Et Dieu créa l’homme à son image de hacker, nous suggère un père jésuite

Né il y a une trentaine d’années, le hacker est très certainement en train de devenir l’une des grandes figures de notre époque contemporaine qui peine à trouver ses héros. C’est ce que nous vous racontons régulièrement en creux ou en plein dans ce modeste blog[1].

Mais il est plus surprenant de se l’entendre dire par le père jésuite Antonio Spadaro qui n’hésite pas à proposer d’audacieux parallèles et y voir l’une des formes les plus abouties de la présence de Dieu en l’homme !

Manuela Ideacrea - CC by

Les moteurs de recherche modifient l’idée même de Dieu

I motori di ricerca cambiano l’idea stessa di Dio

Matteo Lo Presti – 8 janvier 2012 – Il Riformista
(Traduction : Nelly C.)

La philosophie hacker est celle qui pousse à la créativité et au partage, s’opposant ainsi aux modèles de compétition et de propriété privée, c’est du moins ce qu’affirme Antonio Spadaro directeur de la revue Civiltà Cattolica.

Le hacker s’engage à affronter des défis intellectuels pour éviter et dépasser les limites qui lui sont imposées dans ses domaines d’intérêt, Le plus souvent ce terme se réfère à des experts en informatique , mais il peut être étendu à des personnes vivant de façon créative de nombreux autres aspects de leur vie .

Être Hacker c’est donc une philosophie, un mode de vie, un comportement existentiel , où se mêlent jeu et engagement, et qui pousse à la créativité et au partage, s’opposant ainsi aux modèles de contrôle, de compétition et de propriété privée. Cette définition simple et tranquille ne provient pas d’une encyclopédie informatique mais de la revue des pères Jésuites Civiltà Cattolica, fondée en 1850.

L’auteur de cet article est le jeune directeur de la revue, Antonio Spadaro, auteur de nombreuses critiques littéraires, et observateur attentif des problèmes contemporains.

Spadaro soutient qu’entre ses besoins et ses attentes l’homme doit faire face à une situation de finitude qui doit être interprétée avec authenticité et plénitude. « J’ai été frappé », explique-t-il dans le bureau particulièrement ordonné du couvent où il vit, « par les nombreuses réflexions provenant du monde anglo-saxon sur la signification de l’action humaine, sur le thème du travail non plus vu comme une malédiction biblique mais comme une participation joyeuse à la vie du monde : un défi intellectuel, pour cerner la présence de l’homme sur la Terre et sa proximité de plus en plus importante avec la machine ordinateur ».

Antonio Spadaro réfute l’acception commune et médiatique du mot, c’est à dire celle du méchant « pirate informatique », ni même celle du verbe : to hack, et de ses multiples sens : couper, hacher , tailler, ou encore s’ouvrir un passage dans la jungle. Il puise au contraire dans une précieuse tradition philologique qui remonte aux années soixante, et qui avait alors une connotation virtuose : « hacker informatique » valait pour tous ceux qui possédaient des capacités particulières et remarquables de programmateur, aptes alors à faire partie d’une corporation décrite et admirée par Stefen Levy dans son célèbre livre publié en 1984 Hackers: Heroes of the Computer Revolution.

C’est autour de cette année-là que les ordinateurs commencèrent à apparaître un peu partout. Mais c’est aussi à cette époque que débutèrent les stratégies et les expériences à finalité négative par fermeture du code.

Lévy fut fasciné par cette nouvelle réalité et codifia les principes généraux sur lesquels devaient se baser les règles et les comportements hackers : accès illimité aux ordinateurs, toute information doit être libre, se méfier de l’autorité, les hackers doivent être jugés selon leurs hacks (et non selon de faux critères comme les diplômes, l’âge, l’origine ethnique ou le rang social), on peut créer l’art et le beau à l’aide d’un ordinateur, les ordinateurs peuvent améliorer notre vie.

Spadaro part lui aussi de là. « La technologie met en jeu la vie de l’homme et donc l’éternel débat entre le bien et le mal. La révolution d’internet suit les règles des autres révolutions : communiquer un message et créer une relation. Il convient donc de mieux comprendre comment l’homme est en train de modifier sa façon de penser lorsque qu’il navigue. Quelle influence et conséquence sur la foi vécue par l’homme ? Comment se trouve modifiée l’idée même de Dieu avec un moteur de recherche ? À fortiori lorsque l’on entre « Dieu » dans Google ? Comment articule-t-on aujourd’hui les informations qui se trouvent dans les millions de sites où la question de la religion est posée ? Autrefois la boussole indiquait la voie et connaissait la direction, à savoir le Nord. Aujourd’hui nous sommes bombardés par des millions de messages et nous devons savoir, tel un radar, intercepter le bon. Trop nombreuses sont les promesses de salut qui donnent des réponses simples à des questions complexes. »

Mais tenter de clarifier le rôle que jouent les hackers dans le rapport anthropologique entre Dieu et la machine n’est pas chose aisée, même si comme l’a écrit le philosophe Emanuele Severino « la technique est un géant capable de toucher le ciel avec un doigt ».

Spadaro a une bonne opinion de celui qui bidouille sur l’ordinateur. « La culture religieuse comme la culture hacker ont pour objectif d’améliorer la qualité de la vie. Les hackers ont un comportement actif, engagé, partagent les résultats de leurs travaux et de leurs recherches, ils sont toujours en quête de connaissance, collaborent à des projets communs et, à partir du moment où il y a échange au même niveau, l’autorité est bien distribuée entre les membres de la communauté. L’une de mes références est L’Éthique Hacker et l’Esprit de l’ère de l’information de Pekka Himanen qui explique que l’homme est appelé à « une autre vie ». Une vie qui n’est plus celle du fordisme, celle d’un homme lié à l’horloge de l’efficacité, mais d’un homme actif, qui poursuit ses propres passions, qui vit dans un effort créatif sans limites, qui sait que son humanité ne se réalise pas dans un espace temps organisé de façon rigide mais au rythme d’un engagement qui est l’unité de mesure d’un travail humble et profond correspondant mieux à la nature humaine. En clair on s’éloigne de la logique du profit et des contingences matérielles pour rassembler la communauté des hackers autour d’un langage et de valeurs communes. »

La communauté chrétienne a des liens plus étroits avec le monde informatique qu’on pourrait le penser. Ainsi dit-on que Larry Wall créa en 1987 le langage informatique Perl d’après une parabole biblique se trouvant relatée dans l’évangile selon Matthieu (chapitre 13, versets 45 et 46) où un marchand vendit tout ce qu’il possédait pour une simple perle.

Ce que suggèrent les nouvelles technologies est si attirant que Himanen fait appel à Saint Augustin pour tenter de donner une réponse à la question fondamentale : « Pourquoi Dieu a t-il crée le monde ? » Voici la réponse hacker : « Dieu étant un être parfait n’avait nul besoin de faire quelque chose mais il souhaitait créer ». En clair nous sommes face au plus grand hacker de l’Histoire.

