Je pense avoir acheté mon dernier Mac

Procsilas - CC byFramasoft en général et le Framablog en particulier vous ont souvent raconté des histoires de migration du système d’exploitation Microsoft Windows vers GNU/Linux (de préférence des histoires qui se finissent bien).

Pour changer un peu, il nous a semble original et intéressant de vous proposer le témoignage d’un « vieux fidèle » du Mac qui a lui aussi décidé de « briser ses chaînes » (et Dieu sait si avec Apple elle sont nombreuses) pour s’en aller le cœur léger aborder le pays des manchots, en l’occurrence le manchot sud-africain Ubuntu.

Que les geeks qui ne cessent de vanter les mérites de Linux mais dont l’ordinateur principal tourne sous Mac[1] (si, si, j’en connais, au moins autant que ceux qui restent sous Windows), n’hésitent pas à apporter leur pierre dans les commentaires 😉

Migration

Switching

Ian Betteridge – 11 janvier 2009 – Technovia
(Traduction Framalang : Balzane)

Comme vous avez pu le déduire de mes billets récents, j’ai changé de système d’exploitation. Mon ordinateur principal est maintenant un portable Dell tournant sur Ubuntu 8.10.

J’avais utilisé des Mac depuis 1986, et j’en avais pratiquement toujours possédé un depuis 1989. Le Mac Plus, le LC 475, le PowerBook Duo, l’iBook et le MacBook Pro figurent parmi les machines qui subirent mon utilisation quotidienne. J’ai gagné ma vie en écrivant sur les Macs et je ne compte plus les Macworld Expos auxquelles j’ai assisté.

Mais, sauf évolution de la politique d’Apple et lancement de machines résolument différentes, je pense avoir acheté mon dernier Mac.

Les causes d’une migration de Mac OS X vers Linux sont diverses. La première était simple : le prix. Indéniablement, les toutes dernières générations de machines Apple sont surpuissantes. Malheureusement, leur prix est tout aussi surpuissant. C’est simple, je n’étais pas prêt à dépenser 200 £ (NdT : environ 230 €) de plus que pour mon dernier MacBook Pro.

Bien sûr, j’aurais pu me rabattre sur un MacBook standard. Il aurait été assez puissant pour mon usage. Mais il ne dispose que d’un écran 13 pouces et, après avoir travaillé des années sur un 15 pouces, 13 pouces c’était vraiment trop petit.

À l’inverse de beaucoup de constructeurs, Apple ne comptait pas de portables 15 pouces moins puissants que le MacBook Pro dans sa gamme. On comprendra que, pour des raisons de logistique et de simplicité de ses produits, Apple limite le nombre de variantes sur ses chaînes de production. Du coup, Apple ne proposait pas de machine qui corresponde à mes besoins.

Ceci constitue d’ailleurs un élément de réponse à la lancinante question : « Un Mac est-il un bon investissement ? » Par rapport à un PC aux performances identiques, c’est parfois le cas. Cependant, il arrive que l’utilisateur n’ait pas forcément besoin des fonctionnalités supplémentaires ou de la puissance du Mac. À moins qu’elles ne soient gratuites ou bon marché, acheter une machine aux fonctionnalités superflues n’est pas un bon investissement. Dans mon cas, payer 1400 £ (NdT : environ 1600 €) simplement pour bénéficier d’un écran 15 pouces alors que je n’ai pas l’usage d’un bus système cadencé à 1 GHz ou de deux cartes graphiques n’est pas un investissement intéressant.

Il y avait aussi une autre raison de migrer, mise en évidence par Mark Pilgrim lors de son passage sous Linux. Apple est une société particulièrement privatrice, elle ne documente pas ses formats de fichiers et a tendance à plus ou moins subtilement enfermer ses clients.

