonner.

J’ai également participé à quelques demo-parties et ai pu admirer les prouesses des démos 4k, des équipes dev-gfx-zique… la créativité de ces gens est tout simplement incroyable.

Je savais que je n’aurais pas dû jouer autant avec mon Amstrad 6128 😉
Tu es à l’initiative de nombreux projets ou tu y participes : RyXéo, AbulÉdu, AbulÉdu-fr, AbulÉdu ENT, Le Terrier, Pédagosite, Scideralle
Vu de l’extérieur, cela commence à ressembler à l’anarchie des projets Framasoft 😉
Tu peux nous les présenter pour y voir plus clair ?

Connais-tu “la cathédrale et le bazar“ ? Ce livre fait partie de mes lectures qui ont eu une grosse influence sur ma trajectoire, au même titre que l’incroyable “hold up planétaire” de Roberto di Cosmo). Je suis un créateur sur le mode « bazar » qui, de temps en temps, essaye de remettre un peu d’organisation « cathédrale » pour repartir sur un cycle bazar et ainsi de suite :

  • 1998 création de l’Abul et définition de nos prérogatives à savoir l’éducation, la création du groupe Abul-edu, qui donnera naissance au projet Abuledu
  • 1998 l’AFUL signe une convention avec le Ministère de l’Éducation Nationale (Stéphane F., Thierry S., Bernard L., Nat M. Jean-Pierre L. et toute l’équipe de l’AFUL que je ne remercierai jamais assez pour ce coup d’éclat) qui nous ouvre les portes et définit le cadre de travail dont nous bénéficions dans ce secteur
  • 1998 Jean Peyratout, instituteur à Gradignan (à 200 m de chez moi), fondateur de l’ABUL nous fait vibrer au son de « je suis instituteur laïc, républicain, gratuit … et néanmoins obligatoire et à ce titre j’ai du mal à mettre mes élèves devant des ordinateurs Microsoft Windows pour leur faire utiliser Microsoft Word (ou Write), Microsoft Excel, Microsoft Encarta, Microsoft truc et ainsi de suite, il y a la une entorse à mon éthique (et mon devoir de neutralité) que j’ai du mal à avaler, j’aimerais savoir si “linux” pourrait pas nous offrir un choix ».
  • 1999/2000 le groupe Abul-edu (une trentaine de bénévoles de l’association) installe “des ordinateurs en réseau” dans l’école primaire de Jean Peyratout. On va du recyclage de vieux pc à l’installation d’un “serveur” (de mémoire un P3 avec 128 ou peut-être 256 Mo de RAM) … Camille C. nous amène une techno: “LTSP“… on essaie également XTermKit de Jacques Gélinas… Pour faire simple on pourrait dire que les enfants utilisent AbulÉdu en semaine et des adultes barbus s’adonnent à leur hobby le week end…
  • 2000 premières RMLL, le cycle éducation présente des projets extrêmement ingénieux, dont celui de Jacques Gélinas (Hacker kernel, papa de linuxconf) qui enivre la foule… en fin de journée, nous faisons des démonstrations autour d’AbulÉdu. À la fin de la conférence, plus d’une dizaine d’enseignants viennent nous voir et nous disent qu’ils veulent faire la même chose dans leur école. Dans l’euphorie de l’événement on leur lâche un « chiche, revenez dans un an on vous donnera un cd d’installation »
  • Cette même année 2000, je crée l’entreprise individuelle Rycks
  • Un an plus tard, lors des RMLL 2001, on lance le CDROM AbulÉdu 1.0 basé sur Mandrake 7.2 (je salue et remercie encore les hackers de Mandrake qui nous ont aidés et soutenus)… La communauté s’élargit alors jusqu’en Afrique de l’Ouest, au Burkina Faso, en Côte d’Ivoire et bien naturellement partout en France. Des enseignants comprenant notre démarche vis à vis des enjeux du libre dans le milieu scolaire veulent créer des logiciels pour aider leurs enfants à apprendre à lire, compter… un coup de pouce technique plus tard Le Terrier d’AbulÉdu est né.
  • Dans notre approche constructiviste, suite à des retours utilisateurs, nous créons Pédagosite, une nouvelle fois, dans notre bazar. L’idée est de mettre en commun les fiches pratiques et pédagogiques des enseignants contributeurs.
  • 2003 l’association ABUL, le groupe abul-edu et AbulÉdu décident de structurer. L’ABUL a pour mission de s’occuper de Linux sur Bordeaux (je schématise) et AbulÉdu prend alors son envol. Le groupe Abul-edu se réunit et créé l’association SCIDERALLE.
  • 2003 Rycks devient RyXéo, quittant le statut d’entreprise individuelle pour celui de SARL. Le changement n’intervient pas de façon isolée et AbulÉdu passe alors sur Debian. Nous proposons une solution clé en main de serveurs pré-installés accompagnés de maintenance. Le succès est mitigé : des clients qui nous rapportent de l’argent mais un malaise naît au sein de la communauté qui a du mal à comprendre qu’on puisse vendre du logiciel libre. 5 années plus tard, en 2008, nous relançons « AbulÉdu gratuit », version 8.08. Porteuse d’espoirs, elle nous apporte très rapidement son lot de désillusions, des donneurs d’ordre téléchargent la version gratuite, l’installent dans des écoles mais ne contractent ni support, ni expertise, ni formation auprès de RyXéo, même à 30 euros par mois !

Et la naissance d’AbulÉdu-fr ?

L’association a été constituée en 2010 et regroupe les utilisateurs d’AbulÉdu. Depuis 2011 nous essayons de resserrer les liens entre la communauté et RyXéo, l’association AbulÉdu-fr est la bonne interface pour ça.

Le bilan de l’association est présenté sur le site de l’association. toute aide est la bienvenue, en particulier d’un point de vue financier : l’association a du mal à payer les frais de déplacement pour les développeurs bénévoles lorsqu’ils viennent chez nous (RyXéo) une fois par mois.

RyXéo a toujours eu des liens avec l’éducation, notamment avec les écoles. Sauf erreur de ma part, c’est la seule entreprise, qui, en 2009, répondait intégralement au cahier des charges du ministère lors du Plan École Numérique Rurale. Pourtant de nombreuses autres entreprises ont finalement été retenues lors de ce plan (dont certaines se sont d’ailleurs mystérieusement volatilisées depuis). Comment l’expliques-tu ? Penses-tu que le fait de proposer des solutions libres a été, à ce moment là, un inconvénient ?

Je suis mal placé pour dire si on était les seuls à être compatibles avec le cahier des charges, je dirais juste qu’on a essayé d’apporter la réponse la plus claire possible.


Concernant les truands qui se sont placés sur ce marché pour voler de l’argent public et disparaître après avoir livré partiellement des écoles oui, ça m’a rendu assez malheureux.


Ensuite, ce plan était dans le « plan de relance de l’économie », j’ai observé qu’on a surtout relancé les importations de matériels produits à l’étranger. J’aurais préféré qu’on inverse le ratio matériel-service en s’appuyant par exemple sur du recyclage d’ordinateurs et en mettant beaucoup de ressources humaines en jeu en incluant des heures de passage dans les écoles pour que les entreprises fassent réellement du boulot d’accompagnement technique. Voire qu’on injecte des moyens financiers sous forme de création de postes d’animateurs TICE (ou dans les CDDP ou dans les équipes des Inspections Académiques ou autres structures existantes) pour que les enseignants puissent réellement mettre en pratique des usages avec des professionnels de la pédagogie…

Depuis 2010, de nouveaux logiciels du Terrier ont été développés et certains réécrits. Cela marque une réelle rupture aussi bien au niveau visuel que technologique par rapport aux premiers logiciels. Comment se font ces nouveaux développements ?

  • En 2009, nous (RyXéo) avons fait un bilan à la fois fonctionnel et technique des logiciels du Terrier d’AbulÉdu. Nous en avons tiré les 3 principales conclusions:
  1. logiciels pertinents et reconnus sur les aspects métier
  2. graphismes et ergonomie à repenser
  3. améliorations techniques du code applicatif à mettre en œuvre

Je tiens à signaler au passage que les logiciels en question sont vraiment conséquents, par exemple Association nécessite 1500 dessins et près d’un millier de mots (sous forme de sons) enregistrés ! À de nombreuses reprises la communauté des développeurs a lancé des appels à contribution pour avoir des dessins et des ressources libres réutilisables… sans grand succès.

  • Ryxéo engage un graphiste (en fait il s’agit d’un dessinateur de BD et illustrateur). En parallèle nous testons différents langages pour nos futurs logiciels (python, pygame, etc) sans en être vraiment convaincus. Puis sur le test du logiciel Raconte-moi, nous tentons l’aventure Qt/C++.
  • Au même moment, nous accueillons en stage, un enseignant avec qui nous avons l’habitude de travailler. Avec notre équipe technique, il développe le logiciel Calcul-Mental et travaille en forte collaboration avec le graphiste.

Le résultat est évident : nous sommes séduits… et l’équipe s’étoffe en l’embauchant à l’issue de son stage.

Parlons de choses qui fâchent 😉

Parmi les nouveaux logiciels, certains sont téléchargeables directement, d’autres accessibles uniquement après un achat en boutique. Pourquoi ce changement de politique ? Pourquoi cette différence de traitement entre les logiciels ?

Comme évoqué un peu plus tôt, Ryxéo est une équipe qui regroupe des développeurs, graphistes et pédagogues qui œuvrent à l’essor et au maintien de la solution AbulÉdu. Les salariés de l’entreprise reçoivent un salaire à la fin du mois. Le modèle économique Ryxéo, tel un éditeur, est basé sur le support, la maintenance et les formations autour des solutions proposées à nos clients.

À côté de ça, il faut savoir que l’estimation des dépenses globales au niveau national en logiciels pour les écoles en 2011 est de plusieurs millions d’euros (exemple 500.000 euros pour l’académie de Toulouse, sources : http://tice.ac-toulouse.fr/web/635-cheque-ressources.php) … Ne serait il pas pertinent que les ressources libres en bénéficient ?

Il n’en demeure pas moins que, nous sommes tous très impliqués, individuellement comme collectivement, et ce depuis de nombreuses années, à titre bénévoles dans des associations et des communautés. .

Cela dit, j’avoue qu’un de mes rêves serait de lancer une opération “logiciel libre à prix libre”… Peut être encore trop tôt… Mais un jour viendra, je l’espère.

Pour moi la réussite d’un projet libre n’est pas tant qu’il soit utilisé par des milliers d’utilisateurs que de créer des emplois et de la richesse. La FSF a eu l’intelligence de ne pas mettre de conditions « non commercial » dans la GPL et c’est vraiment important.

Puisque tu parles de “logiciel libre à prix libre”, RyXéo a lancé un Pedagogic Bundle permettant aux utilisateurs d’acheter un pack de logiciels du Terrier. SI je ne me trompe pas, cette opération en anglais a permis de récolter 800 $. Quel bilan en tires-tu ? Pourquoi ce choix d’une opération en anglais ?

C’est un test à plusieurs niveaux: je pense que l’aspect international est compliqué à aborder pour des logiciels pédagogiques, je ne pense pas que les enseignements soient les mêmes partout. Néanmoins je cherche pour voir s’il existerait un « écho » dans la communauté internationale qui gravite autour des logiciels libres et de l’éducation.

800€ c’est très peu et beaucoup : très peu compte tenu de l’exemple qu’on a pris pour s’en inspirer (humble bundle) et beaucoup parce que vu le peu de publicité qu’on a faite on a tout de même des retours.

Ensuite ce sont des personnes plutôt militantes qui nous ont pris ce bundle et nous ont spontanément proposé de participer aux traductions et prochaines offres…

Où en est le projet de micro-blogue pour les écoles primaires porté par l’association AbulÉdu-fr ?

