Nous devons nous passer de Chrome

Chrome, de navigateur internet novateur et ouvert, est devenu au fil des années un rouage essentiel de la domination d’Internet par Google. Cet article détaille les raisons pour lesquelles Chrome asphyxie le Web ouvert et pourquoi il faudrait passer sur un autre navigateur tel Vivaldi ou Firefox.

Article original : https://redalemeden.com/blog/2019/we-need-chrome-no-more

Traduction Framalang : mo, Khrys, Penguin, goofy, Moutmout, audionuma, simon, gangsoleil, Bullcheat, un anonyme

Nous n’avons plus besoin de Chrome

par Reda Lemeden

Il y a dix ans, nous avons eu besoin de Google Chrome pour libérer le Web de l’hégémonie des entreprises, et nous avons réussi à le faire pendant une courte période. Aujourd’hui, sa domination étouffe la plateforme même qu’il a autrefois sauvée des griffes de Microsoft. Et personne, à part Google, n’a besoin de ça.

Nous sommes en 2008. Microsoft a toujours une ferme emprise sur le marché des navigateurs web. Six années se sont écoulées depuis que Mozilla a sorti Firefox, un concurrent direct d’Internet Explorer. Google, l’entreprise derrière le moteur de recherche que tout le monde aimait à ce moment-là, vient d’annoncer qu’il entre dans la danse. Chrome était né.

Au bout de deux ans, Chrome représentait 15 % de l’ensemble du trafic web sur les ordinateurs fixes — pour comparer, il a fallu 6 ans à Firefox pour atteindre ce niveau. Google a réussi à fournir un navigateur rapide et judicieusement conçu qui a connu un succès immédiat parmi les utilisateurs et les développeurs Web. Les innovations et les prouesses d’ingénierie de leur produit étaient une bouffée d’air frais, et leur dévouement à l’open source la cerise sur le gâteau. Au fil des ans, Google a continué à montrer l’exemple en adoptant les standards du Web.

Avançons d’une décennie. Le paysage des navigateurs Web est très différent. Chrome est le navigateur le plus répandu de la planète, faisant de facto de Google le gardien du Web, à la fois sur mobile et sur ordinateur fixe, partout sauf dans une poignée de régions du monde. Le navigateur est préinstallé sur la plupart des téléphones Android vendus hors de Chine, et sert d’interface utilisateur pour Chrome OS, l’incursion de Google dans les systèmes d’exploitation pour ordinateurs fixe et tablettes. Ce qui a commencé comme un navigateur d’avant-garde respectant les standards est maintenant une plateforme tentaculaire qui n’épargne aucun domaine de l’informatique moderne.

Bien que le navigateur Chrome ne soit pas lui-même open source, la plupart de ses composantes internes le sont. Chromium, la portion non-propriétaire de Chrome, a été rendue open source très tôt, avec une licence laissant de larges marges de manœuvre, en signe de dévouement à la communauté du Web ouvert. En tant que navigateur riche en fonctionnalités, Chromium est devenu très populaire auprès des utilisateurs de Linux. En tant que projet open source, il a de nombreux adeptes dans l’écosystème open source, et a souvent été utilisé comme base pour d’autres navigateurs ou applications.

Tant Chrome que Chromium se basent sur Blink, le moteur de rendu qui a démarré comme un fork de WebKit en 2013, lorsque l’insatisfaction de Google grandissait envers le projet mené par Apple. Blink a continué de croître depuis lors, et va continuer de prospérer lorsque Microsoft commencera à l’utiliser pour son navigateur Edge.

La plateforme Chrome a profondément changé le Web. Et plus encore. L’adoption des technologies web dans le développement des logiciels PC a connu une augmentation sans précédent dans les 5 dernières années, avec des projets comme Github Electron, qui s’imposent sur chaque OS majeur comme les standards de facto pour des applications multiplateformes. ChromeOS, quoique toujours minoritaire comparé à Windows et MacOS, s’installe dans les esprits et gagne des parts de marché.

Chrome est, de fait, partout. Et c’est une mauvaise nouvelle

Don’t Be Evil

L’hégémonie de Chrome a un effet négatif majeur sur le Web en tant que plateforme ouverte : les développeurs boudent de plus en plus les autres navigateurs lors de leurs tests et de leurs débogages. Si cela fonctionne comme prévu sur Chrome, c’est prêt à être diffusé. Cela engendre en retour un afflux d’utilisateurs pour le navigateur puisque leurs sites web et applications favorites ne marchent plus ailleurs, rendant les développeurs moins susceptibles de passer du temps à tester sur les autres navigateurs. Un cercle vicieux qui, s’il n’est pas brisé, entraînera la disparition de la plupart des autres navigateurs et leur oubli. Et c’est exactement comme ça que vous asphyxiez le Web ouvert.

Quand il s’agit de promouvoir l’utilisation d’un unique navigateur Web, Google mène la danse. Une faible assurance de qualité et des choix de conception discutables sont juste la surface visible de l’iceberg quand on regarde les applications de Google et ses services en dehors de l’écosystème Chrome. Pour rendre les choses encore pires, le blâme retombe souvent sur les autres concurrents car ils « retarderaient l’avancée du Web ». Le Web est actuellement le terrain de jeu de Google ; soit vous faites comme ils disent, soit on vous traite de retardataire.

Sans une compétition saine et équitable, n’importe quelle plateforme ouverte régressera en une organisation dirigiste. Pour le Web, cela veut dire que ses points les plus importants — la liberté et l’accessibilité universelle — sont sapés pour chaque pour-cent de part de marché obtenu par Chrome. Rien que cela est suffisant pour s’inquiéter. Mais quand on regarde de plus près le modèle commercial de Google, la situation devient beaucoup plus effrayante.

La raison d’être de n’importe quelle entreprise est de faire du profit et de satisfaire les actionnaires. Quand la croissance soutient une bonne cause, c’est considéré comme un avantage compétitif. Dans le cas contraire, les services marketing et relations publiques sont mis au travail. Le mantra de Google, « Don’t be evil« , s’inscrivait parfaitement dans leur récit d’entreprise quand leur croissance s’accompagnait de rendre le Web davantage ouvert et accessible.

Hélas, ce n’est plus le cas.

Logos de Chrome

L’intérêt de l’entreprise a dérivé petit à petit pour transformer leur domination sur le marché des navigateurs en une croissance du chiffre d’affaires. Il se trouve que le modèle commercial de Google est la publicité sur leur moteur de recherche et Adsense. Tout le reste représente à peine 10 % de leur revenu annuel. Cela n’est pas forcément un problème en soi, mais quand la limite entre navigateur, moteur de recherche et services en ligne est brouillée, nous avons un problème. Et un gros.

Les entreprises qui marchent comptent sur leurs avantages compétitifs. Les moins scrupuleuses en abusent si elles ne sont pas supervisées. Quand votre navigateur vous force à vous identifier, à utiliser des cookies que vous ne pouvez pas supprimer et cherche à neutraliser les extensions de blocage de pub et de vie privée, ça devient très mauvais1. Encore plus quand vous prenez en compte le fait que chaque site web contient au moins un bout de code qui communique avec les serveurs de Google pour traquer les visiteurs, leur montrer des publicités ou leur proposer des polices d’écriture personnalisées.

