Copyright Watch ou l’observatoire mondial et collaboratif du droit d’auteur

Copyright Watch - EFFHadopi aura non seulement contribué à intéresser un grand nombre de nos concitoyens sur un sujet autrefois chasse gardée des industries culturelles, mais elle aura également permis de mettre le focus sur la France (en refroidissant d’ailleurs peut-être certains autres gouvernements dans leur velléités d’en faire autant).

Or justement qu’en est-il exactement de la situation hors de nos frontières sur toutes ces questions autour d’un droit d’auteur[1] qui se trouve totalement bousculé par l’avènement des nouvelles technologies et pratiques en réseau qui en découlent ?

Force est de reconnaître qu’en dehors de notre propre pays et de celui, influence numérique oblige, des États-Unis, nous n’en avons bien souvent qu’une connaissance ponctuelle, partielle et parcellaire (même si des sites comme Numerama, FFII ou La Quadrature font de gros efforts pour nous tenir au courant, en particulier sur l’Europe).

C’est pourquoi la nouvelle initiative de l’Electronic Frontier Foundation est plus que bienvenue. Elle s’appelle Copyright Watch et vise à suivre et surveiller le droit d’auteur et ses évolutions dans chaque pays.

En effet, avoir ainsi à disposition eu un unique endroit des documents, liens et informations actualisées, indépendantes et localisées sur les législations en vigueur (ou en préparation) nous sera précieux pour étude, information, comparaison, action, etc.

Le projet débute à peine, il est pour ainsi en bêta actuellement. Le premier objectif étant de trouver des correspondants (NdT : des local copyright monitors) prêt à maintenir leurs informations nationales à jour. Une fois ceci réalisé nous serons alors en présence d’une ressource de référence nous permettant d’avoir une meilleure vue d’ensemble sur la situation internationale, pointant ici des lois liberticides et là des lois favorisant au contraire le partage et diffusion d’une culture des biens communs.

Une base de données d’autant plus bienvenue que tout le monde n’a pas forcément intérêt à ce que tout ceci soit facilement accessible 😉

Qu’est-ce que Copyright Watch ?

About Copyright Watch

Copyright Watch – Novembre 2009 – Traduction partielle de la page « About » du site
(Traduction Framalang : Siltaar et Goofy)

Avant, le détail des lois sur le droit d’auteur n’était important que pour une minorité travaillant dans les industries culturelles. Désormais, avec la croissance d’Internet, nous sommes tout concernés car nous sommes potentiellement tous des auteurs, éditeurs, et partageurs d’œuvres de création.

Notre rêve est ici de construire une ressource conviviale sur les lois nationales du droit d’auteur afin d’aider les citoyens du monde à entreprendre des recherches comparatives. Nous souhaitons en effet sensibiliser à l’importance d’un droit d’auteur équilibré dans la société de l’information, et attirer l’attention sur les points communs et les divergences dans l’approche législative des différents pays.

Nous avons aussi voulu créer un outil de partage d’information, où des correspondants locaux pourraient publier des informations à propos des amendements proposés sur leurs propres lois du droit d’auteur, et à comprendre les changements dans celles des autres.

Nous espérons que Copyright Watch sera une ressource maintenue et conduite par la communauté de l’accès au savoir (NdT : Access to Knowledge movement, c’est-à-dire nous tous si nous participons) et que ce système de veille sur le droit d’auteur dans chaque pays permettra de garder cette information pertinente et à jour.

Enfin, nous espérons que Copyright Watch aidera à documenter l’importance du droit d’auteur sur tous les aspects de la vie culturelle et des libertés fondamentales. Équilibrées et bien calibrées les lois sur le droit d’auteur sont extrêmement importantes dans notre société mondiale et mondialisée de l’information.

Le plus petit changement dans l’équilibre juridique entre les ayants droit et le public peut permettre ou détruire des modèles économiques, criminaliser ou libérer des comportements quotidiens, et transformer ou éradiquer de nouvelles technologies. Une loi qui est passée dans un pays peut rapidement être reprise par d’autres, par des accords commerciaux bilatéraux, des initiatives politiques régionales ou des traités internationaux.

Nous devons tous rester vigilants.

Notes

[1] Rappelons une nouvelle fois que le Copyright anglo-saxon n’est pas synonyme de Droit d’auteur (cf liens Wikipédia).




La neutralité du réseau – Benjamin Bayart – Extrait du livre La bataille Hadopi

La bataille Hadopi - InLibroVeritas - CC by-sa et Art Libre« La bataille d’Hadopi n’a été, finalement, qu’une des batailles, ni la première, ni la dernière, de la guerre qui vise à obtenir ou maintenir la liberté d’expression sur les réseaux, et donc qui vise à consacrer le principe de la neutralité du réseau. C’est la première grande guerre des enjeux politiques du 21e siècle. »

Ainsi s’achève ce très intéressant article de Benjamin Bayart pioché dans le non moins intéressant livre choral d’InLibroVeritas La bataille Hadopi (et ses 40 auteurs).

Benjamin Bayart, c’est le président de French Data Network (FDN). C’est aussi l’homme de la désormais célèbre expression du « Minitel 2.0 » et de la citation suivante qui prend le même chemin : « l’imprimerie a permis au peuple de lire, Internet va lui permettre d’écrire ».

Mais c’est surtout un « expert des libertés numériques » (dixit Nicolas Dupont-Aignan) et certainement l’un des meilleurs d’entre nous lorsqu’il s’agit d’exposer et d’expliquer ce sujet à la fois simple (à comprendre) et complexe (à défendre) qu’est la Neutralité du Net.

C’est pourquoi cet article synthèse, au style plaisant malgré la rugosité du propos, nous semble important à lire et à faire lire.

PS : Vous trouvez l’article trop long pour un blog ? C’est peut-être parce qu’Internet vous a rendu idiot ! Mais nous avons une solution : commander le livre, dont les bénéfices iront intégralement à La Quadrature du Net, et qui vous fera découvrir par la même occasion 39 autres articles du même acabit.

La neutralité du réseau

URL d’origine du document

Benjamin Bayart – Octobre 2009 – La Bataille Hadopi (InLibroVeritas)
Licence Creative Commons By-Sa et Licence Art Libre

La bataille d’Hadopi, telle que nous l’avons connue à l’Assemblée Nationale et dans les médias a eu plusieurs vertus. La première, longuement expliquée déjà, est d’avoir amené à la politique toute une population, appelée « les Internautes » pour faire simple, qui ne s’en préoccupait pas vraiment avant.

La seconde vertu de la bataille d’Hadopi, c’est d’avoir permis de bien mettre en avant ce qui est, au fond, l’enjeu central de tous ces sujets, à savoir non pas la rémunération des artistes, auteurs et troubadours, mais la neutralité du réseau et ses enjeux.

En effet, quand le Conseil Constitutionnel a eu à connaître de ce texte, finalement bébêtte, qui menaçait de couper d’Internet les enfants qui téléchargent comme nos parents nous privaient de télé, il le censura. Et pas sur de l’argutie légère ou sur un point de détail, non, sur du fondamental, sur du lourd, du très lourd : présomption d’innocence et liberté d’expression. Deux des piliers des Droits de l’Homme depuis 1789.

Comment cette loi supposée traiter un problème assez léger a pu se cogner dans des problèmes aussi lourds ?

Internet – liberté fondamentale

Pour expliquer ça, il faut revenir un peu en arrière, et essayer de comprendre ce qu’est Internet, et son influence sur la marche du monde. Internet est, en beaucoup de points, comparable à l’imprimerie. D’abord par sa nature, c’est un moyen de diffusion de la connaissance, et d’accès à celle-ci. Ensuite, par ses conséquences. L’invention de l’imprimerie, et son lent développement, à partir de 1445, ne peut pas être séparée des évolutions majeures de l’époque. Pas de renaissance et de démarche scientifique sans moyen moderne de diffusion des connaissances. On ne peut pas séparer la renaissance du renouveau philosophique, et en particulier de la philosophie des Lumières, donc des révolutions démocratiques. De même que tout le progrès scientifique et technique du dix- neuvième siècle est impensable sans les avancées fondamentales de la renaissance et la naissance de la démarche scientifique.

