Bataille de la vidéo sur le Web : Quand Google restreint pour mieux ouvrir ?

Justin De La Ornellas - CC byLa semaine dernière Google annonçait que Chrome, le navigateur de la firme, ne supporterait plus dorénavant le format vidéo fermé et payant H.264 pour la vidéo sur le Web, préférant promouvoir exclusivement les formats vidéo libres et gratuits tels que WebM (VP8) et Ogg Theora.

Cette décision a été diversement accueillie, certains félicitant Google de continuer à peser de tout son poids pour faire émerger un standard libre et gratuit pour la vidéo sur le Web (on se souvient que Google a racheté l’année dernière la société On2 à l’origine du codec vidéo VP8 – que l’on retrouve dans le format WebM – pour permettre à chacun de l’implémenter et de l’utiliser gratuitement). Tandis que d’autres ont reproché à Google son incohérence en continuant de supporter dans le même temps le greffon propriétaire Flash.

En effet, jusqu’à présent la vidéo sur le Web nécessitait un greffon (typiquement Flash, de la société Adobe, omniprésent) qui agissait comme une boite noire en s’intercalant entre le navigateur et l’utilisateur. La récente mise à jour de la spécification HTML (qui sert à créer et afficher les pages Web) offre depuis la possibilité d’afficher les vidéos directement dans n’importe quel navigateur à jour, sans avoir à dépendre d’un unique logiciel appartenant à une unique société privée avec tous les dangers que cela représente[1].

Mais il reste pour cela à se mettre d’accord sur le choix du format dans lequel encoder la vidéo. Apple (Safari) refuse d’implémenter autre chose que le format payant H.264 qu’il souhaiterait voir s’imposer, ce qui placerait la vidéo sur le Web entre les mains d’un consortium de sociétés privées chargé de récolter les redevances et créerait un péage incontournable pour toute société qui souhaiterait innover sur le Web (avec ce système, Firefox et bien d’autres n’auraient jamais pu voir le jour). Pour leur part, Mozilla (Firefox), Opera et Google (Chrome) soutiennent WebM et Ogg Theora en tant que technologies libres et gratuites pouvant être mises en œuvre par n’importe qui sans restriction. Pendant ce temps Microsoft compte les points, n’excluant aucune des solutions

Tristan Nitot, Président de Mozilla Europe, l’explique bien : « Si le Web est si participatif, c’est parce qu’il n’y a pas de royalties pour participer et créer un contenu. (Faire le choix du H.264) serait hypothéquer l’avenir du Web. On créerait un îlot technologique, un club de riches : on pourrait produire du texte ou des images gratuitement, mais par contre, pour la vidéo, il faudrait payer. »

Nous avons choisi de reproduire ici la réponse de Haavard, employé chez Opera Software, à ceux qui dénoncent la récente décision de Google.

Le retrait de Chrome du codec H.264 conduit-il à moins d’ouverture ?

Is the removal of H.264 from Chrome a step backward for openness?

par Haavard, employé chez Opera Software, le 13 janvier 2011
(Traduction Framalang : Antistress et Goofy)

Dans un long article publié sur le site Ars Technica, Peter Bright soutient que retirer de Chrome le support d’un standard fermé conduit à moins d’ouverture.

Je suis fermement en désaccord avec cette assertion et je vais essayer d’expliquer rapidement pourquoi et ce qui cloche avec les arguments mis en avant dans l’article.

1. « H.264 est un standard ouvert »

Malheureusement H.264 est un format breveté et vous ne pouvez l’utiliser sans bourse délier. Conformément à la politique du W3C sur les brevets, cela est incompatible avec la définition d’un standard ouvert, spécialement dans le contexte du Web. D’après la définition même de « ouvert », H.264 ne peut être ouvert car il ne peut être utilisé sans payer.

2. « VP8 n’est pas un standard ouvert »

Ce point est exact, en effet. Le format VP8 est une technologie avec une spécification, pas un standard. Pourtant Google a choisi de concéder à chacun le droit de l’utiliser sans payer de redevance. Ce qui signifie que VP8 est en fait un bon candidat pour devenir un véritable standard ouvert pour le Web.

3. « H.264 est libre d’utilisation à certaines conditions »

Rappelez-vous que H.264 coûte toujours de l’argent. Et même si des produits avec une faible base d’utilisateurs peuvent être exemptés dans un premier temps, vous devez toujours ouvrir votre portefeuille à un moment donné si vous voulez réaliser quelque chose sur le Web. Le consortium MPEG-LA a intelligemment « offert » la première dose. Une fois que vous êtes accro, ils peuvent commencer à vous présenter la facture.

C’est un leurre destiné à vous appâter.

4. « Le support de H.264 n’est pas requis dans la spécification HTML5 »

Mais cela deviendrait un autre standard de fait, fermé, comme l’était Internet Explorer 6. Et nous avons tous à l’esprit les dégâts que cela a causés au Web.

5. « Google fournit Chrome avec le greffon Flash préinstallé ; son attitude est hypocrite »

Cela revient à comparer des pommes avec des poires. Flash est un greffon que Google a choisit de fournir en même temps que son navigateur car il y a beaucoup de contenus qui nécessitent Flash sur le Web. H.264, loin de n’être qu’un simple greffon, ferait partie du navigateur lui-même.

Une chose qu’il est important d’avoir à l’esprit c’est que Flash est d’ores et déjà omniprésent. Si vous voulez profiter de la vidéo sur le Web, vous n’avez pas le choix : il vous faut Flash. Pourtant la « bataille » de la vidéo directement dans le navigateur, via HTML5, fait toujours rage sans qu’on puisse encore désigner le vainqueur. Mais à présent que Google laisse tomber le codec fermé H.264 dans son navigateur, la probabilité qu’un codec libre et ouvert finisse par s’imposer augmente.

Que Google continue de fournir le greffon Flash avec son navigateur est parfaitement compréhensible. La plupart des contenus vidéo sur le Web sont en Flash et Google Chrome peut ainsi continuer de les afficher, en attendant qu’un codec ouvert s’impose pour la vidéo directement dans le navigateur. Il n’y a aucune hypocrisie ici, seulement du pragmatisme.

Finalement le reproche fait à Google de livrer le greffon Flash avec son navigateur sert à détourner l’attention de la véritable question : est-ce que la vidéo directement dans le navigateur se fera au moyen d’une technologie ouverte ou fermée ?

Mise à jour : Certains brandiront iOS comme contre-argument mais ça ne résiste pas à l’analyse. Il y a une raison pour laquelle beaucoup d’utilisateurs d’iPhone/iPad sont prêts à payer même pour des solutions de transcodage de piètre qualité sur iOS : ils ne peuvent accéder à la plupart des sites de vidéos. La raison pour laquelle iOS trace sa route avec H.264 c’est basiquement que YouTube (le site d’hébergement de vidéos de Google, qui s’avère être le plus important sur le Web) le supporte. La vaste majorité des sites vidéo requièrent encore Flash. Cela dit, je comprends que certains des fans les plus importants d’Apple soient ennuyés par l’initiative de Google de promouvoir WebM. Perdre le support de YouTube serait un coup terrible pour Apple.

6. « H.264 est partout et le Web n’existe pas en vase clos »

Le fait qu’un format soit répandu en dehors d’Internet ne signifie pas qu’il convient pour le Web. Puisque le Web nécessite des formats ouverts, H.264 n’est pas adapté comme format de référence pour le Web, par définition.

Et l’argument selon lequel H.264 est partout et chacun devra faire avec ne tient pas la route à mon avis. Des sites comme YouTube doivent convertir et compresser les vidéos de toute façon, de sorte que très peu d’entre elles sont publiées telles qu’elles sortent de votre caméra.

Autrement dit : la recompression sera toujours là, et au lieu de réencoder le fichier en H.264 pour réduire sa taille et le jouer en ligne, il peut très bien être réencodé dans un format ouvert.

7. « H.264 peut être utilisé à la fois pour les vidéos en Flash et les vidéos HTML5, assurant une transition douce »

Comme je l’ai déjà expliqué, les vidéos sont habituellement recompressées d’une façon ou d’une autre. En effet, la plupart des sites offrent des vidéos de différents débits et de différentes tailles. Ils convertissent déjà les vidéos ! ils pourraient simplement les convertir dans un format ouvert à la place.

8. « Les utilisateurs de Firefox pourraient voir les vidéos H.264 en utilisant le greffon développé par Microsoft »

Notez bien le mot « greffon ». Cela veut dire que nous abandonnons la vidéo HTML5 pour retourner aux greffons. Tous les bénéfices de la vidéo directement dans le navigateur s’évanouissent (sans compter que le greffon n’existe que pour Windows 7). Par contre je pense qu’il est raisonnablement facile d’ajouter le support de WebM à Safari et Internet Explorer en complétant la liste des codecs supportés par le système d’exploitation[2].

9. « La part de marché des navigateurs qui supportent H.264 dépasse celle des navigateurs qui supportent WebM »

Google, avec son monopole de la publicité en ligne, met les bouchées doubles pour que ça n’arrive pas. Si je ne me trompe pas, la part des navigateurs basés sur les standards ouverts croît au détriment d’Internet Explorer. Bien qu’il soit impossible de mesurer de manière fiable les parts de marché de chaque navigateur, la plupart des données semblent le confirmer.

10 « La décision de Google restreint le choix des utilisateurs »

Nous attaquons maintenant le cœur du problème. Et malheureusement, c’est le format H.264 qui supprime le choix. Pendant que le format WebM maintient le Web comme plateforme ouverte, H.264 est un standard fermé détenu par un cartel d’industriels qui essaie d’éradiquer sans ménagement toute tentative de faire émerger une alternative.

