3 auteurs de romans Framabook en dédicace à Paris !
Vous l’avez peut-être remarqué, mais la collection Framabook est active, et se diversifie de plus en plus… allant même défendre la Culture Libre dans la fiction !
Alors pour fêter cela, on s’est dit qu’on allait mettre nos auteur-e-s de romans Libre à l’honneur lors d’une dédicace… Car quoi de mieux pour faire découvrir le Libre aux Dupuis-Morizeau de notre entourage que de trouver au pied du sapin un roman dédicacé personnellement… Une histoire qu’ils peuvent adapter, reprendre, diffuser autour d’eux, voire dont ils peuvent écrire la suite…?
On connaît déjà 2 romancier-e-s Framabook…
#Apolog, de Pouhiou
Il y a bien entendu Pouhiou qui, quand il n’est pas Framaslave ou ne parle pas de sexe libre et open-source, continue de temps en temps d’écrire les aventures des NoéNautes, ses télépathes foutraques, aux bras cassés et pieds nickelés.
Le 3e roman de la série des NoéNautes, #Apolog, est sorti en août dernier, et bonne nouvelle : pas besoin d’avoir lu les deux tomes précédents pour l’apprécier !
En revenant aux origines de la prophétie qui pourrit la vie de ses personnages, Pouhiou se permet de réécrire l’Histoire avec l’irrévérence qu’on lui connaît…
Tout en balisant son roman d’un « code » littéraire nous méta-donnant des infos afin d’encore mieux jouer avec notre esprit.
Lilly, c’est notre auteure-prodige. Une jeune femme si talentueuse qu’elle a vu son premier roman édité avant même que d’aller passer son bac de Français.
Il faut dire qu’Avant de dormir est une œuvre singulière. Un conte initiatique, une épopée gothique à l’imaginaire dense qui ne dépaysera pas les amateurs de Lovecraft ou de Neil Gaiman.
C’est l’histoire d’Andreï, un adolescent de 13 ans qui emménage dans une ville où un mal mystérieux tue ses voisins par dizaine. Lorsqu’Andreï découvre sous son lit un passage vers une forêt et un monde peuplé de monstres, il décide de partir à la recherche de celle qui pourrait être à l’origine de ces malheurs : la Vouivre.
Une exclu dans le Libre, vraiment…? OK : parlons plutôt d’avant-première. À l’heure où nous écrivons ces lignes, le polar drôle et prenant de Frédéric Urbain est en cours d’édition, et n’est pas encore officiellement sorti. Vous l’aurez donc avant tout le monde lors de cette séance de dédicaces !
Frédéric est connu du groupe Framabook, puisqu’il en est l’un des correcteurs. Mais il n’a pas bénéficié de passe-droit pour autant : comme les autres, son roman est passé en comité de lecture et la qualité de son intrigue, l’humour des situations comme la langue enlevée de ces personnages nous ont séduits.
Vieux flic et vieux voyou est un polar dans la plus pure tradition de ces romans de gare qui nous font délicieusement frissonner. Deux papys (un flic à la retraite et un pickpocket rangé des affaires) s’embarquent dans une enquête au suspense maîtrisé, qui va leur faire traîner leur expérience, leurs rhumatismes et leur argot de titis dans les rues de Paname… entre meurtre, trafic de drogue, et tracking GPS.
Tous ces livres sont Libres (CC-0 pour les romans de Frédéric Urbain et Pouhiou, LAL pour celui de Lilly Bouriot). Ce qui signifie que vous pourrez venir dans la librairie avec votre clé USB et repartir avec tous les romans dans votre poche !
Le logiciel libre bénéficie déjà de communautés qui veillent à le faire connaître et adopter par un maximum de monde. La culture libre ne profite pas encore de ces prescripteurs et prescriptrices, et pourtant… Pourtant c’est une porte d’entrée formidable vers le Libre pour toutes les personnes qui angoissent à l’idée de changer leurs habitudes logicielles.
À vous donc de faire passer l’info autour de vous, et d’emmener un maximum de monde à cette rencontre avec des auteur-e-s qui remettent en question le paradigme vieillissant de la propriété intellectuelle classique 😉
La numérisation des collections patrimoniales des musées devrait constituer une chance pour la diffusion de la culture. Trop souvent hélas, ce n’est pas le cas, à cause du copyfraud auquel se livrent les institutions. Comme l’a dit très justement Pier-Carl Langlais, le copyfraud est l’inverse du piratage : une revendication abusive de droits sur le domaine public pour en restreindre la réutilisation.
Les exemples de copyfraud ne manquaient déjà pas, mais le Reiss Engelhorn Museum de Mannheim en Allemagne a franchi cette semaine une ligne rouge en la matière. L’établissement a en effet décidé d’attaquer en justice la Wikimedia Foundation et Wikimedia Deuschland, pour la diffusion de 17 images d’œuvres du domaine public sur Wikimedia Commons. Depuis 2008, la Wikimedia Foundation a défini une position très claire à propos du copyfraud, en indiquant qu’elle ne reconnaissait pas la légitimité des restrictions rajoutées sur la réutilisation d’images en deux dimensions d’œuvres du domaine public. L’année suivante, une alerte sérieuse s’était produite lorsque le wikimédien Derrick Coetzee avait téléversé sur Wikimedia Commons plusieurs milliers d’images extraites du site de la National Portrait Gallery de Londres. Son geste dénonçait le fait qu’elle portait un copyright alors qu’elles correspondaient à des œuvres du domaine public . La National Portait Gallery avait alors agité la menace d’un procès, sans la mettre à exécution à la différence cette fois du musée Reiss Engelhorn.
Si l’on peut déplorer un tel comportement de la part d’une institution patrimoniale, ce sera peut-être aussi l’occasion pour un tribunal de se prononcer sur la légalité des pratiques de copyfraud. Comme le dit la fondation Wikimedia dans sa réponse au musée, la reproduction fidèle de tableaux ne crée pas une « nouvelle œuvre » et il est improbable que ces photographies satisfassent au critère de l’originalité, impliquant que le créateur imprime « l’empreinte de sa personnalité » dans son œuvre pour bénéficier d’une protection.
En France également, nombreux sont les établissements culturels se livrant à des pratiques de copyfraud. Le site Images d’art, lancé récemment par la Réunion des Musées Nationaux, comporte plus de 500 000 œuvres numérisées provenant de nombreux musées français. Mais toutes ces images portent le copyright du photographe les ayant réalisées, ce qui en interdit la réutilisation. Quelques institutions choisissent pourtant au contraire de diffuser librement leurs images et certaines comme le Musée des Augustins à Toulouse ou le Musée des Beaux Arts de Lyon ont engagé des partenariats avec Wikimedia France pour diffuser leurs images sur Wikipédia . Mais elles restent encore minoritaires.
Le plus inquiétant, c’est que la loi française risque bientôt d’évoluer pour légaliser les pratiques de copyfraud. Le recours au droit d’auteur par le musée Reiss Engelhorn reste juridiquement très fragile et la fondation Wikimédia peut encore affronter un procès avec des chances sérieuses de l’emporter. Mais la loi Valter, actuellement en cours d’adoption, s’apprête à consacrer la possibilité pour les établissements culturels de fixer des redevances de réutilisation sur les reproductions d’œuvres qu’elles produisent — y compris à partir des œuvres du domaine public — en les assimilant à des données publiques.
Là où devant la justice allemande, on peut encore revendiquer le droit de réutiliser le domaine public librement, ce ne sera peut-être bientôt plus possible en France.
Wikimedia Foundation et Wikimedia Deutschland invitent instamment le musée Reiss Engelhorn à abandonner ses poursuites concernant des œuvres d’art du domaine public.
Le 28 octobre, le musée Reiss Engelhorn de Mannheim, en Allemagne, a intenté un procès à la Wikimedia Foundation et ensuite à Wikimedia Deutschland, la branche allemande du mouvement international Wikimedia. L’objet en est une plainte pour copyright concernant 17 images d’œuvres d’art du musée qui relèvent du domaine public et qui ont été mises en ligne sur Wikimedia Commons. Wikimedia Foundation et Wikimedia Deutschland examinent la plainte et feront une réponse commune avant l’échéance fixée en décembre.
La Wikimedia Foundation et Wikimedia Deutschland maintiennent fermement leur engagement à rendre les œuvres publiques gratuites et libres d’accès. Les institutions publiques telles que les galeries et musées ont la même mission, et ont été des alliées historiques pour rendre accessibles à tous les connaissances du monde entier. Avec ce procès, le musée Reiss Engelhorn limite l’accès public à d’importantes œuvres culturelles qui seraient inaccessibles autrement pour le reste du monde.