En théorie, on pourrait fermer les yeux sur ces mauvaises pratiques si l’entreprise impliquée avait un bon bilan sur la gestion des données personnelles. En pratique cependant, Google est structurellement flippant, et ils n’arrivent pas à changer. Vous pouvez penser que vos données personnelles ne regardent que vous, mais ils ne semblent pas être d’accord.

Le modèle économique de Google requiert un flot régulier de données qui puissent être analysées et utilisées pour créer des publicités ciblées. Du coup, tout ce qu’ils font a pour but ultime d’accroître leur base utilisateur et le temps passé par ces derniers sur leurs outils. Même quand l’informatique s’est déplacée de l’ordinateur de bureau vers le mobile, Chrome est resté un rouage important du mécanisme d’accumulation des données de Google. Les sites web que vous visitez et les mots-clés utilisés sont traqués et mis à profit pour vous offrir une expérience plus « personnalisée ». Sans une limite claire entre le navigateur et le moteur de recherche, il est difficile de suivre qui connaît quoi à votre propos. Au final, on accepte le compromis et on continue à vivre nos vies, exactement comme les ingénieurs et concepteurs de produits de Google le souhaitent.

En bref, Google a montré à plusieurs reprises qu’il n’avait aucune empathie envers ses utilisateurs finaux. Sa priorité la plus claire est et restera les intérêts des publicitaires.

Voir au-delà

Une compétition saine centrée sur l’utilisateur est ce qui a provoqué l’arrivée des meilleurs produits et expériences depuis les débuts de l’informatique. Avec Chrome dominant 60 % du marché des navigateurs et Chromium envahissant la bureautique sur les trois plateformes majeures, on confie beaucoup à une seule entreprise et écosystème. Un écosystème qui ne semble plus concerné par la performance, ni par l’expérience utilisateur, ni par la vie privée, ni par les progrès de l’informatique.

Mais on a encore la possibilité de changer les choses. On l’a fait il y a une décennie et on peut le faire de nouveau.

Mozilla et Apple font tous deux un travail remarquable pour combler l’écart des standards du Web qui s’est élargi dans les premières années de Chrome. Ils sont même sensiblement en avance sur les questions de performance, utilisation de la batterie, vie privée et sécurité.

Si vous êtes coincés avec des services de Google qui ne marchent pas sur d’autres navigateurs, ou comptez sur Chrome DevTools pour faire votre travail, pensez à utiliser Vivaldi2 à la place. Ce n’est pas l’idéal —Chromium appartient aussi à Google—, mais c’est un pas dans la bonne direction néanmoins. Soutenir des petits éditeurs et encourager la diversité des navigateurs est nécessaire pour renverser, ou au moins ralentir, la croissance malsaine de Chrome.

Je me suis libéré de Chrome en 2014, et je n’y ai jamais retouché. Il est probable que vous vous en tirerez aussi bien que moi. Vous pouvez l’apprécier en tant que navigateur. Et vous pouvez ne pas vous préoccuper des compromissions en termes de vie privée qui viennent avec. Mais l’enjeu est bien plus important que nos préférences personnelles et nos affinités ; une plateforme entière est sur le point de devenir un nouveau jardin clos. Et on en a déjà assez. Donc, faisons ce que nous pouvons, quand nous le pouvons, pour éviter ça.

Sources & Lectures supplémentaires

 




Les empreintes de nos navigateurs nous identifient — et si on brouillait les pistes ?

Depuis un an ou deux une conscience floue de l’ubiquité du pistage est perceptible dans les conversations sous la forme de brèves remarques fatalistes :

— De toutes façons on est espionnés, alors…
— Ils peuvent savoir tout ce qu’on fait sur Internet, hein…

et chez les Dupuis-Morizeau :

— J’ai réservé la location moins cher avec le PC du boulot pour exactement la même chose… Faut croire que depuis qu’on fait des achats en ligne ils se figurent qu’on pourrait payer plus…

Vous qui savez, ne vous moquez pas trop vite : mieux vaut cette perception diffuse qu’une certitude naïve d’être protégé (« ah tu vois le petit s derrière http ça veut dire que c’est sécurisé ce site » hum) ou pire une ignorance dangereuse.
Certes le chemin est long encore avant de pouvoir susciter une plus large prise de conscience puis une évolution des comportements et des usages dans notre vie numérique. C’est à quoi Framasoft s’efforce de mener par étapes avec la campagne longue durée Dégooglisons Internet. Mais bien d’autres initiatives surgissent semaine après semaine, et nous sommes ravis de leur donner un écho.
Tel est le cas aujourd’hui avec le projet amiunique (non, ce n’est pas un site de rencontre pour trouver un seul ami pour la vie : Am I unique? signifie : « Suis-je unique ? »).
Nous sommes pistés, traqués, espionnés, piégés, profilés… d’accord, tout le monde en a désormais « entendu parler ». Mais que sait-on de nous au juste lorsqu’on va jeter coup d’œil sur un site web ?
Il existe déjà des moyens d’en avoir une idée, par exemple dans Firefox, de nombreux outils de développement proposent des fonctionnalités pour voir ce qui se passe sous les jupes de la connexion. Mais le site amiunique.org en facilite l’accès et explique de quoi il retourne.
On découvre ainsi que cette quantité importante d’informations permet le plus souvent de faire de vous un utilisateur « unique »
— Ah j’en vois qui se rengorgent de n’être pas comme tous les autres et qui sont tout fiers de se distinguer du supposé troupeau des internautes…[1]
Mais ne vous réjouissez pas trop vite, écoutez un peu ce que nous dit Benoît Baudry et voyez comment tout au contraire se fondre dans une masse d’empreintes numériques similaires pourrait être un moyen de ne plus être unique, donc de risquer moins d’être pisté !

Bonjour, pouvez-vous vous présenter brièvement ?
baudry.pngJe suis chercheur depuis 2004 dans le domaine du génie logiciel. J’ai beaucoup travaillé sur des outils et algorithmes pour améliorer les activités de test logiciel dans le domaine des systèmes embarqués. Cette activité s’est ensuite élargie pour traiter de problèmes d’analyse de programme. Depuis février 2013 je coordonne un projet de recherche européen (DIVERSIFY) sur le thème de la diversification du logiciel pour faire des applications web plus robustes.
Dans ce contexte, nous avons démarré une activité sur le browser fingerprinting, c’est-à-dire les empreintes, les traces numériques que laissent nos plateformes quand nous nous connectons avec nos navigateurs.
La petite équipe qui se consacre à amiunique.org et aux technologies anti-fingerprint comprend un doctorant et bénéficie du conseil scientifique et technique de deux chercheurs en sécurité et génie logiciel.

