Voyage en Contributopia : ça nous a fait mûrir !

Classé dans : Contributopia (2018-2022), Framasoft | 11

Temps de lecture 23 min

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« Dégoogliser ne suffit pas ! », et c’est avec cette affirmation dans la tête que nous sommes parti⋅es explorer les mondes de Contributopia. Cette aventure de 5 ans (déjà ? !) se termine, et c’est maintenant le moment de confronter nos attentes du voyage et ce qu’on y a vraiment fait. Cap sur ces mondes numériques où l’humain⋅e et ses libertés fondamentales sont respectées !

Planète des services : créer et proposer des outils

En commençant ce voyage, l’association avait vraiment envie de s’impliquer davantage dans la conception de services et d’outils conçus pour favoriser des échanges apaisés. L’envie, c’est bien, mais la réalité peut aussi être autre chose. On vous raconte point par point les différents éléments qui étaient sur notre feuille de route initiale (et aussi comment on a fait bifurquer la barque !)

Bilan de la planète des services

PeerTube libère la vidéo

Alors là, on va se lancer quelques fleurs : PeerTube, c’est un succès !

Notre alternative aux grandes plateformes vidéos (YouTube pour n’en citer qu’une) est un logiciel libre et fédéré qui permet non seulement de visionner, publier et interagir avec des vidéos mais aussi de créer sa plateforme de vidéos. Un salarié de l’association (un seul !) est en charge de son développement, assisté en interne par d’autres salarié·es sur des aspects moins techniques.

La version 1.0 du logiciel, parue en octobre 2018, a remporté rapidement un vif succès. En quelques mois, on comptait déjà environ 14 000 comptes utilisateurs, et près de 100 000 vidéos réparties sur 350 installations recensées publiquement. Depuis, une nouvelle version majeure sort chaque année (la v5 est prévue pour la fin d’année 2022), et PeerTube va bientôt atteindre le million de vidéos hébergées.

On ne va pas refaire ici toute l’histoire de PeerTube (vous pouvez tout retrouver ici), mais dans les temps forts à mentionner : la possibilité de faire des vidéos en direct, le moteur de recherche Sépia Search permettant de chercher toutes les vidéos des instances publiques, la personnalisation de l’interface et de nombreuses améliorations réalisées aussi grâce à vos retours (merci !).

Sépia, mascotte de PeerTube

Mobilizon, pour faciliter rencontres et mobilisations

Pendant ce voyage en Contributopia, Mobilizon fut le deuxième logiciel libre et fédéré développé par l’association (par un seul salarié, là encore). Mobilizon est une alternative aux événements et groupes Facebook qui permet de facilement organiser ses événements et rencontres, sans passer par une entreprise qui raffole de surveillance.

La version 1.0 de Mobilizon, sortie pendant le confinement d’octobre 2020, n’a pour ainsi dire pas bénéficié de l’entrain espéré (Quoi ? Organiser des événements pendant un confinement, c’est pas une bonne idée ?). L’accueil du logiciel a toutefois été très positif. Comme PeerTube, une nouvelle version majeure sort chaque année, et la v3 est prévue pour fin 2022 (vous trouverez toutes les actualités par ici).

Quelques temps forts à mentionner : l’amélioration de l’accessibilité (un travail avec Koena), l’export de liste des participant·es (pratique !), la prise en compte des fuseaux horaires ou encore l’ajout possible de métadonnées pour mettre en avant certaines informations essentielles. Nous avons aussi rapidement décidé de mettre en place une instance dédiée et ouverte au public francophone : mobilizon.fr (essayez donc pour organiser votre prochaine fête d’anniversaire, rencontre-tricot ou manif-climat !).

Rȯse, mascotte de Mobilizon

Pytition : faire entendre les opinions

Après une rencontre bienvenue avec l’équipe de Résistance à l’Agression Publicitaire en 2017, nous avons décidé de ne pas entamer le travail de développement prévu sur un outil de pétitions en ligne. En effet, un de leurs administrateurs avait déjà avancé sur le développement d’un tel outil : Pytition.

L’enjeu restant pour nous particulièrement important, nous avons décidé de soutenir leur travail, plutôt que de créer un n-ième « Framatruc » (et ainsi ne pas tout centraliser chez nous). Framasoft a donc affecté un budget à Pytition. Cela a permis de financer une prestation de design, une partie du travail de développement (faire du temps bénévole investi de véritables journées de travail rémunérées) et la mise à disposition d’une machine virtuelle pour héberger le proto site web.

