Les administrations qui n’utilisent pas de standards ouverts travaillent contre celles qui le font

Issue d’un blog de la Commission européenne dédié à l’interopérabilité, la citation titre de ce billet révèle une fois de plus les difficultés que rencontrent les institutions souhaitant migrer vers le Libre.

Trois exemples, en Allemagne, Hongrie et Belgique, témoignent malheureusement du blocage du processus dont la cause principale est à chercher dans l’adoption antérieure de la suite Microsoft Office et de ses formats fermés (ou faussement ouverts).

Et tout ceci pris sur les deniers publics…

Vinoth Chandar - CC by

La migration des institutions vers l’open source est entravée par des problèmes d’interopérabilité


Interoperability problems frustrate authorities’ move to open source

Gijs Hillenius – 20 juillet 2012 – Joinup (European Commission)
(Traduction Framalang : Poupoul2, Martin, Quentin)

Les dépendances aux logiciels propriétaires des gouvernements européens, nationaux et locaux continuent de freiner les municipalités qui essaient de se séparer des carcans de leurs éditeurs en passant à l’open source. On trouve des exemples récents dans les municipalités de Fribourg en Allemagne, de Miskolcs en Hongrie et de Schoten en Belgique.

Le principal problème dans ces trois municipalités est l’interopérabilité des documents. Ce qui est grave, c’est que cela a amené la ville allemande de Fribourg à reconsidérer son usage actuel de la suite bureautique open source LibreOffice. Elle est en train d’étudier le retour à l’omniprésente suite bureautique propriétaire. Un porte-parole de la ville a annoncé plus tôt dans la semaine qu’une étude des problèmes de la suite bureautique sera livrée au conseil municipal en septembre.

La dépendance aux formats de documents et aux suites bureautiques propriétaires de toutes les autres administrations publiques est également la cause de problèmes pour la ville de Miskolcs. La ville hongroise utilise OpenOffice, une alternative à LibreOffice. Dans une étude que Joinup publiera dans les tous prochains jours, les officiels de la ville disent que dans quelques cas, l’administration est contrainte de revenir à la suite propriétaire, pour s’assurer que les documents et les macros embarquées soient compatibles : « Nous aimerions pouvoir demander à nos partenaires d’arrêter de nous envoyer des documents contenant des macros. La leçon que nous avons apprise ici est que des facteurs externes rendent impossible la migration totale vers des logiciels open source. »

Le même problème freine la ville belge de Schoten, confirme Jan Verlinder, le chef du département informatique de la ville. « La majorité des administrations publiques prend la voie facile et continue d’utiliser et de mettre à jour ses logiciels propriétaires. Les responsables de ces organisations informatiques ne semblent pas se préoccuper du fait qu’il s’agit de décisions coûteuses. En plus des coûts immédiats, cela force également leurs organisations à payer pour les mises à jours suivantes ».

Cependant, les administrations publiques prennent progressivement conscience des coûts du verrouillage des éditeurs, selon Verlinden. « Nous sommes de plus en plus approchés par d’autres gouvernements qui veulent également utiliser de l’open source pour résoudre ce problème ».

Verlinden : « Mais en réalité, les administrations qui n’utilisent pas de standards ouverts travaillent contre celles qui le font. »

« Changer pour un format de document ne dépendant pas d’un seul éditeur serait un excellent premier pas. Ça ne réclame même pas beaucoup de modifications aux logiciels ». En 2006, le gouvernement fédéral belge a rendu obligatoire l’utilisation d’un tel format, l’Open Document Format pour les documents échangés entre les administrations publiques « En pratique, il est à peine utilisé », fait remarquer Verlinden.

Crédit photo : Vinoth Chandar (Creative Commons By)




L’open data favorise-t-il nécessairement l’open source ?

Voici une question simple posée, excusez du peu, sur un des blogs du site de la Commission européenne.

On vous la pose donc à notre tour et vous attend dans les commentaires 🙂

A priori la réponse semble évidemment positive mais c’est peut-être plus compliqué que cela sur le terrain…

OpenSourceWay - CC by-sa

« Les gouvernements qui adoptent l’open data vont également adopter l’open source »

Governments that embrace open data will also switch to open source

Gijs Hillenius – 30 juin 2012 – Euopean Commission
(Traduction Framalang : Goofy, Antoine)

Les experts de l’open data s’accordent à dire que les administrations publiques qui comprennent les bénéfices qu’elles peuvent tirer de rendre publiques leurs données vont également plus utiliser du libre et de l’open source. L’open data et l’open source sont en effet souvent confrontés aux mêmes résistances : un manque de formation initiale et une crainte de l’effet qu’ils peuvent avoir sur l’organisation.

« Utiliser des logiciels propriétaires pour l’open data n’est pas aussi utile et pertinent que d’utiliser des logiciels libres », indique Jeanne Holm, l’évangéliste de data.gov, l’initiative open data du gouvernement Américain. « Il est plus facile pour les organisations, mêmes celles qui ont peu de moyens, de commencer à travailler sur des séries de données publiques avec des logiciels open source. Ce type de logiciels réunit le savoir de toute la communauté ».

Holm a été une des oratrices de la conférence sur l’interopérabilité sémantique qui a eu lieu à Bruxelles le 18 juin 2012. « Je suis une fervente avocate de l’open source, je ne suis donc pas impartiale. Cependant, ces logiciels fournissent aux gouvernements un moyen de moderniser leurs systèmes informatiques sans devenir aussi rapidement obsolète qu’avec des solutions propriétaires ».

Pour Holms, les administrations publiques ne devraient plus considérer l’open source comme controversé. « Toutes n’en voient pas encore les bénéfices car l’open source les éloigne parfois de leur situation confortable ».

Une explication similaire est donnée par Julia Glidden, une experte du e-gouvernement et la directrice générale de la société britannique 21c Consultancy. Les services IT peuvent avoir des millions de prétextes pour ne pas utiliser l’open source, selon elle. « Ils peuvent montrer du doigt le manque d’ergonomie, de robustesse, de sécurité et d’autres limitations techniques ».

De grands dépensiers

Glidden déclare que la migration en faveur de l’open source est largement une affaire de gestion du changement. L’open source menacerait la carrière des responsables informatiques. Cela change la relation qu’ils ont avec les gros vendeurs d’informatique et impacte négativement les budgets importants qui leurs sont alloués. « Ils considèrent l’open source comme une menace pour leur carrière et leur position acquise au sein de l’organisation. ». Pour elle, il en va de même pour l’open data. « Ils craignent, par exemple, de perdre leur emploi en cas d’utilisation abusive de ces données ».

De manière plus positive, les administrations publiques peuvent maintenant obtenir de l’aide sur le marché pour utiliser de l’open source dit-elle. On a atteint un seuil d’acceptation critique. « Il y a des vendeurs, des prestataires de service. Ce n’est pas le cas pour l’open data. Il y a besoin de consultants pour les aider à changer d’approche avec ce genre de partage de l’information ».