Il s’agit d’un projet porté par l’association. Un projet véritablement important, à faire vivre, demandant du temps. Je profite donc de la tribune offerte pour demander à tout contributeur potentiel de ne pas hésiter à proposer son temps et son aide en remplissant ce formulaire de contact : http://www.abuledu-fr.org/Contacter-l-association.html

Passons à l’actualité chaude de RyXéo. Tu viens, ce samedi de présenter un produit qui devrait faire beaucoup de bruit, la TEDI. C’est quoi ?

Depuis deux ans, le phénomène « tablettes » envahit notre quotidien. Les écoles ne sont pas en reste et certaines, se sont lancées très tôt dans les démarches d’acquisition de ces nouveaux matériels.

La tablette est vue comme un gros téléphone, multi-tâche, à la frontière entre le matériel de productivité et le gadget. À ce titre je me dis que le combat de “détaxe” ou de “vente liée” est perdu ou tout au moins mal embarqué sur ces plates-formes …

Android prend de plus en plus de part de marchés et souffle le chaud et le froid (libre, pas libre, par exemple une version d’Android n’a jamais été publiée) … je fais de la veille technologique active et envisage un éventuel avenir libre aux tablettes scolaires.

RyXéo achète quelques tablettes pour découvrir que l’univers ARM (les puces qui équipent l’écrasante majorité des tablettes pour ne pas dire la totalité) est structuré d’une manière bien différente de la plateforme “pc/intel” que je connais bien. Il est par exemple très compliqué de choisir le périphérique d’amorçage et d’envisager de démarrer sur une clé usb, le réseau ou une carte SD … allons-nous être obligés de développer pour iOS ou Android ?

RyXéo développe cependant une « solution tablettes pour développeurs » sur une plate-forme intel tout en synthétisant notre cahier des charges « école primaire »  :

  • Matériel aussi ouvert que possible
  • Système d’exploitation libre et logiciels libres
  • Assez robuste pour être confié à des enfants
  • Léger
  • d’un look “sympa” ou tout au moins, sortant de l’ordinaire

J’estime qu’en tant que développeurs nous avons des responsabilités. Je m’explique: si je développe une application pour iOS ou Android je ne peux pas ignorer que l’identité numérique des futurs utilisateurs de mon logiciel sera gérée par un de ces deux géants. Il en va de même pour les données qui seront forcément indexées voire stockées sur le cloud de ces mastodontes, probablement hors du territoire national et donc soumis à une loi qui n’est même pas la nôtre. De ce fait il est de notre responsabilité de proposer des alternatives durables, ouvertes, libres et pérennes. D’autant plus qu’on est dans un domaine ou nos utilisateurs (les enfants) n’ont pas encore construit leur esprit critique et qu’ils font confiance aux adultes que nous sommes pour avoir fait les bons choix !

eric-seigne-tablette

Comment est né ce partenariat avec Unowhy ?

Après quelques recherches et échanges avec nos clients et partenaires, la tablette qooq/unowhy est identifiée. Contact est pris avec l’industriel, nous achetons une tablette « développeur » et installons un hack d’AbulÉdu en test.

Ensuite tout s’enchaîne, nous rencontrons l’équipe dirigeante de Unowhy, effectuons une démonstration de la tablette « AbulÉdu », et nous voici, samedi 8 décembre 2012, pour l’annonce officielle de cette Tablette.

J’apprécie en particulier sur leur tablette et avec leur approche qu’il n’y a ait aucun connecteur propriétaire: rien que du standard ! (usb, ethernet, sdcard, jack pour le casque) … c’est suffisamment rare pour le signaler !

Présent à Éducatice Unowhy présentait justement son projet de tablette scolaire et parlait d’une expérimentation en collège. Est-ce un projet différent ou bien est-ce également un partenariat avec RyXéo ?

Ce sont deux projets différents qui pourraient paraître complémentaires. Je précise néanmoins que TEDI AbulÉdu a aussi été présentée le 22 sur le stand de Unowhy à Éducatice.

Je ne savais pas. Je n’ai pas eu l’occasion d’aller à Éducatice cette année.

Au niveau du système d’exploitation, je suppose que ce n’est pas iOS. Est-ce Android ou un développement maison ? Une adaptation d’AbulÉdu ?

C’est un vrai GNU/Linux, fondé sur l’excellent boulot de linaro. Et sur lequel nous avons réalisé le même travail que pour AbulÉdu « Live » ou « Serveur ».

Puisqu’on parle de partenariat, il y au final peu d’acteurs dans l’univers du libre au niveau de l’école primaire (ASRI Édu, Beneyluschool, OLPC, OOo4kids, Sankoré, GCompris …). As-tu des échanges, liens avec eux ?

C’est juste de le dire, on est peu nombreux et la quantité baisse avec les années (par exemple cette année nous perdons l’excellente équipe de PingOO). Le grand absent de cette liste est edubuntu, qui, pour moi, est un exemple intéressant : AbulÉdu serveur étant fondé sur ubuntu, j’ai souhaité leur offrir l’interface d’administration d’AbulÉdu il y a quelques années. Tous les paquets .deb existent et marchent dans plusieurs centaines d’école tous les jours en France … Le retour que j’ai eu a été … étonnant : notre interface d’administration étant en PHP le responsable du projet edubuntu n’a même pas daigné le regarder. Aujourd’hui nous faisons et refaisons tous la même chose (des interfaces d’administration) au lieu d’utiliser des forces à la création de ressources pédagogiques, de logiciels d’apprentissages, de retours utilisateurs etc.

Beneyluschool est exemple également intéressant. En 2010 quand on a voulu proposer un ENT à nos clients, on a cherché les sources de la Beneyluschool… introuvables ou alors une version vieille comme Hérode. D’autre part, le site faisant appel à du flash de manière importante, nous avons décidé de créer notre ENT. Cependant, en 2012, Beneyluschool libère le code de sa version 3.0 qui n’utilise à priori plus de flash… Je suis heureux de voir cette nouvelle orientation et le contact est en cours pour voir comment intégrer l’accès à l’ENT depuis les tablettes pour les clients que nous avons en commun.

De même, nous avons intégré OOo4Kids dans AbulÉdu mais quelques ajustements sont encore nécessaires, notamment entre OOo et OOo4Kids (quel logiciel a la priorité sur l’association des fichiers dans le navigateur de fichiers par exemple).

Concernant GCompris la cible et l’approche sont différentes : GCompris est un moteur d’activités ludo-éducatives, Bruno a même ajouté l’interprétation de script python dans GCompris pour simplifier l’ajout de nouveaux modules par des développeurs tiers. Notre approche est différente : nous avons préféré avoir un exécutable indépendant pour chaque logiciel. Par contre au niveau de la distribution AbulÉdu, GCompris fait partie des logiciels que nous diffusons systématiquement.

Avec OLPC et ASRI Édu, nous n’avons pas encore de réels liens mais l’occasion se présentera peut être un jour.

Ryxeo fêtera ses 10 ans l’année prochaine, c’est un véritable succès ! Si tu devais choisir parmi ces propositions laquelle définirait le mieux la situation actuelle ?

* Grâce au choix du logiciel libre, RyXéo est prospère et je suis un patron très riche. * L’équilibre est précaire mais sans le logiciel libre l’aventure n’aurait pas été possible. * RyXéo aurait sûrement été plus prospère en choisissant le logiciel privatif.

À vrai dire, je ne sais pas trop commenter ces aspects. Je dirais que depuis 10 ans, l’aventure est belle, soumise à des moments heureux comme des périodes délicates. Si je devais tirer un bilan, il serait très positif. La prospérité est plus celle du cœur et de la connaissance que du compte en banque mais je ne regrette pas mes choix !

Pour finir, si des lecteurs du blog sont intéressés par un des projets, peux-tu nous dire de quoi vous avez besoin actuellement ?

Le projet AbulÉdu recherche des contributeurs pour collecter des ressources libres sur internet et les ajouter dans l’entrepôt de données data.abuledu.org En trois mois nous avons déjà collecté plus de 5000 ressources libres… aidez-nous pour arriver à 50 000 pour les RMLL 2013 !

Ensuite si nous voulons que notre plate-forme soit remplie de ressources libres, il faut les produire. Nous lançons donc un appel à tous les enseignants créateurs de ressources à les mettre sous licence libre (compatible avec cc-by-sa) et nous les envoyer (ou les envoyer eux même sur l’entrepôt) pour qu’elles soient mises à disposition de tous et indexées selon les normes en vigueur, (LOM, SCOLOM etc.) dans l’entrepôt de données pédagogiques .

Enfin, nous sommes à la recherche de donneurs de voix pour enregistrer des histoires pour les enfants, ou lire des textes.

Sur les aspects techniques, si des développeurs souhaitent rejoindre la communauté AbulÉdu, ils et elles seront chaleureusement accueillis (voir la liste de diffusion dev@abuledu.org) et notamment lors de nos week-ends abuledu@ryxeo.

Merci Éric !




Rencontre avec trois papas du Coding Goûter

Des kids, du code et du cake…

Le 29 septembre dernier je me suis rendu avec Adrienne Alix (Wikimédia France), Frédéric Couchet (April, de dos sur la première photo) et nos enfants respectifs à un « Coding Goûter » parisien.

Jugeant l’expérience tout à fait intéressante, et ma fille aussi (au tableau sur la seconde photo, présentant son travail sur Scratch), j’ai proposé aux organisateurs Julien Dorra, Jonathan Perret et Raphaël Pierquin un entretien pour en savoir plus et donner éventuellement envie d’essaimer.

Coding Goûter - CC by

Bonjour, pouvez-vous vous présenter succinctement ?

Julien : J’anime des communautés techno-créatives 🙂 C’est à dire que je crée les bonnes conditions pour que des personnes d’horizons différents créent avec les technologies d’aujourd’hui. Dans des universités, pour des institutions, et bien sûr avec Dorkbot Paris, Museomix, ArtGame weekend… et Coding Goûter !

Jonathan et Raphaël : Nous sommes tous les deux papas et développeurs. Nous travaillons chez /ut7, une coopérative d’agilistes. Notre métier, c’est d’aider d’autres développeurs à travailler en équipe. Nous animons aussi des ateliers de co-apprentissage avec des enfants de plus de 25 ans : nos formations, mais aussi Dojo de Développement, Agile Open, Dojo Lean Startup, soirées Cambouis…

Alors un « Coding Goûter » c’est quoi ?

Raphaël : Un Coding Goûter, c’est un rendez-vous festif avec des gâteaux, où petits et grands apprennent à programmer, ensemble.

Julien : C’est aussi un moment pour partager le plaisir de créer des choses avec du code, et d’expérimenter. Et pour les adultes qui, comme moi, ont programmé quand ils étaient enfants mais ont ensuite arrêté d’écrire des programmes – c’est une manière de réveiller une pratique qui était passé au second plan. Il y a des peintres du dimanche, je me revendique comme codeur du dimanche !

Comment l’idée est-elle donc née ?

Julien : J’ai rencontré Jonathan lorsqu’il a participé au premier – et au second ! – ArtGame weekend. Après ça, on a beaucoup discuté de ce que pouvait signifier l’éducation au code, de l’impact des nouveaux outils, à quoi pouvait ressembler un jeu de programmation.

Jonathan : Je cherchais à partager avec mes filles mon métier de développeur, mon plaisir d’écrire des programmes. J’étais frustré de ne pas trouver les moments « à la maison ». D’où l’idée d’un goûter avec des enfants, où l’on programmerait.

Julien : J’ai lancé de mon côté une petite enquête pour mieux comprendre ce que les parents (non tech inclus) pensaient du sujet. Les dizaines de réactions extrêmement diverses nous ont assez étonnés. Cela allait de l’évidence, au dégoût de l’idée même d’apprendre aux enfants à programmer !

Jonathan : Finalement, un matin de décembre 2011, j’ai réalisé que nous avions déjà toutes les cartes en main. Il suffisait de choisir une date, lancer des invitations et ouvrir les bureaux de /ut7 un samedi après-midi.

