Khrys’coronalungo du lundi 7 décembre 2020

Comme chaque lundi, un coup d’œil dans le rétroviseur pour découvrir les informations que vous avez peut-être ratées la semaine dernière.

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Brave New World

Spécial France

Spécial médias et pouvoir

Spécial Coronavirus

Spécial on gère comme des pieds (et à la néolibérale)

Spécial Loi Sécurité Globale

Spécial répression, racisme, violences policières…

  • Darmanin parle enfin des problèmes de fond de la police (huffingtonpost.fr)

    On aura attendu le 7e pêché capital toute la soirée, peut-être qu’il s’agissait de l’orgueil? De la part du ministre de l’Intérieur qui n’a, à aucun moment, voulu reconnaître un raté sur le plan parlementaire après son idée de commission indépendante fustigée par les députés de la majorité, jusqu’au président de l’Assemblée nationale Richard Ferrand, avant un énième recul du gouvernement dans ce dossier.

  • Peut-on réellement dire ACAB ? (blogs.mediapart.fr)

    Le simple refus de sanctionner, désavouer, condamner les auteurs des violences policières, des meurtres, viols et autres abus racistes et sexistes a pour conséquence nécessaire et automatique de devoir considérer la police et l’État lui-même, comme raciste, sexiste et autoritaire.

  • Violences policières : ne punir que les policiers, c’est en faire des fusibles (liberation.fr)

    Si un policier passe à l’acte, c’est qu’il a le sentiment qu’il peut le faire parce qu’à la fois la parole publique, la hiérarchie et la faiblesse du traitement judiciaire a minima décomplexent la transgression, outre la responsabilité lourde de syndicats qui devant l’évidence des faits continuent parfois à cracher sur les victimes et entretenir ainsi un clivage malfaisant.

  • Violences policières : de Gênes 2001 à Paris 2020 ? (liberation.fr)

    En 2009, Vincenzo est condamné à douze ans de prison. Les faits avérés dont il s’est personnellement rendu coupable sont les suivants : participation à la manif, utilisation de planches d’échafaudage pour dresser une barricade, tentative (avortée) d’enflammer un pneu (avec un briquet). Manifester, ramasser des planches, chauffer du caoutchouc : douze ans. Voilà un tarif qui pourrait sembler quelque peu exagéré, même au plus exigeant des syndicats policiers. Altermondialistes, jeunes de banlieue, gilets jaunes, noirs, livreurs, journalistes, sans-abri, producteurs de musique, la liste s’est quelque peu allongée depuis le beau poème du pasteur Niemöller dans les années 50, mais à ce rythme, nous y allons tout droit, nous y sommes presque : si Vincenzo est le prochain, si cette folle escalade se poursuit, alors tout porte à croire que, bientôt, ce sera vous.

  • Tabassage de Michel Zecler : “Combien de gens ont vécu de pareilles situations sans pouvoir faire valoir leurs droits, faute d’images ?” (telerama.fr)
  • Dans le cortège parisien, «On en a assez de la précarité… et de l’État policier» (liberation.fr)

    Quelques dizaines de minutes plus tard, plusieurs centaines de manifestants quittent le cortège, les yeux en larmes, pour fuir le gaz des grenades lacrymogènes.[…] Pendant près de deux heures, la manifestation est alors saucissonnée en trois parties par les forces de l’ordre. […] Place de la République, de nouveaux affrontements débutent un peu avant 20 heures. Les policiers chargent, lancent des grenades lacrymogènes et utilisent un canon à eau. Au moins deux personnes sont aussi blessées aux jambes. C’est le cas du vidéaste Amar Taoualit qui dit avoir été touché par une grenade de désencerclement. Samedi 28 novembre, lors de la précédente journée de mobilisation, c’est lui qui avait filmé un policier frappé au sol par plusieurs manifestants.

  • Le gouvernement balbutie, la « marche des libertés et des justices » enfumée (humanite.fr)

    « Le pouvoir veut diviser le mouvement en pointant du doigt la violence qu’il a lui même généré avec sa politique antisociale et répressive » […] « La préfecture de police n’a pas apprécié les annonces d’Emmanuel Macron, le préfet Lallement a délibérément saboté la manifestation. Elle a coupé le cortège en deux et refusé un itinéraire bis »

  • Ce député LREM a peur de la police (liberation.fr)
  • Racisme et apologie des violences policières sur TN Rabiot, le groupe Facebook qui regroupe des milliers de fonctionnaires (streetpress.com) – voir aussi : De nouveaux messages racistes et insultants fuitent d’un groupe Facebook de policiers (revolutionpermanente.fr)
  • Photographe syrien blessé à Paris: le parquet ouvre une enquête (huffingtonpost.fr)

    Ameer al-Halbi a raconté à l’AFP qu’au moment des échauffourées en fin de manifestation place de la Bastille, il avait pris quelques minutes avant l’incident “des photos de policiers qui étaient en train de frapper quelqu’un”. Quelques minutes plus tard, “les policiers sont arrivés et d’un coup je me suis retrouvé au sol, je ne me suis pas rendu compte de ce qui s’est passé. Je pense que c’était un seul coup.”

  • Violences sur Arthur le 10 décembre 2019 : l’ensemble de la chaîne hiérarchique a couvert les faits (rebellyon.info)
  • Mort de Zineb Redouane: une contre-expertise de Disclose met en cause les CRS (huffingtonpost.fr)

    À l’aide d’une reproduction en 3D de la scène, de vidéos publiées sur les réseaux sociaux et d’une mise en contexte soutenue par un rapport de l’IGPN contenant notamment des images de vidéosurveillance, cette nouvelle expertise vient mettre à mal les conclusions officielles. […] les images de vidéosurveillance montrent que 12 secondes après avoir tiré, le tireur continue de regarder vers la fenêtre de Zineb Redouane. “Les policiers prétendent qu’ils ne savent pas qui a tiré, et à ce jour le tireur ne s’est toujours pas désigné. Or, on voit bien que le CRS ne peut avoir oublié ce tir, qui l’a visiblement beaucoup inquiété” […] “La contre-expertise indépendante démontre clairement qu’il s’agit d’un tir volontaire de la part du CRS. Zined Redouane était au téléphone avec sa fille à ce moment-là, selon son habitude, elle avait mis son appareil sur haut-parleur. Pour nous, elle a été visée par le policier parce qu’il pensait qu’elle filmait les violences policières”

Spécial Résistance(s)

  • Dissolution politique du CCIF – Communiqué LDH (ldh-france.org)

    En assumant de dissoudre une association parce qu’elle a qualifié d’islamophobes « des mesures prises dans le but de prévenir des actions terroristes et de prévenir ou de combattre des actes punis par la loi », le gouvernement s’engage sur la voie du délit d’opinion. En y ajoutant que les opinions du CCIF constituent des « agissements en vue de provoquer des actes de terrorisme » et « qu’il défend et promeut une notion d’islamophobie particulièrement large », le gouvernement nous montre que plus personne n’est à l’abri de telles ou telles poursuites.

  • La fille de Zineb Redouane porte plainte contre Castaner auprès de la CJR pour “altération et soustraction de preuves”. (huffingtonpost.fr)
  • Avenir lycéen : Les insoumis saisissent la justice pour enquêter sur Blanquer (huffingtonpost.fr)
  • « Il faut faire payer Amazon » : devant Bercy, quelques manifestants contre le géant (numerama.com)

    « Si on est devant Bercy ce matin », explique Annick Coupé, « c’est parce que ce gouvernement déroule un tapis rouge à Amazon ». Elle dénonce notamment le fait qu’il n’y ait encore aucun moratoire sur la construction des entrepôts pour les sites de e-commerce, « alors que c’était une des propositions de la Convention citoyenne pour le Climat. C’est un discours un peu schizophrène de la part du gouvernement, parce que d’un côté ils appellent les Français à ne pas faire leurs courses sur Amazon, mais de l’autre ils soutiennent Amazon en permettant la construction des entrepôts ». […] « Quatorze projets d’entrepôts Amazon ont été autorisés en moins d’un an en France », poursuit Alma Dufour. « Il y a un problème majeur de cohérence. Le gouvernement a une politique ultra répressive quand il s’agit du droit social et des libertés publiques, mais quand il s’agit d’Amazon, de l’économie et d’ultra libéralisme, que fait le gouvernement ? C’est la politique du flashball face aux citoyens et du numéro vert face à Amazon. »

Soutenir – Agir

Spécial GAFAM et cie

Les autres lectures de la semaine

Les BDs/graphiques/photos de la semaine

Les vidéos/podcasts de la semaine

Les autres trucs chouettes de la semaine

Deux personnages prennent le café. Le personnage de gauche dit : Alors ça y est, c'est reparti pour des lungo ? - la personne de droite répond : Yep, c'est la loi de l'action-réaction... Plus tu cherches à comprimer la liberté d'expression, et plus elle éclate de partout !
Retrouvez les revues de web précédentes dans la catégorie Libre Veille du Framablog.

Les articles, commentaires et autres images qui composent ces « Khrys’presso » n’engagent que moi (Khrys).




Pour un monde avec un million de Netflix

À l’occasion du #DayAgainstDRM, attardons-nous sur un des géants du web.

Cette multinationale dont l’initiale n’est pas dans GAFAM a eu un rôle déterminant pour imposer des verrous numériques (les DRM) dans nos appareils, nos logiciels et jusque dans ce qui fait le web.

À noter : cet article bénéficie désormais d’une version audio.
Merci à Sualtam, auteur de lectureaudio.fr pour cette contribution active.

Il est temps qu’on parle de Netflix.

Pour en savoir plus sur le #DayAgainstDRM.

 

Le péché originel : le droit d’auteur

La convention de Berne, initialement signée en 1886 par moins d’une dizaine d’états de la zone européenne, implique aujourd’hui 179 membres. Lire cette convention permet de reprendre la mesure des interdits qu’elle pose. Elle stipule notamment que le droit de communiquer au public la représentation d’une œuvre est soumise à l’autorisation de son auteur. C’est ce que l’on appelle le droit patrimonial : « l’auteur d’une œuvre de l’esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous » (article L111-1 du code de la propriété intellectuelle français).

mimiandeunice.com — ♡ Copying is an act of love. Please copy & share.