L’exemple le plus évident est l’iPhone. Comme un Mac, un iPhone possède un design exceptionnel. C’est aussi un écosystème très fermé. Les développeurs qui refusent de jouer le jeu d’Apple ne peuvent pas distribuer officiellement leurs applications. Ils ne peuvent que compter sur d’autres pour contourner les limitations du système d’exploitation du téléphone. Si vous voulez que vos applications tournent sur la majorité des iPhones, vous devez accepter les règles fixées par Apple. Et ces règles sont, semble-t-il, pour le moins arbitraires.

Je connais les justifications à ces règles. Ce sont exactement les mêmes arguments que ceux qu’utilisait IBM à l’époque où il ne voulait pas que vous exécutiez d’autres programmes que les leurs sur votre mainframe IBM. Certes, faire partie d’un écosystème fermé et rigoureusement contrôlé assure votre sécurité. C’est aussi hypothéquer votre capacité à disposer d’un Personal Computer réellement personnel.

Je fais une prédiction : pour des raisons similaires, l’écosystème de développement Mac va progressivement ressembler à celui du iPhone. D’optionnel, le recours à des binaires signés va finalement devenir « aucune possibilité d’exécution de code non signé ». Apple deviendra un distributeur d’applications, et fixera des règles du jeu similaires à celles appliquées à l’iPhone. Le raisonnement fait pour l’iPhone peut être transposé au Mac. Je ne pense pas que cela se produira dans les cinq prochaines années, mais je suppose que ça arrivera tôt ou tard. (Mise à jour : si vous êtes arrivé sur ce billet par le billet de Giles qui souligne cette prédiction, la lecture de Why Apple will have a Mac App Store peut vous intéresser.)

Après tout, Apple est une société qui se base sur le DMCA (NdT : Digital Millennium Copyright Act, pendant américain à DADVSI) pour empêcher la rétro-ingénierie sur les fichiers de base de données d’un iPod, élément essentiel à l’interopérabilité d’un iPod avec d’autres plates-formes que Windows ou Mac. Une société qui déploie sans avertissement la technologie anti-copie HDCP, de façon à bloquer jusqu’à la lecture même de contenus qui ne sont pas en haute définition sur des matériels non homologués.

Heureusement il existe une autre possibilité, une possibilité qui n’implique pas de faire confiance à une unique société commerciale pour prendre en compte l’ensemble de nos besoins informatiques. Alors je n’ai ni acheté un MacBook ni un MacBook Pro, mais un Dell XPS1530 flambant neuf, qui maintenant tourne avec bonheur sous Ubuntu 8.10. Il n’est pas aussi puissant qu’un MacBook Pro, mais la configuration matérielle correspond exactement à mes besoins, et son système d’exploitation n’est pas la propriété d’une multinationale monolithique.

Comment s’est passé l’essai jusqu’ici ? Le Mac ne m’a pas manqué une seule minute. Tout a bien fonctionné.

Je garde encore une partition Windows sur la machine, mais elle ne sert vraiment plus qu’en cas d’urgence. WoW tourne à la perfection sous Wine, et la fréquence de rafraîchissement fait passer mon vieux Mac Book Pro pour un Apple II. Le jour est proche où je n’aurai plus besoin d’un Windows « au cas où » et récupérerai les 80 Gb de la partition pour un meilleur usage. De toutes les façons ce Dell est équipé d’un disque de 400 Gb, ce qui me laisse le temps de voir venir.

ITunes ? Je n’en ai pas besoin, Amarok est meilleur, de loin. Pour tous mes documents, j’utilise OpenOffice.org et j’accède ainsi à un format de fichier dont l’existence n’est pas soumise au bon vouloir d’une société, à l’inverse de Pages (NdT : traitement de texte sur Mac).