Raphaël : Quand Jonathan a évoqué son idée, j’étais enthousiaste. Ma motivation première, était de montrer à mes enfants ce qu’était mon métier. Après plusieurs séances, ce qui persiste, c’est le même plaisir que celui de jouer aux LEGO avec mon fils : s’amuser en construisant des choses ensemble.

Vous en êtes désormais à huit Coding Goûters, quel retour d’expérience en faites-vous ? Qu’est-ce qui a bien fonctionné ? Qu’est-ce qui peut être amélioré ?

Julien : On sait qu’il ne faut pas trop d’enfants, 12 c’est bien. On sait aussi que à la maison, ça marche moins bien, on est pas assez hors-contexte. Il y a plein de sollicitations, y compris pour les grands !

Raphaël : Une leçon essentielle que j’ai apprise : quand il s’agit d’apprendre, les adultes sont des enfants comme les autres. Une autre encore : c’est important de ponctuer les goûters avec des pauses où l’on prend le temps de célébrer les réalisations des participants. Une piste d’amélioration : publier un petit manuel pour aider de potentiels organisateurs de Coding Goûters à se lancer.

Est-ce facile de gérer en même temps différentes classes d’âge (quant on sait par exemple les écarts qu’il peut y avoir entre un enfant de 6 ans et de 12 ans) ?

Julien : Cela ne se pose pas dans ces termes. On vient avec nos enfants. Chacun fait.

Raphaël : Nous utilisons le même principe que dans les formations pour adultes de /ut7 : une grande variété d’activités, et la liberté pour chacun de choisir ce dont il a besoin pour apprendre. Ça marche très bien, encore mieux qu’avec des groupes sans enfant.


Julien : Séparer les classes d’âge peut sembler plus facile, mais c’est une homogénéité fictive. Les enfants d’un même âge n’ont ni le même niveau, ni les mêmes envies. Par exemple un enfant de 10 ans avait envie de créer des applications iPad, ce qui l’a motivé pendant tout un goûter pour explorer Xcode et Objective-C. Un grand de 14 ans pendant ce temps-là faisait du RoboZZle.

Plutôt que des séances « one shot » envisagez-vous d’organiser à terme des « Coding Goûter » plus réguliers tout au long de l’année avec le même groupe d’enfants-parents ? Et de ce fait pouvoir alors proposer quelque chose de plus structuré et progressif ?

Julien : Ce ne sont déjà plus des séances uniques, puisque nous avons organisé près d’un Coding Goûter par mois tout au long de 2012. Selon leurs disponibilités, les enfants et les adultes reviennent d’un goûter à l’autre. Mais derrière cette régularité, il n’y a pas de volonté de structurer l’apprentissage, ni d’introduire de la progressivité. C’est un moment d’exploration, de découverte. Le but n’est pas d’enseigner. Le but n’est pas l’acquisition de compétence en soi. De la même manière que l’on ne fait pas faire du dessin aux enfants pour qu’ils acquièrent une compétence technique précise.

Raphaël : Pour moi, le Coding Goûter est avant tout un loisir créatif, famillial et social. De fait, les familles qui participent, ponctuellement ou régulièrement forment une communauté qui crée une continuité entre chaque séance. Néanmoins, nous ne suivons pas de plan d’une séance sur l’autre, et ce n’est pas prévu.
Je me lancerai peut-être un jour dans la construction d’un programme structuré, mais ça sera en plus du Coding Goûter.

Ne pensez-vous pas que les « Coding Goûter » viennent combler une lacune, un vide de l’Education nationale ? Un déficit aussi bien dans le fond (inviter à coder, à créer) que dans la forme (le dispositif pédagogique assez novateur que vous proposez). A moins que vous jugiez que tout va bien et que chacun est à sa place ?

Raphaël : La pauvreté du programme informatique de l’école m’attriste, et le potentiel de progression est énorme. Attention néanmoins : la recette des Coding Goûters n’est pas nécessairement adaptée au contexte de l’école.

Jonathan : Je regrette également de voir que l’école ne donne plus aux enfants l’occasion de découvrir la magie de la programmation, comme nous en avons eu la chance à l’époque du plan « Informatique pour tous », mais elle ne peut peut-être pas tout faire non plus…

Julien : Au cours des prochaines années, on va à nouveau beaucoup entendre parler de l’enseignement de la programmation. La discussion est actuellement très active au Royaume-Uni, cela va revenir en France.
Et tu peux être sûr que cela sera principalement axé sur le « besoin de développeurs pour l’économie numérique ». On n’est pas du tout sur cet axe. On a envie que nos enfants programment, et oui, c’est vrai qu’ils ne le font pas à l’école et c’est dommage – car ils vont passer beaucoup de temps à l’école. Mais on ne cherche pas à fournir des développeurs aux SSII françaises dans 15 ans ! Probablement même le contraire 🙂
Est-ce qu’on comble un manque ? Avant tout, on comble un manque… pour nous et nos enfants ! Puis les enfants de nos amis, de nos collègues 😉
D’une certaine manière, on a été obligés de reconnaître qu’on répondait à un besoin fort, car nous avons des emails réguliers de parents qui veulent en organiser dans leur ville, ou être avertis du prochain goûter. À peine visibles, nous étions déjà sollicités.
Est-ce qu’on peut-être une part de la réponse aux difficultés de l’école de s’ouvrir aux changements sociaux en cours ? Pour l’instant non : on est en parallèle du système scolaire, et nous n’avons aucun lien avec les instances scolaires.

Si je vous dis que les « Coding Goûter » c’est quand même encore un « truc de bobos », vous pensez que c’est juste un gros troll ou bien une remarque valide ?

Raphaël : Quand j’avais 8 ans, dans ma campagne, il y avait un « club informatique » (MO5 rul3z !). C’était comme un Coding Goûter, mais sans les gâteaux. Ça me passionnait, je n’étais pas le seul, et personne ne s’en étonnait. On ne connaissait pas encore le mot « bobo », ni le mot « troll », d’ailleurs. Cela dit, oui, je suis bobo, et troll-proof, aussi.

Jonathan : La contrainte que nous avons mise pour l’accès au Coding Goûter, à savoir le fait de faire participer parents et enfants ensemble, crée probablement une barrière pour certaines familles où tout simplement les activités partagées ne sont pas la norme. Je ne peux qu’espérer que d’autres formats existeront pour donner à chaque enfant une chance de découvrir la programmation.

Julien : Coding Goûter est issu de parents qui apprécient la culture du code, et qui ont envie de la partager avec leur enfants. Il y a eu des réactions vaguement négatives. La ligne de partage ne semble pas être le niveau d’études, le niveau d’intellectualisme ou le revenu, mais plus la vision de la technologie comme quelque chose de positif, créatif, avec un empowerment possible ou comme un aspect négatif et enfermant de la vie contemporaine.
À ma connaissance, il y a des enfants de tout milieu qui ont envie de coder.
À l’opposé, il y a des parents de milieux aisés qui n’ont aucune motivation pour encourager leurs enfants à programmer, et même au contraire, y sont hostiles.
Maintenant, si la vraie question est « quelle diversité pour les Coding Goûter ? » on peut noter que nous avons déjà une parité fille-garçon des enfants qui est unique pour des sessions de programmation mixte (en fait, on a même toujours eu plus de filles que de garçons…).
C’est un bon signe. Il y a un effet de réseau sur les parents, c’est certain, tout simplement car on est un tout petit groupe qui grandit de proche en proche. Mais du coup, il y a peu de pression de sélection sur les enfants.

Plus concrètement, quels sont, dans le détail, les logiciels que vous proposez ? Quels sont leurs spécificités ? Pourquoi les avoir choisis ?

Julien : On a testé beaucoup de choses, et on continue de tester des nouveaux outils. Il y a des choses incroyables qui se passent du côté des outils web, dans le navigateur. J’ai adoré faire du LiveCodeLab avec des ados, en particulier.
Mais les grands classiques comme Scratch sont toujours aussi intéressants.
Le choix se fait sur la facilité de prise en main, le niveau des enfants (et des adultes !), le but (si un enfant veut faire un jeu sur tablette, on va l’orienter vers GameSalad, par exemple), et les découvertes du moment.

Raphaël : Pour les logiciels : à chaque séance, on en essaye de nouveaux, et on garde ceux qui nous plaisent.
Je choisis les logiciels en fonction du ou des participants qui programment avec moi, par exemple avec un enfant qui ne sait pas encore lire, ou avec un ingénieur, j’aime bien commencer avec RoboZZle, tandis qu’avec des enfants de 5 à 7 ans, on se raconte une histoire, et on construit un jeu petit à petit sur Scratch. Même si ils ne conçoivent qu’une petite partie de l’algo, le plaisir d’avoir créé est bien là ! En général, on arrête de programmer quand ça devient plus amusant de jouer que de créer le jeu.
Scratch est aussi idéal pour la tranche d’âge intermédiaire : souvent, des groupes de deux ou trois enfants de 8 à 50 ans se forment. Ils suffit de les mettre sur la voie, et ils parviennent à créer des programmes, en s’appuyant sur les participants les plus expérimentés (pas nécessairement les plus âgés). Et avec des garçons pré-ados, on a tenté de construire un circuit logique dans un univers virtuel (Minecraft). Pas facile de faire collaborer tous ces avatars !

Comprenez-vous ceux qui (comme nous) souhaitent que les logiciels proposés soient « le plus libre possible » ?

Raphaël : Oui. Et d’ailleurs, goûter au plaisir d’utiliser du code que l’on a écrit soi-même, c’est faire un premier pas dans les traces qui mènent au logiciel libre, non ?

Jonathan : Je trouve cela assez sain. Au quotidien, je n’utilise pas que des logiciels libres, mais quand j’en ai l’occasion j’essaie d’expliquer à mes enfants ce qu’est un logiciel libre afin qu’elles puissent plus tard faire des choix informés.

Julien : Le logiciel libre fonctionne évidemment en harmonie avec les pratiques d’appropriations collectives.
Il y a des raisons idéologiques à ça, mais il y a aussi des raisons pratiques. Un exemple très concret : les enfants français ont besoin que les interfaces, la documentation, les exemples, soient traduits en français. Un outil libre est traduisible dès que la communauté le veut.
Par exemple, j’ai pris l’initiative de traduire LiveCodeLab, les tutoriaux en particulier, car je trouvais que c’était un outil fascinant, et je voulais voir comment les enfants et les ados allaient l’utiliser. Un code ouvert et un développeur amical, et cela a pris quelques heures !
Cela dit, j’aime les contradictions. Tester tous les outils, c’est se confronter, et confronter les enfants les plus grands, aux choix de leurs outils, aux système parfaits mais propriétaires et verticaux, aux possibilités des outils ouverts d’être modifiés, aux rythme d’évolutions des outils qui ne sont pas les mêmes.
De fait, des outils payants et fermés auront bien sûr bien moins de succès dans le contexte des Coding Goûters que des outils libres. La partie grise ce sont les outils propriétaires gratuits ou freemium très bien réalisés, comme GameSalad, qui ont une position unique et intéressante. On aime GameSalad comme on aime Photoshop, ou Google Docs. Un bel outil logiciel reste un bel outil logiciel.

Est-ce que vous avez déposé le nom et le concept de « Coding Goûter » ? Comme j’imagine que non, cela signifie que tout le monde peut en organiser ! Vous connaissant un peu, j’imagine même que c’est quelque chose que vous encouragez. Quels conseils donneriez-vous donc, comment vous contacter et trouver trace des « Coding Goûter » précédents ?

Jonathan : Pas de marque déposée effectivement. L’idéal serait au contraire que le mot devienne aussi banal que « week-end » ou « pique-nique » !