En France le droit patrimonial s’installe dans la loi en 1791, juste après la révolution, il est alors octroyé pour une durée couvrant la durée de la vie de l’auteur plus cinq ans. Petit à petit cette durée a été augmentée pour atteindre aujourd’hui 70 ans après la mort de l’auteur. Certaines exceptions font que c’est parfois un peu plus (je vous le mets quand même ?), parfois moins, notamment dans le cas des œuvres collectives (où ce n’est « que » 70 ans après la publication de l’œuvre). Dans d’autres pays c’est également parfois plus, parfois moins (c’est « seulement » 50 ans après la mort de l’auteur au Canada). On peut retenir qu’une œuvre publiée en 2020 ne pourra pas être reproduite sans autorisation de l’auteur au moins jusqu’en 2070, souvent 2090. Au XXIIe siècle quoi. C’est dans longtemps.

Oui, on sait, il faut bien que les industries culturelles vivent, que les auteurs soient rémunérés, etc. On aurait des choses à dire, mais ce n’est pas le sujet… Quand même, il faut garder en tête que ces lois ont été envisagées d’un point de vue industriel, de façon à garantir un retour sur investissement à des sociétés qui mobilisaient des moyens techniques lourds et onéreux. L’habillage sous terme de « droit d’auteur » n’est qu’une apparence sémantique : ce qui importe, c’est de sécuriser la filière de captation industrielle de la valeur.

En résumé, les créations ne sont pas librement exploitables en général et on parle d’ayant-droits pour désigner les personnes qui ont le contrôle d’une œuvre.

Le droit d’auteur, allégorie.

La gestion des droits numériques aka le DRM

La copie étant devenue plus facile — mais pas plus légale — avec les facilités ouvertes par la numérisation des œuvres, puis les facilités de circulation prolongées par Internet puis le Web, les ayants droit ont cherché des moyens de lutter contre ce qui profitait à presque tout le monde. Sauf eux donc. Notons qu’un ayant droit n’est en général pas un auteur. Celui-ci a généralement cédé ses droits patrimoniaux à l’ayant droit qui les exploite et lui reverse une partie des bénéfices. La répartition occasionne d’ailleurs régulièrement des négociations et souvent des conflits, comme lors de la grève des scénaristes américains, fortement syndiqués, qui bloqua une partie de la production audiovisuelle états-unienne en 2007-2008.

Les ayants droits, qui ont donc des droits à faire valoir même quand ils n’ont en rien contribué à l’œuvre — c’est le cas des héritiers des écrivains par exemple — ont déployé de nombreuses stratégies pour défendre leurs droits. Dont les DRM. Un DRM c’est un programme informatique dont l’objectif est de faire dysfonctionner la lecture d’un fichier dans le cas général. C’est un buggeur. Informatiquement c’est assez étonnant comme pratique, ça consiste à faire en sorte que les programmes fonctionnent moins bien. Donc si vous avez un contenu sous DRM, vous devez disposer du moyen technique (un logiciel non libre le plus souvent) fourni par celui qui gère l’accès au contenu pour le lire.

Brendan Mruk and Matt Lee — CC BY-SA

On pourrait aussi parler des nombreuses occasions où les DRM empêchent les programmes de fonctionner même dans le cas où a été légitimement acquis le contenu — parce que quand vous vous amusez à faire exprès de faire dysfonctionner des programmes, eh bien c’est plus facile que de les faire de nouveau fonctionner après — mais ce n’est pas non plus le sujet. On pourrait aussi expliquer que les DRM n’empêchent pas ceux qui veulent vraiment accéder aux contenus de le faire tout de même et donc qu’ils ont surtout comme conséquence de compliquer la vie de tout le monde sans rien résoudre en réalité. Mais ce n’est toujours pas notre sujet. Gardez néanmoins en tête que le vendeur peut ainsi effacer un de vos livres, même d’Orwell, avec toutes vos notes, voire votre bibliothèque complète car il ne trouve pas cette activité assez rentable.

En résumé il est illégal de diffuser le contenu de quelqu’un sans son accord et il existe des techniques pour compliquer la vie de ceux qui voudraient le faire quand même.

Quand les fabricants du Web ont laissé entrer les DRM

Le web n’a pas échappé aux DRM. Cela s’appelle les EME (Encrypted Media Extension). Il y a eu des oppositions, la FSF, l’Electronic Frontier Foundation, les associations militantes du libre. Et il y a eu aussi des acteurs, dont le W3C et Mozilla qui ont cédé devant la puissance des industriels souhaitant exploiter le droit d’auteur et devant les pratiques déjà en place. Ce fut certainement le processus de standardisation du web le plus controversé, et ce sont les promoteurs des DRM qui ont gagné.

https://www.w3.org/TR/encrypted-media

Et aujourd’hui cela verrouille le web.

Le composant de gestion des DRM dans le navigateur n’est pas libre. Mozilla Firefox, ainsi que la majorité des autres navigateurs non libres utilisent Widevine de Google. Il est très difficile techniquement et totalement interdit légalement de chercher à en connaître les codes sources. Il est donc illégal de connaître le fonctionnement de l’un des outils que l’on utilise le plus au quotidien. Oui, même si c’est Firefox.

De plus le mécanisme DRM rend la construction de nouveaux navigateurs plus compliquée, voire même impossible selon Cory Doctorow. En fait il reste possible de fabriquer un nouveau navigateur mais il ne pourra pas lire les contenus sous DRM. Parce qu’un éventuel système DRM alternatif, c’est compliqué à faire, et que ça n’aurait de toutes façons pas la confiance des ayants droit. Et puis parce que Google, l’acteur dominant sur ce terrain (oui, sur ce terrain-là aussi) n’acceptera pas de licencier un lecteur Widevine libre.

Notez bien, même si vous avez bien acquis le droit d’accéder à ces contenus, que vous avez tout bien payé, vous ne pourrez pas les lire. Un tel navigateur libre a donc peu de chance de survivre, en dehors du cercle militant (c’est par exemple le cas du Tor Browser construit sur la base de Mozilla Firefox mais n’intégrant pas le composant propriétaire Widevine).

En résumé, il est aujourd’hui impossible de diffuser de la vidéo, et des médias en général, sous droit d’auteur sur le Web sans un accord avec un géant du numérique.

L’émergence du continent Netflix

Mettre en place un serveur d’accès libre à des fichiers ne coûte pas grand chose. En 2020, c’est vrai même pour des vidéos. Avec une machine solide qui coûtera quelques centaines d’euros par mois à amortir (accès Internet, disques, énergie, etc…), on peut diffuser quelques milliers de films à quelques milliers d’utilisateurs (peut être pas de la 4K en streaming à toute heure, mais ce serait tout de même une offre suffisante pour de nombreux utilisateurs relativement modestes dans leurs usages). Donc en théorie de nombreuses sociétés commerciales devraient être en mesure d’offrir un tel service. On devrait être en situation de concurrence forte.

Mais ce n’est pas ce que l’on observe. On observe une domination oligarchique avec Netflix qui confisque environ la moitié du marché en Europe et une vingtaine d’acteurs au dessus de 5% de parts de marché.

Netflix et les DRM, par la FSF.

Pourquoi est-on dans cette situation ? Parce que la mise en place du service implique surtout d’acheter des droits. Et qu’il faut ensuite une infrastructure technique solide pour gérer les données, les chiffrer, les diffuser à ceux qui ont acquis le privilège d’y accéder et pas aux autres, etc. Sinon on risque d’être poursuivi en justice par les ayants droits.

Donc il faut des moyens. Beaucoup de moyens.

En résumé, c’est à cause de l’état du droit international qu’il est coûteux de diffuser la culture par des voies légales. Et c’est parce que c’est coûteux que l’on assiste à l’émergence de cet acteur proto-monopolistique qu’est Netflix.

Plus, c’est mieux

À noter que le monopole est une stratégie de développement industriel à part entière1, consciemment appliquée. Il signifie donc être et rester seul tout en haut. Cela implique une guerre commerciale permanente avec d’éventuels concurrents (guerre alimentée par la puissance financière des actionnaires).

Or le monopole pose problème. Il permet, une fois établi, des pratiques commerciales inégales, c’est donc un problème pour les consommateurs qui deviennent dépendants d’un système, sans alternative. C’est même pour ça qu’il est combattu depuis très longtemps2, même dans des zones où l’économie de marché n’est pas discutée3.

L’Oncle Sam peint par James Montgomery Flagg pendant la Première Guerre mondiale — Wikipédia, Public Domain

Mais, notamment quand il touche à la culture, le monopole pose d’autres problèmes, que d’aucuns considéreront comme plus importants.

Il engendre la concentration de la distribution. Qu’un diffuseur choisisse ce qu’il veut diffuser est légitime. C’est son business. Son catalogue c’est son business, s’il ne veut pas gérer de vieux films lents en noir et blanc, c’est son droit. S’il ne veut pas de film chinois ou français, il fait bien ce qu’il veut sur ses serveurs. S’il veut entraîner des IA à pousser des utilisateurs à regarder tout le temps les mêmes genres de trucs, c’est son problème (bon, et un peu celui des utilisateurs si c’est fait à leur insu, mais disons qu’ils donnent leur consentement, même moyennement éclairé, à un moteur de recommandation, donc qu’ils ne sont pas totalement innocents).

Mais dès lors qu’il n’y a plus qu’un seul diffuseur, c’est différent, car il décide alors de ce qui est diffusé. Tout court. Il acquiert le pouvoir de faire disparaître des pans entier de la culture. Et de décider de ce que sera celle de demain.

En résumé, la recherche du monopole est une stratégie économique des géants du web ; appliquée aux domaines culturels, elle engendre un contrôle de la culture.

Le pouvoir de fabriquer la culture

Mais ça ne s’arrête pas là. L’acteur monopolistique devient riche, très riche. Si c’est un vendeur de livres, il se met à commercialiser d’autres trucs rentables (comme des médicaments). Si c’est un diffuseur de films et de séries, il se met aussi à produire des films et des séries. C’est lui qui paye les acteurs, les scénaristes et qui choisit ce qu’il va diffuser. Il rachètera ou créera ensuite des écoles du cinéma qui expliqueront comment faire les choses comme il pense qu’il faut les faire. Il conçoit ses propres appareils pour imposer son format exclusif non-standard, en ne permettant pas la lecture d’autres formats, ouverts.