Et Père Spadaro de préciser : « Certes le hacker a sa spécificité qui est loin de se généraliser vers un absolu, mais ce que l’on peut dire c’est qu’ici l’homme avec son travail participe à l’action créative de Dieu. Il met tout son génie pour comprendre et participer à des projets, pour naviguer, pour écrire, pour créer et laisser le code ouvert à la libre contribution de tous. On s’échange des connaissances, des compétences, des savoir-faire. On collabore à des projets le plus souvent de manière anonyme, de la même façon que l’on enseigne la théologie et la révélation chrétienne : un don qui vient du ciel, un don inattendu, qui manifeste la surprise, qui exalte le rapport personnel et collectif, un don qui doit être préservé. Le don hacker est une offre pour qui désire le prendre. Or le don chrétien lui aussi signifie avant tout donner quelque chose à quelqu’un (tel le don du sang). La manifestation de Dieu est perçue comme un acte gratuit de Dieu. Aussi ambitieux soit ce projet, il n’est pas sans ressemblance et affinités avec ceux de la confraternité des hackers.

Bien sûr ces théories ne vont pas sans polémiques. Ainsi, à un journaliste de l’Osservatore Romano, Spadaro précise : « Cette vision de l’autorité distribuée implique un intéressant défi sur la façon de percevoir la présence de l’Église. Personne ne veut abolir l’autorité, mais celle-ci doit désormais témoigner, rendre compte, voire rendre des comptes. »

Le cardinal Gianfanci Ravasi a récemment écrit qu’il était « temps d’être sur internet. Nous devons être attentif à tout le système d’information car les moyens de communication sont devenus nos prothèses ». Et Spadaro d’ajouter : « Nous suivons les sillons de Paul VI quand il affirmait que le cerveau mécanique vient en aide au cerveau spirituel. Annoncer la foi à l’époque de la culture digitale c’est en reconnaître la valeur et la dimension spirituelle. »

Antonio Spadaro - CC by-sa

Notes

[1] Crédit photos : Manuela Ideacrea (Creative Commons By) et Antonio Spadaro (Creative Commons By-Sa)




De l’impact politique d’apprendre aux enfants la libre programmation

Si vous parcourez les articles de nos tags Informatique et Code, vous vous apercevrez que nous sommes de ceux qui poussent pour que la programmation (avec du Libre dedans) entre dans les écoles française sans attendre l’Université[1].

Parce que cela a des implications politiques majeures et ceux qui ont tout intérêt à ce que la situation ne bouge pas l’ont très bien compris…

En Angleterre la prise de conscience est en train de se faire (quitte à ce que ce soit un Google qui vienne l’éveiller). Mais chez nous c’est franchement pitoyable. Tout au plus a-t-on réussi à obtenir une option pour la seule Terminale S l’année prochaine. Attention car, comme disait Barbara, le temps perdu ne se rattrape plus !

Lizette Greco - CC by-nc-sa

Apprendre les rudiments de la programmation aux enfants aura-t-il un impact politique ?

Will teaching children basic programming skills have a political impact?

Sam Tuke – 12 janvier 2012 – FSFE.org
(Traduction Framalang/Twitter : Yoha, Gatitac, Bl0fish, Sophie, Morphix, 0gust1)

La BBC m’a envoyé un courrier électronique la semaine dernière pour me demander mon avis sur la rumeur actuelle qui voudrait que le gouvernement britannique ajoute des compétences informatiques de base aux programmes scolaires en mettant l’accent sur un éventuel impact politique que ceci pourrait avoir sur la façon dont la société interagit avec les technologies. Voici ma réponse.

Question : Enseigner des rudiments de programmation à tous nous oriente-t-il vers une société plus critique et plus créative ?

Oui. Très souvent, les technologies, et en particulier les logiciels, voient leur utilité restreinte pour les intérêts de quelques-uns, comme les entreprises privées, afin de leur permettre de manipuler les consommateurs à leur avantage. Bien que la Grande-Bretagne utilise plus de logiciels et de produits numériques que jamais, seul un pourcentage restreint de la population est capable de participer à la création de ces produits, de les adapter à ses propres besoins, ou bien de créer les siens.

Cela a un impact extrêmement néfaste sur la société. Cela crée un déséquilibre de pouvoir entre les concepteurs des outils et tous les autres, dont le travail dépend de ces outils. Quel que soit le secteur dans lequel il travaille, un salarié a de fortes chances de devoir utiliser un jour ou l’autre un navigateur Web ou un client de messagerie par exemple, ne serait-ce que trouver un emploi. Mais la façon dont une personne interagit avec ces technologies est presque toujours définie par un groupe de personnes extérieures, sans aucun lien avec l’utilisateur final et qui pourraient n’avoir que très partiellement satisfait ses besoins.

Si notre société inculquait davantage les concepts de base de la programmation et de la création numérique, nous serions plus à même d’interagir en connaissance de cause avec notre environnement social et professionnel. C’est particulièrement vrai pour les sujets importants comme par exemple le journalisme citoyen, l’auto-hébergement et la publication. Une compréhension large de la façon dont fonctionnent les systèmes de vote électronique pourrait avoir un impact fort sur la politique future, par exemple.

Pour autant, avoir simplement des compétences en programmation ne suffit pas. Pour être compétitif, efficace et productif, la Grande-Bretagne devra également promouvoir une culture des libertés et du logiciel libre au sein de son industrie informatique. Et ce parce que les restrictions des copyrights et des brevets peuvent mettre au pas la créativité, y compris celle du plus doué des programmeurs, ou les forcer à réinventer constamment la roue avant qu’ils ne puissent commencer à innover.

Le logiciel libre a initié une véritable révolution technologique au cours des trois dernières décennies, nous apportant, entre autres avantages, Internet et des ordinateurs suffisamment abordables pour être distribués en masse dans le Tiers Monde.

Les écoles devraient favoriser la curiosité et l’esprit critique dans un environnement qui encourage les étudiants à apprendre. Une salle de classe exécutant des logiciels propriétaires ne peut fournir cela. « Comment ça marche ? », « Qu’est-ce qui se passe si je change ceci ou cela ? ». Ces questions restent fondamentalement sans réponse quand on enseigne aux enfants en utilisant des systèmes d’exploitation, des suites bureautiques ou des outils de robotique non libres.

Notes

[1] Crédit photo : Lizette Greco (Creative Commons By-Nc-Sa)




Pourquoi les codeurs sont des oiseaux de nuit ?

« Les développeurs travaillent la nuit parce que cela les dispense de contraintes horaires. Ils sont alors plus détendus, ne se dispersent pas, et la luminosité de l’écran neutralise la fatigue. »

Telles sont les hypothèses de Swizec Teller, jeune blogueur (et donc aussi et surtout développeur) slovène[1].

Et vous ? Travaillez-vous aussi principalement de nuit et si oui que vous inspire ce témoignage ?

Stuart Pilbrow - CC by-sa

Pourquoi les programmeurs travaillent de nuit

Why programmers work at night

Swizec Teller – 15 décembre 2011 – A geek with a hat
(Traduction Framalang : Deadalnix, Goofy, Martin, Pandark, DonRico, Antistress)

Il est d’usage de dire que les programmeurs sont des machines qui transforment la caféine en code.

