Popcorn Time « le pire cauchemar d’Hollywood » n’est déjà plus 2/3

Il y a quelques jours à peine nous annoncions la sortie de l’application Popcorn Time, mieux que Netflix pour voir des films en streaming via BitTorrent !

Popcorn Time y était qualifié de « pire cauchemar d’Hollywood ».

Hollywood s’est réveillé et a réagi…

L’équipe de développement nous annonce déjà le clap de fin, en restant évasif sur les explications. Mais nul doute qu’ils ont reçu des pressions. Ils disent avoir vérifié quatre fois que Popcorn Time était légal (puisqu’ils proposaient une technologie neutre, n’hébergeait rien sur leurs serveurs et ne faisant que combiner trois bases de données externes : pour les torrents, pour les informations des films et pour leurs affiches).

Cela n’a, semble-t-il, pas suffi.

Edit : il y a une suite heureuse à cette histoire !

Goodbye Popcorn Time

Adieu Popcorn Time

Goodbye Popcorn Time

L’équipe de développement – 14 mars 2014

(Traduction : Piup, aKa, Kcchouette, loicwood, Noon, lumi, Amazigh + anonymes)

Au revoir

Nous avions commencé Popcorn Time comme un défi lancé à nous-mêmes. C’est notre devise… C’est ce à quoi nous aspirons.

Nous sommes très fiers de ce projet. C’est le plus important que nous ayons construit. Nous avons constitué une équipe géniale en le faisant, avec des gens avec qui nous adorons travailler. Et pour être honnête, au moment où je vous écrit, nous sommes tous un peu écœurés et abasourdis. Nous aimons Popcorn Time et ce qu’il défend, et nous avons l’impression de laisser tomber nos géniaux contributeurs chéris. Ceux qui ont traduit l’application en 32 langues, y compris certains dont nous ne connaissions même pas l’existence. Nous sommes en admiration devant ce que la communauté libre peut faire.

Nous sommes avant tout de jeunes entrepreneurs passionnés d’informatique. Nous lisons Techcrunch, Reddit et Hacker News dont nous avons fait deux fois la une. Dans le même temps, nous avons eu des articles dans Time Magazine, Fast Comany, TechCrunch, TUAW, Ars Technica, Washington Post, Huffington Post, Yahoo Finance, Gizmodo, PC Magazine et Torrent Freak, pour ne nommer que ceux-là. Et nous sommes intervenus à la télévision et dans des émissions de radio, sans parler des nombreuses interviews, et celles que nous avons aussi déclinées en raison de l’excès de sollicitation(s) de la part des médias.

Et aucun de ces médias ne nous blâmait. Non, ils nous soutenaient. Nous étions devenus les outsiders qui se battaient pour le public et les consommateurs. Des gens que nous respections, certains de nos héros, ont dit monts et merveilles à propos de Popcorn Time, ce qui a largement dépassé nos espérances pour un projet expérimental monté en seulement quelques semaines.

En tant que projet, Popcorn Time est légal. Nous avons vérifié. Quatre fois.

Mais comme vous vous en doutez, cela est rarement suffisant. Notre soudaine popularité nous a mis en contact avec des tas de gens, des journaux aux créateurs de nombreux sites et apps, qui étaient extrêmement populaires. Nous avons beaucoup appris à leur contact. En particulier que s’opposer à une industrie obsolète, arc-boutée sur son modèle économique, a un prix. Un prix que personne ne devrait payer en aucune manière.

Vous savez quelle est la meilleure chose à propos de Popcorn Time ? Que des tas de gens se sont accordés pour reconnaître que l’industrie du cinéma avait établi bien trop de barrières et de restrictions sur le marché. Prenons l’exemple de l’Argentine : les diffuseurs de streaming, là-bas, pensent que “There’s something about Mary” (Mary à tout prix) est un film récent. Ce film est ici, aux États-Unis, tellement vieux, qu’il aurait l’âge de voter !

La majorité de nos utilisateurs n’est pas localisée aux États-Unis. Ils sont de partout ailleurs. Popcorn Time s’est installé dans chaque pays sur Terre. Même dans les deux (pays) n’ayant pas accès à Internet.

Le piratage n’est pas un problème de personnes. C’est un problème de services. Un problème créé par une industrie qui voit l’innovation comme une menace à leur recette dépassée pour ramasser la monnaie. Un problème dont ils n’ont que faire.

Mais les gens si.

L’expérience montre que les gens risquent des amendes, des poursuites judiciaires ou toute autre conséquence possible uniquement pour pouvoir regarder un film récent chez eux. Juste pour avoir le type de partage qu’ils méritent.

Il se peut que demander gentiment quelques pièces par mois pour donner l’accès à n’importe quel film soit une bien meilleure solution.

Popcorn Time ferme aujourd’hui. Pas parce que nous n’avons plus ni énergie, ni motivation, ni détermination, ni même d’alliés. Juste parce que nous avons envie de poursuivre nos vies.

Notre expérimentation nous a amenés aux portes d’un débat sans fin entre piratage et copyright, menaces légales et machinerie douteuse qui nous donne l’impression d’être en danger à cause de ce que nous aimons faire. Et ce n’est pas une bataille à laquelle nous souhaitons prendre part.

Bises
Pochoclín




Ce que cache la gratuité des photos embarquées de Getty Images (et des autres)

Le Parisien nous annonce que YouTube a connu une panne mondiale hier soir 13 mars 2014, entraînant avec lui la pléthore de sites qui proposent ses vidéos à mêmes leurs pages web via le lecteur embarqué. On remarquera que pour mieux nous informer l’article en question intègre deux tweets (paresse de journaliste ?).

Vidéos YouTube, encarts Twitter, musiques Soundcloud, boutons Facebook… nos pages web deviennent de plus en plus souvent un savant mélange entre notre propre contenu et celui des autres, apporté sur un plateau par des multinationales à forte dominante américaine.

C’est pratique et gratuit. Il y a un juste à faire un copier/coller avec un bout de code pour que, ô magie, le contenu des autres apparaisse instantanément sur votre page, l’enrichissant ainsi à moindre frais.

Mais il y a un risque et un prix à payer. Le risque c’est que comme rien n’est éternel, le jour où YouTube, Facebook, Twitter… disparaîtront (si, si, ça leur arrivera à eux aussi), on se retrouvera avec des pages pleines de zones vides qui n’auront plus de sens. Avant de disparaître, ces sociétés en difficulté auront pris le soin de modifier le contenu même de toutes ces (frêles) embarcations avec, qui sait, toujours plus de publicité. Elles en ont parfaitement le droit, c’est un accord tacite que vous signez avec elles lorsque vous recopiez leur code. Google peut ainsi très bien du jour au lendemain ne faire afficher qu’une seule et unique vidéo dans tous les milliards lecteurs YouTube embarqués avec, disons, une pub pour Coca-Cola : impact marketing garanti !

Quant au prix à payer il est lourd à l’ère de l’informatique post Snowden, c’est celui de votre vie privée car, comme on le verra plus bas, ces intégrations collectent de nombreuses informations vous concernant.

Ici donc c’est au tour de l’énorme banque Getty Images de vous proposer d’embarquer ses photos. Et vous avez le choix parmi… 35 millions d’images ! D’un côté cela rend service et sensibilise au respect du crédit, de la licence et du lien vers le document d’origine. De l’autre ça participe à la fameuse citation « si c’est gratuit, c’est que c’est vous le produit »…

À comparer avec ce qu’a fait la British Library, l’équivalent britannique de la BnF, en décembre dernier : verser 1 million d’images du domaine public en haute résolution sur Flickr. Un autre monde, un monde à défendre, promouvoir et encourager.

 

 

Getty Images autorise l’incorporation gratuite, mais quel en est le prix pour la vie privée ?

Getty Images Allows Free Embedding, but at What Cost to Privacy?

[MàJ du 8 mars 2016] Par recommandé reçu au siège de Framasoft le 07 mars 2016, la société GETTY IMAGE, par l’intermédiaire de son conseil juridique, met Framasoft en demeure de supprimer la majeure partie des éléments du billet de blog présent sur cette page. Sont en particulier concernés les propos issus de la traduction de l’article de Parker Higgins de l’Electronic Frontier Foundation, intitulé « Getty Images Allows Free Embedding, but at What Cost to Privacy ? ». Le billet ayant été publié en mars 2014 (il y a deux ans !), le délai légal du délit de presse n’ayant pu être retenu, c’est sur le thème du dénigrement que s’attache le cabinet de conseil de GETTY IMAGE.