Ce n’est pas l’imprimerie qui a fait ça. On peut toujours lancer des petits caractères en plomb sur les soldats, ça ne renverse pas les gouvernements. Mais l’imprimerie était une étape nécessaire, pour permettre ces évolutions et ces changements, il fallait un moyen moderne et rapide de diffuser et de conserver le savoir pour qu’il puisse s’accroître.

De la même manière, Internet change très en profondeur la façon dont se diffuse, et donc la façon dont se crée, le savoir. Une bonne façon de résumer ça est de dire que l’imprimerie a permis au peuple de lire, Internet va lui permettre d’écrire.

On a déjà dit cent fois qu’Internet met à la disposition de tous, et sans coût notable, modulo quelques barrières pénibles, la totalité du savoir de l’humanité, c’est facile à comprendre. On a moins souvent dit, parce que c’est moins clair pour un esprit formé au siècle dernier, qu’Internet permet à chacun de construire le savoir de l’humanité, c’est-à-dire d’écrire.

Bien entendu, chacun sait qu’Internet n’est pas qu’un lieu d’échanges savants entre érudits. Forcément. L’imprimerie ne sert-elle qu’à imprimer des ouvrages savants ? Pour un livre « intelligent », combient sont imprimés de prospectus, de tracts, de catalogues, de correspondances sans intérêts (factures, relevés, avis, et autre paperasses) ? Et bien Internet suit la même pente. Fondamentalement, il a été créé pour diffuser et produire de la connaissance scientifique à grande échelle et rapidement, mais il était évident depuis le premier jour qu’il servirait aussi à diffuser et produire tout le reste de ce qu’on peut vouloir diffuser ou produire comme information.

Cependant, bien que l’imprimerie soit en majorité utilisée à des fins futiles, il ne vient à l’idée de personne de remettre en cause la liberté de la presse. Il y a là une logique, l’outil technique a apporté une avancée pour la société, et c’est pour défendre l’avancée qu’on défend l’outil. D’une manière similaire, Internet crée une percée importante, un changement profond, même si une partie colossale du trafic sur le réseau correspond à autre chose.

Un argument souvent opposé à cette vision du réseau est d’expliquer que les discussions y sont trop souvent d’un faible niveau, qualifiées de discussions de café du commerce. Là encore, c’est une analyse à courte vue. D’abord parce que la forme d’expression permise par le café du commerce ne permet pas de construire de vrais argumentaires : on est dans l’oral, dans le périssable, et dans le débat privé, donc sans argumentation extérieure possible. Ce qu’Internet crée comme débat est structurellement différent. Les débats sur la place publique, le plus souvent par écrit, permettent aux points de vues de se confronter, de s’invalider, ou au contraire de se renforcer, de s’étayer. De tout cela, il ressort une espèce de discussion du café du commerce dont on consignerait les arguments par écrit, pour les étudier, les rendre publics, bref, pour en faire une vraie réflexion. Au final, c’est plus proche des débats publics, qu’on connaît depuis longtemps, mais qui ne sont plus réservés à de petits groupes.

De tout celà, une idée forte est à retenir : Internet est l’avancée technique qui a permis, enfin, l’exercice réel de la liberté d’expression. La presse, on s’en rend compte avec le recul, ne fournissant au fond que la liberté d’accéder à l’information. Et c’est bien sur cette base-là que la Conseil Constitutionnel a censuré l’Hadopi, c’est bien en se référant à l’article 11 de la Déclaration Universelles des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789, à savoir :

Art. 11 : La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme ; tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi.

On a donc, validé par le Conseil Constitutionnel, cette première étape de marquée : Internet est essentiel à l’exercice de la liberté d’expression, qui est une liberté fondamentale.

Hadopi – Besoin d’un juge

C’est le premier point, immense, gagné dans la bataille d’Hadopi. Maintenant, ce n’est plus une renvendication, ce n’est plus un point de vue de visionnaire maniaque du réseau ou de futurologue échevelé, c’est une décision, forte, d’une autorité qu’on ne peut pas soupçonner de travailler avec légèreté, ou de se laisser emporter par sa technophilie. Or, de ce point fondamental qui vient d’être édicté par le Conseil, il découle des conséquences inattendues et fortes, pour ceux qui pensaient priver les gens d’Internet comme on prive un enfant de télévision ou de dessert.

En effet, priver un citoyen d’une liberté fondamentale, ce n’est pas une décision qui se prend à la légère. Il y a des cas, prévus, connus, codifiés, mais ce sont des sanctions lourdes, pour des délits ou des crimes graves. L’exemple le plus connu, et pratiquement le seul, est l’emprisonnement ou l’assignation à résidence[1]. Une telle mesure de privation de liberté ne peut être décidée que par un juge, et dans le cadre d’une procédure contraignante. Ce qu’on apprend donc, toujours en lisant la même décision du Conseil, couper l’accès Internet d’un citoyen, c’est aussi sérieux que de l’envoyer en prison, et ne peut donc pas se faire dans n’importe quelles conditions. On est maintenant bien loin de la petite loi simpliste, pensée trop vite par des gens qui ne comprennent plus le monde qui les entoure.

De là, bien entendu, les autres conséquences qu’en tire le Conseil dans sa décision, à savoir que la présomption d’innocence est de mise, qu’il faudra des preuves de la matérialité des faits pour condamner, que le juge sera requis, que le mouchard filtrant obligatoire pour pouvoir se disculper n’est pas valable dans ce contexte, bref, tout l’édifice Hadopi s’effondre.

Neutralité du réseau

Un point n’est pas abordé par le Conseil Constitutionnel dans sa décision, et pourtant il est important pour comprendre là où on va, c’est celui de la nécessité de la neutralité du réseau.

Pour aborder ce sujet-là, il faudrait faire un peu de technique, expliquer avec quelques termes barbares des notions affreuses, comme l’analyse de traffic, l’analyse protocolaire, l’analyse de contenu, l’analyse de comportement, et le tout dans un beau jargon anglais. Pour éviter cela, on va se contenter d’une définition intuitive et pratique : on dit que le réseau est neutre si on sait qu’on peut lui faire confiance pour ne pas altérer le message. C’est le cas par exemple du réseau utilisé pour les discussions orales : quand on parle, de vive voix, en face à face, on sait que l’air qui nous sépare ne modifie pas les propos, que ce qui est dit est vraiment dit. Qu’il vienne se glisser dans la discussion un interprète, et alors, forcément, la question de confiance se pose.

L’intermédiaire, dans cet échange, n’est acceptable que si les deux interlocuteurs lui font une confiance entière et absolue. à tel point que, lorsqu’on n’a pas confiance en l’interprète, chacun vient avec le sien. On dit alors que le réseau est neutre quand il joue le rôle d’un interprète idéal, réussissant à transporter le message sans l’altérer en rien, sans le déformer.

Une autre façon de le dire, c’est de considérer ce qu’est Internet. D’où que je sois sur le réseau, je vois Internet. Si l’Internet que je vois depuis un point A n’est pas le même que l’Internet que je vois depuis un point B, alors, quelque part, quelque chose n’est pas neutre. Par exemple, quand un site est filtré dans un pays, c’est une atteinte à la neutralité du réseau : depuis ce pays-là, le site ne marche pas, et curieusement depuis partout ailleurs il marche bien. Par exemple, quand un site est enrichi : je peux mettre en place, sur le réseau de mon entreprise, un mécanisme qui fait qu’à chaque fois que j’accède à tel site de mon fournisseur habituel, il soit affiché des informations annexes (dernière fois qu’on a commandé tel produit, quantité disponible en stock, etc). Quelqu’un qui viendra se connecter à ce réseau verra un site qui n’est pas le même que celui qu’il voit quand il se connecte depuis chez lui : mon réseau n’est plus neutre, il fausse la communication, il ajoute des informations qui n’existent pas.

