Bienvenue à Datastopia

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L’actualité des champions de l’exploitation peu scrupuleuse des données personnelles est malheureusement toujours chargée… Gee nous propose un petit florilège (les sources sont données en fin d’article). Une façon d’illustrer à quoi Contributopia, notre toute nouvelle campagne, se veut une alternative un peu plus réjouissante…

Bienvenue à Datastopia

À l’heure où Framasoft lance sa campagne Contributopia, rappelons que pas mal d’organisations très puissantes tentent au contraire de nous amener doucement vers ce qu’on pourrait appeler Datastopia : la dystopie des données personnelles…

Luke Skywalker, courant avec Yoda sur le dos : « Maître Frama, est-ce que le côté Datastopia est le plus fort ? » Yoda : « Non ! Non ! Plus facile, plus rapide, plus séduisant est le côté Datastopia. Mais pas le plus fort, il est. Vers Contributopia, longue la route est, mais libre la voie est…  Et m'appeler “camarade”, tu peux : ici, de maître il n'y a pas. »

Tout d’abord, jetons un œil chez nos amis étatsuniens, toujours fiers de rappeler qu’ils sont des précurseurs de l’usage cauchemardesque des données personnelles.

Ainsi, la Cour du District de Columbia a émis un mandat exigeant de l’hébergeur DreamHost qu’il fournisse les données pour identifier le million de visiteurs du site disruptj20.org (site d’organisation pour la manifestation en marge de l’investiture de Trump, en janvier dernier).

Gee regarde un PC où on voit une vidéo de Trump qui dit : « Grab them by the web queries. » Gee, blasé : « On dirait que les opposants politiques là-bas vont devoir se mettre à TOR…  Comme dans les dictatures, en fait. Mais il n'y a sans doute pas de quoi s'inquiéter… » Le smiley, déguisé en Zach de la Rocha : « What ? “The land of the free” ? Whoever told you that is your enemy ! »

De notre côté de l’Atlantique, on veut aussi notre part de Datastopia, alors on demande souvent un peu d’aide aux États-Unis.

Par exemple, au Ministère de l’Éducation Nationale, non content d’avoir déjà vendu nos élèves à Microsoft*, on a aussi donné le feu vert pour que les écoles utilisent les services des GAFAM pour stocker leurs données.

Voir l’article « McDonald’s dans les cantines scolaires ».

Un politicien levant les bras au ciel : « Bah oui mais vous comprenez, ma bonne dame, c'est la crise !  Et Google, Amazon, tout ça, c'est gratuit !  Pas comme ces feignants de fonctionnaires qui ont l'outrecuidance de demander à être *payés* pour maintenir des ENT indépendants… » Le smiley, pas content : « “Si c'est gratuit, c'est que ce sont vos enfants, les produits.”  Ça pique, hein ? »

Vos taules en maths, vos heures de colle, votre dossier scolaire… hop, tout ça va potentiellement rejoindre l’énoÔorme silo de données des GAFAM.

Elle est pas belle, la vie ?

Une femme insouciante : « Roooh mais ça vaaaa, de toute façon les ados balancent déjà toute leur vie sur Facebook, alors bon, hein, voilà. » Gee, énervé : « Punaise, mais il me sort par les yeux, cet argument ! C'est pas parce qu'il existe des pratiques pourries qu'il faut encourager le mouvement et l'alimenter ! » Le smiley regarde la femme d'un air cynique : « C'est toujours touchant, cette ambition claire et décomplexée de vouloir rendre le monde meilleur. »

Oui, parce que bizarrement, face aux GAFAM, à la surveillance de masse, tout ça, vous avez deux réponses possibles :

À gauche, la Geekette, les bras croisés d'un air mécontent : « C'est scandaleux ! Pourquoi est-ce que les Américains nous espionneraient comme ça, sans vergogne ? Créons une alternative respectueuse de la vie privée ! » À droite, un connard dans la même position mécontente : « C'est scandaleux ! Pourquoi est-ce que les Américains nous espionneraient comme ça, sans vergogne ? On est assez grands pour faire notre société de surveillance nous-mêmes ! Na ! »

Vous voyez, quand la presse gueule sur l’hégémonie de Google dans la publicité en ligne, le plus souvent, c’est rarement pour critiquer les dérives hallucinantes du financement par la pub et le pistage des utilisateurs : le plus souvent, c’est par volonté de se tailler une part du joli gâteau de Datastopia.

Un commercial avec des lunettes de soleil et un t-shirt « Pub Co », le genre « winner » : « Ami internaute, désactive donc ton bloqueur pour la pub hexagonale !  Fais-toi manipuler FRANÇAIS ! »

Par exemple, sachez qu’un certain nombre de journaux en ligne comme le Figaro, l’Équipe ou Closer utilisent, pour leurs apps mobiles, les services de Teemo, une régie pub spécialisée dans le pistage massif des utilisateurs.

Gee, en tirant la langue d'un air taquin : « Le Figaro, l'Équipe et Closer, vous dites ?  Bon bah j'suis tranquille : je suis pas de droite, j'aime pas le sport et j'ai déjà du PQ à la maison. » Le smiley : « Ouais, et pis installer une app qui se résume à être une visionneuse HTML moins bien foutue qu'un navigateur juste pour lire un journal : c'est non. »

Une enquête de Numerama a révélé que, par le biais de ces applications, Teemo enregistrait les déplacements des utilisateurs en se faisant envoyer la position GPS du téléphone… toutes les 3 minutes.

Les déplacements de 10 millions d’utilisateurs à tout moment sont donc archivées et monnayées par une agence de pub.

Mais tout va bien : c’est une start-up française.

Macron, tout content : « Voilà, et c'est donc grâce au marché libre et dérégulé que des petites start-ups peuvent disrupter et concurrencer de grosses structures comme les RG… » Le smiley, imitant la joie de Macron : « Amen. Le pays est sauvé. »

Pour conclure, n’oubliez pas que le train pour Datastopia ne fonctionne que parce qu’il y a assez de gens pour monter dedans… il n’est pas trop tard pour en descendre.

Luke Skywalker galère sur un vélo, toujours avec Yoda sur le dos : « Je suis content d'avoir sauté du train pour Datastopia…  Mais Contributopia…  y'avait que le vélo, pour y aller ? » Yoda : « À me gonfler, tu vas pas commencer, Luke… » Note : BD sous licence CC BY SA (grisebouille.net), dessinée le 16 octobre 2017 par Gee.

Sources :

Crédit : Simon Gee Giraudot (Creative Commons By-Sa)

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Gribouilleur, scribouillard, docteur en informatique (généraliste conventionné secteur 42), anar, irréaliste & irresponsable, compagnon de route de Framasoft.

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3 Responses

  1. Le brocolis enragé

    Créer un événement annuel « Switch to GNU/Linux «  serait fort intéressant :

    Suite à un appel aux dons dédié, louer un assez grand local, acheter le matos nécessaire, rameuter des bénévoles qualifiés, et appeler le public intéressé par GNU/Linux ( mais n’ étant pas à l’ aise en informatique ) à venir avec son/ses ordi(s) afin de leur installer une distribution ( Manjaro, Lubuntu ? ) ! Et leur filer DVD ou USB avec l’ iso monté, si ils cassent tout par la suite ! + quelques liens webs vers des tutos etc ..

    Bonne fin de semaine ! 🙂