D’après Glidden, l’open data et l’open source se renforcent mutuellement. « La gouvernance fermée est morte, c’est juste une question de temps. Ils vont migrer vers de l’open source, ils feront de même pour l’open data ».

La philosophie du gouvernement

Katleen Janssen, une chercheuse au centre interdisciplinaire pour le droit et les TIC à l’Université catholique de Louvain est moins convaincue de l’existence d’un lien direct entre open data et open source. « Si l’open data fait partie de la philosophie des administrations publiques, elles vont également migrer vers de l’open source. Cependant, si elles pratiquent l’open data parce que tout le monde le fait ou parce qu’elles y sont contraintes, l’effet sera plus restreint ».

Crédit photo : OpenSourceWay (Creative Commons By-Sa)




Défaite humiliante et définitive d’ACTA au Parlement européen !

ACTA : Victoire totale pour les citoyens et la démocratie ! nous annonce La Quadrature du Net qui n’est pas pour rien dans ce résultat (et qui mérite notre plein soutien).

Ce n’est qu’un début… mais en attendant, nous nous associons à la joie du moment avec cette traduction du pirate Rick Falkvinge.

ACTA 4th July

VICTOIRE ! ACTA subit une défaite humiliante et définitive au Parlement européen

VICTORY! ACTA Suffers Final, Humiliating Defeat In European Parliament

Rick Falkvinge – 4 juillet 2012 – Site personnel
(Traduction Framalang : Ypll, Goofy, Martin)

Aujourd’hui à 12h56, le Parlement européen avait le choix entre le rejet final d’ACTA et la poursuite de l’incertitude. Par un vote écrasant, 478 à 39, le Parlement a décidé de rejeter ACTA une bonne fois pour toutes. Cela signifie que ce traité trompeur est maintenant mort au niveau mondial.

C’est un jour de fête. C’est le jour où les citoyens d’Europe et du monde ont vaincu les bureaucrates non élus, qui étaient courtisés par le lobby des plus riches entreprises de la planète. Le champ de bataille n’était pas un quelconque bureau dans une administration mais les représentants du peuple – le Parlement européen – qui ont finalement décidé de faire leur travail en beauté, et de représenter le peuple contre les intérêts particuliers.

La route vers cette victoire fut sombre, difficile, et en aucun cas sûre.

ACTA 4th July

Illustration : Le vote final sur ACTA au Parlement européen : 39 pour, 478 contre.

Comment en sommes-nous arrivés là ?

Il y a six mois la situation semblait très sombre. Il semblait certain qu’ACTA passerait en silence et dans l’indifférence totale. Les forces défendant les droits des citoyens ont essayé de le faire passer devant la Cour européenne de justice pour tester sa légalité et pour gagner un peu de temps. Et là, quelque chose s’est produit.

Un monstre du nom de SOPA est apparu aux États-Unis. Des milliers de sites web se sont couverts de noir le 18 janvier et des millions de protestations se sont exprimées, laissant le Congrès en état de choc devant l’ampleur de la colère populaire contre certains intérêts privés. SOPA en est mort.

Dans ce sillage, comme les citoyens s’étaient rendus compte qu’ils n’avaient pas besoin d’accepter de tels abus d’entreprises sans broncher et en tendant l’autre joue, la communauté a braqué ses projecteurs sur ACTA. La lutte a continué en beauté pour vaincre ce monstre. Début février, il y a eu des manifestations dans toute l’Europe, laissant le Parlement européen tout aussi choqué.

Les partis politiques ont changé d’avis et proclamé leur opposition à ACTA en solidarité avec les manifestions citoyennes sur tout le continent, après avoir compris à quel point cette législation étaient commandée sans aucune honte par des entreprises complices qui pensaient que c’était déjà fait. Ils ont essayé, retenté, et forcé jusqu’à aujourd’hui, de reporter le vote d’ACTA pour qu’il se passe dans la plus grande indifférence du public et des activistes.

Hélas, ils ne comprennent pas le Net. Et il y a un point clé ici : le Net n’oublie jamais.

Mais le message à retenir ici, c’est que nous, les activistes, avons fait ça. Tout le monde au Parlement européen se relaie pour rendre hommage à tous les activistes partout en Europe et dans le monde, qui ont attiré leur attention sur le fait que c’était une vraie saleté, que ce n’était pas une proposition à approuver comme les autres, mais en fait une proposition de législation réellement dangereuse. Tout le monde remercie les activistes pour cela. Oui, vous. Vous devriez vous pencher en arrière, sourire et vous filer des tapes dans le dos. Chacun d’entre nous a de très bonnes raisons d’être fier aujourd’hui.

Et maintenant ?

En théorie, ACTA pourrait toujours s’appliquer entre les États-Unis et plusieurs États de plus petite taille. Dix États étaient en négociation, et six d’entre eux doivent le ratifier pour qu’il entre en vigueur. En théorie, cela pourrait devenir un traité entre les États-Unis, le Maroc, le Mexique, la Nouvelle Zélande, l’Australie et la Suisse. (Mais attendez, le Sénat mexicain a déjà rejeté ACTA. Tout comme l’Australie et la Suisse, en pratique. Eh bien… alors un traité entre les États-Unis et le Maroc, dans l’éventualité peu probable que les États-Unis le ratifient réellement et formellement. Vous voyez l’issue qui se dessine.)

Comme il était expliqué précédemment sur TorrentFreak, sans le soutien de l’Union européenne, ACTA est mort. Il n’existe pas.

Le Commissaire européen responsable du traité, Karel de Gucht, a déclaré qu’il n’allait tenir compte d’aucun rejet et le re-soumettre au Parlement européen jusqu’à son adoption. Cela n’arrivera pas. Le Parlement fait très attention à sa dignité et ne tolère pas ce genre de mépris, heureusement. C’est quelque chose d’assez nouveau dans l’histoire démocratique de l’Union européenne – la première fois où j’ai vu le Parlement se battre pour sa dignité était pour le Paquet Télécom, quand la Commission a pareillement tenté de faire adopter de force la riposte graduée (au contraire, le Parlement a rendu cette riposte graduée illégale dans toute l’Union européenne).

Une bonne partie des dangers d’ACTA reviendra sous d’autres noms. Pour les lobbyistes, c’est le travail de sape ordinaire contre les pouvoirs, jusqu’à ce qu’ils cèdent. Juste un jour de boulot comme un autre. Nous devons rester vigilants contre les intérêts particuliers qui reviendront encore et encore à la charge, jusqu’à ce que nous nous assurions que la route législative leur soit complètement bloquée. Nous devons rester vigilants.

Mais pas aujourd’hui.

Aujourd’hui, nous fêtons un travail extraordinairement bien mené.

Aujourd’hui, le 4 juillet, l’Europe célèbre une journée d’indépendance vis-à-vis des intérêts particuliers américains.

Aujourd’hui, nous avons défendu nos droits les plus fondamentaux contre les géants de l’industrie, et nous avons gagné.

Félicitations à nous tous, et merci à tous les frères et les sœurs sur les barricades, partout dans le monde, qui ont rendu cela possible.