La neutralité des réseaux est importante. En fait, autant que le réseau lui même. C’est presque sa définition. Internet n’est que l’accord d’interconnexion, techniquement neutre, entre les réseaux de plus de 40.000 opérateurs sur la planète. Supprimez cette neutralité, et ce n’est plus Internet.

Il ne faut pas se méprendre, ça ne veut pas dire qu’il ne faut pas, jamais, enrichir ou filtrer, simplement, que ce n’est pas le réseau qui doit le faire, et que si un réseau fait ça, ce n’est plus Internet.

Pour reprendre les exemples précédents, le service, fort utile, imaginé sur ce réseau d’entreprise, n’est pas en soi une mauvaise chose. Simplement, ce réseau d’entreprise n’est plus Internet. C’est un réseau d’entreprise, un outil interne, comme le logiciel de comptabilité ou l’outil pour faire les devis.

Il y a donc deux éléments fondamentaux pour définir la neutralité du réseau : le premier est que jamais le réseau lui-même ne doit altérer en rien le contenu, le second est que les altérations sont nécessairement pilotées en périphérie du réseau. Par exemple quand je filtre les mails publicitaires (les spams), c’est moi qui ai la maîtrise de ces filtres, je peux les activer ou les désactiver, selon mon bon vouloir. Et ce point-là est fondamental, c’est moi qui trie le courrier intéressant du courrier inutile, pas le facteur.

Pilier des libertés

La neutralité du réseau n’est pas, en elle-même, une liberté fondamentale. Mais c’est un élément important, parce que sur cette neutralité sont adossées des libertés.

Par exemple la liberté d’expression évoquée par le Conseil Constitutionnel, n’a pas de sens sur un réseau qui ment : comment savoir si le texte que je suis en train d’écrire sera bien reçu, non modifié, par mes lecteurs ? Comment savoir s’il sera modifié, et si oui par qui ? Moi, je vois bien ce texte tel que je l’ai posté. Tant qu’Internet est neutre, et que donc tout le monde voit le même Internet, alors tout le monde voit mon texte tel que je l’ai publié. Sitôt que le réseau n’est plus neutre, je n’ai aucun moyen de savoir ce que voit mon voisin. Donc, sur un réseau non-neutre, je ne peux pas exprimer librement ma pensée, et donc l’exercice pratique et réel de cette liberté est remis en cause.

Par exemple la liberté d’accès à l’information. En effet, tant que le réseau est neutre, chacun peut être confiant dans ce qu’il lit sur le réseau. Non pas que toutes les informations y soient justes (ce serait utopique comme croyance), mais simplement de savoir que l’information qu’on reçoit est bien celle qui a été émise. Si le réseau n’est plus neutre, comment savoir si le texte est bien le fruit de la pensée de son auteur, ou s’il a été ‘‘ caviardé ’’ au passage par les habiles ciseaux de la censure moderne ? Si je ne peux plus avoir confiance dans le réseau de transport, alors je ne peux plus avoir confiance dans l’information qui est dessus. La liberté d’accès à l’information est amputée.

Par exemple, la libre concurrence, qui est une liberté moindre en général (la liberté de choisir son fournisseur, par exemple), peut devenir fort sérieuse sitôt qu’on parle d’accès à l’information (choisir un quotidien par exemple, ce n’est pas tout à fait comme choisir une marque de lessive). En effet, les atteintes à la neutralité du réseau sont souvent le fait d’opérateurs en place, ou de fournisseurs de services bien implantés, utilisant une position de force pour évincer d’éventuels concurrents. Ce mode de fonctionnement n’est pas le modèle habituel d’Internet. En effet, sur un réseau neutre, n’importe quel abonné à Internet peut, de chez lui, proposer n’importe quel service, et peut donc, sans permis, sans moyens financiers particuliers, sans moyens techniques particuliers, innover et mettre en œuvre des idées nouvelles. Sur un réseau non-neutre, ce n’est plus possible. Les modèles économiques qui découlent de ce choix d’un réseau neutre ou non ont, entre autre conséquence, pour effet d’empêcher l’innovation en la réservant aux acteurs en place.

Si la neutralité du réseau n’est pas une liberté en elle-même, elle est nécessaire à pouvoir garantir d’autres libertés, tout comme la séparation et l’équilibre des pouvoirs n’est pas une liberté en elle-même, mais une condition nécessaire.

Modèle économique

L’argument le plus souvent employé par les opposants à la neutralité des réseaux est celui de la congestion. Internet serait trop plein, et, étant rempli, il faudrait rationnaliser l’usage de la bande passante devenue rare. La technique habituelle de rationalisation des ressources rares étant l’économie, on transporterait de manière plus prioritaire les données des plus offrants, et donc on pénaliserait les autres.

Cet argument a pour principale caractéristique d’être faux. Sauf dans sa causalité, en effet le réseau est très régulièrement saturé. Et ce de manière normale et naturelle. En moins de dix ans, la France est passée, par exemple, de zéro à plus de dix-huit millions d’accès permanents à haut débit, générant des usages, et donc de la charge pour le réseau. Dans cette croissance très rapide, bien entendu, il y a des phases de saturation, qui sont résorbées en investissant sur la capacité du réseau.

Il y a deux façons de traiter une saturation du réseau, l’une qui est d’investir sur la capacité du réseau, cet investissement devant être refait très régulièrement, aussi longtemps que les usages continueront de croître à un rythme soutenu, l’autre étant d’investir, très régulièrement aussi, dans des équipements permettant de sélectionner le trafic à faire passer en priorité. Ces deux modèles correspondent à des niveaux d’investissements similaires, simplement pas sur les mêmes technologies.

Porter atteinte à la neutralité du réseau est donc bien, effectivement, un moyen de résoudre une saturation du réseau, tout comme on peut résoudre une pénurie de logements en augmentant les prix des loyers, ou en construisant des logements. Simplement, ce moyen est dangereux, qui porte atteinte, comme on l’a vu, aux libertés. Laisser à des opérateurs privés, à des financiers, le choix de porter atteinte aux libertés individuelles n’est pas une option valable.

Difficultés techniques

Filtrer Internet, puisque c’est bien de cela qu’on parle, pose de grosses difficultés techniques :

  • Que ce soit du filtrage pur (faire disparaître tel contenu), et on se retrouve alors avec des moyens qui fleurissent pour contourner le filtre. Par exemple, tel texte est interdit, il circulera le lendemain sous forme d’une image, ou d’un enregistrement audio.
  • Que ce soit de la priorisation de trafic, et là aussi les moyens de contournement fleuriront. Le trafic web est plus rapide que le trafic de partage de musique chez mon opérateur ? Dans les jours qui suivent, l’application de téléchargement ressemblera à s’y méprendre à du trafic web, pour devenir elle aussi favorisée.

Ce n’est pas nouveau, c’est le principe de l’arme et de l’armure. Plus l’arme est puissante, plus l’armure est solide. Et, en matière de réseau et de numérique en général, la puissance des moyens de contournement des filtres se trouve sur les ordinateurs en périphérie du réseau (basiquement, sur mon bureau). Or il y a beaucoup plus de puissance sur les ordinateurs individuels des utilisateurs que sur la totalité de tous les systèmes de traitement du réseau lui-même. Pour faire un parallèle hasardeux : que les automobilistes décident de ne plus s’arrêter au péage, et, forcément, les barrières de péage seront explosées. Il y a trop de voitures pour les contenir autrement qu’avec la bonne volonté des conducteurs.

Difficulté politique

Par ailleurs, le filtrage décidé par un état, en général sous couvert de nobles objectifs, comme par exemple de museler les terroristes, ou de protéger les enfants, etc. pose une vraie difficulté politique.