Julien : On encourage tout le monde à organiser des Coding Goûters, bien sûr !
On imagine que dans quelques temps, il y aura des Coding Goûter un peu partout en France, et ailleurs, et que nos enfants pourront y participer où qu’ils soient, se faire de nouvelles copines et de nouveaux copains.
Ce qui ne doit pas arriver, c’est de laisser le concept être avalé par les habitudes antérieures, et devenir trop scolaire ou trop orienté-animateur et donc moins exploratoire et moins dirigé par les désirs créatifs des enfants.
Si vous participez avec vos enfants à un Coding Goûter, vous savez que ça ne sera pas un cours ou un tutoriel, que vous pourrez rester avec vos enfants, qu’il y aura des démo-spectacles par les enfants – et des gâteaux ! Ce sont tous ces petits détails qui comptent pour nous.
Le format est encore en évolution, on teste des choses – mais on tient énormément à l’esprit.

Un dernier mot, un prochain rendez-vous ?

Julien : Il y a des Coding Goûter presque tous les mois. Pour être averti du prochain, il suffit d’envoyer un message à contact AT codinggouter.org, ou de fréquenter notre groupe Facebook.

Raphaël : A ceux qui voudraient organiser leur Coding Goûter : lancez-vous ! Si vous ne savez pas comment vous y prendre, venez nous voir, ou mieux : demandez de l’aide à vos enfants.

Coding Goûter - CC by




Il faut voir cette vidéo sur le possible futur de l’apprentissage sous-titrée en français

La société Ericsson a rassemblé quelques « grands penseurs de l’Internet éducatif de demain » pour nous proposer une vidéo d’une vingtaine de minutes, intitulée The Future of Learning, qu’on a jugé suffisamment importante pour faire l’effort de la traduction puis du sous-titrage.

On ne mesure pas forcément les grands bouleversements qui nous attendent dans le champ éducatif tant sont fortes l’inertie et la résistance des structures existantes. Il est aussi plus que probable que « le Libre » saura tirer son épingle du jeu car on ne peut désormais pleinement échanger et partager sans lui.

Permettez-moi cependant d’avoir de légers doutes quant à l’accès en masse de toutes ces merveilles promises en temps de crise. Je n’irais pas jusqu’à dire, comme le mouvement #Occupy que cela ne profitera qu’aux 1%, mais il est fort possible, si nous n’y prenons garde, que se développe un enseignement à deux vitesses : celui du vieux public sans le sous gardant ses traditionnelles écoles prisons-casernes et celui du privé captant presqu’à lui seul toute la modernité dont il est question ci-dessous.

( {"base_state": {"language": "fr"}, "video_url": "http://www.youtube.com/watch?v=quYDkuD4dMU"} )

(pour faire disparaître le sous-titrage anglais à l’arrière plan, cliquer sur l’icône CC dans la barre d’état du bas)

URL d’origine du document

Traduction et transcription : GPif, LuD-up, PM, goguette, HgO, albahtaar, Goofy, aKa

Remarque : On peut considérer ce sous-titrage comme une sorte de perfectible « première version ». Si cela ne vous convient pas, c’est comme dans Wikipédia, il suffit d’aller sur Amara, la plateforme de sous-titrage et modifier.

The Future of Learning – Transcription

Sugata Mitra : Tout semble plus excitant quand vous avez cinq ans. Alors, tout était grand, tout était étrange, et je me souviens avoir été un peu effrayé.

Stephen Heppell : Comme beaucoup d’enfants, je me souviens de mes années d’école avec tendresse mais le peu dont je me souvienne ainsi n’est pas le peu dont je devrais me souvenir. Je me souviens des jeux et du sport, de la méchanceté, des espiègleries et des bêtises. En fait, je me souviens du peu qui était hors-norme.

Daphne Koller : C’est un incroyable privilège pour moi d’avoir eu une éducation qui a pris et gardé une place si importante dans ma vie, encore aujourd’hui.

Jose Ferreira : Je me souviens m’être beaucoup ennuyé. Ça n’a pas révélé le meilleur de moi-même, je m’en suis sorti, quoi qu’il en soit. Je n’étais pas très adapté ou le système n’était pas très adapté pour moi. C’est un peu dingue quand on y pense. On prend les enfants et on les force à essayer de s’adapter à ce système bureaucratique vraiment complexe, alors que le système devrait s’adapter à eux.

Sugata Mitra : L’éducation traditionnelle tire ses origines du système militaire, en grande partie. L’armée avait besoin de personnes identiques ; soldats, administrateurs, etc…, elle a donc engendré ce système. Quand la révolution industrielle a eu lieu, on a encore voulu des personnes identiques pour les chaînes de montage. Même pour les consommateurs, on voulait qu’ils soient identiques afin que tous achètent les mêmes choses.

Seth Godin : Alors si on regarde l’école sous cet angle, si on considère le fait qu’on enseigne à vingt ou trente enfants à la fois, en série, exactement comme à l’usine. Si on considère le fait que si vous ratez votre CE2, (d’après Collins; ce qui convient mieux au sujet d’enfants), que vous arrive-t-il ? On vous retient et et on vous reconditionne. Tout correspond aux travaux d’usines, on l’a élaboré à dessein. Et c’était vraiment utile pour son fonctionnement. Mais on ne manque plus de travailleurs à l’usine.

Stephen Heppell : On assiste probablement à la mort de l’éducation, aujourd’hui. Je pense que les structures et les restrictions de l’école, qu’apprendre de neuf heures à quinze heures, en travaillant seul, sans travailler avec les autres ; je pense que tout ça, c’est un système mort ou moribond. Et je pense que l’apprentissage ne fait que commencer.

Seth Godin : J’ai souffert d’un trouble du déficit de l’attention en grandissant, comme beaucoup d’autres maintenant. Et ce sentiment persiste dans l’inconscient collectif qu’il y a quelque chose de brisé chez les enfants sujets à ce genre de troubles, car ils ne sont pas conformes au système. Donc ce que nous faisons, c’est donner des médicament aux enfants pour les rendre conformes au système, au lieu de dire : mais attendez, le système est là pour les enfants. Et il y a beaucoup de gens qui peuvent assez facilement rester assis pendant huit heures et prendre des notes, et ensuite, deux semaines après, répéter ce qu’ils ont écrit. Mais il y a également cette immense quantité de personnes extrêmement talentueuses et engagées qui ne peuvent pas apprendre de cette manière. Il y a une grande différence entre accéder à l’information et l’école, alors qu’auparavant, c’était la même chose. L’information est là, en ligne pour n’importe laquelle des milliards de personnes qui ont accès à internet. Donc cela signifie que si on donne accès à un enfant/quelqu’un de quatre, huit ou douze ans, ils prendront l’information s’ils la veulent.

Sugata Mitra : Savoir quelque chose est probablement une idée obsolète. Vous n’avez en fait pas besoin de savoir quoi que ce soit, vous pouvez le trouver au moment ou vous avez besoin de le savoir. C’est le travail des enseignants de diriger les jeunes esprits vers les bons types de questions. L’enseignant n’a pas besoin de donner les réponses, car les réponses sont partout. Et nous savons désormais après des années d’études que les élèves qui trouvent les réponses par eux-mêmes se souviennent mieux que si on leur avait donné la réponse.

Stephen Heppell : L’Education est très lente à appréhender les données, les nombres, à comprendre les analyses et ce qui en fait est en train de se passer. Nous effectuons un contrôle ici, et un examen là, mais les détails de ce qu’il se passe, nous ne les comprenons pas vraiment. Ce sera, à coup sûr, la prochaine étape importante de notre bagage, notre capacité d’analyser où que nous soyons. Certains de ceux qui regardent ceci seront déjà en train d’analyser leur santé et leur bien-être et les effets sur leur forme. Ils seront aussi en train d’analyser leur apprentissagen bientôt. Et ensuite nous serons vraiment bons à ça.

Jose Ferreira : Knewton est une plate-forme d’extraction de données et d’apprentissage adaptatif qui permet à n’importe qui, n’importe où de publier du contenu. Ça peut être un éditeur, un professeur en particulier, ou n’importe qui entre les deux. et il produit un cours qui va être personnalisé de manière unique pour chaque étudiant, en se basant sur ce qu’elle sait et comment elle apprend le mieux. Le manuel du futur sera distribué sur des appareils connectés. Ça signifie que le volume incroyable de données que les étudiants ont déjà produit, lors de leurs études, sont à présent à portée de main et utilisables. Donc Knewton et tous les dérivés de Knewton peuvent déterminer des choses comme ; vous apprenez les maths plus efficacement le matin entre 08h32 et 9h14. Vous apprenez les sciences plus efficacement par tranches de 40 minutes. À partir de la 42e minute, votre taux d’attention commence à baisser, nous devrions mettre ça de côté pour le moment et vous diriger vers quelque chose d’autre qui vous maintient attentif. Ce travail intense de 35 minutes, que vous faites tous les jours pendant la pause déjeuner : vous n’en retenez rien ; allez plutôt traîner avec vos amis, et vous ferez ce travail l’après midi quand vous serez plus disposé à apprendre. Vous apprenez mieux ceci avec des questions courtes; mieux celà avec des questions compliquées et difficiles. Nous devrions vous soumettre à nouveau ces informations dans quatre jours pour une mémorisation optimale. Et voici exactement les détails où vous allez batailler quand vous ferez vos devoirs ce soir, parce que vous n’avez pas appris certains concepts nécessaires à cet exercice. Et nous pouvons, en temps réel, allez chercher le petit bout de cours particulier, du mois dernier, ou de l’an dernier, et de manière transparente le placer sous vos yeux, pour que vous n’ayez pas à batailler. Nous pouvons prédire les échecs à l’avance et éviter qu’ils ne se produisent. Nous allons nous émanciper de ce modèle aliénant, parfois ennuyeux et parfois frustrant où tout le monde reçoit exactement la même chose, au même moment, rigoureusement dans le même ordre et avec le même niveau de difficulté. Pour la moitié de la classe, c’est trop difficile, et pour l’autre moitié, c’est trop lassant. On va proposer aux élèves qui ont le meilleur niveau les outils les plus stimulants. Cela leur permettra de libérer leur potentiel d’une manière innovante. Mais pour chaque enfant, quelles que soient ses difficultés, il existe une voie vers la réussite. Cela pourra prendre un peu plus longtemps, mais il existe toujours une voie vers la réussite. Et le système devient aussi de plus en plus performant à mesure que plus de gens s’en servent. Les différentes stratégies sont en compétition entre elles pour être réintroduites au sein de la génération suivante, de façon à ce que la stratégie qui est la plus efficace pour vous, une fois déterminée, n’importe quel enfant pourra ensuite profiter de cette stratégie. C’est complètement nouveau. Quand l’automobile a été inventée, ce n’est pas ce que les gens attendaient : ils demandaient des chevaux plus rapides. Et les gens ne demandent pas encore vraiment Knewton, car il ne savent pas encore ce que c’est, mais une fois qu’ils l’auront vu et essayé, alors ils l’adopteront tout de suite.

Stephen Heppell : On dit que l’éducation évolue très lentement. Mais tout à coup, il suffit d’être connecté. Ca change tout ; ça change les modalités de contribution, votre cerveau peut contribuer à distance.

Sugata Mitra : C’est une chose d’être assis là, dans le labo multimédia, et de discuter du futur. Je vais souvent dans des endroits aussi différents que possible d’un labo multimédia. Et je me demande, quelle est la valeur de toutes mes idées, ici. Mais il y a une grande raison d’avoir de l’espoir. Où que j’aille, la toute première chose que je demande, ou que je vérifie avec mon téléphone, c’est si la bande passante est suffisante pour avoir accès à Internet. Et en plein milieu de la jungle, parfois je constate qu’il y a toujours une connexion. Et je sais que tout ce que je dis peut aller n’importe où, et de la même manière. C’est une question de temps.

Lois Mbugua : La connectivité est réellement en train d’ouvrir le monde. Si vous connectez un village, par exemple Bonsaaso, les élèves peuvent alors réellement communiquer avec d’autres élèves, par exemple à Londres. Cela signifie qu’il peuvent commencer à voir le monde autrement. Éduquez un jeune, et vous éduquez une nation.

