Pourquoi nous avons besoin de jouer, partager et bidouiller la science

La science est quelque chose de bien trop sérieux et précieux pour être laissée aux seuls scientifiques professionnels. Amateurs, de 7 à 77 ans, tout le monde peut et doit y prendre part, facilités en cela par Internet et sa philosophie d’ouverture.

Un article de Rayna Stamboliyska initialement publié sur Al Jazeera.

Remarque : nous avons choisi tout du long de traduire « hacker » par « bidouiller ».

Krystian Olszanski - CC by

Jeu et partage des connaissances, ou pourquoi nous avons besoin de bidouiller la science

Tinkering knowledge sharing, or why we need to hack science

Rayna Stamboliyska – 25 mars 2013 – AlJazeera.com
(Traduction : Sphinx, Rayna, M0tty, Minitte, goofy, Oumph, Asta , lizuka, Penguin, Moosh, Baptiste, Oli_Ph)

Les citoyens activement engagés dans la production scientifique fournissent le meilleur effort de compréhension de la science, et ce à tout âge.

Traditionnellement, les chercheurs sont des universitaires employés par les institutions. Le stéréotype de l’expert érudit entouré de livres poussiéreux gribouillant frénétiquement des écrits obscurs vient également à l’esprit. Quel(le) qu’il (elle) soit, le chercheur produit de la connaissance et que vous soyez profondément de gauche ou légèrement de droite, vous respectez tous la science et la connaissance. Ce sont des sujets d’importance, autant pour la droite que pour la gauche et pour toutes les idéologies entre les deux et au-delà. De fait, bidouiller (NdT : ou hacker) sort des chemins battus lorsque l’on considère la science et la connaissance.

« Un scientifique, un artiste, un citoyen n’est en rien un enfant qui aurait besoin d’une méthodologie paternaliste et d’une rationalité maternante lui donnant sécurité et direction. Il peut prendre soin de lui-même. Il n’est pas seulement l’inventeur des lois, des théories, des images, pièces de théâtre, styles de musique, interactions sociales, des institutions, il est aussi l’inventeur d’une nouvelle vision du monde, il est l’inventeur d’une nouvelle forme d’appréciation ». Cette citation vient d’un épistémologue, malheureusement oublié, Paul K. Feyerabend et date de 1978 quand son livre « Science dans une société libre » fût publié. Utilisons cette citation comme fil rouge de cette discussion à propos de la démocratisation de la science.

Bidouiller la science, c’est génial… Euh, quoi ?

Vous avez raison, une telle affirmation peut être trompeuse. Je souhaiterais davantage parler de « bidouiller le faisage de la science ». Le cliché de l’intellectuel solitaire, à l’apparence maladive et au comportement associal, est répandu aujourd’hui encore, mais sa généralisation faiblit au fur et à mesure que les technologies de communication progressent. Ce qui reste vrai, en revanche, c’est le côté conservateur et rigide des organismes de recherche. La science est construite à partir de données collectées, analysées, critiquées et réutilisées. Cependant, la méthodologie ordinaire de la science, imposée par les organismes de recherche, requiert le secret et nécessite donc de travailler contre cette maximisation de la dissémination du savoir. Avant que quiconque ne crie à la paranoïa, pensez aux publications à accès payant, bloquant ainsi leur diffusion, au format PDF ou, pire, en image.

Les réticences à publier les données et à ouvertement partager le savoir ont cependant commencé à attirer l’attention des gens. Un mouvement général vers l’ouverture que l’on appelle plus communément la « science ouverte » a émergé, inspiré par l’esprit du mouvement du Logiciel Libre (Free and Open Source Software, FOSS). Similaire à l’éthique du Libre qui promeut l’ouverture d’un code source accessible, réutilisable et modifiable par tout le monde, le thème principal de la sciences ouvertes est d’expliquer clairement les méthodes, les données générées et les résultats obtenus, permettant ainsi une collaboration massive qui accélère la vitesse à laquelle la science se fait.

Un concept très puissant – la « science citoyenne » – a naturellement émergé parallèlement à la science ouverte. Les blogs de chercheurs professionnels qui parlent de leurs travaux et discutent en ligne des résultats obtenus par leurs pairs sont innombrables. De tels débats permettent à de non-professionnels de participer aussi. La poussée du mouvement hacker/maker/do-it-yourself a énormément contribué à l’engagement dans la science de scientifiques non-professionnels.

De nos jours, il y a des centaines de projets dans le monde entier au sein desquels chercheurs professionnels et non-professionnels prennent part à de véritables études scientifiques. Un glissement clair et visible s’est opéré ces dernières années : au début, les citoyens aidaient simplement à collecter des données alors que désormais les citoyens les analysent vraiment, produisent des résultats valables et les interprètent allant même jusqu’à proposer de nouvelles hypothèses.

La « démocratisation de la science » défendue par Feyerabend est en train de se réaliser. La méthode de la science est encore trop souvent faussement imaginée comme étant l’exploration de théories en perpétuelle expansion sur les complexités de l’univers et uniquement réservée à une élite d’individus extraordinairement intelligents, échevelés et quelque peu sociopathes. La méthode scientifique est en fait à la portée de tous ceux capables de poser une question, de réunir des informations, de les analyser de manière critique, de (peut-être) trouver une réponse et d’agir en fonction du résultat.

Cela vous semble idéaliste ? Vous avez le droit d’avoir tort. Vous aimez les maths ? Peut-être que non. Cependant, prenez par exemple l’expérience Polymath. En 2009, Tim Growers, lauréat de la médaille Fields, écrivait un article sur son blog parlant des « mathématiques massivement collaboratives ». Il écrivait : « Une idée serait que quiconque ayant quelque chose à dire sur le problème puisse y ajouter son grain de sel… vous contribueriez ainsi à des idées, même si elles sont peu développées ou peut-être fausses. »

Qu’est-ce qui en a découlé ? Des centaines de commentaires et la naissance du projet Polymath. En réalité, les gens collaborent massivement à la résolution de problèmes en mathématiques. Des chercheurs, professionnels et non-professionnels, ont également contribué à l’identification de médicaments anti-paludisme, à la cartographie des accidents de la route ou la pollution sonore, ainsi qu’à la documentation des déversements de pétrole dans la côte du Golfe avec des ballons, ou encore à l’étude de l’impact du changement climatique sur les oiseaux, etc.

Un tel engagement social et citoyen dans la pratique scientifique est crucial. Les gens doivent revendiquer le droit d’être informé et éduqué. Le pouvoir réside là où est l’information, de cette manière, y avoir accès est un moyen d’auto-gouvernance et contribue à résorber la corruption, les privilèges et l’injustice. J’ai déjà débattu du besoin frappant de telles initiatives dans le monde arabe. Bien que la science soit un domaine émergent dans cette région où les financements suffisent rarement à sécuriser les équipements basiques pour la recherche, l’intérêt sur ce sujet, lui, existe. Entrer en contact avec des scientifiques non-professionnels devrait être aujourd’hui considéré par les professionnels comme partie inhérente de leur travail quotidien.

L’influence politique sur la façon dont la science fonctionne et est communiquée est un souci croissant au sein du monde arabe et partout ailleurs. Les projets de science citoyenne ne sont pas seulement indépendants, ils aident aussi à faire des choses avec un petit budget ou diminuer les coûts inhérents de la recherche ; ainsi, selon un rapport : « Au cours d’une seule année, des observateurs volontaires pour la surveillance de la biodiversité au Royaume-Uni ont vu leur contribution en temps estimée à plus de 20 millions de livres (NdT : environ 23,5 millions d’euros) ». La science citoyenne fournit aussi des données fiables et des outils qui peuvent être utilisés par tous les domaines scientifiques, des études environnementales aux sciences humaines. Un accès libre aux avancées scientifiques les plus récentes permet aux citoyens de remettre en question des hypothèses historiques. Résoudre des problèmes à rayonnement local, ou juste participer par curiosité, ramène la science à ses racines.

Bidouiller l’école

Je dis du bien du bidouillage de la science et je dirai encore davantage de bien du bidouillage de l’école. Avez-vous déjà réfléchi à l’origine de notre désir de savoir comment les choses fonctionnent ? Je dirais qu’elle se situe dans l’enfance. Quand on est enfant, on se demande pourquoi le ciel est bleu ou comment on fait les bébés. Nous posons des questions, découpons des limaces pour voir jusqu’où elles peuvent aller avec des morceaux en moins et décidons qu’elles ne peuvent pas aller bien loin une fois qu’elles sont en tranches. Un chercheur émet une hypothèse, décide des informations à collecter pour y répondre, les analyse ensuite et en tire des conclusions pour valider ou non l’hypothèse de départ. En fait, cela ressemble à ce que les enfants font naturellement.

Mon idée est que les enfants apprennent par la recherche. Là où ça coince, c’est quand les adultes pensent que pour être un grand, il faut connaître la réponse. Nous tendons ainsi à inculquer aux élèves des informations déjà disponibles et nous appelons cela l’éducation. Le problème n’est pas la transmission du savoir à la jeune génération, mais le fait que nous le faisons en étant persuadés que l’aventure dans l’incertitude des réponses inconnues est délétère.