Nous aurions pu à notre tour nous tourner vers notre propre conseil, qui n’aurait pas manqué, par exemple, de relever les injonctions non conformes au droit présentes dans cette lettre, ou la grande faiblesse des arguments (intimidants en apparence).

Aller au bout d’une procédure se concluant très certainement en queue de poisson ? Cela aurait été de notre part une perte d’énergie, de temps et d’argent ; nous estimons que les généreux dons des contributeurs n’ont pas à servir à de vaines procédures portant sur l’image de telle ou telle société, gagne-pain laborieux de quelques conseils juridiques à défaut d’avoir de vraies causes à défendre.

Nous préférons donc censurer ce billet et laisser nos lecteurs juges de la teneur du courrier en question que nous reproduisons ici. Évidemment, les propos que nous supprimons sur cette page ne sortiront pas pour autant d’Internet, n’est-ce pas ?

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Remarquable intervention d’Isabelle Attard aux États Généraux de l’Open Source

Les États Généraux de l’Open Source étaient réunis le 6 mars dernier pour une convention de synthèse. Nous avons choisi d’en reproduire ci-dessous la remarquable conclusion de la députée Isabelle Attard.

Si tous nos parlementaires partageaient en la matière ses compétences et son état d’esprit, nous n’en sérions pas là mais beaucoup plus loin.

À qui la faute ? À eux, bien sûr, mais également à nous. Alors continuons notre travail pour que sa « proposition 0 » infuse toujours plus la société. Et merci au passage pour la précieuse et pertinente analogie de l’école publique construite par une entreprise privée.

Remarque : Nous avons déjà évoqué Isabelle Attard lors de la triste histoire législative du DRM dans les livres numérique ainsi que sur la question du domaine public sur Romaine Lubrique.

Isabelle Attard

Isabelle Attard – Conférence de clôture – États Généraux de l’Open Source

URL d’origine du document

Merci Michel Isnard et Alexandre Zapolsky de m’avoir invitée à cette après-midi consacrée à l’open source.

Bravo pour tout ce qui a été accompli au sein des groupes de travail durant l’année. Juste un petit bémol : je constate qu’aucune femme n’est venue s’exprimer sur scène mais je compte sur vous pour faire mieux l’année prochaine.

Vous savez que le logiciel libre me tient à cœur. Pas pour des raisons idéologiques ou parce que « c’est à la mode », mais parce que c’est un vrai enjeu de société. Oui, je sais que je conclus les États Généraux de l’Open Source. Je sais aussi que la distinction entre logiciels Open Source et logiciels Libres est un débat virulent entre les partisans de chaque dénomination. Ces distinctions me paraissent trop peu importantes pour faire l’objet d’une argumentation. D’ailleurs, le deuxième groupe de travail aujourd’hui utilise « Open Source », et le quatrième « logiciel libre ».

Mais au quotidien, à l’Assemblée nationale, ce sont les mots « logiciel libre » qui ont ma préférence. Déjà parce qu’ils sont français. C’est un premier critère d’acceptabilité important pour être entendus de mes collègues députés. Ensuite, parce qu’ils mettent en avant la liberté, et c’est bien ce qui caractérise ces logiciels : les libertés offertes à leurs usagers. Enfin, parce que ces libertés aboutissent aux trois grands avantages majeurs des logiciels libres : coût, sécurité, pérennité.

Le premier ministre Jean-Marc Ayrault a insisté sur ces avantages dans sa fameuse circulaire sur l’usage du logiciel libre dans l’administration.

Et pourtant, pourtant, toutes mes tentatives de favoriser le logiciel libre dans la loi se sont heurtées à de grandes résistances. Lors du projet de loi refondation de l’école. Lors du projet de loi enseignement supérieur et recherche. Lors du projet de loi de finances 2014.

Mes collègues députés, je suis gênée de le dire, ont pour beaucoup fait preuve d’ignorance. Ces sujets sont complexes, et tous les parlementaires ne font pas le choix de s’y intéresser. Ils ont aussi, pour certains, cédé aux lobbies du logiciel propriétaire. Le chantage à l’emploi des grands éditeurs est une réalité.

Pourtant, je suis confiante dans l’avenir. La prise de conscience des donneurs d’ordre est une réalité, qu’ils soient des secteurs publics ou privés. De mon côté, j’ai utilisé les questions écrites aux ministères pour leur faire réaliser le bilan de leurs actions, suite à la circulaire sur le logiciel libre. Les premières réponses ont montré qu’il y avait de bons élèves, et de moins bons. Voire des silencieux.

C’est pourquoi je renverrai cette année la même série de questions. L’évolution des réponses nous permettra, à vous comme à moi, de mesurer la réalité du changement de pratique au sein de l’administration publique. Un problème récurrent au sein des ministères est l’absence d’outils de contrôle de gestion distinguant entre les dépenses liées aux logiciels libres et celles liées aux logiciels propriétaires. Je déposerai donc une autre série de question sur la mise en place de cette distinction dans la comptabilité publique.

En parallèle, je continuerai à promouvoir les nombreux avantages du logiciel libre auprès des ministres et lors des débats parlementaires.

La moitié des propositions de vos groupes de travail requiert la bonne volonté du gouvernement et/ou du Parlement pour aboutir. Les voici :

  • Modifications du Crédit Impôt Recherche
  • Financement par « l’État client »
  • Modification au sein du programme France Université Numérique
  • Adoption d’un code des marchés publics en faveur du libre, suivant le modèle italien.
  • Modification du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de techniques de l’information et de la communication, le CCAG-TIC. Ainsi, bien sûr, que son articulation avec le cahier des clauses administratives générales applicables aux prestations intellectuelles, le CCAG-PI.
  • Modification des règles des marchés publics pour imposer interopérabilité et standards ouverts.
    • Petite parenthèse. Je suis bien évidemment d’accord avec cette proposition. Mais lorsque j’ai essayé de donner, je cite : « un encouragement à l’usage de logiciels libres et de formats ouverts pour les ressources pédagogiques dans l’enseignement supérieur », on m’a répondu les choses suivantes. Je cite à nouveau : « les logiciels libres sont déjà très présents dans la communauté universitaire. C’est une culture extrêmement répandue. Il n’est donc pas important de faire figurer cela dans la loi. » Ces phrases ont été prononcées par le député Vincent Feltesse et la ministre Geneviève Fioraso. Je compte d’ailleurs beaucoup sur la ministre Fleur Pellerin pour faire de la pédagogie auprès de ses collègues en leur expliquant les avantages du logiciel libre. Je reviendrai plus tard sur la résistance au changement.
  • Intégrer le recours au logiciel libre dans les critères RSE.
  • Imposer la communication par l’État de son patrimoine logiciel.
  • Réglementer le lobbying
  • Libération de tout code produit par un agent public.
  • Création d’un centre de compétence Open Source de l’administration
  • Dégrouper dans 100% des cas l’acquisition de matériel et de logiciel.
    • Deuxième parenthèse : le groupe écologiste a tenté d’introduire dans le projet de loi Consommation, non pas le dégroupage de la vente, mais une simple information obligatoire des prix respectifs du matériel et des logiciels qui composent un ordinateur. Le ministre Benoît Hamon a refusé. Imaginez si nous avions proposé l’interdiction de vendre ces produits ensemble !
  • Dispositif fiscal de déduction des achats passés auprès des JEI et/ou PME Innovantes

Je partage assez largement ces propositions. Mais je pense qu’il en manque une, qui est un préalable à toutes celles-ci. Vous me permettrez, je l’espère, de suggérer une proposition 0. Elle s’intitulerait : « rendre le logiciel libre évident pour les décideurs politiques ». Par évident, j’entends à la fois l’aspect « solution à beaucoup de problèmes », et l’aspect « sujet simple dont je peux débattre sans passer d’abord un brevet d’aptitude ».

Aujourd’hui, à part quelques experts dans les administrations ministérielles, et une dizaine de députés, qui considère le logiciel libre comme une évidence ?