Margaret Kositany : “Connecter pour Apprendre” est un partenariat entre Ericsson, l‘“Earth institue” de l’université de Columbia, et la “Promesse du Millénaire”. Il y a deux aspects : cela fournit des bourses d’étude au filles, et “Connecter pour Apprendre” donne aux élèves des ordinateurs et un accès à internet, et leur montre comment s’en servir et comment récupérer des informations. L’éducation était limitée à ce que le professeur pouvait dire aux élèves, et le professeur s’appuyait sur un petit manuel scolaire, ou quelques rares livres, de sorte que l’enseignant n’était pas très impliqué. Maintenant il est possible d’avoir accès à beaucoup d’informations et les enfants discutent et échangent des informations, vous voyez qu’ils ont beaucoup plus de sujets de discussion, car ils ont le sentiment d’être plus impliqués. Et les enfants sont plus confiants.

Lois Mbugua : Ils ont l’énergie, ils ont toute la vie devant eux, et ils sont sur le point de commencer quelque chose de plus grand/à penser plus globalement. Si on leur apporte la connectivité, ils sont en fait capables de faire des transactions et ils peuvent commencer de petites affaires/choses, qui vont les transcender. Donc, je dirais qu’il s’agit en fait de l’ouverture de nos villages, de notre pays, et de tout le continent.

Margaret Kositany : Nous sommes en train de le mettre en oeuvre dans autant de pays que possible en Afrique, et aussi en Amérique du Sud. Il est possible de le développer à l’échelle de n’importe quel pays.

Seth Godin : La manière dont nous résolvons les problèmes captivants consiste à faire des erreurs, et des erreurs, et encore des erreurs, jusqu’à ce que nous réussissions. Et si vous avez eu l’occasion de parler à des gens qui ont réussi, de fait, la chose qu’ils ont presque tous en commun, c’est qu’ils ont essuyé une centaine d’échecs avant de réussir. Et ce qui les distingue des gens qui ne réussissent pas, ça n’est pas le fait qu’ils ont réussi, c’est qu’ils ont échoué plus que les autres.

Jose Ferreira : Je ne suis pas certain que les écoles puissent se permettre de dire : “nous devons nous perfectionner, afin de préparer le plus de gens possible à correspondre à ce système qui repose sur l’expérimentation.”

Stephen Heppell : C’est inimaginable, dans une société où l’on s’assoit pour passer un examen en se disant j’espère qu’il n’y aura pas de questions-pièges dans l’énoncé ; pendant que les professeurs pensent j’espère que je l’ai bien préparé pour tout. Comment cela pourrait-il préparer à un monde où chaque jour apporte son lot de questions-pièges. Un monde où la surprise est partout : dans l’économie, dans la société, dans la politique, dans les inventions, dans la technologie. Chaque jour est une surprise. L’apprentissage nous prépare à faire face aux surprises, l’éducation nous prépare à faire face aux certitudes. Alors qu’il n’y a pas de certitudes.

Sugata Mitra : Le professeur occupe une place entre l’enfant et l’éducation classique, en essayant de faire en sorte que l’enfant se confronte au système. Et jusqu’à ce que ce système s’écroule ou disparaisse, il/elle a un un rôle incroyablement compliqué qui consiste à maintenir la curiosité de l’enfant éveillée, tout en lui déclarant ; écoute, lorsque tu auras seize ans, tu devras commencer à mémoriser certaines choses, de manière à ce que tu puisses aller t’asseoir pour passer un examen, que tu le réussisses et que tu termines ta scolarité correctement.

Seth Godin : Je ne connais personne qui passe d’examen standardisé pour gagner sa vie. Pourquoi donc utilisons-nous les examens standardisés pour vérifier si vous allez être bons alors qu’il n’y aura plus d’examens standardisés après que vous l’aurez passé ? Cette façon de faire a contaminé la totalité de l’écosystème mercatique de l’éducation parce que les universités renommées le sont parce qu’elles sont extrêmement sélectives au regard des résultats du Scholastic Aptitude Test (test d’entrée pour les universités Américaines). Les parents veulent que leurs enfants aillent étudier dans une université renommée. Ils poussent donc les écoles à formater des élèves qui iront dans ces universités en obtenant de bons scores au SAT, ce qui dénature totalement les fondements de l’éducation. Si l’on pouvait faire en sorte que les parents, les enseignants, les enfants et les administrateurs aient cette discussion, qu’ils en parlent entre eux, qu’ensuite aux conseils d’administration des écoles ou aux réunions décennales les questions posées ne soient pas quels sont les résultats de vos élèves au SAT ? ; mais qu’on dise plutôt : le SAT n’a aucun sens, le système d’universités renommées est une escroquerie. On doit créer quelque chose de différent. Ce débat est possible. Ainsi le cours des choses pourra commencer à changer.

Daphne Koller : Coursera est une société d’entrepreneuriat social qui permet aux meilleurs universités de partager leurs meilleurs cours afin que n’importe qui autour du monde, dans la mesure où il possède une connexion internet, puisse jouir de l’accès à une éducation de qualité. À ce jour, c’est-à-dire fin septembre, on compte un million et demi d’étudiants qui viennent de 196 pays, même si la manière de compter les pays reste un peu discutable. On a 195 cours qui proviennent de 33 universités. Les cours les plus importants ont 130 000 inscrits, les cours moins fédérateurs sont suivis seulement par environ 10 000 personnes ; naturellement, ils continuent à se développer ; la plupart des cours n’a même pas commencé. Une classe moyenne, quand elle est lancée, est composée d’à peu près 50 ou 60 000 étudiants inscrits. L’ampleur est intéressante parce qu’elle permet de proposer un produit de grande qualité pour un coût différentiel par étudiant assez bas, ce qui nous autorise à accepter des gens qui ne peuvent vraiment pas se permettre de payer pour l’éducation et ainsi leur fournir une éducation gratuite. Une éducation gratuite de la plus grande qualité, parce que les coûts par étudiant sont si bas. La pratique, chez Coursera, c’est que le cours commence à une date donnée, et chaque semaine, l’étudiant a accès à de nombreuses rubriques. Chaque rubrique est un cours en vidéo, mais une vidéo interactive ; c’est-à-dire que vous ne restez pas assis là, pendant une heure, à regarder une vidéo, vous avez la possibilité d’interagir avec la vidéo. Il y a des contrôles rigoureux et significatifs de diverses catégories ; pas juste des questions à choix multiples, mais des exercices bien réels et approfondis. Et il y a une communauté d’étudiants avec laquelle interagir, à qui poser des questions, afin d’obtenir des réponses d’étudiants suivant le même cursus. Ainsi on a un meilleur apprentissage à travers l’aide réciproque, aussi bien qu’un échange social, de sorte qu’on a une réelle impression d’appartenir à une communauté d’étudiants autour de cette activité intellectuelle. Les gens nous demandent souvent si les universités appartiennent désormais au passé, si les universités vont disparaître… et je pense avec certitude que ce n’est pas le cas. Il y a quelque chose de formidable à l’idée de réunir des gens dans un endroit où des interactions fortuites peuvent voir le jour. Un endroit où on peut avoir un tutorat en face-à-face entre un étudiant et un instructeur, où les étudiants peuvent se parler entre eux, créer ensemble et apprendre à débattre d’idées. Cette expérience sur un campus physique n’a pour le moment aucun équivalent virtuel effectif. Notre but ici, et je pense qu’il faut être pragmatique sur ce sujet, n’est pas nécessairement d’ouvrir la voie, ni de donner un équivalent à des étudiants qui n’ont pas actuellement accès à ce à quoi les étudiants fortunés de Princeton ont accès. Ce qui serait réellement un but enviable, mais qui n’est pas forcément quelque chose que nous pouvons accomplir dans un délai aussi court. Ce que nous aimerions faire, c’est amener ces deux extrêmes à faire considérablement mieux que ce qu’ils peuvent faire actuellement, même s’ils ne se retrouvent pas égaux en fin de compte. Si nous améliorons beaucoup les choses, à la fois pour les étudiants du campus, et ceux qui n’y ont pas accès actuellement accès, je pense que nous aurons fait une chose géniale.

Seth Godin : Alors voyons comment les révolutions fonctionnent. Les révolutions détruisent le parfait et permettent l’impossible. Elles ne passent jamais d’un coup de “tout va bien” à “tout va bien”. Il y a beaucoup d’interférences entre les deux. Quand on observe le milieu musical : l’Internet a d’abord détruit les maisons de disque. Et cela permet seulement maintenant aux musiciens indépendants d’être entendus.

Jose Ferreira : L’éducation a tendance à évoluer par paliers, donc quand, effectivement, ça évolue, le changement est explosif. le mouvement qui va d’avant l’imprimerie à après l’imprimerie est une seule et même transition dans l’Histoire du monde, en termes d’éducation. L’éducation en ligne va bientôt être ainsi. Et nous voulons être sûrs, en tant qu’espèce, que l’espèce humaine fait bien les choses.

Daphne Koller : Une des révolutions que nous nous apprêtons à voir est : comment l’éducation est de moins en moins un pourvoyeur de contenu parce que ça va être une denrée disponible, espérons-le, elle va être accessible pour tous dans le monde entier. Et une partie beaucoup plus importante que ce que nous pensions de l’éducation est en route pour revenir aux origines de l’enseignement. Celle où l’éducateur engage la conversation avec les étudiants et les aide à développer leurs compétences intellectuelles, leur capacité à la résolution de problèmes, et leur passion pour la discipline. Le genre de choses qui sont bien plus faciles à faire dans un face à face et qui sont vraiment très dures à faire avec un format en ligne, mais pour lesquelles l’expérience des universités, comme nous la connaissons c’est : vous êtes à la bonne place pour ce genre de développement de compétences.

Seth Godin : Maintenant ce que je veux voir des écoles c’est : amener les enfants à la vouloir. Créer un environnement où les enfants sont sans repos jusqu’à ce que leur besoin d’informations soit satisfait.

Sugata Mitra : A chaque fois que j’ai une bonne question, j’obtiens un engagement immédiat. Je pense qu’un professeur doit rester en arrière et dire quel est le sujet du jour. Ouvrez vos cahiers et découvrez le vous-mêmes.

Seth Godin : Ce dont nous avons besoin, ce sont des professeurs qui vont regarder les gens dans les yeux et qui vont croire en eux, et les pousser à aller de l’avant, et c’est dur de faire ça sur Internet. Ça doit vraiment être fait en face de la personne.

Stephen Heppell : L’école a décidé d’être meilleure car elle voit les enfants devenir meilleurs. Et les professeurs… Que dit leur t-shirt ? Il dit : “on est là pour le résultat, pas pour le salaire !” Les professeurs sont là car ils peuvent voir le changement chez leurs élèves. Si vous ajoutez tous les enfants de l’histoire du monde, plus d’enfants vont quitter l’école dans les 30 prochaines années qu’ils ne l’ont fait au cours de toute l’histoire. Si je devais changer une seule chose, j’améliorerais juste un peu leur éducation. Et ça changerait l’histoire plus que tout le reste.




Oppikirjamaraton ou comment écrire un manuel scolaire libre en un week-end !

Je suis professeur de mathématiques et à l’initiative de Framasoft. Un tel projet ne pouvait me faire plus plaisir. Vous verrez qu’un jour de plus en plus de manuels seront rédigés ainsi…

Imaginez un groupe d’enseignants qui se retrouvent le week-end pour rédiger ensemble et de A à Z un manuel scolaire sous licence libre ! (La licence libre est la Creative Commons By, d’où mention sur leur blog, d’où notre traduction ci-dessous).