Que se passerait-il si, au lieu de verrouiller nos pensées et de castrer l’attitude interrogatrice des enfants, nous décidions de construire une culture de curiosité ? Autrefois, au XVème siècle, l’imprimerie encouragea de nouveaux moyens de transmission de l’information : des effets similaires peuvent être espérés avec Internet mais sur une échelle de temps beaucoup plus rapide. À travers les médias actuels, les élèves et étudiants ont accès à une quantité incroyable d’information. L’institution « école » a donc encore moins le monopole du savoir ; quel devient donc son but ?

L’« avalanche » d’articles scientifiques contribue à la reformulation de concepts. Ce que nos enfants ont besoin d’apprendre est à la fois comment apprendre et comment désapprendre. L’enseignant ne devrait pas être celui qui transmet des faits mais plutôt la personne qui enseigne comment les comprendre, les critiquer et les valider. Plutôt que d’essayer de savoir tout ce qui est produit, l’enseignant doit accepter ce qui est, pour chacun d’entre nous, une petite révolution culturelle car il sait mieux que les élèves comment analyser l’information. Il/Elle doit dès lors être un spécialiste de la découverte de la connaissance.

La liberté de jouer

Je parie que beaucoup d’entre vous pensent que ceci est noble mais ont du mal à voir comment le réaliser. La recette miracle n’existe pas mais il y a un beaucoup d’approches possibles. Avez-vous entendu parler des jeux éducatifs et de recherche ? Oui, je viens d’évoquer la gamification (ou encore, « ludification ») qui correspond à l’intégration de méthodes pensées pour les jeux dans des applications « sérieuses » afin de les rendre plus amusantes et engageantes. Ce n’est pas une idée nouvelle : le concept que jouer génère et modèle notre culture a été exposé dans Homo Ludens (1938). Le typage sanguin, la biochimie ainsi que beaucoup d’autres jeux scientifiques ont aidé à démontrer l’importance de l’implémentation de la motivation dans l’apprentissage et l’exercice de la science.

Jouer en ligne à des jeux éducatifs et scientifiques pourrait ainsi être un des défis majeurs pour nos écoles. Nous espérons que nos enfants apprennent des choses « sérieuses » et on pourrait peut-être y bien parvenir en leur donnant la liberté de jouer. J’ai beaucoup aimé ce que le Digital Youth Project (Projet pour la Jeunesse Numérique) décrit dans un rapport sur les activités en ligne des enfants : celles-ci couvrent le fait de « traîner » (fréquenter des gens), de « mettre en désordre » (bricoler, même au point de devenir un expert local sur une technologie ou un média), de « faire son geek » (être curieux de ce qui est lié à Internet).

Imaginez ensuite une autre « école », où à la place de maîtres d’école il y aurait des professeurs de travaux pratiques, chacun ayant une responsabilité différente. En aucun cas, une telle responsabilité ne devrait se limiter à noter les enfants sur leur compétence. Ainsi, le but premier de l’éducation ne serait pas de préparer à un métier spécifique ou à une carrière mais constituerait plutôt un processus guidant l’enfant vers une participation à la vie publique. De cette manière, les adultes que nous appelons professeurs co-créeraient le savoir avec les enfants.

À la fois la possibilité pour les non-professionnels de s’engager dans l’exercice de la science et la nécessité de transformer les enseignants en des co-createurs de savoir. Alors, si les enfants peuvent avoir une nouvelle espèce de dinosaure portant leur nom ou créer un réacteur nucléaire chez eux, pourquoi ne pas les laisser faire de la recherche avec leurs ainés amateurs de science ? Dès lors, une question légitime se pose : « pourquoi ne pas créer un parcours d’apprentissage par la recherche à l’école ? ».

La science transforme notre perception du monde et de nous-mêmes, particulièrement chez les enfants. L’exercice de la science requiert un attrait pour l’inconnu et une ouverture sur les possibles. Tout comme les moments durant lesquels on s’amusent, la science permet la découverte et la création de relations et de schémas mentaux. Rajoutez des règles à suivre à l’amusement et vous obtenez un jeu. Rien n’est plus naturel pour les enfants que d’accueillir l’inconnu et faire des erreurs, les deux ouvrant la voie de la découverte.

Ainsi, le processus du questionnement et de la recherche de la résolution de problèmes devient plus intuitif. Cette approche contraste avec des méthodes d’apprentissage plus classiques où le but est de trouver des solutions, non pas des questions. La créativité joue un rôle majeur ici. La créativité a cependant besoin d’être désacralisée : tout le monde peut trouver de nouvelles solutions et porter de nouveaux regards. La créativité est un processus ouvert, interactif et contraignant ; être créatif signifie que la critique constructive est nécessaire pour l’avancement.

Une science citoyenne pour les enfants

À quoi pourrait ressembler un parcours d’apprentissage par la recherche ? L’interdisciplinarité y est incontournable. L’inclusion de l’alphabétisation numérique dans le parcours de formation est décisif, quant à l’initiation à la programmation pour les enfants, cela existe déjà. Des écoliers du primaire au Royaume-Uni ont déjà publié un papier scientifique sur la reconnaissance des fleurs par les abeilles, et dans une banlieue de Paris, dans une école primaire des élèves de CM1/CM2 apprennent de la science en étudiant les fourmis. La classe envoie des tweets sur ses observations et recueille des hypothèses venant d’autres classes et de chercheurs adultes.

Twitter n’est pas la seule voie que peuvent choisir les enfants pour collecter et échanger des connaissances. Les adultes ont Wikipédia, mais c’est un peu complexe pour les enfants qui bien souvent n’y trouvent pas de réponses à leurs questions. Essayez par exemple de chercher pourquoi le ciel est bleu dans la page « lumière ». Si vous survivez au jargon scientifique assez hermétique et lisez la totalité de la page, vous vous rendrez compte que l’explication n’y est pas. Des projets tels que Simple Wikipédia sont donc apparus, qui visent à expliquer les choses complexes en un langage simple. Vikidia en France (une sorte de Wikipédia pour les enfants mais écrit par les adultes), Wikikids aux Pays-Bas, avec son équivalent français Wikimini (Wikipédia pour et par les enfants), ont commencé à construire une passerelle entre la création collaborative de connaissances et son partage généralisé.

En participant à la vraie science, nous nous impliquons tous activement dans le processus qui consiste à lui donner du sens. Les enfants non seulement deviennent des scientifiques, mais ils développent aussi leur créativité et se rendent compte des choix qu’ils opèrent. Ainsi, chacun prend activement conscience de la façon dont notre environnement et notre imagination nous façonnent en tant qu’individus et en tant que société.

Rayna Stamboliyska est chercheuse associée au Centre de Recherche pluridisplinaire de l’Université de Paris 5 Descartes, où elle développe la partie biologie synthètique au sein du projet Cyberlab citoyen. Elle contribue également à l’organisation de la « Nuit de la Science 2013 ». Elle tient un blog sur Scilogs.com intitulé Beyond the Lab, qui observe les pratiques scientifiques émergentes ; elle participe aussi à FutureChallenges.org et à Jadaliyya. Rayna est membre du conseil d’administration de la branche française de l’Open Knowledge Foundation et ainsi contribue au développement de la science citoyenne en France.

Crédit photo : Krystian Olszanski (Creative Commons By)




Former la prochaine génération de bidouilleurs libres

Comment des hackers adultes peuvent-ils s’assurer de faire émerger une nouvelle génération de hackers libres ?

La réponse d’un père de famille dynamique et avisé 😉

See-Ming Lee - CC by-sa

Former la prochaine génération de bidouilleurs open source

Growing the next generation of open source hackers

Dave Neary (Red Hat) – 26 février 2013 – OpenSource.com
(Traduction Framalang : Antoine, cherry, psychoslave, Jeff_, Eijebong, biglittledragoon, goofy, Vero, mathilde, tcit, Quentin, Metal-Mighty, jtanguy, Penguin, Pat, Asta, arnaudbey + anonymes)

En tant que père de trois enfants de 5, 7 et 10 ans, j’ai hâte de partager avec eux les valeurs qui m’ont attiré vers l’open source : partager et créer ensemble des choses géniales, prendre le contrôle de son environnement numérique, adopter la technologie comme moyen de communication plutôt qu’un média de consommation de masse. En d’autres termes :

Comment des bidouilleurs adultes peuvent-ils s’assurer de faire émerger une nouvelle génération de bidouilleurs open source ?

Une des choses que j’ai apprise est qu’il ne faut pas aller trop vite. J’ai mis mes enfants devant Scratch et Sugar à l’âge de 5 et 8 ans, et, bien qu’ils se soient amusés à changer les nombres sur un petit programme que je leur ai montré et aient aimé dessiner leurs propres voitures pour ensuite les diriger sur l’écran, ils étaient trop petits pour comprendre le concept de lier des fonctions entres elles pour arriver à obtenir des comportements plus sophistiqués.

Voici quelques-unes des leçons que j’ai apprises en tant que parent qui, je crois, peuvent être adaptées selon l’âge et les centres d’intérêt de vos enfants.

Un espace à vivre bidouillable

Nous avons encouragé nos garçons à décorer leur chambre, à organiser leurs meubles comme ils voulaient et à avoir leurs propres petits fiefs. Parfois cela nous rend complètement dingues en tant que parents, et, régulièrement, nous devons les aider à ranger, mais leur espace leur appartient.