Bref il se déploie. Il acquiert le pouvoir de faire la culture. Il devient la culture. Mais ce n’est pas un être humain, un artiste, un poète, c’est un système industriel qui a pour but de grossir pour générer des profits financiers. Il va donc fourbir ses outils pour servir ces buts. Des recettes de storytelling sont définies, puis usées jusqu’à la trame tant qu’un retour sur investissement suffisant est réalisé. Un marketing de plus en plus précis va tenter de définir des communautés, des profils, à servir selon des algorithmes toujours plus précis, nourris d’informations collectées de façon pantagruélique. L’expérience utilisateur sera étudiée, affinée, optimisée afin de contraindre l’usager par des moyens détournés à demeurer dans l’écosystème contrôlé par l’industrie. Ses concurrents vont s’efforcer de le dépasser en y consacrant plus de moyens techniques et financiers, en appliquant le même genre de recettes, pour servir les mêmes objectifs.

Un démocrate, une pièce de Julie Timmerman et un dossier : Edward Bernays, petit prince de la propagande (C&F Éditions https://cfeditions.com/bernays)

Le but est désormais de s’arroger le plus de temps de cerveau disponible que possible.

C’est là que réside le véritable souci : la place hégémonique de ce modèle économique fait qu’il définit nos horizons d’une façon mondialisée uniforme. En cherchant à capter notre attention, cela définit nos protentions, notre attente de l’avenir d’une façon univoque. Il assèche notre écosystème symbolique des possibles. Il limite nos portes de sortie. Il renforce sa propre vision du monde. Le modèle dominant issu d’une société anglo-saxonne capitaliste, avec ses présupposés et ses valeurs, finit ainsi par être essentialisé.

En résumé, plus petit est le nombre d’acteurs qui font la culture et plus restreinte est cette culture, qui tend à l’uniforme.

Un monde sans Netflix ? Non, un monde avec un million de Netflix !

Est-il possible de faire autrement ? Is there an alternative ? Oui et non. On peut imaginer.

Dimitri Damasceno — CC BY-SA https://www.flickr.com/photos/dimidam/12380371

On peut imaginer le soutien par chaque état de sa propre industrie numérique de façon à disposer de, disons 100 Netflix, deux ou trois par pays qui aurait l’envie et les moyens4.

On pourrait aussi imaginer de réduire les contraintes législatives et techniques liées au droit d’auteur. On arriverait peut-être à 1000 Netflix en réduisant ainsi le coût d’entrée juridique. On garderait des interdits (la reproduction massive), des embargos (6 mois, 1 an, 3 ans, mais pas 70 ans), etc. On resterait globalement dans le cadre actuel, mais selon une équation plus équilibrée entre ayants droits et utilisateurs.

Et puis allons plus loin, imaginons un monde où la culture serait sous licences libres. Chacun pourrait librement créer une activité basée sur l’exploitation des œuvres. On ouvrirait un site de diffusion de musique ou de séries comme on ouvre un commerce de proximité ou un chaton. Ça ferait sûrement un million de Netflix. Un archipel de Netflix où chaque îlot aurait sa vision, avec des archipels qui ne pourraient pas se voir. Mais on s’en foutrait, s’il y avait un million de Netflix, il y en aurait bien un qui nous correspondrait (même si on est d’un naturel exigeant).

On peut donc imaginer. Mais on peut aussi commencer dès aujourd’hui à mettre les voiles.

Les auteurs peuvent déposer leurs œuvres sous licence libre, pour préparer le monde de demain. Ils peuvent le faire quelques mois, voire années, après une exploitation commerciale classique. Ça permettra à d’autres d’en vivre. À la culture de se diffuser. Et même ça les aidera peut-être en tant que créateurs et créatrices, à faire émerger d’autres modèles de financement de la culture, moins mortifères que ceux qui existent actuellement pour les créateurs et créatrices5.

Les utilisateurs de culture peuvent agir via leurs usages, c’est à dire avec leurs porte-monnaie comme le propose la FSF :

 

Cancel your subscription to Netflix, and tell them why. https://defectivebydesign.org/cancelnetflix.

Il est également possible de soutenir directement des créateurs et créatrices qui tentent de sortir de ces ornières, en proposant leur travail sous licences libres.

Les citoyens peuvent jouer de leur influence en interpellant les détenteurs du pouvoir politique, ou en soutenant les acteurs associatifs qui militent contre les DRM, comme la FSF ou La Quadrature Du Net.

En résumé ? Coupez votre abonnement Netflix et envoyez les sous à une asso, un·e artiste de votre choix, qui milite pour un truc chouette ou qui simplement produit des contenus à votre goût. Même si c’est juste pour un mois ou deux, histoire de voir comment ça fait…




Khrys’coronalungo du lundi 30 novembre 2020

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Spécial France

Spécial médias et pouvoir

Spécial Coronavirus

Spécial on gère comme des pieds (et à la néolibérale)

  • Les stations de ski ouvertes à Noël mais les remontées mécaniques resteront fermées (20minutes.fr)
  • À Lille, la grande roue autorisée à s’installer… mais sans public (huffingtonpost.fr)
  • Plus de béton et moins de lits : en Île-de-France, un nouvel hôpital met en colère les soignants (reporterre.net)

    Trois centres hospitaliers fermés, près de 500 lits et 900 emplois en moins. C’est ce qui attend le nord de l’Essonne, en Île-de-France. À la place, un hôpital « innovant » devrait voir le jour sur le plateau de Saclay. Soignants, chercheurs, militants et habitants s’attendent au pire. Le BTP est enchanté, les habitants et les écolos, beaucoup moins.

  • La casse (humanite.fr)

    Le gouvernement et son administration profitent de la focalisation de l’attention des citoyens sur les problèmes liés à la crise du coronavirus pour accélérer leurs projets de restructuration de l’offre hospitalière. Qui dit restructuration implique fermeture systématique de près d’un tiers des lits […] Or, l’épidémie a mis en lumière le cruel manque de lits dans nos établissements, notamment en réanimation mais aussi dans les autres services.

  • « Les étudiants sont-ils les derniers de cette putain de cordée ? » : la colère d’Olivier Ertzscheid (nouvelobs.com)

    Covid-19 : « Le seul front où l’Elysée ne faillit pas, c’est celui de l’érosion de nos libertés » […] Ces étudiant.e.s, depuis le mois de mars dernier, ils et elles ont tout encaissé. À commencer par la misère, encore plus grande, liée aux petits boulots qu’ils ne peuvent plus occuper. L’autre jour le président des restos du cœur expliquait qu’il voyait débarquer pour chercher des colis alimentaires des étudiants avec leur tenue Deliveroo. Ils nous amènent à bouffer mais ils n’ont plus rien à bouffer.

  • Sauver les apparences (imagesociale.fr)

    L’autoritarisme est à l’autorité ce que la brutalité est à la force: une mise en scène de son excès dicté par la faiblesse. L’Etat néolibéral est une administration paradoxale, qui met toutes ses forces à se priver de moyens. L’affaiblissement des instruments de l’action publique impose d’abandonner les processus de concertation et de dialogue au profit d’une démocratie de théâtre, qui exhibe ses pectoraux à défaut de pouvoir remédier aux difficultés sociales.

  • Article 24 : Castex répond à Ferrand… et se contredit (liberation.fr)

Spécial Loi Sécurité Globale

Vu de l’étranger

Spécial répression, racisme, violences policières…

  • La police française est gangrenée par les fléaux du racisme et de la violence (liberation.fr)
  • À Paris, migrants frappés et journalistes molestés lors de l’évacuation d’un camp de migrants éphémère (liberation.fr)
  • Place de la République à Paris, une chasse aux migrants honteuse et absurde (telerama.fr)

    Hier soir, place de la République, sous les yeux impuissants d’élus, d’avocats et de responsables associatifs qui avaient voulu rendre « visibles » ces éternels invisibles de nos villes, la police s’est livrée à une dispersion aussi honteuse qu’absurde, puisque aucune solution n’est proposée. Puisque les hébergements, insuffisants, sont saturés, et le parcours de la demande d’asile, engorgé. Espère-t-on que ces hommes, parfois ces familles disparaissent par magie ? Ultime ironie de cette soirée honteuse : le ministre de l’Intérieur a jugé certaines images filmées par journalistes et vidéastes place de la République « choquantes », et promis des « décisions ». Ces images mêmes que sa loi dite de sécurité globale cherche à empêcher.

  • En toute impunité (liberation.fr)

    Comment en est-on arrivé là, se demandent de bonnes âmes face aux scènes de violences policières insoutenables au cœur de Paris. […] La réponse est toute simple : en y allant. Car c’est la direction qu’a indiquée le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, à ses troupes, par ses amendements liberticides, par ses déclarations belliqueuses contre les médias, par ses clins d’œil appuyés aux syndicats de police où se répand le racisme le plus abject contre les migrants sur notre sol. Et c’est aussi la direction prônée par le président de la République par son silence assourdissant, aujourd’hui, comme dans les nombreux cas précédents. Mardi, le ministre de l’Intérieur s’est fendu d’un tweet dénonçant «des images choquantes», offrant ainsi une image non moins choquante de son inconscient. Qui donc oserait lui expliquer que c’est la réalité qui est choquante, et que les images ne sont là que pour le prouver ? […] Comment en est-on arrivé là ? En faisant la leçon à d’autres au lieu de la faire à ses propres policiers, préfets et ministre de l’Intérieur.

  • Place de la République, les images de la honte (liberation.fr)

    Des forces de l’ordre en roue libre et heureusement des vidéos pour le montrer. Alors que la diffusion d’images non floutées de policiers ou de gendarmes dans l’exercice de leurs fonctions reste un sujet épidermique place Beauvau, c’est justement par des images de journalistes vidéastes […] que le ministre de l’Intérieur a pris conscience que quelque chose avait dérapé. Le témoignage effaré du vidéaste de Brut, Rémy Busine, […] est particulièrement saisissant. Il décrit des policiers plus déchaînés que dépassés […] Aux commandes de ce grossier déblayage, Didier Lallement, préfet de police de sinistre réputation qui s’est illustré dans la répression du mouvement des Gilets jaunes. Ce dernier pourrait cette fois avoir, enfin, des comptes à rendre. Le choc et la revanche des images non floutées.

