Raleigh, Montréal… quelle sera la première ville Open Source du monde ?

Open Source CityDeux traductions pour s’interroger ensemble sur le concept de « ville Open Source ».

Il s’agit de voir ici la ville comme une plateforme, une plaque tournante, un incubateur, bref un lieu privilégié où peuvent s’épanouir les entreprises et start-up qui placent l’open source au cœur de leur stratégie et de leur développement.

Les villes de Raleigh (USA) et Montréal (Canada) souhaitent apparemment poser candidature et ont, semble-t-il, de bons arguments.

Encore faudrait-il définir ce qu’est ou peut être une « ville Open Source », et se demander si il est pertinent de vouloir créer, favoriser ou labelliser de telles villes[1].

L’un des auteurs nous propose ainsi trois critères : la volonté de partager, la volonté d’être informé, et une attitude ouverte à l’innovation, à la créativité et aux expérimentations de toutes sortes.

Et en France, me direz-vous ? Cela bouge du côté de l’Open Data (Rennes, Paris…) mais au delà, je ne sais pas. Des avis et des liens sur la question ?

PS : Nous avions déjà évoqué la chose dans un billet sur une autre ville canadienne Vancouver : S’il te plaît… dessine-moi une ville libre.

1. Raleigh, Caroline du nord – la première ville open source au monde

Raleigh, NC—the world’s first open source city

Jason Hibbets – 21 février 2011 – OpenSource.com
(Traduction Framalang : Khyl, Naar, Cheval boiteux et Goofy)

J’ai commencé à méditer sur les qualités qui devaient définir une ville open source il y a quelques mois, quand mon ami Tom Rabon m’en a fait mention au détour d’une conversation. J’étais curieux de voir de quelle façon la ville dans laquelle j’habite, Raleigh, en Caroline du nord, pouvait attirer d’autres entreprises open source et en être un incubateur mondial, pour en devenir un exemple phare de gouvernance. Comment Raleigh pouvait-elle devenir la capitale du monde de l’open source, à l’instar de ce que sont la Silicon Valley pour la technologie et Paris pour la romance ?

Je pense que la réponse peut être trouvée à la fois par le gouvernement et par la population. D’abord, nos dirigeants doivent être partants pour adopter l’open source au quotidien. Ils doivent faire preuve de transparence dans leur gestion des affaires et dans l’encouragement à la participation citoyenne. Les citoyens, quant à eux, doivent être prêts à participer et à contribuer en donnant de leur temps et de leurs connaissances. Les deux ont besoin d’adopter un prototypage rapide pour explorer de nouvelles idées et des solutions innovantes.

Mais en quoi Raleigh se distingue-t-elle des autres villes ? En quoi est-elle plus apte à être une ville open source que New York, San Francisco, Londres, Paris ou Pékin ? J’ai rencontré autour d’une table le maire de Raleigh, Charles Meeker, pour discuter de ce qui faisait qu’une ville pouvait devenir open source.

Le maire Meeker a été élu en 2001 et s’est familiarisé avec l’open source, principalement en s’intéressant à Red Hat et au modèle de développement open source. En tant qu’avocat, il n’est pas étonnant que le maire Meeker comprenne les avantages de la collaboration et du partage des connaissances. Voyons pourquoi la ville de Raleigh est prête à revendiquer son titre de première ville open source au monde.

Quel grand chantier, en dehors de la technologie, a la meilleure chance d’être abordé par la voie open source (c’est-à-dire au moyen de la collaboration, de la transparence, du partage, de la méritocratie, du prototypage rapide, d’une communauté, etc.) ?

Dans une zone de la ville de Raleigh, l’accent a été mis sur l’utilisation d’un éclairage plus éco-énergétique dont nous pouvons mesurer les résultats. Nous nous activons à la promotion et au partage de nos expériences avec les autres municipalités, notamment pour tester notre consommation d’électricité et la qualité de la lumière produite. Le partage de cette information est un élément majeur de notre expérience.

La ville de Raleigh dispose de quarante installations en LED avec une économie moyenne de 200 000 €/an sur les coûts en électricité. Le retour sur investissement est généralement de l’ordre de 3 à 5 ans (en considérant les coûts du capital). C’est une excellente option pour les parkings éloignés. Vous pouvez facilement installer quelques panneaux solaires et ne pas avoir à ajouter de nouvelles lignes ou changer d’infrastructure. La possibilité pour les villes du monde entier d’adopter l’éclairage éco-énergétique est une véritable chance qui s’offre à elles. La ville de Raleigh veut prendre part à l’aventure et être reconnue comme précurseur dans l’adoption de cette technologie. Propager la bonne parole sur l’éclairage par LED avec l’aide de notre partenaire, Cree, est important pour nous.

Quelles sont vos réflexions à propos d’un gouvernement ouvert ou gouv’ 2.0 et que peut faire la ville de Raleigh pour avoir un gouvernement plus ouvert et transparent vis-à-vis de ses citoyens ?

Tout d’abord, toutes nos réunions sont ouvertes au public, à quelques exceptions près. Le véritable défi est de savoir profiter de l’expertise de chacun de nos citoyens. Il y a beaucoup de compétences de haut niveau qui peuvent servir à résoudre les vrais problèmes de la ville.

Une solution se situe au niveau des nouveaux comités, comme le nouveau comité ferroviaire que nous avons mis en place, et la façon dont leurs conseils et leurs recommandations sont pris en compte par la ville. Les questions autour des frais de gestion des eaux pluviales nous ont conduits à puiser dans l’expertise de nos citoyens pour apporter les meilleures solutions.

Le ferroviaire est un domaine qui sera opérationnel pour les 3 ou 4 prochaines années. Nous avons beaucoup de personnes expérimentées dans ce domaine prêtes à partager leur savoir et à mettre en application leurs connaissances pour aider à prendre les futures décisions.

Montrer au public ce que nous faisons et expliquer les bonnes pratiques sont des atouts qui restent sous-utilisés, mais nous avons eu du succès, notamment quand le comité de gestion des eaux pluviales a fait part de son avis sur la façon de mieux gérer les inondations. Le conseil municipal a ainsi été en mesure de mettre à profit l’expertise du comité pour prendre les meilleures mesures politiques à ce sujet.

Quelles sont les qualités requises pour devenir une ville open source ?

Trois critères me viennent à l’esprit :

  • la volonté de partager ;
  • la volonté d’être informé ;
  • une attitude ouverte à l’innovation, à la créativité et aux expérimentations de toutes sortes.

Les citoyens doivent se tenir prêts à adopter le futur. L’open source est une stratégie que nous appliquons pour aller de l’avant.


Pourquoi Raleigh s’est amorcée à devenir la première ville open source au monde ?

Nos citoyens sont prêts faire avancer Raleigh et à être plus concentrés sur la démarche open source. Raleigh est disposée à devenir son incubateur mondial.

L’avantage de Raleigh se situe au niveau de sa croissance et des emplois. Nous aimerions voir le Centre des congrès accueillir plus de conférences sur l’open source. Nous serions honorés de voir un tas de petits Chapeaux Rouges (NdT : référence faite à la distribution GNU/Linux Red Hat), et que des start-up et sociétés bien établies viennent dans notre région parce que nous avons fait le choix de ce modèle de développement.