Les peintures, portraits et autres œuvres d’art concernés par ce procès sont exposés au sein du musée Reiss Engelhorn, mais sont déjà présents dans le domaine public. Quoi qu’il en soit, la loi allemande sur le droit d’auteur peut s’appliquer aux photographies des œuvres qui appartiennent au domaine public, selon différents critères incluant l’artiste créateur de l’œuvre lui-même, la compétence et les efforts qui ont été mis dans la photographie, la créativité et l’originalité, et enfin l’art en tant que tel. Le musée Reiss Engelhorn prétend que ces images sont soumises au droit d’auteur car le musée a rémunéré le photographe qui a pris certaines d’entre elles, ce qui lui a demandé du temps, de la compétence et des efforts pour les prendre. Le Musée Reiss Engelhorn affirme encore que, à cause de ce droit d’auteur, les images des œuvres d’art ne peuvent pas être partagées au travers des Wikimedia Commons.
Les œuvres du domaine public affrontant l’hydre du droit d’auteur (allégorie)
La Wikimedia Foundation et Wikimedia Deutschland estiment que le point de vue du musée Reiss Engelhorn est erroné. Les lois sur le droit d’auteur ne doivent pas être utilisées à mauvais escient dans le but de contrôler la dissémination d’œuvres d’art appartenant au domaine public depuis longtemps, telles que les peintures exposées au musée Reiss Engelhorn. Le but du droit d’auteur est de récompenser la créativité et l’originalité, et non de créer de nouveaux droits limitant le partage en ligne d’images d’œuvres du domaine public. De plus, même si la loi allemande accorde quelques droits sur ces images, nous pensons qu’utiliser ces droits dans le but d’empêcher le partage des travaux du domaine public va à l’encontre de la mission du musée Reiss Engelhorn et de la ville de Mannheim et appauvrit l’héritage culturel mondial.
De nombreuses institutions se sont donné pour mission de rendre leurs collections le plus accessible possible pour le monde entier. En octobre, le musée des Arts et Métiers d’Hambourg, en Allemagne, a rendu sa collection accessible librement en ligne. Le Rijksmuseum d’Amsterdam a fourni un accès en ligne à toutes ses peintures, y compris la possibilité de les télécharger et d’utiliser les reproductions sous licence domaine public CC0. Au Danemark, SMK (Statens Museum for Kunst, la Galerie Nationale du Danemark) a rendu publiques ses images et vidéos numériques sous la licence CC-BY. La British Library [N.d.T : Bibliothèque de Grande-Bretagne, équivalent de la BNF] et le Japan Center for Asian Historical Records [N.d.T : le Centre japonais d’archives historiques asiatiques] ont conjointement libéré plus de 200 gravures japonaises et chinoises dans le domaine public.
Ces institutions culturelles conservent les valeurs du domaine public et protègent le droit de prendre part à notre héritage culturel. La tentative du musée Reiss Engelhorn de créer un nouveau copyright dans le domaine public va à l’encontre des principes européens sur le domaine public.
L’armée française part en campagne contre le copyfraud
Dans un communiqué du 11 août 2008, la Commission européenne a écrit : « il faut souligner qu’il est essentiel que les œuvres qui sont dans le domaine public restent accessibles après un changement de format. En d’autres termes, les œuvres qui sont dans le domaine public devraient y rester une fois numérisées et être rendues accessibles par Internet ». Cela a été renforcé par la charte d’Europeana de 2010 qui stipule : « Aucun autre droit sur la propriété intellectuelle ne doit être utilisé pour rétablir une exclusivité sur des matériaux du domaine public. Le domaine public fait partie intégrante de l’équilibre interne du système de droit d’auteur. Cet équilibre interne ne doit pas être rompu par des tentatives pour obtenir ou rétablir un contrôle exclusif via des règles extérieures au droit d’auteur. »
Ces dernières années, le mouvement Wikimédia a bénéficié de partenariats fructueux avec des musées et des galeries à travers le monde grâce à l’initiative GLAM-Wiki, qui aide des institutions culturelles à partager leurs ressources avec le monde entier par le biais de projets de collaboration avec des éditeurs expérimentés de Wikipédia. Ces partenariats ont permis à des millions de personnes de découvrir et d’apprécier des collections situées dans des endroits qu’ils ne pourront jamais visiter. Wikimédia Deutschland, seule, a travaillé avec plus de 30 musées en Allemagne pour rendre leurs collections accessibles gratuitement à n’importe qui n’importe où, au travers des projets Wikimédia. Ces partenariats font partie d’un effort indispensable qui permet aux institutions culturelles et à Wikimédia d’accomplir leur mission de libération de la connaissance et de partage de la culture.
Partout dans le monde des gens utilisent Wikipédia pour découvrir et comprendre le monde qui les entoure. Grâce à Internet, de nombreux obstacles traditionnels à la connaissance et à l’apprentissage ont disparu. Refuser l’accès en ligne à des images du domaine public empêche les gens d’explorer et de partager notre patrimoine culturel mondial. Nous exhortons le musée Reiss Engelhorn à reconsidérer sa position et à travailler avec la communauté Wikimédia pour rendre encore plus accessibles leurs œuvres élevées dans le domaine public.
Si vous avez un peu suivi la polémique, Firefox propose depuis quelques temps une intégration de Pocket, un choix discutable lorsque des alternatives libres et décentralisées existent.
Nicolas Lœuillet, principal développeur de l’alternative Wallabag (dont vous pouvez trouver une instance en libre service sur Framabag dans le cadre du projet Dégooglisons Internet) a remarqué un nouveau ticket ouvert sur Bugzilla qui montre la volonté de Mozilla de transformer cette intégration en un simple module complémentaire qui sera ainsi plus facilement désactivable. Comme quoi rien n’est irréversible quand on écoute sa communauté 🙂
Firefox vide ses poches
Vous me connaissez, quand il s’agit de gueuler, je ne suis pas le dernier. Ces derniers temps, un fleuron du logiciel libre, le célèbre Mozilla Firefox, a eu tendance à faire quelque chose que je ne peux mieux résumer que par ce dessin :
Signature obligatoire des extensions, changement total de l’API, publicités intégrées dans les vignettes par défaut… Firefox a provoqué pas mal de débats enflammés.
Dernière affaire en date : l’intégration par défaut de Pocket, un outil de lecture différée propriétaire et centralisé.
Même que Framasoft propose une instance gratuite et ouverte à tous sur http://framabag.org/, farpaitement !
Mais voici enfin une bonne nouvelle : les développeurs de Mozilla travaillent à transformer l’intégration de Pocket en un simple module complémentaire, ce qui permettra de l’activer ou de le désactiver beaucoup plus facilement. Un pas dans la bonne direction, donc…
Voilà, on gueule, on gueule, mais quand on est entendus, ça fait du bien de pouvoir dire :
La question des bonnes pratiques au sein d’une communauté
Sarah Sharp, dont nous avons traduit récemment le billet d’adieu à l’équipe du noyau Linux ne se contente pas de pointer ce qui dysfonctionne dans les rapports humains au sein des équipes de développement. Elle propose ici toute une série de bonnes pratiques, selon elle nécessaires, qui visent à améliorer la qualité des échanges quotidiens, du moins à rendre vivable et acceptable le travail ensemble. Il est certain qu’une liste aussi copieuse peut surprendre, et même être rejetée d’un haussement d’épaules au motif que c’est typique du « politiquement correct » à l’américaine… Cette longueur et cette précision s’expliquent sans doute par l’expérience désagréable de Sarah : les situations qu’elle a vécues lui ont imposé d’aller bien plus loin qu’un simple code de conduite, qui sert trop souvent d’alibi aux communautés. On trouvera donc un peu de tout dans ces recommandations classées par étapes progressives : du simple bon sens dont on s’étonne qu’il soit nécessaire de le formaliser (mais justement ce bon sens ne va plus de soi, parfois), mais aussi des vues très pertinentes sur le fonctionnement optimal d’une communauté qui rappellent l’ouvrage de Karl Fogel Produire du logiciel libre (un Framabook !). Ces propositions, malgré leur caractère un peu idéaliste, nous amènent à interroger nos pratiques, car les communautés libristes, si elles sont loin d’être des champs de bataille, sont rarement de longs fleuves tranquilles.
Parvenir à faire vivre une communauté hétérogène est un processus progressif. Il n’existe pas de raccourci. En ce qui concerne le changement culturel, chaque niveau doit être atteint avant de passer au suivant. Il vaut également la peine de préciser que chaque étape doit bénéficier à l’ensemble des membres de la communauté et pas uniquement à quelques contributeurs.
Niveau 0 : respect fondamental de l’humain
Pour pouvoir attirer des participants très divers, vous devez avoir la réputation d’être une communauté accueillante, régie par une série de règles sociales explicites et acceptées. Il ne suffit pas d’avoir un code de bonne conduite. Ceux qui pilotent la communauté doivent le soutenir et il doit être imposé.