Je suis également estomaqué de voir que Google est accusé de restreindre le choix des utilisateurs alors que Microsoft et Apple ne sont même pas mentionnés. Ils refusent de supporter WebM après tout.

11. « VP8 est contrôlé par Google et est propriétaire »

Je ne suis pas certain que cela fasse partie des griefs mais c’est l’interprétation que j’en ai. Et c’est un grief non fondé. Lisez la licence de WebM pour plus d’information]. WebM est un projet libre sponsorisé par Google et il est gratuitement disponible du fait de sa licence.

Propos finaux :

L’article tente de montrer que la décision de Google conduit à moins d’ouverture. En réalité l’article met sur la table toutes sortes de choses qui sont sans rapport avec cette question. Cela, je crois, pour embrouiller les choses, alors que la question des standards ouverts est une des plus importantes !

Nous pouvons facilement analyser ce qui permet plus d’ouverture dans le contexte du Web :

  • H264 est breveté, c’est donc un standard « fermé ». Il est incompatible avec la politique du W3C sur le brevets pour un Web ouvert. Par conséquent, promouvoir H.264 comme format de référence pour la vidéo HTML5 est le contraire de promouvoir l’ouverture.
  • De l’autre côté, WebM correspond bien plus à la politique des brevets du W3C. Google concède à chacun le droit d’utiliser cette technologie sans payer de redevance. Puisque WebM est ouvert, il promeut un Web ouvert.

Conclusion : En rejetant ce qui ferme le Web tout en promouvant des technologies ouvertes, Google contribue à un Web plus ouvert contrairement à ce qu’affirme l’article.

Notes

[1] Crédit photo : Justin De La Ornellas (Creative Commons By)

[2] Télécharger les codecs libres et gratuits WebM/VP8, Ogg Theora et Ogg Vorbis pour Windows – Télécharger le codec libre et gratuit WebM/VP8 pour MacOS avec les codecs libres et gratuits Ogg Vorbis et Ogg Theora pour MacOS (déposer le fichier dans votre bibliothèque QuickTime située sur votre disque dur à cet endroit : Macintosh HD/Bibliothèque/QuickTime).




Ils sont devenus fous ou la simple mais affligeante histoire d’un étudiant allemand

Nate Bolt - CC by-saUn étudiant allemand cherche à consulter un article référencé sur Internet. Et le cauchemar commence…

On lui indique qu’il ne peut le faire que dans une bibliothèque (publique) ayant acquis les droits sur l’article en question[1].

Il se rend à cette bibliothèque mais il doit attendre car un autre lecteur est dessus et les droits stipulent qu’on ne peut lire l’article simultanément !

Un peu de patience, la place se libère et il peut enfin parcourir son article. Et là, nouvelle stupeur, impossible de sauvegarder, rechercher, ni même copier/coller tout ou partie de l’article !

C’est une histoire démente. C’est une histoire fictive qui se rapproche chaque jour un peu plus de la réalité. Je me demande même si elle n’existe pas déjà quelque part.

Bienvenue au XXIe siècle…

Ce (faux) témoignage est issu de l’excellent livre « Biens Communs – La Prospérité par le Partage » que nous avons évoqué dans un billet précédent. Il fait tristement écho à l’article Pour libérer les sciences de Christophe Masutti. On pourra également lire avec effroi la nouvelle prémonitoire de Richard Stallman rédigée en 1997 : « Le droit de lire ».

Comment ce qui n’est pas rare le devient – Dissertation d’un étudiant sur le droit d’auteur moderne

URL d’origine du document

Extrait du rapport de Silke Helfrich, Rainer Kuhlen, Wolfgang Sachs, Christian Siefkes
Publié en décembre 2009 par la Fondation Heinrich Böll
Traduit par Jeremy Marham et Olivier Petitjean (Ritimo.org)
Sous licence Creative Commons By-Sa

Devant rédiger un devoir sur les biens communs, j’ai effectué une recherche sur Internet, laquelle fut fructueuse. J’ai pu télécharger facilement plusieurs textes et en inclure certains passages appropriés dans mon brouillon. Jusqu’à ce que mon attention soit attirée par un texte intéressant, qui était payant, c’est-à-dire qu’il ne pouvait être lu que dans une bibliothèque qui en aurait acquis les droits.

« Aucun problème, me suis-je dit, la bibliothèque universitaire est reliée au net, et son catalogue est accessible en ligne. » Et, de fait, l’article dont j’avais trouvé la référence était indiqué comme « disponible sous format électronique ». Pourtant, lorsque je tentai de le télécharger, un message d’erreur s’afficha: « Cet article n’est consultable que dans l’espace de la bibliothèque. » Je restai sans voix. Pourquoi donc ?

Je pris donc le bus jusqu’à la bibliothèque nationale – un trajet d’une petite heure – et m’orientai jusqu’aux places réservées à la consultation d’Internet. Là encore, je trouvai dans le catalogue en ligne la référence de l’article recherché.

Mais un nouveau message s’afficha à l’écran: « Le recueil recherché est actuellement consulté par un autre utilisateur. La bibliothèque n’a fait l’acquisition que d’un seul recueil et ne peut, selon le principe d’accessoriété au fonds, permettre un accès simultané qu’à autant d’articles qu’elle détient de droits sur l’édition achetée. Nous ne voyons pas dans votre cas une exception à cette règle. » À nouveau, je restai sans voix.

Je n’ai pas compris le terme «accessoriété au fonds», mais j’ai compris ce qu’il signifiait : je devais attendre !

Mais pourquoi donc ? N’avais-je pourtant pas appris récemment dans un séminaire que les ressources électroniques peuvent faire l’objet d’une utilisation non rivale ? Mon utilisation ne porte pas atteinte à celle des autres. J’ai brusquement pris conscience de ce que signifiait le fait de rendre rares et exclusives des choses comme la lecture d’un texte, qui ne devraient pas l’être selon cette théorie.

Bon, un café ne me ferait pas de mal…et, après le café, la voie était enfin libre ! Comme de toute façon l’article était plutôt long, je décidai de le sauvegarder sur ma clé USB afin de pouvoir le relire plus attentivement. «Save as». Une troisième fois, je restai sans voix. Cette fois, le message m’apprit que le texte ne pouvait pas être sauvegardé.

Contraint par la force des choses, je commençai à lire le texte. Puis je décidai de rechercher les passages comprenant les termes « commons » et « bien commun », qui m’intéressaient plus particulièrement. Résultat : « Aucun passage trouvé ». Étrange, c’est pourtant le sujet de l’article ! Je testai avec un mot courant de tous les jours : « Aucun passage trouvé ». La fonction de recherche en plein texte ne fonctionnait pas.

À bout de nerfs, je décidai de ne copier qu’une seule phrase importante, que je souhaitais citer, dans le presse-papiers et de la coller ensuite sur ma clé. Encore une fois, un message d’erreur apparut, où je trouvai finalement l’indication décisive: « Il s’agit d’un PDF protégé par un système de gestion des droits numériques ou digital rights management (DRM). Tous les droits appartiennent à la maison d’édition. Vous ne pouvez lire l’article qu’à l’écran. Vous avez le droit de prendre des notes. »

Je ne m’attendais pas à une telle mesure technique de protection dans une bibliothèque publique. Pour moi, cela signifiait soit que je devais passer les deux heures suivantes devant l’écran pour prendre des notes, comme c’était l’usage à l’époque de Gutenberg, soit que je quittais la salle de lecture en décidant que l’article en question n’avait pas assez importance. Je rejetai d’emblée la troisième possibilité consistant à acheter l’article en ligne à l’éditeur pour 30 euros, d’autant que je n’aurais reçu, même dans ce cas, qu’une licence pour mon usage personnel sur mon propre ordinateur.

Ah oui, et le message d’erreur ajoutait que le système de DRM était « dans mon propre intérêt »…

J’ai renoncé à l’article, mais je voulais tout de même au moins savoir la raison de tout ceci. J’avais toujours associé les questions de droits d’auteur et de copyright aux débats sur l’utilisation de la musique, des vidéos, des jeux ou de la littérature de divertissement. Mais la recherche, l’enseignement, les études ? Je me rappelai alors l’article 5 de la Loi fondamentale allemande :

(1) Chacun a le droit d’exprimer et de diffuser librement son opinion par la parole, par l’écrit et par l’image, et de s’informer sans entraves aux sources qui sont accessibles à tous…

(3) L’art et la science, la recherche et l’enseignement sont libres…

Une bibliothèque publique, ayant fait l’acquisition contre paiement des ouvrages qui y sont disponibles, est accessible à tous, mais je n’y ai pas bénéficié d’un accès libre. Et aurais-je mal compris également le passage concernant la liberté de la science ?

J’appris par la suite, en évoquant cette expérience avec mon professeur, que les droits énumérés dans la Loi fondamentale et ceux qui sont explicitement formulés dans une loi avec des restrictions éventuelles sont deux choses totalement différentes. Mon cas tombait sous la juridiction du droit des auteurs, lequel protège avant tout l’auteur, ou celui qui aurait acquis les droits de celui-ci dans le but de publier et exploiter ses ouvrages.

Certes, il existe bien sûr, afin de garantir l’intérêt public, certaines limites aux droits des auteurs ou des exploitants, qui pourraient permettre l’utilisation pleine et entière de documents électroniques dans les bibliothèques sans avoir à en demander la permission aux ayant droits. Mais seulement lorsque le législateur en dispose ainsi !