Cependant les emplois du temps de chacun (y compris du côté de Framasoft) n’ont pas concordé, et « l’usure » due à la pandémie s’est fortement ressentie. Le développement prend donc du temps, et, même si le Pytition actuel est « fonctionnel », il reste trop « frais » pour être proposé à tous les publics.

Nous qui pensions que gérer des projets de développements « extérieurs » nous prendrait moins de temps que des développements en interne, on a appris : l’accompagnement prend du temps, et il est indispensable. Cela nous a ainsi questionné⋅es : quelle énergie sommes-nous capables d’investir dans de tels projets ?

On se sentirait presque comme ces petits poissons dans l’eau, non ?

Framasite ou comment créer simplement son site (spoiler : ça n’existe plus !)

Permettre aux gens de créer leur propre site internet sans passer par une plateforme privée, ça donne envie non ?

Nous avons ouvert Framasite, service d’hébergement et de création de sites web, en 2018 et ainsi proposé un lieu d’expression libre en ligne, sans nécessité de connaissances techniques préalables.

Seulement, Framasite, c’était un service complexe qui reposait sur 3 logiciels libres et une surcouche maison, ce qui le rendait particulièrement difficile à maintenir sur la durée. Ainsi, malgré l’enthousiasme et l’utilité du service, nous nous sommes vite rendu compte qu’en laissant faire, le service pouvait croître de manière illimitée et infinie. Et le problème c’est que plusieurs de nos services en ligne nous ont amenés à cette même conclusion : la situation devenait ni tenable, ni gérable pour notre petite association.

Après de nombreux questionnements et réflexions, Framasoft a pris position en décidant de fermer progressivement certains de ces services, de manière planifiée (on vous en parle plus en détail en dernière partie de cet article). Framasite a donc fermé en juillet 2021.

Planète de l’essaimage : transmettre les savoir-faire

Un monde où chacun et chacune peut acquérir et approfondir son indépendance numérique, nous ça nous fait rêver. Nous avons souhaité favoriser des actions qui encouragent l’autonomie numérique, pour mettre à la portée du plus grand nombre un hébergement de confiance solidaire de nos vies numériques. Une belle vision, même si pas toujours facile à mettre en œuvre.

Bilan de la planète de l'essaimage

Des CHATONS pour favoriser les petits hébergeurs locaux

Le Collectif des Hébergeurs Alternatifs, Transparents, Ouverts, Neutres et Solidaires (CHATONS) a été initié par Framasoft fin 2016 pour donner une suite au projet « Dégooglisons Internet » : permettre aux internautes de s’émanciper en utilisant des outils numériques de confiance (mais cette fois, sans passer par Framasoft).

C’est suite à l’embauche d’Angie en 2019 que la dynamique du collectif aura réellement pris : un tiers de son temps de travail est consacré à animer les échanges entre les membres et à donner davantage de visibilité au collectif et aux structures qui le composent.

Le collectif CHATONS, maintenant reconnu comme solution de confiance pour trouver un hébergeur éthique et des services libres, nous a permis d’essaimer notre projet « Dégooglisons Internet » et d’ainsi explorer d’autres horizons.

Le temps d’animation restant important pour Framasoft, la prochaine étape est la reprise en main progressive de l’animation du collectif… par le collectif lui-même ! Et il se trouve que le sujet est justement en pleine discussion parmi ses membres. Affaire à suivre… !

Trois chatons en pleine exploration

YunoHost ou l’auto-hébergement facile

YunoHost, c’est génial ! C’est un système d’exploitation pour serveur permettant d’installer des services (et leurs mises à jour) en auto-hébergement, facilement, par un clic. Le but de ce projet libre ? Permettre à quiconque d’auto-héberger ses services avec un minimum de connaissances techniques.

Pour soutenir ce projet bénévole, Framasoft, dès janvier 2017, a consacré du temps salarié au développement de YunoHost pour qu’un maximum de services libres de notre campagne « Dégooglisons Internet » puisse être disponible dans cette solution. En 2019 la majorité de ces services y sont présents (mission accomplie !).

Sauf que, si YunoHost a réussi à faciliter grandement l’auto-hébergement, le choix de gérer son propre serveur reste encore difficilement accessible à la majorité des personnes. Nous n’avons donc pas contribué davantage à ce projet pour consacrer nos énergies à explorer d’autres possibles. Et ça aussi, ça fait partie du voyage !