Demandez donc au premier développeur venu à quel moment il est le plus efficace. Il y a de fortes chances qu’il reconnaisse travailler souvent très tard la nuit. Certains sont plus matinaux que d’autres. Une tendance répandue est de se lever à quatre heures du matin et de se mettre au travail avant que la folle agitation de la journée ne commence. D’autres préfèrent se coucher à quatre heures du matin.

L’essentiel, c’est d’éviter les distractions. Mais il est toujours possible de fermer la porte à clé, alors la nuit, qu’est-ce que ça apporte de plus ?

Je pense que cela tient à trois éléments : l’emploi du temps du créateur, le cerveau fatigué et la luminosité des écrans d’ordinateurs.

L’emploi du temps du créateur

C’est en 2009 que Paul Graham a écrit un billet au sujet de l’emploi du temps du créateur – en résumé, il existe deux grandes familles d’emplois du temps en ce bas monde.

D’un côté, l’emploi du temps traditionnel du manager, ou la journée est découpée en heures, et où dix minutes de distraction coûtent, au maximum, l’équivalent d’une heure de temps de travail.

De l’autre, on a ce que Paul Graham nomme l’emploi du temps du créateur – un emploi du temps pour ceux qui produisent quelque chose. Travailler sur des systèmes abstraits de grande envergure nécessite d’avoir l’ensemble dudit système en tête. Quelqu’un a un jour comparé ce processus à la construction d’une maison faite en cristal précieux. Dès que quelqu’un vous distrait, l’édifice s’écroule et se brise en mille morceaux.

Voilà pourquoi les programmeurs supportent si mal que l’on perturbe leur concentration.

À cause de cet investissement intellectuel important, nous ne pouvons tout simplement pas nous mettre au travail avant d’avoir quelques heures de tranquillité devant nous. Inutile de construire ce modèle dans notre tête pour le voir démoli une demi-heure plus tard.

En fait, en interrogeant de nombreux entrepreneurs, vous découvrirez qu’ils pensent ne pas être capables de véritablement travailler pendant la journée. Le flot constant d’interruptions, de choses importantes™ à régler et de courriels à rédiger l’interdit. Résultat, ils accomplissent en grande partie leur « vrai boulot » pendant la nuit, quand les autres dorment.

Le cerveau fatigué

Mais même les programmeurs ont besoin de dormir la nuit. Nous ne sommes pas des êtres supérieurs. Même les programmeurs sont plus attentifs le jour.

Alors pourquoi accomplissons-nous notre vrai boulot, complexe et exigeant, quand notre cerveau réclame du repos, et effectuons des tâches plus simples lorsque nous capacités intellectuelles sont les plus affutées ? Parce qu’être fatigué fait de nous de meilleurs codeurs.

De façon similaire au Ballmer Peak (Ndt : théorie selon laquelle les programmeurs sont plus efficaces avec un certain taux d’alcool dans le sang), la fatigue nous permet d’être mieux concentré, car le cerveau n’a alors d’autre choix que de se focaliser sur une tâche précise ! Il n’a pas assez d’excédent de capacités pour se permettre de vagabonder.

J’ai l’impression que les moments où je suis le moins efficace, c’est quand j’ai bu trop de thé ou une boisson énergisante à un moment mal calculé. La caféine ou les vitamines me rendent hyperactif, et je passe alors en permanence de Twitter au blog de tel ou tel, et j’ai l’impression de m’agiter dans tous les sens…

On pourrait croire que je travaillerais mieux à ce moment-là, quand j’ai de l’énergie à revendre et le cerveau en ébullition, mais non. Je ne cesse de me prendre les pieds dans le tapis, parce que je suis incapable de me concentrer plus de deux secondes d’affilée.

À l’inverse, lorsque je suis en état de fatigue légère, je ne bouge pas les fesses de mon siège et j’écris du code, rien d’autre. Je peux alors coder des heures entières sans même songer à consulter Twitter ou Facebook. C’est comme si internet cessait d’exister.

J’ai le sentiment que ce phénomène se vérifie chez la majorité des programmeurs. Nous disposons de trop de capacité cérébrale pour environ 80% des tâches qui nous incombent. Ne nous leurrons pas, l’écriture d’un tout petit algorithme bien corsé nécessite dix fois plus de ligne de codes que la construction de l’environnement dans lequel il pourra s’exécuter. Même si vous bossez sur l’apprentissage automatique (ou je ne sais quoi d’autre) le plus pointu, une grande partie du travail consiste simplement à nettoyer les données et à présenter les résultats de façon élégante.

Et quand le cerveau ne tourne pas à plein régime, il cherche à s’occuper. La fatigue vous abrutit juste ce qu’il faut pour que votre travail en cours lui suffise.

La luminosité des écrans

Là, c’est plutôt simple. Le soir, restez devant une source de lumière vive, et votre cycle de sommeil se décale. Vous oubliez la fatigue jusqu’à trois heures du matin. Ensuite, vous vous réveillez à onze heures, et lorsque le soir pointe le bout de son nez, vous n’êtes même pas crevé parce, je vous le donne en mille, vous vous êtes levé super tard !

Si cela se reproduit un certain nombre de fois, vous pouvez vous retrouver dans un fuseau horaire différent. Plus intéressant encore, il semblerait que le décalage finisse par stagner, car lorsqu’on atteint un rythme de croisière en se couchant à trois ou quatre heures du matin, on finit par se caler sur ces horaires.

À moins que ce ne soit tout bêtement à cause des radio-réveils, parce que la société nous renvoie l’image de grosses larves si on prend le petit-déj à deux heures de l’après-midi.

Fin

En conclusion, les programmeurs travaillent la nuit parce que cela les dispense de contraintes horaires. Ils sont alors plus détendus, ils ne se dispersent pas, et la luminosité de l’écran neutralise la fatigue.

Notes

[1] Crédit photo : Stuart Pilbrow (Creative Commons By-Sa)




L’hindouisme : la plus libre des religions ?

Jean-Pierre Dalbéra - CC byL’hindouisme serait-elle la plus libre des religions au sens du… logiciel libre ?

Telle est l’hypothèse originale de Josh Schrei qui y voit des caractéristiques d’ouverture et un processus de développement que ne posséderaient pas les religions monothéistes[1].

Remarque : Cette traduction a été proposée sur Twitter/Identica et gentiment relayée par certains grands comptes a été bouclée collectivement dans la joie et la bonne humeur. Si vous souhaitez participer et être au courant des prochaines translations parties follow me 🙂

Le Projet Divin : l’Hindouisme comme croyance open source

The God Project: Hinduism as Open-Source Faith

Josh Schrei – 4 mars 2010 – Huffington Post
(Traduction Framalang/Twitter : Aa, Jeff, Petit, Greg, Goofy, Lapetite, Petit, Zdeubeu, 0gust1, Gatitac, Spartition, Albahtaar, Luc)

Tenter d’expliquer les croyances qui sont au cœur de l’hindouisme à un observateur intéressé représente, pour le moins, un vrai défi. On dit souvent que le terme hindouisme lui-même est totalement impropre, car il ne fait qu’agglomérer fondamentalement les pensées et pratiques religieuses qui ont pris place sur le sous-continent indien au cours des 5 000 dernières années. Et l’on peut dire que ces 5 000 années ont été plutôt actives.