Une communauté accueillante de niveau 0 fait preuve des caractéristiques suivantes :
chacun est encouragé à faire des retours sincères et directs sur les questions techniques ;
les contributeurs sont invités à résoudre les conflits entre personnes de manière saine ;
les interactions quotidiennes dans la communauté sont généralement au niveau DISCON 1(*) (c’est super, tout va bien), et tombent occasionnellement au niveau DISCON 2 (insultes non personnelles) ou DISCON 3 (utilisation de grossièretés) ;
les contributeurs qui atteignent régulièrement le niveau DISCON 4 (insultes personnelles) sont encouragés à modifier leur comportement ;
les contributeurs qui atteignent le niveau DISCON 5 (menaces) sont fermement invités à cesser leur participation ;
les harceleurs récidivistes sont exclus des conférences et bannis des réseaux de discussion ;
les petits nouveaux et petites nouvelles sont informé.e.s sur les « brebis galeuses » et sur les personnes dont les retours sont sans intérêt ;
un code de conduite explique clairement quels sont les comportements encouragés et les comportements dissuadés ;
dès que de petites hostilités apparaissent, les membres de la communauté arrêtent ce qu’ils font, écoutent et s’excusent ;
la communauté dans son ensemble, y compris les responsables et les community managers, fait respecter les normes de communication.
Niveau 1 : embarquement
La phase suivante pour améliorer la diversité est de comprendre comment embarquer de nouveaux passagers. Si seulement entre 1 et 10 % des nouveaux venus ont une personnalité originale et que 90 % des personnes sont boulées dès leur première contribution, eh bien, vous ne pouvez pas espérer que toutes sortes de gens adhèrent à la communauté, n’est-ce pas ? Il est donc essentiel d’expliquer le mode de fonctionnement implicite de votre communauté, de sorte que les candidats de toute origine (qui sont souvent effrayés à l’idée de bouleverser l’ordre établi) sachent où ils mettent les pieds.
Dans une communauté accueillante de niveau 1, on trouve :
une documentation précisant par quels moyens interagir avec la communauté (irc, liste de diffusion, suivi des tickets (bug tracker), etc.) ;
des réunions dans la vraie vie pour encourager le travail en réseau avec les nouveaux membres ;
des discussions par vidéo ou en direct pour mettre un visage sur les noms et encourager l’empathie et la camaraderie ;
une documentation de base concernant les contributions relatives à la compilation, au fonctionnement, aux tests et au perfectionnement ;
un système de tests facilement accessible sur le Web pour les nouvelles contributions ;
des tutoriels détaillés et maintenus à jour ;
un guide de bonnes pratiques pour le code (ce qui est demandé, ce qui est facultatif et qui écouter quand il y a un désaccord entre les développeurs) ;
le planning des sorties (les releases des produits) et des dates-limites pour ajouter des fonctionnalités ;
des moyens pour faire un retour sur les contributions ne concernant pas le code (rapport de bug, documentation, tutoriels, tests, planification d’événements, graphismes).
Niveau 2 : contributions significatives
L’étape suivante consiste à savoir quoi faire de ces nouvelles recrues motivées. Si elles sont arrivées là en dépit d’une culture technologique malsaine, il y a de grandes chances pour qu’elles soient persévérantes, intelligentes, et à la recherche d’un défi. Si vous n’avez pas de vastes projets significatifs auxquels elles pourraient contribuer, elles s’en iront vers des cieux plus brillants.
Dans une communauté accueillante de niveau 2, on trouve :
des listes de tâches réservées aux nouveaux ;
de gros projets indépendants ;
des mentors accueillants et disponibles ;
des programmes pour payer les nouveaux venus (des stages, un summer of code, etc.) ;
des contributeurs chaleureusement remerciés, avec la reconnaissance explicite de ce qui a été réussi et de ce qui pourrait être amélioré ;
un canal de communication informelle pour trouver des idées avec les nouveaux (irc, liste de diffusion… n’importe quoi tant que ça fonctionne) ;
un code de conduite qui encourage les développeurs à être animés de bonnes intentions.
Niveau 3 : accompagnement
L’étape suivante pour une communauté, c’est de se demander comment retenir de nouveaux participants très divers. Comment allez-vous promouvoir ces nouveaux profils originaux afin de leur permettre d’avoir un impact sur la communauté au niveau de la gouvernance ? Si vos dirigeants ont atteint leur date de péremption, si l’on voit toujours les mêmes vieilles têtes, les gens partiront dès qu’ils voudront être plus présents dans la prise de décisions. Si des personnes brillantes quittent votre communauté, vous devriez peut-être mettre au point une façon de les garder parmi vous.
Dans une communauté accueillante de niveau 3 :
les avis critiques sont récompensés et les questions des nouveaux sur les points flous sont encouragées ;
les responsables et/ou les personnes qui font la maintenance tournent selon un planning défini ;
les arrêts et les vacances sont encouragés, ainsi les nouveaux « mainteneurs » ont plus de chance d’acquérir de nouvelles compétences ;
Les membres de la communauté rédigent des tutoriels sur la revue des correctifs (patch), la gestion des diffusions, et l’aspect social du développement de logiciel ;
des mentors pour les nouveaux intervenants lors des conférences sont épaulés par des mentors ;
le code de conduite encourage à éviter le burn-out et aussi à respecter les personnes qui quittent le projet.
Niveau 4 : empathie et vigilance
Une fois que vous avez réglé le problème des départs et que des moyens sont mis en œuvre pour éviter le burn-out des développeurs, il est temps de s’attaquer au problème qu’évite la majorité des geeks : la question des relations sociales. Vos leaders ont des opinions différentes, comme cela devrait être le cas dans toutes les bonnes communautés ! Néanmoins, il faut prendre des garanties pour éviter que celui qui parle le plus fort finisse par gagner par épuisement des autres, et pour que les personnes moins connues ou minoritaires puissent être entendues.
Dans une communauté accueillante de niveau 4 :
les développeurs, les chasseurs de bugs et tous les autres contributeurs sont sur un pied d’égalité ;
on effectue des mises au point sur des questions non techniques, telles que des discussions sur des problèmes culturels ou politiques avec un suivi clair de la part des responsables ;
la documentation est en constante amélioration ;
les dirigeants montrent leur capacité à reconnaître leurs erreurs et à modifier leur comportement face aux critiques ;
les community managers font des rappels au code de conduite quand c’est nécessaire ;
le code de conduite insiste sur la nécessité d’écouter les différents points de vue ;
Niveau 5 : diversité
Une fois que vous avez mené tous ces changements culturels, vous pouvez chercher activement encore plus de personnes originales et avoir l’espoir de les garder parmi vous.
Dans une communauté accueillante de niveau 5 :
le comité décisionnaire (quel que soit son nom) comprend au moins 30 % de nouveaux, et il y a une rotation des habitués ;
la recherche de nouveaux leaders se fait en dehors des réseaux et des têtes connues ;
la communauté participe à des programmes promouvant la diversité ;
la diversité n’est pas seulement une action de relations publiques, les développeurs cherchent réellement de nouvelles perspectives et s’efforcent de reconnaître leurs propres privilèges ;
lors des conférences, le genre de l’intervenant ne doit pas être un problème ;
lors des conférences, on peut s’occuper des enfants, savoir si les plats sont végétariens ou pas, et lire un règlement intérieur clair ;
la politique concernant l’alcool encourage les participants à prendre du bon temps plutôt qu’à se saouler ;
le code de conduite protège explicitement la diversité parmi les développeurs et présente l’éventail de leurs droits ;
le comité chargé de faire s’appliquer le code de conduite inclut des représentants de la diversité issus de la communauté.
Ce qui m’agace le plus c’est quand une communauté saute des étapes. « Hé, nous avons un code de conduite et on accueille les enfants mais les harceleurs notoires sont invités à nos conférences ! », « Nous voulons participer à un programme pour la diversité, mais nous n’avons aucun mentor ni aucune idée de ce qu’un contributeur pourrait faire sur le long terme ! ».
* DISCON (DEFCON Insult Scale for DIScussion – Échelle d’insulte DEFCON pour les discussions) est une échelle fictive qui s’inspire de DEFCON (le niveau d’alerte militaire des forces armées des États-Unis).
Une contributrice du noyau Linux jette l’éponge
Sarah Sharp a de multiples passions sympathiques comme on peut le voir sur la page où elle se présente : développeuse, cycliste, jardinière… et geek. Si nous choisissons aujourd’hui de lui donner un écho francophone, c’est parce qu’elle est libriste de longue date et qu’elle a travaillé pendant sept ans dans l’équipe qui gère et maintient le kernel Linux, c’est-à-dire le noyau du système.