Quand la technique est poétique

Partager notre expérience hors des frontières

« Dégooglisons Internet » est un projet que nous avons volontairement ouvert exclusivement à un public francophone : une petite association française comme la nôtre n’avait pas les épaules pour prendre en charge les données du monde entier, et encore moins l’envie. Seulement, au vu de l’engouement qu’a généré « Dégooglisons Internet » et les questionnements particulièrement riches qu’il a amenés, nous nous sommes mis à rêver. Et si un projet comme « Dégooglisons Internet » pouvait essaimer dans d’autres pays, s’adapter à d’autres cultures, dans d’autres langues et inspirer d’autres collectifs ? Et si « Dégooglisons Internet » devenait un commun international ? (Rien que ça ? !)

Traduction. Le premier pas à franchir est la barrière de la langue : traduire certains contenus a donc été indispensable. Nous avons mené un gros chantier pour rendre différents supports multilangues : articles de blog, pages d’accueil de nos services, site du collectif CHATONS.

Conception d’outils comme des communs internationaux. Nous avons décidé de développer PeerTube et Mobilizon en anglais, puis de les traduire en français. Tout contenu en rapport avec ces logiciels (utilisation du logiciel, actualités, etc.) peut ainsi toucher un public non francophone. Nous avons aussi coordonné la vidéo « What is the Fediverse » en anglais (qui a rapidement été traduite par de nombreuses contributions – merci !). Nos tentatives d’animations sur le réseau social Reddit sont une autre initiative allant dans ce sens.

Interventions en anglais. Nous sommes intervenus en anglais à différentes reprises pour partager notre expérience assez unique : réussir à informer sur les enjeux actuels du numérique tout en proposant des alternatives à une si large échelle tout en restant une structure indépendante du monde capitaliste (sans se la péter, hein !). Nous continuons ces interventions en anglais (tout en assumant notre bel accent), que vous pourrez en partie retrouver sur notre Framatube.

On partait de (vraiment) loin, mais savoir vers où on avait envie d’aller, ça nous a aidées. Le but de tous ces efforts ? Fournir un compost riche, pour que les expérimentations de Framasoft puissent faire germer d’autres initiatives, un peu partout !

Le partage d’expérience, c’est toujours riche !

Contribulle : contribuer au libre

Alors même si on avait trouvé le super slogan « winter is coding », nous n’avons jamais réalisé le projet « Framasoft Winter of Code », un contrepied (de nez) au programme de formation « Google Summer of Code ». À la place, nous avons contribué à Contribulle, un projet qui a pour objectif d’informer sur les nombreuses manières de contribuer au Libre (sans forcément savoir coder) et de mettre en relation les talents et les besoins.

Derrière Contribulle, il y a le groupe de travail « Design et Libre » dont fait partie l’une des membres de Framasoft. Le groupe de travail a exprimé sa volonté de garder une certaine indépendance sur le niveau d’implication de Framasoft dans ce projet (et nous, on trouve ça super !). Nous fournissons ainsi l’infrastructure technique nécessaire à la bonne réalisation du projet (nom de domaine et machine virtuelle pour l’hébergement du site web).

Le projet a été officiellement annoncé en mars 2021 et vous pouvez dès maintenant consulter les différents projets cherchant un coup de pouce, ou proposer le vôtre sur contribulle.org.

Planète de l’éducation populaire : inspirer les possibles

Pour nous, l’éducation populaire, c’est la liberté de chacune et chacun de partager les connaissances et d’y accéder : la base d’un monde meilleur, quoi !

Bilan de la planète de l'éducation populaire

Actions de médiation pour faciliter l’accès à un web éthique

Notre constat de départ : trouver un service web libre et éthique qui corresponde à ses usages demande de nombreuses connaissances et reste difficile d’accès aux personnes les moins à l’aise avec l’outil numérique.

Nous avons donc continué et renforcé nos interventions et ateliers sur le sujet (en présentiel ou en ligne) pour garder un contact humain avec les personnes (c’est toujours bien plus impactant). Vous trouverez quelques-unes de ces interventions sur notre chaîne Framatube.

Nous avons aussi rédigé, soutenu ou participé à de nombreux contenus de sensibilisation et/ou pédagogiques autour du numérique. En voici quelques exemples :

Au fil du temps, nous avons pris conscience que soutenir, participer et réaliser de tels contenus est un levier essentiel pour une émancipation du plus grand nombre, même si un accompagnement humain reste probablement le moyen le plus efficace…

Annuaire « médiation numérique », pratique !