La masse de littérature spirituelle, de doctrine, la quantité de dieux distincts qui sont adorés (plus de 30 millions, suivant certaines sources), l’éventail de philosophies et de pratiques distinctes ayant émergé, et la transformation totale au cours du temps de nombre d’enseignements et apprentissages hindous fondamentaux peuvent être déconcertants pour ceux qui ont été élevés au sein d’une culture monothéiste, dans la mesure où nous sommes habitués à ce que chaque foi comporte un jeu de croyances bien définies qui, à l’exception de certains schismes confessionnels au cours des siècles, restent assez cohérentes avec le temps. Cependant, la différence fondamentale entre l’hindouisme et les autres fois n’est pas le polythéisme/monothéisme. La différence clé est que l’hindouisme est open source alors que la plupart des autres fois ont des sources fermées (NdT : Closed Source).

« L’open source est une approche de la conception, du développement et de la distribution de logiciels offrant un accès au code source. »

Si nous considérons Dieu, le concept de dieu, les pratiques qui amènent quelqu’un à Dieu, et les idées, pensées et philosophies autour de la nature de l’humain comme étant le code source, alors l’Inde fut l’endroit où les portes ont été grandes ouvertes et où on a donné aux développeurs la liberté de s’en occuper, de les inventer, réinventer, redéfinir, imaginer et réimaginer au point que chaque variété de l’expérience spirituelle et cognitive a été précisément explorée, célébrée et documentée.

Les athées et ceux qui vénèrent des déesses, les hérétiques qui ont cherché Dieu dans l’alcool, le sexe et la consommation de viande, les ermites couverts de cendre, les dualistes et les non-dualistes, les nihilistes et les hédonistes, les poètes et les chanteurs, les étudiants et les saints, les enfants et les parias… tous ont apporté leurs lignes de code à l’ensemble de la spiritualité hindoue.

Les résultats du Projet Divin indien, c’est ainsi que j’aime qualifier l’hindouisme, ont été absolument stupéfiants. Le corpus de connaissances (scientifiques, spirituelles et empiriques) qui a été accumulé sur la nature de l’esprit, la conscience et le comportement humain, ainsi que le nombre d’applications pratiques, spécifiquement identifiées pour travailler sur l’esprit, est sans égal. La langue sanskrite, elle même, comporte un nombre important de mots, bien plus que n’importe quelle langue ancienne ou moderne, qui se rapportent spécifiquement aux états mentaux de la cognition, de la perception, de la conscience et de la psychologie du comportement.

Les Vedas sont au cœur du code source hindou, qui établit immédiatement la primauté du questionnement dans la pensée hindoue. Dans le Rig-Véda, le plus ancien de tous les textes hindous (peut-être le plus ancien de tous les textes religieux sur la planète), Dieu, ou Prajapati, se résume en une grande et mystérieuse question, nous les hommes étants invités à y répondre ;

« Qui sait vraiment ?
Qui ici le proclamera ?
D’où cela a été produit ?
D’où vient cette création ?
Les dieux sont venus après, avec la création de cet univers.
Alors qui sait d’où cela a surgi ? »

Pendant que le dieu de l’Ancien Testament dictait ses commande(ment)s, Prajapati demandait : « Qui suis-je ? »

Depuis l’ouverture des vannes sur la question divine, la pensée hindoue a suivi une glorieuse évolution depuis le chamanisme, le culte de la nature et le sacrifice jusqu’à des théories sublimes et complexes sur la cognition mentale, la nature de la conscience et la physique quantique.

En retraçant les relations du sous-continent avec les divinités des Vedas, on peut suivre le cours de la pensée hindoue à travers les siècles. Une des premières choses que l’on remarque est que non seulement la relation des gens à dieu change au cours des siècles, mais que les dieux eux-mêmes changent. Par exemple, Shiva apparaît dans les Vedas en tant que Rudra, le hurleur, dieu des tempêtes, bref une sorte de divinité mineure. Réapparaissant au fil des siècles comme Bhairava, celui qui inspire la crainte, Pashupati, seigneur des bêtes, le dieu des yogis, et le destructeur, Shiva obtient enfin, vers le IXème siècle au Cachemire, le statut de bloc de construction énergétique fondamental de l’univers entier. Astuce élégante.

Mais, au fur et à mesure que les dieux changent et que l’évolution de la pensée hindoue nous amène à une vision moderne puis post-moderne de la nature de la réalité, les vieux codes Védique restent toujours centraux et fondamentaux. Une caractéristique déterminante de l’hindouisme est que la vision ancienne de Dieu, la dévotion à la nature et le chamanisme ont perduré ; ainsi la divinité telle que vénérée actuellement existe simultanément, comme symbole ou archétype, et comme incarnation. Le fait que Shiva, par exemple, puisse simultanément être la lumière de la conscience ultime et un illuminé couvert de cendre qui fréquente les sites de crémation est un délice pour nous, anarchistes spirituels, tandis que cela ennuie profondément la plupart des théologiens occidentaux.

Les confessions monothéistes de l’Occident et du Moyen-Orient n’ont tout simplement pas permis une interprétation aussi libre de leur Dieu. Elles continuent d’exister en tant que systèmes à source fermée.

« Généralement, source fermée signifie que seuls les exécutables d’un programme d’ordinateur sont distribués et que la licence n’autorise aucun accès au code source du programme. Le code source de tels programmes peut être considéré comme un secret industriel appartenant à l’entreprise. »

Un des facteurs déterminants de l’histoire chrétienne est que l’accès à Dieu a été vu, tout comme dans la plupart des systèmes à sources fermées, comme un secret industriel. La capacité de réinterprêter la Bible, ou les enseignements du Christ, ou l’Ancien Testament, ou de contester l’autorité basique et fondamentale de l’Église a été inexistante pour la majorité de l’histoire de l’Église. Ceux qui ont osé le faire ont très souvent été tués.

Dans la pensée hindoue, il n’y a aucun secret industriel. La base du yoga est que la clé vers Dieu, ou le macrocosme, ou l’Absolu… réside dans l’individu et peut être atteinte à travers un certain nombre de pratiques. C’est un concept magnifiquement simple mais finalement profond qui a été autorisé à se développer sans contrôle depuis des millénaires. Le processus de découverte et de réinvention du divin est entre vos mains. Le Projet Divin.

Notes

[1] Crédit photo : Jean-Pierre Dalbéra (Creative Commons By)




Avec Mozilla Popcorn la vidéo sur le Web prend une autre dimension

Il y a quelques temps de cela, Tristan Nitot nous présentait ce qu’il appelait de « l’hyper-vidéo », c’est-à-dire de la vidéo boostée par du JavaScript et du HTML5, avec une impressionnante démonstration à la clé.