  • Après République, l’IGPN et son indépendance contestées jusque dans la majorité (huffingtonpost.fr)
  • Rémy Buisine ciblé par la police, des violences de moins en moins collatérales vis-à-vis des journalistes (liberation.fr)
  • Paris police filmed beating music producer in studio (theguardian.com)

    Three French police officers have been suspended after they were filmed beating and allegedly racially abusing a music producer in his Paris studio.[…]The film shows police punching and kicking him, and hitting him over the head and body with a truncheon. […]“If it hadn’t been for the camera I would be in prison today”

  • «Marche des libertés» à Paris : un photographe syrien blessé pendant une charge de la police (liberation.fr)

    «je l’ai retrouvé entouré de gens, le visage tout ensanglanté et enveloppé de pansements. Il était psychologiquement très touché, il a pleuré, et a dit qu’il ne comprenait pas “pourquoi c’était mal de faire des photos”.»[…] Ameer al-Halbi a «été pris en charge par des street medics, qui ont été bloqués plusieurs fois par des CRS au moment de l’amener à l’hôpital».

  • Un photographe syrien blessé à Paris, RSF dénonce des violences policières “inacceptables” (huffingtonpost.fr)
  • Éditorial. Permis de tabasser (humanite.fr)

    Que se passe-t-il dans notre pays ? Comment trois policiers peuvent-ils agresser et rouer de coups durant vingt minutes un homme sur son pas de porte ? Que se passe-t-il dans nos institutions pour que trois individus portant l’uniforme de gardien de la paix se comportent comme les pires nervis d’extrême droite ? Pour qu’un préfet se croie autoriser à organiser une chasse aux migrants dans les rues de la capitale ? Que se passe-t-il dans notre République pour qu’une loi qui prévoit une limitation inédite de la liberté de la presse et des libertés en général soit adoptée sans coup férir à l’Assemblée ? Que se passe-t-il au sommet de l’État pour que des ministres se permettent de traiter des parlementaires en opposition avec leur politique comme des complices du terrorisme ? Que se passe-t-il à la tête du pays pour qu’un président de République dirige son pays à travers un Conseil de défense au mépris d’une représentation nationale abaissée comme rarement ? […] L’exécutif ne tient plus son autorité que de la police. C’est pour protéger ce qu’il nomme d’ailleurs « les forces de l’ordre », rempart d’un pouvoir délégitimé, que le gouvernement tente d’imposer sa loi de sécurité globale, quoi qu’il en coûte.

  • Police : une grave crise de commandement (lemonde.fr)

    La dispersion violente d’un campement de migrants et le passage à tabac d’un producteur de musique ne sont pas uniquement des dérapages individuels. Ils montrent surtout des dérives hiérarchiques et une perte des repères républicains. L’histoire le montre : le comportement des policiers dépend largement des ordres qui leur sont donnés, de la fermeté des rappels aux procédures et au droit, de l’impunité promise ou non. « Vous serez couverts », déclarait aux policiers parisiens le préfet Maurice Papon quelques jours avant le massacre de manifestants algériens le 17 octobre 1961. A l’inverse, on sait ce que l’absence de drame pendant les émeutes de Mai 1968 doit aux consignes du préfet Maurice Grimaud : « Frapper un manifestant tombé à terre, c’est se frapper soi-même en apparaissant sous un jour qui atteint toute la fonction policière. » […] Il est trop tard pour le ministre de l’intérieur pour trouver « choquantes » les images de la place de la République et « inqualifiables » celles du passage à tabac de Michel Zecler. Quant au fameux article 24 de la proposition de loi « sécurité globale », attentatoire à la liberté d’expression, il doit, tout comme d’autres dispositions dangereuses de ce texte, être immédiatement retiré. Sans la diffusion des images que ce texte prétend réglementer, Michel Zecler serait aujourd’hui poursuivi pour « rébellion », et les policiers tabasseurs auraient poursuivi leur exercice.

  • Violences policières : la vidéo, élément déterminant dans les enquêtes (leparisien.fr)

    Les décisions récentes et un soutien affiché de la majorité politique ont peut-être fait croire à certains qu’on leur avait signé un chèque en blanc. C’est le moment de leur dire que non. La police n’est pas une bande rivale. Si elle se comporte ainsi, elle s’affaiblit.

  • République : derrière les violences policières, un échec signé Lallement et Darmanin (actu.fr)
  • Violences policières: ces deux archives de Macron candidat refont surface (huffingtonpost.fr)

    En 2017, Emmanuel Macron promettait d’être “intraitable” tout en s’étonnant du manque de remise en cause de “la hiérarchie policière et administrative.”

  • Arnaud, simple flic, dénonce un système devenu toxique (lezephyrmag.com)

    « On ne peut pas imaginer à quel point la situation a glissé » […] « Dans la brigade, on parle volontiers de matraquer du journaleux, de leur mettre un coup de pied dans la gueule. Et ça fait sourire les collègues. »Dans les vestiaires, les flyers anti-journalistes fleurissent de plus belle. On y voit, placardés, les têtes de reporters connus, d’indépendants, de patrons de médias dits « islamo-gauchistes ». On y encourage les coups portés à leur encontre. Au milieu de la liasse, les prospectus de syndicats comme Alliance ou ceux du SCPN […] visent nommément Gaspard Glanz, David Dufresne, Taha Bouhafs, Nnoman Cadoret… Autant de noms affichés comme des cibles mouvantes aux yeux de tous. […]« Ajoutez à ça les remarques et les applaudissements quand on apprend qu’un journaliste a pris des coups la veille, et vous aurez un aperçu de l’ambiance ». […] « La déculpabilisation et la légitimation de la violence, ça n’arrive pas comme ça, du jour au lendemain […] Ça vient avec le temps. Ce sont des années de travail et de déshumanisation des gens que l’on place en garde à vue. Ce sont des gestes et des accords. Ce sont des soutiens parfois haut placés qui renforcent le sentiment d’impunité dans les rangs. »

  • Garde à vue : 17 heures d’humiliation (la-zep.fr)

    Le 17 novembre, j’ai manifesté contre la loi « sécurité globale » à Paris devant l’Assemblée nationale. Bilan : plus de 3 heures d’interpellation et 17 heures de garde à vue pour un délit non avéré. Et la conviction que mes droits et ma personne n’ont pas été respectés par la police.

  • Dans l’affaire Theo, blessé lors d’une arrestation, le parquet requiert le renvoi de trois policiers devant les assises (lemonde.fr)
  • Pour l’avocat de Théo, le rapport de la Défenseure des droits «montre les dérives de la police» (leparisien.fr)
  • Affaire Théo : la Défenseuse des droits réclame des «sanctions disciplinaires» contre les policiers (liberation.fr)
  • L’État condamné par le tribunal administratif de Lyon pour un tir de LBD sur une manifestante Gilet jaune (francebleu.fr)
  • Toulouse : un commandant de police condamné pour avoir gazé un handicapé (sudouest.fr)

    Un commandant de police a été condamné vendredi à Toulouse, sur la base d’une vidéo diffusé sur les réseaux sociaux, à 4 mois de prison avec sursis pour avoir gazé un tétraplégique en fauteuil lors d’une manifestation des gilets jaunes.“Cette affaire démontre que la vidéo est essentielle dans le cadre d’un procès mettant en cause un policier”, a déclaré l’avocate de la victime, Me Claire Dujardin.

  • La préfecture de police de Paris a menti pour couvrir les tirs d’un policier sur des jeunes innocents (mediapart.fr)
  • Jérôme Laronze, le paysan tué par un gendarme, avait subi des contrôles irréguliers (reporterre.net)

    Trois des contrôles subis par Jérôme Laronze, éleveur tué par un gendarme en 2017, étaient « irréguliers », assure le tribunal administratif de Dijon. « Les gendarmes présentaient Jérôme comme dangereux. Mais selon ce jugement, c’est Jérôme qui était agressé », souligne la famille de l’éleveur. « Cette décision rétablit Jérôme dans ses droits et dans sa dignité. »

Spécial Résistance(s)

Soutenir

Spécial GAFAM et cie

Les autres lectures de la semaine

  • Ce qui déconne (affordance.info)

    Michel Zecler. Passé à tabac par des policiers. Sous le regard de plein d’autres policiers. Et le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, expliquant que les policiers ont “déconné”.

  • La semaine imaginaire du préfet Lallement (slate.fr)

    Heureusement, pour me changer un peu les idées, je peux toujours compter sur ce cher Jean Castex […] La dernière en date est hilarante même si un peu tirée par les cheveux qu’il n’a plus trop. Les stations de ski vont finalement ouvrir pour les vacances des Noël. Mais pas les remontées mécaniques. Un peu comme si un homme se faisait élire pour faire barrage à l’extrême droite, et finissait par autoriser et organiser l’impunité des violences policières.

  • Rendre les camps de migrants invisibles ne les fera pas disparaître (theconversation.com)
  • Simulmatics : le big data au service de la manipulation politique 50 ans avant Facebook (maisouvaleweb.fr)

    lorsqu’il s’agit aujourd’hui de défendre des projets technologiques potentiellement liberticides, un des arguments qui revient souvent consiste à dire qu’il n’est jamais aisé de prévoir ce que pourrait produire comme « effets » une nouvelle technologie, de sorte qu’il est inutile d’interroger sa légitimité, ou encore de penser à l’interdire. […] Peut-être est-il temps de ne plus chercher à prévoir le futur, mais à tirer les leçons du passé…

  • Hold-up : un récit alternatif ? (lundi.am)
  • Paniques anticomplotistes (blog.mondediplo.net)

    l’autorité des paroles institutionnelles n’a pas été effondrée du dehors par quelque choc exogène adverse : elle s’est auto-effondrée, sous le poids de tous ses manquements. À commencer par le mensonge des institutions de pouvoir. Les institutions de pouvoir mentent. Mediator : Servier ment. Dépakine : Sanofi ment. Bridgestone : Bridgetsone ment. 20 milliards de CICE pour créer un million d’emplois : le Medef ment. Mais aussi : Lubrizol, les pouvoirs publics mentent ; nucléaire, tout est sûr : les nucléocrates mentent. Loi de programmation de la recherche : Vidal ment (mais à un point extravagant). Violences policières, alors là, la fête : procureurs, préfecture, IGPN, ministres, président de la République, tout le monde ment, et avec une obscénité resplendissante qui ajoute beaucoup. Covid : hors-concours. Le capitalisme néolibéral a déchaîné les intérêts les plus puissants, or là où les intérêts croissent, la vérité trépasse. C’est qu’il faut bien accommoder la contradiction entre des politiques publiques forcenées et l’effet qu’elles font aux gens. Or pour combler ce genre d’écart, quand on a décidé de ne pas toucher aux causes de l’écart, il n’y a que le secours des mots. […] Quand il n’est pas pure et simple répression, le néolibéralisme finissant n’est plus qu’une piscine de mensonge. Nous baignons là-dedans. C’est devenu une habitude, et en même temps on ne s’y habitue pas. Vient forcément le moment où l’autorité de la parole institutionnelle s’effondre parce que l’écart entre ce qu’elle dit et ce que les gens expérimentent n’est plus soutenable d’aucune manière. […] En fait c’est très simple : pourquoi les paroles institutionnelles s’effondrent-elles ? Parce que, dans le temps même où elles présidaient au délabrement de la société, elles auront, chacune dans leur genre, ou trop menti, ou trop couvert, ou trop laissé passer, ou trop regardé ailleurs, ou trop léché, que ça s’est trop vu, et qu’à un moment, ça se paye. Le complotisme en roue libre, c’est le moment de l’addition.