Chaque état aura sa propre politique de filtrage, selon ses propres critères, correspondant à sa notion de l’intérêt général. Par exemple, l’Iran et les USA n’ont pas la même vision de ce qu’est un dangereux terroriste mettant en danger la nation. Or le trafic, sur Internet, passe d’un opérateur à l’autre, sans faire vraiment attention aux pays. Si chaque pays a sa propre politique de filtrage, alors le filtrage résultant, pour l’internaute, est la somme des effets de ces politiques sur le chemin suivi par sa communication.

Pour aboutir à un résultat cohérent, il faut donc une cohérence des filtrages. Sans quoi, quand je veux accéder à une information interdite dans le pays A, je m’arrange pour que ma connexion passe plutôt par un pays B qui a d’autres vues, chose qui est techniquement assez simple, et en train de se démocratiser. D’ailleurs, pourquoi ces techniques sont en train de se démocratiser ? Elles ont été mises au point en général pour des usages pointus, par exemple d’accéder aux données clefs de l’entreprise, pour le cadre dirigeant, depuis chez lui, sans risque pour la sécurité de l’entreprise. Elles ont été raffinées pour contourner les filtrages les plus voyants, par exemple pour accéder à de l’information y compris quand on est en Chine. Et elles sont en train de se démocratiser… à cause de la bataille d’Hadopi et des batailles voisines qui ont lieu dans toute l’Europe.

Le premier grand combat

Au final, tout ça nous dit quoi ? Qu’Internet est important, que ce n’est pas un jouet, mais un pilier de la société de demain. Et qu’on ne peut pas en faire n’importe quoi. En particulier, on ne peut pas se permettre de l’abîmer, de le polluer, de le filtrer.

La bataille d’Hadopi n’a été, finalement, qu’une des batailles, ni la première, ni la dernière, de la guerre qui vise à obtenir ou maintenir la liberté d’expression sur les réseaux, et donc qui vise à consacrer le principe de la neutralité du réseau. C’est la première grande guerre des enjeux politiques du 21e siècle.

Notes

[1] Qui portent, bien entendu, atteinte à la liberté d’aller et venir, qui est elle aussi une liberté fondamentale.




Google se conjugue au futur et Microsoft au passé ?

Google sfida Microsoft con Chrome - Copyright Federico FieniOn le sait, Microsoft n’a pas vu venir le Web et ne porte pas le logiciel libre dans sa culture (c’est le moins que l’on puisse dire).

À partir de là comment s’étonner qu’un Google lui fasse aujourd’hui concurrence et menace demain d’attaquer frontalement ses deux plus beaux fleurons (et source colossale de revenus) que sont le système d’exploitation Windows et la suite bureautique MS Office.

Un Google qui a massivement investi dans le cloud computing, l’informatique dans les nuages, Un Google qui non seulement ne méprise pas le logiciel libre mais sait très bien l’utiliser quand ça l’arrange, par exemple pour faire s’y reposer son navigateur Chrome ou son prochain et très attendu Google OS (histore de boucler la boucle)[1].

À propos de Google OS, un petit coup de Wikipédia : « Google Chrome OS est un projet de système d’exploitation qui sera fondé sur son navigateur Web Chrome et un noyau Linux. À destination des netbooks dans un premier temps, il serait capable, à terme, de faire tourner des ordinateurs de bureau traditionnels. Google laisse à penser que son OS fonctionnerait en ligne sur tout ou partie, comme ses applications (Google Documents, Gmail, etc.). Après sa suite gratuite Google Documents concurrent de la suite payante Microsoft Office, puis Android face à Windows Mobile, ce nouveau système d’exploitation gratuit attaque le cœur du business Microsoft. »

La fin d’un cycle, si ce n’est d’une époque ?

Google est en compétition pour le futur; Microsoft, pour le passé

Google competes for the future; Microsoft, the past

Matt Asay – 23 octobre 2009 – CNET News
(Traduction Framalang : Poupoul2 et Goofy)

Google est né sur le Web, et provoque de plus en plus de quintes de toux chez Microsoft en contraignant le géant séculaire du logiciel à se battre en utilisant les règles de Google. Comme avec l’open source. Comme avec l’informatique dans les nuages.

Microsoft pourrait se reposer sur ses lauriers dans l’immédiat grâce au lancement réussi de Windows 7. Mais à long terme son plus grand succès que représentent ses vieux logiciels de bureautique menace de céder le marché à Google.

Ce n’est pas très équitable pour Microsoft. Microsoft est victime de son propre succès, en ayant besoin de s’adresser à sa clientèle existante à chaque nouvelle version, coincé qu’il est par le « dilemme de l’innovateur ». Microsoft continue de remplir ses caisses, mais ses deux derniers trimestres ont vu ses forces traditionnelles telles que le système d’exploitation Windows devenir un frein pour ses revenus, tandis que les entreprises dépensent toujours plus d’argent auprès de Google, Red Hat et quelques autres.

L’absence d’héritage de Google lui permet d’innover rapidement à large échelle, comme le suggère Todd Pierce, directeur technique de Genentech et client de Google :

Le rythme d’innovation de Google…, enfin bon, le cycle de production d’Oracle, SAP et Microsoft est de cinq ans, celui de Google est de cinq jours. C’est incrémental. En cinq jours, vous ne pouvez pas supprimer toutes vos licences de Microsoft Office, mais d’ici cinq ans, vous n’aurez plus de Microsoft Office.

Microsoft, de son côté, est tellement préoccupé par la compatibilité ascendante, « Ce produit ou cette fonctionnalité sont-ils compatibles avec notre capacité à monétiser notre monopole sur la bureautique des années 80 ? », qu’ils continuent à se battre pour comprendre le Web. Dave Rosenberg, blogueur sur CNET, note que Windows 7 aurait dû être la tête de pont de Microsoft sur l’informatique dans les nuages, mais qu’il n’en a rien été.

Il y a beaucoup de « aurait dû être » chez Microsoft, lorsqu’on parle du Web.

Dans l’intervalle, personne ne ralentit pour attendre Microsoft. Arrêtons-nous un instant sur l’informatique dans les nuages. VMware domine la virtualisation, et a de grandes ambitions dans l’informatique dans les nuages, alors que les rivaux open source Eucalyptus et VMops menacent de contester la suprématie de VMware et Microsoft, en cherchant à dominer l’informatique dans les nuages.

Et arrive alors Google, qui fournit une gamme de services d’informatique dans les nuages toujours plus large aux entreprises qui cherchent à se détacher de l’ordinateur de bureau. Dans une interview donnée à CNET News, Eric Schmidt, PDG de Google, soutient que le navigateur peut être à la fois orienté entreprise et consommateur. L’architecture est dirigée par le navigateur. C’est toute l’histoire de l’informatique d’entreprise actuelle.

En d’autres termes, le bureau est simplement un moyen pour l’utilisateur de lancer son navigateur. C’est une passerelle. Il n’y a plus de valeur dans le bureau. Elle se trouve dans le navigateur, qui devient le nouveau bureau, en termes de fonctionnalités réelles disponibles

La meilleure opportunité pour Microsoft de contrecarrer la menace de Google et des autres s’appelle SharePoint. Le PDG de Microsoft, Steve Ballmer, l’a décrit comme le nouveau système d’exploitation de Microsoft, mais ce n’est que dans un entretien récent avec Forrester qu’il lui a donné tout son sens :

Dans mon esprit, je compare SharePoint au PC, le PC est venu à la vie comme machine à tableau, puis est devenu une machine à développer, une machine à traiter du texte, SharePoint est une infrastructure à objectif global qui connectera les gens aux gens, et les gens à l’information…

Je crois que SharePoint est considéré par les administrateurs informatiques et les développeurs comme une plateforme de développement très sérieuse pour les développement rapide d’application (NdT : RAD, Rapid Application Development).

SharePoint est la meilleure tentative de Microsoft pour connecter les applications de bureau telles qu’Office, avec des outils collaboratifs et de stockage centralisé ou dans les nuages. Bien sûr, Microsoft a d’autres initiatives telles qu’Office en ligne, mais aucune ne marie aussi bien ses centres de profits historiques et l’innovation future.