Il n’est pas si fréquent qu’un labo de recherche universitaire entame un projet qui peut toucher un assez vaste public et potentiellement l’ensemble des utilisateurs du Web. Alors pourquoi s’intéresser au fingerprinting ?
Tous nos travaux de recherche sont inspirés par des problèmes réels rencontrés lors de la construction de systèmes logiciels. La nouveauté dans ce cas tient sans doute au fait que le problème ne touche pas seulement les développeurs de logiciels, mais que tout internaute peut se sentir concerné.
Dans le cadre de DIVERSIFY, nous étudions la diversité logicielle et la manière dont elle peut être exploitée, voire amplifiée par des procédures automatiques. L’idée de ce projet c’est que l’augmentation de la diversité logicielle augmente également la résilience et la sécurité des applis webs.
Par ailleurs, nous avons découvert que dans le cas du browser fingerprinting la très grande diversité et la richesse de l’écosystème web sont devenues un problème pour la vie privée : cet écosystème très très riche permet à chacun de disposer d’une plateforme qui correspond parfaitement à ses envies et à son confort, mais c’est ce même phénomène qui rend chaque plateforme unique et donc traçable. La question qui nous a alors intéressés est la suivante :

Peut-on exploiter la diversité qui est à l’origine du problème de fingerprint pour lutter contre le traçage, en modifiant automatiquement et régulièrement la plateforme logicielle d’un internaute ?

La première étape pour répondre à cette question consiste à étudier de près la diversité des plateformes qu’on peut trouver sur le web, ce qui nous a amené à développer le site amiunique.org

Bon alors de quoi s’agit-il au juste ? Pourquoi devrais-je me demander si je suis unique ? C’est inquiétant d’être unique sur le Net ?

Une première remarque à propos de l’unicité : quand le site affiche « Êtes-vous unique ? Oui ! », ce qu’il faut comprendre c’est que la plateforme logicielle (navigateur, OS, polices, plugins, etc.) que vous avez utilisée pour aller sur le site est unique parmi toutes celles observées jusqu’à présent. 

Un clic pour essayer…

test_empreinte.png

et voici le résultat :

unique.png
Quand vous visitez un site web, celui-ci peut facilement récolter un grand nombre d’informations à propos de votre plateforme. Certaines de ces informations sont systématiquement fournies au site web par le navigateur (user agent et en-têtes http), et pour le reste le serveur peut interroger les interfaces Flash, JavaScript et toute autre interface offerte par le navigateur et ses plugins.

Une longue liste de données que l’on peut récolter… (cliquer pour agrandir)

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Le problème d’avoir une plateforme unique c’est que les sites marchands peuvent personnaliser leur contenu en fonction de la plateforme (pratiques tarifaires en fonction des clients ou publicités ciblées). Par exemple, les sites peuvent varier les prix en fonction de la localisation de l’internaute, déduite approximativement par l’adresse IP (voyez cet exemple), ou en fonction du système d’exploitation (un autre exemple). Une étude a montré que le site de voyages Orbitz propose des prix plus élevés aux utilisateurs de Mac OS (exemple d’Orbitz).

Mais ce que vous proposez de faire, ça commence bien comme du pistage non ? Vous voulez qu’on vous donne toutes les informations sur notre navigateur pour votre recherche, vous êtes sympathique avec votre bonne tête de nerd barbu mais comment puis-je avoir confiance ? Et puis vous allez faire quoi de cette bientôt énorme base de données récoltées, mmh ? 

La politique de confidentialité d’amiunique.org établit très clairement ce qui advient des données récoltées : elles sont stockées sur une machine sécurisée et nous les utilisons à des fins d’analyse statistique. Par ailleurs, nous ne récoltons absolument aucune information qui nous permette de relier une empreinte à une personne, les donnée sont donc anonymes par construction. Les analyses statistiques d’empreintes réelles sont essentielles pour établir des procédures qui modifient automatiquement la plateforme d’un internaute de manière réaliste. Dans cet objectif, 2 défis à relever : réussir à modifier la plateforme de manière transparente, mais suffisamment pour changer l’empreinte ; modifier la plateforme tout en la faisant ressembler à une vraie plateforme pour éviter d’être repéré comme un usager qui essaie de se cacher.

Quelle est selon vous la masse critique d’empreintes collectées qui vous permettra de passer à la phase suivante du projet ?

Il est important pour nous de rassembler un maximum d’empreintes pour que le verdict que nous rendons aux visiteurs (oui / non vous êtes unique) soit vraiment significatif. À l’échelle du Web, être unique parmi quelques dizaines de milliers d’internautes, ce n’est pas forcément très impressionnant, alors qu’être unique parmi quelques millions c’est déjà plus surprenant. Pour nos travaux futurs sur le brouillage c’est surtout important de récupérer une très grande diversité d’empreintes (diversité géographique, diversité de navigateur, polices, etc.). Un échantillon étendu et diversifié nous permettra d’identifier quelles sont les caractéristiques les plus discriminantes, qui devront être la cible principale pour le brouillage.

goofy-inquiet.jpget euh… je ne risque rien si je “triche” en envoyant finalement des données trompeuses ? C’est bien légal ça ?

Il n’y a rien d’illégal à modifier/changer/envoyer des fausses informations. Cependant, deux problèmes peuvent se poser avec les extensions de navigateurs qui renvoient de fausses informations dans le user agent (par exemple User agent switcher).
Le premier vient du fait que les informations que vous envoyez à un serveur sont censées être utilisées pour vous renvoyer une page web qui est parfaitement adaptée à votre navigateur et à sa configuration. Si vous mentez, la page web peut présenter de nombreux défauts et certaines fonctionnalités peuvent ne pas être opérationnelles.
Le second problème vient du fait que si vous mentez, il se peut que votre empreinte soit incohérente et cela vous rend tout de suite identifiable. Par exemple, sur une des empreintes récoltées sur amiunique, le navigateur annonce dans son User Agent qu’il tourne sous Windows alors que le moteur de rendu JavaScript nous indique que la machine en question est un Mac. Cette configuration qui n’est pas censée exister dans la réalité vous rend identifiable car vous serez une des seules personnes au monde à avoir cette configuration incohérente.
Ce n’est donc pas illégal de mentir, mais ça peut engendrer des problèmes à la fois liés à la navigation et au traçage par empreinte.

Par ailleurs, il n’y a rien d’illégal à modifier charger / supprimer des nouvelles polices à chaque lancement de votre navigateur ou à utiliser régulièrement une version différente d’un navigateur.
Nous pensons qu’un avantage de *modifier la plateforme* (plutôt que de renvoyer de fausses informations) c’est qu’on ne prendra pas le risque d’être identifié comme un menteur ou comme une plateforme qui tente d’envoyer des données trompeuses.

C’est astucieux tout ça mais vous ne craignez pas que ceux qui nous pistent trouvent une parade à votre dispositif ?

Certainement et c’est toute la difficulté de tout dispositif pour la vie privée : dès qu’un nouveau dispositif apparaît, il fixe également les nouvelles barrières à franchir pour ceux qui veulent nous pister. Ce que nous espérons surtout c’est que ce genre de mécanisme rende le pistage plus difficile et plus coûteux.