Et pourquoi n’est-ce pas le cas en l’occurrence ? Mon professeur me renvoya au paragraphe 52b de la loi sur les droits d’auteur, qui réglemente la « consultation d’ouvrages au moyen de postes de lecture électroniques dans les bibliothèques … » J’y trouvai toutes les dispositions législatives qui m’avaient empêché de travailler à la bibliothèque comme je suis habitué à le faire avec Internet. À vrai dire, je ne comprends pas. Pourquoi nos parlementaires adoptent-ils une loi qui rend l’accès à l’information et au savoir pour les étudiants et les professeurs plus difficile qu’au temps de Gutenberg ? D’autant plus que ce savoir est généralement produit grâce à des financements publics. Il me semble que cela mériterait un recours pour inconstitutionnalité.

En tout cas, j’ai trouvé le sujet de mon devoir :

Ce qui est dans le domaine public ou ce qui est financé par les deniers publics doit rester accessible à tous.

Notes

[1] Crédit photo : Nate Bolt (Creative Commons By-Sa)




Wikipedia a 10 ans : Un petit bilan en compagnie de Wired et de Sue Gardner

Lane Hartwell - Wikimedia Commons - CC by-saUn nouvel élément à ajouter à notre série d’articles sur Wikipédia à l’occasion de la célébration de son dixième anniversaire.

Ici nous poursuivons avec Sue Gardner, la remarquable Executive Director de la Wikimedia Foundation, en procédant un peu à l’envers puisqu’après les perspectives vient le temps du bilan. On y évoque bien sûr la fiabilité mais aussi les récentes avancées, qui sont autant de projets, dans les milieux culturels et éducatifs.

Il est dit dans l’article que pour beaucoup de monde, Wikipedia concrétise à la perfection les premières promesses de l’Internet en proposant une « incarnation de ce que le Web peut offrir de mieux »[1]. Nous en faisons partie 😉

On y trouve également un passage qui devrait particulièrement intéresser les lecteurs du Framablog. Il s’agit d’une critique d’un ancien rédacteur en chef de l’encyclopédie Britannica. Vous me direz qu’il n’est pas forcément objectif mais l’argument avancé mérite à mon avis d’être commenté voire débattu :

« L’erreur fatale dans le modèle Wikipedia est qu’un article de l’encyclopédie est pensé comme étant un projet libre, comme ceux qui produisent du logiciel libre, et que comme eux, il sera transformé par des améliorations constantes pour atteindre un idéal. Mais le logiciel est clairement perçu comme étant en développement continu, et est sans arrêt testé avec l’aide de différents critères objectifs. L’article de Wikipédia, quant à lui, est publié et est accessible par tout le monde en l’état, il change pour le meilleur ou pour le pire de temps en temps, et n’est jaugé par aucun standard auquel l’utilisateur puisse se fier. »

Une décennie pour Wikipédia, le projet collaboratif emblématique

A decade of Wikipedia, the poster child for collaboration

Olivia Solon – 10 janvier 2011 -Wired UK
(Traduction Framalang : Goofy, Slystone, Marianne et Penguin)

À l’heure où Wikipédia fête son dixième anniversaire, Wired.co.uk s’entretient avec Sue Gardner, directrice de la Wikimedia Foundation, à propos du rôle de l’encyclopédie collaborative sur le Web et son plan de domination mondiale.

Wikipédia, beaucoup le considèrent encore comme un petit secret honteux. Un site que l’on consulte discrètement dès qu’une conversation au bureau dérive vers un domaine où l’on n’est pas spécialement à notre aise. Lorsqu’on y fait référence explicitement, c’est souvent en ajoutant bien vite qu’on connaît bien ses insuffisances. Nous avons tous l’habitude des sous-entendus sarcastiques qui accompagnent la phrase rituelle : « Si c’est dans Wikipédia, c’est que ça doit être vrai ». Mais ces sous-entendus ironiques se dissipent peu à peu à mesure que le système s’améliore et que consulter le site devient moins honteux et moins un secret chaque jour.

Exactement 10 ans après son lancement et 17 millions d’articles plus tard, la figure emblématique des projets collaboratifs fait désormais partie de la vie quotidienne du monde développé, avec de sérieuses percées en cours dans le reste du monde.

La personne chargée de mener à bien le développement de Wikipédia, c’est Sue Gardner, directrice de la Wikimédia Foundation. Ex-journaliste combative et directrice de CBC.ca, Mme Gardner a été recrutée en 2007 dans le but de développer une stratégie claire pour l’organisation à but non lucratif. Son principal défi était de s’assurer que la gigantesque communauté disparate de contributeurs du monde entier était bien en phase avec l’objectif commun. Selon le fondateur de Wikipédia Jimmy Wales, engager Mme Gardner a été « une des meilleures décisions que nous ayons prises ».

Les chiffres en témoignent : depuis l’embauche de cette brillante canadienne, les revenus ont en effet plus que triplé, et l’audience du site a augmenté de 85 %. Après une lecture approfondie des sources de revenus de la fondation et deux ans d’expériences diverses, elle s’est rendue compte que la meilleure stratégie consistait à cibler les dons privés d’un faible montant.

« Dans un monde à but non lucratif, on poursuit normalement deux objectifs bien distincts, la prise en charge des frais de service, et la production de revenus. Ces deux composantes sont généralement en déséquilibre. La plus grosse surprise en ce qui me concerne fut de découvrir que l’on pouvait harmoniser l’ensemble de manière à ce que les dons proviennent des mêmes personnes que celles à qui nous fournissons un service. »


En tant que cinquième site le plus visité dans le monde, son hébergement sur serveur a un coût conséquent. L’organisation à but non lucratif lance chaque année une opération de levée de fonds afin d’assurer le fonctionnement du site pour l’année suivante. La dernière campagne vient juste de se terminer, elle s’est soldée par la récolte de 16 millions de dollars donnés par 500 000 personnes.

Pour beaucoup de monde, Wikipedia concrétise à la perfection la vision des premières promesses de l’internet. Gardner s’aventure même à dire que c’est « l’incarnation de ce que le Web peut faire de mieux. »

« C’est la promesse que les gens vont travailler ensemble, c’est l’illustration de gens travaillant ensemble en confiance, c’est la démocratisation de l’information et de la liberté d’accès à l’information, malgré les nombreux et récurrents dangers qui la menacent. »

Joseph Reagle, auteur du livre The Good Faith Collaboration (NdT : La collaboration de bonne foi), et ancien étudiant à Harvard ajoute : « par défaut, l’interaction en ligne est faite pour ceux qui refusent de voir le pire chez les autres, même chez les nazis comme l’indique la loi de Godwin. Wikipedia au contraire, promeut et est dépendant de personnes collaborant ensemble en toute bonne foi. »

Quelles en sont les points faibles ? Gardner ne fait pas preuve de réserve : « c’est un travail qui progresse sans arrêt, on aura donc toujours besoin de faire mieux. Tous les aspects doivent être améliorés. »

Tandis que Wikipedia se concentre sur l’amélioration et l’expansion, le site est sous un feu constant de critiques de personnes qui l’accusent de ne pas être objectif, de ne pas être fiable, et de préférer, au cours du processus d’édition, le consensus plutôt que le mérite et les qualifications.

Robert McHenry, auteur et ancien rédacteur en chef de l’encyclopédie Britannica, résume ce qu’il décrit comme l’erreur fatale du modèle Wikipedia :

« L’erreur fatale dans le modèle Wikipedia est qu’un article de l’encyclopédie est pensé comme étant un projet libre, comme ceux qui produisent du logiciel libre, et que comme eux, il sera transformé par des améliorations constantes pour atteindre un idéal. Mais le logiciel est clairement perçu comme étant en développement continu, et est sans arrêt testé avec l’aide de différents critères objectifs. L’article de Wikipédia, quant à lui, est publié et est accessible par tout le monde en l’état, il change pour le meilleur ou pour le pire de temps en temps, et n’est jaugé par aucun standard auquel l’utilisateur puisse se fier. »

Il n’a certainement pas tort, il y a beaucoup d’exemples d’informations fausses, parfois diffamatoires, qui sont par exemple écrites sur des profils biographiques. Ainsi en 2005, John Seigenthaler Sr, assistant du ministre de la justice Robert Kennedy au début des années 60, journaliste reconnu et plus tard éditeur créateur de USA Today, fut la cible de vandalisme sur Wikipedia. Une fausse biographie de Wikipedia l’accusa d’être un suspect du meurtre de Kennedy. Et la notice resta en l’étant pendant 132 jours. Ceci illustre le biais systémique qui fait que les événements contemporains attirent bien plus l’attention (et le manque d’objectivité lié à l’absence de sources et de recul) que les événements plus anciens, et la culture pop bénéficie à ce titre d’une couverture disproportionnée.

Cela ne veut pas dire que les encyclopédies traditionnelles sont dépourvues d’erreurs. Il y a eu une série d’études comparant la fiabilité de Wikipedia avec d’autres encyclopédies (telle que l’enquête réalisée par Nature en 2006 comparant Wikipedia et Britannica), qui ont montré que la fiabilité de Wikipedia est en hausse. L’étude de Nature précitée révèle que les articles scientifiques de Wikipedia s’approchent du niveau d’exactitude de l’encyclopédie Britannica, et avait un taux équivalent « d’erreurs sérieuses ».

Gardner le concède : « En 2001, Wikipedia n’était pas une source d’information riche et complète, c’était très partiel. Mais chaque année et chaque jour, Wikipedia s’améliore. »

Elle décrit un changement d’attidude et de comportement dans le monde académique et les communautés culturelles. L’initiative GLAM (Galleries, Libraries, Archives, Museums) rapproche les utilisateurs de Wikipedia des membres des instituts culturels, y compris le British Museum, dans le but d’une part d’améliorer le contenu culturel de Wikipedia et d’autre part d’offrir aux institutions un espace pour exposer leurs collections.

Un événement à Londres en novembre dernier a réuni les représentants de quelques grands organismes culturels, afin de voir ensemble comment ils pouvaient contribuer davantage à Wikipedia (NdT : Un évènement similaire a également eu lieu en France).