Dans un billet sans acrimonie ni attaque ad hominem, elle explique nettement pourquoi elle a cessé d’apporter sa contribution à ce haut niveau de programmation : lassée d’un mode de communication qui tolère et justifie la brutalité entre ses membres, elle regrette que l’équipe du kernel n’ait pas su évoluer vers des rapports humains plus acceptables.
Elle soulève ici une question désagréablement lancinante, celle du délicat respect de chacun ; il n’est pas indifférent qu’une fois encore ce soit une femme qui estime n’avoir plus sa place au sein d’une équipe de développement. Puisse cet exemple nourrir la réflexion et contribuer à faire évoluer un peu les esprits.
Notez que ce texte critique qui a eu un certain retentissement a été suivi d’un volet plus « constructif » de Sarah Sharp, dans lequel elle propose cinq niveaux et appelle à un changement culturel de fond dans les communautés libristes , ce qui est certes plus complexe que de s’abriter derrière l’alibi d’un code de conduite…
Voilà un an que ce billet est dans mon répertoire de brouillons. Ce n’était jamais le bon moment pour le publier. je m’inquiétais toujours des contrecoups. Cela fait un bon moment que je tourne autour de l’idée d’évoquer ce sujet en public, mais mon propre refus de reconnaître ce problème a fini par me ronger complètement. Alors le voici.
En un mot : je ne suis plus développeuse du noyau Linux. J’ai transféré en douceur la maintenance du pilote du contrôleur USB 3.0 en mai 2014. En juin 2015, j’ai mis fin à mon rôle de coordinatrice du programme d’ouverture aux femmes du logiciel libre (OPW), et j’ai évolué pour aider à coordonner le programme Outreachy. Le 6 décembre 2014, j’ai animé ce que j’espère être ma dernière présentation sur le développement du noyau Linux. On m’a demandé de coordonner la conférence Linux Plumbers à Seattle en août 2015 et j’ai refusé. La fin de mon mandat au Linux Advisory Board approche et je ne serai pas candidate à ma réélection.
Si j’avais le choix, je n’enverrai jamais plus un correctif, un rapport de bug ou une proposition sur les listes de discussion du noyau Linux. Mes boîtes de réception personnelles ont regorgé de messages de cette liste et je les ai ignorés. Mon travail actuel sur l’activation des modes graphiques dans l’espace utilisateur nécessitera peut-être que j’envoie occasionnellement des correctifs du noyau, mais je sais que je vais passer au moins une journée à craindre les éventuels retours destructeurs de l’interaction avec la communauté qui gère le noyau avant d’envoyer quoi que ce soit.
Je ne fais plus partie de la communauté du noyau Linux.
C’est le résultat d’une longue période de réflexion, et de beaucoup de temps passé à planifier ma succession. Je n’ai pas pris à la légère cette décision de me retirer. Je me suis sentie coupable, pendant longtemps, de ce retrait. Quoi qu’il en soit, j’ai finalement pris conscience que je ne pouvais plus contribuer à une communauté au sein de laquelle j’étais respectée sur le plan technique, mais où je ne pouvais pas demander à être respectée en tant que personne. Je ne pouvais plus travailler avec des gens qui encouragent les nouveaux venus à envoyer des correctifs, et réclament ensuite le droit pour les « mainteneurs » de cracher n’importe quelle grossièreté qu’ils considèrent nécessaire pour conserver une honnêteté affective radicale. Je ne voulais plus travailler professionnellement avec des gens qui s’en sortent malgré leurs blagues subtilement sexistes ou homophobes. Je me sens désarmée devant une communauté qui a un « code de résolution des conflits » qui ne contient même pas une liste explicite de comportements à éviter et une communauté qui n’a pas la volonté de faire appliquer ce code.
J’ai le plus grand respect pour les efforts techniques accomplis par la communauté du noyau Linux. Elle a développé un projet qui se concentre sur le respect des meilleurs standards de code qui existent. La focalisation sur l’excellence technique, la surcharge de travail des mainteneurs et la collaboration entre personnes qui proviennent de différentes cultures et normes sociales sont trois facteurs qui expliquent que les mainteneurs du noyau Linux sont souvent directs, grossiers voire brutaux pour que le travail soit fait. Les meilleurs développeurs du noyau Linux se crient souvent dessus pour corriger mutuellement leur comportement.
Ce type de communication ne me convient pas du tout. J’ai besoin d’une communication qui puisse être brutale sur le plan technique tout en étant respectueuse sur le plan personnel. J’ai besoin que quelqu’un puisse me corriger lorsque je fais une erreur (qu’elle soit technique ou sur le plan social) sans pour autant me faire descendre en tant que personne. Nous sommes humains, nous commettons des erreurs et nous les corrigeons. Nous nous énervons envers quelqu’un, nous sur-réagissons, et puis nous nous excusons et essayons de travailler ensemble pour trouver une solution.
J’aurais préféré que la communication au sein de la communauté du noyau Linux se passe de manière plus respectueuse. J’aurais préféré que les mainteneurs du noyau Linux communiquent de façon plus saine quand ils sont contrariés. J’aurais préféré que davantage de personnes assurent la maintenance du noyau Linux, ainsi ils n’auraient pas eu à être aussi brusques et directs.
Malheureusement, les changements de comportement que j’aimerais voir dans la communauté du noyau Linux ne se produiront sans doute pas de sitôt. Plusieurs développeurs seniors du noyau Linux approuvent le fait que les mainteneurs puissent être durs sur les plans technique et personnel. Même si à titre personnel ce sont des gens charmants, ils ne veulent pas que le mode de communication du noyau Linux change.
Cela veut dire qu’ils font passer les besoins affectifs des autres développeurs du noyau Linux (faire tomber la pression en se défoulant sur les autres, en étant brutal, impoli ou grossier) avant mes propres besoins affectifs (le besoin d’être respectée en tant que personne, et de ne pas être la cible de violence psychologique ou d’injures). C’est une dynamique perverse qui privilégie la position des mainteneurs établis au mépris du respect fondamental de l’être humain.
Je ne publie pas ce message à l’attention des développeurs du noyau. Je ne publie pas ce message pour pointer du doigt des personnes précises. Je publie ce message parce que je suis affligée pour la communauté dont je ne souhaite plus faire partie. Je poste ce message car je suis triste à chaque fois que quelqu’un me remercie de revendiquer de meilleures normes pour la communauté, parce que j’ai finalement abandonné l’idée de changer la communauté du noyau Linux. Le changement de culture est un processus long et douloureux et je n’ai plus l’énergie pour prendre une part active à ce changement de mentalité dans la communauté du noyau.
J’ai l’espoir que la communauté du noyau Linux évoluera avec le temps. J’ai participé à cette évolution, et la documentation, les tutoriels et les programmes que j’ai initiés (comme les stages noyau Outreachy) continueront à se développer en mon absence. Je reviendrai peut-être un jour, lorsque les choses iront mieux. J’ai une carrière de plusieurs décennies devant moi. Je peux attendre. En attendant, il existe d’autres communautés du logiciel libre, plus amicales, où je peux jouer ma partition.
Lorsqu’une porte se ferme, une autre s’ouvre, mais souvent nous restons si longtemps et avec tant de regrets devant la porte fermée que nous ne voyons même pas celle qui vient de s’ouvrir devant nous.
À l’occasion de la journée Ada Lovelace, Véronique Bonnet, professeur de philosophie et administratrice de l’April, s’adresse à cette femme illustre et la replace dans une perspective libriste, sans la réduire à la caution féministe d’une journée singulière…
Ada,
honorable Lady Augusta Ada King, comtesse de Lovelace, ta journée est un peu ambigüe, mais sans doute nécessaire.
L’idée d’un Ada Lovelace Dayn’est pas des plus subtiles. Marquer d’une pierre blanche un jour de notre année pour y honorer une programmeuse non pas parce qu’elle est programmeuse mais parce qu’elle est femme, et qu’il est inouï qu’une femme le soit, et qu’en plus on dise qu’elle ait été la première à l’être, la première des programmeuses et des programmeurs, c’est comme poser l’exception qui confirme la règle. C’est faire d’une fête une défaite, un peu. Sûrement pas la défaite des femmes, mais plutôt la défaite de l’autonomie, celle qui amène les êtres parlants à se moquer pas mal d’avoir eu de petits chaussons roses ou de petits chaussons bleus, dans l’invention d’eux-mêmes qu’est l’existence.
Nous le savons bien, dans la communauté, à l’April, à Framasoft : rien de tel que le librisme pour conjuguer le « fais ton informatique comme tu veux », adage stallmanien, sur le mode « fais ta vie comme tu veux ». Libriste s’écrit de la même façon au féminin et au masculin. L’archétype du programmeur mâle, blanc, trentenaire, par la grâce d’une éthique du libre, finira bien par partir en quenouille.
Mais ce serait oublier, Ada, qu’il y a encore aujourd’hui des pays où les filles ne vont même pas à l’école. Et où de tristes alibis, comme la religion ou parfois la culture, finissent par les persuader elles-mêmes, faute de recul, que tout est bien ainsi.