De même, chaque enfant de plus de 7 ans peut avoir un vrai couteau qu’il peut utiliser pour tailler du bois et couper de la ficelle.

Ingénierie préscolaire

J’adore les jouets qui permettent aux enfants de donner libre cours à leur imagination. En plus c’est génial, parce qu’en tant qu’adulte, je prends autant de plaisir qu’eux à jouer ensemble ! Mes jeux de construction préférés (achetés à peu près au moment où les enfants ont l’habileté nécessaire pour les manipuler) sont les Kapla, les trains en bois, les lots de Duplo, Playmobil, Lego et les voitures Meccano.

Lego et Meccano notamment font un super boulot pour faire des kits adaptés aux enfants de tout âge. Une autre petite astuce est d’encourager le mélange et d’assembler différentes marques de jouets. Nous avons des ponts Kapla passant par-dessus des trains Ikea et des camions Lego qui transportent des personnages Playmobil.

Les Kapla aussi sont très intéressants. Ce sont des planchettes en bois découpées selon des proportions très précises ; elles sont trois fois plus larges qu’épaisses, et cinq fois plus longues que larges. Avec ces simples proportions et la précision des découpes, il est possible de construire des objets très complexes, comme la Tour Eiffel ou une maison Kapla.

Se lancer dans l’électronique

Nous avons un kit Arduino, et mon aîné commence à avoir le niveau pour comprendre comment câbler un circuit, mais il n’a pas encore découvert comment programmer dans le dialecte C propre à Arduino.

Mais même avant quelque chose de ce genre, les arts et les activités artisanales sont un excellent entraînement pour le DIY (NdT : Do It Yourself, c’est-à-dire « Faites-le vous-même »), et nous avons toujours quelques bâtonnets de glaces ou des pinces à linge et un pistolet à colle pour des cadeaux « faits main ».

Puis vous pouvez laisser traîner des tournevis, pinces, multimètres et autres fers à souder, pour que les enfants puissent désosser leurs vieux jouets, ou des appareils électroniques cassés, réparer les choses par eux-mêmes avec de simples circuits électriques, lorsque que quelque chose ne marche pas, et récupérer des pièces détachées pour les intégrer dans leurs futurs projets. Une supervision parentale est recommandée avec le fer à souder jusqu’à ce qu’ils maîtrisent son utilisation.

Apprendre aux enfants à bidouiller

J’adorerais entendre parler de ressources pour que les enfants apprennent à maîtriser la programmation ! Je connais l’existence de la Code Academy et la Khan Academy qui apprennent aux enfants à coder ; et Scratch and Sugar, que j’ai déjà mentionné.

Merci de partager vos propres conseils sur la manière d’endoctriner la prochaine génération de bidouilleurs open source !

Crédit photo : See-Ming Lee (Creative Commons By-Sa)




Le SCÉRÉN CNDP : showroom Microsoft avec la complicité du Café pédagogique ?

Le « Tour de France du Numérique pour l’Éducation » est officiellement organisé par le Café pédagogique et le service public SCÉRÉN CNDP mais la présence plus ou moins discrète de Microsoft pose question pour ne pas dire problème.

Le Framablog en avait fait écho dès l’annonce de l’évènement dans un billet vindicatif : Tour de France du Numérique pour l’Éducation ou pour Microsoft ?

Pour aller plus loin nous avons décidé de rédiger un communiqué commun avec l’April demandant l’arrêt de l’opération en l’état actuel de son dispositif qui, pur hasard, fait comme si le Libre n’existait pas.

Et en cadeau bonus, une petite comparaison : La page d’accueil de Microsoft Education…

…et la page d’accueil du Tour de France !

Quelle étrange coïncidence 😉

Le service public d’éducation SCÉRÉN CNDP est-il le nouveau showroom de Microsoft avec la complicité du Café pédagogique ?

Paris, le 12 mars 2013. Communiqué de presse.

Le Centre National de Documentation Pédagogique (CNDP) en collaboration avec le Café pédagogique organise une opération nommée « Tour de France du Numérique pour l’éducation »1. Officiellement un « tour de l’Hexagone en 20 étapes pour découvrir les meilleurs projets numériques au service de l’éducation », en réalité une tournée au profit de Microsoft partenaire de l’opération et soutien du Café pédagogique2. L’April et Framasoft demandent que cette opération soit sérieusement amendée en faisant toute la place nécessaire aux logiciels libres et ressources libres pour l’éducation. Des agents de l’État étiquetés « innovants » par on ne sait qui , un service public d’éducation ne peuvent servir de caution morale et pédagogique à une opération qui a pour effet collatéral de contribuer à enfermer élèves et personnels dans un écosystème propriétaire et fermé avec de l’argent public.

Une vision du « numérique » à l’école éloignée de la réalité

Une des principales animations de ces évènements est constituée de « démonstrations des dernières innovations technologiques : tablettes Windows 8, plateformes de communication et collaboration (visio conférence, chat, réseaux sociaux…), expériences immersives grâce à de nouveaux terminaux comme la table Pixelsens… »3 par Microsoft. Au lieu d’une présentation d’une variété de solutions existantes, les évènements sont centrés sur la présentation commerciale unique des produits Microsoft.

Ainsi, aucune place n’est faite pour le logiciel et les ressources libres dans l’éducation, alors même qu’ils en font partie intégrante. De nombreux professeurs, associations et entreprises développent des ressources et des logiciels libres pour l’enseignement4. Si certaines personnes s’en sont émues, présenter la diversité des solutions ne semble pas être la priorité de ces évènements.

Pourtant, l’enseignement et l’Éducation nationale ont beaucoup à gagner du logiciel et des ressources libres. D’abord parce que la mission d’enseignement dévolue aux professeurs est, par définition, basée sur le partage de connaissances. Dans l’intérêt de ses élèves, un professeur doit avoir la possibilité d’utiliser, d’étudier, de modifier, de mettre à la disposition de tous logiciels ou ressources éducatives. Pour fluidifier les échanges, la mutualisation, on se doit d’utiliser des formats de fichiers ouverts et interopérables. Les logiciels et ressources utilisés à l’école doivent pouvoir être utilisés librement au domicile par les élèves, les étudiants ainsi que leurs familles. Le libre est moteur sur ces aspects et en phase avec ces valeurs fondatrices pour l’école de la République.

Le modèle présenté par cette caravane est basé au contraire sur un bridage de l’innovation avec des modèles passéistes basés sur des licences privatrices et restrictives 5, des formats de fichiers propriétaires et fermés voire des brevets sur de la connaissance. Il est donc surprenant et inquiétant de voir le service public se faire le porte-parole de ce seul modèle, en excluant clairement le logiciel libre et les ressources libres pour l’éducation.

Ces étapes se déroulent en grande partie dans les Centre Régionaux de Documentation Pédagogique (CRDP). Fort opportunément pour la campagne de marketing de Microsoft, ils sont dirigés par des personnels qui sont souvent aussi les conseillers TICE6 auprès du recteur d’Académie. Voilà une bonne occasion de présenter ses produits directement auprès des décideurs académiques dans leurs propres locaux. D’ailleurs, les commerciaux de Microsoft Éducation ne se cachent même pas, sur un réseau de micro-blogging, on lit de leur part : « Inscrivez-vous dès à présent à l’une de nos 21 étapes ! »7. On appréciera le pronom possessif.

Le Café Pédagogique, cheval de Troie de Microsoft dans l’éducation ?

Le groupe éducation de l’April et Framasoft s’interrogent depuis longtemps sur les liens entre le Café Pédagogique et Microsoft8. Rappelons que le Café pédagogique représente une source d’information pour de nombreux enseignants, personnels de direction ou décideurs académiques9. Pourtant, on peut s’interroger sur la partialité des informations diffusées notamment dans le domaine des TICE. De fait, on constate que depuis la mise à jour du site réalisée par Microsoft 10, on fait très peu de cas des projets libres, pourtant nombreux, dans la revue quotidienne du Café pédagogique alors que les nouveautés des produits Microsoft sont quant à elles bien mises en avant11.

Selon Rémi Boulle, vice-président de l’April en charge des questions d’éducation : « le Café Pédagogique et Microsoft n’ont pas le monopole de l’innovation dans l’éducation. Un enseignant n’est pas innovant parce qu’il utilise une tablette sous Windows 8 et sait remplir un court dossier de candidature au format Word. Au contraire, il serait urgent de définir ce qu’est précisément l’innovation et ses objectifs : simple promotion commerciale ou ouverture de nouvelles connaissances et possibilités pour les élèves en développant leur esprit critique ? ».

Selon Alexis Kauffmann de Framasoft : « L’expression “enseignant innovant” dérive directement du programme mondial “innovative teachers” de Microsoft12. Le Café pédagogique n’a fait que répondre à la demande de son généreux sponsor en la popularisant, tout en prenant bien soin de taire son origine. Tout ceci n’est qu’un échange de bons procédés entre amis, malheureusement au détriment du développement du logiciel libre, des formats ouverts et des ressources libres dans l’éducation. C’est pour cela que le SCÉRÉN CNDP ne doit pas dérouler le tapis rouge13 à un tel projet mais bien au contraire se montrer critique vis-à-vis des risques de marchandisation de l’école par le logiciel propriétaire, ses pratiques et ses logiques. »

L’April et Framasoft demandent donc au CNDP l’arrêt de cette opération ou, à défaut, qu’elle soit sérieusement amendée pour que toute la place nécessaire aux logiciels libres et ressources libres pour l’éducation soit faite.