Contribateliers : contribuer au libre

Les Contrib’ateliers sont des rendez-vous de découverte de la contribution au logiciel libre, selon ses compétences et ses envies, et pas seulement sur du code (oui, c’est possible !). Ces ateliers ont commencé sans attente particulière, mais vraiment en se disant « on verra bien si ça prend » – et ça a pris !

Comment ça se passe ? Les co-organisateur·rices réfléchissent à des propositions (des pôles d’activités). Les participant·es choisissent à quel projet libre contribuer parmi ces pôles. Quelques exemples de Contrib’ateliers : participer à la cartographie libre OpenStreetMap, au projet de reconnaissance audio libre Common Voice, à la traduction de logiciels, mais aussi à des discussions autour de la vie privée en général…il y en a pour tous les goûts !

La pandémie passant par là, cette belle dynamique a été un peu chamboulée, mais, continuant sur sa lancée, l’équipe d’organisation a proposé des Confin’ateliers, la version en ligne des Contrib’ateliers.

L’expérimentation a été réellement intéressante, même si le rythme s’est, aujourd’hui, un peu essoufflé. Si l’envie vous prend de rejoindre l’aventure des Contrib’ateliers, sachez que toute l’équipe vous accueillera à bras ouverts !

Un Contrib’atelier pas si commun

MOOC CHATONS : saisir les enjeux des géants du web sur nos vies

Le premier module du MOOC CHATONS « Internet, Pourquoi et comment reprendre le contrôle ? » a été mis en ligne début 2020 (en nous ayant donné du fil à retordre…).

Ce fut particulièrement stressant pour nous de faire en sorte de respecter nos engagements avec notre partenaire (la Ligue de l’Enseignement) et le financeur (la fondation Afnic), tout en faisant face à de nombreux obstacles. Nous avons à différents moments pris de mauvaises décisions (sur la manière d’ordonner nos idées et de nous organiser à plusieurs) et nos équipes (Framasoft et la Ligue) se sont retrouvées en effectif réduit : des conditions non optimales qui nous ont fait prendre un an dans la vue. La sortie du MOOC a donc eu lieu quelques semaines avant l’annonce du tout premier confinement : les équipes de Framasoft ont très rapidement eu beaucoup d’urgences à traiter, prenant la priorité sur la promotion et l’animation du MOOC. Nous n’avons donc pas pu prendre soin du projet ou de sa communauté autant que nous l’aurions voulu.

Toutefois, nous sommes fier⋅ères du travail réalisé et du contenu créé qui correspondent tout à fait au discours porté par l’association autour des enjeux du numérique, et notamment celui de la toxicité des GAFAM.

Cours « hors ligne » des chatons

UPLOAD, un projet sur le long terme

L’Université Populaire Libre, Ouverte, Autonome, et Décentralisée (UPLOAD) est un grand projet d’éducation populaire initié et coordonné par Framasoft (pour le moment), mais dans une logique décentralisée et en réseau.

L’objectif ? Contribuer (à notre échelle) à rendre la société plus juste et notre monde plus vivable, en misant sur la formation des citoyen⋅nes par les citoyen⋅nes. Les sujets traités sont vastes, on inclut ainsi « tous les sujets qui intéressent la société », mais pour le moment surtout en lien avec le numérique (parce que c’est la génétique de Framasoft) et l’écologie (parce que c’est inévitable).

Les principaux projets que l’on trouve dans UPLOAD :

UPLOAD est ainsi un projet expérimental, où, pour le moment, la production de ressources et le tissage de liens prennent volontairement le pas sur la structuration formelle du projet.

Un voyage riche en apprentissages

Comme tout voyage, l’exploration des planètes de Contributopia nous a beaucoup appris. On a expérimenté, essayé, changé d’avis. On s’est formé, on s’est entraidé, on a partagé. Et on a aussi profité de tous ces moments, parce que c’est ça aussi le voyage !

État des lieux de Framasoft en 2022

« Déframasoftisons Internet » : une étape nécessaire et maintenant terminée !