Le projet a évolué depuis pour devenir le très prometteur Mozilla Popcorn. Les démonstrations également, comme celle, lumineuse, qui sert de fil conducteur à cet article.

Au départ il ne s’agit que d’un extrait vidéo d’une représentation du Macbeth de Shakespeare. Sauf que nous ne sommes pas sur YouTube mais avec Mozilla Popcorn ce qui enrichit considérablement le potentiel de l’expérience utilisateur.

Le plus simple est de s’y rendre tout de suite pour comprendre de quoi il en retourne.

Le projet évolue vers une prise en main de plus en plus aisé autorisant enseignants, étudiants, et tout un chacun à se l’approprier.

À Mozilla, l’éducation reconnaissante (il va sans dire que tout ceci est libre), il n’y a plus qu’à se retrousser les manches désormais pour proposer des ressources pédagogiques pertinentes et innovantes réalisées avec Popcorn.

PS : Et au passage on fait la nique au déclinant format Flash, si j’ose m’exprimer ainsi 🙂

Mozilla Popcorn Demo

Shakespeare devient social ou Mozilla Popcorn dans les salles de classe

Shakespeare goes social: Mozilla Popcorn in the classroom

OpenMatt – 8 décembre 2011 – Blog personnel
(Traduction Framalang : Clochix)

Que peut faire la vidéo sociale pour l’éducation ?

La très talentueuse Kate Hudson (co-fondatrice du site openjournalism.ca et auteure du manuel data journalism présenté lors du dernier festival Mozilla de Londres) a créé une exceptionnelle démonstration, « Popcorn Shakespeare », qui met en lumière tout le potentiel éducatif du projet Popcorn de Mozilla.

Je pense que nous assistons là à la naissance d’un nouveau genre de films interactifs — appelons-le « hyper-vidéo », « vidéo sociale » ou « vidéo aux hormones » — qui peut révolutionner la place du multimédia dans les salles de classe, et peut-être même devenir la lingua fanca de l’éducation. Le tout entièrement créé avec des technologies open source.

Utiliser le Web pour, dans le contexte, interagir avec des images animées

« Popcorn Shakespeare » propose une expérience utilisateur astucieusement simple : regarder une vidéo d’une représentation d’une pièce de Shakespeare, déplacer la souris à n’importe quel moment pour arrêter la vidéo et obtenir de l’aide et des informations sur des mots ou des passages que vous ne comprenez pas. Vous pouvez également approfondir le contexte ou parcourir les notes de votre enseignant ou de vos camarades de classe.

Mais cet outil est bien plus qu’un glossaire. Vous pouvez également parcourir la vidéo en cliquant directement sur les passages du texte (Mark Boas a présenté un projet similaire, hyperaudio à Londres). Certains mots et extraits ont leur propre lien, ce qui vous dirige alors directement vers une scène donnée pour l’étudier — permettant ainsi de citer et de pointer vers la vidéo aussi facilement que s’il s’agissait de texte.

Afficher le contexte et les métadonnées à la demande

Lors d’une récente conférence téléphonique (ces conférences consacrées aux créateurs du Web sont ouvertes à tous, n’hésitez pas à nous rejoindre), Kate a expliqué que ce qui avait inspiré sa démonstration était de voir certains étudiants lutter avec la langue des pièces de Shakespeare, et la difficulté à chercher de nombreux mots dans un dictionnaire au cours d’une représentation.

Ce qui rend sa démo si pertinente est la façon dont elle a résolu ce problème avec une interface utilisateur simple et ergonomique : lorsque la souris sort de la vidéo, celle-ci s’arrête, lorsque la souris y revient elle reprend de façon transparente. On évite alors l’effet de surenchère de données constatée lors des premières démonstrations de Popcorn. Au lieu de noyer les utilisateurs dans trop d’information, cette démo n’affiche les metadonnées que lorsque vous le souhaitez.

Passer de la position assise « vautré sur le canapé » à la position active debout et « prêt à interagir avec la culture »

Pour moi, la démo de Kate dévoile tout le potentiel de la vidéo sociale pour apprendre : elle transforme une activité auparavant passive (regarder une vidéo) en une expérience sociale et interactive. Cela peut permettre à des professeurs de parler la langue multimédia que pratiquent la plupart des étudiants, tout en en faisant une expérience qui incite d’avantage à s’investir que lorsque l’on est assis dans une pièce sombre à regarder un film sans possibilité d’interagir.

Cela va bien plus loin que les vidéos éducatives de notre enfance, ça transforme la vidéo en une toile sur laquelle on peut créer, apprendre et jouer avec la lumière et les images animées.

Créer vos propres vidéos sociales

Naturellement, le but est de permettre aux apprenants de réaliser simplement leur propres vidéos sociales, pas de juste consommer le travail fait par d’autres.

Pour créer sa démo, Kate a utilisé directement la bibliothèque popcorn.js, qui est plutôt destinée aux développeurs. Mais une version 0.1 de Popcorn Maker vient juste de sortir. C’est un outil pour faciliter la création de vidéos sociales pour tous ceux qui ne maîtrisent pas le développement, les réalisateurs ou les jeunes par exemple. Il va permettre à tout un chacun de devenir un créateur de vidéos Web.

Comme disait ce bon vieux Bill dans La tempête « O brave new world, / That has such people in’t! ».




Don’t panic, un indie capitalisme à visage humain est en train de voir le jour !

Paul Stein - CC by-saAttention billet miné et sujet à polémiques !

Il constate, avec optimisme, qu’un nouveau capitalisme se met lentement mais sûrement en place, en prenant appui sur des exemples qui font le lien entre les fab labs et les indignés. Il stipule donc aussi tacitement au passage que ce n’est pas le capitalisme qui est un problème en soi mais ses dérives actuelles[1].

Il l’appelle « indie capitalism », un peu comme la musique indépendante coexiste avec celle des Majors.

Il s’agit d’une traduction d’un article de Bruce Nussbaum et c’est évidemment très américain dans le fond comme dans la forme. D’après lui, « ce nouveau système n’est pas fait que de start-ups et de capital-risqueurs, il est construit sur une communauté de créateurs ».

Désolé mais pour les partisans des lendemains qui chantent mais ce sera une réforme et non une révolution 😉

4 raisons pour lesquelles le futur du capitalisme sera fait maison, à petite échelle et indépendant.

4 Reasons Why The Future Of Capitalism Is Homegrown, Small Scale, And Independent

Bruce Nussbaum – 6 décembre 2011 – FatCoDesign.com
(Traduction Framalang / Twitter : JoKoT3, Kull, Lolo le 13, Ambidoxe et DonRico)

Ce nouveau système, d’après Bruce Nussbaum, n’est pas fait que de start-ups et de capital-risqueurs. Il est construit sur une communauté de créateurs.

