The free software movement is a political cause, not a technical one.

Central GNU - Wrote - CC By

« The free software movement is a political cause, not a technical one. »

Cette citation est extraite d’un tout récent message de Richard Stallman sur la liste emacs-devel[1].

Elle résume bien, je crois, sa manière de voir les choses ainsi que la différence entre Free Software et Open Source[2].

Par contre notre groupe de travail Framalang a un peu souffert pour la traduction française. En voici quelques propositions.

  • Le mouvement des logiciels libres relève d’une idéologie politique, pas technique.
  • Le mouvement du logiciel libre repose sur des considérations politiques, pas techniques.
  • Le mouvement du logiciel libre a des aspirations politiques, pas techniques.
  • Le mouvement pour le logiciel libre répond à des motivations politiques, pas techniques.
  • Le mouvement du logiciel libre est un enjeu politique, pas technique.

À moins que vous ayez vous aussi votre proposition, laquelle choisiriez-vous ?

Et question subsidiaire : êtes-vous d’accord avec Stallman ?

edit : ajout des propositions apparues dans les commantaires

  • Le mouvement du logiciel libre est une problématique d’ordre politique et non technique.
  • Le Libre est une démarche politique, pas technique.
  • Le mouvement des logiciels libres relève d’un idéal politique, pas technique.
  • Le logiciel libre, ce n’est pas de l’informatique, c’est de la politique.
  • Le Mouvement du Logiciel Libre est un mouvement politique, pas technique.
  • Le mouvement du logiciel libre est un combat politique, pas technique.

Notes

[1] Photgraphie de Wrote titrée central gnu et sous licence Creative Commons By.

[2] Au sujet de la confusion et/ou polémique entre Free Software et Open Source on pourra lire Pourquoi l’« open source » passe à coté du problème que soulève le logiciel libre de Richard Stallman.




Finir ensemble la traduction du livre « Free as in Freedom » ?

Free as in Freedom - Sam Williams - cover

Le 31 mars 2007 je lançais ce petit appel sur notre forum :

Je ne voudrais pas être grandiloquent (ou "librocentriste") mais je tiens Richard Stallman pour l’un des personnages les plus importants de notre temps. Et si la culture libre continue de se déployer (jusqu’où ? on n’en sait trop rien) c’est un peu grace à ce drôle de petit bonhomme têtu.

Il y a quelques années (2002) est sortie en langue anglaise une biographie de Richard Stallman "Free as in Freedom" par Sam Williams (chez O’Reilly). Elle n’a été traduite (et imprimée) qu’en italien (langue que je maîtrise un peu, tout de moins mieux que l’anglais). J’ai eu alors l’occasion de me procurer ce livre et je l’ai trouvé fort intéressant. Je ne dis pas qu’il passionnera la ménagère de moins de cinquante ans mais ce qui est sûr c’est qu’il n’est pas uniquement réservé au geek informaticien (j’en suis la preuve !). Toute personne un tant soit peu curieuse de comprendre la genèse du mouvement logiciel libre et la personnalité de la plus célèbre de ses figures de proue y trouvera son compte (comme par exemple un visiteur du réseau Framasoft).

Etrangement dans le monde de l’édition francophone on trouve bien une biographie de Loana mais pas de traduction de cette biographie de Stallman (je suppose qu’O’Reilly à dû décider que ça n’était pas rentable).

Qu’à cela ne tienne et si on réalisait ensemble cette traduction ? Ca ferait en bout de chaîne un chouette Framabook non ?!

Précisons, s’il en était besoin, que le livre est sous licence libre (la GNU FDL) ce qui justement rend possible cette traduction (pour l’anecdote ce n’était pas l’intention de départ de Sam Williams de placer son livre sous licence libre mais c’est Stallman qui a insisté et quand Stallman insiste…).

C’était aussi l’occasion pour nous de tester les vertus du wiki puisque nous avions proposé de réaliser ce travail directement dans Wikisource, la bibliothèque libre de Wikipédia.

Toujours est-il qu’une fois le message publié et punaisé, nous ne nous en sommes plus occupés à Framasoft, ayant pas mal d’autres chats à fouetter par ailleurs.

Le résultat des courses c’est que nous sommes aujourd’hui à mi-chemin de la traduction, ou presque, puisque six chapitres sur quatorze ont été traduits (mais il y a aussi les annexes et puis la relecture). C’est pas si mal en fait pour un projet non structuré et non suivi (c’est-à-dire pas du tout cathédrale mais totalement bazar[1]).

Dans ces conditions, et comme dirait Jean-Claude Dusse, il serait dommage de ne pas conclure non ?

Nous recherchons donc des volontaires traducteurs[2] par finir ensemble le travail toujours sur Wikisource mais cette fois-ci en se regroupant au sein d’une liste de discussion dédiée histoire d’être en synergie, de se repartir les tâches et de se motiver les uns les autres 😉

C’est pourquoi je invite les (gentils) volontaires à se faire connaître en m’envoyant un message à l’adresse suivante :

« freeasinfreedom AT framasoft.net »

Merci de votre attention et de votre éventuelle participation[3].

Richard Stallman - Chrys - CC-By

Et pour finir, un peu de poésie avec ce très court extrait du chapitre IV, situé vers la fin des années soixante-dix, où Stallman se retrouve à Boston au département de recherche en intelligence artificielle du Massachusetts Institute of Technology (le célèbre MIT) :

Pour le génie traité en paria qui s’associe peu à ses pairs collégiens, c’était une expérience enivrante que de soudainement se retrouver avec des gens qui partageaient cette même prédilection pour les sciences informatiques, la science fiction et les repas chinois. « Je me souviens de beaucoup de levers de soleil vus en voiture en revenant de Chinatown, » se remémore Stallman avec nostalgie, quinze ans après les faits lors d’un discours à l’Institut Technique Royal de Suède. « C’était magnifique que de voir un lever de soleil, car c’est un moment très calme de la journée. C’est un temps merveilleux de la journée pour aller se préparer à dormir. Il est de toute beauté de rentrer chez soi alors que se pointe la lumière du jour et commencent à chanter les oiseaux; vous pouvez y trouver une véritable sensation de douce satisfaction, de tranquillité reliée au travail que vous avez accompli cette nuit-là. »

Notes

[1] En référence au célèbre article La cathédrale et le bazar de Eric S. Raymond.

[2] Précisons que si vous souhaitez assurer seulement la relecture vous pouvez très bien vous inscrire sans forcément bien maitriser l’anglais. Précisons également que nous avons déjà une petite équipe de traducteurs à Framasoft, dont on voit souvent les productions sur le Framablog, mais ils sont tous occupés à d’autres travaux et donc indisponibles pour cette traduction qui nécessite clairement de nouvelles énergies.

[3] Photographie de Chrys sous licence Creative Commons By.




Il est plus facile de convaincre avec une valise de 235 millions de dollars

Dans la série « j’aimerais beaucoup arrêter les billets sur Microsoft mais… »

C’est en souhaitant introduire la courte traduction[1] ci-dessous que j’ai découvert le site de Projetice et par là-même retardé cette mise en ligne.

À l’école, le logiciel libre vs Microsoft, ce n’est pas vraiment arguments contre arguments. C’est plutôt arguments contre arguments + 235,5 millions de dollars.

Ce qui, associé au fait que Bill Gates avec sa fondation est le plus grand bienfaiteur vivant de l’humanité, complique passablement les choses…

Copie d'écran - Matt Jansen - Blorge.com

Comment Windows XP éloigne Linux des enfants

Windows XP takes Linux away from our children

Matt Jansen – 22 janvier 2008 – Blorge.com

Microsoft vient d’annoncer qu’elle allait consacrer des millions de dollars dans le monde entier à former écoliers et enseignants à l’utilisation de ses logiciels. Cela aura pour conséquence de rendre Linux moins visible à nos enfants et de perpétuer la dépendance à Windows XP et Vista.

Là où Microsoft se montre très habile, c’est que cette initiative va lui valoir une image de grand philanthrope parmi le corps enseignant des pays concernés. Mais surtout, d’après le New York Times « Au cours des cinq prochaines années, Microsoft va investir 235,5 millions de dollars dans des établissements scolaires du monde entier, et ce dans le cadre d’une initiative visant à tripler le nombre d’étudiants et de professeurs formés sur ses logiciels, qui devra atteindre les 270 millions d’ici à 2013 ».