Est-ce qu’on peut espérer que cette expérience “de laboratoire” aura une utilité pour nous les internautes concernés par le pistage de nos empreintes ? Pour votre équipe c’est un intéressant objet de recherche, mais sous quelle forme finale pourrait aboutir votre projet pour la famille Dupuis-Morizeau[2]  ?

Nous l’espérons vraiment. Pour l’instant, il faudrait idéalement que la famille Dupuis-Morizeau ait des PC sous Linux, et dans ce cas nous visons une solution qui puisse être téléchargée et utilisée à la place du navigateur standard. En gros, ça devrait être un conteneur qui isole le navigateur et tous les éléments de plateforme, qui est lancé à chaque fois que quelqu’un veut naviguer sur Internet. Au lancement de ce conteneur, un navigateur, des polices, des plugins, voire quelques éléments de configurations système sont sélectionné aléatoirement, assemblés et démarrés. L’internaute peut alors naviguer avec une plateforme différente de celle utilisée la dernière fois.

Bon, on y voit un peu plus clair et ce projet a de quoi intéresser. Que peuvent faire les lecteurs de cet article s’ils souhaitent contribuer ?

Distribuer l’URL pour augmenter le nombre d’empreintes c’est déjà une énorme contribution. Toute idée de forums internationaux pour augmenter la diversité des empreintes est aussi tout à fait bienvenue. Enfin, le code du site est open source et nous serions ravis d’avoir des contributions à ce projet sous forme de traduction de pages, revue de code (architecture du site, sécurité, etc.) ou toute idée pour mieux valoriser les données auprès des visiteurs.

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Liens

Notes

[1] Si vous pensez que les internautes moyens sont Mme Michu, une dinde ménopausée, et son mari tonton Roger, que ses gros doigts de pêcheur de brochet empêchent d’appuyer sur la bonne touche, cet article n’est pas pour vous.

[2] L’authentique Mme Michu a demandé qu’on cesse de la mentionner. Le Framablog a décidé d’employer désormais l’exemple des Dupuis-Morizeau, une sympathique famille recomposée qui vit à Rouen en Normandie.




Geektionnerd : Dépêches Melba XVI

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Sources sur Numerama :

Crédit : Simon Gee Giraudot (Creative Commons By-Sa)




Saviez-vous que Mozilla est en train de détourner l’Internet ? par Glyn Moody

« Les cons ça ose tout, c’est même à ça qu’on les reconnaît » disaient nos tontons.

Je ne connaissais pas l’Interactive Advertising Bureau, organisation regroupant des acteurs de la publicité sur Internet, mais ce qui est sûr c’est qu’elle ne gagne rien à se ridiculiser en attaquant ainsi Mozilla (qui nous protège justement de la prolifération actuelle des cookies intrusifs).

Qu’en pensent Google, Microsoft, Orange, TF1, etc., tous membres de la branche française de l’Interactive Advertising Bureau ?

Commentaire : L’image ci-dessous est extraite de l’article de l’Interactive Advertising Bureau qui a fait bondir Glyn Moody. Ce serait donc Mozilla qui enferme ses utilisateurs, vraiment trop forts nos publicitaires !

Interactive Advertising Bureau vs Mozilla

Saviez-vous que Mozilla est en train de détourner l’Internet ?

Did You Know that Mozilla is Hijacking the Internet?

Glyn Moody – 12 août 2013 – ComputerWorld (Open Entreprise)
(Traduction Framalang : ane o’nyme, Sky, LordPhoenix, bruno, Cryptie, anneau2fer, simplementNat, Zii, greygjhart + anonymes)

Il y a quelques semaines j’ai relaté l’attaque à peine croyable de la branche européenne du « Interactive Advertising Bureau (IAB) » envers Mozilla au motif que cette dernière aurait « renoncé à ses valeurs » car elle persisterait à défendre les droits des utilisateurs à contrôler comment les cookies sont utilisés sur leur système.

Vu l’avalanche de moqueries venues de toutes part que cette énorme idiotie tactique a provoquée, on pouvait s’attendre à ce que des conseillers plus sages l’emportent et à ce que l’IAB se replie dans un petit coin tranquille, dans l’espoir que les gens arrêtent de se moquer et oublient simplement et complètement ce déplorable incident.

Mais non. au lieu de cela, l’IAB revient à la charge avec une nouvelle attaque sous la forme d’une pleine page achetée dans le magazine Advertising Age, encore plus énorme, plus forte et plus dingue (aussi disponible en ligne pour votre plus grand plaisir).

Sous le sobre titre : « Empêchez Mozilla de détourner l’internet », on peut lire :

De nos jours, il est facile de trouver le contenu qui vous intéresse sur Internet. Cela est dû au fait que les publicitaires peuvent adapter les annonces aux intérêts précis des utilisateurs grâce à l’usage responsable et transparent de cookies.

Je dois dire que je suis vraiment reconnaissant envers l’IAB de m’avoir ouvert les yeux en mettant ceci à jour parce que jusqu’à ce que je lise ce paragraphe, je nageais dans l’ignorance la plus totale et croyais naïvement que c’était les moteurs de recherches que j’utilisais, d’abord Lycos, puis Altavista, suivi de Google et désormais Startpage, qui me permettaient de trouver les choses qui m’intéressaient. Mais je réalise maintenant mon erreur : j’apprends qu’en fait c’est grâce à tous ces petits cookies si bien disséminés à mon insu dans mon système que j’ai trouvé tout ces trucs. Qui l’eût cru ?

Ces mêmes personnes de l’IAB qui ont eu l’obligeance de mentionner cela ont aussi de mauvaises nouvelles pour moi :

Mais Mozilla veux éliminer ces mêmes cookies qui permettent aux publicitaires de toucher le public, avec la bonne publicité, au bon moment.

Méchant Mozilla. Oh, mais attendez, en fait ce n’est pas ce que Mozilla fait. Il veut au contraire juste contrôler le flot de cookies qui proviennent de sites que vous n’avez pas visités et qui sont envoyés sur votre système, aussi appelés les cookies tiers. Voici une bonne explication de ce qui se passe ici :

Tous les acteurs tiers sont en marge de la transaction et peuvent ajouter de la valeur mais leur but premier diffère du bien ou du service recherché. Ces tierces parties sont plutôt comme le type qui fait le tour du parking avec ses prospectus pendant que vous faites vos courses et met des bons de réduction sur le pare-brise de tout le monde (Oh ! Jamais en panne, 169€ par mois ?). Il ne remplit pas les rayons, ni n’emballe vos courses, mais il fait quand même partie (indirectement ou marginalement) de l’opération « aller faire ses courses ».

Il ne s’agit donc pas d’une volonté de Mozilla d’éliminer les cookies en général mais simplement de donner à l’utilisateur le pouvoir de contrôler ces publicités ennuyeuses glissées sous vos essuie-glaces numériques quand vous visitez un supermarché virtuel.

Mais revenons à la fine analyse de l’IAB :

Mozilla prétend que c’est dans l’intérêt de la vie privée. En vérité nous pensons qu’il s’agit d’aider certains modèles d’affaire à prendre un avantage sur le marché et à réduire la concurrence.