On ne vous apprendra rien à ce sujet dans les écoles de commerce, on ne vous en parlera pas à Wall Street, vous ne verrez rien de semblable à Palo Alto (Ndt : Palo Alto est considérée comme le berceau de la Silicon Valley). Mais si vous passez du temps à Bushwick, à Brooklyn, ou dans Rivington Street à Manhattan, il est possible que vous distinguiez les contours d’un indie capitalism (NdT: capitalisme indé) émergeant. Dans cette nouvelle forme de capitalisme, il n’est pas seulement question de start-ups, de technologie et de capital-risqueurs. Si l’on assemble toutes les tendances de fond qui apparaissent en ce moment, je pense que l’on entrevoit le début d’un phénomène original, et potentiellement formidable. Il se pourrait bien que l’on tienne là l’antidote économique et social au capitalisme financier qui a échoué et au capitalisme népotique qui ne dégage désormais plus de valeur économique en terme d’emploi, de salaire et d’impôts pour les Américains.

L‘indie capitalism est local, pas mondial, il se préoccupe de la communauté et des emplois, et annonce la couleur dès le départ. Des personnes visibles, que l’on peut rencontrer, fabriquent localement des produits de qualité. L’accent mis sur le local fait de l‘indie capitalism un mode de production intrinsèquement durable – si l’énergie est économisée, c’est le résultat d’un mode de vie, pas le fruit d’un effort pour atteindre un but précis et difficile.

L‘indie capitalism n’est pas transactionnel, mais social. Social au sens plus personnel que l’internet social et les amis par milliers. Prenons l’exemple de Kickstarter, où les internautes subventionnent de la musique, des livres et des produits dont ils peuvent suivre le développement. Dans ce modèle, consommateur, investisseur, public, fan, contributeur et producteur se confondent. Ils se procurent et préparent leur nourriture de la même manière qu’ils se procurent et préparent leur musique. Ensuite, ils partagent le tout.

Avant de chercher à vendre, les gens créent. L‘indie capitalism est d’abord un système économique de fabricants établi sur la création de valeur, et non sur l’échange d’une valeur existante. Il englobe toutes les composantes de la culture de la fabrication personnelle – nourriture, musique indé, fabrication maison, artisanat, fabrication numérique 3D, bio-hacking, conception d’applications, modélisation assistée par ordinateur, robotique, bricolage. La fabrication personnelle n’est pas une représentation exceptionnelle jouée par quelques-uns, mais un numéro répétitif auquel tout un chacun contribue. La création et l’utilisation d’outils participent d’une existence pleine de sens. Les outils passent alors d’une présence rituelle à une utilité quotidienne. Avoir de bons outils et créer de grandes choses commencent à remplacer la consommation comme une fin en soi. Wieden + Kennedy (NdT : agence de publicité américaine) a compris cela avec sa publicité pour Chrysler. « Imported from Detroit » (NdT : Importé de Detroit) marque un changement de sensibilité vers le « local ». Le slogan « The Things We Make, Make Us » (NdT : Ce que nous créons nous définit) de Jeep s’accorde à la nouvelle culture créative. « Depuis toujours, nous sommes une nation de bâtisseurs. D’artisans, hommes et femmes, pour qui les coutures droites et les soudures propres sont source de fierté personnelle… Ceci, notre dernière progéniture, a été imaginée, dessinée, sculptée, estampée, taillée et forgée ici en Amérique ».

Dan Provost, qui avec Tom Gerhardt a lancé son projet Glif (un pied d’appareil-photo pour iPhone) sur Kickstarter, résume parfaitement cette nouvelle perspective : « Ce qui nous a énormément plus à Tom et moi à propos du succès de ce projet, c’est sa simplicité inhérente : nous sommes juste deux amis qui avons créé un produit que les gens veulent acheter, et nous le leur vendons. Pas d’intermédiaire, pas de grosses sociétés, pas de capital-risque, pas d’investissements. Je pense qu’au dela de Glif, les gens aiment connaître la provenance de ce qu’ils achètent, et l’histoire qui se cache derrière la fabrication. »

Autre caractéristique de l‘indie capitalism : accorder un sens plus important aux matériaux et aux produits. Il est important de fabriquer moins, mais de meilleure qualité et plus utile. On valorise la réutilisation et le partage de produits de qualité. La sensation que procurent les objets, qu’il s’agisse des produits Apple, des jeans Levi’s vintage, ou des robes de belle facture (mais non griffées), est importante. La notion de marque tout entière est renversée dans l‘indie capitalism, remplacée par l’environnement communautaire de création d’un produit ou d’un service. Dans bien des cas, c’est l’authenticité qui devient la « marque ».

Il y a quelque temps, le visionnaire Paulo Saffo prédisait une nouvelle « économie des créateurs » qui remplacerait les économies industrielles et consuméristes. Ce terme me plaît, mais préfère celui d‘indie capitalism, parce qu’il définit mieux le contexte social et les valeurs de cette nouvelle économie. Je pense qu’il est suffisamment différent de la culture start-up, entrepreneuriale, de Standford et de la Silicon Valley, pour avoir droit à son propre terme. Celui-ci sonne plus 21e siècle, alors que start-up rappelle le 20e siècle. Il est plus social que technologique, plus centré sur l’artiste/le concepteur que sur l’ingénierie. J’aime particulièrement le mot indie car la scène musicale indépendante reflète de nombreuses structures sociales et distributives de cette forme émergente de capitalisme. Ce n’est pas par hasard que Portland et New York accueillent une scène musicale indé très dynamique et soient aussi les centres de l’émergence d’un nouvel indie capitalism.

Occupy Wall Street est le mouvement le plus puissant de ces dernières décennies, et sa remise en question des fondations du capitalisme mondial des grosses multinationales arrive au moment où les commentateurs traditionnels mettent en doute l’efficacité et la légitimité de notre système économique. La Harvard Business Review publie une série d’articles qui critique le capitalisme financier. Foreign Affairs dénonce le paradoxe entre les énormes bénéfices des entreprises et la destruction d’emplois dont souffrent les États-Unis. Même les journalistes financiers des chaînes de télévision évoquent publiquement l’échec de Wall Street à s’acquitter de la tâche qui lui incombe traditionnellement, à savoir financer la création d’entreprise. Et que l’on soit adepte du Tea Party ou partisan du mouvement Occupy, on entend les pleurs du capitalisme népotique.

Qu’en pensez-vous ?

Notes

[1] Crédit photo : Paul Stein (Creative Commons By-Sa)




Le code deviendra-t-il le latin du XXIe siècle ?

I Write CodeOutre sa dimension historique, culturelle et civilisationnelle, apprendre le latin c’est aussi mieux connaître les bases de notre langue française pour mieux la maîtriser.

Et si, pour mieux comprendre et avoir la capacité de créer (et non subir), la programmation informatique prenait peu ou prou la même place que le latin dans la nouvelle ère qui s’annonce ?

Même si c’est avec un léger train de retard, c’est la question que l’on se pose actuellement en France, mais aussi comme ci-dessous dans une Grande-Bretagne passablement secouée par le récent sermon de Monsieur Google.

« Bien informés, les hommes sont des citoyens ; mal informés ils deviennent des sujets. »
Alfred Sauvy

La programmation – le nouveau latin

Coding – the new Latin

Rory Cellan-Jones – 28 novembre 2011 – BBC
(Traduction Framalang : Goofy, Pandark, Penguin, e-Jim et Marting)

La campagne de promotion de l’apprentissage de l’informatique à l’école — en particulier la programmation — rassemble ses forces.