Les partenaires sont aussi une grande partie de la réponse. Le Centre des congrès, le Syndicat d’Initiative, la Chambre du Commerce et les autres partenaires doivent adopter l’open source et le mettre en évidence dans le cadre de notre stratégie de développement économique.

Comment mettre en œuvre la démarche open source dans votre vie quotidienne ?

Au cabinet juridique pour lequel je travaille, j’ai essayé de fournir des informations à de jeunes avocats. Une sorte de partage des secrets commerciaux pour les aider à réussir plus rapidement, et, pour être franc, l’une des choses les plus difficiles pour toute personne de la fonction publique, c’est l’écoute. J’ai remarqué que l’écoute représente 70 à 80 % du travail. Vous devez pleinement comprendre ce qu’il se passe pour prendre la décision adéquate.

2. Montréal peut-il devenir un incubateur de start-up open source ?

Can Montreal Become an Open Source Startup Hub?

Evan Prodromou – 21 février 2011 – NextMontreal.com
(Traduction Framalang : Khyl, Naar, Cheval boiteux et Goofy)

« Le premier prix est une Cadillac El Dorado. Le deuxième prix est un lot de couteaux à viande. Le troisième prix est votre licenciement. »- Blake, Glengarry Glen Ross

Seth Godin indique, dans son fabuleux ouvrage The Dip (NdT : Un petit livre qui vous enseignera quand renoncer et quand persévérer), que la seule position qui compte dans les affaires, c’est la première. Quand les lois du pouvoir et les effets de réseau sont nécessaires, la première place du classement est la seule où il faut être. Vous devrez être « le meilleur du monde » dans quelque chose, ou bien vous feriez mieux de laisser tomber et de faire autre chose.

Les écosystèmes technologiques – la plupart des marchés d’affaires, en fait – ont des effets de réseau, et cela veut dire que la seule position à avoir, en tant qu’écosystème, est la première. Être le meilleur au monde.

Quelle est la zone la mieux classée au monde dans les start-up du Web ? La baie de San Francisco. Quelle est la deuxième ? Probablement New-York City. Qui a le troisième prix ? Qui s’en soucie ? Le troisième prix, c’est votre licenciement.

Si nous nous soucions de la croissance de notre écosystème local, peut-être que nous aurions besoin d’arrêter notre course à la 14e ou la 29e place du classement dans le monde des start-up orientées Web et réfléchir à construire quelque chose d’autre. Un domaine dans lequel nous serions les meilleurs et sur lequel personne d’autre n’a encore vraiment travaillé. Là où nous pourrions être les meilleurs au monde – pas les 14e, pour ensuite laisser tomber.

Montréal a la capacité d’offrir le meilleur écosystème au monde pour les start-ups centrées sur le développement de logiciels open source. Nous fournissons un bon cadre pour les entrepreneurs qui ont de l’expérience dans la mise en place d’entreprises tournées vers ce secteur économique, nous avons des investisseurs qui ont bien compris le processus d’investissement et d’encouragement de ce type de compagnies et nous avons un très précieux vivier de talents qui ont contribué à cette évolution.

Plus important, il n’y a aucune autre ville autant tournée vers l’open source sur le globe. San Francisco et Boston accueillent quelques sociétés, mais ne sont absolument pas des incubateurs. Le paysage commercial de l’open source se propage beaucoup plus à travers le monde, de Londres à l’Utah en passant par l’Allemagne et Austin.

Plus que tout, c’est sa commercialisation qui est difficile. Demandez à n’importe quelle personne impliquée dans une entreprise open source. La difficulté se trouve dans l’élaboration d’un modèle de travail. Il n’y a pas de solution simple. Les techniques des start-up pour les autres types d’affaires, tels que l’investissement et les stratégies de commercialisation, ne semblent pas s’appliquer aussi bien. Cela signifie qu’il existe un obstacle à l’entrée d’autres écosystèmes, dont un que nous pouvons exploiter.

En ce moment, j’ai connaissance d’au moins cinq start-up open source dans la ville :

  • StatusNet – J’ai lancé cette entreprise ici-même en 2008. Nous avons levé 2,3M $ de fonds à Montréal et New-York. Nous enregistrons environ 5 000 téléchargements par mois et dénombrons 45 000 sites fonctionnant sur notre SaaS. Nous comptons actuellement 9 salariés à Montréal et San Fransisco (NdT : StatusNet est un logiciel libre de microblogging sur lequel repose Identi.ca).
  • Vanilla Forums – Le meilleur système de gestion de forums au monde. Il tourne sur plusieurs centaines de milliers de sites et inclut un service SaaS de haute performance.
  • Bookoven – Cette plateforme sociale de publication s’est tournée vers un modèle de logiciel open source. Dirigée par Hugh McGuire, créateur de Librivox, le très populaire projet de livre audio à contenus ouverts.
  • Stella – Cette société à forte croissance a rendu ses logiciels open source.
  • Subgraph – Startup orientée sur la sécurité développant Vega, logiciel open source d’évaluation des vulnérabilités.

Au rang des investisseurs, deux des plus importants groupes financiers de la ville (iNovia Capital et Real Ventures) tentent l’expérience des start-ups open source. Real Ventures (ou plutôt son prédécesseur, MSU) a déjà investi dans trois entreprises open source locales.

En ce qui concerne le potentiel des employés talentueux… c’est plus difficile. Il y a beaucoup de techniciens compétents dans la ville, et les sociétés open source qui en sont en dehors, comme Canonical ont des équipes techniques locales qui peuvent suivre le bassin des start-up de talent. Quid du personnel d’entreprise talentueux ayant une expérience open source ? Ils sont rares sur le terrain. Heureusement, les gens qui ont travaillé dans les sociétés mentionnées plus haut constituent aussi un bon noyau de ce bassin.

Je crois que les conditions sont réunies pour que Montréal prenne sa place dans le monde des technologies en tant qu’incubateur de start-up open source. La semaine prochaine, je dévoilerai ce que je pense être un projet potentiel pour que Montréal devienne le fer de lance de ce marché.

Notes

[1] Crédit photo : OpenSource.com (Creative Commons By-Sa)




Une vidéo de 3 minutes pour entrer dans l’univers des Creative Commons

Pour faire référence à un récent (et édifiant) billet, si j’avais été à la place du conférencier de Calysto, j’aurais peut-être commencé pour montrer aux élèves la ressource ci-dessous que nous venons de sous-titrer.

Il s’agit d’une vidéo de présentation des Creative Commons. Et nous ne sommes plus alors dans un « Internet de tous les dangers » mais dans un « Internet de tous les possibles ». Pas de risque alors que les élèves en concluent qu’il faille « arrêter de vivre et interdire Internet ». Ce sera alors plutôt l’envie de participer qui prédominera.

On n’apprendra rien ici aux lecteurs familiers du Framablog mais n’hésitez pas à relayer l’information à tous ceux qui ne connaissent pas ou peu les Creative Commons.

—> La vidéo au format webm
—> Le fichier de sous-titres

La page d’origine de la vidéo comprenant toutes les sources des médias utilisés.




Quand Max, 11 ans, met Inkscape dans sa liste au Père Noël

Inkscape à l'écoleVous voyez les petits personnages sur le dessin ci-contre ? Ils ont tous été réalisés par des enfants d’une dizaine d’années à partir du logiciel libre Inkscape.