  • Comment le béton a homogénéisé le monde (reporterre.net)

    Le béton incarne la logique capitaliste. Il est le côté concret de l’abstraction marchande. Comme elle, il annule toutes les différences et est à peu près toujours le même. Produit de manière industrielle et en quantité astronomique, avec des conséquences écologiques et sanitaires désastreuses, il a étendu son emprise au monde entier en assassinant les architectures traditionnelles et en homogénéisant par sa présence tous les lieux.

  • 5G : un ogre énergétique en puissance ? (reporterre.net)
  • Daniel Colson : « L’anarchisme est extrêmement réaliste » (revue-ballast.fr – texte de 2015)

    L’idéalisme et l’utopie ne sont pas du côté de l’anarchisme, mais du côté de l’ordre, des apparences et des mises en forme soi-disant réalistes dont les principales réalités sont celles de la contrainte et de la domination.

  • Effets de genre sur grand écran (genre-ecran.net)
  • Féminisme noir : s’autodéfinir, une nécessité vitale (unioncommunistelibertaire.org)

    Dans son ouvrage, la brésilienne Joice Berth revient sur le concept d’« empowerment » qu’elle considère «  vidé de son sens original et a perdu son pouvoir transformateur pour devenir une pratique individualiste, carriériste, récupérée par le néolibéralisme ».

  • Pour s’adapter, il faut s’inspirer du vivant et cesser d’optimiser à tout prix (liberation.fr)

Les BDs/graphiques/photos de la semaine

Les vidéos/podcasts de la semaine

Les autres trucs chouettes de la semaine

Deux personnages prennent le café. Le personnage de gauche dit : Alors ça y est, c'est reparti pour des lungo ? - la personne de droite répond : Yep, c'est la loi de l'action-réaction... Plus tu cherches à comprimer la liberté d'expression, et plus elle éclate de partout !
Retrouvez les revues de web précédentes dans la catégorie Libre Veille du Framablog.

Les articles, commentaires et autres images qui composent ces « Khrys’presso » n’engagent que moi (Khrys).




Khrys’coronalungo du lundi 23 novembre 2020

Comme chaque lundi, un coup d’œil dans le rétroviseur pour découvrir les informations que vous avez peut-être ratées la semaine dernière.

Brave New World

Spécial France

Spécial médias et pouvoir

Spécial Coronavirus – données (plus ou moins) scientifiques

Spécial on gère comme des pieds (et à la néolibérale)

Spécial Loi Sécurité Globale (et liberté d’expression)

Spécial répression, racisme, violences policières…

Spécial Résistance(s)

Spécial GAFAM et cie

Les autres lectures de la semaine

Les BDs/graphiques/photos de la semaine

Les vidéos/podcasts de la semaine

Les autres trucs chouettes de la semaine

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Khrys’coronalungo du lundi 16 novembre 2020

Comme chaque lundi, un coup d’œil dans le rétroviseur pour découvrir les informations que vous avez peut-être ratées la semaine dernière.

Brave New World

Spécial France

Spécial on en profite en douce

  • URGENT. La réforme des retraites votée au Sénat par un amendement surprise (revolutionpermanente.fr)

    Ce samedi 14 novembre à 19h, le Sénat a imposé la réforme des retraites majoritairement rejetée par la population et par une mobilisation historique notamment des grévistes de la RATP et de la SNCF. C’est lors du vote sur le budget de la Sécurité sociale pour 2021 qu’un amendement surprise intégrant cette réforme des retraites a été voté par les sénateurs de droite, majoritaire au Sénat.

  • La réforme des retraites adoptée en douce au Sénat ! (blogs.mediapart.fr)

    La majorité de droite a fait rentrer celle-ci par le biais d’un amendement lors du vote du PLFSS 2021(budget de la Sécurité Sociale) qui prévoit le report de l’âge de départ à la retraite et l’allongement de la durée des cotisations.

Spécial récupération politique

Spécial médias et pouvoir

Spécial Coronavirus – données (plus ou moins) scientifiques

  • Covid-19 : le nombre d’élèves contaminés multiplié par 3,5 en une semaine (francetvinfo.fr)
  • Comment comptabilise-t-on les morts du Covid-19 en France ? (lemonde.fr)
  • « La question de l’origine du SARS-CoV-2 se pose sérieusement » (lejournal.cnrs.fr)

    en quelques années, les paradigmes de la recherche sur les virus ont radicalement changé. Aujourd’hui, obtenir ou faire synthétiser une séquence génétique est à la portée de n’importe quel laboratoire : on peut en moins d’un mois construire de toutes pièces un virus fonctionnel à partir des séquences disponibles dans les bases de données. De plus, des outils de manipulation du génome rapides, bon marché et faciles à utiliser ont été développés. Ces outils permettent de faire des avancées spectaculaires, mais ils démultiplient aussi les risques et la gravité potentielle d’un éventuel accident, notamment lors d’expériences de « gain de fonction » sur des virus à potentiel pandémique. […] nous, les scientifiques, sommes insuffisamment formés sur ces questions. […] le climat de compétition qui baigne le monde de la recherche engendre de l’expérimentation rapide et tous azimuts, sans réflexion approfondie sur ces questions d’éthique ou la dangerosité potentielle de leurs travaux.

Spécial on gère comme des pieds (et à la néolibérale)

Spécial Loi Sécurité Globale

Spécial répression, racisme, violences policières…

Spécial Résistance(s)

Spécial GAFAM et cie

Les autres lectures de la semaine

  • Quand la maison brûle (lundi.am)

    Dans les années à venir il y aura seulement des moines et des délinquants. […] Dans la maison qui brûle tu continues à faire ce que tu faisais auparavant – mais tu ne peux pas ne pas voir qu’à présent les flammes te montrent à nu. Quelque chose a changé, non dans ce que tu fais, mais dans la façon dont tu le laisses aller dans le monde.Comment avons-nous réussi à respirer à travers les flammes, qu’avons-nous perdu, à quelle épave – ou à quelle imposture – nous sommes-nous arrimés ? Et maintenant qu’il n’y a plus de flammes mais seulement des nombres, des chiffres et des mensonges, nous sommes certainement plus faibles et seuls, mais sans possibles compromis, lucides comme jamais auparavant.

  • L’impossible décolonisation des sciences sociales françaises ? (theconversation.com)
  • Du Despotisme en Amérique(lundi.am)
  • How to Debate (and defeat) Conservatives (medium.com)
  • Et la SDN rejeta l’« égalité des races » (monde-diplomatique.fr)

    Les conséquences funestes du traité de Versailles en Europe ont été largement analysées. On connaît moins le ressentiment ambigu du Japon, qui échoua à faire reconnaître l’« égalité des races » par la Société des nations.

Les BDs/graphiques/photos de la semaine

Les vidéos/podcasts de la semaine

Les autres trucs chouettes de la semaine

Deux personnages prennent le café. Le personnage de gauche dit : Alors ça y est, c'est reparti pour des lungo ? - la personne de droite répond : Yep, c'est la loi de l'action-réaction... Plus tu cherches à comprimer la liberté d'expression, et plus elle éclate de partout !
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Ce que Framasoft a fait durant le (premier) confinement

Entre mars et mai 2020, les membres de Framasoft ont mouillé la chemise pour partager des savoirs, des outils et des actions en espérant qu’elles fassent sens alors qu’une pandémie bouleversait nos repères.

Retour sur une période pas comme les autres, ainsi que sur les outils et les leçons qu’on en tire aujourd’hui.

À noter : lorsque nous avons commencé l’écriture de cette… disons « longue synthèse », nous ignorions qu’il faudrait préciser dans le titre qu’il s’agit du premier confinement.

Endiguer le flot

Nous l’avions un peu vu venir. Une semaine avant l’annonce du #RestezChezVous français, l’Italie et l’Espagne étaient déjà confinées. C’est alors que Framatalk (visioconférence) et Framapad (écriture collaborative) ont vu leurs nombres de visites multipliés par 8, et que nos serveurs ont montré des signes de surcharge. Nous avons alors compris que des familles, des écoles et des entreprises de nos voisines européennes venaient utiliser nos services pour continuer de communiquer ensemble.

Un jour, les admin-sys domineront le monde.
Mais pas demain : demain, y’a mise à jour.

Nous avons aussi un peu pressenti qu’on allait en prendre pour notre grade lorsque le gouvernement français décida enfin un confinement qui semblait inéluctable. Et cela n’a pas manqué. Ça a pris exactement un week-end. Lorsque le PDG de la startup nation est passé de « Nous ne renoncerons à rien » à « Nous sommes en guerre ! » c’est un tsunami d’impréparation numérique qui est venu se réfugier sur nos serveurs.

Nous l’avons —sérieusement— senti passer. Pratiquant déjà le télétravail pour des activités qui se font principalement en ligne, il n’y eut aucun moment d’inactivité. Nous, les membres de Framasoft, avons trimé comme jamais pour accompagner (à notre petite échelle d’association loi 1901 financée par les dons) des centaines de milliers de confiné·es qui avaient besoin d’outils numériques pour maintenir leurs liens avec les autres.