Aujourd’hui, Google, Microsoft et les autres grands noms du domaine technologique vont prêter leur soutien au dossier soumis au gouvernement plus tôt cette année dans un rapport appelé Next Gen. Il soutient notamment que le Royaume-Uni pourrait être un centre mondial pour l’industrie des jeux vidéos et des effets spéciaux — mais seulement si le système éducatif s’y emploie.

Les statistiques sur le nombre d’étudiants allant à l’université pour étudier l’informatique donnent à réfléchir. En 2003, environ 16 500 étudiants postulaient à l’UCAS (NdT : Universities and Colleges Admissions Service, service gérant les admissions à l’Université au Royaum-Uni) pour des places en cours d’informatique.

En 2007, ce nombre était tombé à 10 600, bien qu’il soit un peu remonté depuis, 13 600 l’année dernière, à cause de la hausse globale des demandes à l’université. Le pourcentage d’étudiants cherchant à étudier le sujet est donc descendu de 5% à 3%. Plus encore, la réputation de l’informatique comme domaine réservé aux hommes geeks a été renforcée, avec un pourcentage de candidats masculins en hausse de 84% à 87%.

Mais le problème, d’après les promoteurs du changement, commence dès l’école avec les ICT (NdT : Technologies de l’Information et de la Communication, TIC ou TICE chez nous), une matière vu par ses détracteurs comme l’enseignement de simples compétences techniques (NdT : Savoir mettre en gras dans un traitement de texte par exemple) plutôt que de la réelle compréhension de l’informatique.

Et il semble bien que les enfants reçoivent le même message car ils sont de moins en moins à étudier cette matière. La réponse, d’après les entreprises et associations qui appellent au changement, est de mettre des cours d’informatique appropriés au programme, sous forme d’apprentissage à la programmation.

Et il semblerait bien qu’ils aient trouvé ce qui pourrait être un bon slogan pour leur campagne. « Coder, c’est le nouveau latin », dit Alex Hope, co-auteur du rapport de Next Gen qui a donné le signal de départ à tout cela. « Nous devons donner aux enfants une compréhension correcte des ordinateurs si nous voulons qu’ils puissent comprendre et s’adapter à toutes sortes de futurs métiers. ».

M. Hope croit fermement que l’association des nouvelles technologies et de l’industrie culturelle est le meilleur espoir de la Grande Bretagne — et il est bien placé pour le savoir.

Son entreprise d’effets spéciaux Double Negative est une belle réussite, avec des apparitions aux génériques de Films comme Harry Potter, Batman ou Inception, pour lequel elle a gagné un Oscar. Il emploie désormais plus d’un millier de personnes depuis ses débuts éblouissants en 1998.

Alex Hope dit que sa société a besoin d’un riche mélange de talents : « nous cherchons des génies universels — des gens avec des connaissances en informatique, mathématiques, physique, ou arts plastiques qui peuvent toutes s’épanouir et se développer ». Il explique comment le travail pour donner une apparence réelle à la Tamise en image de synthèse dans Harry Potter implique des mathématiques et de la physique complexe.

Mais il trouve difficile de recruter des personnes avec une expérience en sciences dites dures. « Nous ne produisons tout simplement pas assez de diplomés avec des compétences en informatique ou en mathématiques ».

Comme bien d’autres tirant la sonnette d’alarme pour une éducation différente, Alex Hope en revient à 1980 lorsqu’il apprenait à programmer en utilisant un BBC Micro. Aujourd’hui, il va être rejoint par le principal ingénieur de Google au Royaume-Uni et le dirigeant de Microsoft éducation au Royaume-Uni pour proposer une nouvelle approche. Ils disent rien de moins que c’est le potentiel de croissance et d’emplois qui est en jeu pour une partie vitale de l’économie.

« Le gouvernement cherche des opportunités de croissance » dit Alex Hope. « Pour cela, ils y a nécessité à former les programmeurs dont les entreprises créatives et de hautes technologies ont et auront besoin pour monter leurs affaires ».

Et il semble que le gouvernement soit réceptif à ce message. Il y a deux semaines, j’ai posé des questions au premier ministre concernant le problème de l’éducation à l’informatique. David Cameron a admis que « nous ne faisons pas assez pour former la prochaine génération de programmeurs », et déclaré que des actions seraient menées à ce sujet.

Nous découvrirons bientôt de quels types d’actions il s’agit, lorsque le gouvernement publiera ses réponses au rapport de Next Gen écrit par Alex Hope et Ian Livingstone. On attend une réponse largement positive, bien qu’un engagement définitif de mettre tout de suite l’informatique au programme soit peu probable.

Mais ce qui pourrait être plus important, ce serait de changer l’image de cette matière. Et alors que « coder est le nouveau latin » est peut-être un bon message à envoyer aux parents et aux politiciens, quelque chose de plus sexy sera nécessaire pour convaincre les écoliers que l’informatique est quelque chose de cool.




L’Islande, la crise, la révolution et moi

Laurent Gauthier - CC byL’article que nous vous proposons traduit aujourd’hui est hors-sujet par rapport à ce que nous publions habituellement. Il est de plus sujet à caution car certainement un peu simpliste voire angélique dans son propos et ses arguments.

Il n’empêche qu’il a été aussitôt retweeté cet été par Naomi Klein : « #Iceland is proving that it is possible to resist the Shock Doctrine, and refuse to pay for the bankers crisis ».

Il n’empêche surtout qu’il s’est passé des choses intéressantes en Islande depuis la crise monétaire de 2008. Et il est étonnant de constater le peu d’entrain de nos grands médias pour en parler, alors que c’est nous que la crise frappe désormais de plein fouet.

En agissant en conséquence, peut-on dire symboliquement « non à la Banque, oui à la Démocratie ! » comme on dirait « non au Logiciel Propriétaire, oui au Logiciel Libre ! » ou encore « non à l’Hadopi, oui au Partage ! » ?

Il fallait oser cette dernière phrase ! J’ai osé, en cherchant (désespérément) le lien avec la ligne éditoriale du Framablog 🙂

Une oppression, suivie de tentatives de libération témoignant qu’il est possible de s’engager dans une autre direction. Ce que nous dit l’Islande[1] ici c’est qu’il n’y a pas forcément une fatalité à subir les logique de la finance mondiale et qu’on peut rebondir en impliquant les citoyens.

Ou alors continuons à laisser les experts travailler, ces gens sérieux qui eux seuls savent ce qui est bon pour nous…

Pour en savoir plus (rapidement) sur ce projet de nouvelle « Constitution collaborative », on pourra voir ce reportage glané sur YouTube et parcourir ce récent billet beaucoup plus pragmatique que romantique d’Owni. N’oublions pas non plus que l’Islande se trouve à la pointe des expérimentation sur la liberté d’expression à l’ère d’Internet.

Et pour une critique directe de l’article ci-dessous, on pourra lire A Deconstruction of “Iceland’s On-going Revolution”.