Geektionnerd - Simon Gee Giraudot - CC by-sa




Geektionnerd : ACTA, ITRE, JURI et LIBE

Une source parmi d’autres, histoire aussi de donner du sens au titre un peu énigmatique avec tous ces acronymes : ACTA : les commissions du Parlement européen demandent le rejet (Numerama)

Geektionnerd - Simon Gee Giraudot - CC by-sa

Geektionnerd - Simon Gee Giraudot - CC by-sa

Gee sera ce samedi 2 mai à la fête du Tant Libre à Meyzieu

Crédit : Simon Gee Giraudot (Creative Commons By-Sa)




Et si l’on pouvait enfin choisir son système d’exploitation ?

Est-ce le moment pour OSchoice.eu ?

BrowserChoice.eu, aussi appelé ballot screen ou écran de choix du navigateur, est un site web de Microsoft permettant de choisir son navigateur Web, lancé en février 2010.

Il est le résultat d’un procès intenté par l’Union européenne à Microsoft pour abus de position dominante.

À l’installation d’un système d’exploitation de Microsoft dans l’Union européenne, ou par le biais d’une mise à jour pour ceux installés avant l’apparition de BrowserChoice.eu, une fenêtre s’ouvre (une icône sur le bureau apparaît si elle est fermée), affichant une page web permettant de choisir parmi 12 navigateurs.

Et si, mettant fin une fois pour toute à la vente liée, il en allait de même pour les systèmes d’exploitation et qu’on nous donnait le choix entre Windows, Mac ou GNU/Linux au démarrage de l’ordinateur que nous venons d’acheter ?

Ceci est la traduction d’un article de Jacopo Nespolo paru dans FreeSoftwareMagazine
Traduction : Lolo le 13, Cédric Corazza, e-Jim, Eric/DonRico

Est-ce le moment pour OSchoice.eu ?

Dans mon article précédent, j’ai exposé l’histoire de la décision du Commission européenne à propos de la concurrence contre Microsoft Corporation qui a conclu par la mise en ligne du site browserchoice.eu pour permettre au consommateur de choisir librement son navigateur. Cependant, ce n’est pas suffisant. L’origine du problème se trouve dans le fait que la plupart des PC du marché sont vendus liés avec un seul système d’exploitation : Microsoft Windows.

Je vais tenter d’analyser comment dans cet environnement de concurrence quasi inexistante un site tel que OSchoice.eu pourrait changer la donne.

Introduction

Même si j’apprécie les efforts que la Commission a faits en vue de libérer le marché des pratiques anti-concurrentielles, je trouve que dans son approche du marché des ordinateurs personnels, elle a fait une grosse erreur : elle a cherché une solution aux effets, sans se préoccuper de la cause. Selon moi, le problème ne réside pas dans le fait que Windows Media Player ou Internet Explorer soit incorporé dans Windows, mais bien que Windows lui-même soit incorporé dans presque chaque PC. En six années d’utilisation de GNU/Linux comme seul système d’exploitation, j’ai rencontré beaucoup de difficultés et de frustrations à vouloir acheter un ordinateur —et c’est particulièrement le cas pour les portables et les netbooks— sans payer une licence Windows.

Jusqu’à présent, la Commission européenne a cherché une solution aux effets, sans se préoccuper de la cause

Il est intéressant de noter qu’un juge de la Cour de Florence, en Italie, a donné gain de cause à un utilisateur qui réclamait depuis longtemps à HP le remboursement d’une licence Windows qu’il n’utilisait pas. Des jugements similaires ont été rendus en France contre Asus et Acer1 et dans d’autres pays. Je ne suis pas certain que ces décisions soient encore en application aujourd’hui, car Microsoft a depuis mis à jour son Contrat de Licence à l’Utilisateur Final (CLUF). En effet, le CLUF de Microsoft Windows 7 indique qu’en cas des désaccord sur les termes du contrat, l’utilisateur doit « contacte[r] le fabricant ou l’installateur pour connaître les modalités de retour des produits (…) [et se] conformer à ces modalités qui peuvent restreindre vos droits ou exiger que vous retourniez l’ensemble du système sur lequel le logiciel est installé »2. Il faut également souligner que le prix réel que le consommateur paie pour une licence OEM de Windows est inconnu, puisque les factures de PC ne reprennent pas le prix des différents composants. De telles conditions de licences sont une grossière violation des droits des consommateurs, et ont pour conséquence l’impossibilité de fait d’acheter un grand nombre de modèles de PC sans souscrire également à une licence Windows.

L’offre des détaillants en ordinateurs portables sans Windows pré-installé est extrêmement limitée et souvent restreinte à des catégories très inférieures (les ordinateurs anciens et bon marché) et très hautes du marché (les ordinateurs chers). Parmi les 571 ordinateurs portables disponibles sur le site internet de la boutique italienne eprice.it, à la date du 1er août 2011, seules 13 machines sont vendues sans le système d’exploitation Windows, c’est-à-dire avec GNU/Linux, Free Dos ou même sans aucun système préinstallé. En d’autres termes, seuls 2,3% des ordinateurs portables disponibles sur ce site marchand sont vendus sans Windows pré-installé.

D’aucuns pourraient arguer que l’offre de 2,3% des grands magasins est plus ou moins en rapport avec la part de marché de 2,8% des systèmes d’exploitation autres que Windows et Mac OS3. Je rejette cette critique car le faible niveau d’adoption peut très bien être une conséquence —et non la cause— de ne pas offrir de choix pour les systèmes d’exploitation.

De plus, Microsoft a récemment annoncé que le futur Windows 8 nécessiterait de la part des fabricants de mettre en œuvre le démarrage sécurisé pour participer à son programme de certification5. Cela pourrait potentiellement rendre les choses vraiment compliquées pour les inconditionnels de Linux qui achètent un ordinateur avec Microsoft Windows et qui installent par dessus leur distribution préférée, car l’ordinateur pourrait être verrouillé par le vendeur pour n’exécuter que le système d’exploitation avec lequel il a été vendu.

Un écran de choix pour les systèmes d’exploitation

Pour ces raisons, j’affirme qu’il est nécessaire de continuer ce que la Commission européenne a commencé, et d’exiger de la part des vendeurs le respect de notre droit de consommateur à choisir le système d’exploitation qui nous convient.

Je ne suis pas informaticien, et par conséquent pas plus un expert dans le fonctionnement des ordinateurs et des systèmes d’exploitation, mais je suis certain que la plupart d’entre nous savent lancer une distribution à partir d’un Live CD. Préparer un CD ou une clé USB «?bootable » est une tâche triviale grâce aux programmes tels que UNetbootin6. L’installation d’images peut varier grandement en taille, d’une centaine de Mo pour les installations réseau qui téléchargent des composants additionnels sur Internet, à 600 Mo pour les images CD complètes, et à plusieurs Go pour des images DVD complètes. Nous savons aussi très bien utiliser des gestionnaires de démarrage comme GNU Grub pour utiliser des PC avec plusieurs systèmes d’exploitation, ce qui est particulièrement utile quand nous sommes contraints d’utiliser un système d’exploitation spécifique (ou une de ses versions) en raison de problèmes de compatibilité d’une application.