Il est fort probable que nombre de ces actions, souvent expérimentales, parfois improvisées, soient passées inaperçues. D’où notre besoin de faire le point aujourd’hui sur le travail effectué.

Illustration CC-By David Revoy.

Informer / éduquer / accompagner

Le mémo sur le télétravail n’est pas simplement une liste de logiciels et services libres, c’est surtout un ensemble d’astuces, de réflexes pour réhumaniser les relations lorsqu’on travaille à distance. C’est enfin le partage de plus de 10 ans d’expérience de télétravail que Pyg a eue au sein de Framasoft.

Le dossier StopCovid est un ensemble d’articles que nous avons écrits, traduits ou repris pour les publier sur le Framablog. L’objectif, double, était à la fois d’informer sur ce que peuvent impliquer les choix technologiques et sociétaux de créer une telle application ; et aussi d’alerter, en tant que passionnées du numérique, sur la toxicité du solutionnisme technologique effréné.

Non, ça ne marche pas comme ça.

Plus que jamais, le Framablog s’est fait le relais d’informations et de savoirs partagés. Qu’il s’agisse de publier l’appel d’un collectif pour la continuité pédagogique, de lancer les librecours sur la culture libre, de publier un témoignage de directeur d’école primaire en temps de pandémie… Nous avons fait de notre mieux pour accompagner voire favoriser la publication de nombreux articles.

Afficher, en pages d’accueils de Framapad ou de Framatalk, notre refus d’être le « service informatique de secours » des Ministères de l’Éducation Nationale et de celui de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche fut un réel crève-cœur. Car cela signifiait refuser nos services aux profs, au personnel encadrant et aux étudiant·es. Même si nous avons pris nos distances, Framasoft vient de l’Éducation Nationale. Et pourtant, notre petite association n’a pas à compenser l’incurie et l’impréparation numérique de ces ministères, dont dépendent des centaines de milliers d’employé·es et des millions d’élèves.

Nous remercions les profs et leurs élèves qui ont joué le jeu de la restriction volontaire pour laisser l’usage de nos services aux collectifs, familles, associations etc. qui n’ont pas les moyens de l’État à leur disposition. Nous espérons que notre refus a au moins eu l’effet d’un coup de pied dans la fourmilière pour favoriser l’émancipation numérique de nos académies par des initiatives libres et auto-hébergées telles que apps.education.fr

 

Grâce au travail de notre petite équipe technique, cette limitation n’a été nécessaire que pendant 12 jours, du 14 au 26 mars 2020

Tenir régulièrement les journaux de confinement de Framasoft fut un travail supplémentaire, certes, mais dont nous croyons aujourd’hui encore qu’il était essentiel. D’une part, cela nous a permis de mettre des mots sur les moments d’adrénaline comme sur les coups de fatigue ou les coups de colère. D’autre part, ces journaux montrent combien Framasoft, c’est avant tout des personnes qui œuvrent sur des outils numériques pour favoriser une société de contribution. À l’heure où nombre de personnes découvraient Framasoft par la petite lorgnette des services en ligne, nous trouvions essentiel de rappeler que derrière les machines, il y a des humain·es.

Enfin, et dans un second temps, nous avons aussi pris le soin de répondre aux médias qui sont venus nous interroger sur notre position et nos actions durant ce confinement. De Reporterre à l’Âge de Faire en passant par Le Monde et Politis, la liste est longue mais nous essayons de la tenir à jour sur cette page de notre wiki.

 

Maintenir /proposer

Le confinement de la France a mécaniquement induit une violente augmentation des outils numériques pour communiquer et collaborer à distance. Cependant, la ruée sur des services libres et éthiques indique qu’une grande partie du public recherche activement des alternatives aux outils prédateurs des entreprises du capitalisme de surveillance.

C’est Framatalk, notre outil de visioconférence, qui a été submergé en premier. Très vite, les Framapad (rédaction collaborative) ou un service comme Framadrop (partage de gros fichiers par un simple lien) ont aussi été pris d’assaut. Nous avons donc commencé par migrer les logiciels sur des serveurs plus puissants (que nous avions réservés la semaine précédant le confinement français), quitte à ventiler la charge d’un seul service sur plusieurs serveurs (pour Framatalk, par exemple).

En même temps, nos salariés techniciens se sont plongés dans la documentation des logiciels libres derrière ces services (Jitsi Meet pour Framatalk, Etherpad pour Framapad, etc.), afin de trouver toutes les astuces qui permettraient d’optimiser leur installation et de réduire la charge. En gros, nos techniciens ont finement ajusté de nombreux paramètres sur les ordinateurs-serveurs qui font tourner ces logiciels, pour que les processeurs travaillent moins et donc travaillent mieux.

Dès la deuxième semaine de confinement, nous avons mis en place de nouveaux services. Lorsqu’on voit qu’il y a un moyen simple de faire de l’audio-conférence avec Mumble (sans installation logicielle pour les participant·es, sauf pour qui organise la réunion), et qu’un serveur bien paramétré peut accueillir 1200 personnes en même temps, nous n’hésitons pas.

Lorsque des personnels soignants nous demandent un outil provisoire pour la prise de rendez-vous médicaux en ligne… Nous n’hésitons que le temps de nous renseigner sur l’encadrement légal (qui fut allégé provisoirement et exceptionnellement). C’est ainsi que nous avons installé l’application Rendez-vous sur un NextCloud pour leur fournir rdv-medecins.org. L’outil est passé hors ligne depuis la fin du confinement, mais il a inspiré d’autres usages (par exemple en bibliothèques).

Car même si l’on parle de (et agit pour) Déframasoftiser Internet, nous avions simplement la volonté d’être utiles là où on peut et on sait le faire. Lorsque nous installons un service, nous faisons de notre mieux pour donner un maximum d’autonomie aux personnes qui vont l’utiliser. Cela signifie un travail technique d’installation et d’administration, mais aussi une production de tutoriels, guides et astuces (ici pour les audio-conférences et là pour les prises de rendez-vous en ligne), ainsi qu’un accompagnement sur notre support (dont on reparle plus bas).

Enfin, maintenir des services (encore plus de trente à ce jour) implique d’en assurer un entretien régulier. Durant les quelques semaines de confinement, nos équipes techniques ont donc procédé à des résolutions de bug sur Framacalc, une mise à jour majeure de Framavox, et même à de gros développements sur Framaforms qui ont mené à sa première version majeure au début de l’été.

Faire jouer la contribution

Le monde du Libre, encore une fois, nous a prouvé que solidarité et organisation collective sont bien plus efficaces que la simple puissance brute. Alors que nous migrions Framapad, Framatalk et Framadrop sur des machines plus puissantes (voire sur un lot de machines pour Framatalk) tout en affinant leurs paramétrages, de nombreuxses ami·es de la communauté ont proposé de l’aide pour accueillir les besoins numériques des confiné·es.

Si seul on va plus vite, ensemble on va carrément plus loin. Mais moins vite. Il a fallu prendre le temps de rassembler les bonnes volontés et de discuter ensemble pour trouver la marche à suivre. Mais au bout de quelques jours, nous avons pu faire en sorte que la création d’un nouveau pad (ou d’un nouveau talk) sur les pages d’accueil de nos services puisse être redirigée, sans accrocs, vers l’un des serveurs des libristes se portant volontaires pour porter la charge ensemble.

La majeure partie de ces bonnes volontés qui ont mis leurs serveurs et leurs services dans le pot commun sont des membres du Collectif des Hébergeurs Alternatifs CHATONS (avec un « S » comme « Solidaires »). Leur présence et leur entraide était déjà un magnifique cadeau en soit (et encore merci à vous, les ami·es !), cela aurait pu s’arrêter là. Sauf que comme nous avions développé l’outil permettant de rediriger la demande de création d’un pad (par exemple) vers un des sites de pads disponibles, les CHATONS y ont vu une belle opportunité !

Site https://entraide.chatons.org

C’est ainsi qu’est né le site entraide.chatons.org. Une adresse, 9 services essentiels, éthiques et sans inscription (tableau de post-it, visioconf, écriture collaborative, hébergement d’images, etc.). Mais en plus de cela, ce site va rediriger votre usage vers un des membres du collectif CHATONS qui peut et veut l’accueillir. Concrètement, pour vous ça ne change rien. Mais pour vos données, ça change tout : elles ne sont pas hébergées au même endroit… Elles sont, au contraire, décentralisées. Une bonne manière de ne pas mettre toutes ses données dans le même panier (non parce qu’après ça crée des Google et des Facebook, et le monde n’a pas besoin de nouveaux géants du web !)

De nombreuses personnes, pas forcément spécialisées en hébergements de services, nous ont spontanément proposé de l’aide. C’est ainsi que nous avons pu demander à ce que les demandes de support pour nos services passent en priorité sur le forum, où des bénévoles ont contribué à répondre dans une entraide communautaire. D’autres ont rejoint le groupe de traductions Framalang, qui n’a pas chômé durant cette période et a notamment produit des traductions nourrissant notre dossier StopCOVID.

Un petit message léger et subtil est apparu sur notre page de Contact.

Enfin, le groupe des Contribateliers a expérimenté une formule en ligne, le Confinatelier. Grâce au logiciel BigBlueButton, près de 80 personnes se sont retrouvées le 6 juin 2020 sur plus de 11 salons visio pour contribuer au Libre sans forcément faire du code. Merci au groupe d’avoir publié leur retour d’expérience et d’avoir continué à faire des confinateliers encore récemment.

Le monde d’après ne ressemblera pas au monde d’avant

Bien entendu, la pandémie a grandement influé le fonctionnement interne de l’association Framasoft. Le « Framacamp 2020 » (un temps estival de convivialité et de travail collectif des membres) a finalement eu lieu sous forme d’ateliers en visioconf tout au long d’un week-end. Nous craignions vraiment que le fait de ne pas pouvoir se faire des câlins et trinquer ne vide ce Framacamp de son intérêt, et finalement, même si ce n’est pas pareil, ce fut un moment de retrouvailles agréable, productif et essentiel à la vie de l’association.