Bien évidemment, avant de recevoir la moindre subvention, l’école devra être équipée de Windows XP ou de Vista. Microsoft a déjà employé ces méthodes par le passé pour écraser la concurrence, par exemple lorsqu’elle a décidé de fournir Internet Explorer gratuitement pour étouffer Netscape et l’exclure du marché.

Ce sont les projets open-source tels que les distributions GNU/Linux qui offrent aujourd’hui la parade la plus crédible à la suprématie de Microsoft dans le domaine des systèmes d’exploitation. Même les systèmes d’exploitation pour plateformes mobiles concurrents tels qu’Android de Google sont basés sur une technologie et un modèle commercial issus du logiciel libre.

Pourtant, même un projet tel que GNU/Linux peut être vaincu s’il ne bénéficie pas d’une visibilité suffisante. Microsoft le sait et tente de verrouiller un marché qui compte des candidats de choix pour l’apprentissage des nouvelles technologies : les enfants.

Si Microsoft peut continuer à exposer les enfants à Windows XP ou Vista dès leur plus jeune âge, il leur semblera plus naturel de conserver le même système d’exploitation tout au long de leur scolarité, et ils s’attendront à utiliser Windows à leur entrée dans le monde du travail.

La stratégie classique de Microsoft diffère fondamentalement de celle des projets open-source tels que GNU/Linux. Tout d’abord, Microsoft vend ses logiciels puis cherche à engranger des revenus supplémentaires en vendant des services pour ces mêmes logiciels, tout en utilisant une partie de ces rentrées d’argent pour financer des coups marketing comme sa donation de 235,5 millions de dollars.

Les projets GNU/Linux, quant à eux, offrent leurs logiciels et leur code à qui les veut, ce qui crée un marché pour des entreprises de service et de formation. Il en résulte une pléthore de variantes de GNU/Linux, qui toutes disposent de budgets marketing moins conséquents, et une cohésion moindre.

Toutefois, des organisations telles qu’OLPC œuvrent dans le même domaine, et Microsoft reconnaît que « Dans les pays en voie de développement, Microsoft doit faire face à la compétition farouche de sociétés promouvant le système d’exploitation open-source Linux et les logiciels qui y sont associés. » « En tant qu’entreprise, » a déclaré Orlando Ayala (du département éducation de Microsoft), nous considérons la variété d’offre comme bénéfique. Nous estimons que la concurrence est une bonne chose. »

Notes

[1] Traduction : DonRico – Relecture : Daria – Validation – Yostral




Ma petite entreprise… ou comment économiser cent mille dollars avec les logiciels libres

Contando Dinheiro - Jeff Belmonte - CC-BY

La communauté n’apprécie généralement pas que l’on insiste avant tout sur l’argument du prix[1] lorsque l’on évoque le logiciel libre. Reconnaissons pourtant que c’est un argument de poids lorsqu’il s’agit d’évoquer le logiciel libre et le monde pragmatique de l’entreprise.

100.000 dollars (un peu moins en euros) d’économie grâce aux logiciels libres, voilà un titre qui fera tout de suite son petit effet chez le décideur pressé.

Mais ce qui pourra aussi faire son petit effet, avec la liste détaillée ci-dessous, c’est de constater qu’aujourd’hui le logiciel libre est capable de répondre à tous les besoins informatiques d’une petite (et moins petite) entreprise.

Nous espérons donc, avec cette courte traduction témoignage[2], être utile et donner des idées aux entrepreneurs et futurs entrepreneurs, aux PME, PMI, etc.

Avec le bémol suivant (outre la précision du chiffre avancé sujette à caution). On peut, comme nous en invite les auteurs en fin d’article, se demander nous aussi combien le logiciel libre nous aura fait épargner. Ce qui se résume à se demander combien le logiciel libre nous aura apporté.

Mais on peut également se demander ce que nous-même avons apporté au logiciel libre. Parce que c’est bien gentil de s’extasier sur les économies conséquentes réalisées. Mais si l’on ne donne rien en retour (temps et/ou argent) alors quelque part on rompt le cercle vertueux.

Screenshot - ChaseSagum site

L’Open Source m’a fait économiser 100 000 $

Open Source Saved Me $100,000

01 février 2008 – ChaseSagum.com

Ma femme et moi avons créé une société de développement internet en juin 2007. Ce faisant, nous avons cherché dès le début du coté des applications open source pour nous aider à gérer notre entreprise dans l’optique d’économiser de l’argent. L’utilisation de logiciels libres plutôt que de logiciels propriétaires devait nous permettre de garder aussi bas que possible nos frais généraux. En cherchant les alternatives aux logiciels open source (c’est-à-dire des logiciels achetés), qui pourraient être réellement bénéfiques pour notre activité et pour ce que nous réalisons, il a été étonnant de voir combien d’argent nous aurions pu y laisser. Je ne vais pas perdre de temps à vous décrire les logiciels payants que nous aurions pu acheter. Je vais plutôt partager avec vous la liste des applications open source que nous avons pu utiliser à la place, nous permettant ainsi une économie estimée au bas mot à environ 100 000 $. Je dis au bas mot, parce que malheureusement, la plupart des logiciels payants trouvent le moyen de sortir dans une nouvelle version chaque année vous obligeant souvent à repasser à la caisse.

Voici à quoi ressemble cette liste :

La dernière chose que nous avons inclus dans nos coûts a été l’hébergement de notre site web. Parce qu’utilisant des logiciels open source, notre compte Bluehost ne nous coûte que 6,95$ par mois pour 1,5 Go d’espace disque et 15 To de transfert. Rien que cela, le fait que nous soyons une entreprise internet, nous a fait économiser un paquet d’argent !

Sur le plan des coûts en terme de logiciels, et aussi des coûts de développement pour créer certains de ces outils, nous avons estimé que notre société a pu ainsi économiser 100000$ grâce à ces applications libres. Vous pouvez dire waouh ! Et je ne parle même pas de que ces applications nous ont apporté jusqu’ici. Ce serait une toute autre discussion. Ici, il ne s’agit que de l’argent économisé. C’est tout.

Comment est-ce possible? Grâce à toutes les personnes qui croient que l’open source doit exister. Ce qui ne cessera de me surprendre, c’est que beaucoup d’entreprises continuent à vivre en ignorant ces merveilleux outils. J’aimerais savoir combien d’argent vous avez économisé grâce à l’open source ! Alors s’il vous plaît laissez un commentaire et partagez vos chiffres avec nous. Merci.

Notes

[1] Illustration : Contando Dinheiro par Jeff Belmonte et sous licence Creative Commons BY.

[2] Traduction GaeliX (et relecture Mben) pour Framalang. Nous avons choisi de conserver l’expression open source en lieu et place logiciel libre parce qu’il nous a semblé qu’elle était ici plus proche de l’esprit des auteurs (et de leur culture américaine).




Comment l’Eee PC m’a montré que j’avais tort à propos de Linux

EeePC - François Schnell - CC By

Difficile de ne pas être au courant, l’Eee PC d’Asus[1] vient enfin de sortir officiellement en France.
Contrairement à Nitot et Stoehr je ne l’ai pas encore eu entre les mains[2] mais je suis de ceux qui pensent qu’avec lui, l’OLPC XO et autres CloudBook, on tient effectivement une petite révolution ou plutôt une belle librévolution.

Il y a tout d’abord son prix qui est franchement exceptionnel par rapport à ce que l’on a connu par le passé.
Ce prix casse une barrière à n’en pas douter. Il permet ainsi par exemple aux plus aisés de s’acheter un ordinateur nomade d’appoint idéal pour surfer dans les zones wi-fi, aux plus démunis de s’offrir leur premier ordinateur, aux écoles de s’équiper à moindre coût, aux parents d’en offrir un perso à leur progéniture, etc.