Gardner dit : « c’était vraiment encourageant de voir les gardiens de la culture et du savoir considérer Wikipedia de plus en plus sérieusement. Cela ne serait pas arrivé cinq ans aupravant. »

Parallèlement s’est ouvert un programme de sensibilisation destiné au monde académique dans le but de contribuer à améliorer le contenu. Le Wikipedia Ambassador Program qui a débuté en 2010 implique et accompagne les enseignants qui veulent participer à Wikipedia à travers leurs cours. L’idée est d’agrandir la communauté des éditeurs tout en aidant les enseignants à avoir une utilisation plus aisée de Wikipedia.

Quand on lui demande si Wikipedia pourrait un jour être considéré comme une source crédible dans le monde académique, Gardner dit : « nous ne recommandons pas que les gens utilisent Wikipedia pour faire des citations dans leur travail, de même que nous ne recommandons pas qu’ils utilisent l’encyclopédie Britannica. Le but d’une encyclopédie est d’être un point de départ pour faire de la recherche. Vous pouvez apprendre les bases, et approfondir la lecture de l’article en regardant les références pour trouver et y suivre les sources originales. »

L’argument de la fiabilité, selon Gardner, passe à côté de la « véritable histoire » : l’accès à l’information a augmenté selon une courbe exponentielle. « Pour le lecteur d’information, le monde est radicalement meilleur qu’il ne l’était il y a 10 ans ou 20 ans. »

Quiconque âgé de plus de 20 ans se souvient du temps où, pour trouver des informations sur un obscur politicien, un artiste underground ou la dernière action militaire d’un pays en particulier, il fallait consulter une encyclopédie en 30 volumes, aller à la bibliothèque ou espérer qu’un adulte autour de vous ait la réponse.

Ayant épuisé ces possibilités, on s’était habitué au fait qu’on ne saurait probablement jamais. Ou en tout cas pas avant la sortie de la prochaine édition de l’encyclopédie et, même dans ce cas, sans la certitude que la question y serait traitée.

Aujourd’hui, tout le monde peut avoir un accés instantané et gratuit à la connaisance collective de centaines de milliers de personnes, mise à jour quotidiennement, et même, la plupart du temps, presque en temps réel. Dans ce contexte, le débat sur la fiabilité perd de son importance.

Notes

[1] Crédit photo : Lane Hartwell (Creative Commons By-Sa)




Ce que pense Jimmy Wales des App Stores et de la Neutralité du Net

Joi Ito - CC byVoici une courte traduction qui fait en quelque sorte la jonction entre les 10 ans de Wikipédia et notre récent billet évoquant la difficile cohabitation entre l’App Store d’Apple et les logiciels libres.

Il n’y pas que les libristes qui critiquent ces plateformes et qui y voient un possible « nœud d’étranglement », il y a aussi le fondateur de Wikipédia[1].

Pour ce qui concerne la neutralité du Net, il se montre plus prudent en ne partageant pas l’alarmisme de certains, mais il reconnaît que son avis est « fluctuant » sur le sujet.

Jimmy Wales, de Wikipédia : les App stores, une menace claire et actuelle

Wikipedia’s Jimmy Wales: App stores a clear and present danger

John Lister – 13 janvier 2011 – Tech.Blorge
(Traduction Framalang : Olivier Rosseler)

Le modèle des plateforme de téléchargement d’application (NdT : ou App Stores, du nom de la plus célèbres d’entre elles, celle d’Apple) est une menace plus immédiate pour la liberté d’Internet que les entorses à la neutralité du Net. C’est l’opinion de Jimmy Wales, le boss de Wikipédia.

D’après Wales, qui a clairement insisté sur le fait qu’il parlait en son nom propre, les plateformes de téléchargement d’applications, comme l’App Store d’iTunes, peuvent devenir des « nœuds d’étranglements très dangereux. » D’après lui, il est temps d’évaluer si ce modèle est « une menace pour la variété et l’ouverture des écosystèmes » en avançant que « lorsque nous achetons un appareil, nous devrions en avoir le contrôle. »

Wales s’exprimait lors d’un évènement à Bristol, en Angleterre, à l’occasion de l’anniversaire des 10 ans de Wikipédia. Pour lui, les inquiétudes exprimées sur la neutralité du Net ne sont souvent qu’hypothétiques et ne représentent pas un danger immédiat. Il reconnaît cependant que le sujet est complexe et que sa propre opinion est « sujette aux fluctuations » (ce qui signifie apparemment qu’il ne suivrait pas aveuglément un principe strict quelle que soit la situation). Il trouve que les arguments de la campagne pour la neutralité du Net sont « largement alarmistes » et plus centrés sur des craintes que sur des faits.

Wales s’est livré à une session de questions/réponses après une présentation sur le passé, le présent et le futur de Wikipédia. Il y cite notamment le tweet d’un enseignant qui disait : « Hier, j’ai demandé à une de mes étudiantes si elle savait ce qu’est une encyclopédie et elle m’a répondu « Quelque chose comme Wikipédia ? ». » D’après Wales, de tels exemples montrent que « la qualité de Wikipédia est un enjeu culturel majeur. » Mais il insiste sur le fait que les étudiants ne devraient pas citer WIkipédia dans leurs essais ou leurs dissertations, ni aucune autre encyclopédie d’ailleurs.

Partant du constat que 87% des contributeurs de Wikipédia sont des hommes, d’âge moyen 26 ans, et que les docteurs sont deux fois plus représentés que dans la population globale, l’un des plus grands défis du site est, selon lui, de s’ouvrir à une population plus diverse de contributeurs. Une solution serait de simplifier le système d’édition, éliminer autant que possible tout ce qui fait appel aux codes. Il reconnaît en particulier que la création de tableaux est un véritable « cauchemar ».

Mais il insiste également sur le fait que Wikipédia ne déviera pas de son but premier. S’il concède que l’ajout de fonctionnalités comme les e-mails ou le chat pourrait attirer plus de visiteurs, ce qui est l’objectif de services commerciaux, cela ne profiterait pas nécessairement à la qualité du contenu de Wikipédia, qui, d’après lui, devrait « égaler celle de l’encyclopédie Britannica, voire faire mieux. »

Notes

[1] Crédit photo : Joi Ito (Creative Commons By)




À qui la faute si les logiciels libres sous licence GPL sont éjectés de l’App Store ?

Chris Willis - CC byOn peut reprocher beaucoup de choses à Microsoft mais jamais on n’a vu un logiciel libre empêché de tourner sous Windows parce que la licence du premier était incompatible avec le contrat d’utilisation du second (sinon un projet comme Framasoft n’aurait d’ailleurs pas pu voir le jour).

Il semblerait qu’il en soit autrement avec Apple et son App Store, la plateforme de téléchargement d’applications pour les appareils mobiles fonctionnant sous iOS (iPod, iPhone et iPad).

C’est que révèle la récente « affaire VLC », célèbre logiciel libre de lecture vidéo, dont la licence semble tant et si bien poser problème à Apple qu’il a été brutalement et unilatéralement décidé de le retirer de l’App Store.

Et tout le monde se retrouve perdant, à commencer par l’utilisateur qui ne pourra plus jouir de cette excellente application sur son iPad & co[1].

Derrière ce malheureux épisode (qui n’est pas le premier du genre) se cache une question en apparence relativement simple : logiciels libres et App Store peuvent-ils cohabiter ? Un logiciel, dont les libertés d’usage, de copie, de modification et de distribution, sont garanties par sa licence, peut-il se retrouver dans un espace dont le contrat stipule un nombre limité de copies sur un nombre limité de machines ? Et comme la réponse est en l’occurrence négative, le risque est réel de voir les logiciels libres totalement écartés de l’App Store, et par extension des nombreuses autres plateformes privées qui poussent comme des champignons actuellement.

Mais attention, il s’avère que dans le détail c’est plus complexe que cela. Et c’est pourquoi nous avons pris la peine d’ajouter notre grain de sel au débat en traduisant l’article ci-dessous qui résume assez bien à nos yeux la situation. C’est complexe mais ça n’en est pas moins intéressant voire enrichissant car les particularités de la situation éclairent et illustrent de nombreux aspects du logiciel libre.

Il convient tout d’abord de préciser que ce n’est pas le logiciel libre en général mais le logiciel libre sous licence GPL (et son fameux copyleft) qui est pointé du doigt ici. Ensuite il y a l’existence d’un troisième larron en la personne de la société Applidium à qui l’on doit le portage de VLC dans iOS et sa présence dans l’App Store (dans un premier temps accepté puis aujourd’hui refusé). App Store dont les règles d’utilisation définies par Apple sont floues et changeantes. Enfin c’est bien moins la « communauté VLC » dans son ensemble que l’un de ses développeurs qui est impliqué dans cette histoire.

Choisir de placer son logiciel sous licence libre, a fortiori sous licence GPL, n’est pas un acte anodin. La liberté « en assurance-vie » que vous offrez là à vos utilisateurs peut s’opposer parfois frontalement à d’autres logiques et objectifs.

Tout le monde se retrouve perdant, mais le logiciel libre le serait davantage encore s’il devait céder en y perdant son âme.

La GPL, l’App Store et vous

The GPL, the App Store, and you

Richard Gaywood – 9 janvier 2011 – Tuaw.com
(Traduction Framalang : Olivier Rosseler et PaulK)

Mon collègue Chris a rédigé un article sur l’éviction de l’App Store du célèbre logiciel de lecture video VLC, après la plainte d’un développeur du projet sur la base d’une violation de la GNU Public License (l’application a depuis été mise à disposition sur Cydia pour les appareils jailbreakés).