À propos de l’April

Pionnière du logiciel libre en France, l’April est depuis 1996 un acteur majeur de la démocratisation et de la diffusion du Logiciel Libre et des standards ouverts auprès du grand public, des professionnels et des institutions dans l’espace francophone. Elle veille aussi, dans l’ère numérique, à sensibiliser l’opinion sur les dangers d’une appropriation exclusive de l’information et du savoir par des intérêts privés.

L’association est constituée de plus de 5 500 membres utilisateurs et producteurs de logiciels libres.

Pour plus d’informations, vous pouvez vous rendre sur le site Web à l’adresse suivante : http://www.april.org/, nous contacter par téléphone au +33 1 78 76 92 80 ou par notre formulaire de contact.

Contacts presse :

Frédéric Couchet, délégué général, fcouchet@april.org +33 6 60 68 89 31
Jeanne Tadeusz, responsable affaires publiques, jtadeusz@april.org +33 1 78 76 92 82

À propos de Framasoft

Issu du monde éducatif, Framasoft est un réseau d’éducation populaire consacré principalement au logiciel libre et s’organise en trois axes sur un mode collaboratif : promotion, diffusion et développement de logiciels libres, enrichissement de la culture libre et offre de services libres en ligne.

Pour plus d’informations, vous pouvez vous rendre sur le site Web à l’adresse suivante : http://www.framasoft.org/ et nous contacter par notre formulaire de contact.

Contact presse :

Alexis Kauffmann, fondateur et chargé de mission, aka@framasoft.org +33 6 95 01 04 55




7 raisons pour ne pas utiliser les tablettes dans l’éducation

Une récente passe d’armes sur le bien fondé d’offrir des iPad à des collégiens en Corrèze avait fait couler beaucoup d’encre dans les commentaires du Framablog.

Nous récidivons aujourd’hui en laissant de côté les arguments du libre pour se concentrer uniquement sur la pertinence de la tablette en milieu scolaire.

Urban Hippie Love - CC by-sa

Trop cool pour l’école : 7 raisons pour lesquelles les tablettes ne devraient PAS être utilisées dans l’enseignement

Too cool for school: 7 reasons why tablets should NOT be used in education

Donald Clark – 24 février – Blog perso
(Traduction : Moosh, Max, DansLeRuSH, CedricA, Sphinx, Mila Saint Anne, Catalaburro, VifArgent, goofy, @paul_playe, Miles, Alpha + anonymes)

Est-ce que les élèves en achètent ? NON

J’écris ceci sur un netbook. J’ai un iPad mais je ne rêve pas de m’en servir pour faire des recherches, prendre des notes, écrire ou pour mon travail. Je m’en sers à la maison comme une sorte de matériel de découverte, davantage pour « chercher, regarder et découvrir » que pour « écrire, créer et travailler ». Mes enfants ne s’en servent jamais. Quand je leur demande si certains de leurs camarades en ont acheté, ça les fait rire. De toute façon, « pour le même prix on a des ordinateurs portables ». Ils veulent un truc pour aller sur Facebook, lire leurs courriels, éditer du son ou de la vidéo, jouer, programmer et télécharger. Sur mes deux garçons, l’un a un MacBook, l’autre un PC survitaminé. Je ne m’en sers jamais dans la mesure où j’ai surtout besoin d’écrire et de communiquer — c’est simplement trop malcommode et limité.

Est-ce que les étudiants en achètent ? NON

Que ce soit à l’école, au lycée ou à l’université, il semble que les jeunes préfèrent les ordinateurs, que ce soit pour prendre des notes, écrire des devoirs ou autres choses. Ils veulent la souplesse d’un ordinateur complet, pas un appareil qui ait un look sympa. Les tablettes n’ont pas envahi nos bibliothèques. Les étudiants font des recherches, communiquent et, par-dessus tout, ont besoin d’écrire des quantités non négligeables de texte, voire de code. Les tablettes ne le font pas pour eux.

Est-ce que les employés s’en servent ? NON

Et puis il y a l’entreprise. Je n’ai pas encore vu une entreprise qui ait décidé de généraliser les iPad ou des tablettes si ce n’est pour des raisons ésotériques tournant autour de leur image de communicants. Encore une fois, les gens au travail veulent un ordinateur complet et connecté qui leur permet de faire des tâches fonctionnelles rapidement. Quand je vois des iPad sur un lieu de travail, ils sont généralement entre les mains de personnes d’un certain âge qui prennent des notes (lentement) avec un seul doigt, qui se débattent pour télécharger des documents et des feuilles de calcul et qui sont souvent les mêmes qui demandent une copie papier de tous les documents de travail avant la réunion. Un netbook à 299 £, pas de papier : ça me satisfait.

Alors pourquoi cet engouement pour les tablettes et les iPad dans les écoles ?

Mis à part ces motivations d’achat, pourquoi cette obsession des iPad ? Je n’ai pas été séduit et je n’achèterai pas le package. Si comme moi vous considérez que l’enseignement doit faire émerger des individus autonomes qui peuvent construire une vie dans laquelle ils se sentent en confiance avec la technologie, acquièrent des compétences grâce à elle et en retirent le maximum à la maison ou au boulot, alors un iPad ou une tablette est un mauvais choix et voici selon moi pourquoi…

1. L’écriture

La capacité à écrire se retrouve au cœur de l’éducation primaire, secondaire et supérieure. Les enfants ont besoin d’être encouragés à beaucoup écrire pour apprendre, que ce soit en prenant des notes, en rédigeant des devoirs, des rapports, des manipulations de données, des écrits d’invention ou des dissertations. Les claviers des écrans tactiles sont inconfortables avec des taux d’erreur élevés et la manière de sauvegarder, travailler en réseau, ou d’imprimer est tortueuse. On revient à l’ardoise victorienne, voire bien pire en fait. J’en possède une et je trouve qu’il est plus facile d’écrire sur cette ardoise plutôt que de taper sur un iPad. Fait intéressant, en leur fournissant un appareil si hostile à la création de l’écriture, vous pouvez faire passer l’envie d’écrire aux élèves débutants. Répondre à cela en disant qu’il est possible d’acheter des claviers pour les tablettes revient à admettre une défaite. C’est répondre que les tablettes ne fonctionnent que si vous les transformez en ordinateur. À quels coûts supplémentaires ?

2. La créativité

Les tablettes sont faites pour consommer du contenu, les ordinateurs (portables) permettent la création de contenus. Ce n’est pas parce que les choses sont belles sur un iPad qu’elles sont faciles à faire avec celui-lui. Les outils de création dans la plupart des domaines de l’art et du design sont très différents des outils de diffusion. Essayez d’utiliser Photoshop, Illustrator ou encore 3D Studio sur une tablette. Essayez de faire une sélection pixel par pixel, d’utiliser des calques, de faire des ajustements précis. L’écran n’est tout simplement pas assez grand pour ce genre de travail. C’est un appareil que l’on tient à la main, pas un outil de travail. Les tablettes sont rares dans le monde du travail où l’écriture demeure nécessaire. La maîtrise du clavier et les compétences sur d’autres appareils dont vous pouvez avoir besoin dans la vraie vie ont peu de chances d’être acquises grâce à l’iPad.

3. L’informatique, les TIC (Technologies de l’Information et de la Communication), la programmatue je passe ion

Peu importe le but de l’apprentissage de l’informatique, de la programmation ou des technologies de l’information à l’école, je ne pense pas que l’iPad ou les tablettes soient appropriés. Apprendre à manipuler un tableur sur un iPad est pénible. Vouloir apprendre à programmer avec, ridicule. Quelle personne sensée voudrait utiliser une interface tactile pour programmer, ce qui implique beaucoup d’écritures détaillées, supprimant, ajoutant des lignes, aussi bien que dans un environnement plus ouvert ?

4. Un appareil de consommation, pas d’apprentissage

Par-dessus tout, un iPad est un outil de consommateur, fait pour lire et pas pour écrire. Il a un rôle à jouer dans les apprentissages, particulièrement au niveau pré-scolaire pour les tout-petits, mais au-delà, il n’y a pas d’argument sérieux pour justifier un investissement de grande ampleur dans ce genre de matériel. La meilleure preuve en est que quand les élèves ou les étudiants s’équipent en informatique, ils n’achètent pas de tablettes. Ils achètent des ordinateurs de bureau, des netbooks ou des ordinateurs portables.

5. Inadéquation avec les besoins des enseignants

Il y a l’exemple d’une école qui avait échangé ses ordinateurs portables contre des tablettes, et qui souhaite aujourd’hui faire machine arrière. « La salle des profs se lamente », car les problèmes pédagogiques sont évidents. D’un point de vue technique, les enseignants ont vécu cela comme un cauchemar. La plupart des enseignants et le matériel pédagogique qu’ils utilisent s’appuient sur Word et PowerPoint, et l’utilisation de tablettes a entraîné des problèmes d’incompatibilité. Certains professeurs ont dû faire héberger leur contenu à l’extérieur de l’établissement, ce qui a posé des problèmes d’accès aux ressources. Il y a également des problèmes d’affichage avec l’écran au format 4:3 des iPad, des problèmes d’accès à Internet au travers des proxy. Mais le principal problème reste la capacité de stockage et le manque de ports USB. Cela implique l’utilisation de procédures plus complexes, comme par exemple l’usage de DropBox et de tous les problèmes afférents. Les tablettes ne sont pas des outils adaptés aux enseignants. Sans une véritable connaissance des logiciels et des besoins des enseignants, il n’y a aucune plus-value pour les apprenants.