Alors, pourquoi ne pas rassembler tous ces ingrédients et créer un « Écran de choix pour les systèmes d’exploitation » ? Imaginons pour une fois que nous entrons dans un magasin, que nous nous promenons dans les rayons pour voir les différents modèles de PC et que nous choisissons la machine que nous recherchions. Le vendeur nous félicite pour notre choix et propose de nous aider à installer le système d’exploitation : « C’est facile et cela ne prendra pas plus de 15 minutes ». Nos allumons le PC ensemble, et l’écran de choix s’affiche, ce qui pourrait ressembler à la maquette de l’illustration 1. En deux clics, et éventuellement l’achat du logiciel par carte bancaire sur Internet ou sur la même facture que le matériel avec le code d’activation, l’installation automatique s’exécute et se termine en quelques minutes. Nous remettons ensuite tout dans la boîte et nous retournons joyeusement chez nous. Les consommateurs les plus courageux remercient gentiment le vendeur et choisissent d’installer le système d’exploitation dans le confort de leur domicile.

Maquette de l'écran de choix pour les OS

Illustration 1 : Maquette de l’écran de choix des systèmes d’exploitation. Toutes les marques apparaissant sur cette image appartiennent à leurs propriétaires respectifs.

L’environnement « live » minimal, pourrait nous permettre de sélectionner le système d’exploitation dans la liste, de la même manière qu’un CD d’installation Debian nous propose l’option de choisir notre environnement de bureau. Les images d’installation pourraient être facilement stockées sur le disque dur : l’espace nécessaire à un ensemble de systèmes d’exploitation n’excéderait pas quelques Go, car des installation par le réseau suffiraient.Cet espace est en adéquation avec celui qu’utilisent la plupart des vendeurs pour les partitions de restauration que nous trouvons sur la majorité des PC. Les magasins pourraient aussi avoir un dépôt local pour des fichiers supplémentaires nécessaires destinés à terminer l’installation et accélérer le processus.

L’écran de choix pourrait être supprimé après installation ou conservé pour plus tard, au cas où le consommateur déciderait d’essayer un nouveau système d’exploitation. Les achats de logiciels ou les contrats d’assistance pourraient être affichés à l’écran et réglés au moyen de transactions électroniques.

Réponse et impact du consommateur sur le marché

Bien sûr, ce que j’ai imaginé ne peut se réaliser en une nuit, et aurait un impact important sur les relations entre les consommateurs et les revendeurs et fabricants. Plus de deux décennies avec un seul système d’exploitation ont entraîné une formidable inertie des consommateurs. Ceci amplifierait certainement « l’embarras du choix » qu’un tel écran apporterait, c’est-à-dire le dilemme d’avoir trop d’options à la fois. C’est un problème que les utilisateurs de logiciels libres connaissent bien, avoir à choisir parmi des centaines de distributions GNU/Linux, une dizaine d’environnements de bureau et tant de programmes d’alternatifs disponibles pour chaque tâche.

Il est tout à fait probable que le déploiement initial embêterait un peu les consommateurs qui ont été habitués à avoir leur nouveau PC prêt à utiliser après l’achat, sans étape intermédiaire. Il est probable qu’au début, seuls quelques-uns essaieraient quelque chose de différent, mais ils serviront de base à la constitution d’une masse critique. En fait, ces consommateurs qui seront contents de leur découverte de systèmes d’exploitation alternatifs inviteront beaucoup d’autres à franchir le pas de manière plus avisée.

Le déploiement initial embêtera sûrement les consommateurs

L’introduction de l’écran de choix pour les systèmes d’exploitation serait une autre étape majeure vers la protection des droits des consommateurs : pour la première fois les consommateurs sauraient exactement ce qu’ils paient pour le paquet de logiciels installés sur leur ordinateur. Avoir la possibilité de comparer les systèmes d’exploitation qui nécessitent un droit d’utilisation considérable à d’autres systèmes moins chers ou gratuits permettra aux consommateurs de se rendre vraiment compte de ce pour quoi ils paient, et plus important, de ce pour quoi ils veulent payer. C’est un point essentiel par rapport à l’écran de choix des navigateurs, où les logiciels proposés sont pour la plupart gratuits.

Les vendeurs de matériel et de logiciels devront investir dans l’information de leurs clients sur les avantages et les problèmes qui pourraient apparaître en choisissant un système d’exploitation plutôt qu’un autre. Les vendeurs devront être informés des différences entre les systèmes d’exploitation et, en écoutant les besoins de leurs clients, les conseilleront en restreignant les choix à une ou deux options, tout en rappelant qu’il est possible de revenir sur ce choix plus tard.

La redistribution des clients parmi les acteurs du marché conduira à plus d’investissements dans la recherche et le développement de nouvelles technologies, car cet environnement concurrentiel plus sain permettra une vraie concurrence basée sur les mérites. De plus, la présence de plusieurs acteurs sur le marché accélérera l’interopérabilité, car la compatibilité d’une application avec plusieurs systèmes d’exploitation deviendra un facteur important à considérer pour être capable d’atteindre un grand nombre de clients. Beaucoup d’emplois pourraient être créés par une telle vitalité du marché car l’interopérabilité et les standards pourraient potentiellement réduire les coûts de développement.

Il y aura bien sûr un coût initial à prendre en compte associé à la correction des problèmes de compatibilité existants et des accords sur des standards communs pour les développements futurs. Une partie considérable de ce problème est cependant déjà résolue grâce à la tendance actuelle des services Web et de l’informatique dans les nuages.

Conclusions

Les avantages de l’introduction d’un écran de choix des systèmes d’exploitation surpassent largement ses inconvénients

En dépit du fait que nous avons commencé à voir quelques ordinateurs non Windows dans les rayons, nous sommes encore loin d’un marché ouvert et non faussé. La mise en œuvre d’un équivalent de browserchoice.eu pour les systèmes d’exploitation pourrait être un moyen de stimulation de la concurrence sur les mérites et l’accélération de l’adoption des standards. Cela pourrait avoir pour conséquence la création de nouveaux emplois qui, en ces temps de stagnation économique, seraient très appréciée. Cette solution aura un coût, mais je suis certain que ses avantages, avec un accent particulier sur le respect des droits des consommateurs et sur l’incitation à l’avancée technologique, surpassent largement les inconvénients.

Remerciements

Je suis reconnaissant à Sherpya pour la discussion au sujet des outils libres de création de distributions « live ».

Références

  1. Juridiction de proximité de Puteaux. Jugement du 23 Juillet 2007, Gutzwillere vs. Acer Computer France. 23 juillet 2007.
  2. Microsoft Corporation. Microsoft Software License Terms – Windows 7 Ultimate N.
  3. J’ai obtenu ce chiffre de 2,8% en additionnant les parts de marché pour « Linux » et « Autres » dans les données de StatCounter4
  4. StatCounter. Les 5 premiers systèmes d’exploitation en Italie en juillet 2011.
  5. Thom Holwerda. OSNews. Windows 8 Requires Secure Boot, May Hinder Other Software. Sept. 21, 2011.
  6. Page Web de UNetBootin



Stop ACTA : C’est l’Europe de l’Est qui ouvre la voie

Pologne, République Tchèque, Slovénie, Slovaquie, Roumanie, Bulgarie… c’est clairement à l’Est de l’Europe que la contestation contre ACTA est la plus forte[1].