C’est l’histoire simple et belle de ces dessins que nous raconte ici le blogueur Phil Shapiro, qui n’oublie pas de remercier au passage le principal développeur d’Inkscape.

En espérant que nombreux seront les enseignants francophones à s’inspirer du projet de Sheena Vaidyanathan.

Je ne sais pas vous, mais moi je trouve cela réconfortant qu’un enfant de 11 ans préfère recevoir Inkscape plutôt qu’une horrible Zhu Zhu Pets comme cadeau de Noël 😉

Les étudiants de Los Altos apprécient le logiciel de dessin Inkscape

Students in Los Altos delight in using Inkscape drawing program

Phil Shapiro – 23 février 2011 – OpenSource.com
(Traduction Framalang : Khyl, Penguin et Naar)

L’un des aspects les plus amusants de mon blog à PCWorld.com est de lire les réactions envoyées par email en provenance du monde entier. Vous ne savez jamais qui va consulter ce que vous écrivez. Parfois, ils vont repérer un billet du blog sur la page d’accueil de PCWorld.com, ou dans le lien d’un message envoyé via Twitter, voire même dans un résultat de recherche sur Google plusieurs mois après que le billet ait été publié.

J’ai ainsi écrit un jour un billet sur Inkscape, l’éditeur de graphisme vectoriel libre pour Linux, Macintosh et Windows, et j’ai été alors ravi de recevoir un email de Sheena Vaidyanathan, qui enseigne l’utilisation d’Inkscape à ses élèves du primaire de Los Altos en Californie, au cœur de la Silicon Valley.

Voici comment Sheena m’a expliqué sa façon d’enseigner : « J’ai commencé à utiliser Inkscape en tant qu’outil de base pour le travail artistique, puis comme logiciel à utiliser après l’école et il est devenu si populaire que l’académie m’a demandé de l’associer à un programme appelé Digital Design pour les 7 écoles élémentaires. J’enseigne à 20 classes chaque semaine allant du CM1 à la 6e et chaque classe compte en moyenne 25 élèves. Après un trimestre, j’ai eu un nouveau groupe d’étudiants, et en un an, j’ai enseigné à tous les élèves de CM1 a la 6e, soit au bas mot 1500 étudiants ! C’est beaucoup de travail, mais j’adore enseigner et partager mon goût pour l’art et la technologie avec les enfants. J’adore utiliser Inkscape et d’autres logiciels libres (j’utilise aussi SketchUp et Scratch) parce que les enfants peuvent tout à fait les installer chez eux et les utiliser en dehors des heures de cours. Je ne suis pas sûre qu’il y ait d’autres écoles publiques qui aient un enseignement comme celui-ci, mais c’est un levier formidable pour motiver les enfants à la technologie et leur apprendre à utiliser les ordinateurs pour exprimer leur créativité. »

L’email de Sheena décrit un scénario qui est le rêve de tout éducateur : libérer les apprentissages par la créativité et les arts. J’ai demandé à Sheena si elle pouvait rédiger une note plus détaillée sur son projet, chose qu’elle a tenu à faire avec beaucoup de gentillesse et que l’on peut voir dans le contenu de ce billet qui comprend des liens vers les dessins de ses élèves réalisés sous Inkscape.

La cerise sur le gâteau dans cette histoire était dans le mail suivant que j’ai reçu de Sheena. Un de ses élèves de 6e, Max Jarrel, a dit à ses parents que ce qu’il souhaitait vraiment pour Noël était le logiciel Inkscape ! Voici le témoignage de son père : « Mon fils, Max, était fasciné par Inkscape et il a dit que c’était ça qu’il voulait pour Noël. J’ai ensuite découvert que le téléchargement du logiciel était facile et gratuit. Et il n’a pas arrrêté de jouer avec. » J’imagine Max sur son Inkscape, essayant chaque jour de créer des œuvres artistiques de plus en plus intéressantes.

Je fais partie de ceux qui croient que l’université ne commence pas une fois que vous avez achevé vos études secondaires. L’université débute au collège, quand vous commencez à prendre conscience de vos talents naturels et de vos sources d’intérêt. Le lycée permet de développer ces talents et ces centres d’intérêts. L’université est la strcuture qui permet de finaliser cela. Les étudiants développent rarement de nouveaux intérêts après avoir quitté le lycée. C’est formidable quand cela arrive, mais c’est l’exception plutôt que la règle.

Ainsi, ce que font Sheena Vaidyanathan et l’académie de Los Altos, c’est d’offrir des possibilités de conception graphique à un grand nombre d’étudiants. En combinaison avec les formations qu’elle dispense dans Google SketchUp et le langage de programmation Scratch, du MIT, ces étudiants font très tôt l’acquisition de solides compétences numériques qui leur rendront d’excellents services plus tard, quelle que soit la carrière qu’ils pourront choisir. De plus tous les logiciels mentionnés ci-dessus sont libres ou gratuits, ce qui signifie que cette académie lutte également contre la fracture numérique.

Quand j’ai lu le best-seller de Daniel Pink, A Whole New Mind (NdT : L’homme aux deux cerveaux), j’ai imaginé à quoi pourrait ressembler l’école du futur avec des élèves occupés à exploiter leurs créations sous la bienveillante direction d’un enseignant sage et attentionné. Sheena Vaidyanathan et ses étudiants sont une preuve vivante que ce futur est déjà là. Teresa Amabile, psychosociologue spécialiste de la créativité et de l’innovation, avait déjà clairement entrevu cela il y a 20 ans dans son livre Growing Up Creative: Nurturing a Lifetime of Creativity (NdT : Grandir créatif ou comment éduquer sa vie à la créativité). Tous les élèves et enseignants ont quelques part une dette envers Daniel Pink et Teresa Amabile. Leurs réflexions nous ont emmenés très loin dans la conception humaine et enrichissante d’une éducation pour nos enfants.

Ce billet ne saurait être complet sans mentionner l’incroyable dévotion et le talent des développeurs bénévoles qui ont conçu Inkscape. Je suis particulièrement impressionné par Jon A. Cruz, qui n’est pas seulement un artiste et un programmeur d’Inkscape, mais qui prend aussi beaucoup de son temps à répondre patiemment aux demandes des utilisateurs sur Twitter. Dans mon esprit, Jon Cruz ressemble un peu à un agriculteur qui dispose de son propre restaurant. Il ne fait pas simplement que produire de la nourriture et la cuisiner, il vient jusqu’à votre table et vous demande si vous l’appréciez. Tel est l’esprit du logiciel libre et du mouvement open source (NdT : FOSS en anglais, pour Free Open Source Software). Si vous n’y avez pas encore goûté, asseyez-vous. Vous êtes ici pour faire un festin !

Par ailleurs, vous pourrez rencontrer et discuter avec Jon Cruz en personne lors du prochain salon Linux (également dénommé SCALE 9x), qui aura lieu fin février 2011 à Los Angeles, en Californie du sud. Il sera présent sur le stand Inkscape. Voici une courte vidéo de Jon Cruz parlant de Inkscape en Australie, au début du mois. Si vous assistez au congrès SCALE 9x, arrêtez-vous également pour dire bonjour à Jonathan Thomas, le programmeur au talent immense d’OpenShot, l’excellent éditeur libre de vidéos pour Linux. Devinez ce qu’OpenShot utilise comme technologie avancée pour ses titres vidéos ? Vous l’avez deviné : Inkscape.