SharePoint pourrait alors être le meilleur espoir de Microsoft pour marier son héritage à la future informatique en ligne.

Microsoft a besoin de cela. Ils perdent dans le marché des mobiles, et pas uniquement face à Apple. Android, le système dédié de Google, est déjà efficient et opérationnel, avec par exemple ses données AdMob qui situent aujourd’hui la pénétration des smartphones Android à 10 % au Royaume Uni.

Si nous prenons l’hypothèse que le mobile sera de plus en plus une plateforme de choix pour le client, alors nous voyons Google harceler Microsoft par le haut (les nuages de services) et par le bas (le client).

Dans les deux cas, l’open source est une arme de choix pour Google, et c’en est une que Microsoft va devoir comprendre rapidement s’ils veulent devenir un acteur de poids sur le Web. Le Web est trop grand pour que Microsoft le contrôle, et le Web est incroyablement open source, tel que le remarque Mitch Kapor, fondateur de Lotus :

La victoire de l’open source est qu’il constitue le fondement du Web, la partie invisible, celle que vous ne voyez pas en tant qu’utilisateur.

Les majorité des serveurs utilisent Linux comme système d’exploitation avec Apache comme serveur Web sur lequel tout le reste est construit. Les principaux langages sur lesquels les applications Web sont construites, qu’il s’agisse de Perl, de Python, de PHP ou de n’importe quel autre langage, sont tous open source. Donc l’infrastructure du Web est open source. Le Web tel que nous le connaissons est totalement dépendant de l’open source.

Kapor suggère que la guerre que Microsoft livre à l’open source est terminée, ou devrait l’être : l’open source a gagné. Il s’agit désormais d’une infrastructure essentielle, et quelque chose que Microsoft doit arriver à comprendre, plutôt que de le combattre. Il ne s’agit pas de « religion open source », il ne s’agit que de pragmatisme. Un pragmatisme que Microsoft peut s’approprier aussi bien que n’importe qui d’autre.

Google utilise le futur (l’open source, les nuages) pour se battre pour l’avenir, et ses tactiques menacent de frapper Microsoft au cœur de ses vaches à lait tels que Windows.

Microsoft, cependant, semble être embourbé dans son passé. Windows 7 a l’air d’une mise à jour sérieuse de son prédécesseur Vista, mais dans dix ans, cela aura-t-il une importance pour nous ? Peut-être aurons-nous changé, oubliant ces jours pittoresques où nous nous soucions du système d’exploitation et des applications telles qu’Office ?

Notes

[1] Crédit illustration : Copyright Federico Fieni




Coup de gueule : Windows 7 devrait être une mise à jour gratuite de Vista !

L'actu en patates - Copyright Martin VidbergTiens, on ne vous avait pas encore causé de la sortie du nouveau système d’exploitation Windows 7 !

Enfin « nouveau », c’est un bien grand mot puisqu’il s’agit avant tout de faire oublier l’ancien système d’exploitation, le désastreux Windows Vista, qui a réussi l’exploit de faire l’unanimité contre lui.

Et bien c’est chose faite avec ce billet d’humeur non dénué d’un certain humour[1].

Dans tout autre domaine que l’informatique, on aurait affaire à un pur scandale où tout le monde serait monté au créneau. Bravo à Microsoft pour son travail de sape sur le consommateur, qui ne sait visiblement plus distinguer la vessie de la lanterne.

PS : Mention spéciale au malicieux Goofy qui s’est bien amusé pour la traduction, et nous avec !

Que tout le monde s’éclate avec Windows 7 !

Let’s all be overjoyed about Windows 7

Dwasifar – 24 octobre 2009 – Blog personnel
(Traduction Framalang : Goofy)

Microsoft a réussi un joli coup.

Ils ont réussi à convaincre des millions de gens dans le monde de sortir leur argent pour se payer une merde enveloppée de papier de soie appelée Windows Vista, et voilà que trois ans plus tard, au lancement de Windows 7, Microsoft s’est arrangé pour que les gens tombent pratiquement en extase à l’idée de payer encore plus pour ne plus avoir à utiliser Vista. Et c’est ainsi que les gens considèrent Microsoft comme une sorte de héros salvateur. Comment diable ont-il réussi ce coup-là ? « On vous a fait payer un max pour un truc merdique déglingué, et maintenant voici une version vaguement réparée un peu moins merdique, et vous allez nous l’acheter encore plus cher ! » « Ouaaaiiis, super, merci Microsoft ! Vous êtes les meilleurs ! On vous adore ! » Mais bon dieu qu’est-ce qui se passe, là ?

C’est vrai, quoi : est-ce vous achèteriez n’importe quoi d’autre dans ces conditions ? Mettons que vous ayez acheté une voiture qui se révèle être une caisse à roulettes ; rien que des ennuis pendant trois ans. Au bout de ces trois ans, vous retourneriez chez le même concessionnaire pour acheter le même modèle, tout content de la bonne affaire parce qu’ils auraient éliminé quelques défauts de fabrication ? « Super, une Clio, c’est tellement mieux que la vieille 404 pourrie qui a calé au milieu des carrefours pendant trois ans ! Quelle magnifique offre promotionnelle vous me faites là en me la vendant plein pot ! Non, je ne veux rien de plus pour ce prix-là ! Tenez, mettez-la moi bien profond tout de suite, je vous ai apporté un peu de vaseline, mais vous êtes pas obligé de l’utiliser ! »

Eh bien ça se passe comme ça chez Microsoft. Ils vendent de la merde, et lorsqu’ils vendent quelque chose qui n’est pas tout à fait de la merde, ils deviennent des héros. Ça défie l’entendement. À quel niveau est-on tombé si en faisant payer quelqu’un encore une fois pour résoudre les problèmes causés par un premier achat, on devient Superman ? Et ce n’est pas la première fois que ça se produit. Ils nous ont déjà fait le coup, en passant de WinMe à XP. Je crois même qu’ils avaient déjà fait le coup aussi avec MS-DOS, mais je ne me souviens plus trop de quelles versions il s’agissait. Ce qui est flagrant et incompréhensible, c’est qu’on puisse encore vendre aux gens des produits moins merdiques après leur avoir vendu des produits vraiment merdiques.

Windows 7 devrait être une mise à jour gratuite de Vista. De n’importe quelle version de Vista, qu’elle soit Familiale ou Intégrale, qu’on l’ait achetée ici ou là. Microsoft a reconnu clairement que Windows 7 est ce que Vista aurait dû être. En fait, c’est même comme ça qu’ils en font la promo. Bon, si c’est la version qui aurait dû être fournie, alors il n’est pas trop tard : donnez-la aux clients auxquels vous l’avez promise il y a trois ans.

Et pendant qu’on y est, je n’arrive pas à croire qu’il est impossible de créer une mise à jour de XP vers Windows 7. Microsoft sait parfaitement que les gens ont évité Vista et conservé XP, particulièrement dans les entreprises. C’est pour cela qu’ils sortent Windows 7 à toute vitesse. Vous pourriez croire qu’une mise à niveau serait une priorité. Eh bien non, les gens sont contents de nettoyer leur machine et de faire une réinstallation complète du système d’exploitation pour avoir le privilège de passer à la version supérieure. Je suppose qu’avec l’habitude de réinstaller un système d’exploitation, on finit par considérer comme normal de le faire périodiquement.

C’est tellement trop la classe de faire ça en ce moment qu’on pourrait croire que Windows 7 est à la pointe des systèmes d’exploitation, tous les problèmes sont derrière, pas vrai ? Bon d’accord, et si on essayait de le faire tourner sans antivirus pendant disons une journée, hein ? Vous feriez ça ? Non ? Moi non plus, parce qu’il y a encore de tout petits problèmes de sécurité avec Windows 7. Au fait, et la défragmentation du disque ? Vous voulez essayer Windows 7 pendant un an sans défragmenter ? Moi non plus. Je pourrais continuer, mais à quoi bon. Tout le monde connaît tous ces problèmes, et pourtant tout le monde est tellement content de voir que Microsoft a réglé quelques-uns des problèmes de régression apparus lors du passage de XP à Vista, que personne ne s’inquiète des énormes défauts de conception inclus dans chaque édition de Windows, version 7 comprise.