Chez Platon, lui-même, dans le Banquet, il est vulgaire de s’éprendre d’un corps féminin, qui ne pense pas, et qui est tout juste bon à fournir la part de matière requise pour qu’il y ait procréation, expression naïve du désir d’immortalité. L’être masculin, lui, a un corps qui pense. Lorsqu’il se reproduit, il est pourvoyeur non pas de matière mais de forme. De manière imagée, à la fin du Timée, le même Platon précise : quand un être masculin, qui donc peut penser, néglige de le faire, il devient femme. S’il persiste dans son absence de fréquentation de l’intelligible, il devient oiseau, tête de linotte, puis mammifère terrestre, puis reptile, poisson, mollusque. S’il se remet à penser, le mollusque devient poisson, puis reptile, puis mammifère, puis femme, puis homme…
Il faut attendre l’humanisme de la Renaissance pour que soit posée la tâche, pour chaque humain, qu’il soit masculin ou féminin, de s’inventer lui-même, d’inventer son rapport au sensible et à l’intelligible. Non plus être un corps, mais avoir un corps, non plus s’inscrire seulement dans des sens, mais dans du sens. C’est aussi à la Renaissance (comme je l’avais évoqué dans un article précédent du Framablog : Sensibilité, fraternité, logiciel libre) que les alchimistes, dont Paracelse, rêvent de générer un être qui pense, sans l’entremise du féminin. Ce à quoi feraient écho, selon Philippe Breton, les projets des cybernéticiens et des informaticiens : faire advenir, par le potentiel de l’abstraction mathématique, une intelligence artificielle. Persistance, aujourd’hui, de ces représentations, dans la question du rapport des femmes à la science ?
Portrait d’Ada Lovelace par Alfred Chalon (Domaine public, via Wikimedia Commons)
Tu es née, Ada, en 1815, en un temps où une enfant de lord, Byron en l’occurrence, n’aurait jamais dû être initiée à la mathématique. Un contexte très particulier : ta mère mathématicienne, ton père parti, après ta naissance, épouser une autre femme, sans jamais te revoir. Ce qui a ouvert pour toi ce qui était fermé pour toutes les autres. Wikipédia se fait l’écho, à ton sujet, de commentaires contradictoires concernant la part de Charles Babbage dans les initiatives théoriques qui te sont attribuées, concernant la programmation de la machine ainsi que l’intuition d’implémentation de symboles. Première à avoir programmé ou non, tu fus, en tous cas, pionnière émérite et virtuose arithméticienne à un moment qui en comptait peu d’autres.
Émilie, Gabrielle Émilie Le Tonnelier de Breteuil, marquise du Châtelet, un siècle avant toi, mathématicienne, et physicienne aussi, avait traduit Newton, aimé Voltaire, et prêté le flanc aux commentaires acerbes des chipies jalouses d’alors. Une certaine Madame du Deffand, réputée pourtant pour son esprit et son salon fréquenté par les Lumières, avait écrit d’Émilie du Châtelet : « sans talents, sans mémoire, sans goût, sans imagination, elle s’est faite géomètre pour paraître au-dessus des autres femmes, ne doutant pas que la singularité ne donnât la supériorité. »
Émilie est morte en couches. Toi-même, Ada, d’un cancer de l’utérus. Comme si, par là, marâtre, la nature s’était ingéniée à souligner ce à quoi les femmes devraient s’en tenir lorsqu’elles « conçoivent ». Conception, et non pas concept. Filles d’Eve, comme chacun sait, et non d’Adam. Du côté du sensible, non de l’intelligible. Comme si ce clivage avait un sens à lui tout seul. Heureusement, il est très beau, Ada, que ton nom ait été donné à un langage.
C’est pourquoi, Ada, pour te rendre« hommage », terme piégé, encore, et c’est bien dommage, je m’en tiendrai à ceci :
En cet Ada Lovelace Day, à l’encontre des idéologies privatrices, tu opères comme figure tutélaire, et avant tout humaine, de l’ingéniosité. Aussi bien Ada que Charles. Aussi bien Ian que Deb. Aussi bien Ulysse aux mille ruses que Pénélope et son hack de la toile, filée le jour et détricotée la nuit. Après tout, Pénélope est devenue reine d’Ithaque sur la requête de son navigateur.
L’histoire d’un dessin animé libre
Vous l’avez sans doute vu passer à plusieurs reprises : notre dessinateur Gee nous a concocté cette année un petit GIF animé (avec variantes) pour illustrer les sorties de nos différents services et a même poussé le concept jusqu’à en faire une vidéo avec musique et effets sonores !
Ce dessin animé est sous licence CC-By-Sa. Et comme chez Framasoft, on est un peu monomaniaques, il l’a bien sûr été réalisé uniquement avec des outils libres ! Ce petit making-of, que vous pouvez également retrouver sur le site de Gee, vous explique les différentes étapes pour réaliser cette courte animation.
Les outils
Bon. Quand Pouhiou m’a envoyé un mail pour me demander s’il y avait moyen de faire un petit GIF avec le scénario qu’il avait écrit (avec une date limite assez serrée), je me suis penché sur les logiciels d’animation libre. J’ai tout d’abord essayé Synfig qui semblait être le plus plébiscité. J’ai importé un personnage bricolé dans Inkscape, j’ai essayé de l’animer en fouillant un peu les menus et en regardant des tutos sur Internet. Sans succès (je dois pas être doué). J’ai laissé tomber quand le logiciel m’a planté entre les mains après avoir cliqué sur un bouton au hasard. J’ai vaguement jeté un œil du côté de Pencil2d, mais ça ne m’avait pas l’air beaucoup plus simple.
Qu’à cela ne tienne. Quand on est un peu pressé, mieux vaut s’en tenir à des logiciels qu’on connaît, même s’ils ne sont pas exactement faits pour la tâche qu’on a à accomplir. En l’occurrence, je me suis contenté d’utiliser :
Mon chouchou Inkscape pour faire les dessins, on ne change pas une équipe qui gagne (et il est aussi utilisable en ligne de commande, un très gros atout !)
Un peu de Ruby pour automatiser un peu le processus
Je préviens d’avance que j’ai procédé volontairement de manière quick’n’dirty. Il est évident que tout ce que j’ai fait peut-être réalisé plus efficacement et proprement si on maîtrise un parser XML, les expressions régulières, etc. etc.
Animons… à l’ancienne !
Puisque je n’utilise aucun outil qui facilite l’animation (pour calculer automatiquement des images entre deux positions-clefs, par exemple) je fais au plus simple : décomposer le mouvement image par image et dessiner chaque image séparément. J’assume du coup le côté « saccadé » car je n’avais franchement pas le courage de faire du 25 images par seconde 🙂
Pour la marche du manchot, une boucle de 8 images :
Pour animer l’uppercut, je me suis inspiré des sprites d’un certain jeu de baston assez connu…
Et pour la partie jardinage, j’ai fait à l’instinct avec une boucle de deux images quand le manchot grattouille la terre.
Reste le soldat qui est beaucoup moins animé mais possède son petit nombre d’images quand même. Je dessine le bouclier vide, sachant que le logo sur le bouclier va varier selon les projets.
Voilà ! Les autres éléments sont fixes (ou pratiquement) :
Et enfin, un fond qui est raccordable à gauche et à droite pour pouvoir boucler facilement.
On assemble…
C’est là où ça devient carrément artisanal (et où, encore une fois, il y a moyen de faire plus simple – et moins gourmand en espace ! – si on sait scripter du SVG comme un chef). Je fais un calque (toujours sur Inkscape) par image, en dupliquant les éléments qui doivent l’être à chaque fois. Du coup le fichier source devient vite très gros…
On commence par 2 cycles de marche (soit 16 images). C’est le fond qui bouge. J’ai calculé qu’à la fin des deux cycles, mon personnage devait avoir parcouru à peu près les 2 tiers du décors qui fait 860 pixels de large. On doit donc parcourir (2/3)*860=537,33 pixels en 16 frames. À chaque calque, je duplique le précédent et je sélectionne mon fond : Objet/Transformer/Déplacement horizontal de -35,84 pixels.
Arrivé à la dernière des 16 frames, le nuage doit être dans sa position finale. Je le mets, puis je fais l’opération inverse (copie du nuage sur les calques précédents et mouvement de 35,84 pixels jusqu’à ce qu’il sorte du cadre). Avec toutes ces copies, le fichier fait déjà 11Mio ! Je décide de diviser l’animation en plusieurs fichiers pour ne pas exploser la mémoire de ce pauvre Inkscape…
Le deuxième fichier SVG commence aux éclairs et termine quand le soldat est éjecté de l’écran. Pas grand-chose à dire, pas de formule mathématique ici, j’ai animé en essayant/regardant/corrigeant jusqu’à arriver à un enchaînement qui me semblait bien. Mine de rien, le deuxième fichier fait déjà 20Mio… On passe au troisième fichier !