Le sujet est complexe, technique, c’est pourquoi nous devons tous faire un effort de vulgarisation. Je vous propose l’analogie suivante :

Imaginez une école publique, construite par une entreprise privée. Qui trouverait normal que l’entreprise ne fournisse par les plans à la mairie qui a payé la construction ? Qui trouverait normal que l’entreprise impose d’être la seule autorisée à réparer l’école ? Qui trouverait normal que l’entreprise interdise d’agrandir ou de modifier l’école sans son accord ?

C’est pourtant ce que les éditeurs des logiciels propriétaires payés par le secteur public imposent.

C’est, je le crois, avec des exemples simples, des analogies parlantes, que nous pourrons faire avancer la compréhension des enjeux du logiciel libre.

Le Conseil d’État l’a rappelé, le logiciel libre est un modèle de service. Ce n’est pas un choix technologique, contrairement à ce que prétendent les lobbyistes du logiciel propriétaire. Les collectivités locales ont donc parfaitement le droit d’imposer le libre dans leurs appels d’offre et dans leurs pratiques.

Il nous reste à le leur faire savoir, aussi souvent que nécessaire. Mais nous sommes tous d’accord à ce sujet, n’est-ce pas ?

Isabelle Attard




25 ans du web : Tim Berners-Lee répond aux questions des internautes sur Reddit

Le mythique site communautaire Reddit a une tradition, celle d’inviter régulièrement des personnalités pour une session AMA, acronyme de Ask Me Anything pour « demandez-moi ce que vous voulez ».

On a vu Bill Gates, Madonna et même Obama s’engager ainsi dans le jeu des questions/réponses. Ils donnent généralement une preuve de leur identité en publiant juste avant une photo d’eux contextualisée avec la date et/ou devant un ordinateur (cf image ci-dessous).

Quelle belle surprise de voir débarquer hier soir Tim Berners-Lee en personne, le jour-même de l’anniversaire des 25 ans du web !

Nous avons traduit les meilleurs échanges du « père du WWW ». Drôles parfois mais surtout très intéressants.

Tim Berners-Lee Reddit AMA

Tim Berners-Lee répond à la communauté Reddit

I am Tim Berners-Lee. I invented the WWW 25 years ago and I am concerned and excited about its future. AMA

12 mars 2014 – Tim Berners-Lee – Reddit (AMA)
(Traduction : Peekmo, s0r00t, François, r0u, toto, eve, Noon + anonyme)

Je suis Tim Berners-Lee (alias Timbl). J’ai inventé le WWW il y a 25 ans et je suis préoccupé autant qu’enthousiasmé par son avenir. AMA

Le 12 mars 1989 j’ai envoyé ma proposition pour le World Wide Web. 25 ans après, je suis surpris de voir que tant de grandes réalisations ont été menées à bien, transformant notre façon de parler, partager et créer. Comme nous célébrons aujourd’hui les 25 ans du web (voir webat25.org), je veux que nous tous pensions à son futur et que nous nous demandions comment nous pouvons aider à en faire une vraie plateforme ouverte, sécurisée et créative, disponible à tout le monde. L’idée d’un AMA est un autre grand exemple de la manière dont le Web permet de connecter et de transmettre ce pouvoir à des personnes autour du globe et je suis vraiment enthousiaste à l’idée de répondre à vos questions !

Preuve que c’est moi : http://imgur.com/o16DOPb. Rappelez-vous de parler du web que vous voulez en utilisant #web25.

Reddit : Pensez-vous que dans le (pas si lointain) avenir, nous allons regarder en arrière et qu’alors nous nous estimerons heureux d’avoir été témoins d’un world wide web neutre, libre et non censurée?


Timbl : Je pense que ce scénario est droit devant nous. Je ne le souhaite pas, j’ai espoir. Oui, je peux imaginer cela que trop facilement. Si les internautes ordinaires ne sont pas suffisamment conscients et impliqués face aux menaces, et si quand c’est nécessaire, ils ne descendent pas dans la rue comme pour SOPA, PIPA et ACTA. Tout compte fait, je suis optimiste.

Reddit : Quelle a été l’une des choses pour laquelle vous n’auriez jamais pensé que l’Internet serait utilisé, mais qui est devenue l’une des principales raisons pour laquelle les gens utilisent l’Internet ?

Timbl : Les chatons.

Reddit : Tim, quels autres noms avez-vous envisagé que World Wide Web ?

Timbl : Mine de l’information, la mine d’information, le maillage (NdT : Mine of Information, The Information Mine, The Mesh). Aucun ne sonnait bien. J’ai aimé WWW en partie parce que je pouvais commencer des noms de variables globales avec un W sans entrer en conflit avec d’autres (dans le monde du C) …en fait j’ai utilisé HT pour eux.

Reddit : Edward Snowden, Héros ou méchant ?

Timbl : Parce qu’il

  • n’avait pas d’autre alternative ;
  • a travaillé avec un journaliste pour faire attention à ce qui a été rendu public ;
  • a fourni un avantage global net important au monde.

Je pense qu’il doit être protégé, et nous devons avoir des moyens de protéger des personnes comme lui. Parce que nous pouvons essayer de concevoir des systèmes de gouvernement parfait, ils ne le seront jamais, et quand ils failliront, alors, un lanceur d’alerte pourrait être le seul moyen de sauver la société.

Reddit : Où pensez-vous que le web va finir dans les 25 prochaines années ?

Timbl : C’est à nous d’en convenir. C’est une création artificielle, comme le sont nos lois, et nos constitutions… on peut choisir comment elles fonctionnent. On peut en faire de nouvelles. C’est notre décision.

Reddit : Beaucoup de gens pensent que vos appels pour un web ouvert sont un peu hypocrites compte tenu de votre soutien pour le DRM dans le HTML5. Que leur diriez-vous?

Timbl : Je voudrais leur suggérer l’idée que la question des DRM n’est pas aussi simpliste. Les gens veulent voir de grands films. Les DRM sont pénibles à bien des égards, mais si vous avez utilisé Netflix ou acheté un DVD ou un Blu-Ray, alors les DRM font partie de votre vie. Je suis d’accord pour dire que les DRM sont pénibles à bien des égards, et ne devraient être utilisés que pour les flux à très « grande valeur ». Je voudrais également souligner que le copyright, DMCA et CFAA aux États-Unis sont gravement bancals, et cette question à besoin d’être réglée distinctement de la question des DRM. Répondre à cela m’engagerait dans une discussion très longue et très compliquée, comme je l’ai déjà eu avec de nombreuses personnes. Pas sûr que nous ayons le temps ici. D’autres points incluent la façon dont les navigateurs ont intégré des DRM, ils doivent garder leur part de marché, sans s’inquiéter de savoir si les spécifications HTML rendent la connexion au web plus standard.

Reddit: Que pensez-vous du supposé «Dark Net », les marchés noirs par exemple ? (Silk Road, etc.)

Timbl : C’est une question compliquée. Je ne suis pas un grand expert en la matière. Pour faire simple, il est évident que les activités illégales sont des crimes, sur le web comme en dehors. Mais l’anonymat est compliqué. Nous avons le droit à l’anonymat en tant que lanceur d’alerte ou en étant victime d’un régime d’oppression, mais pas quand on harcèle quelqu’un ? Comment pouvons-nous construire des systèmes techniques/sociaux/judiciaires pour déterminer pour chaque cas particulier quel droit est plus important. Concernant Tor

Reddit : Est-ce qu’il vous arrive de regarder le contenu sur le web aujourd’hui et de vous sentir comme Robert Oppenheimer et sa bombe atomique ?

Timbl : Non, pas vraiment. Le web est un outil pour l’humanité fondamentalement neutre . Quand vous regardez l’humanité vous voyez le bien et le mal, le magnifique et l’affreux. Un outil puissant peut être utilisé pour le bien ou le mal. Les choses qui sont vraiment mauvaises sont illégales sur le web comme elles sont en dehors. D’un autre coté, la communication est bonne chose, je pense que le pire trouve ses origines dans l’incompréhension.

Reddit : Qui étaient vos modèles étant enfant ?

Timbl : Mes parents, qui se sont rencontrés durant la construction du premier ordinateur commercialisé au Royaume-Unis : Le Ferranti Mk 1, et certaines personnes qui travaillaient avec eux, mon professeur de math Frank Grundy, mon professeur de chimie Daffy…

Reddit : quel a été votre premier ordinateur ?