Et pendant ce temps-là, Linux évolue tranquillement, même si les fanatiques de Windows bêlent en choeur que Windows 7 va écraser Linux. Eh non, les gars, désolé, ça va pas marcher. Dès que le battage médiatique va diminuer, vous allez encore vous retrouver avec Windows et ses classiques faiblesses intrinsèques. Et le développement de Linux est bien plus rapide que celui de Windows. Linux a rattrapé et dépassé XP il y a trois ans au moment où Vista est sorti. Il est au même niveau que Windows 7 aujourd’hui, et avant que Windows 8 ne se profile, Linux en sera déjà bien plus loin. Tant mieux pour Microsoft s’ils améliorent des trucs, c’est ce qu’ils devaient faire. Et ça risque de leur prendre du temps. Mais il n’y aucune raison de penser qu’ils vont pouvoir continuer indéfiniment à surfer sur une vaste base d’utilisateurs avec une technologie de deuxième choix, même s’ils ont pour le moment réussi à convaincre ces utilisateurs de se faire escroquer avec le sourire.

Notes

[1] Illustration de Martin Vidberg, le dessinateur de L’actu en patates, avec son aimable autorisation.




Claude Bernard Lyon 1 offre les premières bourses Microsoft à ses étudiants

Stuartpilbrow - CC by-saL’université française ne doit plus pleurer sur le désengagement de l’État, le sauveur et bienfaiteur Microsoft est là pour y remédier.

Hier c’était Paris Descartes qui décidait de confier la communication numérique de ses étudiants à la firme de Redmond. Et aujourd’hui, fait unique dans les annales, ont vu le jour les premières bourses d’étudiants financées pour le privé.

C’est à l’Université Claude Bernard Lyon 1 que l’on doit cet acte pionnier et, vous l’aurez compris, c’est encore de Microsoft qu’il s’agit.

Extrait du communiqué de presse :

Alors qu’en novembre 2007, l’Université Claude Bernard Lyon 1 s’était engagée avec Microsoft France sur une série d’actions visant à rapprocher les deux structures en termes de partenariat économique, après plusieurs années de projets communs – l’Université et Microsoft France concrétisent aujourd’hui l’un de ses axes de partenariat qui était de contribuer financièrement au soutien d’étudiants boursiers, par le biais de la Fondation partenariale Lyon 1.

Cinq bourses sont accordées pour la rentrée universitaire 2009 à des étudiants débutants leurs études en première année de licence (…) La bourse d’un montant de 3 000 €, versée en une fois, doit permettre à des étudiants méritants d’entamer des études scientifiques dans de bonnes conditions financières.

(…) Ils recevront lundi 19 octobre 2009 à 14h30 dans la salle du conseil de l’Université leur bourse des mains d’Eric Le Marois, Directeur Education et Recherche de Microsoft France et de Lionel Collet, président de l’Université Lyon 1.

À l’issue de cette remise de bourse, Lionel Collet et Eric le Marois se prêteront au jeu des questions-réponses sur les thématiques des nouvelles technologies auprès de jeunes étudiants de l’Université.

Inclinons-nous et disons merci à la généreuse société américaine pour le soutien ainsi apporté au fleuron de notre jeunesse[1].

Quand on pense au coût annuel que représente la somme totale de toutes les licences Windows et MS Office de tous les postes de tous les établissements scolaires de France et de Navarre, on se dit que ces 5 bourses de 3 000 € ne méritent pas forcément une vaste opération de communication.

Il faut être naïf, malintentionné ou bien carrément parano pour n’y voir avant tout qu’une belle arnaque consistant à déshabiller l’élève Pierre pour habiller l’étudiant Paul sous l’œil bienveillant d’une puissance publique de moins en moins puissante et de moins en moins publique.

Notes

[1] Crédit photo : Stuartpilbrow (Creative Commons By-Sa)




Paris Descartes vend ses étudiants à Micro$oft !

TheeErin - CC by-saEncore un titre qui ne fait pas dans la dentelle ! Il ne vient pas de moi mais d’un tract qui est actuellement distribué sur le campus de l’Univesité Paris Descartes par le SNESup, le Syndicat national de l’enseignement supérieur. Tract que nous avons reproduit ci-dessous dans son intégralité.

Il est une conséquence indirecte (et non désirée) d’un vaste et ambitieux partenariat signé en juillet 2009 par Microsoft et la vénérable Université, partenariat « visant à développer des actions communes autour des nouvelles technologies » (liens html, pdf, vidéo[1] et… photo de famille !)

Ce qui frappe c’est la radicalité des mots et expressions employés (jusqu’à mettre un « $ » au « s » de Microsoft !). À la hauteur de l’exaspération suscitée par cette énième opération de marchandisation de l’éducation qui ne veut pas dire son nom ?

Je tenais cependant à apporter quelques éléments de réflexion qui sont autant de modestes tentatives de mise en perspective (en pensant aussi à un éventuel débat qui pourrait démarrer dans les commentaires) :

  • Les universités peuvent-elles résister à de telles offres dans le contexte économique actuel ? Prenez le temps de lire le communiqué de presse et vous constaterez avec moi la densité des services proposés, avec promesse de soutien de Microsoft à la future fondation de l’université (« soutien » étant pris ici dans tous les sens du terme). Même une direction rompue aux vertus du logiciel libre et sa culture aurait à mon avis du mal à ne pas sacrifier quelques unes de ses valeurs sur l’autel d’un certain pragmatisme dicté par le manque de moyens.
  • C’est le programme Live@edu de Microsoft qui est stigmatisé ici. Mais Google propose, à quelques nuances près, rigoureusement la même chose avec Google Apps Education. Ne serait-ce point « la guerre de l’informatique dans les nuages » qui pénètre ici directement le vulnérable secteur éducatif ? D’un côté on rend service aux étudiants, de l’autre on investit sur leur potentiel à… conserver les mêmes technologies une fois arrivés sur le marché du travail. Le plus dur étant d’entrer, parce qu’une fois que l’étudiant possède (sur vos serveurs) sa messagerie, son agenda, son espace de stockage, sa suite bureautique en ligne, ses documents, ses photos, ses habitudes de chat, etc. le plus dur est fait. Il lui sera alors fort difficile de migrer, même avec les meilleures volontés du monde ! Un dernier mot sur ces serveurs qui hébergent toutes ces données de nos étudiants : il est juridiquement et géographiquement presque impossible de les localiser !
  • Cet épisode interroge également sur la politique numérique française de l’éducation en général et du supérieur en particulier. Que ne nous avait-on pas dit et promis avec les ENT, les fameux Espaces numériques de travail ! À laisser Microsoft, Google et consors s’occuper de cela pour nous, nous sommes en présence d’un double aveu, celui d’un échec et d’une démission. Sans compter que dans l’intervalle sont apparus les réseaux sociaux qui risquent eux aussi de ringardiser les quelques ENT qui avec peine avaient tout de même réussi à se mettre en place (Facebook sera-t-elle la prochaine grosse société américaine à venir frapper aux portes de nos universités ?). On voit bien ici comment le public ne peut pas (ou plus) lutter contre le privé, et c’est fort inquiétant pour ceux qui demeurent attachés à la notion de biens communs. Dernier exemple en date, le risque de voir nos bibliothèques publiques numérisées par… Google et non pas nos propres moyens.

Sur ce je vous laisse avec ce tract qu’il me plait à imaginer entre les mains d’étudiants interloqués[2] mais conscients que cet accord peut en avantager quelques uns sur le court terme mais finir par freiner tout le monde sur le long terme.

Paris Descartes vend ses étudiants à Micro$oft !