Les réactions de la blogosphère Mac ont été virulentes après cette décision, et Chris s’est admirablement fait l’avocat des plaignants. Mais il ne faut pas oublier qu’une histoire a toujours plusieurs versions (et que la vérité se trouve souvent à mi-chemin entre les deux). Aujourd’hui, je me fais avocat de la défense : pourquoi Rémi Denis-Courmont était parfaitement dans son bon droit. Mais pour mieux étayer mon argumentation, je vais revenir un peu sur l’historique de l’Open Source. Alors accrochez-vous !

Commençons par le commencement : pourquoi VLC a été retiré de l’App Store

L’histoire a déjà été traitée, mais voici quelques faits que vous devez connaître. VLC (hébergé à l’adresse http://videolan.org) est un lecteur audio et vidéo complet, multi-plateforme qui a maintes fois fait ses preuves. VLC est publié sous la version 2 de la licence GNU Public License (GPL). Une entreprise nommée Applidium, sans lien avec le projet, a utilisé le code source de VLC pour en faire une application pour iOS gratuite, afin que les utilisateurs d’iPhone et d’iPad puissent s’en servir pour lire plus de formats de fichiers que leur appareil n’en supporte nativement, comme les fichiers AVI et MKV. En accord avec la GPL, Applidium a libéré le code source de la version modifiée de VLC.

L’accueil reçu par ce projet sur les listes de diffusion des développeurs de VLC fut contrasté. Alors que certains développeurs n’y voyaient pas d’inconvénient, le portage de leur travail (censé être ouvert) sur une plateforme, iOS, connue pour sa fermeture et ses restrictions sur la ré-utilisation du code des applications distribuées sur l’App Store, gênait les autres. En point d’orgue de cette histoire, l’un des développeurs, Rémi Denis-Courmont (auteur d’une bonne partie du code de VLC) demanda à Apple de retirer l’application VLC pour iOS de l’App Store pour violation de la GPL, à laquelle est soumise sa contribution au projet.

Finalement, quelques mois plus tard, il semblerait qu’Apple ait obtempéré sans poser de question puisque l’application a été retirée. Denis-Courmont s’interroge malgré tout sur les délais. Si c’était effectivement la réponse d’Apple à sa demande, l’entreprise aurait pu agir bien plus tôt.

Et donc, qui est dans le vrai ?

Une courte histoire des licences Open Source

Tout d’abord, à quoi sert l’Open Source ? Parfois, des programmeurs initient des projets sur leur temps libre (ou en tant qu’universitaire, ne subissent pas les pressions commerciales, tous les systèmes d’exploitation basés sur Unix trouvent leurs racines dans l’Open Source et dans les universités, ce qui n’est pas une coïncidence), puis ils deviennent trop gros pour s’en sortir seuls. Une aide extérieure est la bienvenue, par exemple pour réparer les bogues ou pour ajouter de nouvelles fonctionnalités, et grâce à Internet les volontaires sont nombreux. Ils mettent donc le code sous une licence Open Source afin d’en publier la source et de recruter des collaborateurs.

Dit ainsi, ça paraît assez utopique, mais le fait est que de nombreux logiciels de qualité sont nés ainsi, grâce à l’Open Source : le compilateur C GCC, le noyau Mach, le serveur web Apache HTTPd, l’interface de commande bash, les langages de programmation Perl et Python et le moteur de rendu Webkit utilisé par Safari. Ces quelques exemples ainsi que des centaines d’autres sont tous Open Source et font tous partie de Mac OS X. Apple utilise donc clairement l’Open Source.

Au-delà des logiciels, nous devons Wikipedia à la famille des licences Creative Commons, créées pour étendre les idées des logiciels Open Source à d’autres activités créatives. On peut même dire que l’Open Source reproduit approximativement les processus scientifiques où les chercheurs publient leurs méthodes et leurs découvertes librement afin que d’autres chercheurs puissent s’appuyer sur leurs travaux. Ce sont là des concepts très importants à mes yeux puisque je suis titulaire d’un doctorat en informatique. Je pense que l’on peut s’accorder sur le fait que les idées derrière les logiciels libres nous sont bénéfiques à tous.

Prenons l’exemple d’Alice, une programmeuse qui a écrit un petit utilitaire. Un autre programmeur, Pierre, apprécie beaucoup son programme, mais il voudrait le modifier pour qu’il réponde mieux à ses besoins. Alice décide alors de dévoiler le code source de son programme pour que Pierre puisse y apporter des changements.

La licence la plus simple qu’Alice puisse appliquer à son code est celle du domaine public. Cela signifie que l’auteur a volontairement abandonné tous ses droits sur le code et que chacun peut en faire ce qu’il veut. Pierre peut faire ses modifications et garder la nouvelle version pour lui-même, ou ouvrir sa boutique et la vendre. Il peut même en parler à son patron, Paul, chez Microsoft, et peut vendre l’outil d’Alice dans la prochaine version de Windows, sans qu’elle ne touche jamais un centime. Si vous vous dites que c’est pas très juste pour Alice, vous n’êtes pas les seuls. Gardez cet exemple à l’esprit.

Alice a également le choix entre des familles de licences similaires : la licence MIT, la licence BSD et la licence Apache. Grâce à elles, Alice conserve son droit d’auteur sur le code, mais elles octroient également à quiconque le télécharge le droit légal de le modifier et d’en distribuer la version modifiée. Différentes variantes de ces licences imposent également à Pierre de mentionner le nom d’Alice quelque part dans le logiciel, à l’instar de la licence Creative Commons Attribution. Mais rien ne l’empêche de le vendre sans rien verser à Alice en échange.

La GPL et les autres licences copyleft

En réponse à ce problème, la Fondation pour le Logiciel Libre (FSF) a créé la GNU Public License. Elle est aussi appelée copyleft pour bien marquer la rupture qu’elle représente par rapport aux autres licences dont il est question ici. Philosophiquement, la GPL a été créée pour assurer aux utilisateurs de logiciels sous GPL les quatres libertés suivantes :

  • La liberté d’exécuter le logiciel, pour n’importe quel usage ;
  • La liberté d’étudier le fonctionnement d’un programme et de l’adapter à ses besoins, ce qui passe par l’accès aux codes sources ;
  • La liberté de redistribuer des copies ;
  • La liberté de faire bénéficier à la communauté des versions modifiées.

Évidement, la licence en elle-même est un charabia juridique assez dense, dont le but est d’assurer une validité légale à cette philosophie, mais ces quatre libertés en sont vraiment le cœur. Vous remarquerez que la deuxième et la quatrième libertés imposent que le code source de tout programme sous GPL soit mis à disposition en plus de l’exécutable, que l’on utilise vraiment. C’est la raison pour laquelle de nombreuses entreprises qui font usage de code sous GPL dans leurs produits hébergent des pages entières de code source, comme le fait Netgear par exemple. Alors, évidemment, leurs concurrents peuvent analyser le fonctionnement exact de leurs produits, pourtant ils estiment que cet inconvénient est largement compensé par les avantages qu’il y a à s’appuyer sur des produits Open Source.

Si on reprend notre histoire d’Alice et Pierre, voyons ce qu’il se passe maintenant. Alice rend son code source public. Pierre rédige son patch et décide sournoisement de vendre cette nouvelle version du programme d’Alice. Mais Alice n’est pas bête et voit bien ce qu’il se trame. Elle pose alors un ultimatum à Pierre : soit il rend public le code source de sa version modifiée , soit ils se retrouveront devant un juge pour rupture du contrat grâce auquel il a obtenu la version d’Alice (c’est à dire, la GPL). Bob s’incline évidemment et publie son code. Aucun cas n’est allé jusqu’au tribunal dans la vraie vie. Pour beaucoup, cela prouve que la GPL est valide et incontournable : personne n’ose la contester.

L’App Store et la GPL peuvent-ils co-exister ?

Le conflit le plus évident entre l’App Store et la GPL réside dans la troisième liberté ? « La liberté de redistribuer des copies ».

Ce sujet a été largement débattu, chaque camp avançant ses arguments. Malheureusement, la résultat est que : premièrement, c’est un terrain plutôt flou et deuxièmement, il ne sera jamais certain qu’une des deux partise a plus raison que l’autre sans décision de justice. Il est peu probable que l’on en arrive à une telle situation car Apple (en tant que distributeur de logiciel pour tout l’App Store) n’ira probablement pas se battre en justice pour un logiciel Open Source. Concrètement, tant que le contraire n’est pas prouvé, l’App Store et la GPL sont incompatibles. C’est sans doute l’avis d’Apple en tout cas, ils n’auraient sûrement pas supprimé VLC (et d’autres logiciels Open Source comme GNU Go) de l’App Store dans le cas contraire.

Les membres de la Fondation pour le Logiciel Libre (FSF), auteurs de la GPL ne pensent pas non plus que l’on puisse concilier la GPL et l’App Store. Leur principal argument réside dans la clause suivante de la GPL v2 :

À chaque fois que vous redistribuez un programme (ou n’importe quelle réalisation basée sur le programme), l’utilisateur final reçoit automatiquement une licence du détenteur originel du programme l’autorisant à copier, distribuer et modifier le programme sujet à ces termes et conditions. Vous ne devez imposer à l’utilisateur final aucune autre restriction à l’exercice des droits garantis par la licence.

Regardons maintenant les Règles d’utilisation des produits App Store :

(i) Vous êtes autorisé à télécharger et synchroniser un Produit à des fins personnelles et non commerciales sur tout produit de la marque Apple tournant sur iOS (« Produit iOS ») que vous possédez ou contrôlez.