Il n’ont pas tout à fait achevé l’entreprise dans le temps imparti puisque le livre se trouve aujourd’hui en version 0.92 (et en LaTeX) sur GitHub. Vous pouvez de suite vous rendre compte du résultat actuel en cliquant directement sur le PDF (dont les premières pages vous proposent de soutenir le projet via Flattr et Bitcoin !).

Au delà de son ô combien utile finalité ce fut également une belle et libre aventure humaine

Vapaa Matikka

Oppikirjamaraton : comment écrire un manuel scolaire libre en un week-end

Oppikirjamaraton: How to Write an Open Textbook in a Weekend

Elliot Harmon – 31 octobre 2012 – Creative Commons Blog
(Traduction : Cyrille L., Kodoque, Nyx, kamui57, Naar, pac)

Il y a quelques semaines de cela nous avons vu passer ce tweet surprenant :

Il nous fallait en savoir plus. J’ai donc contacté Joonas Mäkinen pour avoir davantage d’informations, et il m’expliqua qu’il a participé à monter une équipe pour écrire un manuel scolaire de mathématiques de cycle secondaire tout le long d’un week-end, lors d’un évènement appelé Oppikirjamaraton (marathon du livre scolaire). Le choix de la licence du livre s’est porté sur la Creative COmmons BY, pour que chacun puisse le réutiliser, le modifier et le traduire, en Finlande et dans le reste du monde.

Le texte, désormais en version 0.91 sur GitHub, s’intitule Vapaa Matikka. Le titre se traduit par « Mathématiques libres et gratuites », mais sachant que matikka signifie également lotte en finlandais, on peut aussi le lire comme du « Poisson libre ». Et son slogan, Matikka verkosta vapauteen, devient alors soit un cri de ralliement pour garder les ressources éducatives libres et gratuites, soit un mode d’emploi pour libérer un poisson d’un filet ! (d’où la forme suggérée du poisson sur la couverture du livre)

Mais au delà des jeux de mots mathématico-finlandais, je souhaitais comprendre comment la rédaction express de ce livre s’était déroulée, ce que l’équipe prévoyait de faire du manuel, et quels conseils ils pouvaient donner à d’autres personnes organisant un évènement similaire.

Oppikirjamaraton - Joonas Mäkinen - CC byQue couvre le livre comme concepts mathématiques ?

C’est un manuel pour le premier cours de mathématiques de niveau avancé du collège finlandais. Bien que les élèves débutant ce cursus viennent en général de finir l’école primaire obligatoire, nous avons décidé d’avoir une approche « pour les nuls » en essayant de minimiser les prérequis.

Nous introduisons l’arithmétique, les nombres rationnels, les nombres réels en général. Viennent ensuite les règles de priorité et les racines qui mènent aux bases de la résolution d’équation puis au concept de fonction. Puis leurs mises en application concernent la proportionnalité et le calcul de pourcentages. Nous nous devions de respecter le programme scolaire.

Dites-m’en plus sur les exigences du programme. Sont-elles les mêmes pour toute la Finlande ?

Il y a un programme national en Finlande et tout le monde le suit. Du coup tous les manuels se ressemblent même s’ils approchent les sujets dans un ordre légèrement différent les une des autres. Mais le seul test standardisé est l’examen de fin d’année et donc Il y a un peu de flexibilité, ce qui a facilité les choses.

Oppikirjamaraton - Vesa Linja-Aho - CC byQui a participé ? Étaient-ils tous des formateurs ? Les participants avaient-ils déjà écrit ou édité des manuels scolaires ?

Environ 20 personnes ont participé à l’écriture du manuel durant le week-end. Nous avions des professeurs ordinaires du secondaire, des étudiants à l’université (mathématiques et informatique), un professeur d’électronique pour automobile, mes propres étudiants et quelques professeurs d’université travaillant sur place ou à distance. Nous avions même notre propre petit cercle d‘intégristes de la grammaire et de l’orthographe pour nous aider à rédiger de meilleurs contenus formels que ceux que l’on peut habituellement trouver dans le devanture des grosses maisons d’édition. La diversité des participants s’est révélée être une très bonne chose pour produire une variété de problèmes et de perspectives.

Seules quelques personnes avaient l’expérience de l’écriture et publication d’un manuel classique, commercial et à l’ancienne, mais cela n’a pas été clivant quand nous avons commencé à travailler.

Comment vous êtes-vous organisés ? Les rôles des participants avaient-ils été déterminés en amont du week-end ?

Vesa Linja-aho, qui a eu l’idée de ce book sprint (ou livrathon) était de facto notre coordinateur et s’occupait de la logistique, de l’administratif et de la communication. Lauri Hellsten s’est engagé à prendre le rôle principal pour la maquette et la création de graphiques indispensables à l’ensemble. Mais eux mis à part, aucun auteur n’avait d’assignation prédéfinie. Quelques uns d’entre nous avaient bien leurs sujets de prédilection, mais dans l’ensemble le processus d’écriture fut très spontané et dynamique.

Y a-t-il eu beaucoup de préparation à l’avance ? Avez-vous commencé le week-end avec un plan du livre ? Un emploi du temps ?

Le projet était ambitieux. Nous avons attendu que nos amis et les amis de nos amis remplissent un sondage Doodle pour savoir quel week-end réserver (NdT : ils ne connaissaient pas Framadate). J’avais préparé une table des matières pour avoir un point de départ, mais elle a été passablement modifiée vendredi et samedi. Juhapekka Tolvanen nous avait concocté un modèle LaTeX, et on a aussi eu une réunion préalable pour planifier les choses, choisir les outils techniques (quel système de contrôle de versions utiliser, etc.), mais rien sur le contenu en tant que tel. Il s’agissait également de trouver d’éventuels sponsors, écrire un communiqué de presse, trouver un local, vérifier si nous avions assez d’ordinateurs…

Une anecdote sur le droit d’auteur : nous avions réuni plus ou moins tous les livres disponibles sur le sujet. Pour voir un peu comment les autres avaient expliqué ceci ou cela. mais aussi parce que, dans l’enseignement mathématique (et manifestement dans d’autres disciplines aussi), il y a beaucoup d’exemples et d’exercices pathologiques qu’il est bon de faire mais qui finissent par être excessivement récurrents. Et Vesa Linja-aho avait reçu une décision écrite du conseil local confirmant que les exercices ne sont pas des travaux soumis au droit d’auteur. Or un enseignant qui avait écrit un des livres que nous avions nous a laissé un commentaire sur Facebook pour nous rappeler que ce n’est pas bien de copier le travail des autres. Cela nous a bien fait rire 🙂

Oppikirjamaraton - Lauri Hellsten - CC byQue retirez-vous de cette expérience ? Qu’est ce qui a été plus difficile que prévu ? Quels conseils donneriez vous à d’autres envisageant un projet similaire ?

Le principal conseil est de bien mettre en place l’aspect technique avant de commencer. Cela évitera d’inutiles moments de tension pour vous consacrer pleinement et exclusivement à la rédaction du contenu. On a utilisé LaTeX pour le texte et sa mise en forme et GitHub pour gérer les versions, mais on a connu des soucis qui nous ont retardés. Tout le monde n’était pas forcément familiarisé avec ces outils et les ordinateurs pas toujours bien préparés et optimisés pour leurs usages. Ceci nous a malheureusement fait perdre du temps.

De plus certains étaient encore en train de discuter pour savoir si nous devions ajouter ceci ou cela le samedi voire le dimanche, et c’est quelque chose qu’il faut éviter. Dans un tel projet, c’est toujours mieux de simplement continuer à écrire davantage de contenu pour éventuellement le commenter ou le modifier plus tard. On a même connu quelques discussions houleuses, peut-être liées au manque de sommeil. Restez calmes et n’oubliez pas d’y prendre plaisir !

Oppikirjamaraton - Siiri Anttonen - CC byEt après ? Y a-t-il une période de relecture/modification prévue ? Des professeurs pensent-ils utiliser d’ores et déjà votre manuel ?

Le sentiment général, unanime et immédiat après avoir fini le marathon dimanche était l’euphorie. Tout le monde était d’accord pour organiser un autre book sprint. Les retards techniques et le manque de graphistes ont fait que le livre n’a pas atteint le niveau de finition que nous voulions pour l’envoyer à l’impression. Mais c’est vivant maintenant : les gens nous envoient des rapports de bug sur Github et les participants ont continué à apporter des améliorations : corriger les coquilles, ajouter des exercices, corriger les incohérences…

Notre livre existe maintenant en version 0.9, et nous allons attendre quelques semaines avant de décider s’il est prêt à être imprimé et traduit. Cependant, on nous a déjà rapporté que le livre avait été utilisé comme manuel par quelques professeurs en proposant notamment à leurs élèves des exercices du livre. Bien entendu, d’autres auteurs et moi-même l’avons aussi utilisé pour enseigner à nos propres élèves. Lorsque nous l’aurons un peu peaufiné, nous sommes confiants quant à sa diffusion.

Le projet était si sympa et son accueil si bien reçu que nous ferons un autre book sprint très bientôt !

Oppikirjamaraton

Crédit photos : Senja Opettaa (Creative Commons By)




Entretien avec Sésamath : au revoir Flash, bonjour HTML5, JavaScript (et LaTeX)

L’association Sésamath existe depuis 10 ans maintenant.

10 ans de projets au service des mathématiques dans l’éducation. 10 ans également, et par effet de bord, au service du logiciel libre, de par les choix des outils et des licences adoptées ainsi que la manière toute collaborative de travailler.

Avoir, entre autres, réussi à couvrir tout le collège avec des manuels scolaires libres qui représentent aujourd’hui près de 20% du marché, ça n’est pas rien ! (et c’est même du jamais vu au niveau mondial !)

L’occasion de faire le point avec Sébastien Hache, salarié et co-fondateur de l’association, qui nous annonce de bien bonnes et libres nouvelles.

Sésamath - Flyer

En quelques mots, comment se porte Sésamath ?

Sébastien Hache : Sésamath se porte plutôt bien. L’envie et la passion sont toujours là, depuis maintenant plus de 10 ans. De nouveaux membres viennent régulièrement renforcer une équipe globalement stable et de plus en plus expérimentée. La grosse difficulté est de parvenir à maintenir les ressources existantes (de plus en plus utilisées : plus d’un million d’élèves inscrits à Labomep par exemple l’an dernier) tout en continuant à faire évoluer les outils et à élargir le champ : c’est un défi compliqué mais c’est aussi passionnant.

Que pensez-vous de la récente circulaire sur l’usage du logiciel libre dans l’administration ?

Nous pensons que c’est une très bonne chose et que cela constitue un bon élément d’appui pour tous ceux qui veulent promouvoir les ressources et logiciels libres dans l’enseignement.

Que pensez-vous de l’opération Open TextBook de l’État californien ?

Plus il y aura de ressources éducatives libres et ouvertes, et mieux ce sera !

Que pensez-vous de la récente introduction de l’option Informatique et Sciences du Numérique en Terminale S ? Pensez-vous vous y impliquer de près ou de loin ?

Sesamath a fait le choix de ne pas se positionner sur des sujets autres que ceux inscrits dans ses statuts. Les objectifs de Sesamath nous occupent déjà largement.

Alors, justement, Sésamath a annoncé des nouveaux projets au lycée et dans le primaire. Peux-tu nous en dire plus ?

Pour l’instant, l’essentiel des projets de Sésamath se concentrait sur le collège, même si depuis longtemps, en particulier au niveau des liaisons inter-cycles, des ressources collège étaient utilisées en CM2 ou en seconde. C’est donc assez naturellement que nous avons lancé des appels (toujours en vigueur pour ceux que ça intéresse) dans ces deux directions pour amorcer des projets éditoriaux. En effet, l’expérience de Sésamath au collège a montré que le travail collaboratif autour d’ouvrages destinés à être publiés sur papier (même s’ils ont nativement une version numérique) était un bon catalyseur pour créer ensuite d’autres ressources numériques : un peu comme si l’ouvrage éditorialisé servait de fil conducteur pour tout le reste. Paradoxalement, le papier est aussi une bonne façon de faire connaître le numérique.