Ils descendent massivement dans la rue, sont actifs sur Internet et finissent par semer le doute parmi leurs gouvernements (cf cette carte limpide de la situation actuelle en Europe). Même l’Allemagne commence à s’interroger.

Pourquoi une telle mobilisation dans cette partie du monde et pourquoi cette mollesse en France et plus généralement en Europe occidentale où nous sommes encore loin de perturber ceux de chez nous qui ont signé le traité ?

Espérons que nous rattraperons le retard lors de la prochaine manifestation prévue le samedi 25 février prochain.

Nina Jean - CC by-nd

Les Européens de l’est à la pointe du combat pour les libertés sur Internet

Eastern Europeans fuel fight for Internet freedoms

Vanessa Gera – 18 février 2012 – Associated Press
(Traduction Framalang : Lamessen, OranginaRouge, Goofy, Lolo le 13)

La tradition de révolution politique de l’Europe de l’Est s’est mise à l’ère numérique. Cette fois, ce ne sont pas les communistes ou les pénuries alimentaires qui alimentent la colère, mais un traité international sur le droit d’auteur que ses opposants dénoncent comme menaçant la liberté sur Internet.

Un mouvement de contestation populaire a vu le jour le mois dernier en Pologne et s’est rapidement étendu à travers l’ancien bloc de l’Est et au-delà. L’opposition grandissante à l’Accord Commercial Anti-Contrefaçon, ou ACTA, a soulevé des doutes sur l’avenir du traité, qui est crucial pour le gouvernement des États-Unis et les économies des autres pays industrialisés.

Il y a eu des manifestations en Europe de l’Est, des attaques contre les sites gouvernementaux en République Tchèque et en Pologne, même des excuses sincères de l’ambassadeur slovaque qui l’a signé et s’est reproché d’avoir commis une « négligence citoyenne ».

Dans une région du monde où les gens se rappellent avoir été espionnés et contrôlés par des régimes communistes répressifs, le traité a provoqué la peur d’un nouveau régime de surveillance.

Le pacte doit permettre de lutter contre le vol de la propriété intellectuelle — comme les contrefaçons de sacs Gucci ou la violation des brevets pharmaceutiques. Mais il cible aussi le piratage en ligne, le téléchargement illégal de musiques, films et logiciels, et préconise des mesures que les opposants dénoncent comme amenant à la surveillance des internautes.

« La majorité des gens qui sont descendus dans la rue sont jeunes et ne se rappellent pas personnellement le communisme, mais la société polonaise tout entière s’en souvient », dit Jaroslaw Lipszyc, le président de la Modern Poland Foundation, une organisation consacrée à l’éducation et au développement d’une société d’informations.

« En Pologne, la liberté d’expression est une valeur importante, et il existe toute une histoire de la lutte pour celle-ci » explique Lipszyc. Ce fervent opposant à l’ACTA voit son action actuelle comme la suite logique du combat pour la liberté d’expression qui poussait sa famille à publier illégalement des essais anti-communistes dans son sous-sol dans les années 1980.

Les pays d’Europe de l’Est, y compris ceux qui sont maintenant dans l’Union Européenne, sont toujours beaucoup plus pauvres que ceux de l’Ouest, et parmi les opposants, certains craignent de perdre l’accès gratuit — parfois illégal — au divertissement. Avec un taux de chômage de 12.5% et un salaire minimum mensuel de seulement 1500 zlotys (NdT : environ 350€) avant impôt, et un salaire moyen de 3605 zlotys (NdT : environ 850€), beaucoup disent qu’ils ne peuvent pas se permettre de payer 20 zlotys (NdT : 4.75€) ou plus pour un billet de cinéma.

« Les gens sont furieux » dit Katarzyna Szymielewicz, directrice de la Panoptykon Foundation polonaise, qui milite pour le droit à la vie privée dans un contexte de surveillance moderne, et s’oppose à l’ACTA. « Nous avons des antécédents de soulèvement contre l’injustice ».

ACTA est passé d’un obscur traité international à un sujet de débat en Pologne depuis la mi-janvier quand le gouvernement a dit qu’il le ratifierait dans les prochains jours. Les organisations des droits civiques comme Panoptykon ont été scandalisées car le gouvernement ne les a pas consultées. K. Szymielewicz a expliqué qu’ils avaient alerté sur Twitter et d’autres réseaux sociaux, faisant ainsi réagir les activistes d’Internet en Pologne et à l’étranger — dont certains faisant partie du groupe « Anonymous » — par des attaques sur les sites gouvernementaux dont ceux du premier ministre et du parlement, les rendant injoignables pendant plusieurs jours.

La colère est née d’une forte frustration de la société, en particulier chez les jeunes, fondée sur une pénurie d’emplois et un sentiment d’éloignement du processus politique.

« C’est la goutte d’eau qui a fait déborder le vase », dit Szymielewicz. « Internet est un espace de liberté — les gens estiment que ça leur appartient vraiment — et subitement le gouvernement interfère avec cet espace ».

Les Polonais et d’autres ont aussi été préparés à agir car beaucoup ont suivi l’opposition aux États-unis contre deux projets similaires, le Stop Online Piracy Act et le Protect Intellectual Property Act — connus du grand public comme SOPA et PIPA. Les législateurs américains ont reporté ces projets de lois après une pression massive incluant un blackout d’une journée de Wikipédia et d’autres géants du Web.

Quelques jours plus tard, les Polonais descendaient dans la rue à travers tout le pays contre l’ACTA — activisme qui se propagea à Berlin, Sofia, Budapest et de nombreuses autres villes où les gens se sont rassemblés par milliers samedi dernier (NdT : le 11 février). D’autres rassemblements sont prévus pour le 25 février.

Les opposants sont aussi en colère parce que le traité a été négocié pendant plus de 4 ans en secret sans la moindre présence d’organisations de défense des droits civiques, leur donnant ainsi l’impression d’un accord secret au bénéfice exclusif des toutes-puissantes industries.

Les États-Unis et d’autres partisans de l’ACTA affirment que ce ne sera pas intrusif. Ils soutiennent que la protection des droits de la propriété intellectuelle est nécessaire pour préserver l’emploi dans les industries innovantes. Le piratage en ligne de films et musiques coûte des milliards de dollars aux compagnies américaines chaque année.

Washington assure également que les individus ne seront pas surveillés en ligne et que ACTA ciblera plutôt les entreprises qui tirent des profits de l’utilisation de produits piratés comme les logiciels. « Les libertés civiles ne seront pas réduites », déclare le bureau du Représentant américain au commerce, qui a signé l’ACTA en octobre.