Combien de grands écrivains bloqués à la frontière par le droit d’auteur ?

Shandi-Lee Cox - CC byPourquoi certains livres ne sont-ils pas traduits alors que tout porte à croire qu’ils le méritent ?

A contrario pourquoi d’autres livres connaissent de nombreuses traductions malgré le caractère très confidentiel de leur sujet et donc de leur audience potentielle ?

Pour les uns comme pour les autres à cause du droit d’auteur.

Un droit d’auteur qui selon le cas (et le choix) peut décourager ou encourager, nous dit ici Karl Fogel, qui est bien placé pour en parler car ses deux livres, le premier sous licence GNU General Public License et le second sous licence Creative Commons By, ont connu spontanément de nombreuses traductions[1].

Et nous aussi à Framasoft, nous sommes bien placés pour en parler, car lorsque nous décidons d’entamer un long projet de traduction via notre groupe de travail Framalang, la condition sine qua non est que la licence de l’ouvrage original nous y autorise explicitement. Un long projet comme notre dernier framabook Produire du logiciel libre de… Karl Fogel justement !

Le conte des deux auteurs : pourquoi l’un est traduit et l’autre pas

A Tale of Two Authors: Why Translations Happen, or Don’t.

Karl Fogel – 21 février 2011 – QuestionCopyright.org
(Traduction Framalang : Brandelune, Goofy et Penguin)

Pourquoi certains livres ne sont-ils pas traduits ?

Vous penserez peut-être qu’il est difficile de trouver des traducteurs disposés, ou que les compétences nécessaires sont rares, mais je vous propose deux études qui fournissent une autre explication.

La raison principale d’un texte non traduit vient tout simplement du fait qu’on nous interdit de le traduire. Lorsque les restrictions dues aux droits d’auteur ne les entravent pas, les traductions fleurissent.

Si vous êtes sceptique, lisez plutôt la suite. Voici l’histoire de deux auteurs, l’un dont les livres peuvent être traduits librement par n’importe qui, l’autre qu’on ne peut pas traduire. Nous allons même tricher un peu en disant que celui dont les livres sont ouverts à la traduction est un auteur mineur (un de ceux dont les œuvres, pour être parfaitement honnête, ne vont pas changer la face du monde). Tandis que certains des ouvrages de l’autre sont considérés comme des chefs-d’œuvre dans leur langue d’origine, au point que l’on peut trouver des citations d’éminents universitaires mentionnant l’absence de traduction comme « un des plus grands scandales de notre époque ».

Le premier auteur, c’est moi. J’ai écrit deux livres, tous deux sous licence libre, aucun n’a la moindre importance historique même si j’en suis fier et ai été content de les écrire. Le premier, publié en 1999, était un manuel semi-technique expliquant comment utiliser certains logiciels de collaboration. Bien que son public soit limité et que j’aie mis en ligne une version dans un format un peu lourd, des traductions bénévoles ont très vite été proposées, et l’une d’elles au moins (en allemand) a été achevée. D’autres traductions ont peut-être abouti, je ne sais pas (le livre étant déjà ancien et les traductions m’étant incompréhensibles, je n’ai pas fait l’effort d’en savoir plus).

Remarquez que je ne parle ici que de traductions faites par des bénévoles, celles qu’ils entreprennent juste parce qu’ils en ont envie, sans demander au préalable de permission à quiconque (il y avait aussi une traduction en chinois achevée et dont j’ai une version papier publiée, mais je ne la considère pas dans ma démonstration car elle est passée par les canaux de publication contrôlés par l’éditeur).

Mon livre suivant, publié à l’origine en 2005, ne visait également qu’un lectorat potentiel limité : il traite de la gestion de projets collaboratifs open source — il n’était pas exactement destiné à devenir un best-seller. Mais avec le soutien de mon aimable éditeur, O’Reilly Media, je l’ai mis en ligne sous une licence libre, cette fois sous un format plus agréable, et des projets de traductions bénévoles sont aussitôt apparus. Plusieurs ont maintenant porté fruit : le titre existe en japonais, en galicien, en allemand, en néerlandais et en français. La traduction espagnole est presque terminée, et d’autres encore sont en cours dont je vous épargne la liste.

(Ah oui, au fait, plusieurs de ces traductions sont disponibles en format papier de qualité commerciale, j’en ai chez moi des exemplaires. L’activité lucrative est parfaitement compatible avec les modèles de distribution non restrictifs, comme nous l’avons déjà souligné à plusieurs reprises)

Alors… tout ça pour un livre traitant de collaboration au sein des projets open source ? Vraiment ? Que peut-on en déduire ?

Eh bien, voyons un contre-exemple.

Hans Günther Adler (« HG Adler » de son nom de plume) est un auteur mort en 1988 dont l’œuvre est désormais largement reconnu comme majeure dans la littérature allemande sur l’Holocauste. Très peu de ses œuvres ont été traduites en anglais, sauf tout récemment le roman Panorama, publié en Angleterre et dont la critique a longuement parlé.

Deux de ces critiques nous permettent de bien comprendre pourquoi ici, sur QuestionCopyright.org, nous considérons que notre mission essentielle est de recadrer le débat public sur le droit d’auteur. Les deux critiques littéraires — manifestement intelligents, manifestement d’accord sur l’importance d’Adler, et écrivant tous deux pour les plus influentes revues littéraires de langue anglaise — commentent l’absence scandaleuse de traductions d’Adler en anglais tout en se recroquevillant dans une attitude passive quand il s’agit d’expliciter les raisons de cette absence.

D’abord, Judith Shulevitz dans le New York Times :

De temps en temps, un livre vous fait prendre brutalement conscience de la somme d’efforts et de chance qui ont été nécessaires pour le faire arriver entre vos mains. « Panorama » est le premier roman écrit par H. G. Adler, un intellectuel juif et germanophone vivant à Prague qui a survécu à un camp de travail en Bohème, Theresienstadt, Auschwitz, ainsi qu’à un autre camp de travail forcé particulièrement horrible car souterrain, appelé Langenstein près de Buchenwald. Adler écrit la première ébauche en moins de deux semaines, en 1948 il arrive enfin en Angleterre mais ne trouve personne pour publier son livre avant 1968. 20 ans et deux manuscrits plus tard le livre est enfin publié en anglais aujourd’hui, pour la première fois.

Il est difficile de concevoir la raison pour laquelle nous avons dû attendre si longtemps. Il en résulte que Adler est un presque parfait inconnu dans le monde anglophone. Seuls trois de ses livres ont été traduits : un travail historique intitulé « Jews in Germany », un roman appelé « The Journey » et, maintenant, « Panorama ». Le fait que les lecteurs anglais et américains aient eu un accès aussi limité à l’œuvre et à la pensée d’Adler pendant si longtemps est, comme l’écrit ce spécialiste éminent de la litérature allemande moderne qu’est Peter Demetz, « l’un des grands scandales de notre époque ».

Ensuite, voici ce qu’écrit Ruth Franklin dans le New Yorker :

Hermann Broch a écrit que le livre Theresienstadt 1941–1945 deviendrait un classique sur la question, et que la méthode d’Adler « clinique et précise, non seulement saisit les détails essentiels mais parvient à montrer en plus l’étendue de l’horreur des camps d’une manière particulièrement pénétrante ». (Le livre a été publié en Allemagne en 1955 et il est devenu très vite un ouvrage de référence pour les études allemandes sur l’Holocauste mais n’a jamais été traduit en anglais.)