(ii) Si vous êtes une société commerciale ou un établissement scolaire, vous êtes autorisé à télécharger et synchroniser un Produit destiné à être utilisé soit (a) par une seule personne sur un ou plusieurs Produits iOS que vous possédez ou que vous contrôlez, soit (b) par plusieurs personnes sur un Produits iOS partagé dont vous êtes propriétaire ou que vous contrôlez. Par exemple, un seul salarié peut utiliser le Produit aussi bien sur son iPhone que sur son iPad, ou encore, plusieurs étudiants peuvent utiliser le Produit en série sur un seul iPad situé dans un centre de ressources ou une bibliothèque.

(iii) Vous pourrez simultanément stocker des Produits App Store à partir d’un nombre maximum de cinq Comptes différents sur des Produits iOS compatibles, tels qu’un iPad, un iPod ou un iPhone.

(iv) Vous pourrez procéder à la synchronisation manuelle de Produits App Store à partir d’un ou plusieurs appareils autorisés par iTunes vers des Produits iOS munis d’un mode de synchronisation manuel, à condition que le Produit App Store soit associé à un Compte existant sur l’appareil principal autorisé par iTunes, étant précisé que l’appareil principal est celui qui a été synchronisé en premier avec le Produit iOS ou celui que vous avez ultérieurement désigné comme tel en utilisant l’application iTunes.

Le conseil Légal de la FSF considère ces termes comme des restrictions à l’utilisation que peut faire l’utilisateur des logiciels obtenus sur l’App Store, c’est donc directement une atteinte à la GPL. Il importe peu que le port de VLC sur iOS soit libre. En fait, il aurait été plus simple d’imaginer qu’il ne l’était pas.

Imaginez, si Applidium avait fait payer 5$ pour leur port de VLC, tout en distribuant le code source complet sur leur site web. Rien dans la GPL n’empêche les développeurs de facturer leurs logiciels dérivés, c’est donc convenable. Mike achète une copie du logiciel pour 5$ et veut donner une copie à son ami Steve (c’est son droit, garanti par la GPL), mais il ne peut pas. Steve peut acheter sa propre copie à 5$, mais ne peut pas l’avoir par Mike ; il doit aller voir Apple.

Dans la réalité, VLC était gratuit, ce n’est donc pas gênant pour Steve de ne pas pouvoir dupliquer la copie de Mike ; mais ce ne sera pas forcément le cas avec d’autres logiciels et dans tous les cas, ça ne change rien, étant donné que les termes de la GPL n’acceptent pas plus que l’on restreigne la liberté de partager le logiciel parce que le logiciel dérivé se trouve être gratuit.

Notez que la FSF considère également le fait de ne pouvoir installer la même application que sur cinq iOS en même temps comme une autre restriction aux droits de l’utilisateurs ; cela semble être une erreur, puisque ce terme du contrat n’apparaît que sur la partie dédiée au contenu iTunes du Contrat de l’Utilisateur et ne s’applique donc pas aux applications de l’iOS. Il est également possible que le Contrat de l’Utilisateur pour iTunes ait été modifié après la publication de l’article de la FSF.

Qu’en est-il des autres programmes sous GPL présents dans l’App Store ?

On croit souvent, à tort, que lorsqu’un code est publié sous GPL, il ne peut plus l’être sous une autre licence. Ce n’est pas vrai. Si tous les ayants-droits, c’est-à-dire toutes les personnes ayant contribué au code, se mettent d’accord, le logiciel peut être placé sous une double licence.

Prenez l’exemple de Java. Java est placé sous GPL et Apple a pourtant utilisé la source de Sun pour la modifier (afin que la machine virtuelle Java sous OS X soit mieux intégrée à cet environnement) sans pour autant distribuer le code source de la version modifiée. Comment ? Simplement parce qu’ils ont utilisé le code source de Sun sous une autre licence, ce que Sun pouvait proposer car (à l’époque) le code de Java leur appartenait. Libre à eux donc de l’offrir au monde entier sous GPL tout en le proposant à Apple sous une autre licence.

Mais pour les grands projets, comme VLC, qui acceptent des correctifs publics de la communauté depuis longtemps, il n’est pas envisageable d’obtenir la permission rétroactive de tous les contributeurs pour appliquer une licence double. D’autres projets, en revanche, sont proposés sous GPL mais n’ont jamais accepté de correctifs extérieurs, ce qui signifie que leur code est toujours sous le contrôle d’une seule et même personne ou entreprise. On peut citer l’exemple de Doom, qui est sur l’App Store. BeTrains en est un autre exemple et les développeurs ont récemment décrit comment ils arrivent à concilier GPL et App Store.

Doit-on modifier la GPL pour la rendre compatible avec l’App Store ?

Cette question ne relève plus du problème légal, mais plutôt de la politique des logiciels. Les défenseurs de la GPL adoptent souvent une attitude méfiante, ce qui est, à mes yeux, souvent perçu comme du fanatisme en dehors de la communauté Open Source. Mais pourtant, les violations de la GPL sont malheureusement courantes. Par exemple, une étude récente de Matthew Garret montre que parmi des centaines de tablettes Android, la quasi-totalité violent la GPL. En d’autres termes, les systèmes de tous ces fabricants s’appuyent à 99% sur du code libre mais contiennent 1% de leurs propres modifications. Ensuite ils les vendent comme s’ils étaient à l’origine de la totalité du système.

Il va sans dire que les développeurs qui ont participé à ces projets sur leur temps libre sont indignés par ces pratiques, c’est pourquoi ils condamnent aussi facilement tout ce qui ressemble de près ou de loin à une violation de la GPL. C’est souvent pris pour du fanatisme ou même de l’hostilité, mais au fond, c’est juste l’expression du dégoût de groupes de bénévoles face aux pratiques d’entreprises qui tentent de se faire de l’argent facile avec leur travail.

Sans oublier cette peur que tout signe d’indulgence fasse basculer les choses du mauvais côté, que cela encourage plus encore les entreprises à violer la GPL, et que la FSF, avec ses maigres ressources, n’ait plus les moyens d’identifier et de menacer les entreprises qui se comportent mal pour qu’elles respectent la communauté sur laquelle elles s’appuient.

Les règles de l’App Store doivent-elles changer pour être compatibles avec la GPL ?

C’est ce qu’aimeraient certains développeurs de VLC, comme Ross Finlayson. Plutôt que de voir VLC banni de l’App Store, ils préfèreraient que ses règles soient modifiées afin de créer une exception pour les applications sous GPL. Rien n’est impossible, mais Apple (pourtant bien enclin à piocher largement dans l’Open Source pour créer Mac OS X) n’est pas vraiment réputé pour son ouverture aux compromis lorsqu’on touche à l’App Store. Il y a très peu de chance qu’un tel changement arrive, surtout pour des applications gratuites qui ne rapportent rien à Apple.

Est-ce que VLC pourrait être publié sous une autre licence ?

Actuellement, il serait presque impossible que VLC puisse paraître sous une autre licence, même réservée uniquement à Applidium, car chaque développeur ayant travaillé sur le projet devrait donner son accord, ce qui n’est pas gagné pour certains, dont Denis-Courmont.

Si VLC n’avait jamais été publié sous GPL, ou plutôt, s’ils n’avaient jamais accepté de contributions extérieures placées sous GPL, alors il n’y aurait pas de problème. Mais sans la forte protection apportée par la GPL, ils n’auraient certainement pas attiré autant de contributeurs. Impossible de dire si le projet aurait abouti ou pas.

Conclusion

Lorsqu’un projet choisit une licence comme la GPL ou tout autre licence copyleft, en opposition à des licences plus ouvertes, comme la MIT ou la BSD, les développeurs veulent s’assurer que toutes les œuvres dérivées seront libres. Cette protection a cependant un prix. En choisissant la GPL, l’équipe de développement originelle de VLC a fait la promesse à tous ses futurs collaborateurs que leur travail resterait libre, pour toujours. Ce que dit ouvertement la FSF et ce que concède implicitement Apple, c’est que l’App Store ne reconnaît cette définition de la liberté. Aucune des deux organisations n’est réputée pour accepter des compromis, donc, jusqu’à ce que l’une d’entre eux cède, les applications construites sur du code sous GPL, comme VLC, n’honoreront pas l’App Store de leur présence. C’est dommage, c’est sûr, mais pour les deux camps c’est une question de principes bien plus importants que quelques applications.

Je finirai en m’adressant aux commentateurs : ce débat englobe bien d’autres aspects, certains que j’ai juste abordés, d’autres que j’ai complètement omis, parfois par souci de clarté ou encore par manque de compétence. Je vous demanderai donc simplement d’être indulgents car c’est un sujet complexe et même un article de cette longueur ne permet pas d’en faire le tour. Mais je vous en prie, débattez-en !

Notes

[1] Crédit photo : Chris Willis (Creative Commons By)




L’accueil, le Sud et la défense d’Internet : des défis majeurs à venir pour Wikipédia

Enokson - CC byL’extraordinaire encyclopédie libre Wikipédia a 10 ans et c’est naturellement l’occasion de faire des bilans.

Nous avons préféré ici nous projeter dans l’avenir en compagnie de Sue Gardner, à la tête de la Wikimedia Foundation depuis 2007 (dont Jimbo Wales en personne nous dit que le recrutement fut certainement « l’une des meilleures décisions que nous ayons jamais prise au cours de cette première décennie »).

L’accueil[1] et la diversification de nouveaux éditeurs, l’ouverture au monde et tout particulièrement vers « le Sud » et son utilisation croissante des terminaux mobiles, mais aussi l’inquiétude (ô combien partagée) de l’émergence de lois potentiellement liberticides pour Internet et de ce que pourrait faire ensemble les Wikipédiens pour le défendre, sont quelques uns des thèmes abordés ici.