Mais les opposants disent que l’accord est rédigé de façon tellement flou qu’il est difficile de savoir ce qui serait légal et ce qui ne le serait pas. Certains craignent d’être poursuivis par exemple pour mixer des vidéos personnelles avec une chanson de Lady Gaga et les mettre sur YouTube pour les partager avec leurs amis.

« Comme ce qui est permis n’est pas clair, les gens vont limiter leur créativité », explique Anna Mazgal, une activiste des droits civils polonaise de 32 ans. « Les gens pourraient se censurer eux-même par peur, parce que c’est trop vague ».

De nombreux opposants accusent également l’ACTA de placer les intérêts commerciaux au-dessus de droits comme la liberté d’expression.

« Il n’est pas surprenant que les citoyens européens soient descendus dans les rues par milliers pour protester contre un accord qui place les intérêts économiques privés au-dessus de leurs libertés fondamentales », dit Gwen Hinze, la directrice internationale de la propriété intellectuelle de l’Electronic Frontier Foundation, une fondation basée à San Francisco qui défend les libertés civiles sur Internet.

Tout ce tapage a mis les partisans de l’ACTA sur la défensive, pour le moment. L’accord a déjà été signé par les États-Unis, le Japon, la Corée du Sud et 20 autres pays.

Mais quelques gouvernements dont la Pologne, la Slovénie et la Bulgarie commencent à dire qu’ils ne le ratifieront pas. La République Tchèque a dit qu’il faudrait étudier attentivement la question avant de se prononcer. Un test décisif aura lieu cet été quand le Parlement Européen le soumettra au vote.

L’Allemagne annonce qu’elle soutient l’ACTA pour la défense de la propriété intellectuelle, mais a promis de dissiper les doutes à son propos avant de le signer. Des milliers de personnes ont manifesté samedi dernier contre ACTA à travers l’Allemagne où la protection des données a été longtemps un sujet sensible et où les administrations sont montées au créneau face à des géants d’Internet comme Google ou Facebook à propos des questions de vie privée.

L’ambassadrice slovène au Japon qui a signé le traité à Tokyo le mois dernier au nom de son pays s’est excusée depuis, expliquant qu’elle n’avait pas compris à ce moment à quel point cela pourrait restreindre la Liberté « sur le plus important réseau de l’histoire de l’Humanité ».

« J’ai signé l’ACTA par négligence civique » a écrit Helena Drnovšek Zorko sur son blog.

Notes

[1] Crédit photo : Nina Jean (Creative Commons By-Nd)




ACTA : Comment faire entendre sa voix (appelle ton eurodéputé etc.)

Nous avons souhaité ici vous proposer une version courte « billet blog sexy » du kit wiki ACTA de la Quadrature du Net. L’objectif est avant tout de tenter d’élargir le public sensibilisé, c’est pourquoi nous comptons sur vous pour l’action et le relais. Merci à @Quota_Atypique et @Siltaar pour cette rédaction collaborative.

D’abord, pourquoi ?

Parce qu’avec ACTA[1] on est en train de nous imposer un accord commercial « multi-national », négocié en secret depuis 3 ans par 39 pays, et qui menace Internet, nos libertés fondamentales, mais aussi l’accès aux médicaments génériques et la biodiversité planétaire. Rien que ça.

—> La vidéo au format webm
—> Le fichier de sous-titres

En effet, en renforçant ainsi le copyright, l’accord prévoit d’empêcher la production de médicaments génériques (considérés alors comme de la contrefaçon) ainsi que la culture de céréales et autres plantes non soumises aux brevets.

Côté réseau, ce traité charge les fournisseurs d’accès à Internet (FAI) de surveiller ce que leurs utilisateurs font en ligne, puisqu’il seront tenus responsables des contenus « illicites » qui passent par leurs réseaux. On appelle ça mettre de la responsabilité sur les intermédiaires techniques. Or c’est se tromper de cible. C’est un peu comme arrêter en grand fracas un p’tit génie du web, innocent, parce qu’il a mit en place sur Internet un service tellement bien et tellement utilisé, que certains s’en servent sans respecter la loi. Et je ne vous parle pas de MegaUpload là, mais de IRC.LC, développé par Pierrick Goujon en Bretagne française.

De fait, avec ACTA cet incident ne serait plus une « bavure », mais la stricte application de la loi. Les FAI, les hébergeurs web, les fournisseur de service… tous deviennent police et justice privée du copyright. Dans ces conditions, on ne serait pas surpris de voir des mesures de censure « préventive » prises par les FAI pour s’éviter des sanctions[2].

HADOPI finalement, à côté d’ACTA c’est du pipi de lolcat. Et HADOPI, ça a quand même été censuré par le Conseil Constitutionnel, quand il en a eu l’occasion. Quand on s’est bougé pour lui en donner l’occasion. Or, ce n’est pas ce qui est entrain de se profiler pour ACTA…

Pour résumer donc, ACTA c’est un paquet de mesures dangereuses, déguisées en accord commercial, qui vient d’être signé comme si de rien n’était par 22 pays (sur 39), malgré la démission du rapporteur côté Union Européenne, malgré des manifestations importantes en Pologne (et récemment jusqu’en France), ou encore hier, les excuses publiques de l’ambassadeur de Slovénie. Or, si le texte en cours de négociation a pu être divulgué plusieurs fois par La Quadrature et WikiLeaks durant ces trois dernières années, il n’est pas exclu que la portée de certaines mesures ait encore échappé aux experts de la société civile dans les domaines concernés, puisque cet accord commercial a été négocié de la manière la moins démocratique possible, par des émissaires nommés secrètement par les gouvernements des pays complices, dans le déni en France[3], du Ministère de la culture, bien loin du débat de société que cette question mérite[4].

Alors, pas envie que ces horreurs nous passent au dessus de la tête sans pouvoir réagir ? Puis nous dégringolent dessus depuis leur piédestal ou plutôt leur pied-de-nez législatif ?

Alors que faire ?

Pour faire vivre la démocratie, appelle ton eurodéputé

Voici quelques pistes pour l’appeler. Ton eurodéputé(e), tu en trouveras la trace dans le Mémopol, l’outil de mémoire politique mis en place par la Quadrature du Net.

Au téléphone, tu tomberas certainement sur son secrétaire, qui sera d’abord accueillant, probablement un brin déconcerté par ton appel, puis réticent à te passer ton eurodéputé que t’as élu pour qu’il parle en ton nom.

Pour ne faire perdre de temps à personne, il vaut mieux se familiariser d’abord un peu avec les arguments. Tu peux t’entraîner à les reformuler avec tes propres mots, tu verras, on se sent bien plus à l’aise après pendant les quelques secondes où le téléphone cherche ton correspondant.

Les points principaux à garder en tête sont :

  • ACTA transforme les entreprises d’Internet (fournisseurs d’accès, fournisseurs de service) en police privée du copyright, en les rendant responsables de ce que font leurs utilisateurs en ligne ;
  • ACTA instaure des sanctions pénales étendues, dangereuses et définies de façon vague ;
  • ACTA contourne la démocratie et ouvre la voie à un processus législatif parallèle, hors de « contrôle ».