SNESup – octobre 2009 – Tract


L’université s’apprête à signer avec Microsoft une convention d’utilisation du bouquet de services Live@edu. Il s’agit de confier à Microsoft le webmail des étudiants et des personnels volontaires. Une offre alléchante : gratuit, sans pub, avec 100 Go chacun, un chat intégré, un espace de stockage personnel, un accès au pack office web… et c’est compatible avec Linux, MacOS, Firefox ! Que demander de plus ?

Plus pour moins cher ?


Avec ce projet, l’université prétend offrir aux étudiants un service meilleur que le webmail actuel, pour un coût inférieur à ce que nos ingénieurs pourraient faire. Pourtant, les histoires d’externalisations sont toujours les mêmes : avant de signer le contrat, tout est rose, une fois signé on paye le prix fort. Un service a un coût, à long terme Microsoft nous le fera payer : Microsoft est un géant, qui nous imposera ses conditions s’il le souhaite.

Halte aux dealers !


Faciliter l’accès des étudiants au pack office web, c’est un cadeau empoisonné. Au lieu de former des utilisateurs avertis de l’informatique, l’université s’apprête à fabriquer des consommateurs dépendants des produits Microsoft. A la sortie de l’université, devenus accros, ils devront acheter au prix public les mêmes produits. L’université renonce donc à sa mission de formation pour servir les intérêts commerciaux d’une entreprise.


Aujourd’hui, les ingénieurs et les enseignants de Paris Descartes enseignent l’informatique via des logiciels libres : chacun peut ainsi utiliser les nouvelles technologies gratuitement et pour longtemps. Aurons-nous toujours cette liberté quand Paris Descartes sera pacsée avec Microsoft ?

Voulons-nous être les clients captifs de Microsoft ou rester des utilisateurs libres de l’informatique ?

Notes

[1] Pour rédiger cet article, je me suis tapé la vidéo de la conférence de presse jusqu’au bout et j’ai été assez stupéfait par la capacité de l’auditoire à ne pas poser les questions qui fâchent !

[2] Crédit photo : TheeErin (Creative Commons By-Sa)




Francis Muguet (1954 – 2009)

C’est avec stupeur et consternation que j’ai appris ce week-end l’annonce de la mort de Francis Muguet, que j’avais entendu en conférence pour la dernière fois pas plus tard que l’été dernier à Rennes[1].

Nous suivions de près ses travaux, en particulier autour du Mécénat Global, inspirateur direct du projet SARD.

« Tout en adressant nos plus sincères condoléances à sa famille, nous vous invitons à poursuivre ses actions et à diffuser ses idées, ce qui semble être le meilleur hommage que l’on puisse lui rendre ». (Benoît Sibaud sur Linuxfr)

Pour mémoire, une intervention de Francis Muguet, interviewé l’année dernière par Bernard Perrigueur (pour BJP Tv News – Lausanne) en pleine Bataille Hadopi.

—> La vidéo au format webm

Notes

[1] Ceci pose d’ailleurs la question du devenir des données numériques publiques d’une personne venant subitement à décéder (et emportant avec elle tous ses mots de passe). Mais il eut été indélicat que de l’évoquer plus avant ici.




Quand la Fondation Codeplex de Microsoft déchire la communauté

A priori nous devrions tous nous réjouir de voir Microsoft faire un pas significatif vers le logiciel libre avec la toute récente création de la Fondation Codeplex, dont l’objectif affiché dès la page d’accueil du site est de « permettre l’échange de code et une entente entre les éditeurs de logiciels et les communautés open source ».

Sauf que, le diable est dans les détails, l’entente proposée concerne donc explicitement les communautés open source et non la communauté du logiciel libre.

A partir de là, méfiance et vigilance nous dit Richard Stallman[1] dans l’article que nous avons traduit ci-dessous, en égratignant au passage le mythique Miguel de Icaza[2] (GNOME, Mono…), membre initial de la Fondation, qui en prend pour son grade en étant qualifié « d’apologiste Microsoft ».

Réponse immédiate de l’intéressé (toujours traduite ci-dessous) qui reproche vertement à Stallman de s’attaquer ainsi à ses propres alliés et de se complaire dans la paranoïa Microsoft, pratique pour fédérer ses troupes mais néfaste si l’on souhaite réellement aller de l’avant.

Au delà du conflit personnel qui frise parfois l’outrage, nous sommes face à une énième opposition entre le logiciel libre et l’open source.

L’avantage de l’open source c’est qu’il rend le logiciel libre enfin fréquentable pour des sociétés comme Microsoft qui l’ont longtemps ignoré puis dénigré. L’inconvénient, rappelé en exergue de ce blog, c’est d’aboutir à ce que le logiciel libre ne finisse par ne plus rien libérer d’autre que du code…

Codeplex… Perplexe ?

Lest CodePlex perplex

Richard Stallman – 5 octobre 2009 – FSF.org
(Traduction Framalang : Olivier Rosseler)

Eneko Astigarraga - CC by-saLa Codeplex Foundation ne fait pas l’unanimité au sein de notre communauté. En effet, le fait que des employés, ou ex-employés de Microsoft, plus l’apologiste Miguel de Icaza, dominent le comité de direction n’a rien de rassurant. Mais l’habit ne fait pas nécessairement le moine.

Le jour viendra où nous pourrons juger l’organisation pour ses actions (ainsi que sa communication). À l’heure d’aujourd’hui, nous pouvons seulement essayer d’anticiper ses actions, d’après ses déclarations et celles de Microsoft.

On remarque premièrement que l’organisation évite soigneusement de parler de la liberté des utilisateurs, elle emploie le terme « open source » et ne fait pas mention de « logiciel libre ». Ces deux termes définissent deux philosophies qui n’ont pas les mêmes valeurs : le logiciel libre promeut la liberté et la solidarité alors que l’open source s’intéresse uniquement aux aspects pratiques, telle que l’efficience et la fiabilité du logiciel par exemple. Voir Pourquoi l’« open source » passe à coté du problème que soulève le logiciel libre pour plus d’informations.

Il est évidemment préférable pour Microsoft d’affronter l’adversité concrète que représente l’open source plutôt que la position éthique que défend le mouvement du logiciel libre. En ne reconnaissant, et en ne critiquant, que l’open source, comme la société le fait depuis si longtemps, Microsoft poursuit deux objectifs : attaquer un concurrent tout en détournant l’attention d’un autre.

Codeplex applique strictement la même tactique. Son but déclaré est de convaincre les « éditeurs de logiciels commerciaux » de contribuer davantage à l’open source. Comme presque tous les logiciels open source sont aussi des logiciels libres, ces programmes seront certainement libres, mais la philosophie « open source » n’enseigne pas aux développeurs à défendre leurs libertés. S’ils ne comprennent pas l’importance de cette liberté, les développeurs seront plus enclins à succomber aux stratagèmes de Microsoft les encourageant à utiliser des licences plus faibles, ce qui reviendrait à mettre le doigt dans un engrenage, à accepter la cooptation de brevets et à rendre ainsi les logiciels libres dépendant d’éléments privateurs.

Cette fondation n’est pas le premier projet Microsoft à porter le nom de « Codeplex ». On retrouve aussi codeplex.com, une forge qui ne recense pas parmi les licences autorisées, la troisième version de la GNU GPL. Peut-être est-ce dû au fait que la GNU GPL v3 a été créée pour protéger les logiciels libres de la menace que représentent les brevets Microsoft au travers d’accords comme celui conclu entre Novell et Microsoft. Les intentions de la Codeplex Foundation vis à vis de la GPL v3 nous sont encore inconnues, mais le passif de Microsoft n’incite pas à l’optimisme.

Le terme « éditeurs de logiciels commerciaux » est lui-même ambigu. Par définition, toute entreprise a un but commercial, donc tout logiciel développé par une entreprise, qu’il soit libre ou privateur, est automatiquement commercial. Mais beaucoup associent faussement « logiciel commercial » et « logiciel privateur » (voir Termes prêtant à confusion, que vous devriez éviter (ou utiliser avec précaution)).