Rendre Wikipédia plus accueillant : un véritable défi

The battle to make Wikipedia more welcoming

Olivia Solon – 10 janvier 2011 – Wired.co.uk
(Traduction Framalang : Olivier Rosseler, Martin et Goofy)

L’un des défis majeurs pour Wikipedia est d’étendre sa base de collaborateurs. Ce ne sont pas les volontaires qui manquent, le problème vient plutôt de l’accueil pas très chaleureux qui est réservé aux novices. Sue Gardner, directrice exécutive de la fondation Wikimédia, annonce des mesures pour y remédier, dans une interview donnée à Wired.co.uk.

Le profil du contributeur de Wikipédia moyen, pour sa version anglaise est le suivant : homme (88%), jeune (pas encore tout à fait trentenaire), féru de technique, disposant d’une bonne éducation et qui habite dans l’hémisphère nord. Pour cette raison, les centres d’intérêt de l’encyclopédie tournent plus autour de l’informatique, de l’astronomie ou de la culture populaire qu’autour de l’agriculture, de l’art au moyen-âge ou de la linguistique, par exemple.

Afin de corriger ce déséquilibre, et pour élargir sa base de contributeurs et la rendre plus représentative de la population mondiale, Wikipédia est sur le point de lancer une campagne d’accompagnement des novices pour leurs 100 premières éditions. Cela implique de se pencher sur l’ergonomie du site, mais il s’agit surtout de s’assurer que les contributeurs chevronnés se montrent plus accueillants pour les nouveaux éditeurs.

Sue Gardner, directrice générale (NdT : Executive Director) de la fondation Wikimedia, se confie à Wired.co.uk : « Les Wikipédiens ne se montrent pas toujours très compréhensifs avec les nouveaux arrivants qui ne maîtrisent pas encore tout à fait l’outil et les règles. On parle beaucoup de « septembre sans fin » (NdT : endless September) – un terme inventé par Dave Fisher pour décrire le débarquement annuel d’étudiants qui se créaient leur premier adresse mail aux débuts d’Internet – et lorsque je suis entrée chez Wikimédia, l’idée de recruter de nouveaux contributeurs rencontrait énormément de résistance. »

« Les contributeurs de Wikipédia veulent que l’encyclopédie soit de très bonne qualité, et ils ne voient donc pas forcément d’un bon œil l’arrivée de personnes qui n’en connaissent pas les valeurs et les processus de publication. Il n’y avait pas une bonne perception de ce que pouvaient apporter de nouveaux éditeurs. »

Les contributeurs mystérieux

Après deux ans de discussions internes, les choses sont en train de changer. Une évolution majeure a été réalisée quand des contributeurs expérimentés ont mené une expérience en se faisant passer pour des contributeurs anonymes pour voir comment leurs modifications étaient reçues. Ils ont pu constater qu’elles avaient été annulées ou supprimées même si leurs contributions étaient d’aussi bonne qualité que celles faites en leur nom. On ne prenait même, en général, pas la peine de leur expliquer pourquoi elles étaient effacées.


Gardner ajoute : « je pense que maintenant nous comprenons le problème, mais il nous reste à évaluer notre gestion des 100 premières contributions, qui sont si cruciales. ».

Ils projettent de modifier l’interface, pour la rendre plus accueillante, avec plus de messages encourageants. Contrairement à d’autres sites où le contenu est généré par les utilisateurs, Wikipédia a toujours évité de contacter ses utilisateurs par e-mail. Mais envoyer des messages comme « Untel a apporté des modifications à l’article que vous avez rédigé » ou « Vous avez édité cet article, peut-être voudriez-vous également éditer celui-ci » renforcerait peut-être l’adhésion au site des nouveaux utilisateurs.

Mais au-delà des modifications de l’interface, la communauté tente d’inciter ses contributeurs actifs à être plus accueillants. Le but est de les encourager à adopter le même comportement avec les anciens qu’avec les novices.

« On ne peut pas vous assurer de ne pas rencontrer de méchanceté sur Wikipédia, mais il nous faut encourager les discussions constructives, » nous dit Gardner.

L’un des plus gros défis de Wikimédia est d’encourager les contributions du « Sud » (au sens économique). Fruit d’une année de discussions collaboratives, la stratégie établie est de mettre l’accent sur les pays moins développés économiquement.

Actuellement, la version anglaise de Wikipédia compte le plus grand nombre d’articles (plus de 3 500 000), viennent ensuite la version allemande, puis la version française, avec plus d’un million d’articles chacune. On dénombre quasiment 300 versions de Wikipédia dans d’autres langues, qui affichent entre un et 750 000 articles. Il y a environ 67 000 articles en Hindi, 55 000 en Urdu et 21 000 en Swahili, par exemple.

2011 verra l’ouverture du premier bureau hors des États-Unis, en Inde. Ce sera la première initiative de « plusieurs tentatives d’incursion dans des parties du monde où les contributeurs et les utilisateurs potentiels sont nombreux, mais ces possibilités sont encore bridées » d’après Gardner. L’amérique latine et les pays arabophones sont les prochains sur la liste.

Wikipédia souhaite recruter de nouveaux éditeurs, mieux faire connaître ses besoins, faciliter techniquement l’édition et accélérer le site. L’idée est d’éviter que Wikipédia ne soit une encyclopédie rédigée par des gens uniquement dans les pays riches.

Pour corriger ce déséquilibre géographique, il faudra travailler sur l’énorme barrière que représente l’interface pour mobiles. Dans les pays en voie de développement, la majorité des personnes accède au Web grâce à leur mobile. Même si Wikipédia est optimisée pour être lue sur un téléphone portable, contribuer à l’encyclopédie à partir d’un mobile reste très difficile. Il y a bien une éditrice de la version indonésienne de Wikipédia qui y parvient grâce à un clavier externe connecté à son téléphone, mais « ça à l’air extrêmement laborieux », d’après Gardner.

Elle s’interroge : « La question préalable demeure : est-il possible de créer une interface d’édition ergonomique sur téléphone portable ? »

Une autre menace se fait de plus en plus sentir : l’instabilité des lois. Actuellement, aux États-Unis, Wikipédia est protégée des poursuites si un contributeur met en ligne quelque chose de diffamatoire par le Communications Decency Act. Sans ce régime de responsabilité favorable, il serait presque impossible pour Wikipédia de maintenir son modèle d’encyclopédie rédigée par les utilisateurs.

Gardner dit : « Nous devons sans cesse nous faire entendre pour définir ce qu’Internet doit être à nos yeux. Dans les premières années, le pouvoir législatif s’est contenté d’observer son développement, mais maintenant il veut de plus en plus avoir son mot à dire. »

Elle se dit inquiète des interventions de plus en plus fréquentes des gouvernements qui censurent le Web à l’échelle nationale, comme l’Australie qui a mis en place une liste noire des sites interdits à ses concitoyens ou encore comme le Royaume-Uni, en la personne de Ed Vaizey, qui demande aux fournisseurs d’accès de se montrer plus stricts sur le pornographie pour combattre l’exposition trop précoce des enfants au sexe (NdT : Elle aurait également pu citer la France avec sa loi LOPPSI 2 !).

« Au début, on pensait qu’Internet ne connaîtrait pas de frontières. Mais on se rend de plus en plus compte que d’un pays à l’autre, la manière de l’utiliser diffère fortement. J’aimerais vraiment que les Wikipédiens aient voix au chapitre sur ce point ». Elle cite l’expérience d’eBay Main Street Initiative, le volet « local » du site d’e-commerce qui informe les vendeurs des projets législatifs qui pourraient les concerner, comme modèle à imiter. Ils encouragent ainsi les vendeurs sur eBay à faire pression sur le gouvernement lorsque leurs intérêts sont menacés. Ils les incitent à écrire des lettres, à envoyer des e-mails ou encore à appeler leurs élus lors des débats importants.

« J’aimerais que les Wikipédiens s’engagent de cette manière afin d’influencer le développement d’Internet. » ajoute-t-elle.

À quoi donc ressemblera Wikipédia dans 10 ans ? « J’aimerais qu’elle soit plus complète, qu’elle soit plus dense. La version anglaise est vraiment impressionnante, mais la variété de son contenu réflète malheureusement la catégorie sociale prédominante des éditeurs. J’aimerais au contraire que, pour toutes les langues, le contenu bénéficie des connaissances et du savoir de toute la population. »

Notes

[1] Crédit photo : Enokson (Creative Commons By)




Wikipédia fête ses 10 ans !

C’est fou ça, demain 15 janvier 2011 « le plus beau projet du XXIe siècle » fête ses dix ans d’existence ! C’est si loin et si proche en même temps…

Wikipédia ne manque jamais de reconnaître ce qu’il doit au logiciel libre. Aujourd’hui la réciproque est tout aussi vraie.

Quant à nous, nous avons modestement mis à contribution nos traducteurs de Framalang pour sous-titrer ci-dessous l’annonce de son fondateur Jimbo Wales.

Bon anniversaire et grand merci, et plutôt dix fois qu’une !

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Bonjour. Je m’appelle Jimmy Wales, je suis le fondateur de Wikipédia, et aujourd’hui, nous célébrons le dixième anniversaire de Wikipédia.

Difficile d’imaginer que cela fait déjà dix ans que j’ai lancé ce projet.

Je me rappelle le premier jour : j’ai cliqué sur « Modifier » et écrit « Bonjour le monde », et c’était le début de Wikipédia et de tout ce qui a suivi.

Désormais, nous avons des millions d’articles dans des centaines de langues. Environ 400 millions de personnes visitent le site chaque mois et c’est quelque chose de tout simplement stupéfiant. Si vous songez à l’impact sur notre culture, c’est renversant… et c’est entièrement grâce à vous.

Je veux remercier tous ceux qui ont aidé. Je veux remercier ceux qui ont édité Wikipédia, contribuant à cette formidable base de connaissances. Je veux remercier tous ceux qui consultent Wikipédia, qui se soucient des idées et de la connaissance.