6. Le prix élevé

Les iPad sont chers à l’achat et à l’entretien, et sont compliqués à mettre en œuvre en termes de réseau et de périphériques. Ils sont conçus pour être utilisés à la maison et non à l’école, dans les laboratoires ou les salles de classe. Ce constat a été dressé par l’Honnywood Community Science School, une école qui vient tout juste de se créer, qui a acheté 1200 iPad pour un montant de 500000€ , dont la moitié sont maintenant inutilisables. Il existe donc une réelle interrogation sur la solidité de la technologie à l’école et dans les sacs des élèves, où ces équipements sont malmenés, tombent et sont rayés. Pire encore, 20% de ceux qui ont été envoyés en réparation en sont à leur deuxième ou troisième retour au SAV. Bien qu’il ait été demandé 50€ aux parents par tablette, ces dernières coûtent en réalité 450€ et les élèves ne semblent pas prendre particulièrement soin de quelque chose qu’ils n’ont pas acheté. Le coût final, quand on ajoute les réparations, est encore plus élevé que prévu.

7. Des projets vaniteux

Une personne très bien informée, ayant participé à une réunion dans les hautes sphères du gouvernement qui a décidé d’introduire les tablettes à l’école, m’a dit que cela avait été pénible et bordélique. Les tablettes, données par une entreprise informatique, furent bien livrées à l’école, où le chef de l’établissement les dissimula aux autres enseignants. C’est exactement comme cela qu’il ne faut PAS introduire les nouvelles technologies dans les écoles : acheter des appareils à la mode en grande quantité, les distribuer dans de belles boites et espérer que tout ira bien. C’est le danger avec ces projets fondés sur des tablettes, nous nous basons rarement sur une analyse poussée pour choisir la technologie la plus appropriée, nous avons plutôt tendance à nous baser sur le fait qu’Apple est à la mode ou sur les conseils des fans de cette marque. Nous devons éviter de faire comme tout le monde et de mettre en place des projets prétentieux qui présupposent que ce qui est cool pour les consommateurs adultes sera cool pour l’école.

J’ai passé toute ma vie d’adulte à encourager l’adoption des technologies dans l’enseignement mais je veux être sûr qu’on ne se tire pas une balle dans le pied avec des projets qui n’ont pas pris en compte les sept points ci-dessus. Pour être honnête, je ne suis pas du tout certain du bien-fondé d’une technologie imposée aux salles de classe. Laissons les enseignants enseigner et, si vous introduisez ce genre de choses, réservez plutôt une bonne part du budget à leur formation.

Conclusion

Une bonne technologie a toujours du style, et les iPad en ont à revendre, mais c’est un style qui attire les adultes, pas les enfants. Je peux comprendre l’utilité des tablettes pour des jeunes enfants, de 3 à 9 ans, et peut-être ayant des besoins spécifiques. Mais une fois acquis les rudiments, les iPad sont un luxe que les écoles ne peuvent pas se permettre. Ils ne sont pas non plus souhaitables, au regard de l’apprentissage que dispensent les écoles à grande échelle. Ces initiatives sont souvent menées avec un but technologique et non pédagogique.

Remarquez que tout cela ne constitue pas une attaque contre les iPad et les tablettes. J’en ai acheté une et je trouve ça bien. C’est un ensemble d’arguments contre leur utilisation dans l’enseignement. Les élèves à l’école, au lycée et à l’université ne les achètent pas avec leur argent. Pas plus qu’il ne les utilisent lorsqu’ils en ont le choix. Même s’ils étaient fournis, ces outils sont largement inadaptés à l’écriture, aux besoins de l’informatique, des technologies de l’information, de la programmation ou encore des autres tâches lors du cursus scolaire. Cela est principalement lié au fait que ce sont des appareils de consommation, passifs et non pas actifs, utilisés pour lire et non écrire, avec une mise en avant de la consommation et non de la création. Ils ne sont certainement pas adaptés à l’éducation.

P.S. : Je suis conscient de passer peut-être à côté de quelque chose mais j’ai hâte de voir les recherches sur les améliorations effectives dans les acquisitions, par opposition aux enquêtes qualitatives et aux questionnaires.

Crédit photo : Urban Hippie Love (Creative Commons By-Sa)




L’éducation utilise une licence Creative Commons défectueuse, par R. Stallman

Nous vous proposons ci-dessous la traduction d’un récent article de Richard Stallman sur l’usage des licences Creative Commons dans l’éducation.

Et c’est bien le pluriel de ces licences Creative Commons qui pose problème. Le choix majoritaire de la fameuse clause non commerciale NC serait contre-productive voire toxique dans le champ considéré ici.

« J’exhorte Creative Commons à prendre position et à déclarer que les œuvres censées être utilisés en pratique, y compris la documentation pédagogique et les œuvres de référence soient, comme les logiciels, diffusés uniquement sous des licences libres… Les licences CC BY-NC et CC BY-NC-SA, telles qu’elles existent aujourd’hui, doivent être évitées. »

L’occasion également pour Stallman de rappeler que cohabitent au sein des Creative Commons des licences libres et d’autres non libres, et que ces dernières sont tout à fait acceptables voire légitimes lorsqu’il s’agit d’œuvres artistiques ou d’opinion (ce qui n’est donc pas le cas pour l’éducation).

Un article à confronter avec celui de Calimaq sur Owni : Le non commercial, avenir de la culture libre.

Preliminares 2013 - CC by-sa

L’éducation en ligne utilise une licence Creative Commons défectueuse

On-line education is using a flawed Creative Commons license

Richard Stallman – version du 14 janvier 2013 – Site personnel
(Traduction du 28 janvier 2013 : albahtaar, Vrinse, goofy, MdM, aKa, KoS, FirePowi, Thérèse, Penguin, revue et corrigée par Richard Stallman)

Des universités de premier plan utilisent une licence non-libre pour leurs ressources d’enseignement numérique. C’est déjà une mauvaise chose en soi, mais pire encore, la licence utilisée a un sérieux problème intrinsèque.

Lorsqu’une œuvre doit servir à effectuer une tâche pratique, il faut que les utilisateurs aient le contrôle de cette tâche, donc ils ont besoin de contrôler l’œuvre elle-même. Cela s’applique aussi bien à l’enseignement qu’au logiciel. Pour que les utilisateurs puissent avoir ce contrôle, ils ont besoin de certaines libertés (lisez gnu.org), et l’on dit que l’œuvre est libre. Pour les œuvres qui pourraient être utiles dans un cadre commercial, les libertés requises incluent l’utilisation commerciale, la redistribution et la modification.

Creative Commons publie six licences principales. Deux sont des licences libres : la licence « Partage dans les mêmes conditions » CC BY-SA est une licence libre avec gauche d’auteur (en anglais, « copyleft ») forçant l’utilisation de la même licence pour les œuvres dérivés, et la licence « Attribution » (CC BY) qui est une licence libre sans gauche d’auteur. Les quatre autres ne sont pas libres, soit parce qu’elles ne permettent pas de modification (ND) soit parce qu’elles ne permettent pas d’utilisation commerciale (NC).

Selon moi, les licences non libres qui permettent le partage sont légitimes pour des œuvres artistiques ou de divertissement. Elle le sont également pour des œuvres qui expriment un point de vue (comme cet article lui-même). Ces œuvres ne sont pas dédiés à une utilisation pratique, donc l’argument concernant le contrôle par l’utilisateur ne s’y applique pas. Ainsi, je ne vois pas d’objection à ce qu’elles soient publiées sous licence CC BY-NC-ND, qui ne permet que la redistribution non commerciale de copies identiques à l’original.

L’utilisation de cette licence pour une œuvre ne signifie pas qu’il soit totalement impossible de la publier commercialement ou avec des modifications. La licence n’en donne pas la permission, mais vous pouvez toujours demander la permission au détenteur du droit d’auteur, peut-être avec un contrepartie, et il se peut qu’il vous l’accorde. Ce n’est pas obligé, mais c’est possible.

Cependant, deux des licences non libres CC mènent à la création d’œuvres qui, en pratique, ne peuvent pas être publiées à des fins commerciales, car il n’existe aucun moyen d’en demander l’autorisation. Ce sont les licences CC BY-NC et CC BY-NC-SA, les deux licences CC qui autorisent les modifications mais pas l’utilisation de manière commerciale.

Le problème survient parce que, avec Internet, les gens peuvent facilement (et légalement) empiler les modifications non-commerciales les unes sur les autres. Sur des décennies, il en résultera des œuvres avec des centaines, voire des milliers de contributeurs.

Qu’arrive-t-il si vous voulez utiliser commercialement l’une de ces œuvres ? Comment pouvez-vous en obtenir l’autorisation ? Il vous faut demander aux principaux titulaires de droits. Peut-être que certains d’entre eux ont apporté leur contribution des années auparavant et sont impossibles à retrouver. D’autres peuvent avoir contribué des décennies plus tôt, ou même sont décédés, mais leurs droits d’auteur n’ont pas disparu avec eux. Il vous faut alors retrouver leurs descendants pour demander cette autorisation, à supposer qu’il soit possible de les identifier. En général, il sera impossible de se mettre en conformité avec les droits d’auteur sur les œuvres que ces licences incitent à créer.