Cette confusion est grave, puisqu’elle implique qu’on ne peut pas faire commerce de logiciels libres. De nombreux éditeurs de logiciels contribuent déjà aux logiciels libres, et ces contributions commerciales sont très utiles. Peut-être que Microsoft souhaite ici renforcer cette fausse impossibilité dans l’esprit des gens.

Toutes ces considérations prises en compte, il nous apparait que Codeplex encouragera les développeurs à ne pas penser à la liberté. Il instillera subtilement l’idée que le commerce de logiciel libre ne peut se faire sans l’appui des éditeurs de logiciels privateurs commme Microsoft. Il pourrait aussi, cependant, convaincre certains fabricants de logiciels privateurs de publier plus de logiciels libres. Cette contribution servira-t-elle la liberté des utilisateurs ?

Ça ne pourra être le cas que si le logiciel libéré fonctionne correctement sur des plateformes libres, dans des environnements libres. Mais c’est à l’opposé de ce que Microsoft cherche à accomplir.

Sam Ramji, maintenant président de Codeplex, annonçait il y a quelques mois que Microsoft (son employeur d’alors) souhaitait promouvoir le développement d’applications libres qui encourageaient l’usage de Microsoft Windows. Peut-être que Codeplex cherche à corrompre les développeurs de logiciels libres pour qu’ils fassent de Windows leur plateforme principale. Codeplex.com héberge désormais de nombreux projets qui sont des extensions de logiciels privateurs. Ces programmes sont pris dans un piège similaire au Piège Java (voir Libre mais entravé – Le Piège Java).

Mais, même en cas de succès, les implications seraient limitées puisqu’un programme qui ne fonctionne pas (ou mal) dans le Monde Libre ne contribue pas à notre liberté. Un programme non-libre prive ses utilisateurs de leur liberté. Pour éviter de se retrouver ainsi lésés, nous devons rejeter les systèmes privateurs ainsi que les applications privatrices. Les extensions libres pour des programmes privateurs que l’on trouve sur Codeplex accroissent notre dépendance vis à vis de ces programmes privateurs, l’exact opposé de ce dont nous avons besoin.

Les développeurs de logiciels libres sauront-ils résister à ce travail de sape de nos efforts pour gagner plus de liberté ? C’est là que leur éthique devient cruciale. Les développeurs adeptes de la philosophie « open source », pour laquelle la liberté n’est que secondaire, n’attachent peut-être que peu d’importance à la liberté de l’environnement dans lequel leur logiciel est exécuté. Mais les développeurs se battant pour la liberté, la leur comme celle des autres, peuvent reconnaître le piège et l’éviter. Pour rester libre, la liberté doit être notre but.

Si la Codeplex Foundation souhaite devenir un vrai contributeur de la communauté du logiciel libre, elle ne peut se contenter d’extensions libres pour des paquets non-libres. Elle doit encourager le développement de logiciels portables capables de fonctionner sur des plateformes libres basées sur GNU/Linux et d’autres systèmes d’exploitation libres. Si elle essaie de nous leurrer dans une direction opposée, il nous faut absolument nous y refuser.

Mais que les actions de la Codeplex Foundation soient bonnes ou mauvaises, elles ne peuvent excuser les actes d’agression dont Microsoft s’est rendu coupable envers notre communauté. De sa tentative récente de vendre des brevets à des intermédiaires pour qu’ils fassent le sale boulot contre GNU/Linux, à sa croisade pour la promotion des menottes numériques (DRM), Microsoft n’a de cesse de s’en prendre à nous. Nous serions bien naïfs de le perdre de vue.

Copyright 2009 Richard Stallman
La reproduction exacte et la distribution intégrale de cet article est permise sur n’importe quel support d’archivage, pourvu que cette notice soit préservée.

Chacun sa vision

World Views

Miguel de Icaza – 5 octobre 2009 – Blog personnel
(Traduction Framalang : Olivier Rosseler)

Storem - CC by-saApparemment, Richard Stallman n’a rien de mieux à faire que de m’attaquer personnellement. Dans son dernier texte, il s’est trouvé une nouvelle lubie : me traiter d’apologiste de Microsoft car je ne participe pas à sa chasse aux sorcières.

J’ai simplement un point de vue différent du sien au sujet de Microsoft. Certains de ses employés sont des personnes vraiment bien, et je sais qu’ils sont nombreux au sein de l’entreprise à essayer de lui faire prendre une meilleure voie. Cela fait maintenant quelques années que j’en parle sur mon blog.

Au fond, nous voulons tous les deux la même chose : le succès du logiciel libre. Mais Richard, plutôt que d’utiliser son temps pour défendre sa cause, s’en prend à ses propres alliés car ils ne sont pas pareils que lui. À ses yeux, débiter des inepties, telles que Linus « ne croit pas en la Liberté », est tout à fait normal[3].

Tout est une question de point de vue

Il y a de cela quelques années, j’ai eu la chance d’échanger avec Benjamin Zander sur son monde des possibles. Son livre, « L’art des possibilités » m’a profondément marqué.

Benjamin y raconte cette histoire :

Deux vendeurs de chaussures sont envoyés en Afrique au début du XXe siècle en prospection.

Le premier envoie son télégramme : « Situation désespérée. Stop. Personne ne porte de chaussures ».

L’autre envoie : « Opportunité d’affaires. Stop. Ils n’ont pas de chaussures ».

Notre temps sur Terre étant limité, j’ai décidé d’occuper le mien à essayer de faire comme le deuxième vendeur. J’essaie de voir des possibilités quand d’autres ne voient aucun débouché.

J’aime mon boulot pour cette raison précise, parce que je travaille avec des amis qui défient sans cesse les probabilités et parce que nous avons toujours su faire mentir ceux qui nous critiquent. Chacun de mes collègues veut changer le monde et aucun d’entre nous ne se laisse décourager par la peur.

La peur est un frein puissant et empêche trop souvent les gens de proposer des solutions créatives. Je préfère largement travailler à l’élaboration de solutions constructives plutôt que de me plaindre.

La paranoïa est un secteur très actif. C’est la solution de facilité pour ceux qui ne savent pas mener leurs troupes en donnant l’exemple. Créez un bouc émissaire, enrobez votre histoire, mentez, ou propagez des semi-vérités, satanisez, voilà une bonne recette pour fédérer votre base.

La paranoïa de Richard

Le documentaire « Le pouvoir des cauchemars » offre une description passionnante de l’économie de la « sécurité », de ces entreprises qui vendent de la « sureté » aux personnes effrayées, de ces dirigeants qui se servent de la peur des gens pour atteindre leurs buts. La paranoïa de Richard n’est en rien différente.

Richard Stallman fait souvent appelle à des bouc émissaire pour rassembler ses troupes. Parfois il s’en prend à Microsoft, d’autres fois il invente des faits, ou sinon il s’en prend à sa propre communauté[4]. Ses élocutions simplistes n’ont rien à envier à celle de Georges W. Bush : le Bien contre le Mal, Nous contre Eux.

La Codeplex Foundation est née de l’effort de ceux, chez Microsoft, qui croit en l’open source. Ils s’acharnent, au sein de l’entreprise, à la changer. Encourager Codeplex est une formidable opportunité d’encourager Microsoft dans la bonne direction.

Mais Richard n’arrive pas à le comprendre.

Aux yeux de Richard, il n’y a rien de bon à tirer de ce monde. Moi, à l’opposé, j’y vois des possibilités et des opportunités.

Non seulement on a jamais attrapé de mouches avec du vinaigre, mais il y a aussi beaucoup de chaussures à vendre.

Notes

[1] Crédit photo : Eneko Astigarraga (Creative Commons By-Sa)

[2] Crédit photo : Storem (Creative Commons By-Sa)

[3] Votre ami Google vous donnera de nombreux exemples d’attaques contre les défenseurs et développeurs de l’open source / logiciel libre.

[4] Le problème « open source » contre « logiciel libre » qui n’en est pas un et la guerre « Linux » contre « GNU/Linux » débutée dans les années 90 mais qui nous poursuit encore.