Il y a également son orientation internet.
Mine de rien il entérine la nouvelle donne qui voit bon nombre de nos données et ressources quitter notre disque dur pour se promener (tranquillement ?) sur internet. Si je regarde nombrilistiquement mon propre cas (messagerie Gmail, traitement de texte et tableur Google Documents, liens Del.icio.us, photos Flickr[3], actualités RSS, connaissance Wikipédia…) je m’aperçois que je n’utilise plus mon lecteur/graveur CD/DVD et qu’il me suffit de n’importe quel ordinateur connecté à internet pour pouvoir travailler (et ce quelque que soit l’OS de l’ordinateur hôte). Et si il faut tout de même conserver quelques documents, une bonne petite clé USB[4] fait fort bien l’affaire. En fait l’Eee PC c’est un peu comme un client léger relié à un drôle de serveur à savoir… internet !

Enfin, et surtout, l’Eee PC est bourré de logiciels libres à commencer par son système d’exploitation GNU/Linux (distribution Xandros adaptée[5]).
On y trouve en effet le navigateur Firefox, la messagerie Thunderbird, la suite bureautique OpenOffice.org, la messagerie instantanée Pidgin, le logiciel de dessin Tux Paint… sans oublier une icône Wikipédia d’accès direct à l’encyclopédie.

Ainsi donc tout client de l’Eee PC va se trouver au contact de ces logiciels libres et peut-être sûrement pour la première fois pour bon nombre d’entre eux. Quand bien même cet ordinateur soit loin d’être parfait et même loin d’être totalement libre, c’est ce qui me semble le plus important avec l’Eee PC : sa faculté à démontrer immédiatement non plus en théorie mais directement en pratique que Linux et les logiciels libres, ça marche et ça marche plutôt bien !

C’est pourquoi nous avons choisi de parler de l’Eee PC à la lumière d’un témoignage[6]. Celui d’un utilisateur lambda bluffé par les capacités de cet ordinateur mutant. Un utilisateur qui identifie bien la source de son étonnement : Linux et les logiciels libres. Un utilisateur qui n’hésite pas alors à revenir sur ses positions et préjugés à propos de Linux. Puissent les autres futurs utilisateurs de l’Eee PC suivre le même chemin…

Screenshot - Blorge.com

Comment le portable Asus EeePC m’a montré que j’avais tort à propos de Linux

How the ASUS EeePC showed me I was wrong about Linux

John Pospisil – 29 janvier 2008 – Blorge.com

Jusqu’à récemment je pensais que Linux était réservé aux enthousiastes et aux entreprises “près de leur sous”, qui cherchaient pour je ne sais quelle raison une alternative à Windows. Je n’avais jamais pensé que Linux pouvait contribuer à l’informatique grand public. Cependant après avoir acquis l’EeePC d’Asus, un micro-portable basé sur Linux, j’ai réalisé que j’avais tort, vraiment tort.

Je pense que le problème était que je n’avais jamais vraiment compris ce qu’était Linux.

Bien sûr je reconnaissais les lacunes de Windows et les dangers d’un monde devenu bien trop dépendant de Microsoft, mais de mon point de vue, Windows répondait très bien aux besoins d’un utilisateur moyen (de même que, dans une moindre mesure, Mac OS).

Ce n’est pas que je n’aimais pas Linux, c’est juste que je ne le prenais pas au sérieux. J’ai bien ri quand j’ai lu l’article de mon collègue expliquant que Linux était le nouvel Amiga. Nous savons tous ce qu’il est advenu d’Amiga.

Linux était mal fichu, difficile à utiliser et pas vraiment au niveau dans le domaine des jeux vidéos. Ou du moins c’est ce que je pensais à tort.

Même quand j’ai acheté le EeePC au supermarché du coin, j’ai plaisanté avec le vendeur en disant que “Pour ce que j’ai besoin de faire, je suis sûr que même Linux sera à la hauteur.”

Curieusement, le vendeur était un spécialiste de Linux et il a commencé à me faire la leçon sur les avantages de Linux.

Je me disais “cause toujours” en payant le vendeur et j’ai quitté le magasin en marmonnant au sujet des Linuxiens.

C’est vrai que je n’avais pas de grandes attentes sur Linux, donc quand j’ai commencé à jouer avec le EeePC j’ai été agréablement surpris de voir qu’il était vraiment très simple à utiliser.

Si vous avez déjà utilisé une interface graphique (que ce soit Windows, Mac ou même Amiga) il vous faudra au plus un quart d’heure pour comprendre comment utiliser le EeePC.

Je m’attendais à un cauchemar pour connecter le EeePC au réseau Wifi mais il ne m’a fallu que 2 minutes.

Je ne m’attendais pas à ce que le navigateur web fonctionne correctement, mais Firefox sur EeePC semble fonctionner aussi bien que sous Windows.

Je m’attendais à subir une régression avec le traitement de texte et le tableur de la suite OpenOffice pre-installée, mais je n’ai eu aucun problème pour travailler avec des documents Word et Excel complexes transférés depuis mon ordinateur de bureau.

Je ne m’attendais pas à pouvoir lire des fichiers vidéos, mais le logiciel fourni SMPlayer n’a aucun problème à lire les fichiers DivX.

Je m’attendais à avoir des soucis pour transférer des fichiers d’une clé USB vers le EeePC, mais une fois encore aucun problème.

Jusque-là, c’était une très bonne expérience avec Linux sur le EeePC. Evidemment le système était préinstallé et réglé pour ressembler à Windows, mais ce sont des remarques un peu hors-sujet. Il est clair que Linux fonctionne, et fonctionne bien, comme système d’exploitation d’un consommateur moyen.

Ce qui m’impressionne vraiment au sujet de Linux est qu’il permet à des machines comme le EeePC d’être fabriquées et vendues à un coût très bas :

  • Premièrement le fait que Linux soit open-source signifie évidemment que le constructeur n’a pas à payer de licence pour chaque système d’exploitation installé.
  • Deuxièmement, Linux est beaucoup moins gourmand en ressources que Windows XP ou Vista, donc il fonctionne bien avec des machines disposant de composants moins performants. Mon EeePC utilise un Celeron 900Mhz, 512MB de Mémoire vive et un disque dur de 4 Go, et Linux fonctionne sans aucun problème.

Je n’ai jamais fait le premier pas pour devenir un utilisateur de Linux, mais après avoir utilisé le EeePC, je m’imagine très bien utiliser Linux sur mon portable principal, mais probablement pas sur mon PC de bureau car il y a un grand nombre d’applications qui ne fonctionnent que sous Windows et sans lesquelles je ne pourrais tout simplement rien faire. C’est néanmoins un grand changement par rapport à mon état d’esprit d’il y a encore quelques semaines, je n’aurais même pas envisager utiliser Linux.

Peut-être que le EeePC montrera à d’autres sceptiques les possibilités offertes par Linux. Et peut-être que ceci est simplement un autre petit pas dans la lutte pour arracher des mains de Microsoft la domination du marché des systèmes d’exploitation.

Non, Linux ne va pas subitement se retrouver à prendre des parts de marché significatives à Microsoft, mais à sa façon, l’EeePC démontre que Linux est vraiment une alternative viable à Windows.

Notes

[1] Pour un petit tour promo de l’Eee PC sur le site officiel d’Asus tapez là.

[2] Notre ami François Schnell l’a également eu entre les mains comme l’illustre sa photographie qui ouvre ce billet (sous licence Creative Commons By).

[3] Une petit prière pour que Del.ico.us et Flickr, propriétés de Yahoo! ne passent pas chez Microsoft !

[4] Pour la clé USB c’est encore meilleur avec la Framakey inside !

[5] Rien ne vous empêche de changer de distribution Linux d’origine comme le montre cette vidéo de Nitot avec Xubuntu inside.

[6] Merci à toute l’équipe Framalang pour la traduction dont Coeurgan, Yostral et GaeliX.




Le logiciel libre est l’arme secrète de Google contre Microsoft

Google Search : Linux

« Quelle est la plus grande menace pour Microsoft : Google ou le logiciel libre ? Les deux mon capitaine, qui plus est lorsqu’ils travaillent main dans la main. » C’est peu ou prou ainsi que débute cette nouvelle traduction[1] issue, une fois n’est pas coutume, du RedmondMag.com (dont on peut saluer la liberté de ton).