C’est une variante du problème bien connu des « œuvres orphelines », mais en pire, et ce de manière exponentielle ; lorsque l’on combine les œuvres de très nombreux contributeurs, le résultat final peut se trouver orphelin un nombre incalculable de fois avant même d’être né.

Pour éliminer ce problème, il faudrait un mécanisme impliquant de demander l’autorisation à quelqu’un (faute de quoi la condition NC devient sans objet) mais pas de demander l’autorisation à tous les contributeurs. Il est aisé d’imaginer de tels mécanismes ; ce qui est difficile, c’est de convaincre la communauté qu’un de ces mécanismes est juste et d’obtenir un consensus pour l’accepter.

Je souhaite que cela puisse se faire, mais les licences CC BY-NC et CC BY-NC-SA, telles qu’elles existent aujourd’hui, doivent être évitées.

Malheureusement, l’une d’entre elle est très utilisée. La CC BY-NC-SA, qui autorise la publication non commerciale de versions modifiées sous la même licence, est devenue à la mode dans le milieu de la formation en ligne. Les Open Courseware (didacticiels « ouverts ») du Massachusetts Institute of Technology (MIT) l’ont lancée, et de nombreux autres établissements d’enseignement ont suivi le MIT dans cette mauvaise direction. Alors que, pour les logiciels, « open source » signifie « probablement libre mais je n’ose pas communiquer à ce sujet donc tu dois vérifier toi-même », dans la plupart des projets d’enseignement en ligne « open » veut dire « non libre, sans aucun doute ».

Quand bien même le problème posé par les CC BY-NC-SA et BY-NC serait résolu, elles continueront de ne pas être la bonne façon de publier des œuvres pédagogiques censées servir à des tâches pratiques. Les utilisateurs de ces œuvres, enseignants et étudiants, doivent avoir le contrôle de leur travail, et cela requiert de les rendre libres. J’exhorte Creative Commons à prendre position et à déclarer que les œuvres censées être utilisés en pratique, y compris la documentation pédagogique et les œuvres de référence doivent être, comme les logiciels, diffusés uniquement sous des licences libres.

Éducateurs, enseignants, et tous ceux qui souhaitent contribuer aux œuvres de formation en ligne : s’il vous plaît, veillez à ce que votre travail ne devienne pas non libre. Offrez votre aide et vos textes à des œuvres pédagogiques qui utilisent des licences libres, de préférence des licences de gauche d’auteur de façon à ce que toutes les versions de l’œuvre respectent la liberté des enseignants et des étudiants. Ensuite, invitez les projets éducatifs à utiliser et redistribuer ces œuvres sur ces bases de respect de la liberté, s’ils le souhaitent. Ensemble, nous pouvons faire de l’éducation un champ de liberté.

Copyright 2012 Richard Stallman
Publié sous licence Creative Commons Attribution – Pas de Modification 3.0 (CC BY-ND 3.0)

Crédit photo : Preliminares 2013 (Creative Commons By-Sa)




Pour ou contre l’iPad à l’école ? Le cas de la Corrèze

Fin 2010, François Hollande annonçait (sans cacher sa fierté pour son département) que la Corrèze avait décidé de mettre un iPad entre les mains de tous les élèves de Sixième dans le cadre du projet Ordicollège.

On peut voir ici en vidéo l’intégralité de son allocution. On y parle d’« égalité », de « meilleur outil pour réussir », on y parle aussi d’un « coût de 1,5 million d’euros ».

Cette opération ayant été reconduite cette année, l’association P.U.L.L.CO (Promotion de l’Utilisation des Logiciels Libres en COrrèze) a décidé de réagir en convoquant la presse et surtout en publiant une lettre ouverte au président du Conseil Général. Ce dernier y a répondu en apportant ses propres arguments.

Cet échange nous a semblé suffisamment intéressant et révélateur pour que nous décidions de le reproduire ci-dessous.

Brad Flickinger - CC by

iPads au collège : lettre ouverte au président du Conseil Général

URL d’origine du document

Association P.U.L.L.CO – 26 janvier 2013

Lettre ouverte adressée au Président du Conseil Général de la Corrèze Gérard Bonnet.

Monsieur le Président,

C’est avec une grande déception et une pointe de colère que nous apprenons que le Conseil Général a reconduit la distribution d’iPad aux collégiens corréziens dans le cadre de l’opération Ordicollège.

Lors de son lancement en 2008, l’opération Ordicollège avait fait le choix courageux et intelligent d’équiper les collégiens en matériel informatique fonctionnant grâce à des logiciels libres. Ce choix est depuis 3 ans remis en cause par l’arrivée des iPads, un produit sans clavier, dont les qualités pédagogiques restent à démontrer.

Les logiciels libres reposent sur les libertés que confère la licence d’un logiciel à ses utilisateurs. Ils sont alors libres de les utiliser, de les copier, de les étudier, de les adapter et de les redistribuer, en version originale ou modifiée. Les logiciels libres mettent le plus souvent en œuvre des standards ouverts qui garantissent l’accessibilité aux données et leur réutilisation à des fins d’interopérabilité entre systèmes et logiciels actuels et futurs.

Ce modèle revêt de nombreux intérêts. Tout d’abord il permet une libre circulation des logiciels et le partage du savoir. Chacun peut ainsi s’approprier la connaissance accumulée et l’enrichir de son propre savoir, faisant du logiciel libre un bien commun. Ce modèle rend de fait la distribution de logiciels gratuits possible, ce qui permet leur diffusion au plus grand nombre. Ainsi, avec le modèle du logiciel libre, nul ne peut être exclu de l’accès au savoir, ni de l’accès aux ressources numériques.

Par ailleurs, ce modèle favorise la relocalisation du développement du logiciel au plus près des utilisateurs finaux. Ainsi, l’investissement dans l’économie du logiciel libre permet des retombées économiques locales au lieu de les transférer vers les principaux éditeurs propriétaires, souvent installés aux États-Unis. ll existe des solutions libres à la plupart des usages informatiques. Si elles n’existent pas encore, il suffit d’en financer le développement pour que chacun en profite. Il est donc possible de remettre en cause les positions dominantes d’éditeurs propriétaires à l’origine de situation de dépendance technologique. Pour un investisseur institutionnel tel qu’une collectivité territoriale comme le Conseil Général, ces préoccupations nous semblent prioritaires.

C’est d’ailleurs en ce sens que va la récente réponse du Ministère des PME, de l’innovation et de l’Économie numérique, à une question écrite du député Jean-Jacques Candelier. Cette dernière rappelle les principaux avantages du logiciel libre. D’abord pour les individus, car « chacun peut s’approprier la connaissance » et « nul ne peut être exclu de l’accès au savoir » avec le logiciel libre ; mais aussi pour l’État, pour lequel le logiciel libre « constitue une opportunité qu’il convient de saisir », et pour les industries européennes enfin, notamment en raison de l’indépendance technologique qu’il permet. La position du ministère de Fleur Pellerin fait d’ailleurs suite à la circulaire de Jean-Marc Ayrault sur l’usage des logiciels libres dans les administrations allant dans le même sens.

En choisissant d’équiper les collégiens d’iPad, en plus d’enrichir une entreprise privée américaine avec nos impôts, le Conseil Général de la Corrèze se rend coupable d’enfermer l’ensemble des collégiens corréziens dans le carcan d’Apple. Les usages sont ainsi limités à ce que l’entreprise a décidé ou permis. L’utilisateur n’a pas la possibilité d’explorer l’outil pour le comprendre, ni de l’adapter à ses besoins. Il est contraint d’adapter ses besoins à l’outil. Par exemple le choix volontaire d’Apple d’interdire l’usage de certaines technologies comme Flash et Java sur ses tablettes rend impossible l’accès à certaines ressources éducatives mises à disposition sur les sites web de Sesamath (en Flash) et de Geogebra (en Java).

Par ailleurs, Apple utilise des Mesures Techniques de Protection (MTP ou DRM) pour restreindre les libertés des utilisateurs de diverses manières. Pour ne citer que deux exemples, il est impossible d’installer un logiciel ne provenant pas de l’AppStore officiel, qui n’est contrôlé que par l’intérêt commercial de la firme, et l’usage des films achetés sur iTunes est surveillé. De plus, le contournement de ces restrictions est interdit et considéré par Apple comme un acte criminel.

Plus grave : les données personnelles de tous les collégiens sont menacées. En effet, l’usage de l’iPad contraint ses utilisateurs à enregistrer des données personnelles dans des bases de données détenues par Apple aux États-Unis, c’est-à-dire en dehors du pouvoir de contrôle de la CNIL, censée protéger les données personnelles des citoyens français. De plus, l’usage de ces tablettes, de par leur manque de capacité de stockage, contraint les utilisateurs à enregistrer leurs données ailleurs, souvent dans le « Cloud », en utilisant des services comme Dropbox. Là encore, les données des utilisateurs échappent à leur contrôle au profit d’intérêts commerciaux étrangers et soumises à des lois qu’ils ne connaissent pas.