On commence par recentrer la « caméra » sur notre personnage : rien de bien compliqué, toute l’image bouge en même temps. On en profite pour lancer l’animation du manchot qui grattouille la terre. Rien de bien compliqué pour faire apparaître l’arbre dans une explosion de lumière 🙂
Mais c’est là que les choses se corsent : il faut que je termine en bouclant sur le début, il faut donc que la dernière image se raccorde avec la première. J’ai déjà prévu un fond raccordable, par contre mon personnage a un peu bougé à l’arrache avec le combat et le plantage d’arbre. Et en plus, horreur et damnation, je me rends compte que mon bel arbre dépasse sur la partie de l’image qui apparaît sur la première image !
Aaaargh ! Trois solutions :
Tout refaire pour placer l’éclair, l’arbre et cie. plus à gauche (non mais ça va pas la tête ?!)
Recoller le morceau d’arbre sur les premières images pour rester cohérent (mais du coup ce serait bizarre de le voir dès le début)
Utiliser un habile trucage 🙂
Et c’est la dernière solution (la plus feignasse, j’assume) que j’ai choisie. Et je suis assez content parce que cette petite « triche » ne se voit pratiquement pas (sauf si on le sait). Vous l’avez vue ? Eh bien c’est simple : l’arbre bouge plus vite que le fond sur les dernières images ! De telle sorte qu’il semble naturel qu’il soit sorti de l’image quand on revient sur la première image…
Bon, n’empêche que c’est quand même un peu le bazar, puisque tout doit un peu bouger pour retourner à la position initiale :
Par rapport au fond, le manchot doit avancer de 327 pixels
Pour retrouver sa position initiale (sur le bord gauche de l’image), le manchot doit reculer de 80 pixel
Le fond doit reculer de 400 pixels
L’arbre doit reculer de 585 pixels
Puisque par rapport au fond, le manchot doit avancer de 327 pixels, on peut calculer le nombre de « pas » qu’il doit faire (= le nombre d’images dans la boucle de marche). On se rappelle que manchot faisait 35,84 pixels par pas au début. Pour parcourir 327 pixels, il lui faut donc 9,12 pas (arrondis à 9). Maintenant qu’on connaît le nombre d’images nécessaires et les déplacements à faire, il n’y a plus qu’à enchaîner ! Pendant 9 images :
Le manchot bouge de 8,89 pixels
Le fond bouge de 44,44 pixels
L’arbre bouge de 65 pixels (sans le problème décrit plus haut, il aurait dû bouger à la même vitesse que le fond, ici il est 46% plus rapide !)
Et voilà ! Nous avons maintenant toutes nos images, y’a plus qu’à assembler !
Scriptons
On est quand même à 3 fichiers SVG qui totalisent 50Mio et 81 calques. Hors de question de se taper les exportations à la main (surtout que je veux pouvoir facilement tester et changer des choses). Du coup, c’est l’heure de scripter. J’ai choisi le Ruby pour plusieurs raisons :
Déjà, parce que c’est ce que j’utilise en général quand je dois scripter (du coup je maîtrise mieux — mais pas tant que ça vu que je ne scripte pas si souvent)
C’est un langage relativement dégueulasse (on peut écrire à peu près n’importe quoi) mais qui du coup est simple à faire fonctionner
C’est rigolo comme langage 🙂
Tout d’abord, comme je l’ai dit en introduction, il faut savoir qu’Inkscape a un mode ligne de commande, et c’est super ! On peut choisir d’exporter un fichier en PNG avec la taille que l’on veut et en sélectionner un objet de la scène. Et ça tombe bien, puisque mes calques sont des objets et qu’en sélectionnant chaque calque un par un dans l’ordre des numéros, on obtient toutes les images de l’animation dans le bon ordre.
Et là, il y a un hic : pour choisir un objet, Inkscape veut qu’on lui donne son ID. Sauf que son ID n’a rien à voir avec le Nom qu’on lui a donné dans Inkscape. Nom que j’avais pris soin d’écrire imgXXX (avec XXX le numéro de l’image). Groumpf. Qu’à cela ne tienne, en faisant un petit grep, on se rend vite compte que les attributs id et name d’un calque sont juste à côté. On commence donc par récupérer l’ID correspondant à chaque calque avec un petit hack un peu crade mais qui marche :
Ensuite, une fois qu’on a récupéré les bons ID associés aux bons noms, on peut lancer l’exportation des calques vers des PNG avec une bête boucle et un appel à Inkscape :
Il ne reste plus qu’à compiler le GIF à l’aide d’ImageMagick. La façon la plus simple de faire est celle-ci :
Mais dans mon cas, je souhaite que certaines frames soient plus longues que d’autres (par exemple, celles où le soldat parle). Dans ce cas-là, j’écris la commande ImageMagick frame par frame en précisant la durée à chaque fois (notez qu’on pourrait ne préciser la durée par défaut qu’après chaque frame qui ne l’utilise pas, mais bon, c’est le script qui s’en charge alors peu importe). J’ai oublié de le copier/coller, mais la variable delay est égale à 10 bien sûr.
ET VOILÀ !
Notre GIF est tout prêt, tout beau. Ensuite, il y a encore moyen de réduire le poids du GIF en réduisant la qualité etc. J’ai aussi généré pas mal de variantes avec des changements de couleur (via des scripts aussi), mais je vous passe les détails. J’arrête là pour le making-of, car si je commence à vous parler de la vidéo (et du son), on n’est pas rendus 🙂
Vous pouvez télécharger le script complet (et éventuellement les sources, mais même compressé, c’est gros !). Tout est libre, toujours sous licence CC-By-Sa.
Faites tourner ! Et bon dimanche 😉
Libre@Toi, une webradio libre et bien davantage
Dans le milieu associatif et libriste, Libre@Toi commence à se faire un nom. Bien que sa visibilité publique soit encore récente, ce jeune projet est prometteur et représente l’aboutissement de l’activité opiniâtre d’une petite équipe qui met son énergie à concrétiser ses idéaux, depuis plus d’un an.
Vous vous en doutez, lecteurs du Framablog, une association qui veut porter les valeurs du logiciel libre sur d’autres domaines de la société, ça nous parle… C’est pourquoi, à l’occasion d’un évènement prochain qui inaugurera ses activités, nous avons proposé à ses membres une petite centaine de questions. Ils ont tenu à répondre à plusieurs voix, et c’est tant mieux.
0.1 C’est quoi Libre@toi ? Faut mettre un astérisque au bout peut-être ?
Olicat : Libre@Toi*, c’est une plate-forme d’échanges, de partages et de pratiques. C’est un éventail étendu de possibles à s’approprier et à redistribuer. C’est aussi une invitation, d’où l’ *. Libre@Toi*
– *de créer,
– *d’inventer,
– *de t’informer,
– *de démonter,
– *de ne rien faire…
En gros, le principe est de fournir un cadre expérimental et pratique qui permettrait à quiconque de reprendre le contrôle des outils, concepts et techniques. Ce qu’on vise, c’est que chacun dispose des éléments qui lui permettront de se déterminer, peu importe le sujet. Se déterminer, c’est à dire faire un choix, adopter un positionnement politique. Or, ce qu’on observe, c’est qu’aujourd’hui la plupart des choix sont opérés par défaut, en déni des alternatives et possibles disponibles. Nous voulons être l’écho de ces possibles.
Pour arriver à ça, on a imaginé une plate-forme transmédia, un outil, qui distribue un contenu différent et adapté au support utilisé, chacun se répondant de façon cohérente et permettant de prolonger l’expérience et inscrire dans la durée les informations et ou compétences transmises.
Ainsi, une émission de radio abordant un thème particulier sera « éditorialisé » sur le site web et pourra donner lieu à une conférence, ou encore un atelier. Les travaux réalisés en atelier pourront eux aussi alimenter un wiki tandis que la conférence, filmée, alimentera les contenus multimédias du site.
4.21 C’est qui le chef ? Vous seriez pas un peu anarchistes quand vous parlez d’« horizontalité » plutôt que de « verticalité » ? Clara : on est tous directeurs, comme ça y a pas de soucis hiérarchiques, chacun est responsable de lui-même, c’est déjà beaucoup.
Alexandre : les décisions sont prises en groupe. En fait, selon les sujets abordés, un chef naturel se dégage le temps du traitement du dossier. Chacun ses compétences, pas de lutte de pouvoir.
OliCat : la direction de l’association est collégiale, le système induit est donc l’autogestion. Comme le dit Alexandre, et compte tenu des compétences spécifiques de chacun, une personnalité prend assez naturellement le lead sur les autres en fonction des sujets. En revanche, les angles de traitement sont toujours déterminés de façon collégiale, peu importe le support qui sera envisagé (radio / web / conférence). Après, j’ai rien contre le fait d’être taxé « d’anarchistes ».