Au fur et à mesure de notre exploration, nous nous sommes rendu compte que rester une petite association à taille humaine (moins de 40 membres dont 10 salarié⋅es) et continuer à un rythme si intense (près de 40 services en ligne à maintenir), ce n’est pas compatible. Nous tenons à notre petite taille, à la qualité des liens que nous avons entre membres et avec le public de l’association. Nous tenons surtout au soin que l’on peut s’apporter les un⋅es aux autres. Grossir n’étant pas une option, nous avons choisi une toute autre stratégie.

Nous avons ainsi, en 2019, annoncé une nouvelle étape : « Déframasoftisons Internet ». Une fermeture planifiée (jusqu’en 2022) de certains services, pour progressivement réduire la charge qui pesait sur nos épaules (tout en proposant des alternatives !). Nous avons pris le temps de détailler nos raisons (en ayant conscience qu’elles pouvaient paraître parfois contre-intuitives).

Maintenant, « Déframasoftisons Internet », c’est fini ! Les différentes fermetures ou restrictions de services sont bel et bien terminées. Nous avons ainsi mis à jour le site degooglisons-internet.org pour laisser une vitrine à l’ensemble de nos services libres et gratuits, à disposition de toutes et tous. Vous trouverez également les alternatives aux services expérimentaux dorénavant fermés sur la page alt.framasoft.org.

Quand Framasoft renvoie vers d’autres hébergeurs éthiques

Nos intentions ont évolué

En expérimentant généreusement sur la planète de l’éducation populaire, nous nous sommes rendu compte que l’association était en pleine mutation, et qu’il était temps de l’officialiser.

Ainsi, notre objet social a évolué pour passer « d’association de promotion de la culture libre en général et du logiciel libre en particulier » en « association d’éducation populaire aux enjeux du numérique et des communs culturels ».

Selon nous, le logiciel et la culture libre restent au cœur des actions de l’association, mais deviennent un moyen, et non une fin. L’objectif devient alors de réfléchir et mettre en place des actions diverses qui facilitent l’émancipation des internautes.

 

L’association réalisant qu’il est temps de changer l’objet social

Framasoft n’est pas bonne partout…

…et on l’assume !

On ne sait pas accueillir la contribution. Le comble ! Dans l’association, beaucoup de projets avancent en parallèle, menés par des membres qui sont déjà sur différents fronts. Nous sommes peu nombreux et nombreuses, nos énergies sont limitées, et quand on nous dit « J’aimerais vous aider », on ne sait jamais quoi répondre. Et c’est en partie parce que l’on sait qu’un accompagnement de qualité demande du temps, et on a plutôt tendance à en manquer !

On ne fait pas émerger une communauté comme par magie. On a voulu laisser Yakforms à la communauté, mais sans l’animer, ça ne fonctionne pas ! En 2020, nous avons fait le choix de séparer clairement Yakforms (le logiciel) et framaforms.org (l’instance de Yakforms gérée par Framasoft), pour faire émerger une communauté pouvant le maintenir quand nous n’en aurions plus les moyens. Seulement, à une période où l’équipe était déjà épuisée, nous n’avons pas eu l’énergie de « pousser » Yakforms pour justement faire émerger cette communauté. Raté !

On a du mal à avancer au rythme des autres. À Framasoft, on aime expérimenter, et en expérimentant souvent on va vite, on essaye, on se plante, on réessaye, on y arrive (ou pas !). En tout cas, les expériences de travail avec d’autres collectifs ou partenaires nous ont appris que souvent nous n’avons ni le même rythme, ni la même façon de travailler, et que ça peut être très frustrant (parce que nous on aime avancer plutôt vite, quitte à se planter…).

Oups !

Archipélisation : les liens avec les autres sont essentiels

On utilise depuis maintenant quelques années la notion d’archipélisation en référence à nos relations avec les autres. Chacun⋅e est une île avec son identité et baigne dans les mêmes eaux que ses voisines, et ça, ça nous parle beaucoup :

Chacun⋅e son identité, sa culture, sa raison d’être, ses objectifs, ses moyens.
Mais on se retrouve sur des valeurs ou des stratégies communes.
On fait le choix de coopérer, même ponctuellement.

Le problème général de notre société étant le système (capitalisme de surveillance), contribuer à un autre système (qui favorise les communs) nous semble une voie d’espoir. Alors, l’idée d’accompagner celles et ceux qui veulent changer le monde vers des usages numériques cohérents avec leurs valeurs, ça nous plaît !

Nous avons ainsi beaucoup expérimenté et tissé de liens avec d’autres acteurs et actrices dont l’objet social n’est pas nécessairement le numérique. Interconnecter différentes militances apporte énormément au savoir commun, et par ricochet au bénéfice commun.