En outre, la société Apple exerce un filtrage arbitraire sur les logiciels (les « apps ») téléchargeables sur les dispositifs sans clavier qu’elle commercialise (tablettes, téléphones, baladeurs numériques…). La gestion des mises à jour des-dits logiciels est elle aussi particulièrement problématique : les anciennes versions des logiciels ne sont pas accessibles au téléchargement, ce qui a pour conséquence de provoquer une obsolescence artificiellement accélérée des dispositifs qui les accueillent. Ainsi, alors qu’un ordinateur sous GNU/Linux n’est limité dans le temps que par la durée de vie du matériel, un iPad deviendra obsolète lorsque les applications seront déclarées comme n’étant plus installables.

Enfin, ce contrôle monopolistique forcément intéressé est déjà un problème pour les consommateurs de technologies aisés, mais c’est un désastre pour les moins nantis. Le fossé se creuse entre ceux qui ont les moyens d’acheter des applications sur le magasin en ligne d’Apple et ceux qui ne les ont pas. Est-ce le rôle de l’école que d’exacerber les inégalités économiques et sociales des familles ? Est-ce le rôle du Conseil Général de financer ce choix discriminant ? Est-ce le rôle du Conseil Général d’apprendre aux élèves à être les consommateurs d’Apple ?

L’objectif est-il de mettre un appareil connecté dans les mains de chaque collégien, quel qu’en soit le prix et en dépit de leur liberté ? Ou devrions-nous plutôt fournir des outils qui encouragent les élèves et les enseignants au partage de la connaissance en mettant à leurs disposition un environnement dans lequel ils ont la possibilité de résoudre eux-mêmes leurs problèmes ? Pour nous, l’éducation c’est de la créativité, de l’ingéniosité et du partage ; toutes ces caractéristiques étant bien plus puissantes dans le monde du libre que dans celui, verrouillé et rigide, de la tablette numérique du géant américain.

En choisissant de distribuer des iPad aux collégiens, le Conseil Général de la Corrèze a fait le choix politique de suivre un effet de mode, en privilégiant le paraître au bon sens. Ce choix démagogique a un prix, celui de l’aliénation des élèves et des enseignants ainsi que l’évaporation de l’investissement public au seul profit des intérêts d’une entreprise commerciale étrangère.

Ce choix aurait pu être différent, il aurait pu être celui de la liberté, de l’égalité et de la fraternité en choisissant un autre modèle de société, celui, globalisé du nord au sud, du bien commun et du logiciel libre. Les moyens investis depuis de nombreuses années l’auraient été de façon bien plus pérenne en aidant à concevoir une tablette et des ressources numériques libres. De nombreux projets existent déjà et sauraient profiter de l’aide des collectivités territoriales et de la puissance publique pour le bénéfice de tous.

Nous restons à votre entière disposition pour vous apporter plus de précisions sur nos positions et vous faire part de nos propositions pour l’avenir de l’opération Ordicollège.

Librement.

L’association Pullco

Devon Christopher Adams - CC by

Réponse à l’association Pullco

URL d’origine du document

OrdiCollège – 30 janvier 2013

Mettre en avant que la tablette est un produit sans clavier tout en argumentant sur la nécessité de faire le choix de tablettes françaises comme le fait l’association Pullco (« il existe des tablettes françaises compétitives », La Montagne, 29/01/13), (« Pourquoi utiliser des tablettes Apple alors que nous avons des tablettes françaises, Archos », L’Echo de la Corrèze, 28/10/13) interroge : la tablette Apple serait donc un produit de moindre qualité que la tablette Archos (également fabriquée en Chine), alors qu’aucune des deux n’a de clavier physique ?

Les collectivités locales sont soumises à une réglementation précise et contraignante dans le cadre des marchés publics. Pour Ordicollège, il s’agit d’un appel d’offres européen, qui a été remporté par une société française et non par Apple. Aucune offre de matériel « français » n’a été déposée, pas plus que d’offres sous environnement « libre ».

Le budget engagé par le Conseil général n’est pas uniquement destiné à l’acquisition du matériel, il revient pour une bonne part à la société française qui a remporté le marché. La chaîne de préparation, la logistique, la gestion administrative, représentent des emplois. La fabrication de la coque de protection a été confiée à une société française, les équipes techniques du constructeur le sont également.

L’association Pullco défend le logiciel libre selon quatre principes : la liberté d’exécuter le programme sans restrictions, la liberté d’étudier le fonctionnement du programme, la liberté de redistribuer des copies du programme, la liberté d’améliorer le programme et de publier ses améliorations. Cette approche, parfaitement recevable, ne répond pas pour autant aux objectifs fixés dans le cadre d’Ordicollège.

Le Conseil général de la Corrèze a fait le choix, depuis 2008, d’équiper les collégiens dans le but de favoriser les apprentissages et la réussite scolaire, notamment pour les élèves en difficulté, et de réduire la fracture numérique. Sans conditions de ressources, ni contraintes liées à la nécessité d’un abonnement internet au domicile. Objectif atteint, comme en atteste le rapport réalisé par la mission d’évaluation de l’Inspection générale de l’Education nationale. Rapport qui souligne également le choix judicieux de la tablette.

Pédagogiquement, cette opération s’inscrit dans la mise œuvre au Collège des compétences définies par le référentiel Education nationale B2i (brevet informatique et internet, mis à jour en décembre 2011).

Le B2i porte sur les pratiques, « les évolutions d’Internet et le développement des usages pédagogiques du numérique afin de mieux préparer les élèves à un usage responsable de ces technologies » ; les objectifs sont les suivants : acquérir, stocker et traiter des informations pour produire des résultats, être un utilisateur averti des règles et des usages de l’informatique et de l’internet, composer un document numérique, chercher et sélectionner l’information demandée, communiquer, échanger.

L’informatique n’est pas une matière enseignée au collège. Ce sont ses usages qui sont au programme et le logiciel (ou application) ne représente qu’une infime part dans ce contexte. Il convient au passage de ne pas faire d’amalgame entre logiciels et ressources pédagogiques, ces dernières pouvant fonctionner avec un logiciel ou de façon autonome.

A partir de ce constat, il est facile de comprendre que les objectifs défendus par l’association Pullco sont éloignés du contexte d’Ordicollège.

L’exclusion de l’accès au savoir n’est pas un argument recevable, chaque collégien étant destinataire du même matériel, des mêmes logiciels. Pas plus que l’idée d’un « enfermement dans le carcan » d’un constructeur. Les fonctionnalités d’un navigateur internet, d’un traitement de texte ou d’un tableur sont identiques, quel que soit l’environnement système.

Au collège, ce sont les bases nécessaires à l’utilisation et à la compréhension de ces outils qui sont enseignées, sachant que plus tard, l’utilisateur sera libre de faire le choix de son environnement personnel, mais qu’il devra aussi s’adapter à l’environnement mis en œuvre dans son cadre professionnel.

L’association Pullco met en avant l’impossibilité d’utiliser les ressources en Flash, en oubliant qu’il ne s’agit pas d’une technologie libre et que celle-ci est aujourd’hui en voie de remplacement par le HTML5. Elle avance également des arguments erronés concernant les données personnelles des élèves : les informations nécessaires sont gérées via des adresses génériques (ex. : tab2019@ordicollege), un alias nominatif étant uniquement ajouté sur le compte de messagerie.

Concernant le téléchargement de logiciels (apps) sur les tablettes, bon nombre sont gratuites et utilisées dans le cadre d’Ordicollège. Par contre, il n’a jamais été question de faire payer des apps aux parents, l’utilisation de cartes bancaires étant interdite dans le cadre de la mise à disposition des tablettes.

Face aux arguments développés par l’association Pullco, il y a la réalité du monde des technologies. Qu’un matériel soit davantage plébiscité qu’un autre ne relève pas uniquement de la communication mise en œuvre par son fabricant. Les utilisateurs savent également faire preuve de discernement.

L’association Pullco comprend parmi ses adhérents des spécialistes des programmes informatiques et c’est tout à son honneur. Mais l’immense majorité des usagers du numérique ne sont pas des passionnés des systèmes ou des entrailles des matériels et des logiciels, ce qui ne signifie pas pour autant que l’on puisse parler pour eux d’alinéation. Cela dit, il est dommage que Pullco n’ait jamais engagé la moindre démarche envers Ordicollège ou pris contact avec ses animateurs pour se renseigner à la source sur l’opération.

Les dirigeants de l’association auraient pu recueillir des informations vraies et précises, notamment sur le travail de recherche et de développement effectué dans le cadre d’Ordicollège. Ainsi, les responsables d’Unowhy, société française ayant remporté l’appel à projets du Ministère de l’Education, qui développent une tablette française (pour l’assemblage seulement) sur la base d’un environnement Linux, étaient en Corrèze le 28/01/2013 pour une réunion de travail sur Ordicollège. Pour eux, la Corrèze est le département le plus en avance dans les usages pédagogiques du numérique et même loin devant les opérations engagées ailleurs en France.

Crédit photos : Brad Flickinger et Devon Christopher Adams (Creative Commons By)




Tour de France du Numérique pour l’Éducation ou pour Microsoft ?

Nous sommes en 2013 et nous n’avons toujours pas réussi à éradiquer ce triste symptôme qui frappe depuis des années l’Éducation nationale française, à savoir la marchandisation Microsoft de nos écoles et son malheureux corollaire : le déni volontaire du logiciel libre et de sa culture.