En CM2, une équipe composée de professeurs des écoles et de professeurs de collège travaille actuellement à un cahier d’exercices sur le modèle des cahiers d’exercices de collège (afin d’avoir une continuité dans la ressource). Ce cahier est destiné à être sous licence libre (CC By-Sa) : pour l’instant, durant la phase de conception, seuls les enseignants inscrits à Sésaprof peuvent y avoir accès mais quand il sera achevé (début 2013) il sera intégralement téléchargeable pour tous aux formats ODT et PDF. En même temps, nous concevons le cahier numérique associé. Une autre équipe construit en parallèle le futur manuel Sésamath 6e, qui est très largement modifié par rapport au précédent en partie justement pour tenir compte de la liaison.

En seconde, une équipe composée de professeurs de collège et de lycée travaille sur un manuel complet. Ce manuel est écrit en LaTex. Il sera de la même façon publié sous licence libre et accompagné d’un manuel numérique gratuit. Le premier chapitre sera très prochainement mis en ligne. Beaucoup de lecteurs de ce blog seront heureux de voir que Sésamath produit collaborativement un ouvrage en Latex (c’était déjà le cas pour un ouvrage d’exercices en classes préparatoires) !

Pour résumer, nous travaillons cette année sur 3 ouvrages en même temps. C’est possible grâce à l’expérience de l’association et de ses membres sur la création collaborative de manuels scolaire (organisation, outils…), mais aussi les licences libres et les formats ouverts qui permettent ce mode de création et motive les auteurs.

En parlant de format ouvert, il se dit que Sésamath est en train d’abandonner Flash. Qu’en est-il ?

Effectivement, une grande partie des ressources interactives de Sésamath (dont l’exerciseur Mathenpoche) a été développé en Flash. Il y a déjà eu pas mal de discussions sur ce point : avec le recul, il n’y a sans doute rien à regretter, mais on se rend compte actuellement que cela nous mène à une impasse. Avant d’être technique, l’impasse est d’abord collaborative : nous n’avons pas réussi à former suffisamment d’enseignants à la programmation en Flash et nous nous sommes coupés d’une communauté de développeurs dont nous avons grand besoin aujourd’hui.

C’est pourquoi, Sésamath s’est donné les moyens, depuis plus d’un an maintenant, de créer un nouveau modèle d’activités intéractives : Il s’agit du projet J3P basé sur les technologies web modernes (html5/javascript). D’une certaine façon, Sésamath a terminé sa mue complète vers le libre (je me permets de remercier tous ceux qui ont contribué à ça, de façon souvent très intelligente et patiente, et parmi ceux-là évidemment toute l’équipe de Framasoft). Mais l’intérêt de J3P ne réside pas que dans son format : il ouvre aussi des pistes importantes du point de vue pédagogique. L’idée est de pouvoir créer des ressources de plus en plus adaptées aux difficultés de chaque élève en leur proposant des exercices où les réponses qu’ils donnent conditionnent les questions suivantes, pour tenter de s’adapter à la nature de leurs difficultés éventuelles.

Le projet J3P veut donc offrir aux enseignants un moyen de concevoir de tels exercices. L’enseignant pourra construire ou paramétrer le graphe de chaque exercice. Ce graphe décrit, suivant les réponses de l’élève à chaque étape, les différents parcours possibles parmi les sections qui composent l’exercice. Le projet J3P est sous licence GPL.

Toutes les bonnes volontés sont les bienvenues (ne pas hésiter à nous contacter.

Crédit illustration : Brochure Sésamath




Et les manuels universitaires libres devinrent réalité en Californie

Grande et bonne nouvelle, la Californie est allé au bout de sa réflexion sur l’opportunité des manuels scolaires libres !

C’est de notre point de vue bon sens et évidence mais ça l’est moins quand on pense à la situation dont on a hérité, avec d’énormes résistances de la part de ceux qui éditaient précédemment (et privativement) ces manuels.

Au passage vous remarquerez le choix logique et pertinent de la licence, la Creative Commons la plus dépouillée d’entre toutes : la CC By. Cela fera peut-être réfléchir ceux qui pensent encore que la clause non commerciale NC et/ou non modifiable ND sont bonnes quand il s’agit d’éducation…

Et en France, me direz-vous ? Cela fait six ans (je crois) que nos amis de l’association Sésamath ont publié leur premier manuel libre pour la classe de Cinquième en mathématiques. De véritables pionniers qui depuis ont couvert tout le collège et lorgnent désormais aussi bien sur le primaire que vers le lycée.

Six ans que l’Institution avait en son sein un exemple à soutenir, mettre en avant et montrer aux autres disciplines pour leur emboîter le pas. Pour des raisons que je ne m’explique pas (ou trop bien), elle n’en fit rien ! Il est grand temps de rectifier le tir sinon nous les derniers seront les premiers et nous aurons une fois de plus perdu un temps précieux.

Il est véritablement grand temps ! (et sous licence libre s’il vous plaît !)

L’illustration ci-dessous et un extrait d’une infographie qui résume bien les choses (et les gains) en procédant ainsi.

20mm.org - extrait- CC by

La Californie entérine officiellement son projet de loi inédit sur les manuels scolaires libres

California passes groundbreaking open textbook legislation

Timothy Vollmer – 27 septembre 2012 – CC Blog
(Traduction Framalang : Cyrille L., ehsavoie, M0tty, Rouage, lgodard, Ag3m)

C’est officiel. En Californie, le Gouverneur Jerry Brown a signé deux projets de lois (SB1052 et SB1053) qui permettront la création de manuels numériques sous licence libre pour les cinquante cours les plus populaires des universités de Californie (cf cette vidéo). Ce projet de loi a été proposé par le président du Sénat par intérim Darrell Steinberg et est passé au Sénat et à l’Assemblée de Californie fin août.

Un élément essentiel de la législation Californienne est que les manuels ainsi créés seront disponibles sous licence Creative Commons Paternité (CC-BY) :

Le manuel et d’autres matériels de cours sont placés sous la licence Creative Commons Paternité qui autorise quiconque à utiliser, distribuer, et créer des travaux dérivés basés sur ce matériel numérique tout en permettant aux auteurs ou aux créateurs d’être crédités pour leurs travaux.

La licence CC BY permet aux professeurs d’adapter le contenu des manuels aux besoins des étudiants, aux sociétés commerciales de se servir de ces ressources et d’en créer de nouvelles à partir des premières (comme par exemple des tutoriels vidéos), et ouvre des portes à la collaboration et à l’amélioration de ce matériel de cours.

Pour les étudiants, l’accès à des manuels abordables est extrêmement important, sachant que le coût de ces manuels augmente quatre fois plus vite que l’inflation, dépassant même les frais d’inscription dans certaines universités. Ainsi, en plus de rendre le manuel numérique disponible librement et gratuitement aux élèves, la loi requiert que les copies imprimées du manuel ne dépasse pas 20$.

C’est une grande victoire pour la Californie, et un exemple bien accueilli de politiques ouvertes qui visent à appuyer les licences libres pour économiser l’argent des familles californiennes et soutenir les besoins des professeurs et des élèves.




Un manuel de français libre et gratuit pour iPad – Invitation au débat

Voici un projet pour le moins original, un ovni même dans le paysage éducatif français.

Il s’agit d’un manuel de français, niveau quatrième, sous licence Creative Commons, entièrement rédigé par un seul homme, Yann Houry.

C’est tout d’abord une initiative à saluer et encourager comme il se doit. On peut aujourd’hui produire, proposer et partager un tel ouvrage avec toujours beaucoup de travail en amont mais de réelles facilités techniques et graphiques en aval.

Le projet présente cependant quelques caractéristiques qui ne manqueront pas de susciter à n’en pas douter de nombreux commentaires (courtois et argumentés, cela va sans dire).

  • La licence Creative Commons est la By-Nc-Sa (avec clause non commerciale donc). Certains ne pourront alors véritablement qualifier le manuel de « libre » (et encore moins « libre de droits »)
  • Le manuel a été conçu et encapsulé dans l’application d’Apple iBooks Author (il n’y a pour ainsi dire pas de sources mais une possibilité de sortie au format PDF où, évidemment, l’interactivité est inexistante)
  • En conséquence de quoi, le manuel est exclusivement destiné à l’iPad (et pas une autre tablette)
  • Certes gratuit, on ne peut se le procurer que sur la plateforme Apple iTunes (où l’on peut d’ailleurs lire : « ce livre ne peut être lu qu’avec iBooks 2 sur un iPad équipé d’iOS 5 »)

« Il est difficile de voir en Apple le parangon de l’ouverture et de la liberté. » L’auteur a souvent bien conscience de tout cela et s’en explique ci-dessous dans la présentation de son projet.

Il y a la matière à un débat fécond (sans oublier que derrière l’iPad se cache la générique tablette). Et comme le dit l’auteur en paraphrasant Montaigne : « votre approbation comme votre condamnation me seront utiles ».

Manuel de Quatrième - Yann Houry - CC by-nc-sa

Un manuel de français libre et gratuit pour iPad

URL d’origine du document (Ralentir travaux)

Yann Houry – Septembre 2012 – Licence Creative Commons By-Nc-Sa

Les deux classeurs

Je me souviens de ce professeur d’histoire qui avait avec lui, en permanence, deux gros classeurs. Je commençais tout juste à enseigner, et ces classeurs m’apparaissaient comme une somme, un véritable trésor, le fruit d’un travail riche d’expériences, de lectures et de recherches, une sorte de Graal auquel tout enseignant devait nécessairement et inéluctablement parvenir après quelques années d’enseignement. J’admirais d’autant plus ces deux classeurs qu’ils me semblaient la matérialisation de ce qui reste d’habitude invisible, le travail de l’enseignant. En effet, les cours de l’enseignant sont parfois intangibles, car ils n’ont pas nécessairement besoin d’être mis par écrit pour être transmis.

Mais ces deux classeurs avaient aussi un côté dérisoire que leur poids et leur encombrement rendaient évident. Pourquoi donc emporter en tout lieu et en tout temps ces deux énormes classeurs ? Ce professeur leur trouvait-il un usage quotidien ? Voulait-il absolument avoir sous la main le document qui deviendrait tout à coup nécessaire à un de ces moments où le hasard pédagogique vous mène ? Je ne sais plus quelle réponse j’ai obtenue à ce sujet, mais je sais depuis que le numérique a achevé de frapper d’inanité ce lourd bagage. Ces deux classeurs tiennent dans un iPad. Or le site Ralentir travaux d’abord, ce manuel ensuite, ce sont un peu mes classeurs, mais je ne voulais pas les garder fermés. Je voulais les tenir à la disposition des autres, pour à la fois les leur offrir et les leur soumettre. C’était à la fois par altruisme et par égoïsme, car, pour plagier Montaigne, je dirais volontiers que votre approbation comme votre condamnation me seront utiles.

Un manuel numérique

Ce manuel n’a pas la prétention de se substituer aux manuels traditionnels. De toute façon, tant que l’on restera engoncé dans l’opposition hugolienne du « Ceci tuera cela », tant que l’on croira nécessaire de choisir l’un ou l’autre, on restreindra sinon la portée du problème du moins la richesse des techniques d’enseignement. Une technique – le plus souvent – ne remplace pas une autre. Internet n’a pas remplacé la télévision, laquelle n’a pas remplacé la radio… L’un ne se substitue pas à l’autre, mais se tient à côté. C’est d’ailleurs tout l’intérêt que je trouve aux tablettes et plus particulièrement à l’iPad. Celui-ci, contrairement à l’ordinateur de bureau, ne trône pas en conquérant sur la table après avoir terrassé les livres et le papier, il se tient à leurs côtés, accompagnant et enrichissant ces supports pluricentenaires. Le bureau du collégien, je le vois avec une tablette et du papier. Ce n’est pas l’un ou l’autre. Pourquoi choisir ?