5. Vous venez d’horizons assez différents, qu’est-ce qui vous motive pour avancer ensemble ?
Clara : tout à fait modestement, l’idée de changer le monde
Alexandre : tout comme Clara…et montrer à ceux qui se sentent isolés dans leurs valeurs que d’autres pensent comme eux et sont prêts à agir!
OliCat : Changer le monde est en effet le résultat visé. 🙂 Mais au fond, ce que nous croyons, c’est surtout que le monde a déjà changé, mais que les dynamiques qui lui permettraient d’émerger sont écrasées par les structures dominantes (idéologiques, intellectuelles, religieuses, politiques…) déjà obsolètes, mais qui s’accrochent…
7. C’est quoi votre « tiers-lieu », c’est où ça ? (à Paris, je parie)
Alexandre : à Paris, effectivement, mais nous avons pour ambition de nous déplacer dans toute la France… Les locaux sont à Paris mais l’avantage du web par rapport à la FM c’est que nous sommes audibles partout !
En fait, pour être précis, ce qu’on désigne par le tiers-lieu au fond, c’est la plate-forme elle même qui intègre le lieu, la radio, le site web (les sites en fait).
42. Qu’est-ce que c’est, un lieu « libre et open source » ? Un endroit pour boire des bières ?
Clara : on n’allait pas avoir un lieu privé et sous licence (IV) quand même ! vive la bière libre !
Alexandre : open-source de bière, littéralement, ça fait rêver !
OliCat : on parle de Libre et d’OpenSource parce qu’on a tous fait une école de commerce, et il paraît que c’est porteur…
Plus sérieusement, libre et open source parce que chacun des deux concepts exprime exactement la vision du monde que nous avons et que nous souhaitons promouvoir. C’est aussi pour que toutes les idées et compétences se croisent. Mais attention hein ! Après, c’est libre@toi d’adhérer ou pas. Notre credo, c’est que peu importent les choix, ils doivent être opérés en conscience de ce qui existe par ailleurs. Et enfin, oui ! J’espère qu’on y boira plein de bières.
42bis. Que représentent pour vous les valeurs du Libre ? Vous pensez qu’elles peuvent investir d’autres champs que celui du logiciel ?
OliCat : Oui, nous pensons vraiment que l’intérêt que certains portent par exemple aux problématiques environnementales procède des mêmes ressorts idéologiques que l’utilisateur de logiciels libres. Et là encore, pour nous, il s’agit de politique. Les valeurs du libre sont pour nous, le ciment du monde à construire.
Clara : ben oui, la conso par exemple, alimentaire ou autre : savoir exactement ce que tu consommes, savoir que ça va pas t’empoisonner, que ça a pas été fabriqué par des esclaves à l’autre bout de la planète ou que ta carte de fidélité à Supermarkettruc va pas servir à t’envoyer des pubs-à-la-con à ton insu, par exemple… La santé, aussi : on dit qu’on te soigne ou qu’on prévient tes maladies, mais qu’est-ce qui te garantit que t’es pas un produit du marché par la même occasion ? Aujourd’hui, on te brandit le spectre de l’épidémie pour te forcer la main sur les vaccins, celui de la chimio pour le cancer, ou des antilipidiques pour ton cholestérol, en te disant que t’es un mauvais citoyen si tu te rebelles ! Tu fais surtout partie de marchés captifs qui génèrent le plus de thunes à la big pharma… L’environnement aussi : quelle est ta capacité réelle à choisir l’air que tu respires, l’eau que tu bois, la terre sur laquelle tu veux faire pousser tes légumes, l’électricité qui fait tourner ton ordi, le carburant que tu mets dans ton réservoir de voiture ?
12. Oui hein soi-disant vous voulez libérer des tas de trucs et puis si on regarde bien dans vos projets, vous voulez faire des *ateliers* ! Bravo la mentalité du XIXe siècle, vous voulez nous faire travailler en fait ?
Alexandre : ouaip!
Clara : façon de lutter contre la société de consommation, la reine du prêt-à-penser massmédiatique avec ses guide-lists où on te donne point par point ce qu’il faut faire ou ne pas faire..et pis, l’union fait la force…et pis , on n’est pas des gourous…
OliCat : oui, c’est vrai qu’on est super réac sur le coup. Pas très tendance 2015 où les choses se gobent. Même la ministre de l’Éducation Nationale veut « offrir l’excellence à tous ». Pour Libre@Toi*, en effet, acquérir de l’autonomie, surtout dans le contexte actuel, ça implique des efforts. Et nous sommes convaincus que la promesse d’acquisition de plus de contrôle et d’autonomie est un moteur suffisant pour intégrer l’effort comme une nécessité finalement attrayante.
Par exemple, nous allons proposer un atelier « brique internet » avec nos amis de Franciliens.Net (fournisseur associatif d’accès à l’Internet), un bon moyen d’appréhender plein de notions (un peu de réseau, qu’est-ce qu’un VPN, que signifie s’autohéberger, etc.) qui elles-mêmes pourront se décliner en ateliers dédiés. Coté électronique fun, après sondage, il semble que ça amuserait pas mal de monde de fabriquer la télécommande conçue par Mitch Altman, celle qui coûte 10$ de matériel et permet d’éteindre toutes les TV. On aura également des initiations à Linux et aux logiciels libres, à la cryptographie. Il y aura différentes formes d’atelier. Des courts, et d’autres qui permettront de conduire la réalisation d’un projet sur deux ou trois séances. Sur les autres thématiques que celles informatiques et numériques que nous aborderons, nous avons quelques idées que nous devons formaliser en lien avec nos partenaires et intervenants.
33. Que pensez-vous apporter de plus par rapport à d’autres lieux associatifs parisiens ? Vous allez organiser des conférences, vous trouvez qu’il n’y en a pas assez déjà ?
Alexandre : nous allons organiser des conférences, mais à taille humaine, avec beaucoup d’interactivité. Notre plus est la diffusion de ces conférences sur la Voix du L@T. Et puis nous frayons depuis assez longtemps dans le secteur pour promettre à tous de beaux rendez-vous.
OliCat : précisément, Libre@Toi* est né du constat que les initiatives, certaines pertinentes, d’autres moins, existent et adressent toutes les problématiques et thèmes qui nous portent. Seulement, le système que toutes ces structures constituent est atomisé, presque exclusif. Les geeks parlent aux geeks, les pros environnement ou écolos s’adressent aux écolos. Chacun ses codes, ses lieux et souvent une communication clivante. Ce que nous souhaitons, c’est unir au maximum ces énergies très positives en faisant qu’au L@T* (le lieu physique), madame Michu (la fameuse) Mme Dupuis-Morizeau qui bouffe bio rencontre Goffi qui développe SaT, un système de communication Libre et décentralisé. Les luttes — c’est de cela qu’il s’agit dans les deux cas – n’ont pas convergé, c’est le défi de Libre@Toi* d’y parvenir.
6. oh les Libre@toi, je vois le nombre de domaines que vous voulez aborder pour changer le monde : « informatique libre, cyberculture, nouvelles technologies, écologie, arts nouveaux, alter-consommation, initiatives relevant de l’économie sociale et solidaire… », vous avez un planning, une toudouliste ? Quelles sont les priorités ? Parce que la libération du monde c’est pas pour demain matin…
OliCat : Si en fait, c’est pour demain. Le lancement de la plate-forme Libre@Toi*
Clara : si déjà chacun prend conscience de sa capacité à choisir, ou plutôt de ce que ses choix impliquent pour le monde, il se libère déjà lui-même, non?
Alexandre : le truc génial dans le libre c’est que tous les sujets se rejoignent à un moment donné… parce que le but est le même ! Et ce qui est encore mieux c’est que chacun d’entre nous est familier avec un ou plusieurs de ces secteurs.
10. Est-ce qu’il faut adhérer à votre association pour participer aux événements/actions/conférences/ateliers ?
Alexandre : Il y aura bien sûr une adhésion proposée avec différents niveaux d’implication et d’évènements proposés. Mais ce serait contraire à nos valeurs de réserver nos différentes activités aux seuls membres !
13. Pourquoi commencer par une webradio, vous voulez retrouver l’esprit des radios libres ? C’est pas un peu has been ?
Clara : d’abord c’est sur une radio libre qu’on s’est rencontrés, c’était même une radio pirate à ses tout débuts (avant qu’on naisse ou presque, hein), et on a l’esprit d’équipe. Ensuite, la radio, tu peux l’écouter en faisant autre chose en même temps, c’est quand même un avantage certain pour un cerveau soumis de plus en plus à des contraintes multitâches.