La configuration d’Ubuntu a été un plaisir. Je pense vraiment que c’est à la portée de tous, et si vous avez la malchance de rencontrer le moindre problème, une rapide recherche Google devrait vous retourner une réponse de l’étonnante communauté Ubuntu. Avec mon Dell, j’ai rencontré une difficulté avec le trackpad, problème que j’ai pu résoudre en dix minutes grâces à Google et à la communauté Ubuntu. Si vous savez installer un Windows, vous saurez sans aucun doute installer et utiliser Ubuntu

Certains aspects du boulot effectué sont particulièrement impressionnants. Le modem 3G intégré, dont mon Dell est équipé, n’a pas juste été reconnu pas Ubuntu, il était aussi fonctionnel en quelques minutes. Un clic sur l’assistant qui m’a demandé quel réseau mobile utiliser, et ça marchait. Ce fut la même chose pour mon imprimante, une HP Deskjet vieille de moins d’un an. Alors que Windows Vista ne voulait pas en entendre parler, Ubuntu l’a reconnue dès son branchement et elle a fonctionné du premier coup.

Devriez-vous en faire de même ? Si vous êtes sensibilisés aux logiciels libres et aux formats ouverts, si vous refusez d’être captifs d’un matériel ou d’un unique système d’exploitation, alors la réponse est oui. Si vous vous préoccupez davantage de la simplicité d’utilisation de votre ordinateur et êtes satisfait de ce que vous impose Apple, alors non. De tous les systèmes d’exploitation existants, la distribution Ubuntu est la plus proche d’un système d’exploitation pour tous publics, mais il n’est pas pour tout le monde.

C’est une bonne chose, parce que la monoculture est nuisible. Je souhaite que Mac OS X s’améliore et prospère, tout comme que je souhaite que Microsoft perfectionne Windows. L’émulation est positive, et une concurrence entre trois plates-formes qui adoptent chacune une approche différente est très saine.

Notes

[1] Crédit photo : Procsilas (Creative Commons By)




Quand Google libère le code source d’un logiciel controversé

Larsz - CC by-saCeux qui ont eu, comme moi, la curiosité de goûter du bout des lèvres au navigateur Google Chrome au moment de sa sortie sous Windows, se sont peut-être aperçus alors qu’un autre drôle de petit logiciel, répondant au doux nom de GoogleUpdate, s’installait à votre insu et travaillait toujours en toile de fond, quand bien même Chrome ne se trouve plus ouvert.

Voici comment le Centre d’aide Google en parle : « GoogleUpdate.exe est un composant logiciel qui joue le rôle de méta-programme d’installation et d’outil de mise à jour automatique dans de nombreuses applications Google que vous pouvez télécharger, notamment Google Chrome. Il maintient vos programmes à jour avec les fonctionnalités les plus récentes. Plus important encore, GoogleUpdate permet une mise à jour rapide de vos applications Google si des failles de sécurité venaient à être détectées. »

Et puis, plus loin, dans le paragraphe (sensible) Informations transmises à Google : « Lorsque GoogleUpdate communique avec les serveurs Google, il envoie les ID des applications qu’il gère sur votre ordinateur ainsi que des informations générales sur l’utilisation de ces applications. GoogleUpdate utilise également un numéro d’identification unique généré de manière aléatoire pour comptabiliser le nombre total d’utilisateurs. Ces informations concernent notamment les numéros de version, les langues, le système d’exploitation et d’autres données sur l’installation ou la mise à jour, telles que l’exécution des applications. Ces informations ne sont associées ni à vous-même, ni à votre compte Google. D’autres informations peuvent nous être transmises si vous choisissez d’envoyer vos statistiques d’utilisation concernant Google Chrome. »

Son processus de désinstallation est lui aussi assez étonnant (et sujet à caution) : « Pour désinstaller complètement GoogleUpdate, désinstallez toutes les applications Google actuellement installées sur votre ordinateur. La désinstallation de GoogleUpdate devrait intervenir automatiquement quelques heures après la désinstallation de vos programmes Google. GoogleUpdate étant lié aux applications Google installées sur votre ordinateur, il ne peut être supprimé individuellement. Si vous supprimez uniquement le processus GoogleUpdate, il se peut que vos programmes Google ne fonctionnent plus correctement et, très souvent, GoogleUpdate se réinstallera de toute façon automatiquement. »

On comprendra alors facilement que certains se sont émus de la présence de ce logiciel, surtout qu’en absence d’accès au code source, on ne pouvait que faire confiance à Google dans sa collecte d’informations.