Ce manuel, je le publie maintenant, parce que la rentrée scolaire ne me permettra plus de lui consacrer le temps que les vacances m’ont permis de lui accorder. Il n’est même pas, si l’on y regarde bien, tout à fait terminé (tant s’en faut). Comme les logiciels libres dont il s’inspire, il correspond à une version bêta, disons une version alpha pour parer à toute critique. S’il n’est pas totalement achevé, il pourra – du fait de sa nature – être mis à jour en un rien de temps. Et j’ose espérer qu’il le sera du fait des contributions, des observations et remarques en tout genre que je vous propose dès aujourd’hui d’écrire ici même dans ces commentaires. Je le redis, et même si ce n’est pas ce qui est arrivé, Ralentir travaux n’a jamais eu vocation à être l’ouvrage d’une seule personne. À ce propos, je tiens à remercier chaleureusement les personnes qui m’ont apporté leur aide, et au tout premier chef Christophe Herlory pour son soutien, sa traduction de l’extrait de Frankenstein et sa relecture du manuel, ma femme qui m’a prêté sa voix pour l’enregistrement des dictées, et tous ceux qui ont pris le temps, pour traquer les coquilles et les erreurs, de lire et relire ce manuel.

S’il n’est pas parfait, s’il n’entend pas supplanter quoi que ce soit – et surtout pas ces si riches manuels que les éditeurs proposent maintenant depuis tant d’années, ce manuel numérique se veut libre de droits, c’est-à-dire que pour la première fois l’on propose à l’enseignant d’être, dans sa classe, totalement en règle avec la loi. On peut copier, modifier, distribuer ce manuel. Les images, les textes, les questionnaires, tout peut être partagé ou transformé. Tout est sous licence Creative commons.

L’empire du copyright

Il faut dire et redire à quel point le droit d’auteur est une plaie pour le monde de l’éducation, un fléau qui restreint drastiquement la diffusion des œuvres. Combien de pépites, de découvertes resteront dans les tréfonds de mon ordinateur et de ceux de mes collègues ? Combien d’ouvrages ne pourront être partagés sous le prétexte que les droits d’auteur ont enfermé la culture pour une vingtaine d’années d’abord (lors de la Révolution française), puis pour cinquante, aujourd’hui pour soixante-dix ans ? Cette confiscation des œuvres, parfois totalement arbitraire (songez à cette traduction du Vieil homme et la mer de François Bon), enferme le patrimoine culturel dans la sphère du privé, prive le public de sa possession, de son droit de reproduction quand ce n’est pas purement et simplement de son droit de consultation. Par désir de profiter d’une manière financière, par crainte du vol également.

Or, dans le cas du numérique, la confusion est totale. Si vous copiez un texte ou reproduisez une image, vous ne volez rien du tout. Vous copiez. Il n’y a pas vol.

J’avais été très étonné en entendant pour la première fois la chanson du copyleft. Copier n’est pas voler. Si je vole un vélo, le propriétaire du vélo est lésé. Si je copie un texte ou une image, personne n’y perd. Le propriétaire n’a pas perdu son texte ou son image, mais, à présent, il y en a deux.

C’est qu’il faut distinguer le bien matériel du bien immatériel. Et, étonnamment, le XVIIIe siècle faisait cette distinction :

« Un homme a-t-il le droit d’empêcher un autre homme d’écrire les mêmes choses que lui-même a écrites le premier ? En effet, on sent qu’il ne peut y avoir aucun rapport entre la propriété d’un ouvrage et celle d’un champ, qui ne peut être cultivé que par un homme, et dont, par conséquent, la propriété exclusive est fondée sur la nature de la chose. Ainsi ce n’est point ici une propriété dérivée de l’ordre naturel, et défendue par la force sociale ; c’est une propriété fondée par la société même. Ce n’est pas un véritable droit, c’est un privilège, comme ces jouissances exclusives de tout ce qui peut être enlevé au possesseur unique sans violence.

Tout privilège est donc une gêne imposée à la liberté, une restriction mise aux droits des autres citoyens ; dans ce genre il est nuisible non seulement aux droits des autres qui veulent copier, mais aux droits de tous ceux qui veulent avoir des copies  »

Condorcet, Œuvres, tome 11

La gratuité, enfin, est un point auquel je tiens. Quand j’ai créé Ralentir travaux, je l’ai fait avec dans l’idée que, pour le lire, je ne demanderai ni inscription ni contrepartie financière. C’est accessible. Instantanément. Je crois savoir que mon travail profite à ceux qui sont loin, dans des écoles mal dotées (mais disposant au moins d’une connexion à internet), à des étudiants étrangers, à des parents désireux de s’informer, à des curieux, et pourquoi pas à des établissements ayant déjà acheté des iPads et qui, compte tenu, de la richesse du web, n’auront pas à payer encore pour y mettre le contenu nécessaire aux apprentissages.

Et puis la remarque peut paraître prétentieuse car émanant de moi seul, mais si l’on veut bien considérer les économies réalisées par les administrations ayant recours à des logiciels libres (que l’on songe à OpenOffice, LibreOffice, Ubuntu…), on se dira que proposer gratuitement des manuels permettra de mettre l’argent ailleurs que dans des CD-ROM ou des manuels qui inévitablement finiront au rebut (c’est malheureux, mais c’est comme ça). Et je refuse d’entendre l’argument rappelant que tout travail mérite salaire. Je veux bien que l’on considère que j’ai fourni un travail de dément pour produire ce manuel, mais je ne peux raisonnablement pas le mettre en vente. Ou alors, pour reprendre une fois encore Condorcet, ce que je vendrais serait mon nom et mes mots, non mes idées qui ont été dites des millions de fois sur internet, dans les manuels, dans les salles de cours, etc.

Pourquoi l’iPad ?

On pourra s’étonner qu’un manuel se voulant gratuit et libre de droits soit proposé sur iPad, et l’on aura raison. Il est difficile de voir en Apple le parangon de l’ouverture et de la liberté. Force est cependant de reconnaître que seule Apple a développé un programme digne de ce nom permettant de produire à peu de frais un manuel numérique digne de ce nom, mais, dès que j’en aurai la possibilité, je m’attaquerai aux autres plateformes afin de proposer le manuel sur d’autres supports. De toute façon, vous trouverez à peu près tout le contenu du manuel sur Ralentir travaux.

Quand j’ai découvert iBooks Author, j’ai vu la possibilité qui m’était donnée de créer facilement et rapidement ce que j’avais toujours souhaité faire depuis Ralentir travaux. Un manuel. Je ne voudrais pas vous faire l’inventaire des avantages du numérique. Je ne vais même pas vous dire ce que contient ce manuel (je vous invite tout simplement à le parcourir. Tout au plus voudrais-je rappeler ces quelques points :

  • La tablette numérique est légère, et permet de se débarrasser du poids du cartable.
  • Si la tablette a un coût à l’achat, celui-ci peut être partiellement absorbé par des dépenses qui deviendront superfétatoires (papier, encre, photocopieuse, manuel sur papier…). De plus, tout ce que j’ai acheté chez Apple est durable et solide (je ne suis pas un fanboy, c’est juste comme ça) y compris dans les mains de mes enfants les moins soigneux.
  • La luminosité d’un iPad peut être réglée directement dans l’application, et ne gêne pas les yeux. On peut même lire dans le noir !
  • La police peut être changée, agrandie. C’est, je crois, un atout pour tous ceux qui ont des problèmes de vue. C’en est un également pour les dyslexiques.
  • Mettre des signets, surligner, prendre des notes, tout cela est possible. Chaque mot peut être défini ou renvoyer au web.
  • On trouve des exercices interactifs, des quiz…
  • On trouve également des vidéos, des fichiers audio (un élève peut ainsi faire des dictées seul ou du moins s’entraîner), des diaporamas, des images interactives parfois en haute définition (un jour, on oubliera que la photocopie a existé).
  • Des liens internet menant à Wikipédia ou à Gallica offrent l’accès à de belles éditions quand ce ne sont pas les éditions originales. Une fois encore, j’y vois une libéralisation de la culture. On ne peut certes toujours pas les toucher, mais on peut voir, on peut lire ces œuvres de la Bibliothèque nationale de France que seuls quelques privilégiés pouvaient auparavant découvrir. Et je me souviendrai toujours du regard ébahi d’élèves habituellement peu sensibles au plaisir livresque découvrant des éditions originales.
  • Le manuel peut être utilisé avec d’autres applications. Le Petit Robert, Antidote sont des merveilles sur iPad. Certains logiciels de prise de notes sont extraordinaires. Je ne mets plus les pieds dans une bibliothèque sans mon iPad et Evernote ou Penultimate.

Quelques mots pour finir. Je me suis efforcé de rendre ce manuel aussi complet que possible, de multiplier les exercices de grammaire, de vocabulaire, de rédaction, etc. Il est l’œuvre d’une seule personne (ou presque), et c’est une bien lourde tâche que celle-ci. J’espère que vous saurez vous montrer indulgent quand vous trouverez une coquille, une erreur, une approximation, etc. Je vous remercie de votre compréhension. Un manuel numérique se bonifie dans le temps, non dans la cave, mais confronté à votre regard.

Il me reste à vous souhaiter une bonne lecture. J’espère que vous la trouverez, selon le vieux précepte horacien, utile et agréable.




Quand Philippe Meirieu nous dit, chez Microsoft, tout le bien qu’il pense du Libre

Le 5 avril dernier, en pleine campagne présidentielle, était organisée une journée éducation chez Microsoft France sur le thème de l’école demain.

Au programme, copieux, une table ronde politique animée par François Jarraud du Café Pédagogique (dont on ne s’étonnera guère de sa présence ici) avec Fleur Pellerin pour François Hollande, Nicolas Princen pour Nicolas Sarkozy et donc Philippe Meirieu alors impliqué dans la campagne d’Eva Joly.

Nous avons choisi d’extraire un court passage de l’intervention de ce dernier car nous abondons dans son sens.

Sans oublier le clin d’œil lié à la symbolique d’un lieu à priori peu enclin à faire un tel éloge du Libre. Philippe Meirieu semble d’ailleurs en avoir bien conscience puisqu’il commence ainsi son propos : « Je le dis ici en toute liberté… » 😉

—> La vidéo au format webm

Transcript

(c’est nous qui soulignons)

« Je le dis ici en toute liberté, ma formation politique est très attachée à la promotion et au développement des logiciel libres, au pluralisme technologique et pédagogique dans l’ensemble des établissements scolaires.

Elle estime qu’il y a là, au delà des questions techniques, une question un peu philosophique qui est celle de la mise en réseau à travers les logiciels libres des savoirs et des compétences, du partage, de ce que chacun peut apporter au collectif et de la promotion d’un modèle plus coopératif, et ce terme de coopératif nous y tenons beaucoup, un modèle plus coopératif de l’organisation du numérique aujourd’hui.

On pourrait en parler très longuement, la diffusion des travaux sous licence libre nous parait devoir être développée de manière systématique, y compris dans les universités d’ailleurs.

Moi-même, à titre personnel, j’ai dû mettre mes cours sur un site que j’ai fait moi-même parce que mon université les met sur un site qui exige, pour pouvoir le consulter, un code d’accès et qui ne peut pas être consulté par d’autres que les étudiants de mon université, ce que je trouve absolument absurde à l’ère de la mondialisation planétaire et tout à fait contre-productif.

Quant à mes collègues qui pourraient imaginer qu’ils peuvent être payés deux fois : une fois à plein temps pour être enseignant et une deuxième fois pour les outils pédagogiques qu’ils mettent à disposition du collectif sur les sites en libre accès, ils me paraissent faire évidemment fausse route.

Je crois qu’il faut retrouver dans l’usage du numérique le sens du collectif, le sens du bien commun et du bien public, et que cela est une priorité aujourd’hui. »