Soit, Shulevitz et Franklin écrivaient des critiques du travail même d’Adler, pas des analyses sur les raisons pour lesquelles ces ouvrages avaient été si peu traduits en anglais. Il est pourtant frappant qu’ils aient choisi tous deux de commenter le manque de traduction, plus ou moins longuement, et pourtant ils n’offrent aucune hypothèse sur les raisons de cette absence. Ils décrivent simplement la situation et expriment leurs regrets, comme s’ils parlaient simplement du mauvais temps ; il n’y aucune indignation ni frustration sur le fait que l’absence de traduction est tout simplement due au fait qu’elles ont été interdites avant même qu’on puisse les commencer.

Je ne vais même pas utiliser « probablement » ou « sans doute » dans cette déclaration. À ce point, il faut considérer qu’il s’agit de faits établis. Si mes livres – mes petits ouvrages qui ne visent qu’une population limitée dans le monde du développement logiciel – sont traduits depuis l’anglais dans d’autres langues au lectorat plus faible, il est tout simplement impossible que les livres bien plus importants de H.G. Adler, sur des sujets beaucoup plus importants, n’aient pas été traduits de l’allemand vers l’anglais, si même une seule personne (ou, plus important encore, un seul groupe) qui aurait eu l’ambition de les traduire avait été libre de le faire.

Il existe un grand nombre de personnes qui parlent couramment à la fois l’anglais et l’allemand ; les études sur l’Holocauste intéressent de très nombreux locuteurs de ces deux langues et il existe des sources de financement, tant gouvernementales que provenant d’organismes à but non lucratif, qui auraient volontiers soutenu ce travail (certaines traductions de mon deuxième livre ont reçu ce genre de financement, il serait incompréhensible que ces financements puissent exister pour cela et pas pour les traductions du travail de Adler).

Le fait que l’absence de traductions d’Adler, ou d’autres œuvres importants, ne soit pas directement compris comme étant dû aux restrictions issues du droit d’auteur souligne la dramatique faiblesse du débat public autour du droit d’auteur. A l’heure actuelle, les traducteurs ne peuvent pas traduire s’ils ne sont pas assurés en premier lieu d’en avoir le droit, et puisque la position par défaut du droit d’auteur est que vous n’avez pas le droit de traduire à moins que quelqu’un ne vous en donne explicitement le droit, la plupart des traducteurs potentiels abandonnent sans avoir même essayé. Ou, plus probablement, ils ne pensent même pas à essayer, car ils ont été habitués à cette culture basée sur la permission. La simple recherche de la personne à qui demander la permission est un processus suffisamment décourageant, sans même compter le temps passé dans les incertaines négociations qui s’ensuivent lorsque vous avez trouvé la bonne personne.

Il n’est pas étonnant que de nombreux ouvrages de valeur restent sans traduction, étant donné les obstacles. Mais il est étonnant que nous continuions à nous voiler la face sur les raisons de cette situation, alors même lorsqu’elles nous crèvent les yeux.

Notes

[1] Crédit photo : Shandi-Lee Cox (Creative Commons By)




La Freedom Box ou la petite boîte qui voulait que l’Internet restât libre

Thierry Ehrmann - CC byParadoxes apparents. Peut-on simultanément souhaiter la fermeture des données et l’ouverture d’Internet ? Peut-on se féliciter du rôle joué par Facebook et Twitter en Tunisie ou en Égypte tout en affirmant que ces sites sont à très court terme dangereux pour ceux qui les utilisent ?

C’est cette double problématique qui est au cœur de la FreedomBox Foundation, le nouveau projet du brillant juriste de la FSF Eben Moglen qui fait régulièrement l’objet de billets sur ce blog. Et la solution qu’il nous propose est aussi simple que de brancher son chargeur de téléphone, à ceci près que c’est alors un mini serveur que nous mettons dans la prise (sous OS libre évidemment)[1].

Il est ici question de nos données personnelles, de notre vie en ligne, de notre manière de communiquer et d’interagir avec les autres. Et il s’agit bien moins de se cacher que de pouvoir choisir et définir à notre guise les conditions du partage de ces données, dans un Internet menacé aujourd’hui dans ses fondements mêmes par la censure, le filtrage ou le non respect de sa neutralité originelle.

Personne ne nous a obligés. Mais puisque c’était gratuit, c’était pratique, nous avons mis nos infos et nos amis sur Facebook et Twitter, nos messages dans Gmail, nos photos sur Flickr, nos vidéos sur YouTube, nos documents dans Google Docs… Au final nous avons participé ensemble à un formidable mouvement de centralisation du Net, où un nombre très restreint de sites hébergent une quantité phénoménale de données personnelles.

Que se passe-t-il le jour où ces quelques sites sont rendus volontairement ou non inaccessibles ?[2] Et que font ou feront exactement ces sites, tous commerciaux (et tous américains), avec nos données ?

C’est avant tout cela aujourd’hui le cloud computing que des marketeux de génie osent encore nous présenter comme de « l’informatique dans les nuages ». Des nuages, il y en a de moins en moins en fait mais ils sont de plus en plus gros et annoncent à n’en pas douter de futures tempêtes si nous n’y faisons rien.

Agir, c’est en l’occurrence faire revenir nos données chez nous, à la maison, dans le mini serveur branché sur la prise. Cela peut paraitre totalement irréaliste vu l’état de la situation actuelle, mais les acteurs du Libre n’en sont plus à un projet fou près.

Ils nous auront prévenus en tout cas…

Moglen, la Freedom Box et la liberté du Net

Moglen on Freedom Box and making a free net

Jonathan Corbet – 8 février 2011 – LWN.net
(Traduction Framalang : Jean, Gilles, Antistress, Yonnel et Goofy)

Eben Moglen est d’habitude un orateur enthousiasmant et sa conférence au FOSDEM 2011 a tenu toutes ses promesses. Le logiciel libre demeure, comme toujours, à la base de son discours, mais il a adopté une perspective plus politique et il pense que la communauté devrait en faire autant. Notre liberté, a-t-il dit, dépend d’une conception revisitée du réseau afin de remplacer des services vulnérables et centralisés par des alternatives qui résisteraient au contrôle des gouvernements.

La publication du livre Code de Larry Lessig, dit Eben, a attiré notre attention sur le fait que, dans le monde dans lequel nous vivons, le code fonctionne de plus en plus comme la loi. Le code fait le travail que lui demande l’Ètat, mais il peut aussi servir la révolution contre l’état. Nous sommes aujourd’hui témoins de la démonstration magistrale du pouvoir du code, dit-il. Dans le même temps, il faut accorder beaucoup d’intérêt à la publication de The Net Desilusion d’Evgeny Morozov qui proclame qu’Internet a été choisi pour contrôler les libertés dans le monde entier. Le livre est conçu comme un cri d’alarme contre les techno-optimistes. Eben est, selon lui, un de ces optimistes. La leçon qu’il a tiré des événements actuels est que le bon réseau apporte la liberté, mais le mauvais réseau apporte la tyrannie.