Parce que si il est vrai que le logiciel libre fait de plus en plus vaciller le géant c’est peut-être son alliance avec Google qui portera le coup de grâce…

On comprendra au passage pourquoi Google ne serait pas Google sans le logiciel libre et pourquoi le logiciel libre est actuellement tant est si bien soutenu par Google qu’il lui est difficile de le critiquer objectivement.

Screenshot - RedmondMag.Com

L’arme secrète de Google

Google’s Secret Weapon

Glyn Moody – Janvier 2008 – RedmondMag.com

Tout en minimisant sa compétition directe avec Microsoft, le géant de la recherche continue à travailler en silence sur des projets open source pour mettre des bâtons dans les roues de son grand rival.

Quelle est la plus grande menace pour la domination de Microsoft : la firme Google ou l’open source ? La réponse est : les deux, particulièrement lorsqu’ils travaillent main dans la main.

"L’open source est l’outil suprême du capitalisme logiciel" affirme Matt Asay, vice président du développement commercial chez Alfresco Software Inc., une société spécialisée dans la gestion de contenu d’entreprises 1 open source. "Il permet aux fournisseurs de s’adapter finement à leurs clients et à leurs prospects tout en ruinant les efforts de leurs concurrents qui veulent faire payer les licences de leurs propres produits. C’est la tactique qu’a employée Google avec succès et qui a chamboulé le marché des logiciels au tournant du siècle."

Le géant de la recherche prend toujours soin d’apaiser la spéculation faite sur la menace pesante d’une guerre des titans. Lorsque Google a ajouté une application de présentation à sa suite bureautique en ligne, par exemple, le PDG Eric Schmidt a déclaré catégoriquement que ce n’était pas un concurrent de Microsoft Office.

D’autres, comme Raven Zachary, directeur de la recherche open source chez The 451 Group[2], expriment un avis différent. "Il est vital pour Google d’ébranler la domination de Microsoft Office pour promouvoir son offre de suite bureautique en ligne" dit-il. "C’est de la concurrence, point."

Google peut essayer de minimiser cette compétition autant qu’ils veulent en public, en coulisse ils savent très bien que Microsoft a dépensé 6 milliards de dollars pour faire l’acquisition de la société de publicité numérique aQuantive Inc. pour lancer une offensive musclée contre Google sur son propre terrain. Le passé montre que Microsoft ne s’arrête pas tant qu’il ne domine pas le secteur dans lequel il se lance, on peut donc difficilement dire qu’une cohabitation pacifique soit envisageable.

Face à ce problème complexe, la fourmilière de doctorants de chez Google a trouvé la solution parfaite : avoir un outil pour combattre Microsoft sans vraiment en avoir l’air. L’open source se trouve au coeur de leur stratégie.

Ouvert pour affaire

La plupart des gens savent que les vastes cheptels de serveurs de Google, on parle de centaine de milliers de machines, tournent sur des versions personnalisées de GNU/Linux. Moins nombreux sont ceux qui savent également qu’ils font un usage intensif de la principale base de données open source : MySQL.

(Google est) l’exemple d’une entreprise qui n’aurait concrètement pas pu exister telle qu’on la connait avant le développement de Linux ou de l’open source" d’après Jim Zemlin, directeur exécutif de la Linux Foundation, l’organisme qui rétribue Linus Torvalds pour son travail sur le noyau Linux. "S’ils avaient dû s’appuyer sur Microsoft ou Sun non seulement cela aurait été trop cher, mais surtout ils n’auraient pas pu réaliser les modifications nécessaires à la création de leurs services."

Ce dernier point est confirmé par le manager des programmes open source chez Google, Chris DiBona, qui a rejoint la compagnie en août 2004 pour superviser et coordonner les activités open source : "Ce qu’il y a de bien avec l’open source c’est que c’est un peu comme s’il était à vous. Dites vous bien que Google fournit un effort de développement de logiciel énorme, si nous devions nous plier aux restrictions que le code propriétaire nous impose nous ne serions pas capable de développer à ce rythme soutenu."

Google contribue à l’écosystème open source en employant certains de ses meilleurs codeurs.

"Nous les employons parce que les avoir dans nos équipes permet à nos projets d’avancer, ce qui est bon pour nous" ajoute DiBona, "et l’utilisation que nous faisons des projets trace parfois la voie qu’ils peuvent emprunter." Parmi les recrues on trouve de gros poissons comme Andrew Morton, numéro 2 dans le monde Linux, Greg Stein, l’un des directeurs de l’Apache Software Foundation et Jeremy Allison, l’un des leaders du projet Samba qui fournit les services de fichiers et d’impression open source aux clients SMB/CIFS dont Windows fait parti.

Un autre vétéran de l’open source ayant rejoint le vivier de Google est Ben Goodger, ingénieur en chef de Firefox. Les liens entre Google et ce concurrent de plus en plus sérieux d’Internet Explorer sont bien plus profond cependant. Google est le principal moteur de recherche de Firefox, à la fois dans le champ de recherche dédié et sur la page d’accueil par défaut au premier lancement de Firefox.

En octobre 2007 on a appris que l’organisation derrière Firefox, c’est-à-dire la Mozilla Foundation, a empoché 66 millions de dollars en 2006 grâce à ces partenariats avec les moteurs de recherche, ce qui représente une augmentation de 50 millions de dollars par rapport à l’année précédente. Cela signifie que Google, qui est de loin celui qui paie le plus pour ces requêtes, finance concrètement le développement de Firefox et de Thunderbird, le concurrent de Microsoft Outlook développé par Mozilla, et de ce fait affaiblit doucement l’hégémonie de Microsoft sur le marché des navigateurs et des clients de messagerie.

Google a aussi commencé à organiser des rencontres de haut-niveau où des personnes clés du logiciel libre travaillant sur un projet peuvent se réunir et se rencontrer en face à face, ce qui reste quelque chose qui ne se produit que rarement autrement. Par exemple en novembre 2006 des programmeurs importants travaillant sur la distribution Ubuntu (celle qu’installe Dell Inc. sur ces PC grand public tournant sous GNU/Linux) se sont réunis sur le campus de Google, le Collaboration Summit de la Linux Foundation s’y est tenu en juin 2007 et en septembre 2007 les développeurs responsables de Python se sont rencontrés pour travailler sur la version 3 du langage. Python est l’un des trois langages de programmation utilisé intensivement par Google (les deux autres étant Java et C++) et son créateur, Guido van Rossum, travaille également pour Google.

Un amour de vacances

Mais ce ne sont pas que les superstars de l’open source qui bénéficient de l’attention et des bien-faits de Google. En 2005, le géant de la recherche a démarré son programme "Summer of Code" grâce auquel des étudiants en informatique reçoivent un financement de Google pour travailler sur un projet open source pendant leurs vacances d’été. Ce programme donne un coup de pouce à ces projets et augmente leur viabilité en injectant du sang neuf.

Comme le dit Sebastian Kügler du projet d’environnement de bureau KDE (en cours de portage sur Windows) : "C’est la vraie idée derrière Summer of Code : inoculer aux étudiants le virus du logiciel libre, leur donner la chance de grandir dans une communauté comme la nôtre."

Comme l’explique DiBona il y a un autre avantage plus subtil. Grâce au Summer of Code, "Google connait désormais tous les gens travaillant sur les projets dont Google dépend" dit-il. "Ca nous est vraiment utile. Lorsque nous sortons une nouvelle API nous savons qu’il y aura des projets dans le monde open source soit pour l’utiliser soit pour en être client. On peut simplement les appeler et dire "Salut les gars, c’est Google, on est votre ami" et les laisser jeter un coup d’oeil.

Google soutient également les logiciels libres en mettant à disposition son code sous des licences open source (généralement la licence Apache comme c’est le cas par exemple pour la nouvelle plateforme mobile Android). Leur plus grosse contribution jusqu’à maintenant est peut-être Google Gears. "Gears est une extension open source pour votre navigateur qui permet aux développeurs de créer des applications Web qui peuvent fonctionner hors-ligne" explique DiBona. "On aurait pu se contenter de sortir l’extension pour nos applications, mais grâce à l’open source d’autres personnes peuvent l’employer sans crainte, ils savent que personne n’abandonnera cette technologie parce qu’ils la possèdent aussi."