Timbl : J’ai reçu un kit d’évaluation de M6800 en 1976, et construit un groupe de cartes d’extentions 3U. Je les ai mises dans un rack avec une batterie de voiture en fond de panier comme UPS. Le tout soudé à la main sur platine d’essai et programmé en hexadécimal. 7E XX XX était un bond, et 20 XX un saut IIRC relatif. L’affichage était une vieille télé associé à un peu d’électronique et un tas de touches de vieilles calculatrices amoureusement refaites avec des lettres de transfert. Le temps des fleurs…

Reddit : Quelle est votre opinion sur l’augmentation de la surveillance au cœur même du réseau tels que la surveillance de toutes les conversations chats vidéo Yahoo par le GCHQ (quartier-général des communications du gouvernement britannique) ?


Timbl : Je pense que certains cas de surveillance du réseau par des organismes gouvernementaux sont rendu nécessaires pour lutter contre la criminalité. Nous devons inventer un nouveau système de contrôle des pouvoirs qui serait doté de moyen sans précédent pour enquêter et contraindre les organismes qui le font à rendre des comptes au public.

Reddit : Compte tenu de votre travail au WWW Consortium et votre appui à la décentralisation d’Internet, quelle est votre opinion sur le groupe de travail W3C Web Paiements Group et leurs efforts pour normaliser les paiements web en utilisant Bitcoin et d’autres formats numériques ? Quel impact pensez-vous, le cas échéant, que pourrait avoir ces monnaies numériques sur la façon dont la valeur circule sur l’Internet ?

Timbl : Je pense qu’il est important d’avoir plein de façons différentes de faire parvenir de l’argent à des gens créatifs sur le net. Donc, si nous pouvons avoir des interfaces utilisateur de micropaiement qui font qu’il est facile pour moi de payer les gens pour des trucs qu’ils écrivent, qu’ils jouent, qu’ils créent, etc, sur des petits montants, alors j’espère que cela pourrait être un moyen qui permettrait aux gens de réellement faire des affaires sérieusement. Je trouve que Flattr est une démarche intéressante dans cette direction.

Reddit : Auriez-vous imaginé qu’Internet devienne aussi gigantesque ?

Timbl : Oui, j’ai plus ou moins établi la courbe de croissance. Je n’avais pas complètement raison. Il y a 25 ans, j’avais prédit que j’allais être interrogé pour faire cette entrevue sur Reddit la semaine prochaine, mais finalement c’est cette semaine. Bon nous faisons tous des erreurs. (Plus sérieusement, non)

Reddit : Alors que le web a beaucoup avancé au cours de ces 25 dernières années, la plupart des interfaces homme-machines sont restées les mêmes. Mon navigateur web, par exemple, est plus rapide et possède des fonctionnalités différentes, mais il ressemble toujours beaucoup à Netscape Navigator (1994). Avez-vous une idée de la manière dont une interface web pourrait changer d’une façon réellement nouvelle ?

Timbl : C’est une très bonne question. Je n’ai pas de réponse comme ça. Mais pensez à comment, quand vous êtes entouré de pixels si petits que vous ne pouvez pas les voir, une interface puissante pourrait nous permettre d’être créatif ensemble, de ne pas simplement regarder. J’ai appellé cela l’inter-créativité dès le début. Je ne l’ai toujours pas.

Reddit : Pourquoi est-ce que personne ne parle de Robert Cailliau quand on parle du World Wide Web ? Vous ne l’avez pas inventé tous les deux  ?

Timbl : Robert ne l’a pas inventé. Je l’ai inventé tout seul, et l’ai codé sur un NeXT, mais Robert a été le premier converti, et un grand supporter. Il a rassemblé des ressources au CERN, aidé à trouver des étudiants, a donné des conférences. Plus tard, il a aussi écrit du code pour un navigateur pour Mac appelé Samba. De plus, il a déployé beaucoup d’énergie pour convaincre les instances dirigeantes du CERN de ne pas faire payer de droits pour le WWW, ce qui fut adopté en avril 1993.

Reddit : Je n’ai vraiment rien à demander, je voudrais juste vous remercier. Bon… peut-être une question. Quel site faut-il visiter quotidiennement ?

Timbl: w3.org Depuis le début W3C a travaillé dans le web. « Si ce n’est pas sur le web, ça n’existe pas » quand il s’agit de discuter de choses dans les réunions, etc

Reddit : Je ne puis vous remercier assez pour ce que vous avez fait en inventant le web, en l’améliorant et en rendant le contenu et l’information accessibles et utilisables par tous ! Je voulais juste vous dire merci. Je consacre mon temps à concevoir et développer des interactions et des expériences qui soient simples, intuitives et agréables. Je ne sais pas ce que je ferais sans votre travail. Je ne sais pas où le monde en serait sans votre travail. Merci, merci beaucoup !

Timbl : Vous êtes les bienvenus ! Utilisez-le chaque fois que vous le souhaitez … 🙂

EDIT : Je dois m’arrêter maintenant. Je n’ai plus le temps, je dois attraper un avion. Merci les 10e9 pour les questions et… poursuivez la discussion ici, partout avec #web25 et webat25.org.




Le web a 25 ans ! Tim Berners-Lee en appelle à une charte de l’Internet

« Le 12 mars 1989, Tim Berners-Lee propose un projet pour en finir avec certaines problématiques rencontrées lors du partage des informations au CERN (Centre européen pour la recherche nucléaire). Sa proposition table sur la mise en place d’un système distribué s’appuyant largement sur les liens hypertexte. Comme on le sait, le principe a rencontré un succès tel qu’il a été généralisé les années suivantes pour toute sorte d’informations publiques. Le web était né. » (source PC Inpact)

Le problème c’est qu’envisagé au départ comme un bien commun à tous, il a subi depuis de nombreuses attaques de ce qu’on pourrait appeler « l’État/marché »…

Remarque : Ne pas confondre web et internet (le premier n’étant qu’une sous-partie du second).

 

Tim Berners-Lee

 

Une Magna Carta en ligne : Berners-Lee en appelle à une déclaration des droits pour le web

Jemima Kiss – 12 mars 2014 – The Guardian
(Traduction : Penguin, Juliette, diab, Achille, Diin, goofy, lamessen, Kcchouette, Mooshka)

An online Magna Carta: Berners-Lee calls for bill of rights for web

L’inventeur du web nous met en garde sur le fait que la neutralité subit des attaques soutenues des gouvernements et des entreprises.

L’inventeur du World Wide Web croit qu’une « Magna Carta » en ligne à l’échelle mondiale est nécessaire afin de protéger et d’ancrer l’indépendance du moyen de communication qu’il a créé et les droits de ses utilisateurs.

Sir Tim Berners-Lee a déclaré au Guardian que le web a fait l’objet d’attaques croissantes de la part des gouvernements et d’influentes sociétés, et que de nouvelles règles s’imposaient pour protéger « l’ouverture et la neutralité » du système.

Parlant exactement 25 ans après qu’il a écrit la première ébauche de la première proposition de ce qui allait devenir le World Wide Web, l’informaticien a déclaré : « Nous avons besoin d’une constitution mondiale – une déclaration des droits ».

L’idée d’une Grande Charte de Berners-Lee s’inscrit dans le cadre d’une initiative appelée Le web que nous voulons, nous invitant à créer un projet de lois numériques dans chaque pays – principes qu’il espère soutenus par des institutions publiques, des fonctionnaires gouvernementaux et des entreprises.

« Sauf à avoir un Internet libre et neutre sur lequel nous pouvons nous appuyer sans nous soucier de ce qui se passe en coulisses, nous ne pouvons pas avoir un gouvernement ouvert, une bonne démocratie, un bon système de santé, des communautés reliées entre elles et une diversité culturelle. Ce n’est pas naïf de croire que l’on peut avoir cela, mais c’est naïf de penser que l’on peut l’obtenir en restant les bras croisés. »

Berners-Lee a été un critique virulent de la surveillance des citoyens américains et anglais à la suite des révélations faites par le lanceur d’alerte de la NSA Edward Snowden. Compte tenu de ce qui a vu le jour, dit-il, les gens sont à la recherche d’une profonde révision dans la façon dont les services de sécurité ont été gérés.