Nous avons passé beaucoup de temps à élaborer des logiciels libres. Et ce faisant, nous avons joint nos forces à celles d’autres acteurs de la culture libre. Des personnes comme Jimmy Wales, mais aussi d’autres comme Julian Assange. Wikipédia et Wikileaks, dit-il, sont deux faces d’une même pièce. Au FOSDEM, il a déclaré qu’on peut voir une « troisième face » de cette pièce. Nous faisons tous partie de ceux qui se sont mis en ordre de bataille pour changer le monde sans créer de nouvelles hiérarchies dans l’opération. À la fin de l’année 2010, Wikileaks était perçue comme une opération criminelle. Les événements en Tunisie ont changé cette perception. Wikileaks s’est révélé être une tentative pour aider les gens à y voir plus clair sur leur propre monde. Wikileaks, a-t-il dit, n’est pas la destruction, c’est la liberté.

Mais maintenant il y a beaucoup d’Égyptiens dont la liberté dépend de la capacité à communiquer à travers des canaux commerciaux qui répondront à la pression du gouvernement. Nous voyons maintenant en temps réel les points faibles qui viennent de la mauvaise conception du système actuel (NdT : Cet article a été rédigé le 8 février dernier, alors que Moubarak étant encore en place et le Net censuré).

Les réseaux sociaux, a-t-il déclaré, ont modifié l’équilibre du pouvoir au détriment de l’État et au bénéfice du peuple. Les évènements dans des pays comme l’Iran, la Tunisie, et l’Égypte démontrent leur importance. Mais les formes de communication sociale actuelles sont « extrêmement dangereuses » à utiliser. Elles sont aussi centralisées et vulnérables au contrôle de l’État. Leur conception est dirigée par le profit, pas par la liberté. Donc les mouvements politiques se basent sur des fondations fragiles : le courage de M. Zuckerberg ou Google à résister à l’État – le même État qui peut facilement les faire fermer.

De la même manière, l’information en temps réel pour les personnes essayant de construire leur liberté dépend d’un seul service de micro-blogging basé en Californie et qui doit faire du profit. Cette organisation est capable de décider, seule, de donner tout son historique à la bibliothèque du Congrès Américain. Qui sait le genre de dons elle a pu faire ailleurs ?

Nous devons résoudre cette situation, et rapidement. Nous sommes « derrière la vague » des mouvements de libération qui dépendent essentiellement du code. Plus nous attendons, plus nous faisons partie du système. Et ça amènera rapidement des tragédies. Ce qui s’est déroulé en Égypte est riche d’enseignements, mais les choses auraient pu se passer de manière bien pire encore. L’État a été long à contrôler Internet et ne s’est pas montré aussi dur qu’il le pouvait. Selon Eben, ce n’est pas difficile de décapiter une révolution quand tout le monde est dans la base de données de M. Zuckerberg.

Il est temps de penser aux conséquences de ce que nous avons construit et de ce que nous n’avons pas encore construit. Nous avons parlé pendant des années de remplacer les services centralisés par des services fédérés ; la centralisation excessive est une vulnérabilité critique qui peut entraîner arrestations, torture, et meurtres. Les gens dépendent de la technologie qui est construite pour les vendre au plus offrant. Si nous nous soucions véritablement de la liberté, nous devons traiter ce problème. Parce que le temps presse et les gens sont dans une situation dangereuse. Eben ne veut pas que les gens qui prennent des risques pour la liberté utilisent un iPhone.

Ce que nous a montré l’Egypte, comme l’avait fait l’Iran, est qu’un réseau fermé est dangereux et que les « interrupteurs qui coupent le réseau » mettent en danger les gens épris de liberté. Que pouvons-nous faire quand un gouvernement verrouille les infrastructures du réseau ? Nous devons revenir à l’idée de réseaux en maille, conçus à partir des équipements existants, qui peuvent résister au contrôle gouvernemental. Et nous devons revenir à des communications sécurisées à chaque extrémité du réseau. Pouvons-nous le faire ? a-t-il demandé.

Bien sûr que nous pouvons mais le ferons-nous ? Si nous ne bougeons pas, la promesse du mouvement du logiciel libre commencera à ne plus être tenue. C’est la répression qui l’emportera en apportant la preuve que le réseau en tant que tel n’est en rien une garantie contre les régimes autoritaires.

L’Amérique du Nord, selon Eben, devient le cœur d’une industrie de data mining mondialisé. Quand le Président américain Dwight Eisenhower a quitté le pouvoir, il nous a mis en garde contre la montée en puissance du complexe militaro-industriel. En dépit de cet avertissement, les États-Unis ont, depuis, investi dans leur armée plus que tous les autres pays réunis. Depuis les évènements du 11 Septembre 2001, un nouveau pas dans l’industrie de la surveillance a été franchi. Eben a fortement recommandé de lire les article du dossier « Top Secret America » publiés par le Washington Post. Ils nous permettent d’ouvrir les yeux sur un certain nombre d’opérations à-la-Google, toutes sous le contrôle du gouvernement. La protection des données en Europe a tellement bien fonctionné qu’elle a causé la migration de toutes ces données en Amérique du Nord, où leur usage n’est pas contrôlé. Le data mining, comme toutes les industries, a tendance à se déplacer dans les endroits où il y a le moins de contrôle. En aucun cas le gouvernement américain ne va changer cette situation, il en dépend bien trop fortement. Pendant la campagne présidentielle, Barack Obama excluait de donner l’immunité à l’industrie des télécommunications pour son rôle dans l’espionnage des Américains. Cette position n’a même pas duré le temps de l’élection. La politique actuelle d’Obama n’est pas très différente de celle de ses prédécesseurs, excepté dans les domaines où elle est moins agressive.

L’industrie privée ne changera pas les choses non plus, l’appât du gain n’entraînera ni le respect de la vie privée ni la défense des gens dans la rue. Les sociétés qui essaient de faire du profit n’y parviennent pas sans l’aval des gouvernements. Donc nous devons construire le Net en partant du principe que le réseau n’est pas intrinsèquement digne de confiance, et que les services centralisés peuvent aller jusqu’à tuer des gens. Nous ne pouvons pas nous permettre d’être nonchalants et indifférents avec ça, nous devons remplacer tous ces points faibles.

Or nous savons comment nous sortir de cette situation. Nous devons créer des serveurs-prises qui sont bon marché et nécessitent peu de courant, et nous devons les remplir de « logiciels libres sympas ». Nous devons concevoir des réseaux maillés, élaborer des plateformes de téléphonie auto-construits avec des outils comme OpenBTS ou Asterisk, des réseaux sociaux fédérés, et des plateformes de publication anonymes. Nous devons conserver nos données dans nos maisons où elles sont protégées par des lois contre la recherche physique. Nous devons toujours chiffrer nos emails. Ces systèmes peuvent aussi être utilisés défensivement et servir de serveur proxy pour contourner les pare-feux nationaux. Nous pouvons faire tout cela a déclaré Eben, c’est tout à fait réalisable vu ce que nous avons déjà sous la main.


Eben a conclu en annonçant la création de la Freedom Box Foundation, qui a vocation à rendre tout cela disponible et « moins cher que des chargeurs de téléphone portable ». Il y a une génération, nous avons pris le chemin de la liberté, et nous y sommes encore. Mais nous devons passer à la vitesse supérieure, et donner à nos outils un objectif plus politique. Nos amis sont dans la rue ; si nous ne les aidons pas, ils seront en danger. La bonne nouvelle est que nous avons déjà presque tout ce dont nous avons besoin, et qu’il n’y a plus qu’à se retrousser les manches.