Heu, parlons-nous du même Mozilla ? Vous savez le projet open source qui a certainement fait plus pour défendre les utilisateurs et le Web ouvert que personne ? Ce projet-là ? Car j’ai bien peur d’avoir du mal à imaginer ces codeurs altruistes « aider certains modèles d’affaire à prendre un avantage sur le marché et à réduire la concurrence ».

Je veux dire, Firefox a justement été spécifiquement créé pour accroître la concurrence ; le credo de Mozilla est que chacun devrait être libre d’utiliser le Web comme il l’entend, ce qui inclut toutes sortes de modèles économiques. Penser sérieusement que donner aux utilisateurs le contrôle de leur navigateur Firefox n’est pas défendre la vie privée mais une sorte complot maléfique destiné à miner l’ensemble de l’écosystème est, pour le formuler simplement, totalement cinglé. Peut être l’IAB vit-il dans univers parallèle ?

Les consommateurs ont déjà le contrôle sur les publicités ciblées qu’ils reçoivent via le programme d’auto-régulation de la Digital Advertising Alliance.

Pas de doute, l’IAB vit bien dans un univers parallèle, un univers dans lequel les gens ont réellement rencontré ce programme d’autorégulation de la Digital Advertising Alliance. Parce que je peux honnêtement dire qu’en 20 ans de promenades sur le Web, et bien trop d’heures passées en ligne chaque jour (comme mes abonnés sur Twitter, identi.ca et G+ le savent trop bien), je ne suis jamais tombé sur ce légendaire programme d’autorégulation de la Digital Advertising Alliance, et je sais encore moins comment l’utiliser pour contrôler les publicités que je reçois. Et je me retrouve, dans ce lamentable état d’ignorance, qui suggère plutôt que peu d’autres personnes utilisant l’Internet sont tombés sur le programme d’autorégulation de la Digital Advertising Alliance ou l’ont utilisé (est-ce qu’un lecteur ici est déjà tombé dessus, je me le demande).

En fait, je pense que l’IAB a commis ici un autre faux pas. En mentionnant le programme d’autorégulation de la Digital Advertising Alliance comme une « solution » existante qui rend caduques les projets de Mozilla pour maîtriser les cookies tiers, un programme qui, autant que je puisse en juger, est utilisé par très peu de gens, l’IAB a ainsi mis en évidence le fait qu’il n’y a pas vraiment d’alternative viable à Mozilla.

Je dois également souligner le fait que l’image (voir plus haut) utilisée dans l’article en question, un ordinateur portable enchainé, relève au mieux de l’ignorance, au pire constitue une insulte pour les centaines de milliers de personnes qui ont contribué au projet Mozilla au cours de ces 15 dernières années. Mozilla s’est voué à libérer le Web et ses utilisateurs d’un monopole qui menaçait de le détruire : il est difficile de penser à une image moins appropriée !

Et si l’IAB se préoccupe vraiment de qui peut faire pression sur nos ordinateurs et nous ôter notre liberté avec des centaines de fichiers minuscules qui nous épient où que l’on aille sur Internet, et s’inquiète de qui est vraiment en train de prendre en otage les incroyables ressources du Net, que Mozilla a beaucoup contribué à développer, il ferait bien de se regarder dans une glace…




Gros succès pour le « navigateur pirate » de The Pirate Bay

Le lanceur d’alerte Edward Snowden aurait-il réveillé les consciences ? Plus de cent mille téléchargements en trois jours pour le « PirateBrowser », navigateur spécifique (Firefox+Tor) mis récemment en ligne par The Pirate Bay pour contourner les sites bloqués par la censure, le plus souvent d’État !

Remarquons cependant que seul un exécutable Windows est pour le moment distribué, sans ses sources. Prudence donc si vous n’accordez pas une confiance aveugle à The Pirate Bay (qui s’offre là un bon coup de projecteur à moindres frais ?).

Si vous souhaitez l’anonymat en plus du contournement de la censure, allez plutôt voir directement du côté de Tor (qui propose d’ailleurs un Tor Browser bundle avec ses sources).

PirateBrowser - Home Page

Le navigateur anti-censure de The Pirate Bay atteint les 100 000 téléchargements

Pirate Bay’s Anti-Censorship Browser Clocks 100,000 Downloads

Ernesto – 13 août 2013 – TorrentFreak.com
(Traduction : tetrakos, greygjhart, Genma, Penguin, ronane, Arthrik, Jeey, Tsigorf, ane o’nyme, Théotix + anonymes)

Il aura suffi de trois jours pour que PirateBrower, le navigateur anti-censure de The Pirate Bay qui permet aux personnes de passer outre les filtrages mis en place par les fournisseurs d’accès à internet et ainsi d’accéder aux sites bloqués, soit téléchargé plus de cent mille fois. Les memebres de l’équipe The Pirate Bay ne s’attendait pas à ce que ce navigateur soit diffusé aussi rapidement et ils précise qu’ils sont déterminés à fournir d’autres outils anti-censure.

À l’occasion de son dixième anniversaire samedi dernier, The Pirate Bay a envoyé un cadeau à ses utilisateurs : le navigateur PirateBrowser.

Bloqué suite à des décisions de justice dans le monde entier, The Pirate Bay est sans conteste l’un des sites les plus censurés sur Internet. Le navigateur PirateBrowser permet à ses utilisateurs de contourner ces restrictions.

Il semble que l’idée du navigateur soit arrivée à point nommé. En effet, des statistiques ont été relevées aujourd’hui, et montrent que les utilisateurs bloqués l’ont téléchargé en masse.

Ainsi, trois jours après le lancement, plus de cent mille personnes ont déjà téléchargé PirateBrowser depuis le site officiel, tandis que le fichier torrent est partagé par plus de cinq mille personnes à l’heure où nous écrivons cet article.

Même si The Pirate Bay s’attendait à provoquer un certain intérêt, ils n’avaient pas prévu cette avalanche de téléchargements.

« Je ne m’attendais pas à un tel engouement » a déclaré Winston Brahma à TorrentFreak. « Je suppose que les gens veulent voir les sites que les gouvernements et les tribunaux essaient de leur cacher. »

Pour répondre à la demande massive, The Pirate Bay a dû augmenter le débit de la connexion du lien de téléchargement. Même après trois jours, le PirateBrowser reste en moyenne largement au-dessus du millier de téléchargements par heure.

Le navigateur est basé sur Firefox 23 couplé à un client Tor (Vidalia) et quelques configurations proxy pour accélérer le chargement des pages web. Il est conçu uniquement comme un outil de contournement de la censure : les équipes de The Pirate Bay souhaitent insister sur le fait qu’il n’apporte aucun anonymat aux utilisateurs.

« Le navigateur ne garantit pas l’anonymat et il n’est pas conçu pour cacher votre identité. PirateBrowser est uniquement prévu pour contourner la censure et le blocage de sites web. Si nous avions conçu un navigateur complètement anonyme, il aurait tout simplement ralenti la navigation », explique Winston.