La contribution aux communs, ça génère une sacrée énergie !

L’énergie humaine est la plus précieuse

On a beau s’investir et travailler sur des sujets en rapport avec le numérique, on se rend très bien compte que l’énergie des femmes et des hommes est indispensable.

Dans la force de notre collectif. Framasoft ne souhaite pas grossir pour bien des raisons, et prendre soin de ses membres est une des plus importantes. Garder des relations privilégiées où on peut échanger, débattre, ne pas être d’accord, s’écouter, prendre le temps de se comprendre, et avancer, c’est pour nous essentiel.

Dans l’animation de collectif et de communautés. Pour qu’une dynamique commune prenne, il faut y mettre de l’énergie et de l’énergie humaine ! CHATONS est un collectif qui a pris une fois qu’une personne y a consacré une partie de son temps. La communauté Yakforms n’a pas émergé, car pour le moment personne n’a pris les devants. Comme toute relation qui s’entretient, la vie d’un collectif doit être prise avec soin, où chacun⋅e y met de soi.

Dans l’accompagnement au changement d’outils. Un changement d’outil numérique, c’est un changement d’habitudes, et changer son quotidien c’est difficile. Nous nous rendons compte qu’un accompagnement humain est souvent plus « efficace », moins déstabilisant et plus facile à appréhender. Mais comment trouver un bon équilibre entre accompagner les bénéficiaires et les autonomiser ? Sans trop vous en dire, on va travailler sur la question prochainement.

Petits humain⋅es chatons très investis

Besoin d’affirmer à l’extérieur du pourquoi on fait tout ça

Ce long voyage nous a permis, en tant que collectif, de nous affirmer, d’évoluer et de donner du sens à notre projet associatif. Nous faisons des choix qui ne plaisent pas à tout le monde mais qui sont en accord avec le monde que l’on désire (eh oui, on va continuer à assumer l’écriture inclusive !), une dose de déconne ça nous motive à avancer (framaprout c’est la concrétisation d’une bonne blague), et notre positionnement politique se clarifie (on a de plus en plus envie de s’adresser à celles et ceux qui œuvrent pour plus de progrès social et de justice sociale).

Seulement, ces convictions internes ne sont pas toujours connues par nos bénéficiaires, et parfois en total décalage (non, nous ne sommes pas neutres : nous ne « devons » ni ne voulons cette place !). C’est pour clarifier tout ça au monde (rien que ça ?) que nous avons travaillé dernièrement à l’élaboration d’un manifeste qui exprimera clairement et sincèrement nos intentions aux yeux de toutes et tous. Et on nous glisse dans l’oreillette que très bientôt vous en verrez le bout du nez…

Framasoft, auto-portrait (presque) réaliste

Et maintenant ?

Ce passionnant voyage nous a permis d’expérimenter, d’essayer, de nous tromper, de réessayer, d’être plus à l’écoute de ce que nous voulons, ce à quoi nous aspirons, et ce vers quoi nous voulons aller.

Si nous avons pu l’entreprendre, c’est bien grâce à vous, grâce à vos dons.

On a maintenant envie d’embarquer toute la basse-cour sur notre radeau, parcourir les ruisseaux, les mares, les rivières. Prendre aussi le temps de barboter, de se prendre le bec ou de profiter. Aller plus loin avec celles et ceux qui partagent nos valeurs. Inviter les contributopistes à notre table, préparer ensemble le repas et confronter nos points de vue.

Bref, quelque chose de plus collectif, de plus convivial. Et on vous en parle très vite.

 

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Ressources

Suivre Framasoft:

Réseau d'éducation populaire au Libre. Nous souhaitons faire le trait d'union entre le monde du Libre (logiciel, culturel, matériel, etc.) et le grand public par le biais d'une galaxie de projets à découvrir sur framasoft.org

11 Responses

  1. Stéphane Bortzmeyer

    « eh oui, on va continuer à assumer l’écriture inclusive ! » Avantage du point médian : comme l’ail pour les vampires, il repousse les gens qui ne sont pas forcément intéressants (et qui jettent vite le masque, montrant que le point médian n’est qu’un prétexte, quand ils disent, comme vu récemment sur le Framablog, qu’il ne faut pas parler de sociologie dans un article technique).