La sortie de Gears dans un format open source encourage une adoption plus large dans la communauté des logiciels libres et au-delà. Si Gears trouve son public et que les utilisateurs ont la possibilité d’utiliser des applications Web hors ligne grâce à leur navigateur, alors le système d’exploitation sous-jacent devient moins important et la main mise de Microsoft sur l’environnement de bureau est affaiblie.

Se battre sur deux fronts

Le résultat de toutes ces initiatives discrètes et distinctes entreprisent par Google pour soutenir l’open source est que Microsoft ne se retrouve pas devant un seul concurrent sérieux mais devant deux qui fonctionnent en collaboration étroite.

"Je pense que cela met le pression sur Microsoft, ils s’y attendaient certes, mais pas aussi rapidement et pas aussi violemment" dit Eric Raymond, auteur d’une analyse des logiciels libres qui fait école "La Cathédrale et le Bazar".

"Ils se disaient sûrement qu’ils avaient le temps pour se préparer avant que Linux n’amène son environnement à maturité, un processus qui ne pouvait qu’être long et douloureux." dit-il. "Et bien ils n’ont pas eu ce luxe, leur main-mise est maintenant attaquée de deux côtés et Google restera une menace suffisamment sérieuse même si l’environnement Linux devait se planter."

De plus, les choses risquent de se corser encore plus à mesure que d’autres entreprises réalisent qu’une manière d’affaiblir Microsoft est de renforcer l’open source. C’est l’un des principaux axes de la stratégie d’IBM depuis presque une décennie, depuis qu’ils ont abandonné leur propre serveur Web et adopté le logiciel libre Apache en 1998.

Depuis ils ont adapté GNU/Linux pour tout leur hardware et fait don de plus de 40 millions de dollars de leur code pour lancer le projet Eclispe pour concurrencer Visual Studio de Microsoft. Plus récemment, l’autre grand rival de Microsoft sur la toile, Yahoo! Inc. s’est joint au club des défenseurs de l’open source en ouvrant les API de ses services, en lançant les Open Hack Days aux Etats-Unis, au Royaume Uni et en Inde et en rachetant Zimbra Inc. qui développe des outils open source de messagerie et de collaboration pour la somme annoncée de 350 millions de dollars.

A l’instar de Google, Yahoo a également engagé certains de ses programmeurs open source les plus importants, comme l’expert de MySQL Jeremy Zawodny et Doug Cutting, l’un des chefs de file dans le domaine des technologies des moteurs de recherche. Cutting travaillera à plein temps sur son système open source Hadoop qu’il décrit sur son blog comme étant "un système de fichiers inspiré de celui de Google et un système de calcul distribué inspiré de celui de MapReduce, là encore de Google."

Tout comme Google a réussi son coup en redirigeant la puissance de l’open source contre Microsoft, Yahoo espère réussir la même chose avec Hadoop. Et évidemment la salve tirée par Yahoo offre en bonus la possibilité de prendre Google pour cible.

Notes

[1] Traduction Olivier et GaeliX pour une relecture Daria from Framalang.

[2] NdT: The 451 Group est un laboratoire d’analyse indépendant spécialisé dans les technologies de l’industrie, en particulier ce qui concerne l’innovation informatique.




Ce qui caractérise les utilisateurs de logiciels libres

Shaymus022 - CC by-saAlors voilà. Nous y sommes. Le logiciel libre est clairement en train de gagner la bataille du desktop. Quelque soit son système d’exploitation, on trouve désormais des logiciels libres de grande qualité répondant à tous les usages de base (web, bureautique, graphisme, multimédia…). Dans le même temps des distributions GNU/Linux toujours plus conviviales arrivent à maturité et les revendeurs ne s’y trompent pas puisqu’ils commencent à en proposer au grand public dans leurs offres d’ordinateurs neufs.

Cependant n’oublions pas la phrase en exergue de ce blog : « …mais ce serait peut-être l’une des plus grandes opportunités manquées de notre époque si le logiciel libre ne libérait rien d’autre que du code ».[1]

En effet, utiliser des logiciels libres c’est non seulement faire des économies, c’est non seulement se retrouver avec plein d’applications qui nous comblent au quotidien mais c’est aussi et surtout adopter certains comportements (et rompre avec d’autres), participer à un mouvement et, osons le mot, faire partie d’une culture.

Une culture qui favorise l’écoute, l’indépendance et l’autonomie. Une culture de coopération et non de compétition. Une culture aux antipodes de certaines logiques et structures politico-économiques qui nous demandent avant tout d’être des consommateurs passifs. Il serait non seulement dommage mais fort dommageable que la nouvelle génération d’utilisateurs fraîchement débarqués du monde Windows, et dont Framasoft se réclame, perde cela de vue…

La traduction que nous vous proposons aujourd’hui brosse le portrait d’un utilisateur de logiciels libres[2] en soulignant neuf caractéristiques qui le distinguent justement de l’utilisateur de logiciels propriétaires.

Parce qu’il en va de la responsabilité de tous que cette précieuse culture ne se dilue pas avec sa démocratisation…

9 traits caractéristiques des utilisateurs de logiciels libres

9 Characteristics of Free Software Users

Bruce Byfield – 9 janvier 2008 – Datamation
(Traduction Framalang : GaeliX et Olivier)

Un système d’exploitation n’est pas qu’un code source, il véhicule aussi une culture. Cet état de fait m’est soudainement revenu à l’esprit au cours des vacances quand plusieurs membres de ma famille et des voisins m’ont assailli de questions sur le dépannage de leurs ordinateurs sous Windows. Bien qu’aucun d’entre nous n’ait eu une véritable formation en informatique, je ne sais presque rien sur Windows, j’ai été en mesure de résoudre les problèmes qui déconcertaient les autres – non pas parce que j’ai la science infuse, mais parce que la culture du Libre dans laquelle je baigne tous les jours m’a rendu plus apte à faire face à ce genre de situation.

Les origines de ces cultures sont plus ou moins évidentes. Windows et d’autres logiciels propriétaires sont les produits du marché commercial du logiciel. Dans cette culture, l’information circule essentiellement dans une seule direction : elle émane du fabricant. L’obsession des éditeurs pour la propriété intellectuelle et la main-mise des revendeurs encourage cette culture à réduire les utilisateurs au rôle de consommateurs aveugles.

En revanche, la culture du Libre a deux origines. La première, c’est la culture Unix, qu’Eric Raymond décrit dans « L’art de programmer sous UNIX », et qui met l’accent sur l’excellence. La seconde est l’ensemble des quatre libertés qui définissent un logiciel libre.

Il est vrai que les utilisateurs finaux sont peu susceptibles de s’intéresser eux-mêmes aux libertés d’étudier ou d’améliorer un programme. Mais l’existence de ces libertés pour les développeurs conditionnent les attentes de tout le monde. En outre, les libertés d’exécuter les programmes et de les redistribuer permet à chacun de s’affranchir d’un des aspects les plus pénibles de la culture propriétaire. En tout cas, ces origines créent des utilisateurs plus actifs et plus exigeants que ceux des logiciels propriétaires.

Ce n’est pas une surprise, ces différences d’origines amènent à des attentes différentes. Il y a certes des exceptions et l’amélioration des compétences de l’utilisateur tend à gommer ces différences. En outre, des logiciels libres comme Firefox et OpenOffice.org sont de plus en plus courants sur des plates-formes propriétaires. Et, de même, la culture propriétaire s’immisce dans le logiciel libre car il devient une grosse affaire.

Pourtant, la plupart du temps, vous pouvez vous attendre à ce que les utilisateurs de logiciels libres diffèrent des utilisateurs de logiciels propriétaires sur un certain nombre de points fondamentaux. Le fait d’avoir conscience de ces différences peut avoir un impact considérable sur votre réussite lors de la commercialisation ou du développement de logiciels.