Or avec Google[1], la confiance sur parole n’est plus forcément de mise. La confiance en acte c’est bien plus mieux et transparent. Et dans le monde logiciel cela se traduit comme ici par la libération du code source du programme, afin de l’étudier et constater effectivement que cette collecte d’informations est, si ce n’est inoffensive, tout de moins conforme à ce qui avait été annoncé.

Je ne sais si vous êtes désormais totalement rassuré (les commentaires sont grands ouverts) mais la démarche est intéressante : montre-moi ton code source et je te dirais qui tu es réellement. On rêve déjà d’en faire de même pour toute la gamme logicielle de Google, et puis aussi celle de Microsoft et Apple tant qu’on y est 😉

Pour évoquer cette nouvelle, nous n’avons pas choisi la voie officielle, c’est-à-dire le communiqué de Google, mais celle du blog Google Operating System, qui bien que totalement dédié à Google lui est indépendant.

Google Update libère son code source

Google Update, Open Sourced

Alex Chitu – 12 avril 2009 – Google Operating System
(Traduction Framalang : Tyah et Don Rico)

Ça n’a pas d’interface, c’est toujours actif en sous-tâche, prêt à mettre à jour silencieusement votre logiciel Google : Google Update est un service qui fait du bureau Google l’égal des applications web en constante mise à jour. Hélas, ce service n’est pas très stable, on ne peut pas le supprimer tant que l’on a pas désinstallé toutes les applications qui l’utilisent, et il présente des problèmes de confidentialité.

Certains se sont émus du fait que Google collecte de plus en plus d’informations. Pour montrer que ces reproches sont infondés, Google a décidé d’ouvrir le code source de GoogleUpdate, nom de code : Omaha.

« GoogleUpdate étant toujours actif sur votre système, il n’existe aucun moyen simple de l’arrêter, et puisque c’est un composant fondamental du logiciel Google qui y recourt, il ne s’installe pas de façon explicite. Certains seront surpris de le voir fonctionner, et chez Google, nous n’aimons pas décevoir nos clients. Nous avons travaillé dur pour répondre à ces inquiétudes. En libérant le code source d’Omaha, nous cherchons à rendre GoogleUpdate complètement transparent. Évidemment, nous comprenons que tout le monde n’ait ni la volonté ni la capacité d’examiner notre code dans le détail, mais nous espérons que ceux qui le feront confirmeront que GoogleUpdate sert bien à maintenir votre logiciel à jour. »

Un logiciel à jour en permanence empêche les logiciels malveillants d’exploiter les failles de sécurité, signale plus facilement les bogues et est constamment amélioré, mais Google devrait fournir une interface qui nous laisserait contrôler combien de fois le service demande à être mis à jour et même le désactiver. Certains utilisateurs avancés estiment que fonctionnement permanent de l’outil de mise à jour de Google représente une violation de leur droit de regard en tant qu’utilisateurs, une faille de sécurité potentielle et une charge indésirable sur leur système et leurs ressources réseau, qui sont déjà très sollicités.

Notes

[1] Crédit photo : Larsz (Creative Commons By-Sa)




Android de Google : un futur vrai système d’exploitation ?

Demi Brooke - CC byEt si l’air de rien, sans annonce ni fracas, Google était en train avec Android de nous pondre un système d’exploitation libre concurrent du trio GNU/Linux, Mac et PC ?

C’est aller un peu vite en besogne[1]. D’abord parce qu’Android repose sur le noyau Linux (dont il peut alors être vu comme l’une de ces distributions) et ensuite parce qu’il ne se destine pour le moment qu’à la téléphonie mobile.

Mais comme il est dit dans l’article traduit ci-dessous, on pourrait le retrouver bien vite dans des netbooks et alors on changerait immanquablement de catégorie…

Google sortira-t-il un OS Linux pour le desktop en 2009 ?