Il nous a aussi fallu repenser le reste de notre année. D’une part, nous avons annoncé un retard d’un trimestre pour la sortie de Mobilizon. D’autre part, nous avons complètement repensé la collecte que nous avions commencé à imaginer pour financer la v3 de PeerTube. Exit les mécaniques du crowdfunding ou « si vous ne payez pas, alors on ne fait pas » ! Nous avons choisi d’annoncer que nous développerions cette version, que l’on reçoive les 60 000 € de dons nécessaires ou non.

Framasoft, dans le monde d’avant.
D’après une infographie de Geoffrey Dorne, CC-By-SA.

C’est une chose que nous nous n’avons réalisée qu’après coup : vous avez été très généreuxses dans votre soutien à Framasoft durant ce premier confinement. C’était important : nos actions sont financées (à plus de 95 %) par vos dons. Si nous avons pu tout mettre en pause, prendre des libertés, expérimenter des contributions et retarder, voire modifier des projets, c’est parce que les seules personnes à qui nous avons des comptes à rendre, c’est vous. Vous nous avez offert cette liberté, merci.

Pour qui le peut, nous rappelons que Framasoft est une association reconnue d’intérêt général, et qu’à ce titre elle donne droit à des réductions fiscales pour les contribuables français·es. Concrètement, un don de 100 € à Framasoft revient, après déduction des impôts sur le revenu, à 34 €. Si vous le pouvez et le voulez, merci de contribuer à nos actions.

Soutenir Framasoft

Et le reste de 2020…?

Nous raconterons, dans un prochain article, ce que nous avons fait hors de cette parenthèse étrange et intense. Entre le 17 mars et le 11 mai, il y a eu moins de deux mois : nous avons eu l’impression que cela a duré un an !

L’avantage, si l’on peut dire, c’est que ce premier confinement nous a préparé⋅es au suivant. Aujourd’hui nos services ont beaucoup mieux encaissé la sérieuse montée en charge due au reconfinement. Du coup, nous, nous avons pu nous détendre, et faire des frama-prouts !




Khrys’coronalungo du lundi 9 novembre 2020

Comme chaque lundi, un coup d’œil dans le rétroviseur pour découvrir les informations que vous avez peut-être ratées la semaine dernière.

Brave New World

Spécial France

Spécial récupération politique

  • Des Islamo Gauchistes Pas Très Catholiques (agoravox.fr)

    Si être islamo gauchiste consiste à prétendre que trop d’esprits étriqués font le dangereux amalgame entre arabe et terroriste, entre musulman et fanatique ou encore souligne le racisme ambiant dont souffrent les maghrébins, alors il faut s’enorgueillir d’en être […] Bien sûr, tout le monde aura compris qu’il est bien plus pratique, facile et opportun d’ostraciser la France insoumise et par-delà la gauche de gouvernement, plutôt que l’extrême droite que Macron voit de nouveau comme le sésame de sa reconduite aux affaires en 2022

  • Intersectionnalité : Blanquer joue avec le feu (liberation.fr)

    En France, un ministre de l’Education peut donc profiter des horreurs du jihadisme pour s’attaquer à une «matrice intellectuelle» dont il ignore visiblement les origines historiques, les conditions de circulation et jusqu’au contenu.

  • Le retour des « mauvais maîtres » ? L’inquiétante radicalisation de Jean-Michel Blanquer (lundi.am)

    Jean-Michel Blanquer, a de toute évidence choisi la voie de la radicalisation pour assurer son salut politique mais est-il un loup solitaire ? Comment a-t-il pu commettre seul cet acte qui consiste à répandre de telles sornettes ? La vérité c’est qu’il n’est pas seul, c’est une organisation. Une organisation sur le déclin donc dangereuse. […] ami lecteur méfie-toi des « mauvais maîtres » car depuis la France de 1940, visiblement rien n’a changé, le ministre de l’instruction public te l’enseigne aujourd’hui : « – Arrêtez les suspects habituels ! ». Un seul détail diffère : la stratégie. La meilleure recette c’est d’associer la gauche au terrorisme pour ne plus avoir devant soi que la famille Le Pen à la prochaine élection.

Spécial médias et pouvoir

Spécial Coronavirus – données (plus ou moins) scientifiques

Spécial on gère comme des pieds (et à la néolibérale)

Spécial Conseil de Défense et dérives autoritaires

  • Une réforme discrète et hop ! la France est revenue à l’Ancien Régime (reporterre.net)

    Un décret, pris au cœur de l’été, a modifié radicalement la façon d’administrer le pays. Désormais, tout ce qui organise la vie sociale locale (urbanisme, biodiversité, éducation…) est devenu le fait du ministère du « maintien de l’ordre ». Ce décret, apparemment technique et difficilement compréhensible par le grand public, montre donc une dérive autoritaire du pouvoir. […] concentrer tous les pouvoirs sur un seul ministère axé sur le maintien de l’ordre, et laisser tous les autres domaines […] entre les mains des multinationales est une faute grave, ou alors il s’agit d’un choix politique délibéré : ce qui compte, c’est le maintien par la force de l’ordre capitaliste néolibéral.

  • Du secret défense et du dentifrice (arretsurimages.net)

    Depuis le début de la pandémie, en mars dernier, vous entendez parler du “conseil de défense”. “Emmanuel Macron a réuni le conseil de défense”. “Le conseil de défense a décidé ceci ou cela”. Et vous vous demandez vaguement, sans trop y réfléchir, pourquoi il est besoin de galonnés, de la fine fleur française de la lutte antiterroriste, pour décider de départager le dentifrice et le rouge à lèvres dans les rayons hygiène des supermarchés. […] C’est très opportunément que Jean-Luc Mélenchon s’est saisi hier de la question, en détaillant la liste des membres du fameux conseil de défense, et en avançant une raison de sa nouvelle toute-puissance : étendre à tout le gouvernement l’immunité dont bénéficie le président de la République, et prémunir les ministres contre des poursuites pénales ultérieures. […] ce qui est certain, c’est que le nouveau confinement élaboré dans ce conseil de défense est en train de se heurter à un vrai problème « “d’acceptabilité” »[…] Ce ne sont pas seulement les pousseurs de coups de gueule professionnels […] Ce sont des maires, des dizaines de maires, qui bravent les consignes en signant des arrêtés de réouverture des commerces

  • Covid-19 : il faut dessaisir le Conseil de défense (mediapart.fr)

    La captation présidentielle du pouvoir, à travers le Conseil de défense et de sécurité nationale, est inconstitutionnelle et inefficace. Ce conseil, en rien responsable ni devant les Français ni devant le Parlement, est devenu la boîte noire de la République. Tout s’y décide sans que nul ne sache ce qui s’y passe et s’y dit. Nous devons ouvrir des perspectives politiques nouvelles. […] L’article R1122-1 du Code de la Défense ne confère en rien au Conseil de défense la compétence de la gestion d’une crise sanitaire, fusse-t-elle de grande ampleur. […] L’art. 20 de la Constitution confère au Premier Ministre le pouvoir de déterminer et conduire la politique de la Nation, et il est seul responsable devant l’Assemblée Nationale qui a le pouvoir de le contrôler et de le censurer.

  • Macron à la dérive autoritaire − Le document choc (melenchon.fr)

    Pour la deuxième fois en un an, le gouvernement a recours à d’intenses restrictions de libertés pour juguler l’épidémie de Covid 19. Depuis le mois de mars, nous sommes passés d’un état d’urgence sanitaire à un régime transitoire sans retour à la normalité démocratique puis de nouveau en état d’urgence.

Spécial Loi Sécurité Globale

Spécial répression, racisme, violences policières…

Spécial Résistance(s)

Spécial GAFAM et cie

Les autres lectures de la semaine

  • Hommage à Laurent Séguin (framablog.org)
  • Le Covid-19, un virus capitaliste : entretien avec Rob Wallace (lenumerozero.info)
  • Le corps insurrectionnel comme seule issue politique ou vaincre le capitalisme par la marche à pied (paris-luttes.info)

    Étrange période où l’affiliation historiquement fasciste du Rassemblement National est considérée « républicain » et les militants de l’égalité assignés « islamo-gauchistes » ennemis de la démocratie. […] Bien que relevant aujourd’hui d’une essentialisation différente, la construction d’un « ennemi de l’intérieur traitre à la nation » préfigure toujours l’avènement d’un régime de nature fasciste qui n’est pas en opposition, mais une transformation du libéralisme. Il se caractérise : idéologiquement par l’effacement au nom du peuple de toute opposition, culturellement par la réduction du débat intellectuel à la falsification systématique de la réalité, juridiquement par la normalisation de l’état d’urgence, institutionnellement par l’omniprésence étatique et de son bras armé policier, économiquement par un management à la fois libéral et autoritaire, termes apparemment opposés, mais parfaitement compatibles avec l’évolution du capitalisme

  • Mathieu Rigouste : « Pour prospérer, le capitalisme joue la carte sécuritaire » (reporterre.net)

    les luttes de classe sont dynamiques. Les forces de révolte sociale et les volontés révolutionnaires qui ont animé le mouvement des Gilets jaunes sont toujours présentes, elles cherchent des moyens, se préparent à resurgir. En décembre 2018, on a vu à quel point les collaborations des fractions des classes dominantes à l’intérieur du bloc de pouvoir sont fragiles face au soulèvement et à l’action directe des dominés, hommes et femmes.

  • Aux sources de l’islamogauchisme (article de 2016) (lmsi.net)

    L’un des avantages de ce nouveau certificat d’infamie, « islamogauchisme », était que comme « hitléro-trotskysme », il était conçu pour comporter dans son libellé même une dénonciation sous couvert de caractérisation. Il renforçait l’idée du « complot islamiste » et leur prétendue alliance avec les intégristes devait faire obstacle à toute discussion avec les militants de la gauche radicale. La passion « laïque » était devenue croisade. En même temps que la gauche antiraciste ou la gauche féministe, c’est l’ensemble des secteurs de la gauche radicale qui se trouvait ainsi mis en demeure de choisir son camp.