La révolution en marche de l’Islande

Iceland’s On-going Revolution

Deena Stryker – 1 août 2011 – Daily Kos
(Traduction Framalang : Lolo le 13, Goofy, Pandark et Yonnel)

Un reportage à la radio italienne à propos de la révolution en cours en Islande est un exemple frappant du peu d’intérêt de nos médias pour le reste du monde. Les Américains se rappeleront peut-être qu’au début de la crise financière de 2008, l’Islande a littéralement fait banqueroute. Les raisons ont été indiquées seulement en passant, et depuis, ce membre peu connu de l’Espace économique européen est retourné aux oubliettes de l’info.

Alors même que l’un après l’autre chaque pays européen tombe ou risque de tomber, mettant en péril l’euro, avec des répercussions dans le monde entier, la dernière chose que les puissants souhaitent est que l’Islande devienne un exemple. Voici pourquoi.

Cinq ans de régime néo-libéral strict avaient fait de l’Islande (dont la population compte 320 000 habitants, et qui n’a pas d’armée) un des pays les plus riches au monde. En 2003 toutes les banques du pays furent privatisées, et dans un effort pour attirer les investisseurs étrangers, elles ont proposé des services en ligne dont le faible coût permettait d’offrir des taux de rendement relativement élevés. Les comptes titres, appelés IceSave, attiraient énormément de petits épargnants anglais et néerlandais. mais à mesure que les investissements croissaient, la dette extérieure des banques augmentait aussi. En 2003 la dette de l’Islande équivalait à 200 fois son PNB, et en 2007, elle était de 900%. La crise financière mondiale de 2008 fut le coup de grâce. Les trois principales banques islandaises, Landbanki, Kapthing and Glitnir, se retrouvèrent sur la paille et furent nationalisées, pendant que la couronne islandaise perdait 85% de sa valeur par rapport à l’euro. À la fin de l’année l’Islande se déclara en banqueroute.

Contrairement à ce qu’on pouvait imaginer, la crise finit par permettre aux Islandais de retrouver leurs droits souverains, grâce à un processus de démocratie participative directe qui aboutit à une nouvelle constitution. Mais ce ne fut pas sans mal.

Geir Haarde, le premier ministre de la coalition gouvernementale social-démocrate, négocia un prêt de deux millions cent mille dollars, auquel les pays scandinaves ajoutèrent deux autres millions et demi. Mais les marchés financiers firent pression sur l’Islande pour lui imposer des mesures drastiques. Le FMI et l’Union européenne voulaient récupérer sa dette, prétendant que c’était la seule façon pour le pays de rembourser les Pays-Bas et la Grande-Bretagne, qui avaient promis de rembourser leurs citoyens.

Les manifestations et les émeutes continuèrent, et finirent par contraindre le gouvernement à démissionner. Des élections anticipées eurent lieu en avril 2009, portant au pouvoir une coalition de gauche qui condamnait le système économique néolibéral, mais qui posa comme exigence immédiate que l’Islande devrait rembourser un montant de trois millions et demi d’euros. Ce qui revenait à demander à chaque citoyen islandais la somme de 100 euros par mois pendant quinze ans, à un taux de 5,5%, pour rembourser une dette contractée par des sociétés privées auprès d’autres acteurs privés. C’était la goutte d’eau qui fit déborder le vase.

Ce qui s’ensuivit fut extraordinaire. On croyait que les citoyens devaient payer pour les erreurs des monopoles financiers, et qu’une nation tout entière devait subir des impôts pour rembourser des dettes privées, mais ce mythe vola en éclats. Cela changea complètement la relation entre les citoyens et leurs institutions politiques et en définitive les dirigeants islandais se retrouvèrent du côté de leurs électeurs. Le chef d’État, Olafur Ragnar Grimsson, refusa de ratifier le décret qui aurait rendu les citoyens islandais responsables des dettes des banques, et il accepta de recourir à un référendum.

Bien sûr, la communauté internationale ne fit qu’augmenter la pression sur l’Islande. La Grande-Bretagne et la Hollande la menacèrent d’affreuses représailles qui isoleraient le pays. Alors que les Islandais allaient voter, les banquiers étrangers menacèrent de bloquer toute aide du FMI. Le gouvernement britannique menaça de geler l’épargne et les comptes courants islandais. Comme l’a dit Grimsson : « On nous avait dit que si nous refusions les conditions de la communauté internationale, nous deviendrions le Cuba du Nord. Mais si nous avions accepté, nous serions devenu le Haïti du Nord » (combien de fois ai-je écrit que les Cubains se considèrent chanceux en voyant l’état de leur voisin Haïti).

Au référendum de mars 2010, il y eut 93% des votes contre le remboursement de la dette. Le FMI gela immédiatement son prêt. Mais la révolution (bien que non télévisée aux États-Unis) ne saurait être intimidée. Avec le soutien des citoyens furieux, le gouvernement lança une procédure civile et pénale contre les responsables de la crise financière. Interpol lança un mandat d’arrêt international contre l’ex-président de Kaupthing, Sigurdur Einarsson, alors que les autres banquiers impliqués dans le krach fuyaient le pays.

Mais les Islandais ne s’arrêtèrent pas là : ils décidèrent de jeter les bases d’une nouvelle constitution qui libèrerait le pays du pouvoir outrancier de la finance internationale et de l’argent virtuel (la constitution en vigueur datait de l’époque où l’Islande avait acquis son indépendance vis-à-vis du Danemark, en 1918, et la seule différence avec la constitution danoise était que le mot « président » remplaçait le mot « roi »).

Pour écrire la nouvelle constitution, les Islandais élirent 25 citoyens parmi 522 adultes qui n’appartenaient à aucun parti mais étaient recommandés par au moins 30 citoyens. Ce document n’était pas le travail d’une poignée de politiciens, mais fut écrit sur Internet. Les réunions de la constituante sont diffusées en streaming et des citoyens peuvent envoyer leurs commentaires et suggestions, assistant à l’élaboration du document pas à pas. La constitution qui émergera finalement de ce procédé démocratique participatif sera soumise à l’approbation du parlement après les prochaines éléctions.

Certains lecteurs se souviendront que l’effondrement de l’économie agraire de l’Islande au neuvième siècle était détaillée dans le livre de Jared Diamond du même nom. Aujourd’hui, ce pays se relève de son effondrement financier par des moyens diamétralement opposés à ceux que l’on considère généralement inévitables, comme l’a confirmé hier la nouvelle présidente du FMI Christine Lagarde à Fareed Zakaria. On a dit au peuple grec que la privatisation de son secteur public était la seule solution. Et les peuples d’Italie, d’Espagne et du Portugal doivent faire face à la même menace.

Ils devraient jeter un coup d’œil du côté de l’Islande. En refusant de courber l’échine face aux intérêts étrangers, ce petit pays a fait savoir haut et fort que ce sont les peuples qui commandent.

Voilà pourquoi on n’en entend plus parler aux infos.

Notes

[1] Crédit photo : Laurent Gauthier (Creative Commons By)