Ses opinions font également écho dans l’industrie de la technologie, où il est particulièrement en colère sur les efforts fournis par la NSA et le GCHQ anglais pour saper les outils de sécurité et de cryptage – ce que beaucoup d’experts de sécurité affirment comme étant contre-productif et compromettant vis-à-vis de la sécurité de chacun.

Les principes de la vie privée, liberté d’expression et l’anonymat responsable seront étudiés dans cette Grande Charte. « Ces problèmes nous ont pris par surprise » a déclaré Berners-lee. « Nos droits sont bafoués de plus en plus souvent de tous les côtés et le danger est que nous nous y habituons. Je tiens donc à utiliser ce 25e anniversaire pour nous inviter à mettre la main à la pâte afin de reprendre la main et définir le web que nous voulons pour les 25 prochaines années. »

La proposition pour la constitution du web devrait aussi examiner l’impact des lois sur le copyright et les problèmes socio-culturels en rapport avec les éthiques de la technologie.

Alors que la régulation régionale et les sensibilités culturelles du web peuvent varier, Berners-Lee affirme croire en un document partagé sur les principes que pourrait apporter une norme internationale sur les valeurs d’un web ouvert.

Il demeure optimiste sur le le fait que cette campagne Le web que nous voulons puisse atteindre le grand public, malgré son manque apparent de prise de conscience dans l’affaire Snowden.

« Je ne dirais pas que les gens au Royaume-Uni sont indifférents. Je dirais qu’ils ont plus confiance en leur gouvernement que dans d’autres pays. Ils optent pour l’attitude : Comme nous avons voté pour eux, laissons les agir et faire leurs preuves. »

« Mais nous avons besoin que nos avocats et nos politiciens comprennent la programmation, comprennent ce qui peut être fait avec un ordinateur. Nous avons également besoin de revoir une grande partie de la législation, comme ces lois sur le copyright qui mettent les gens en prison pour protéger les producteurs de films. Il s’agit également de préserver et protéger l’expression des individus et la démocratie quotidienne dont nous avons besoin pour gérer le pays », poursuit-il.

Berners-Lee se prononce fermement en faveur du changement de l’élément à la fois clé et controversé de la gouvernance d’Internet qui supprimerait une petite, mais symbolique, partie du contrôle américain. Les États-Unis s’agrippent au contrat IANA, qui contrôle la base de données principale de tous les noms de domaines, mais ont fait face à une pression de plus en plus importante à la suite de l’affaire Snowden.

Il explique: « Notre demande du retrait du lien explicite menant vers la chambre du commerce des États-Unis est en souffrance depuis longtemps. Les États-Unis ne peuvent pas avoir une place prépondérante dans quelque chose qui n’est pas national. Il y a grand élan vers une séparation et une indépendance même si les États-Unis conservent une approche qui maintient les gouvernements et les entreprises à l’écart. »

Berners-Lee réitère aussi son inquiétude quant au fait que le web pourrait être balkanisé par des pays et des organisations qui morcelleraient l’espace numérique pour travailler selon leurs propres règles, qu’il s’agisse de censure, de régulation ou de commerce.

Nous avons tous un rôle à jouer dans ce futur, dit-il en citant les récents mouvements de résistance aux propositions de régulation du droit du copyright.

Il dit : « Le point-clé c’est d’amener les gens à se battre pour le web, de les amener à voir les dommages qui seraient causés par un web fracturé. Comme tout système humain, le web a besoin d’une régulation et bien-sûr que nous avons besoin de lois nationales, mais nous ne devons pas transformer le réseau en une série de cloisonnements nationaux. »

Berners-Lee fit également une apparition lors des Jeux Olympiques de Londres en 2012, en écrivant les mots “this is for everyone” (NdT : « Ceci est pour tout le monde ») sur un ordinateur au centre du stade. Il est demeuré fermement attaché au principe d’ouverture, d’inclusion et de démocratie depuis son invention du web en 1989, en choisissant de ne pas commercialiser son modèle. Il rejette l’idée qu’un contrôle gouvernemental ou commercial sur un moyen de communication aussi puissant soit inévitable, « Tant qu’ils ne m’auront pas ôté les mains du clavier, je continuerai à défendre cela. »

Le créateur du web accessible à tous

Ayant grandi dans le sud-ouest de Londres, Tim Berners-Lee était un fervent ferrovipathe, ce qui l’a amené à s’intéresser au modèle des chemins de fer puis à l’électronique.

Cela dit, les ordinateurs étaient déjà un concept familier dans la famille – ses deux parents ayant travaillé à la création du premier ordinateur commercialisé du monde, le Ferranti Mk1.

Berners-Lee sortit major de sa promotion en physique à Oxford et a ensuite travaillé à divers postes d’ingénieur. Mais ce fut au CERN, l’Organisation européenne pour la recherche nucléaire à Genève, qu’il prit part aux projets qui mèneront à la création du world wide web.

Son but était de permettre aux chercheurs du monde entier de partager des documents et ses premières propositions furent jugées « vagues mais intéressantes » par un directeur au CERN.

Il a combiné des technologies existantes telles que l’Internet et l’hypertexte pour produire un immense système interconnecté de stockage de documents. Berners-Lee l’appela le world wide web (NdT : la toile d’araignée mondiale), bien que ses collaborateurs francophones trouvaient cela difficile à prononcer.

Le web a d’abord été ouvert aux nouveaux utilisateurs en 1991. puis, en 1992, le premier navigateur a été créé pour parcourir et sélectionner les millions de documents déjà existants.

Bien que le web ait vu la création et la perte de fortunes innombrables, Berners-Lee et son équipe se sont assurés qu’il était libre d’utilisation pour tous.

Berners-Lee travaille maintenant, par le biais de diverses organisations, à s’assurer que le web soit accessible à tous et que le concept de neutralité du net soit respecté par les gouvernements et les entreprises.

Crédit photo : Wikimédia Commons




Rencontre avec ALGEM, Application Libre de Gestion d’École de Musique

ALGEM

Vous participez ou administrez directement une école de musique ? Ou plus généralement vous vous occupez d’un lieu associatif qui doit organiser la gestion des plannings, des adhérents et des contacts, la réservation des salles, la planification des cours, le prêt du matériel… ?

Sachez qu’il existe une excellente application développée depuis plus de dix ans par deux passionnés de musique et d’informatique !

Le logiciel s’appelle ALGEM (le L c’est donc pour Libre) et il méritait assurément une petite mise en avant.

Rencontre avec Bruno Mauguil (au centre sur la photo) et Jean-Marc Gobat (à droite) qui travaillent tous deux à Musiques Tangentes (Malakoff) d’où l’aventure ALGEM a vu le jour.

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Interview ALGEM

Bonjour Bruno et Jean-Marc, pouvez-vous vous présenter succinctement ?

426285_145343322250790_1790613950_n.jpgJean-Marc : agrégé d’éducation musicale et diplômé de l’école d’ingénieurs du CNAM de Paris, j’ai la chance de pouvoir pratiquer au sein de Musiques Tangentes mes deux passions que sont la musique et l’informatique. Je participe au développement d’ALGEM depuis quelques années déjà et intervient dans l’école en tant que professeur de M.A.O. Je suis aussi membre fondateur du groupe de fusion World « Transbohêm ».

Bruno : à l’origine musicien de Jazz, j’ai créé Musiques Tangentes à l’âge de 20 ans au milieu d’un grand vide intersidéral : pas de locaux de répétition, pas d’école de musiques actuelles… Après avoir fondé l’école, épaulé de quelques furieux musiciens, l’informatique nous a permis de structurer ce milieu embryonnaire. J’ai tout de suite compris l’immense intérêt de ce nouvel outil : création, gestion, bureautique, etc. Après m’être débattu sur Prologue (système d’exploitation français de Bull) puis fait un court et malheureux passage sur Windows, je participe aux balbutiements du Libre grâce à la rencontre providentielle d’Eric. C’est la révolution ! Bien que je ne sois pas du tout informaticien, je ne jure depuis que par l’Open Source. Cela fait maintenant 15 ans que nos outils bureautique sont sous Linux. La musique viendra plus tard sur ce système et en partie seulement. ALGEM est né du fait de l’absence totale d’outil de gestion pour notre activité. La suite reste à écrire….