En plus de la version actuelle pour Windows, des versions pour Mac et pour Linux du navigateur PirateBrowser sont annoncées dans un futur proche.

Le navigateur anti-censure n’est que le premier outil réalisé par The Pirate Bay. Une application basée sur BitTorrent, qui permettra à ses utilisateurs de stocker et de distribuer le site The Pirate Bay (ainsi que d’autres) sur leur propres ordinateurs est actuellement en préparation. Un tel outil rendra impossible les blocage par un tiers.

Le jeu du chat et de la souris se poursuit…




Safari pourrait bien devenir le cauchemar Internet Explorer 6 de la navigation mobile

Tristant Nitot écrivait récemment sur son blog dans un joli billet dédié aux 15 ans de Mozilla :

Pourtant, l’avenir numérique n’est pas tout rose. La nouvelle frontière est dorénavant celle du mobile, et l’ouverture du Web est bien loin d’être d’être la norme dans ce nouvel univers. Le Web a offert à tous la liberté de créer et de diffuser sans demander la permission; la liberté d’apprendre en faisant un simple “View Source”; la liberté de faire une application qui tournera partout, avec une technologie qui n’est pas la propriété d’un acteur en particulier.

Mozilla s’est lancé le défi de s’attaquer à ce problème, de faire du Web un citoyen de premier rang sur le mobile. Première étape : Firefox pour Android. Deuxième étape : Firefox OS.

Comme il y a 15 ans, il s’agit de fabriquer l’Internet (mobile) qu’on veut, pas celui qu’on veut bien nous laisser. Comme il y a 15 ans, cela peut sembler à certains un objectif délirant. Ca l’est peut-être. Sûrement. Mais pour ceux qui entrevoient le potentiel de cette idée, l’attrait est irrésistible. Je vois le potentiel de cette grande idée. Et vous ?

Une belle et optimiste introduction à la (plus inquiétante) traduction ci-dessous.

Babak Farrokhi - CC by

Le cauchemar d’IE6 pourrait être de retour

The IE6 nightmare might be back soon

James Creixems – Avril 2013 – Blog personnel
(Traduction : Fly, ProgVal, aKa, Sphinx, Léo, fcharton, Moosh + anonymes)

J’y réfléchissais ces derniers temps, et je pense que j’ai trouvé le nouvel IE6 et oui… je suis terrifié.

Chaque développeur web se souvient des années d’horreur d’IE6. Un navigateur, qui était fourni par défaut sur un système utilisé par 90% des gens (Windows) a fini par avoir une telle part de marché que ses développeurs se moquaient d’améliorer le produit, de respecter les standards, ou même de mettre à jour le produit.

Ainsi, pendant des années, les développeurs web ne pouvaient profiter des avantages qui étaient apportés par l’amélioration des standards (PNG transparents, flottants CSS, etc.). Tout le monde devait « supporter » IE6 et c’était un vrai et terrible cauchemar.

Actuellement, les navigateurs sont mis à jour par intervalles de quelques semaines, ajoutant de nouvelles fonctionnalités et supportant de nouveaux standards, encore plus vite que précédemment. Et avec un système de mises à jour automatiques qui est encore plus transparent pour l’utilisateur.

Mais il y a une exception à cet âge d’or que nous vivons. C’est un navigateur, qui se met à jour seulement une fois par an sur une plateforme qui n’accepte pas d’autre navigateur et qui a 50% de parts de marché. Oui, je parle de Safari Mobile.

Safari Mobile pourrait devenir le nouvel IE6.

Dans la mesure où iOS n’autorise aucun autre moteur de rendu, il n’y a aucune réelle alternative à Safari Mobile. Par exemple, Chrome sur iOS ajoute de nouvelles fonctionalités en surcouche, (synchronisation des onglets, etc), mais au final, il s’agit toujours du rendu de Safari Mobile. Pas de moteur V8, pas de support sur mesure des nouveaux standards.

Et avec l’adoption par Chrome d’un nouveau moteur de rendu dans les prochaines semaines, la divergence entre Chrome sur ordinateur (et sur Android) et Chrome sur iOS sera bientôt beaucoup plus évidente.

Mozilla ne propose pas Firefox sur iOS par ce qu’ils ne peuvent pas utiliser leur moteur Gecko. Donc, sur iOS, nous sommes coincés avec le moteur de rendu de Safari mobile.

Si Safari Mobile était magiquement mis à jour à la même vitesse que les autres navigateurs avec les dernières spécifications WebKit, ce serait un moindre mal. Mais il se met à jour seulement une fois par an, et commence à avoir l’air « dépassé » quand on le compare aux derniers navigateurs.

Par exemple, prenez le support CSS Flexbox. La spécification a changé de manière significative au cours des derniers mois. Chrome embarque déjà la dernière implémentation, Firefox aussi ; mais Safari et Safari Mobile… eh bien non car ils n’ont pas été mis à jour.

Or en tant que développeurs, nous devons supporter Safari Mobile. Cela représente environ 61% du marché des mobiles. On ne peut l’ignorer. Bienvenue à nouveau dans l’enfer IE6.

C’est pour l’instant à peine visible, mais alors que Chrome passe à Blink et que Firefox continue à innover rapidement, Safari Mobile va probablement devenir l’IE6 de la course. Nous détesterons tous devoir le supporter et être incapable d’utiliser les dernières spécifications parce que Safari Mobile ne les supporte pas.

Je ne pense pas cependant que ce sera aussi horrible que dans les années d’IE6. iOS a une part de marché beaucoup plus petite que celle qu’avait IE6, ils sont en concurrence avec Android et Chrome qui s’amélioreront certainement beaucoup plus rapidement ; et Safari Mobile est construit à partir d’un moteur open source, ce qui garantit que chaque mise à jour effectuée par Apple obtiendra les trucs les plus récents.

Donc, ça ne sera pas aussi horrible que IE6 mais je pense que dans les prochaines années, Safari Mobile va devenir le navigateur que tous les développeurs web vont détester devoir supporter.

J’espère vraiment qu’Apple va autoriser d’autres navigateurs (avec d’autres moteurs de rendu) sur iOS 7. Cela réglerait tout automagiquement, ou au moins qu’ils décident d’aller vers un système de mises à jour silencieuses de Safari Mobile. Mais oui, je sais que c’est d’Apple dont je parle… un développeur peut toujours rêver.

Crédit photo : Babak Farrokhi (Creative Commons By)




Guerre sans merci dans le maquis des codecs vidéos

La guerre des formats vidéos sur le Web bat son plein, sans que nous puissions à priori faire grand-chose (c’est dans la cour des grands que cela se passe, avec un Google qui est ici du bon côté de la Force).

Et une fois de plus les brevets sont pointés du doigt…

Seth Anderson - CC by-sa

Codecs vidéo : les sales affaires derrière les belles images

Video codecs: The ugly business behind pretty pictures

Simon Phipps – 15 mars 2013 – InfoWorld.com
(Traduction : audionuma, goofy, KoS + anonymes)

Lorsque Google a annoncé la semaine dernière qu’il avait fait la paix avec le gestionnaire de brevets MPEG-LA à propos de son codec VP8, certains ont déclaré que l’entreprise avait cédé et rejoint le cirque des brevets logiciels. Il n’en est rien.