Dernier exemple en date, cette initiative qui de prime abord semble tout aussi innocente que louable : le « Tour de France du Numérique pour l’Éducation ».

Elle est ainsi présentée sur le site du projet :

Le Café Pédagogique et le réseau SCEREN (CNDP-CRDP) sont heureux de vous inviter à l’étape du Tour de France du Numérique pour l’Éducation qui se tiendra dans votre région.
Ce rendez-vous sera l’occasion de rencontres et d’échanges sur des pratiques pédagogiques innovantes autour du numérique. Venez rencontrer des enseignants innovants.
Découvrez leurs projets et leurs usages des nouvelles technologies numériques en classe de l’école au lycée.
Venez tester les nouveautés dans les domaines des équipements, solutions et contenus numériques pour l’enseignement.
Nous vous attendons nombreux !

Si vous êtes un lecteur régulier de longue date du Framablog, vous savez qu’il faut se méfier de la marque déposée « enseignants innovants » du Café Pédagogique et de son principal bailleur de fonds Microsoft (cf tous ces billets passés mais aussi ce remarquable article de feu OWNI Microsoft programme l’école). Et pourtant nous aurions tant aimé qu’il n’en aille pas de même cette fois-ci…

Déjà observons le look du site (Edit : Comme cela a été signalé dans les commentaires, l’image de la page en question a, tiens, tiens, changé depuis. On n’y voit plus que deux enfants derrière un écran anodin, fini l’ostensible tablette Windows 8 !) :

Tour de France du Numérique pour l'Éducation

Quelles jolies couleurs, quelle jolie typographie et surtout quelle jolie tablette, n’est-ce pas ! Dans la mesure où nous avons tous été matraqués (sans le souhaiter) de publicités Windows 8 depuis la rentrée, il n’y a plus qu’à faire le rapprochement. Et, en effet, on apprend tout en bas que Microsoft est partenaire de l’opération.

Le principe, si j’ai bien compris, c’est donc de parcourir la France avec un programme identique qui se déroule au cours d’un après-midi. Des ateliers sont proposés. Extraits :

Atelier 1 : Les tablettes pour l’Education : Lors de cette session nous vous présenteront les nouvelles tablettes sous Windows 8 : le meilleur de la tablette et du PC pour l’équipement des enseignants et des élèves.

Atelier 4 : Les outils de gestion de la classe pour les enseignants : Avec Multipoint Server les enseignants disposent d’un outil de gestion de classe, à fin de monitorer à tout instant le travail des élèves.

Et un peu plus loin :

Opportunité d’échanger avec les enseignants de l’académie retenus pour la présentation de leurs projets innovants, de découvrir de nouvelles ressources éducatives numériques développées ou identifiées par le réseau Scérén (CNDP-CRDP), d’assister aux démonstrations de dernières innovations technologiques : tablettes Windows 8, plateformes de communication et collaboration (visio conférence, chat, réseaux sociaux…), des expériences immersives grâce à nouveaux terminaux comme la table PixelSense, des outils de gestion de la classe…

Windows 8 est donc le dernier système d’exploitation de Microsoft (qui joue gros sur ce coup-là, ceci expliquant certainement cela). Multipoint Server est évidemment une solution « simple et économique » de Microsoft « qui permet à davantage d’étudiants et d’enseignants d’accéder aux nouvelles technologies, tout en améliorant l’apprentissage et en aidant les étudiants à relever les défis d’une économie globale ». Quant à PixelSense, je ne sais pas trop ce que c’est (et je m’en fous) sauf que c’est encore et toujours du Microsoft.

Franchement, de qui se moque-t-on ? Je serais d’ailleurs assez curieux de savoir comment une telle manifestation est financée.

Il y a un formulaire, au format .DOC bien sûr, qui invite les enseignants à s’inscrire pour proposer leur projet pédagogique (à aucun moment il ne va leur être demandé de placer leurs travaux sous une licence Creative Commons bien sûr).

Ce qui m’attriste le plus dans cette histoire, ce sont tous ces enseignants que l’on va brosser dans le sens du poil (bravo, vous êtes « innovants ») sans se rendre compte qu’ils sont involontairement complices d’une manœuvre commerciale qui va à l’encontre même de leurs principes. Ils vont se contenter de penser être modernes sur une technologie neutre.

Des années que nous affirmons péremptoirement que ces principes éducatifs ont tout pour s’épanouir dans le logiciel libre (les ressources libres, les formats ouverts…) et non le logiciel propriétaire, dont Microsoft en est l’emblématique symbole. Mais il faut croire que nous continuons de prêcher dans le désert…

On ne peut pas trop leur en vouloir remarquez puisque le « couple habituel » Café Pédagogique / Microsoft a réussi à embarquer dans la galère le (fort peu lucide) SCEREN (CNDP-CRDP) qui apporte si ce n’est la bénédiction tout du moins la caution de l’institution.

Une fois de plus la marque et les produits Microsoft se seront placés l’air de rien et en toute discrétion dans un projet qui donne confiance et reconnaissance aux enseignants. Et c’est un peu à désespérer.

Fleur Pellerin peut bien déclarer sa flamme au logiciel libre, Jean-Marc Ayrault nous pondre une explicite circulaire en direction de l’administration ou, encore plus fort, entendre Gilles Braun, conseiller numérique de Vincent Peillon, souhaiter que « les enseignants produisent des ressources pédagogiques libres avec des logiciels libres », rien ne semble vraiment bouger du côté du Mammouth.

Que faire ? On pourrait dire (avec courtoisie) notre façon de penser au SCEREN. On pourrait s’en aller tracter sur le passage du Tour (première date : Paris, le 6 février), mais je doute de l’efficacité réelle de telles actions.

Le plus sûr est de continuer patiemment notre libre chemin en se remémorant l’actuel épilogue d’un autre Tour, bien plus célèbre cette fois. Il nous en aura en effet fallu du temps pour nous apercevoir que nous avions été trompés, mais aujourd’hui Lance Armstrong reconnaît la supercherie et se retrouve contraint à rendre des comptes…

Tour de France du Numérique pour l'Éducation




L’ado presque comme les autres avec un poster de Tux dans sa chambre

Des dizaines de milliers d’ados s’enregistrent et postent leurs vidéos sur YouTube.

Plus rares sont ceux qui ont un poster de Tux dans leur chambre 😉

Emily - Linux - YouTube

Les jeunes les plus talentueux choisissent le Libre

The most talented youth choose open source tools

Phil Shapiro – 13 décembre 2012 – OpenSource.com
(Traduction : clementd, KoS, Pouhiou, Robin Dupret, ProgVal)

Je suis bibliothécaire, j’aide les gens à utiliser les ordinateurs en libre accès. Après une longue journée de travail, j’aime à me détendre en écoutant quelques vidéos musicales sur YouTube. Grand fan de cet artiste j’ai ainsi entré « Reprise Bob Dylan cette semaine », l’autre jour, dans le moteur de recherche du site

Imaginez ma joie et ma surprise de tomber sur cette vidéo de « Knockin on Heaven’s Door » en multipistes. Mais minute ! Ce ne serait pas un poster du manchot Tux accroché au mur derrière cette jeune musicienne ? Eh si. Mmmh, est-ce que cette affiche a été sciemment placée ici ou est-ce une simple coïncidence ?

Je devais en avoir le cœur net. J’ai alors directement posé la question à la musicienne. Emily Fox me répondit qu’elle était une fan inconditionnelle des logiciels libres ! Elle utilise ainsi OpenShot, un éditeur pour créer la vidéo de sa musique.

Ça me réchauffe le cœur de voir que certains des plus grands talents de la nouvelle génération choisissent des outils libres. L’histoire ne s’arrête pas là, pourtant. L’histoire a une suite…

La semaine dernière, Emily Fox a mis en ligne la vidéo de sa dernière composition appelée « Please, Mr. Snowman » avec ses propres graphismes, simples mais superbes, réalisés avec GIMP ! Si vous aviez des doutes quant à son talent créatif, ces doutes auront peut-être disparu avec cette vidéo. Les voix sont simples et profondes. Les instruments de fond propres et bien équilibrés. Je suis impatient d’écouter les prochaines créations d’Emily et de voir ce qu’elle deviendra plus tard.

Ceci m’a fait penser aux jeunes que je rencontre dans la bibliothèque où je travaille. Certains des plus talentueux sont profondément attachés à l’utilisation des logiciels libres. Un collégien, dont l’aide m’est précieuse, me dit qu’il ne touchera aucun appareil qui utilise des DRM (Digital Rights Management). Je suis pour ma part plus modéré à ce sujet, mais je comprends son point de vue.

Une vague d’amateurs du Libre est-elle en train d’émerger à travers notre système scolaire ? Je dirais que oui. Elle n’est pas énorme, mais elle apporte un grand soutien et une grande promesse à sa diffusion. En dix ans, quelques-uns de ces jeunes créeront de nouvelles entreprises ou seront des artistes de renommée mondiale. Dans vingt ans, certains seront nos élus. Pour que cela dure, nous devons continuer nos efforts pour promouvoir le mouvement du Libre.

Et vous, par quelles petites choses allez-vous faire avancer le Libre ces jours-ci ?