Alors ALGEM c’est quoi ?

Jean-Marc : strictement parlant, ALGEM est l’acronyme d’Application Libre de Gestion d’Ecole de Musique. C’est au départ un logiciel de gestion dédié aux écoles de musiques actuelles. Axé sur la gestion de plannings et de contacts, il s’est enrichi au cours des années et peut très bien convenir aujourd’hui à d’autres types de structures.

Quelle est la répartition des rôles entre vous deux ?

Jean-Marc : je suis chargé du développement, de la maintenance chez nos partenaires et de tous les aspects techniques liés à l’installation, le fonctionnement et les rapports d’erreurs signalés par nos utilisateurs.

Bruno : je suis responsable de l’Association et initiateur du projet. Je suis donc à la fois maître d’œuvre et maître d’ouvrage, responsable du cahier des charges, définissant les grandes lignes et les besoins, et de plus en plus concerné par les problèmes de déploiement. Je joue beaucoup aussi le rôle de bêta-testeur, avec l’ensemble de l’équipe, et suis bien sûr utilisateur au quotidien depuis maintenant plus de 10 ans.

C’est parti d’un besoin interne ? Il n’existait rien de similaire sur le marché ?

Jean-Marc : effectivement, il n’y avait rien de comparable sur le marché à l’époque de sa mise en chantier. Les quelques solutions existantes, très coûteuses de surcroît, étaient réservées aux utilisateurs de Windows et ne correspondaient pas aux besoins des écoles de musiques actuelles. Il fallait donc choisir entre une solution bancale ou le développement d’un logiciel en interne. C’est ce dernier choix qui a été fait, grâce à la participation d’Eric. Ses compétences en Java, langage à l’époque en pleine expansion, lui ont permis en quelques mois de fixer l’ossature du logiciel et de le rendre opérationnel dans nos locaux.

Quand avez-vous décidé d’en faire un logiciel libre et pourquoi ? Et avez-vous constaté une amélioration dans la diffusion et participation du projet ?

Jean-Marc : depuis les débuts, Musiques Tangentes s’investit dans le libre, en privilégiant les systèmes et logiciels Open Source et les applications sous Linux. Il était naturel avec ALGEM d’ajouter une pierre à l’édifice. Comme il a fallu pas mal de temps pour refaçonner l’application, réorganiser les sources et produire quelque chose de plus cohérent, ce passage n’a pu se faire qu’assez récemment, début 2012 (les sources sur GitHub). C’était aussi l’objectif/rêve de Bruno, celui de pouvoir partager un outil avec les confrères et de contribuer à la communauté du libre.
La diffusion du logiciel est encore assez réduite, mais de nombreuses demandes nous ont été faites depuis les derniers mois. Et nous avons constaté un regain d’intérêt depuis le début de l’année scolaire et la publication sur Framasoft.

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Le logiciel évolue comme vous voulez ? Résistez-vous au « cloud » ?

Jean-Marc : beaucoup de projets en cours, oui. Des fonctionnalités en chantier : gestion de stages, importation de carnets d’adresse, pré-réservation en ligne, etc. Quant au « Cloud », s’il présente indéniablement des avantages, comme la simplification des procédures pour les novices, son adoption à grande échelle par les entreprises dominantes symbolise pour nous une certaine forme de retour au Minitel, comme l’avait remarqué à juste titre Benjamin Bayart dans sa fameuse conférence. S’en remettre à des entreprises comme Google, Facebook, Apple ou Microsoft, c’est un peu renier l’Internet des origines, décentralisé et pluriel. Afin de répondre aux besoins d’une certaine frange de nos utilisateurs, nous avons essayé néanmoins avec Algem Webstart de concilier les deux mondes : déployer localement l’application tout en profitant de l’hébergement en ligne.

Dans combien de structures ALGEM est-il déployé ? Elles s’occupent toutes de musique ?

Jean-Marc : Officiellement, une demi-douzaine de structures, dont deux à Toulouse et à Tours avec lesquelles nous sommes en relation très étroite. Cela va de la salle de répétition au salon de coiffure ! Donc, pas nécessairement ciblé école de musique. Officieusement, une trentaine de structures nous ont déjà demandé une version d’ALGEM pour leur usage personnel.

C’est dans le cadre de Musiques Tangentes que vous avez développé ALGEM. Pouvez-vous nous en dire plus sur ce lieu, son histoire, les services proposés ?

Bruno : Musiques Tangentes est un centre « musiques actuelles » : apprentissage de loisir, centre de formation professionnelle, studio de répétition (collectif et individuel), studio d’enregistrement, accompagnement de projet et un peu de diffusion (amateur et professionnel). C’est aussi un lieu de création et d’accueil de résidence ou d’insertion professionnelle. C’est une structure pionnière, née dans le squat de la rue des Caves à Sèvres. Nous fêtons cette année nos 35 ans d’existence et Musiques Tangentes est ouverte à tous (à partir de 3 ans), débutant ou confirmé, amateur ou professionnel. Un tiers de notre activité s’effectue aussi hors les murs (intervention en temps scolaire, en périscolaire, en centre spécialisé type IME, en colonie de vacance, en crèche, en entreprise…), partout ou l’on peut faire de la musique… « PLUS DE BRUIT », la Mano Negra est passée par chez nous, c’est un lieu d’apprentissage, de rencontres et d’échanges. Bref, un berceau d’utopies où l’on peut encore rêver et jouer sans contraintes !

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Il me semble que vous y proposez un studio d’enregistrement « full libre » ?

Jean-Marc : nous utilisons depuis longtemps des distributions Linux spécialisées dans l’audio-numérique, comme 64Studio, Ubuntu Studio, ou plus récemment Tango Studio. Ardour est installé dans notre rack informatique et nous permet de réaliser des enregistrements sous ces systèmes, grâce à la compatibilité matérielle de notre carte RME MADI 64 canaux. Bien que nous fournissions aussi des prestations sur Pro Tools, le logiciel de référence dans de nombreux studios, nous ne pouvons qu’encourager l’usage de solutions libres. Musiques Tangentes est pratiquement la seule structure à proposer de tels services dans un environnement résolument professionnel : console numérique SONY DMX-R100, station de travail Intel i7 64 bits en dual boot, enceintes A2T. La demande est encore infime mais il n’est pas interdit de penser que l’utilisation d’un logiciel comme Ardour soit à l’avenir de plus en plus pertinente, face à une concurrence peu réactive et très coûteuse.

Est-ce que vous en profitez pour sensibiliser vos membres mélomanes aux licences libres ? Y en a-t-il qui ont fait le choix des licences Creative Commons pour leurs créations ?

Jean-Marc : j’ai moi-même édité l’album « Déserts » de Transbohêm sous licence Creative Commons. D’autres adhérents et membres de l’équipe administrative ont aussi choisi cette licence pour leurs réalisations. Pour un indépendant désireux aujourd’hui d’éditer sa musique, les licences libres présentent une belle alternative face aux fourches caudines de la SACEM.

Bruno : Musiques Tangentes est membre de « Libre Accès » et à ce titre nous avons vivement encouragé nos adhérents à utiliser des licences libres. Vous trouverez de nombreux articles à ce sujet sur notre blog. De plus, des ateliers découverte sont organisés régulièrement autour de ce thème.

Et pour finir, un appel à bonne volonté pour ALGEM ?

Jean-Marc : tout le monde est bienvenu : relecteurs de code, testeurs, spécialistes Java. Nous invitons d’autre part toutes les structures utilisant le logiciel à nous donner leur avis ou nous suggérer des améliorations possibles. Nos propositions de journées de formation restent d’ailleurs toujours d’actualité et nous encourageons tous les utilisateurs à les suivre afin de participer aux avancées d’ALGEM et de pérenniser son développement dans les années futures.

Bruno : nous en sommes encore à l’aube de l’engagement communautaire autour de ce projet et nous espérons que de nombreux utilisateurs et programmeurs nous rejoindrons prochainement . Une première rencontre entre tous les acteurs concernés sera d’ailleurs proposée très bientôt.

-> ALGEM – Pour tout contact : info@algem.net

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Le journalisme open source, selon OpenWatch

Le site OpenWatch nous propose de faire du journalisme autrement en s’inspirant des principes et techniques du logiciel libre.