La vérité est bien plus complexe et pourrait annoncer de grands changements dans la lutte pour le contrôle de nos habitudes de visionnage et d’écoute en ligne. En conséquence, de puissants intérêts sont rapidement intervenus pour tenter de museler les canons du VP8 avant qu’ils ne tonnent.

Le contexte des codecs

Le secteur des codecs vidéo est complexe et truffé d’acronymes et de manœuvres politiques depuis des dizaines d’années. Même ceux qui sont les plus impliqués dans cette situation sont en désaccord, tant sur la réalité que sur l’histoire de cette situation. Voici un résumé :

Lorsque vous téléchargez ou visionnez une vidéo, vous pouvez la considérer comme du QuickTime, du Flash ou même de l’Ogg, mais ce ne sont que des mécanismes de distribution. La vidéo représente une énorme quantité de données, et vous la faire parvenir requiert de la compression de données. Le contenu d’une vidéo est encodé dans un format obtenu par un logiciel de compression de données, et est ensuite affiché sur votre écran après que ce contenu ai été décodé par un logiciel de décodage.

Le codec est le logiciel qui réalise ce processus. Les travaux théoriques sur les codecs sont exceptionnellement complexes, et il y a toujours un compromis entre la compression maximale, le temps nécessaire à compresser les données, et la qualité optimale. C’est ainsi qu’il existe une grande variété de codecs, et le savoir-faire concernant leur implémentation est un bien précieux.

Dès 1993, il devint évident qu’une standardisation des formats de données pris en charge par les codecs était nécessaire. Les institutions internationales de standardisation ISO et IEC constituèrent un groupe d’experts appelé le Motion Picture Expert Group (groupe des experts de l’image animée, MPEG) qui a depuis produit une série de standards destinés à divers usages.

Le secteur est truffé de techniques brevetées. La standardisation des codecs est basée sur le modèle du secteur des télécommunications, dans lequel il est commun de permettre à des techniques brevetées de devenir des standards pour ensuite en dériver des paiements de licences pour chaque implémentation. Pour faciliter la collecte des royalties, une société appelée MPEG-LA, LLC (qui, pour rajouter à la confusion, n’a aucun lien avec avec MPEG) a été constituée pour gérer un portefeuille de brevets au nom de la plupart des détenteurs de brevets qui contribuent aux standards MPEG.

Ce dispositif fonctionnait correctement dans l’ancien monde basé sur des points de passages obligés où les sociétés étaient les créateurs de logiciels. Mais la nouvelle société basée sur le réseau et les techniques qu’il utilise (tel que l’open source) ne fonctionne pas correctement dans un modèle où chaque nouvelle utilisation nécessite d’abord de demander la permission. Les éléments qui nécessitent une autorisation a priori — les points de passage obligés — sont des insultes à Internet. Ils sont considérés comme des nuisances, et les experts cherchent des solutions pour les éviter.

La naissance des codecs ouverts

Lorsqu’il fut clair que le Web ouvert avait besoin de codecs ouverts pour traiter des formats de médias ouverts, de brillants esprits commencèrent à travailler au contournement de ces problèmes. La sciences des codecs est bien documentée, mais l’utilisation de n’importe laquelle des techniques bien connues risquait d’enfreindre des brevets logiciels contrôlés par MPEG-LA. Il ne suffisait pas de simplement modifier un standard dérivé de MPEG pour contourner les brevets. Ces standards avaient créé un tel maquis de brevets que n’importe quel nouveau projet utilisant les mêmes calculs mathématiques était quasiment certain d’enfreindre un portefeuille de brevets quelque part.

La création de codecs ouverts réclamait une nouvelle réflexion. Heureusement, certains intérêts commerciaux travaillaient sur des idées de codecs alternatifs. Une entreprise nommée On2, notamment, avait créé une famille de codecs basée sur des idées hors du champ des brevets MPEG et avait déposé ses propres brevets pour éviter de se faire marcher sur les pieds. En 2001, elle publia une technologie de codecs appellée VP3 en open source, technologie protégée par ses propres brevets. Cette technologie constituait la base de ce qui devint Theora. On2 continua à travailler pour produire une série de codecs dédiés à des niches jusqu’à son acquisition par Google en 2010.

Le VP8 était le codec de On2 à la pointe de la technologie, offrant à la fois une excellente qualité d’image et une bonne compression des données. Peu après l’acquisition de On2 par Google, ce dernier rendit libre l’utilisation de VP8, créant un engagement d’ouverture pour tous les brevets lui étant liés, et déclara que le nouveau projet WebM offrirait un format totalement libre et ouvert pour la lecture de vidéos.

Évidemment, MPEG-LA a senti la menace et a rapidement décidé de contre-attaquer. Il a presque immédiatement annoncé la constitution d’un portefeuille de brevets pour vendre des licences sur des brevets qu’il était certain que WebM et VP8 violaient, et a invité les détenteurs habituels de brevets à lui communiquer toutes informations sur ces brevets.

Une lueur d’espoir

Et puis … plus rien. Il semble que les coups d’épée de MPEG-LA étaient plutôt des bruits de fourreau. L’accord avec MPEG-LA que Google a annoncé était formulé avec beaucoup de soins pour ne pas froisser les parties prenantes, mais il semble indiquer que MPEG-LA avait les mains vides :

Aujourd’hui, Google Inc. et MPEG-LA, LLC ont annoncé qu’ils ont conclu un compromis qui accorde à Google une licence sur les techniques, quelles qu’elles soient, qui pourraient être essentielles à VP8. De plus, MPEG-LA a accepté de mettre fin à ses efforts pour constituer un portefeuille de brevets autour de VP8.

Vous pouvez constater qu’il n’y pas grand-chose de valeur qui soit licencié dans ce cas, puisque Google est apparemment autorisé à :

…rétrocéder les licences à n’importe quel utilisateur de VP8, que l’implémentation de VP8 soit celle de Google ou d’une autre entité : cela signifie que les utilisateurs peuvent développer des implémentations de VP8 indépendantes et bénéficier de la protection accordée par la rétrocession de licence.

Le communiqué continue avec deux déclarations importantes. Premièrement, Google a le projet de soumettre VP8 à MPEG pour standardisation. Cela constituerait un profond changement d’orientation, qui pourrait orienter les futurs efforts hors du maquis des brevets et vers des territoires plus ouverts. Deuxièmement, Google a l’intention de proposer VP8 comme codec « obligatoire à implémenter » dans le groupe RTCWEB de l’IETF qui définit les protocoles permettant les communications en temps-réel dans les navigateurs Web : WebRTC.

Si tout cela réussissait, cela ouvrirait de grandes opportunités pour les logiciels open source et le web ouvert. Libérés de la course à la rente des détenteurs de brevets, les développeurs open source seraient enfin libres d’innover dans le domaine des applications audio et vidéo sans avoir en permanence à surveiller leurs arrières ou à demander la permission.