1. Les utilisateurs de logiciels libres désirent des licences ouvertes et non pas des méthodes d’activation

Des éditeurs propriétaires comme Adobe et Xara qui ont fait l’expérience du portage sous GNU/Linux de leurs logiciels sont arrivés à la conclusion que les utilisateurs de logiciels libres n’iront pas acheter de logiciels commerciaux. Toutefois, comme l’ont prouvé des entreprises comme Red Hat et Mandriva, ces conclusions sont plus le fait d’une incapacité à concevoir de nouvelles méthodes de travail que d’une observation de la réalité. A défaut d’autre chose, les utilisateurs iraient le plus souvent acheter dans le commerce afin d’avoir le confort d’une relation traditionnelle avec un fournisseur.

Toutefois, lorsqu’ils ont ce luxe, les utilisateurs de logiciels libres rejettent les licences propriétaires ou les méthodes d’activation qui restreignent leur liberté de copier et redistribuer le logiciel. Certains peuvent accepter les licences propriétaires si ils ne trouvent pas les mêmes fonctionnalités ailleurs. D’autres peuvent accepter une licence propriétaire pour les logiciels non-essentiels, comme les jeux. Mais, au premier signe d’alternative, ils vont abandonner le produit propriétaire. Et beaucoup, bien entendu, n’accepteront même pas ces compromis temporaires.

Si vous cherchez à vendre quelque chose à la communauté du Libre, ne cherchez pas à faire de l’argent avec le logiciel mais cherchez les services que vous pouvez développer autour du logiciel. Ou pensez-vous que c’est un hasard si le partage de fichiers et de la culture libre ont leurs racines dans la communauté du logiciel libre ?

2. Les utilisateurs de logiciels libres désirent avoir des mises à jour et des corrections de façon régulière

Les systèmes d’exploitation Libres sont conçus pour la gratification instantanée. Vous voulez un nouveau logiciel ? Basculer vers le compte root et en l’espace de cinq minutes, vous l’avez, installé et prêt à être utilisé sans redémarrer la machine.

Cette fonctionnalité basique à pour conséquence les mêmes attentes élevées en ce qui concerne les mises à jour et les correctifs. Dans les logiciels libres, les mises à jour et les correctifs ne sont pas un événement annuel pour le logiciel complet avec des bêta-versions. Ils sont plus proches de l’occurrence quotidienne. Les personnes en charge de la maintenance de ces logiciels prennent cette responsabilité tellement au sérieux que l’on a déjà vu nombre d’entre eux prendre sur leur temps personnel pour s’assurer qu’une correction d’anomalie ou qu’un correctif de sécurité sorte aussi rapidement que possible.

3. Les utilisateurs de logiciels libres désirent travailler comme ils l’entendent

En passant de Windows à GNU/Linux, la première chose que les utilisateurs sont susceptibles de remarquer est le nombre d’options de personnalisation qui sont disponibles ne serait-ce que pour l’apparence et le fonctionnement du bureau. A la limite, ils sont presque enclins à penser qu’il y a trop d’options disponibles. Souvent même ils sont surpris de se retrouver devant plus de possibilités qu’ils n’en auraient espérées.

Ces options sont la conséquence directe du sens du contrôle que le logiciel libre encourage chez ses utilisateurs. Non seulement ils s’attendent à pouvoir utiliser les menus, les barres d’outils ou les raccourcis clavier qui ont leur préférence, mais ils s’attendent de plus à contrôler la couleur, les widgets et même l’emplacement des fonctionnalités du bureau de façon simple et efficace. S’ils font le chemin inverse, passant de GNU/Linux à Windows, ils vont se sentir limités, obligés de faire les choses de la façon dont les développeurs ont voulu qu’ils les fassent, plutôt que de fonctionner uniquement suivant leurs propres préférences.

4. Les utilisateurs de logiciels libres désirent avoir le contrôle de leurs propres systèmes

Pour un utilisateur de logiciels libres, l’un des aspects les plus ennuyeux de Windows XP ou Vista, c’est d’être constamment perturbé par les pop-ups. Le système lui-même vous informe des mises à jours disponibles, des éventuels risques de sécurité et de l’état actuel de votre système. Et il n’est pas inhabituel pour votre éditeur de logiciels d’avoir ses propres messages en plus de ceux émis par Java et plusieurs autres programmes. Pendant ce temps, le système d’exploitation et une ou deux autres briques de base logicielles communiquent et les technologies de verrouillage se mettent à contrôler votre informatique. Parfois, vous avez l’impression d’être interrompu toutes les 30 secondes dans votre travail.

Les gestionnaires de bureau dans les systèmes d’exploitation libres commence à émettre des notifications, mais, jusqu’à présent, elles le sont pour l’ensemble du système. Mais surtout, elles peuvent être désactivées. Les utilisateurs avertis de GNU/Linux ou FreeBSD savent que ce types d’évènements basiques sont consignés dans des fichiers de log où l’on peut les consulter à loisir.

Quant au verrouillage ou aux technologies de surveillance, oubliez les. Beaucoup d’utilisateurs de logiciels libres se méfient des outils de sondage automatiques, même relativement innocents comme le Concours de Popularité Debian ou Smolt, sans parler de tout ce qui leur ôterait le contrôle des mains.

5. Les utilisateurs de logiciels libres aiment explorer

J’ai été en mesure de résoudre deux des problèmes Windows auxquels j’ai dû faire face durant les vacances en un rien de temps. L’un simplement en raccordant le moniteur à la carte vidéo dédiée au lieu de celle embarquée sur la carte mère. L’autre en utilisant un gestionnaire de fichiers à la place des outils dédiés fournis avec le nouveau matériel. Quand je leur ai demandé pourquoi ils n’avaient pas cherché une éventuelle solution, ceux que je dépannais marmonèrent, puis finirent par avouer qu’ils avaient peur d’essayer.

Pour moi, ces réactions incarnent l’impuissance acquise que le logiciel propriétaire encourage habituellement. Avec seulement un nombre limité d’outils visibles sur le bureau – de nombreux profondement enterrés dans plusieurs boîtes de dialogue imbriquées – et la plupart de ces outils ne donnant aucune indication sur la manière dont ils arrivent au résultat – l’utilisateur moyen de Windows n’est pas vraiment incité à apprendre l’administration de son système.

De l’autre coté, sur les systèmes libres, l’exploration est facile. La plupart des configurations, par exemple, se font en utilisant les fichiers texte en clair, que vous pouvez consulter à partir de votre gestionnaire de fichiers. Et puisque l’exploration amène des résultats rapides et probants, les utilisateurs de systèmes d’exploitation libres sont encouragés à explorer et à devenir demandeurs de ce type de fonctionnalités. Mettez-les sur un système Windows et ils vont probablement se plaindre d’être isolés du système, comme s’ils essayaient de faire de la saisie avec des moufles.

6. Les utilisateurs de logiciels libres désirent s’entraider

Les utilisateurs de logiciel libre n’ont rien contre les fichiers d’aide. A vrai dire, ils les aiment. Pour les pages « man » Unix traditionnelles, ils ont les pages d’informations en ligne de commande et l’aide en ligne sur le bureau. Mais ils sont beaucoup moins susceptibles que les utilisateurs propriétaires d’attendre un support technique formel. Au lieu de cela, ce qu’ils attendent ce sont les moyens de s’aider eux-mêmes, pas seulement les fichiers d’aide, mais un accès facile aux fichiers de configuration (de préférence en texte clair, lisible par l’homme), ainsi que les mails, les forums, les canaux IRC où ils peuvent se consulter les uns les autres. Une philosophie du « prend toi en main » est sous-jacente chez presque tous les utilisateurs de logiciels libres. Plus ils les utilisent, plus elles sont ancrées en eux.

7. Les utilisateurs de logiciels libres n’ont pas peur de la ligne de commande

Pour les utilisateurs de Windows, la ligne de commande est une chose effrayante. Et ce n’est pas étonnant, compte tenu de sa pauvreté et des ses limitations ; une nouvelle version était une des caractéristiques promises pour Vista mais elle a été abandonnée. Mais la ligne de commande est beaucoup plus conviviale dans les systèmes d’exploitation libres que dans Windows et de nombreux utilisateurs se familiarisent rapidement avec elle.