  2. Stemy

    Personnellement, j’estime que le succès de peertube est en demi-teinte. Pour 2 raisons:
    -Contre Youtube, c’est le pot de terre contre le pot de fer.
    -Une large partie des instances est gérée par la complosphère et la fachosphère ou sont remplis de rebuts que même les youtubers de la première heure auraient hésité à les poster.

    Pour Yunohost, par expérience personnelle, on finit obligatoirement par rencontrer des problèmes obligeant à mettre malgré tout les mains dans le cambouis, et à moins d’être un nerd irrécupérable dans mon genre, il y a de quoi en décourager plus d’un.e.

    Désolé pour le commentaire un peu rabat-joie, mais la nuance me paraissait nécessaire.

    • Aliko

      « Contre Youtube, c’est le pot de terre contre le pot de fer. »

      Oui, totalement, mais regardons les choses avec logique… Framasoft est une petite association qui veut rester une structure à taille humaine (et c’est tout à leur honneur) et Youtube est the big machine, un rouleau compresseur. Du coup, pourquoi vouloir comparer l’incomparable.

      Le but de base était déjà de commencer par quelque chose, fusse-t-il si petit. Comme on dit : « Les petits ruisseaux font les grandes rivières ».

      Donc, si on se borne à comparer Peertube à Youtube, on ne peut que dire que c’est un échec. Si par contre, on regarde vers le passé, l’époque « pré Peertube », on sait qu’il n’y avait QUE le rouleau compresseur Youtube (et quelques autres géants du web) et rien d’autre en face qui puisse répondre de manière éthique. Du coup, en rapport avec ce dernier constat, c’est clairement une réussite pour moi.

      • Stemy

        Sauf que concrètement, si l’alternative n’est utilisée que par 4 pelés et 1 tondu, elle pourrait très bien ne pas exister que ça ne changerait rien si on parle d’impact global, et ne nous aura pas rapproché d’un millimètre de l’Internet rêvé, qui reste exactement la même dystopie orwélienne.

        • PhRæD

          Certes, mais désormais, l’alternative existe. On ne peut plus pleurnicher dans un coin en maugréant qu’il n’y a pas d’autres choix que les GAFAM pour publier du contenu vidéo.

          Personnellement, je pense que l’arrivée d’application telle que NewPipe (https://linuxfr.org/news/newpipe-une-autre-maniere-de-lire-des-videos-sur-son-telephone) peut permettre la coexitence des 2 mondes :
          – accéder à Youtube sans subir son algorithme ;
          – centraliser mes abonnements à d’autre plateformes dont Peertube ;
          – parcourir mes abonnements sans me soucier de la plateforme d’origine.

          • Stemy

            On peut néanmoins regretter le fait que l’usage de l’alternative implique que ce qu’on y publie ne sera vu par quasiment personne. Une alternative peut-elle réellement être qualifiée comme telle si elle implique une audience proche de zéro ?

    • Adrien

      C’est une petite révolution que de pouvoir aujourd’hui se dire « je n’ai qu’à publier ma vidéo sur PeerTube ! ». Un nouvel outil est apparu, nous permettant de construire de nouvelles choses.

      L’alternative ne recherche pas l’hégémonie, elle cherche à exister. Qu’importe « l’Internet rêvé », c’est dans le présent que nous vivons. Jamais, sans doute, ne sortirons-nous _tous_ les usages des griffes d’acteurs prédateurs. Ce n’est pas grave. Individuellement, nous avons désormais le choix, la liberté de transformer certains usages en engagements vertueux.

      Attention avec le défaitisme ! Il heurte les bonnes volontés aussi sûrement que la répression les mouvements sociaux.

      • Morgan Landry

        Please ignore the haters. If Linus Torvalds listened to this same sort of criticism in 1996 (5 years after he started developing Linux), open source software would not run as much of the internet as it does today.

  3. Tom Baumert

    Ce texte fait un bel écho à ce que nous vivons avec Alternatiba Strasbourg au sein du mouvement climat local et national. L’envie de rester un groupe à taille humaine capable d’expérimenter, aller vers une relation de confiance avec les acteurs des mobilisations sociales, développer des outils d’éducation populaire et des ressources, …
    On est pas plus avancé que vous (enfin je crois ^^), mais complètement en phase avec la manière dont vous appréhendez votre activité. On a hâte de lire votre manifeste. Force à vous !

    • Stemy

      Si votre situation est la même que celle de framasoft, c’est pas vraiment rassurant pour le climat.