Naturellement, de puissants groupes d’intérêts continuent à essayer de ralentir, voire interrompre, cette révolution. À peine Google avait-il publié son communiqué à propos de VP8, de l’accord avec MPEG-LA et de son intention de standardiser, que deux messages furent postés sur la liste de discussion de l’IETF-RTCWEB. Le premier, envoyé par le collaborateur de Microsoft Skype Matthew Kaufmann, essayait de ralentir les progrès vers la standardisation et invoquait les règles et le débat pour tenir VP8 hors des prochaines discussions de standardisation. Le deuxième, envoyé par l’ancien spécialiste des brevets de Nokia Stephan Wenger, invoquait aussi les règles mais plus inquiétant, sous-entendait que MPEG-LA n’était pas seul à pouvoir jouer ce jeu là. Cette crainte prit bientôt corps dans un message du collaborateur de Nokia Markus Isomaki annoncant que Nokia — qui n’est pas membre de MPEG-LA — avait l’intention de démontrer que VP8 enfreint un de ses brevets.

C’est la vie de tous les jours dans le monde des codecs et c’est riche d’enseignements sur les dangers des brevets logiciels. Une fois acceptés et institutionnalisés comme processus normaux et légaux, ils contrôlent tout le reste. Bien que VP8 vienne d’un héritage technologique différent, ayant prudemment évité la masse des brevets déposés lors des premiers travaux sur le MPEG, et ayant ainsi été scrupuleusement ouvert par Google (il devait se corriger lors du processus, ce qu’il fit admirablement), le monde oppressant des brevets tente de le faire tomber dans ses griffes et de le contrôler, afin de le soumettre à la taxation sur l’innovation imposée par les vainqueurs de la première course technologique.

Nous ne pouvons pas faire grand-chose à part observer avec anxiété l’initiative de Google pour le Web ouvert. Dans cette histoire, il apparaît plus clairement que jamais que la réforme du système des brevets pour aboutir à une société plus juste et harmonisée se fera encore attendre.

Crédit photo : Seth Anderson (Creative Commons By-Sa)




Pourquoi je retourne à Firefox

Les statistiques font foi, nombreux sont les lecteurs de ce blog à avoir adoré le navigateur Firefox, pour cependant, progressivement, parfois la mort dans l’âme, opter pour le choix pragmatique de Google Chromium, ou pire Google Chrome.

Sauf que depuis Firefox a progressé techniquement et Mozilla s’affirme chaque jour davantage comme une libre boussole du Web, ce que ne sera jamais Google.

Cela vaut le coup de reconsidérer la question, non ?

Keng Susumpow - CC by

Pourquoi je suis (re)passé à Firefox

Why I’m Switching (Back) to Firefox

Cameron Paul – 10 mars 2013 – Blog personnel
(Traduction : Jeff_, biglittledragoon, Agnes, MFolschette, Plop, Tom, Pouhiou, quack1, jtanguy, Rudloff + anonymes)

Dès septembre 2008, j’ai commencé à en avoir assez de Firefox. Il avait été mon navigateur de prédilection pendant des années mais la merveille du monde open source commençait à me décevoir. J’ai utilisé la version bêta de Firefox 3 dès le premier jour où elle a été disponible et je n’ai cessé de la trouver lourde et lente tout au long de mon utilisation. J’ai toujours été un adorateur des conceptions minimalistes et Firefox était en train de rapidement devenir tout sauf minimaliste.

Puis, quelque chose d’inattendu est arrivé. Google a annoncé la sortie de son propre navigateur. J’étais bientôt face à ce qui semblait être à l’époque le logiciel le plus incroyable que j’aie jamais vu. Google Chrome a initié une qualité de navigation formidablement épurée et aboutie soutenue par WebKit. Je pouvais enfin profiter de la vitesse de Safari avec une interface utilisateur bien conçue. Avec le temps, les choses n’ont fait que s’améliorer. Les outils de développement de WebKit sont devenus plus puissants que Firebug et avec la sortie de V8, Google a modifié notre conception des performances de JavaScript.

Cinq ans ont passé et les choses ne sont plus aussi roses. Plus que jamais, j’ai des problèmes de lenteur du navigateur. L’utilisation mémoire dépasse l’entendement et j’ai fréquemment des onglets qui ne répondent plus du tout. De plus, il semble y avoir une lacune générale de contrôle qualité ces derniers jours. Cocher la case « Désactiver le cache » dans les outils développeur semble ne pas avoir d’effet et, occasionnellement, des erreurs JavaScript disparaissent dans la nature au lieu d’apparaître dans la console. Chrome commence à beaucoup ressembler à ce qu’était Firefox en 2008.

Revenons-en maintenant à Firefox. Cela fait cinq années que je n’ai pas utilisé le navigateur de Mozilla pour autre chose qu’une vérification rapide, afin de m’assurer qu’une page web que je construisais avait un rendu correct. Dans ce laps de temps je n’ai pas prêté attention au travail qui avait été effectué. Firefox est devenu rapide. Comparé à Chrome, j’observe des chargements de pages visiblement plus prompts. SpiderMonkey semble avoir rattrapé V8 également. Mes propres tests (non scientifiques) m’ont montré que V8 était toujours légèrement plus rapide mais la différence était trop mince pour être perçue par des humains.

Puis il y a les outils de développement. Les outils de développement de WebKit ont toujours quelques fonctionnalités qui ne sont pas présentes dans Firefox, mais pour 95 % de mon utilisation, les outils de Firefox sont en fait meilleurs. Dans l’inspecteur, un meilleur contraste et une meilleure disposition permettent à l’œil de parcourir ce pavé qu’est le DOM non rendu. Sur la page, les éléments sélectionnés sont surlignés avec des pointillés subtils mais visibles au lieu d’une boîte bleue qui masque la page. Il y a également le mode de sélection au survol qui me permet de me déplacer rapidement à travers les éléments de la page jusqu’à arriver là où je le souhaite. Non seulement les outils de développement de Firefox sont plus agréables mais ils me font également gagner du temps lors de la sélection et la manipulation d’éléments sur la page.

Si l’on met de côté les problèmes techniques, il existe un autre élément qui me trotte dans la tête depuis déjà un petit moment. Je crois sincèrement que Mozilla s’engage sur les questions de liberté et de vie privée sur le Web. Google quant à lui s’engage à faire de l’argent et à savoir tout ce que je fais. Firefox m’accueille avec une page détaillant mes droits en tant qu’utilisateur de logiciel libre. Chrome m’accueille avec… pfffff… Chrome m’accueille avec une putain de publicité pour un Chromebook.

À l’heure où je parle je me sens un peu nostalgique. Le Firefox d’aujourd’hui me rappelle le Firefox tel qu’il était lorsque je l’ai découvert. Une fois de plus, Mozilla a délivré un produit techniquement supérieur tout en respectant totalement mes droits en tant qu’usager. Firefox c’est la liberté.

Crédit photo : Keng Susumpow (Creative Commons By)