Dans presque tous les cas, une commande saisie a plus d’options et de puissance que son équivalent graphique dans le logiciel libre. Les utilisateurs se feront un plaisir d’utiliser l’interface graphique, mais, lorsque sa limite est atteinte, beaucoup basculeront avec autant de plaisir vers la ligne de commande. C’est en partie une attitude de geek, mais la vraie raison est le simple aspect pratique. À moins que les concepteurs d’interfaces arrivent à offrir les mêmes fonctionnalités que la ligne de commande, cela ne changera pas et pour être honnête, peu cherchent vraiment à le faire.

8 Les utilisateurs de logiciels libres apprennent des catégories de logiciels, pas des programmes

Empêchés d’apprendre facilement leur système d’exploitation, les consommateurs de logiciels propriétaires fonctionnent comme s’ils lançaient des sorts – recettes rituelles qui, si elles sont utilisées de façon adéquate, leur donneront les résultats escomptés. Ajouté au fait que les logiciels propriétaires peuvent être coûteux, ils ont tendance à se familiariser avec une suite bureautique, un navigateur Web et un client de messagerie. En conséquence, changer de logiciel peut être traumatisant pour eux.

En revanche, les utilisateurs de logiciels libres se trouvent avoir à la fois la connaissance du système et une sélection de logiciels à expérimenter. Ils peuvent s’arrêter à logiciel précis dans chaque catégorie, mais seulement après avoir expérimenté toutes les autres possibilités. S’ils ont besoin d’une fonctionnalité qui n’est pas prise en charge par le logiciel qu’ils avaient choisi, ils lui trouveront un remplaçant temporaire ou permanent, confiants que les autres fonctionnalités dont ils ont besoin seront dans les deux programmes. Beaucoup plus que chez les utilisateurs de logiciels propriétaires, leur loyauté est provisoire et tributaire de la qualité et de la sélection. Ils n’ont pas cet investissement financier qui enchaîne l’utilisateur de logiciels propriétaires à un fournisseur particulier et ne voient aucune raison de changer cela.

9. Les utilisateurs de logiciels libres désirent avoir accès aux développeurs et aux autres membres de la communauté

La communauté Libre peut se targuer d’être une méritocratie où le statut est le résultat d’accomplissements et de contributions. Comme le statut dépend de ce que vous avez fait récemment, il est moins immuable que dans un environnement classique. Même lorsque des dirigeants naturels existent, ils sont plus souvent considérés comme premiers parmi leurs pairs que comme ayant un contrôle direct sur les autres. Cela signifie que les membres de la communauté ne peuvent pas s’isoler derrière le mur de l’autorité. Les membres de la communauté ont généralement un accès direct aux chefs de projets, généralement via mail et IRC. Et personne parmi les chefs de projet ne s’oppose à cet arrangement.

Même dans les entreprises, les traces de cette structure horizontale existent. Au lieu d’y résister, les gestionnaires intelligents vont l’accepter et ne revendiqueront une place à part qu’en raison de leur position.

Conclusion

Combien de temps ces caractéristiques du logiciel libre vont continuer d’exister, cela est incertain. Au cours des dernières années, une nouvelle catégorie d’utilisateurs de systèmes d’exploitation libres sont apparus: ceux qui ne font que de la bureautique. Dans une hâte de devenir plus ergonomique – ce qui signifie généralement semblable à Windows – il est possible que la culture de l’utilisateur de logiciels libres devienne méconnaissable pour les utilisateurs de longue date dans les prochaines années.

Mais, cela semble peu probable. Principalement car la mouvance « strict utilisateur bureautique » ne peut pas saper la culture du Libre au point d’en faire une niche, isolée, traitée comme un cas particulier. À moins qu’ils ne se contentent de rester dans leur routine, sous un an ou deux, les utilisateurs bureautique devront faire face à un problème qu’ils ne pourront résoudre sans devenir soit plus aventureux soit plus en contact avec la véritable culture libre. Le jour où cela se produira, ils auront fait le premier pas pour s’éloigner de leur statut de consommateurs passifs pour devenir les propriétaires de leurs propres machines.

Bruce Byfield est un journaliste informatique qui écrit régulièrement pour Datamation, Linux.com, et Linux Journal.

Notes

[1] Citation issue du reportage d’Arte Nom de code : Linux.

[2] Crédit photo : Shaymus022 (Creative Commons By-Sa)




Guerre contre l’Empire – épisode 37 – formats ouverts – ODF vs OOXML

C’est toujours un peu la même histoire… Une histoire qui risque bien d’être au cœur politique, économique, écologique et social de ce siècle : un monde non marchand qui cherche à se faire une place dans des espaces toujours plus réduits et convoités par un monde marchand. Une histoire où le logiciel libre a son mot à dire en affirmant, confiant mais lucide, que la route est longue mais la voie est libre

L’épisode du jour c’est la question des formats, véritable ligne de front entre le monde libre et le monde propriétaire. Les enjeux sont en effet plus qu’importants : la transparence, l’interopérabilité et la pérennité de nos données numériques (qui à l’avenir seront presque synonymes de nos données tout court !).

Et pour ce qui est des formats numériques en bureautique alors là c’est carrément la guerre ouverte avec une opposition frontale entre l’OpenDocument et l’Open XML (ou OOXML) de Microsoft. Mais il y a Open et Open. Quand le premier offre de solides garanties le second ne semble être avant tout qu’une manœuvre pour conserver une position dominante de fait (dont le piratage massif de la suite Microsoft Office n’est pas étranger soit dit en passant)[1].

D’un côté le libre et ses arguments et de l’autre le propriétaire dont les arguties pseudo-pragmatiques à court terme chechent à retarder l’échéance pour continuer le plus longtemps possible à engranger des bénéfices (et rassurer les actionnaires). Nonobstant les moyens considérables à disposition de Microsoft pour faire pression sur les structures et pouvoirs en place, l’échéance est pourtant bel et bien inévitable comme nous le rappelle l’article ci-dessous.

Traduit par nos petits activistes de FramaLang[2], il nous vient de Red Hat, société (et distribution) bien connue du monde Linux et très active dans la promotion de l’OpenDocument.

Screenshot - Red Hat Magazine web site

ODF : Le format inévitable

ODF: The inevitable format

T. Colin Dodd – 25 juillet 2007 – Red Hat Magazine

En 1999, un scientifique voulut consulter des données sur les échantillons collectés sur le sol de Mars en 1975 par la sonde Viking. Il souhaitait en effet tester une théorie sur la détection de l’existence de bactéries et de microbes Martiens – en d’autres termes, trouver de la vie sur Mars. Le scientifique pensait qu’il trouverait ce qu’il cherchait quelque part sur un site de la NASA, mais ce ne fut pas si simple. Les données originales avaient été égarées, et lorsque l’on retrouva les énormes bandes magnétiques qui conservaient les données, elles étaient "dans un format si ancien que le programmeur qui le connaissait était mort." Par chance quelqu’un trouva une imposante impression papier de ces données et la compréhension de l’univers par l’humanité se développa un peu plus… Le sentiment tragique qui aurait accompagné la perte de cette connaissance est l’écho des récits de la destruction de la Bibliothèque d’Alexandrie, et probablement ce pourquoi les autodafés sont un signe certain d’une société malade.

Bien sûr, toutes les données perdues ou inaccessibles ne contiennent pas des preuves de la vie sur Mars, et toutes les bribes d’informations n’ont pas besoin de survivre à leur créateur. Beaucoup de documents illisibles ne manqueront jamais, mais une politique publique responsable demande que les documents gouvernementaux – contrats, actes notariés ou enregistrements juridiques qui font autorité pour des décades ou même des siècles – doivent être archivés et accessibles. Quel que soit le cas, quand la donnée est stockée et partagée dans un format ancien ou propriétaire disparu, elle deviendra au fil du temps onéreuse d’accès ou disparaitra entièrement à tout jamais.

Lorsque l’on parle de créer, partager ou stocker numériquement des documents, la technologie qui prévient le dépérissement des formats existe déjà et elle est largement (et de plus en plus) utilisée. Elle s’appelle l’Open Document Format (ODF) et si vous ne l’utilisez pas aujourd’hui, vous le ferez sûrement un jour.