Notes

[1] Pour avoir plus de détails sur les caractéristiques techniques des serveurs-prises, nous vous invitons à lire le billet de Philippe Scoffoni : FreedomBox Foundation, une initiative pour communiquer en sécurité sur internet.

[2] Crédit photo : Thierry Ehrmann (Creative Commons By)




Les amants aiment l’open source

George Eastman House - Public DomainOuverture, transparence, confiance, passion, audace, collaboration… font partie du champ lexical du logiciel libre.

Mais en ce jour de Saint-Valentin[1], ces mots peuvent également évoquer tout autre chose 😉

C’est ce parallèle osé (hasardeux ?) que nous propose Mary Ann en nous invitant à compléter ou amender la liste.

L’open source, c’est pour les amoureux

Open source is for lovers

Mary Ann (Red Hat) – 14 février 2011 – OpenSource.com
(Traduction Framalang : Penguin, Baptiste et Goofy)

C’est vrai. Si vous réflechissez aux caractéristiques de l’open source et aux qualités d’une relation intime réussie, vous trouverez beaucoup de points communs.

Ouverture : Vous devez être ouvert et flexible pour que la relation fonctionne. Revenons à l’une de mes comparaisons préférées sur la différence entre les logiciels libres et les logiciels propriétaires : un logiciel propriétaire, c’est comme acheter une voiture avec le capot soudé. « Oh, vous devez changer l’huile ? Dommage. Achetez une nouvelle voiture. » Si nous ne sommes pas flexibles et ouverts aux changements, si nos capots sont soudés, cela devient très compliqué pour la voiture de garder le cap amoureux.

Transparence : Les secrets sont la ruine des relations. Dois-je en dire plus ?

Confiance : Sans confiance dans une relation, vous allez vous rendre d-i-n-g-u-e-s, vous et votre partenaire. Vous allez toujours penser que l’autre est en train de préparer un sale coup et envisager les pires scénarios.

Passion : Bien entendu, la démarche open source attire les gens passionnés, elle attire ceux qui veulent participer aux changements. Si vous n’êtes pas engagés passionnément dans une relation, vous cesserez vite de vous y investir et, à partir de là, les choses se dénouent très facilement.

Audace : L’open source, c’est pour ceux qui se bougent. Vous voulez changer les choses ? À vous de jouer. Si une personne vous intéresse, ne vous contentez pas d’y penser, agissez sinon c’est fichu.

Collaboration : Une communauté open source ne réussit que par le travail d’équipe et la collaboration. Il en va de même pour une relation enrichissante : on donne et on reçoit.

Release early, release often (NdT : Difficilement traduisible, « sortir tôt, sortir souvent » ou « communiquer tôt, communiquer souvent ») : Dans nos relations amoureuses, tout n’est pas toujours idyllique à chaque fois, mais nous ne pouvons nous empêcher de recommencer. C’est également vrai pour le modèle open source. Avec l’espoir que demain la relation sera meilleure et plus solide.

À vous de compléter (je pense que la liste peut s’allonger encore un peu). Joyeuse Saint-Valentin d’un amoureux de l’open source à un autre !

Notes

[1] Crédit photo : George Eastman House + OpenSource.com (Domaine Public)




Breveter des logiciels ? Beethoven ne l’aurait pas entendu de cette oreille !

Dans cette courte séquence vidéo, extraite du film Patent Absurdity, que nous vous présentons aujourd’hui sous-titrée par nos soins, Richard Stallman nous alerte par analogie sur les dangers que représentent les brevets appliqués aux logiciels. Et si Beethoven avait été confronté en son temps à un système de brevets sur la musique ?

Cette séquence nous renseigne à double titre.

D’une part, la pertinente démonstration nous fait toucher du doigt les dangers du brevet logiciel dont le principe a été maintes fois repoussé en Europe mais qui menace toujours. Pour en savoir plus sur le sujet, nous ne saurions que trop vous conseiller de lire la synthèse que vient de publier l’April.

D’autre part, pour qui connaît un peu le bonhomme et son histoire (lire à ce sujet le framabook « Richard Stallman et la révolution du logiciel libre – Une biographie autorisée »), on imagine sans peine la frustration qu’un système de brevets logiciels – en vigueur aux États-Unis – peut engendrer. Richard Stallman est un hacker reconnu, c’est-à-dire un virtuose du code, et l’on peut alors parler d’un art de la programmation. Un art qui a eu ses Beethoven et qui souhaite continuer à en avoir encore demain.

—> La vidéo au format webm
—> Le fichier de sous-titres

Transcript du sous-titrage

URL d’origine du document

Imaginons qu’au XVIIIe siècle les gouvernements d’Europe aient décidé d’encourager le progrès de la musique symphonique – ou du moins le pensaient-ils – avec un système de brevets sur les idées musicales.

Toute personne pouvant décrire une nouvelle idée musicale avec des mots obtiendrait un brevet qui serait un monopole sur cette idée.

Cette personne pourrait ensuite poursuivre quiconque mettant en œuvre cette idée dans un morceau de musique.

Ainsi un motif rythmique pourrait être breveté, ou une séquence d’accords, ou un ensemble d’instruments à utiliser ensemble, ou n’importe quelle idée que vous auriez pu décrire avec des mots.


Maintenant imaginez que nous sommes en 1800, que vous êtes Beethoven et que voulez écrire une symphonie.

Vous allez trouver qu’il est plus difficile d’écrire une symphonie pour laquelle vous ne serez pas poursuivi en justice, que d’écrire une symphonie qui sonne bien.

Parce que pour écrire une symphonie et ne pas être poursuivi, vous allez devoir frayer un chemin au travers de milliers de brevets sur les idées musicales.

Et si vous vous plaignez en disant que cela entrave votre créativité, les titulaires de brevets diraient : « Oh, Beethoven, vous êtes juste jaloux parce que nous avons eu ces idées avant vous. Pourquoi devriez-vous voler nos idées ? »




OpenOffice.org n’est pas mort, Vive LibreOffice !

Terry Ross - CC by-saComme le souligne avec malice notre ami Gee, la suite bureautique libre LibreOffice 3.3 vient de voir le jour.

Sauf que, comme son numéro ne l’indique pas, c’est sa toute première version stable. Mais alors pourquoi n’a-t-on pas logiquement une version 1.0 ? Parce qu’il s’agit d’un fork de la célèbre suite OpenOffice.org qui, au moment de la séparation, en était restée à la version 3.2.

Petit rappel Wikipédia : « Un fork, ou embranchement, est un nouveau logiciel créé à partir du code source d’un logiciel existant. Cela suppose que les droits accordés par les auteurs le permettent : ils doivent autoriser l’utilisation, la modification et la redistribution du code source. C’est pour cette raison que les forks se produisent facilement dans le domaine des logiciels libres. Les forks sont perçus par certains comme une épée de Damoclès au-dessus des auteurs des projets les moins bons, et aussi comme une méthode pour empêcher l’appropriation d’un projet par un groupe. La « peur de l’embranchement » est un des mécanismes essentiels de régulation et de sélection des projets libres. »[1]

Vous êtes un développeur d’un logiciel libre non satisfait de la manière dont évolue le projet ? Vous avez donc cette possibilité essentielle que constitue le fork. Mais il y parfois un gouffre entre la théorie et la pratique, car il n’est pas simple de reconstituer une communauté active autour du projet dérivé.