Ils appellent cela le « journalisme open source » et y voient, non sans emphase, l’avenir de la profession.

Pure rhétorique ou réelles pistes à explorer pour un secteur en grave difficulté actuellement ?

Decar66 - CC by

Les nouveaux principes du journalisme open source

The New Principles of Open Source Journalism

(Traduction : Peekmo, goofy, lamessen, Slamino, Omegax„ Asta, Paul, Kayjin, aKa + anonymes)

OpenWatch souhaite être le cœur du journalisme open source de la prochaine décennie. Quelles valeurs émergeront pour définir les actualités de demain ?

Partout dans le monde, les agences de presse traditionnelles vacillent. Leurs revenus publicitaires se tarissent car les gens suivent de plus en plus l’actualité à partir de sources d’information en ligne ou ne s’y intéressent tout simplement pas parce qu’ils préfèrent consacrer leur temps à d’autres types de contenus numériques. L’information qui reste est plus édulcorée que jamais, le journalisme d’investigation a laissé la place à des opérations de relations publiques travesties en information, les correspondants à l’étranger sont remplacés par des vidéos virales et des ragots people.

Pourtant, le journalisme joue un rôle terriblement important dans la société, en permettant aux gens d’être informés sur le monde qui les entoure et en obligeant les élites au pouvoir à rendre compte de leurs actes. Nous ne pouvons laisser ce rôle simplement passer à la trappe. Au lieu de vivre cette situation comme une catastrophe, nous pouvons y voir une opportunité de réévaluer la nature et l’objet du journalisme. Partant de là, je crois pouvoir dire que nous assistons à l’émergence du phénomène peut-être le plus réussi et étrangement merveilleux de l’ère numérique : le mouvement du logiciel et de la culture « libres et open source ». Dans ce mouvement, les individus sont libres de consommer l’information et d’y contribuer au sein d’un espace commun et, ensemble, ils sont parvenus à créer un tout qui est plus que la somme de ses parties.

OpenWatch est une entreprise du secteur des technologies qui produit et soutient le journalisme open source. OpenWatch vise à être au New York Times ce que RedHat est à IBM. Notre produit de base est une suite gratuite d’applications mobiles qui permet à n’importe qui de diffuser du contenu, de visionner des vidéos sur téléphone mobile et de recevoir des alertes avec des possibilités de contribuer à nos reportages et enquêtes.

Du point de vue éditorial, nous sommes intéressés par la couverture des sujets sous-médiatisés tels ceux tirés d’histoires et d’enregistrements de gens ordinaires, mais aussi par les événements où les médias traditionnels échouent à remettre en cause les pouvoirs établis. Nous souhaitons présenter nos articles dans un contexte où l’homme de la rue peut prendre part à la mise au jour et à l’exposition de faits vérifiés.

Histoire

Au fil des ans, il y a eu bon nombre de tentatives de qualifier le genre de travail que nous évoquons ici : journalisme citoyen, journalisme civique, journalisme participatif, journalisme scientifique, journalisme (ouvert au) public, journalisme collaboratif, journalisme communautaire, wiki-journalisme et une foultitude d’autres appellations qui, j’en suis sûr, doivent exister.

Chez nous, nous appelons cela simplement du « journalisme open source ». En tant que contributeurs au mouvement du logiciel libre et open source, nous sommes bien conscients que le terme « open » peut être à la fois chargé et vide de sens. Nous souhaitons donc esquisser quelques principes de base qui, selon nous, définiront le journalisme open source de la décennie à venir.

Il ne s’agit ni d’un manifeste, ni d’une liste de revendications, ni même d’une promesse. C’est simplement une liste de valeurs journalistiques que nous entendons respecter et promouvoir. Nous ne voulons pas être crédités pour ces principes : d’autres, nombreux, nous ont précédés, existent à nos côtés ou viendront après nous. Notre seule ambition est d’exposer ces principes et d’inviter d’autres à les partager.

Avec le temps, nous espérons que l’importance de ces valeurs deviendra si évidente qu’elles feront apparaître le journalisme traditionnel comme dépassé et influenceront les grands organes de la presse traditionnelle.

1. Des sources primaires complètes

Le principe premier du journalisme open source est qu’il doit être « scientifique ». Cela signifie donner un accès aux sources primaires complètes, sous la forme de matériel documentaire associé, par un lien ou une incorporation, aux affirmations du récit journalistique, y compris tous les entretiens oraux ou par courriel avec des individus ou les documents bruts pour les sources anonymes.

Sans sources primaires complètes, le public est en réalité réduit à l’impuissance, privé de la possibilité de vérifier la véracité des faits qui lui sont livrés et se trouve réduit à devoir faire confiance à une seule version des faits. Avec la confiance vient le pouvoir, et avec le pouvoir viennent les abus. Le public a été gravement abusé sur de nombreuses questions, par exemple dans l’exposition des faits justifiant la guerre contre l’Irak, dans la couverture du programme d’assassinats par des drones, dans les allégations d’utilisation d’armes chimiques en Syrie et, aujourd’hui, avec le programme de surveillance de la NSA.

Le journalisme scientifique, pour sa part, ne requiert pas autant de confiance dès lors que le lecteur possède autant d’informations que le journaliste qui l’informe.

En fin de compte, cela signifie l’abandon du « scoop » et des sources non attribuées, qui, de par leur nature, voilent le mécanisme qui transforme les faits en analyse. À leur place, nous proposons un sommaire transparent, une contextualisation, un remixage et une analyse complètes des sources primaires.


2. Pratique et Participatif

Dans le journalisme open source, l’action est plus importante que le contenu. L’objectif du journalisme open source n’est pas de divertir, ni même de simplement informer, mais plutôt de tenter de construire un projet de changement. Ce projet doit commencer par les faits déjà connus, mais devrait aussi fournir une feuille de route décrivant les inconnues référencées et ce qui sera nécessaire pour répondre à ces questions. Les lecteurs soucieux des erreurs devraient avoir l’opportunité d’être directement impliqués dans le processus de collecte, de traitement, de synthèse et de publication des actualités. Mais ce n’est pas tout. Le but de notre journalisme est aussi de défier, provoquer et demander des réponses aux pouvoirs établis. Et aussi longtemps que ce sera fait de façon productive et documentée, ce sera quelque chose dans lequel le public devrait être impliqué.

Les projets de logiciels open source utilisent ordinairement un outil de « bugs » et de « tickets » pour suivre et accélérer leur développement ; chez OpenWatch, nous les appelons « missions ». Vous pouvez parcourir la liste de toutes nos missions actuellement actives ici pour pouvoir contribuer à nos investigations en cours.

Au final, nous espérons créer une force globale et répartie de fouineurs et une place centrale d’idées concrètes au sujet des problèmes importants.

3. Garanties

Historiquement, un des plus gros défis pour les médias et reportages citoyens est la question de l’authenticité. Il est souvent difficile de déterminer si les médias et l’information proposés en ligne sont authentiques ou s’ils sont le produit de quelqu’un désireux de promouvoir une cause, d’une partie adverse essayant de saboter une histoire ou simplement d’un « troll » ennuyeux. Les plateformes comme Youtube, Facebook et Twitter ne fournissent aucun outil automatique d’expertise de l’authenticité ; réceptacles par essence d’un flux continu d’informations éphémères, qui se combine à la capacité d’amplifier rapidement certains messages, elles sont souvent exploitées à des fins de diffusion de canulars et de désinformation (comme l’illustre le cas récent de ces images de manifestations en Turquie filmées en réalité plus tôt dans l’année à l’occasion d’un marathon).

Pour lutter contre ce problème, OpenWatch utilise un bouquet de technologies destinées à faciliter la vérification de l’authenticité d’un média dans notre système. Une de ces technologies est un système que nous appelons CitizenMediaNotary. Inspiré par le projet Perspectives, CitizenMediaNotary est un réseau de serveurs de confiance distribué, qui maintient une base de données d’empreintes digitales des médias citoyens. Cela permet de savoir si un contenu est vraiment nouveau ou s’il a déjà été visionné auparavant et, dans ce cas, où, quand et par qui.