ODF, un langage de description de document basé sur le XML, a été initialement développé en 1999 par StarDivision, et ensuite par le projet OpenOffice.org de Sun Microsystem[3]. Conçu comme une alternative libre aux logiciels de gestion de documents propriétaires, qui dominaient alors le marché, la force motrice soutenant l’ODF était le besoin d’un format de document indépendant d’un éditeur et d’une application, lisible et enregistrable par tous, sans s’encombrer de royalties dues aux licences. Sa promotion se basait sur le fait que le monde des affaires et les contribuables pourraient économiser de l’argent. Un format ouvert créerait une compétition dans la sphère des applications de gestion de documents. Tous les documents pourraient être lus et partagés par quiconque. Rien ne pourrait se perdre à cause du temps ou suite à des changements dans un code propriétaire ou à des exigences de licences. Des sujets de grand intérêt public – données de recensement, données météorologiques, statistiques sur la santé publique, rapports d’enquêtes, enregistrements de tribunaux ou recherche fondamentale scientifique, tous payés par les contribuables, ne seraient plus encodés dans un format unique, propriétaire et fermé, demandant aux citoyens de payer double pour accéder à leurs propres informations. L’utilisation de l’ODF, disent ses partisans, permettrait de garder public les documents publics.

L’OASIS (Organization for the Advancement of Structured Information Standards) a été fondée en 2002 pour standardiser le format, qui a été reconnu par l’Organisation internationale de normalisation (ISO) en 2006[4]. L’Open Document Format Alliance s’est formée en mars 2006 pour promouvoir le format, et défendre le dossier public, légal et politique pour l’adoption de standards ouverts technologiques auprès des gouvernements et des institutions publiques.

"Red Hat était un membre fondateur de l’Alliance ODF et Tom Rabon (Vice-Président Corporate Affairs) est au comité exécutif," déclare Stéphanie McGarrah, ancienne Responsable des Politiques Publiques de Red Hat. "Red Hat travaille avec les autres membres du comité exécutif pour coordonner les efforts dans les discussions avec les gouvernements du monde entier à propos de l’ODF."

Bien que l’ODF ait été lancé avec beaucoup de bon sens, l’élan d’une large adoption a été entravé par l’inertie bureaucratique, les politiques locales, des idées fausses persistantes (renforcées par ses opposants) à propos de la viabilité de l’ODF et les "dangers" de son adoption. La plupart de la peur, de l’incertitude et du doute ont émané d’une source, dont les formats propriétaires constituent la plupart des documents dans le monde.

Les opposants à l’ODF ne peuvent admettre son adoption inévitable, et pratiquent un lobby actif à son encontre. Ce n’est pas que quelqu’un soit contre le format ODF en lui-même, ou trouve une quelconque vraie raison pour remettre en cause sa nécessité. La logique qui soutient l’ODF et la transparence de sa création est presque inexpugnable. Ce sont plutôt les standards ouverts sur lesquels l’ODF est bâti qui sont le plus souvent attaqués. Du point de vue de ses détracteurs, les choses sont bien telles qu’elles sont actuellement. Le « standard » est le leur. Ils ont la main mise sur le "marché" du document, et l’envisagent comme un "territoire" qu’ils ont "conquis" de façon juste. Ils ne peuvent envisager un futur sans lui (ça ne fait pas partie de leur plan stratégique), et tant que tout le monde utilise leurs applications et leurs formats, pourquoi changer ? Les opposants à l’ODF consacrent des ressources considérables à faire du lobbying auprès des législatures et des conseils d’administrations dans une tentative de les convaincre que l’adoption du format ODF limite en fait leur choix et fait du tort à l’efficacité apportée par le marché en "excluant" des éditeurs comme eux. Ils disent que la migration est coûteuse, et soutiennent même que l’adoption de l’ODF limitera l’accès public en encombrant l’environnement avec de trop nombreux formats "incompatibles". Et qui peut réellement croire tous ces "machins libres", d’ailleurs ?

Mais les partisans comme l’Alliance ODF ont leurs propres arguments, et la plupart d’entre eux sont issus de la preuve du contraire, du genre "En fait, c’est l’inverse qui est vrai…".

L’Alliance ODF défend l’idée que – au contraire – les standards ouverts encouragent le choix et la compétition entre fournisseurs en égalisant le terrain de jeu. Le standard est ouvert et disponible librement pour quiconque veut le mettre en oeuvre. Il n’y a pas de compétition autour du format, mais uniquement sur les applications qui l’utilisent. Dans cet univers, c’est la meilleure application qui gagne. L’alliance ODF souligne aussi que la mise en place ou la migration vers l’ODF n’est pas plus compliquée ou plus coûteuse que la mise à jour périodique d’une version à l’autre d’une application propriétaire, et en limitant les besoins de mises à jour futures, des réelles économies peuvent être réalisées avec le temps. À propos de l’accessibilité, Open Office (et les autres applications conformes à l’ODF) sont librement téléchargeables et prêtes à utiliser dès maintenant. Il n’y a pas de problèmes de compatibilité, disent-ils, seulement des problèmes de non coopération.

« Je pense que certains gouvernements ne sont pas au courant de l’ODF, ou n’ont pas les équipes techniques en place pour comprendre la valeur de l’ODF, » explique McGarrah. « Ainsi, c’est le travail de l’Alliance de diffuser ce message auprès des personnes au gouvernement qui prennent ces décisions ».

Mais l’argument irréfutable en faveur de l’utilisation de l’ODF pour les documents publics est le fait que c’est une meilleure affaire pour les citoyens et les contribuables sur le long terme. Utiliser des « standards » fermés, du logiciel propriétaire pour des documents publics est comme acheter le proverbial siège de toilettes à 10 000 $, ou interdire au gouvernement fédéral de négocier de meilleurs prix sur les médicaments auprès des sociétés pharmaceutiques au nom de patients de Medicaid et Medicare, ou essayer de nourrir une armée et reconstruire une zone de guerre en accordant des contrats secrets, non compétitifs et sans appels d’offre. C’est anti-compétitif dans le pire sens.

Malgré l’opposition, l’adoption de l’ODF suit une progression lente mais inexorable, et plus les politiciens prennent conscience de ce problème, plus l’ODF viendra défier l’ubiquité actuelle des formats propriétaires. Faisant un pas de plus en avant, le Japon a récemment demandé à ce que ses ministères passent des contrats avec des éditeurs de logiciels dont les applications sont bâties autour de standards ouverts. Le Brésil, la Pologne, la Malaisie, l’Italie, la Corée, la Norvège, la France, les Pays-Bas, le Danemark, la Belgique, le Commonwealth du Massachussetts, et le gouvernement de l’État de Delhi en Inde ont tous pris des engagements de principe sur l’adoption de l’ODF et, peut-être plus important, reconnaissent la nécessité d’utiliser des standards ouverts. L’Alliance ODF continue à équiper et éclairer les décisionnaires avec l’information et les outils dont ils ont besoin pour faire des recommandations et des politiques de changement, mais personne faisant la promotion de l’ODF ne pense qu’une large adoption est imminente. Cela prendra du temps.

« Ces décisionnaires ont beaucoup d’autres problèmes à gérer (par exemple : santé publique, éducation, transports, pauvreté…) et les décisions technologiques ne sont généralement pas en haut de leurs listes », déclare McGarrah. « Des progrès ont été faits dans une adoption plus large de l’ODF. Plusieurs gouvernements ont adopté l’ODF ou travaillent sur la mise en place du standard, mais il reste encore beaucoup à faire. »

ODF - Liberate your documents

Liens connexes :

Notes

[1] La situation des navigateurs web est similaire. D’un côté des navigateurs qui respectent les standards (tel Firefox) et de l’autre Internet Explorer qui ne les respecte pas et qui par là-même donne des cauchemars à tous les webmasters en les obligeant à d’usantes circonvolutions pour que leurs sites soient également compatibles visibles sur ce navigateur.

[2] Merci à VLI pour la traduction et Daria et Mben pour la relecture.

[3] NDT : suite au rachat de StarOffice par Sun.

[4] NDT : ISO/IEC 26300, Open Document Format for Office Applications (OpenDocument) v1.0.