  • Un long hiver républicain (lundi.am)
  • Il y a vingt-cinq ans jour pour jour, Deleuze, le théoricien des sociétés de contrôle, se donnait la mort. (monde-diplomatique.fr)
  • Autour des mutuelles de revenus (brochure de 2014) (infokiosques.net)
  • À propos d’Abdelhakim Sefrioui et du collectif Cheikh Yassine (lahorde.samizdat.net)

Les BDs/graphiques/photos de la semaine

Spécial défaite de Trump

Les vidéos/podcasts de la semaine

Les autres trucs chouettes de la semaine

Deux personnages prennent le café. Le personnage de gauche dit : Alors ça y est, c'est reparti pour des lungo ? - la personne de droite répond : Yep, c'est la loi de l'action-réaction... Plus tu cherches à comprimer la liberté d'expression, et plus elle éclate de partout !
Retrouvez les revues de web précédentes dans la catégorie Libre Veille du Framablog.

Les articles, commentaires et autres images qui composent ces « Khrys’presso » n’engagent que moi (Khrys).




Khrys’presso du lundi 2 novembre 2020

Comme chaque lundi, un coup d’œil dans le rétroviseur pour découvrir les informations que vous avez peut-être ratées la semaine dernière.

Brave New World

Spécial France

Spécial médias et pouvoir

Spécial Coronavirus – données (plus ou moins) scientifiques

Spécial on gère comme des pieds (et à la néolibérale)

Spécial on profite de la situation

  • Télétravail: des logiciels espions pour surveiller en masse les salariés (rfi.fr)
  • Loi sécurité globale : surveillance généralisée des manifestations (laquadrature.net)

    Le 20 octobre, les députés de la majorité LREM ont déposé une proposition de loi de « sécurité globale ». Elle sera débattue par l’Assemblée nationale le 4 novembre, dans une urgence inouïe que rien ne justifie. Son article 21 veut déréguler l’utilisation des caméras mobiles portées par les forces de l’ordre. Son article 22 veut légaliser la surveillance par drone. Son article 24 veut interdire au public de diffuser l’image de policiers.

  • La chambre d’écho du terrorisme — L’image Sociale (imagesociale.fr/)
  • Islamo-gauchisme et capitalo-fascisme (reporterre.net)

    Derrière l’accusation d’« islamo-gauchisme », les classes dirigeantes veulent cacher leur propre responsabilité dans le terrorisme islamique, lourde du fait de leurs liens avec les pétro-monarchies et leur radicalisation néo-libérale. Ce qui émerge, en fait, c’est un « capitalo-fascisme », qui abandonne les idéaux républicains de liberté, d’égalité et de fraternité pour maintenir un ordre inégal, destructeur de la biosphère, et écrasant les libertés publiques.

  • Qui est complice de qui? Les libertés académiques en péril (blogs.mediapart.fr)

    Sans doute, pour nos gouvernants, attaquer des universitaires est-il le moyen de détourner l’attention de leurs propres manquements : un professeur est mort, et on en fait porter la responsabilité à d’autres professeurs… De plus, c’est l’occasion d’affaiblir les résistances contre une Loi de programmation de la recherche qui précarise davantage l’Université. D’ailleurs, le 28 octobre, le Sénat vient d’adopter un amendement à son article premier : « Les libertés académiques s’exercent dans le respect des valeurs de la République », « au premier rang desquelles la laïcité ». Autrement dit, ce n’est plus seulement le code pénal qui définirait les limites de la liberté d’expression des universitaires. Des collègues, désireux de régler ainsi des différends scientifiques et politiques, appuient cette offensive en réclamant dans Le Monde la création d’une « instance chargée de faire remonter directement les cas d’atteinte aux principes républicains et à la liberté académique »… et c’est au nom de « la liberté de parole » ! Bref, comme l’annonce sombrement le blog Academia, c’est « le début de la fin. » […] En France, aujourd’hui, les droits des minorités, religieuses ou pas, des réfugiés et des manifestants sont régulièrement bafoués ; et quand des ministres s’attaquent, en même temps qu’à une association de lutte contre l’islamophobie, à des universitaires, mais aussi à l’Unef (après SUD Éducation), à La France Insoumise et à son leader, ou bien à Mediapart et à son directeur, tous coupables de s’engager « pour les musulmans », il faut bien se rendre à l’évidence : la démocratie est amputée de ses libertés fondamentales. Paradoxalement, la France républicaine d’Emmanuel Macron ressemble de plus en plus, en dépit des gesticulations, à la Turquie islamiste de Recep Tayyip Erdogan, qui persécute, en même temps que la minorité kurde, des universitaires, des syndicalistes, des médias libres et des partis d’opposition.

  • Covid-19 : Jean-Luc Mélenchon alerte contre “les débordements du pouvoir solitaire” (lejdd.fr)

    Nous vivons donc désormais dans un pays où on ne vend plus de livres autrement que par le truchement de la plateforme d’une multinationale. Le Président en personne avait bien dit : ‘faites-vous livrer’. C’était déjà une indication assez claire de la façon dont cet homme voit le futur de nos sociétés. Bien sûr personne n’ira dire que c’est un symbole inouï de voir couper l’accès aux livres en France. Le Covid vous dis-je! Et le reste de ce qui vient de se dérouler devant nous est tout aussi glaçant. Mais c’est le Covid, vous dis-je! Ainsi jeudi 29 octobre, le Premier ministre demandait au parlement un vote de confiance. Il s’agissait d’approuver le nouveau plan de confinement du pays. Il n’était pas question de l’amender, ou de le discuter de quelque façon que ce soit. Le Parlement n’a jamais été un lieu de décision en macronie. Oui ou non. Point final. Mais voilà une nouveauté : même le Conseil des ministres a été écarté de la décision. C’est ce qu’a reconnu le porte-parole du gouvernement : la décision de confiner tout le pays a été prise en ‘Conseil de défense’. Personne ne prête plus attention au fonctionnement des institutions? Doit-on dire là : ‘c’est un détail’? […] Le Conseil de défense est une instance créée par une ordonnance de 1959 pour les décisions de stratégie militaire. Son fonctionnement est resté très limité pendant longtemps. Les présidents Mitterrand et Chirac ne réunissaient ce Conseil qu’une à deux fois par an. Sarkozy et Hollande un peu plus. Mais depuis le début de son mandat Macron réunit le Conseil de défense…. toutes les semaines. La semaine du 26 octobre, il l’a convoqué trois fois. Il l’a fait 40 fois depuis le début de l’année 2020.

Spécial répression, racisme, violences policières…

Spécial Résistance(s)

Spécial GAFAM et cie

Les autres lectures de la semaine

  • Bye bye RedBubble (grisebouille.net), une petite histoire de copyright madness comme on les aime.
  • Algos à fleur de peau. La gêne du gynécée. (affordance.info)
  • Les transformations de l’Assurance maladie (gaucherepublicaine.org)
  • La société automatisée au risque de l’opacité (internetactu.net)
  • Pour vivre libres, sortons du bocal numérique (reporterre.net)

    À la fin du Quai de Wigan (1937), George Orwell analyse l’assujettissement par la machine. Un monde où elle serait omniprésente aurait tué le travail créatif, atrophié les sens et détruit la volonté d’agir par soi-même. Il a cette formule saisissante : « L’aboutissement logique du progrès mécanique est de réduire l’être humain à quelque chose qui tiendrait du cerveau enfermé dans un bocal. » […] On sait depuis quatre décennies qu’une société pleinement informatisée a toutes les chances de déboucher sur une société totalitaire. En 1979, face aux grèves et aux actions menées en France contre les ordinateurs et l’horizon d’une société de surveillance, le gouvernement avait dû organiser un grand débat national. À l’époque, pour rassurer la population, le président Valéry Giscard d’Estaing avait pointé la situation à laquelle il ne fallait surtout pas arriver : « Poussé à l’extrême, l’usage de la télématique pourrait être la suprême aliénation. L’homme deviendrait un consommateur d’images et de signes placé devant un écran universel capable de solliciter tous les savoirs, toutes les mémoires et tous les services. » Après cette séance d’exorcisme, l’État, comme dans tous les pays riches, a consacré les quarante années suivantes à dépenser des milliards d’argent public pour structurer des filières de recherche-industrie et informatiser la société. Jusqu’au bocal donc. À la faveur de l’état d’urgence sanitaire, l’État vient d’en refermer brusquement le couvercle. Clac.

  • Contre les convois de la réintoxication du monde (expansive.info)
  • Vivre avec une dépression par temps de Covid (blog.ecologie-politique.eu)
  • Il faut éviter « un confinement mental » (humanite.fr)
  • C’est quoi pour toi être commoner ? (maiadereva.net)
  • Démocratie immunitaire (lundi.am)

    Dans les débats sur la démocratie, on discute des façons de la défendre, de la réformer, de l’améliorer, sans en mettre en doute ni les frontières, ni l’appartenance, ni encore moins le lien qui la fait tenir : la phobie de la contagion, la peur de l’autre, la terreur de ce qui est dehors. On oublie par conséquent que la discrimination est toujours déjà latente.

  • Qu’est-ce que la peur ? (lundi.am)

    Si les manifestions se multiplient, notamment en Europe, pour protester contre des décisions jugées disproportionnées, voire tout à fait inadéquates, l’on peut s’étonner que les sondages, en France comme en Italie, traduisent une assez large acceptation d’un gouvernement par la contrainte sans précédent. Giorgio Agamben remonte à la racine à la fois psychique et politique de l’état de sidération observé actuellement.

  • Les leçons du Professeur Moriarty (lundi.am)
  • Gilles Deleuze : « L’information, c’est la société de contrôle » (iphilo.fr)

    Nous n’avons plus besoin, ou plutôt ceux qui veillent à notre bien, n’ont plus besoin ou n’auront plus besoin de milieux d’enfermement. […] les prisons, les écoles, les hôpitaux – sont des lieux de discussion permanents. Est-ce qu’il ne faut pas mieux répandre partout les soins à domicile ? Les usines, les ateliers ? […] Est-ce qu’il ne vaut pas mieux les régimes de sous-traitance ? Et même le travail à domicile ? Les prisons ?

  • Plaidoyer pour une éducation sans vidéo (cerisara.fr)
  • L’engagement des femmes dans la Résistance – Rapport d’information (senat.fr)

Les BDs/graphiques/photos de la semaine

Les vidéos/podcasts de la semaine

Pour acheter des livres sans engraisser Amazon

Les autres trucs chouettes de la semaine

Deux personnages prennent le café. Le personnage de gauche dit : Ça va, la forme ? - la personne de droite répond : Huhu, comme un lundi... Tu reveux du café ?
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