Alexandre : Radio Libre ça n’existe pas, en fait il y a toujours une direction d’antenne, quelle que soit sa forme. Pour répondre, la radio est notre porte-voix, le moyen de faire connaître à tous et mettre en avant les sujets que nous défendons, que nous débattons… Et puis cela permet de sortir d’une localisation parisienne pour parler aussi bien aux Parisiens, qu’aux Marseillais, Nantais, etc.
OliCat : oui, tout ça. Et puis c’est vrai qu’on aime bien causer dans le micro. Sinon, comme le disait en clôture des assises de la radio en novembre 2013, on pense que « La radio est un outil démocratique majeur et indispensable à notre société. La mission d’informer sur les grandes fractures et évolutions du monde, exige toujours de l’engagement et souvent du courage. » (discours de clôture des Assises de la radio, organisées le 25 novembre 2013)
99. Qui c’est qui va causer, dans la webradio ? Vous cherchez des zanimateurs ?
Alexandre : l’équipe de départ est déjà formée, et nous en sommes très fiers. Nous sommes des amis et nous nous connaissons depuis longtemps, nous avons beaucoup de points communs et beaucoup de différences ! La base est solide pour commencer, c’est très important, et la communication est très active entre nous. Au fur et à mesure nous ferons venir effectivement de nouveaux animateurs pour proposer l’antenne la plus riche possible.
OliCat : bien sûr, la grille accueillera à terme de nouveaux animateurs. Nous discutons actuellement avec des membres de certaines structures qui partagent nos valeurs et qui souhaitent contribuer aux programmes de Libre@Toi. Je ne les citerai pas pour le moment mais j’espère des annonces prochaines.
105.5 Vous allez diffuser la radio sur le web dans un format accessible et téléchargeable ? il faudra un lecteur particulier ou bien le navigateur suffira ? Ce sera des podcasts, du streaming ? du direct ? Et on pourra l’écouter sur un smartphone ? (une appli est prévue ?)
OliCat : bien sûr, écouter la webradio ne nécessitera rien de particulier côté client. Le site web intègre un player et l’ensemble est responsive. Peu importe le smartphone, l’écoute des programmes est possible pour tous sans avoir à installer quoique se soit. Par ailleurs, il est également possible de sélectionner son flux (ogg / mp3) et d’utiliser son player favori. VLC pour n’en citer qu’un 🙂
Nous prévoyons le développement d’une application Libre@Toi dans le futur mais qui ne se résumera pas à un player radio. Quand nous en serons à cette étape, cela signifiera que nous aurons acquis une légitimité et une audience suffisante. Nous avons hâte d’y être 🙂
87.5 Avec quels outils techniques vous faites fonctionner la radio ? Vous avez tout monté vous-mêmes ? Vous avez un hébergeur qui va pouvoir servir vos 512 000 auditeurs ?
OliCat : Le cœur de la radio, c’est Airtime, une plate-forme open source qui permet de diffuser la radio en streaming en source directe ou planifiée. Il repose sur les librairies liquidsoap, le serveur de diffusion est icecast.
Concernant le site lui-même, nous avons opté pour Newscoop, un CMS open source qui provient du même éditeur, Sourcefabric. Newscoop est un très beau produit qui s’adresse tout particulièrement aux rédactions avec une structure et une gestion des contenus qui cadrent exactement avec notre volonté de mixer sons / images /vidéos et texte pour décliner les thèmes abordés.
L’améliorer et le modifier est de mon point de vue à la portée de n’importe quel développeur ou intégrateur web. Pour moi qui ne suis ni l’un ni l’autre, c’est un peu plus compliqué 🙂 En revanche l’intégration d’Airtime (player, planning dynamique, etc) est super simple.
Concernant l’hébergement, il est assuré par la société D4 dont William, l’un des fondateurs de Libre@Toi est le co-fondateur. Nous sommes ambitieux mais pas non plus (trop) mégalos. En fonction des premières statistiques d’écoute et de leur progression, nous ferons le nécessaire pour satisfaire les besoins en bande passante. D’autant que l’enrichissement de notre grille va être progressif, septembre sera pour nous un premier palier. Nous visons une grille complète d’ici la fin de l’année. C’est ensemble que le 02 avril 2015 nous avons signé et transmis nos statuts en préfecture, cette projection nous semble cohérente..
Et pour finir, oui, nous avons tout monté tout seuls !
8. Vous pensez pérenniser l’activité au point d’en faire une SCOP ou SCIC — comment comptez-vous financer le projet à moyen et long terme ?
OliCat : Le souhait de pérenniser l’activité est inscrit dans les statuts de l’association que nous publierons dans la version à venir du site. Le but, en effet, est d’être les propres incubateurs du modèle qui nous permettra, demain, de contribuer aux financements de projets libres (logiciel, hardware, sociaux…), salarier des gens, etc. l’association a été créée pour cela. Au final, nous construirons peut-être une coopérative d’activités. Honnêtement, on ne sait pas quelle forme ça prendra. Le modèle économique, pour l’instant, est de croiser les sources de financements possibles des structures associatives, avec des propositions de services, qui eux seront payants. Plus tard, nous souhaitons que Libre@Toi puisse offrir un espace dédié à l’accueil de conférences organisées par d’autres associations issues du monde du libre et des alters.
11. Il est où, le crowdfunding ? Z’avez pas fait un crowdfunding ?
OliCat : En fait, on a fait le pari assez con de solliciter de la part de ceux qui rencontreraient le projet décrit sur libratoi.org, une adhésion #oupas à ce qu’on racontait, avec un objectif de démarrage de 3000€. Passer par une plate-forme de crowdfunding a été une option vite évacuée. Le côté ultra codifié du machin nous a saoulé. Et surtout, on avait rien à donner en contrepartie sinon la promesse de démarrer le projet libre@toi.
Eh bien l’histoire nous a donné raison, le délai ultra court de 3 semaines nous a effectivement permis de réunir la somme de 3000€ et même plus, le site web n’incrémentant que les dons paypal. Nous allons publier les comptes à l’issue de cette période de souscription et détailler chacun des postes de dépense. Cette expérience a été géniale et encourageante, nous avons eu des soutiens très hétérogènes, à l’image de ce qu’on veut faire de Libre@Toi.
12. Aux dernières nouvelles, vous avez trouvé des locaux pour diffuser la Voix du L@t, et héberger les évènements divers, mais aussi des actions à mener avec d’autres associations ?
Oui ! L’association va s’installer au cœur du projet « Les Grands Voisins » porté par l’association Aurore qui a signé avec l’APHP et la mairie de Paris, une convention d’occupation des 3,5ha, soit 60000m2 de locaux laissés vacants suite à la fermeture de l’Hôpital Saint-Vincent de Paul dans le 14ème arrondissement.
Nous allons donc disposer de 35m2 pour accueillir notre salle de rédaction ainsi que notre studio de radio. Par ailleurs, en vue de l’organisation des événements Libre@Toi* (ateliers, formations, tables rondes et autres conférences) nous utiliserons des espaces mutualisés gérés par l’association YesWeCamp qui est en charge de l’animation du lieu.
L’idée derrière cette organisation consiste en ce que les événements ne soient pas privatisés au seul bénéfice des associations ou collectifs organisateurs présents sur le site, mais qu’ils contribuent à la dynamique d’ensemble du lieu qui se veut participatif et ouvert sur la ville.
Nous avons aussi engagé les démarches pour qu’une branche de Libre@Toi* soit certifiée organisme de formation. Une envie que nous avions qui se justifie désormais avec notre arrivé sur ce site puisque qu’en coordination avec Aurore, nous allons organiser des ateliers d’insertions, notamment par la radio. À savoir, Aurore gère sur place un centre d’hébergement de 600 places.
Parmi les autres projets que nous mènerons en parallèle du développement de La Voix du L@T et nos différentes activités, il y a la mise en place d’une radio interne au lieu. De la mise en place technique à la formation des personnels d’Aurore et d’autres intervenants, l’objectif est de les rendre autonomes sur la gestion de ce média.
Enfin, concernant notre installation, nous avons imaginé un dispositif de co-construction participatif de notre mobilier à base de matériel de récupération et de déchets qui grâce à l’impulsion de Zone-Ah sera porté par l’association UpCycly. Nous souhaitons conclure par une grosse fête d’inauguration qui mixera tables rondes, happenings, mini-concerts, etc.
1515. Et c’est pour quand ce grand lancement ?
L’inauguration aura lieu autour du 15 octobre. Pour en savoir plus le moment venu, stay tuned, comme on dit à la radio : restez à l’écoute de La Voix du L@T !
Nous à Framasoft, nous sommes très heureux quand des initiatives comme la vôtre se concrétisent et se développent en synergie (novlang alert!) avec d’autres courants libristes. Un plein succès à Libr@Toi et ses nombreux projets !