4. Prévoir

Si nous ne couvrons que les atrocités passées, nous ne serons jamais en mesure de les prévenir. Le journalisme d’avant a presque exclusivement porté sur des événements qui ont déjà eu lieu, et c’est une occasion majeure manquée pour l’émancipation.

La participation des foules sera un facteur majeur dans le futur du journalisme de prévision, dans la mesure où de grands ensembles de données sont bien meilleurs pour les prévisions que les petits. Par exemple, à l’époque où OpenWatch était un service exclusivement utilisé pour surveiller l’action de la police, nous étions capables d’analyser des modèles d’action trouvés dans nos données pour réaliser des prévisions plus précises sur les régions où des abus policiers avaient plus de chance d’avoir lieu et ce n’est que le début. Dans le futur, nous pourrons collecter des jeux de données multisourcés et publics de manière à prédire quelle communauté à risque est susceptible d’être frappée par une catastrophe naturelle, qui sera le gagnant d’une élection, le résultat probable d’une décision de justice, quelles écoles seront fermées par une nouvelle administration et bien d’autres choses encore.

On assiste ces derniers temps a une augmentation notable de la production de rapports prévisionnels grâce à des agences privées du renseignement comme Stratfor, mais cette activité de prévision est onéreuse et sa commercialisation uniquement orientée vers les pouvoirs établis, qui bénéficient déjà du système actuel. OpenWatch s’efforce de fournir le même genre d’informations spécialisées, mais avec un accès ouvert à tous et avec une position résolument critique et orientée par l’intérêt public.

Bien sûr, nous ne pourrons en rien garantir le degré d’exactitude de nos prévisions, mais du fait que tous nos rapports sont totalement open source, les lecteurs sont les bienvenus pour produire et donner également leur propres prédictions.

5. Transparence éditoriale

La démarche open source et participative appliquée à l’ensemble de nos publications vaut aussi pour notre démarche éditoriale. Le public en général et notre lectorat en particulier jouissent ainsi d’un accès direct à l’ensemble du processus décisionnel au sein d’OpenWatch, qu’ils souhaitent en être témoins ou y prendre part. Cela permet au lectorat en général grand public d’assister directement la totalité du processus décisionnel d’OpenWatch, aussi bien que d’y être impliqué.

Comme il se doit en open source, cette démarche éditoriale repose sur des listes de diffusion publiques. Nous appelons ce système « Radar » car il n’offre pas seulement un aperçu des événements en cours de traitement chez OpenWatch, il est aussi un calendrier dynamique des événements que nous avons l’intention de couvrir.

Si vous souhaitez voir ce qui se trame sous le capot d’OpenWatch ou avoir votre mot à dire sur la manière dont OpenWatch gère ses ressources éditoriales, rejoignez notre liste de discussion publique en envoyant un courriel à openwatch-radar@googlegroups.com, vous serez immédiatement inscrit-e (les hackeurs sont aussi invités à rejoindre la liste openwatch-dev@googlegroups.com pour participer aux discussions autour des développements techniques).


Nous ne prétendons pas qu’un tel niveau de participation est nécessaire pour tous les canaux d’information open source, le degré de participation proposé dans certains groupes pouvant être moindre que le nôtre pour une raison ou une autre, mais il est important dans tous les cas, que les décisions éditoriales émanent d’un noyau privé, d’un noyau public ou d’un consensus public, que le cadre décisionnel soit transparent.

6. Gestion des versions

Git est un outil qui permet aux développeurs et aux utilisateurs de logiciels libres de garder la trace de l’ensemble de leurs changements, de voir qui contribue à quelle partie d’un projet et de revenir à l’état antérieur d’un projet en cas de catastrophe. C’est un logiciel absolument crucial. Les utilisateurs réguliers de Wikipédia sont habitués à des outils de contrôle des versions aux fonctionnalités similaires (via la page Historique d’un article)

Néanmoins, aussi précieux qu’il soit, le contrôle des versions est rarement pratiqué dans d’autres secteurs que celui du développement logiciel. De manière intéressante, dans le domaine du journalisme, le contrôle des versions peut apporter quelque chose que l’inventeur de git n’avait jamais imaginé : la résistance à la censure cachée.

Contrairement aux apparences, certaines formes de censure sont plus aisées à mettre en œuvre dans le royaume numérique que dans le monde physique. Dans le monde physique, le censeur laisse une trace : un trait noir, un nom effacé, des autocollants, des agrafes, de la colle. Sur l’internet, nulles preuves semblables d’une censure post-publication : seulement un article qui disparaît ou un léger changement de contenu, sans que personne n’en sache rien.

Un nouveau projet, Newsdiffs, tente de traquer les changements en tant que service proposé à une poignée d’organes d’information traditionnels. Cet effort mérite nos applaudissements, mais la solution est actuellement limitée et laisse beaucoup de changements passer au travers des mailles du filet. Dans le futur, nous aimerions voir davantage d’organisations prendre elles-mêmes cette responsabilité à travers une combinaison de contrôle interne et tiers de tout le contenu des actualités.

7. Permanence

Les journaux et la télévision sont des formats éphémères. Un journal se jette, une diffusion télévisée n’est pas enregistrée. Internet, par contre, n’oublie jamais. Un article n’existe pas seulement pour un jour, il existera pour le restant de l’histoire enregistrée et sera toujours à la portée d’une simple recherche, accessible en une seconde.

Par conséquent, on doit envisager que les articles seront toujours accessibles dans un lointain futur et doivent être créés en ayant à l’esprit les lecteurs du futur, qui devront à leur tour pouvoir y apporter leur contribution.

8. Logiciel libre, contenu libre

En dernier lieu, nous pouvons incorporer les principes du logiciel libre et de la culture libre dans le journalisme open source. Fondamentalement, cela signifie que nous devons respecter les droits digitaux de nos utilisateurs et utiliser autant de logiciels libres et open source que possible, en nous assurant que le contenu est produit sous une licence permissive ou copyleft, en traquant le moins possible les utilisateurs et en leur permettant de savoir comment et pourquoi nous les traquons.

Les principes de la culture libre sont nécessaires pour n’importe quel projet ouvert et participatif car c’est grâce à eux que les communautés en ligne ont la capacité de réaliser ces choses formidables qui les rendent très différentes des organes de presse traditionnels.

Il devient concevable non seulement de lier, partager et traduire librement l’information (la traduction étant une autre question gérée de manière insatisfaisante dans les médias d’information traditionnels), mais aussi de remixer les contenus et de présenter les médias et analyses sous des formes nouvelles, que leur auteur originel n’aurait éventuellement pas imaginé.

En définitive, le journalisme open source ne doit pas recourir au droit d’accès payant comme source de revenus car c’est en totale contradiction avec la volonté de produire du contenu dans le but d’informer et de donner au public le pouvoir de l’autonomie et de la responsabilité. Faute de proposer à ce dernier un libre accès aux informations d’importance, cela ne serait en fin de compte guère plus qu’une extorsion de fonds. Il existe plein d’autres modèles économiques de soutien du logiciel libre qui peuvent tout aussi bien soutenir le journalisme open source (nous reviendrons dessus plus en détail dans un autre billet).

En avant !

Nous vous avons décrit quelques-unes des valeurs centrales dont OpenWatch entend imprégner sa forme de journalisme open source. Si vous souhaitez contribuer à documenter la vérité et résister aux pouvoirs adeptes du secret, rejoignez-nous ! Nous ne savons pas exactement où cela nous mènera, mais nous sommes certains qu’unis dans la quête de la vérité, nous pouvons construire quelque chose de vraiment étonnant et bien pour tous. Rejoignez-nous !

Crédit photo : Decar66 (Creative Commons By)




Framapad : 3 tutoriels vidéos en situation d’éducation

Il y a un peu moins d’un an nous faisions le constat que Framapad était de plus en plus souvent utilisé dans l’éducation. En illustrant cela avec, entre autres, un billet sur l’expérience de Frédéric Véron, professeur de SVT dans l’Académie de Créteil.

Il nous propose ici, merci à lui, 3 tutoriels vidéos récemment mis en ligne.

Découverte et utilisation de Framapad (pads publics)

Comparaison et avantages de la création d’un compte (pads privés)

Attention : La création de compte risque d’être bientôt suspendue parce que non maintenue, nous vous invitons plutôt à utiliser les pads publics.

Exemple de travail collaboratif avec des élèves de Sixième