N’oublie pas que tu n’es pas un expert, juste un citoyen inquiet. Tu as le droit de ne pas savoir tout tout de suite, tu peux décider de te renseigner un peu et de rappeler l’eurodéputé plus tard.

Pour gagner du temps, il peut être utile de choisir un eurodéputé membre de la commission qui traite le sujet. Ici, la commission la plus impliquée dans le traité ACTA est l’INTA (Commerce International), ce sont donc les eurodéputés de cette commission qu’il faut contacter en priorité, et ça tombe bien, parce qu’ils sont tout bien listés comme il faut au bout du lien vers le Mémopol fourni plus haut.

Ensuite, tu as le droit de contacter autant d’eurodéputés que tu veux. Même ceux qui ne sont pas de ton bord politique, la liberté d’expression est un enjeu qui dépasse largement ces clivages.

Qu’est-ce qu’on va te répondre ?

Dans un unanime élan de corporatisme, ton eurodéputé risque fort de céder à la tentation de te répondre : « ne t’inquiète pas petit agneau, j’ai bien compris tous les enjeux et il n’y a aucun problème ». Pour étayer ses propos, il avancera sûrement d’un des arguments suivantes :

L’ACTA n’a pas été négocié particulièrement en secret

Pourtant, contrairement à ce que dit la Commission, la transparence sur ACTA n’a été rendue possible qu’après la désobéissance de personnes impliquées dans le processus de négociation qui, inquiètes des conséquences du traité, ont fait fuiter des documents.

L’accord a également été volontairement négocié en dehors des institutions internationales dédiées à ces questions (OMPI, OMC), dans le but d’exclure les pays en développement de la table des négociations (déjà assujettie à une clause de non-divulgation). C’est ce que révèlent certains certains des câbles diplômatiques publiés par WikiLeaks à propos de l’élaboration du traité ACTA.

Si ça n’est pas du secret ça… Ce sont ces fuites qui ont forcé les négociateurs à publier les versions de travail du texte au printemps 2010, plus de 3 ans après le début des négociations.

L’ACTA ne rend pas les FAI et fournisseurs de services web responsables des contenus transitant sur leur réseau

Pas directement non, mais en rendant pénalement responsables les intermédiaires techniques des actions de leurs utilisateurs, ceux-ci risqueront de prendre procès à la place des utilisateurs. Pour éviter que cela n’arrive, ils auront tout intérêt à collaborer avec les industries du divertissement, et pour éviter de se retrouver devant le juge ils auront tout intérêt à censurer leur réseau eux-même, en déployant des moyens de filtrage des communications et de suppression des contenus. Ce qui nuira inévitablement aux libertés des utilisateurs. L’article 27.1 d’ACTA parle de « measures to deter further infringement » (mesures pour prévenir les infractions futures) : on se croirait dans Minority Report là non ? Qu’est-ce que cela peut-il être à part du blocage/filtrage/retrait « préventif » de contenu.

Les passages problématiques (sur les médicaments, notamment), ont été mis en suspens

Prouvez-le. La commission DEVE a été saisie sur la question des médicaments, d’accord, mais en quoi cela suspendrait quoi que ce soit ? DEVE a discuté le texte en vue d’un premier rapport le 24 janvier dernier. Aux dernières nouvelles, leur rapport final n’a toujours pas été rendu. La question reste donc ouverte, mais le traité avance.

Il est nécessaire de lutter contre la contre-façon et ACTA constitue la meilleure manière de le faire

L’effet sur la liberté d’expression va être terrible, ce n’est donc forcément pas une bonne méthode. ACTA va beaucoup plus loin que la lutte contre la contrefaçon et c’est bien là le problème. Ce n’est pas un simple traité commercial. Il menace des vies, et l’écologie de la planète.

ACTA va avoir un effet retors sur l’économie, notamment en terme d’innovation, qui repose sur le partage des connaissances.

ACTA va avoir des effets sur des choses qui n’ont rien à voir avec le commerce. Le flou qui entoure la notion d’ « échelle commerciale » utilisée à tout bout de champ dans le traité, fait qu’on touche en fait tout usager d’Internet, car l’échelle de partage sur Internet est énorme, et elle peut donc être considérée comme une « échelle commerciale »…

L’ACTA se contente de faire respecter la propriété intellectuelle, elle n’engendre pas d’interdictions nouvelles.

L’ACTA impose en fait de nouvelles sanctions pénales, outrepassant les procédures démocratiques classiques de l’Union Européenne et des États Membres. La formulation est très vague, et de nombreuses pratiques non-commerciales (hors-marchés) pourraient se voir sanctionnées pénalement.

Dans une opinion publiée l’année dernière, d’éminents professeurs de droit ont montré comment ACTA entre en conflit avec la loi européenne, et une étude indépendante commanditée par la Direction Générale des politiques extérieures du Parlement européen a reconnu le manque de protection des droits fondamentaux dans l’ACTA.

Rappelons aussi que le Comité ACTA qui serait créé (à l’article 42 du traité) aurait aussi un pouvoir d’amendement au texte de l’accord, et dans ce cas, quelle garantie que les amendements ne force pas encore d’autres changements ? Accepter un Comité pouvant amender l’accord après ratification revient à signer un chèque en blanc…

Pour une revue plus détaillée des arguments qu’on risque de vous opposer, voir cette page-ci et cette page-, en anglais malheureusement. Mais déjà là, tu as de quoi te lancer.

Enfin, sur cette base et maintenant que tu as un forfait de téléphone portable pas cher et illimité vers 40 destinations internationales, tu peux aussi contacter les autres commissions. Elles sont aussi concernées et ça ne mange pas de pain de les appeler, eux aussi méritent d’entendre un autre son de cloche que celui du champagne/caviar des lobbies, or ils sont amenés à influencer le rapport de l’INTA.

  • la commission DEVE (développement)
  • la commission ITRE (industrie)
  • la commission JURI (juridique)
  • la commission LIBE (libertés)

Participer au débat d’idées, en parler aux ami(e)s (de Facebook et d’ailleurs) !

Tout le monde n’est pas au courant. Donc tu aides déjà beaucoup ne serait-ce qu’en décidant d’en parler autour de toi. Montrer la vidéo à tes amis, ta famille, ton voisin venu te taxer du sel, au livreur pendant que tu signes le reçu, par la fenêtre à la voisine qui choisi son jean…

Tu es sur les réseaux sociaux ? Eh bah lâche-toi ! Twitte, poste sur Facebook, plussoie sur Google, plus il y a d’information qui circule, mieux c’est ! Ce n’est pas sale, c’est pour la bonne cause 🙂 N’hésite pas non plus à en parler sur ton blog, à ta manière, avec tes mots.

Et il n’y a pas que les mots : si l’envie te prend de faire des vidéos, des visuels, du son… n’hésite pas ! Et n’hésite pas à partager tes productions le plus largement possible, partager c’est utile, et c’est amusant !