C’est pourtant justement ce que vient de réussir l’équipe de LibreOffice, structurée autour de la Document Foundation et qui a décidé de quitter le navire OpenOffice.org suite au rachat de Sun par Oracle. Ce dernier ayant refusé de rejoindre le projet et de céder la marque OpenOffice.org (qu’il continuera de développer par ailleurs), c’est donc désormais LibreOffice (ou LibO) qui sera l’un des fers de lance du logiciel libre grand public aux côtés de Firefox ou GNU/Linux.

LibreOffice 3.3 : les véritables enjeux

The Deeper Significance of LibreOffice 3.3

Glyn Moody – 28 janvier 2011 – ComputerWolrd.uk
(Traduction Framalang : Yonel et Don Rico)

Sur le blog RedMonk, James Governor a publié un billet amusant à propos des forks, suite à l’arrivée imminente d’une mise à jour majeure d’Android, la 3.0, dont le nom de code est « Honeycomb », et laquelle a été conçue en pensant aux tablettes :

Ainsi que le voudrait la sagesse populaire, les développeurs ne devraient pas s’attaquer à des environnements multiples. Ben voyons… le genre de sagesse qui nous a valu une décennie où il n’y en a eu que pour Java, et une vingtaine d’années pendant lesquelles dès qu’il y fallait choisir une architecture on collait du Oracle partout. Avouons que pour l’instant, Android est vraiment pas mal sur les téléphones. J’aime beaucoup mon HTC Desire. J’ai aussi la chance de pouvoir faire joujou avec un Dell Streak qu’on m’a prêté ; encore un bon petit appareil, qui fait bien son boulot pour m’accompagner devant la télé. Mais Android n’a pas été conçu pour un format plus grand, comme l’iPad 10 pouces d’Apple, du moins dans ses premières versions.

Et comme il le fait remarquer :

Tous les éditeurs de logiciels doivent gérer des codebases multiples, en particulier pour les progiciels. Si une entreprise doit gérer les deux codebases, est-ce vraiment un fork ?

Je dirais qu’il s’agit plus de fragmentation, et qu’on en voit partout – dans Android lui-même, dans Windows, admettons, et dans le monde de GNU/Linux à travers les centaines de distributions, chacune avec des versions et des configurations différentes. Rien de bien nouveau.

Les vrais forks ne courent pas les rues, précisément à cause des différences entre le fork et la fragmentation. Cette dernière peut être gênante ou pas, mais elle est rarement aussi douloureuse qu’un fork peut l’être. En général, les forks déchirent les communautés et forcent les programmeurs à choisir leur camp.

C’est ce qui rend l’apparition de LibreOffice si intéressante : c’est un vrai fork, avec des décisions réelles et douloureuses que doivent prendre les codeurs – où vont-ils ? Et à la différence de la fragmentation, qui souvent se produit naturellement et perdure pour un tas de raisons en grande partie banales, les forks exigent beaucoup de travail pour survivre. Résultat, de nombreux forks échouent, car il est souvent plus facile de rester ou de revenir au projet d’origine, plutôt que de se battre pour en installer et en faire grandir un nouveau.

Dans ce contexte, la publication récente de LibreOffice 3.3 est un jalon important, au moins pour ce qu’elle a déjà réussi :

La Document Foundation présente LibreOffice 3.3, la première version stable de la suite bureautique libre développée par la communauté. En moins de quatre mois, le nombre de développeurs codant LibreOffice est passé de moins de vingt à la fin septembre 2010, à largement plus d’une centaine aujourd’hui. Cela nous a permis de publier en avance par rapport au calendrier audacieux fixé par le projet.

À l’évidence, attirer les développeurs est une épreuve cruciale pour le potentiel de survie du fork, et même de son épanouissement. D’autres points importants :

La communauté des développeurs a pu bâtir ses propres méthodes en toute indépendance, et devenir opérationnelle en très peu de temps (eu égard à la taille du codebase et aux grandes ambitions du projet).

Grâce au grand nombre de nouveaux contributeurs qui ont été attirés par ce projet, le code source est vite soumis à un nettoyage d’ampleur, pour offrir une meilleure base aux développements de LibreOffice à venir.

C’est-à-dire que LibreOffice n’en est plus au stade de vague projet, ou à celui des étapes pénibles comme définir l’infrastructure qui permettra au projet d’avancer. La signification de cette réussite va au-delà du fait que la Fondation propose aux utilisateurs une alternative libre à OpenOffice (qui vient également de sortir sa dernière version). La possibilité de choix étant au coeur du logiciel libre, c’est donc certainement une bonne nouvelle, surtout à cause de la politique de copyright de LibreOffice, que j’ai déjà évoquée.

Mais je pense que LibreOffice a une importance supplémentaire parce qu’il représente une attaque délibérée contre la façon dont Oracle traite son catalogue open-source. Hélas, le mécontentement qui a poussé à cette scission va bien plus loin que le seul domaine des suites bureautiques.

L’attitude d’Oracle envers la communauté open-source semble empirer, c’est de plus en plus évident. Marc Fleury le résume bien dans ce billet révélateur. Fondateur de Jboss, et l’un des vrais innovateurs en termes de modèles économiques reposant sur l’open-source, il sait certainement de quoi il parle quand il s’agit de diriger des codeurs open-source dans un contexte professionnel, ce qui rend des commentaires comme celui-ci particulièrement significatifs – et inquiétants pour Oracle :

Il y a d’abord eu le fiasco OpenOffice/Libre Office, où OpenOffice a été forké dans la plus grande partie par sa propre communauté. Puis il y a eu le caprice d’Apache concernant Java/JCP, quand le groupe a bruyamment quitté le JCP (NdT : Java Community Process) après des prises de bec sur les licences open-source de la JVM (Harmony). Et en ce moment, il y a d’autres bisbilles, dont une au sujet de NetBeans. Mais celle qui me concerne le plus (ainsi que mon porte-monnaie), cela concerne un projet mené par un employé de Cloudbees.

Si je comprends bien la situation, le principal développeur était employé par Sun quand il a initié Hudson. Oracle revendique donc l’identité et la marque, ce qui en toute franchise est aberrant, puisque la licence est open-source et que les gars de Cloudbees peuvent poursuivre leur travail sans entrave. Reste donc une dernière étape : la création d’un fork du projet. Et voilà… une grande partie de la communauté open-source dit merde à Oracle.

Ce que LibreOffice montre (jusqu’ici, en tout cas) c’est que dans ces circonstances, il y a bien une vie après Oracle, que les gens se regrouperont dans un fork au lieu de l’éviter, et que le travail alors fourni amène des améliorations non négligeables. Il est vrai que cet argument ne s’appuie que sur un seul exemple, et il faudrait être un expert bien téméraire pour essayer d’en extrapoler quoi que ce soit. Mais cela reste une source d’inspiration importante et tentante pour les codeurs contrariés qui grognent sous le joug d’Oracle. Après tout, comme le met en évidence le nom de LibreOffice, il ne s’agit pas que de code. Il s’agit aussi de liberté.

Notes

[1] Crédit photo : Terry Ross (Creative Commons By-Sa)