Nous l’avons créée pour ça. Pour que vous l’utilisiez.

J’ai une petite requête à adresser à chacun de vous. Même si nous avons des millions d’articles, même si nous existons dans des centaines de langues, il reste beaucoup de travail à accomplir. C’est pourquoi j’aimerais que ceux qui n’y ont jamais contribué essayent. Cliquez sur « Modifier ». Vous voyez des erreurs ? Corrigez-les. Rien ne nous fait plus plaisir.

Et donc… Bon anniversaire Wikipédia.

Wikipédia : 10 années de partage de la somme de nos connaissances.




Ce que pensent les internautes de ce que pense Stallman sur le Cloud Computing

Diego da Silva - CC byLorsque Richard Stallman s’exprime, il ne laisse généralement pas la Toile indifférente. Ce qui se comprend aisément puisque, Microsoft, Apple, Facebook, Google…, il critique ouvertement et radicalement ce que tout le monde ou presque utilise au quotidien.

Son récent avis sur le Cloud Computing en général et Google Chrome OS en particulier dans un article du Guardian que nous venons de traduire ne déroge pas à la règle[1].

Jusqu’à donner l’idée à Katherine Noyes de compiler quelques interventions lues dans les commentaires de l’article ainsi que sur le célèbre site Slashdot. Avec ce terrible constat qui ouvre le billet et que je retourne en question aux lecteurs du Framablog : Pensez-vous que Stallman a perdu ?

Déluge de critiques de Stallman sur le Cloud : Prudence ou Paranoïa ?

Stallman’s Cloudburst: Prudence or Paranoia?

Katherine Noyes – 20 décembre 2010 – E-Commerce Times
Traduction Framalang : Olivier Rosseler)

« Je vais pouvoir annoncer à notre bon vieux RMS qu’il a perdu », nous dit hairyfeet, blogueur chez Slashdot. « La partie est terminée, l’ours a été tué et sa peau est depuis longtemps vendue. Regardez simplement avec quel enthousiasme les gens balancent tous les détails de leur vie sur Facebook, vous comprendrez qu’ils font peu de cas de leur vie privée tant que vous flattez leur ego surdimensionné. »

Quand Richard Stallman s’exprime, la communauté du logiciel libre écoute en général, on en a eu une nouvelle démonstration dans la blogosphère Linux la semaine passée.

C’est à l’occasion de la sortie de Chrome OS, le nouveau système d’exploitation de Google, que le fondateur de la Free Software Foundation a donné son avis, et, fidèle à ses principes, on peut dire qu’il ne nous a pas déçus.

La technologie peut « entraîner les gens à utiliser l’informatique imprudemment », confie Stallman au journal The Guardian, lorsqu’elle leur demande de confier leurs données aux nuages plutôt qu’à des machines dont ils ont le contrôle. Pour Stallman, une forte dépendance au nuage est même « pire que stupide. »

Voilà une opinion forte, à n’en pas douter, mais les réactions qui s’ensuivirent dans la blogosphère n’en furent pas moins fortes.


« Il a complétement raison »

Dans les commentaires ici même sur LinuxInsider, phatpingu qualifie les idées de Stallman d’étriquées. « Je trouve ça assez incroyable qu’il imagine que ces questions n’aient pas été soulevées et débattues en interne chez Google et qu’il pense qu’aucune mesure ou règle définissant la propriété des contenus n’ait été mise en place. »

amicus_curious, lui, oppose un avis plus neutre : « C’est toujours difficile de savoir si RMS se donne en spectacle ou s’il croit vraiment en ce qu’il dit. Mais Chrome OS et le nuage de Google n’ont pas grand-chose à craindre du mépris de Stallman. »

Puis il y a aussi ceux qui partagent ses idées. Parmi la centaine de commentaires qu’a reçus l’article du Guardian, blossiekins écrit : « Il a complètement raison. L’informatique dans les nuages ne fait qu’encourager l’ignorance et la nonchalance des utilisateurs vis-à-vis de leurs données et de ce qui en est fait. »

« Google n’est pas un joli Bisounours qui veut s’occuper de vos données simplement parce qu’il est gentil, il veut s’en occuper parce que ça lui apporte des informations », poursuit blossiekins. « Et plus les choses avancent, plus les risques font froid dans le dos. »

Depuis quelques jours, les arguments pro et anti Stallman résonnent dans la blogosphère, Linux Girl décida alors d’en savoir plus. L’impression dominante dans la blogosphère ne tarda pas à se faire entendre.

L’avantage des logiciels libres

« RMS a évidemment raison », d’après le blogueur Robert Pogson en réponse à Linux Girl, par exemple. « Pour utiliser Chrome, il faut faire confiance au nuage, ce qui est le cas de la plupart d’entre nous. »

Prenez, par exemple, Facebook, suggère Pogson.

« Des centaines de millions de personnes y passent des heures, malgré les innombrables problèmes de sécurité que le site a connus cette année », fait-il remarquer. « Des millions d’utilisateurs font confiance à Google et M$ aussi, mais je pense qu’ils le regretteront tôt ou tard. Je ferais bien plus confiance à un nuage construit avec des outils libres plutôt qu’à un trou noir. »

Pogson rappelle que le nuage a de gros avantages, économiquement parlant, principalement dus aux économies d’échelle dont peuvent bénéficier les grandes entreprises comme Google.

« Les particuliers comme les PME seront tentés d’externaliser leurs emails, leurs données, leurs sauvegardes et la gestion de leurs documents dans le nuage », prédit-il. « Je m’attends à une explosion du marché du nuage en 2011, ainsi que de celui des logiciels libres. Choisir des outils libres plutôt que ceux de M$ ou des solutions « maison » dans les nuages apportera des avantages. »

« La fin de la vie privée »

En effet, « ça me fait mal de l’avouer, vraiment, mais je suis d’accord avec RMS », commence hairyfeet, blogueur chez Slashdot. « Nous offrons les détails de nos vies entières à ces méga-entreprises, et le pire, c’est qu’en retour on ne reçoit rien, même pas un bonbon ou un rabais de 20% sur notre prochain achat. »

« C’est la raison pour laquelle j’ai changé de navigateur, pas pour Chrome ou même Chromium, mais pour Comodo Dragon, dont la philosophie est NE ME PISTEZ PAS », dit hairyfeet.

Malheureusement « Je peux dire à notre bon vieux RMS qu’il a perdu », poursuit-il. « La partie est terminée, l’ours a été tué et sa peau est depuis longtemps vendue. Regardez simplement avec quel enthousiasme les gens balancent tous les détails de leur vie sur Facebook, vous comprendrez qu’ils font peu de cas de leur vie privée tant que vous flattez leur ego surdimensionné. » Ils ne se rendent sûrement même pas compte « qu’une fois identifiés sur Facebook, ils sont reconnus par quasiment TOUS LES SITES, puisqu’ils sont presques tous interconnectés maintenant. En naviguant, ils laissent donc derrière eux des traces aussi visibles qu’un A380 partout où ils vont », ajoute-t-il.

Alors, « je suis désolé mon bon vieux hippie, mais c’est la fin de la vie privée, tuée par l’ego surdimensionné des gens », conclut hairyfeet.

« Le nuage ? Un effet de mode »

« Je pense que le nuage n’est qu’un effet de mode. On perd le contrôle de nos propres données, en espérant simplement que notre fournisseur fasse bien son boulot avec les sauvegardes », témoigne Gerhard Mack, consultant à Montréal et blogueur pour Slashdot. « Et que faire lorsque je n’ai pas accès à Internet ? ».

Et c’est vraiment « ce qui me gêne le plus avec mon téléphone sous Android », dit-il. « La plupart des applications ont besoin d’une connexion pour fonctionner, mais qu’est-ce que je peux faire si je suis dans une petite ville où j’arrive à peine à capter un réseau 2G et que j’ai besoin des indications du GPS ? Et si j’ai besoin de me servir du traducteur espagnol dans un sous-sol ? »

« C’est du vécu, et ça me laisse penser que le nuage a encore des fortes lacunes », conclut-il.

« Les petites lignes vous (en) privent »

« RMS a absolument raison à propos de l’informatique dans les nuages » acquiesce Barbara Hudson, blogueuse chez Slashdot, plus connue sous le pseudo de Tom sur le site. « Il faut être très attentif lorsqu’on sacrifie notre vie privée sur l’autel de la facilité. »

Les règles de partage de l’information de Gmail, par exemple, sont faites pour « protéger Google, pas pour vous protéger vous, si quelque chose se passe mal », nous explique Hudson. « Pour dire les choses autrement : ce que les grandes lignes vous offrent, les petits lignes vous en privent. »

Mais elle fait tout de même remarquer que Google a déjà, par le passé, refusé de partager avec le gouvernement ses historiques de recherche détaillés.

« Mais bien malin celui qui saura dire ce que nous réserve l’avenir. N’oublions pas que si le magazine Time n’a pas choisi Julien Assange comme personnalité de l’année, c’est, au moins en partie, par peur d’être placé sur la liste noire du gouvernement, aux côtés du New York Times ainsi que cinq autres journaux » dit Hudson.

« Je veux une garantie »

Il faut alors bien vous demander si « vous voulez vraiment que votre hébergeur dans les nuages et ses associés puissent exploiter vos projets commerciaux, vos feuilles de calcul et votre correspondance, professionnelle et personnelle », s’interroge Hudson. « Ou encore si vous désirez devenir la cible d’une perquisition demandée par votre ex-épouse ou par un tordu avec une idée derrière la tête? »


Elle conclut en disant que « Au moins, lorsqu’il s’agit de mon propre disque dur je peux encore dire : Il me faudrait un peu plus qu’une confiance raisonnable, il me faut une garantie ».

Notes

[1] Crédit photo : Diego da Silva (Creative Commons By)