Si tu es dans le milieu associatif, n’hésite pas à en parler aux responsables des asso. que tu fréquentes. Ils pourront écrire une lettre ouverte aux eurodéputés, ou transmettre à leur tour l’information à leurs membres, qui contacteront à leur tour d’autres des gens…

Tu sais faire mieux ? T’es vraiment révolté ? Tu peux organiser des événements : manifestations, réunions d’information, dans ton école, dans ton quartier… Ce traité ne s’imposera à nous que si nous acceptons de le suivre aurait dit La Boétie. Faisons savoir notre refus dès aujourd’hui.

Pour finir, il existe une liste de diffusion sur ACTA. Tu peux t’y inscrire en envoyant un message à : NOtoACTA-subscribe@laquadrature.net et venir arpenter le chemin… parce que la route a beau être longue, la voie est encore libre !

No ACTA

Action connexe : Faire un don

Accessoirement tu peux soutenir les actions des trois associations April, Framasoft et Quadrature qui font campagne commune actuellement car plus on est de fous plus l’ACTA rira jaune 🙂

Notes

[1] Anti Counterfeiting Trade Agreement, ACAC en français…

[2] Ça ne vous rappelle rien ? TF1 réclame (sans rien risquer) Google censure (sans vérifier)

[3] Les négociateurs pour la France étaient : Patrice Guyot et Jean-Philippe Muller

[4] Comme : « Faut-il tordre Internet pour qu’il ressemble à une maison de disques, ou au contraire profiter de ses nouvelles opportunités en améliorant la société ? »




Ce n’est qu’un début, continuons la copie !

Le fameux site The Pirate Bay est actuellement dans la tourmente, nous annonce Le Monde, puisque les trois fondateurs viennent d’épuiser un de leurs derniers recours contre leur incarcération.

L’un d’eux, Peter Sunde, a posté sur son blog une réponse que nous avons décidé de traduire ci-dessous.

On pourra la trouver teintée d’une révolte un peu adolescente et lyrique, mais qu’importe. Ce texte permet à minima de rappeler qu’en 2012 des gens vont faire de la prison ferme pour avoir hébergé des liens vers des fichiers…

« Kopimi » (alias « Copiez-moi ») pourrait bien devenir l’un des slogans les plus subversifs du XXIe siècle[1].

Viktor Hertz - CC by

Pas de concession : Kopimi ligne dure.

Maintain. Hardline. Kopimi.

Peter Sunde – 1 février 2012 – Copy me happy
(Traduction Framalang : goofy, albahtaar, Clochix, DonRico)

Nous avons appris aujourd’hui le rejet en appel par la cour suprême du dossier The Pirate Bay (TPB). Nous n’en sommes pas surpris. Les précédents procès suintaient la corruption. Depuis les pressions exercées par les États-Unis sur le ministre de la Justice afin de déférer TPB devant les tribunaux sans justification légale, en passant par l’officier de police responsable de l’enquête (Jim Keyzer) qui décrochait « par hasard » un poste chez Warner Bros quelques semaines avant ma promotion de témoin à suspect, jusqu’aux magistrats de nos procès qui siègent aux conseils d’administration — ou qui en président, comme c’est le cas d’un d’entre eux – de l’institution pro-copyright suédoise, il était clair pour nous que la cour suprême — où de nombreux juges gagnent beaucoup d’argent eux-mêmes grâce au copyright de leurs ouvrages — serait difficile à persuader de se saisir du dossier. Même si la majeure partie de la population voudrait que l’affaire y soit jugée. Même s’il s’agit de l’un des dossiers les plus importants dans toute l’Union européenne.

La Suède tient de beaux discours sur l’attention qu’elle porte à Internet. Elle consacre beaucoup d’argent et de temps pour aider des activistes dans le monde entier. Mais qui sont ces gens qu’ils sont si fiers d’aider ? TPB est l’un des plus importants mouvements de défense de la liberté d’expression en Suède, et œuvre contre la corruption et la censure. Tous ceux qui se sont à un moment ou un autre investis dans TPB l’ont aussi été dans de fameux projet de divulgation d’informations ou ont aidé des gens pendant le printemps arabe. Nous combattons la corruption à l’échelle mondiale. Nous défendons l’égalité des chances des nations pauvres partout dans le monde. Nous avons anéanti le monopole sur l’information. Nos proches, dont beaucoup nous ont aidés à construire TPB, ont été cités comme de possibles lauréats du prix Nobel de la paix. Je ne fanfaronne pas, j’explique cela pour être sûr que l’on comprenne qui ici a une action juste. Je n’ai jamais vu l’industrie du divertissement aider qui que ce soit, si ce n’est elle-même.

La Suède n’a pas l’habitude de la corruption. Ou plutôt, la Suède n’a pas l’habitude de voir la corruption qui sévit chez elle. La société y est fondée sur la croyance que dans les systèmes législatifs suédois tout le monde a de grandes qualités morales et éthiques. La mondialisation a changé cela. Les lobbies du divertissement ont rudoyé la Suède. Et pas seulement la Suède. On le voit dans des législations telles que SOPA, PIPA, ACTA, IPRED, IPRED2, TPP, TRIPS, pour n’en citer que quelques-unes. Toutes ces législations ont le même but : s’assurer que le contrôle d’Internet soit entre les mains des riches qui possèdent déjà certains pouvoirs de contrôle hors d’Internet.

Je ne suis qu’un homme parmi les millions qui se dressent contre cela. Même si le verdict (auquel nous ne sommes pas encore rendus) n’est pas favorable à ma situation personnelle, le but final pour lequel nous nous battons est bien plus important que les luttes personnelles de quelques individus. Je m’accomoderai de ne pas être riche — ce qui est simple lorsque de toutes façons l’on n’est pas riche. Je m’accomoderai de la peine à laquelle je serai finalement condamné — je vais simplement finir mon livre. Le combat continuera avec ou sans moi, je ne suis qu’un pion. Mais au moins, je suis un pion du côté moral. Je suis très fier de ce que j’ai accompli, et ne changerai rien à mon engagement. Je pense d’ailleurs que j’aurais pu en faire bien plus pour ce combat. Et j’en ai l’intention.

Aujourd’hui, j’appelle instamment chacun de vous à vous assurer que l’industrie du divertissement ne fait pas son beurre sur votre dos. Arrêtez d’aller voir leurs films. Arrêtez d’écouter leur musique. Assurez-vous de trouver des moyens alternatifs d’accéder à la culture. J’ai fondé Flattr.com, qui vous permet de soutenir directement les gens qui créent, plutôt qu’au travers de l’industrie corrompue du divertissement. Utilisez ce système en solidarité avec les créateurs et avec vos concitoyens. Ou lancez un procédé concurrent. Diffusez la culture et participez-y. Remixez, réutilisez, utilisez, abusez. Assurez-vous que personne ne contrôle votre esprit. Créez de nouveaux systèmes et des technologies qui contournent la corruption. Lancez une religion. Lancez votre propre nation, ou achetez-en une. Achetez un bus. Et désossez-le.

Agissez toujours résolument et appliquez une doctrine kopimi sans concession.

Notes

[1] Crédit photo : Viktor Hertz (Creative Commons By)