One giant step closer to the Google Linux desktop

Steven J. Vaughan-Nichols – 31 mars 2009 – ComputerWorld
(Traduction Framalang : Don Rico)

Google n’annonce toujours pas publiquement être sur le point de distribuer Android comme un OS de bureau Linux, mais HP, Asus et d’autres grands fabricants de machines sont apparemment en pourparlers avec l’entreprise de Mountain View afin de commercialiser des mini-portables équipés d’Android.

D’après un article du Wall Street Journal, Satjiv Chahil, un des vice-présidents de la branche PC de HP, a refusé d’affirmer ou de nier que le premier fabricant de PC au monde pourrait vendre des mini-portables ou des smart-phones tournant sous Android, mais il a en revanche confirmé que HP « s’intéressait » à ce système d’exploitation libre.

Hourra !

Nous savons d’ores et déjà qu’Android peut fonctionner comme système d’exploitation pour le desktop, car certains ont réussi la manip. Surtout, ceux qui y sont parvenus ne sont pas des hackers dont la seconde langue est le C++, mais deux journalistes. Si nous en sommes capables, alors tout le monde l’est. 🙂

La réaction habituelle des moutons windoziens quand on leur parle d’un OS Linux pour le desktop conçu par Canonical, Novell ou Red hat, c’est de crier au n’importe quoi. Pour Android, en revanche, ce n’est pas la même chanson.

En ce qui me concerne, je peux détailler de tête les différences entre Ubuntu, openSUSE, Fedora et une demi-douzaine d’autres déclinaisons de Linux pour le desktop. Mais soyons réalistes, seul un fana de Linux en est capable. La plupart des utilisateurs de PC savent peut-être que Linux est un autre système d’exploitation, et ils savent peut-être aussi que Red Hat est une grosse entreprise Linux, ou qu’Ubuntu est une version populaire de Linux. Pas plus.

Google, par contre, c’est différent. Quiconque se sert d’un ordinateur connaît Google. Quelqu’un qui aurait des réticences à essayer un PC tournant sous autre chose que Windows, et XP de préférence, pourrait très bien vouloir essayer un mini-portable sous Google. Maintenant que j’y pense, ça ne m’étonnerait pas le moins du monde que certains croient que c’est déjà Google qui fait marcher leur PC.

De là à utiliser un PC qui fonctionne pour de bon sous Google, il n’y a qu’un pas. Certes, il s’agirait en fait du système Linux Google Android pour le desktop, mais la grande majorité des utilisateurs ne s’en soucierait pas plus que des bases Linux sur lesquelles reposent le moteur de recherche Google. Tout ce qu’ils sauront, c’est que leur netbook ou leur portable fonctionne grâce à quelque chose dont ils connaissent le nom et auquel ils font confiance. En outre, puisque ces machines seront sous Linux, elles seront moins chères que leurs équivalents vendus avec Windows.

Au début de l’année, j’ai lancé l’idée que 2009 serait l’année idéale pour que Google attaque Microsoft de front sur le marché du desktop. Sachant à présent que des fabricants de PC sérieux jouent déjà avec l’idée de commercialiser des netbooks fonctionnant sous Android, je prédis à présent que cela se produira en 2009.

Notes

[1] Crédit photo : Demi Brooke (Creative Commons By)




Linux a évolué… et vous ?

Fazen - CC byBien qu’il soit désormais prêt à partir à la conquête de nos ordinateurs, les mythes (et préjugés) autour du GNU/Linux continuent d’avoir la vie dure.

C’est ce que nous raconte ici Bruce Byfield en passant en revue une dizaine de légendes urbaines qui demanderaient à être quelque peu réactualisées.

Et de se demander en conclusion, qui de GNU/Linux ou de l’utilisateur est le moins préparé à ce que cette rencontre ait bel et bien lieu[1].

9 mythes sur GNU/Linux

The GNU/Linux Desktop: Nine Myths

Bruce Byfield – 16 mars – Datamation
(Traduction Framalang : Olivier et Don Rico)

Mac OSX est-il prêt pour le bureau ? Personne ne se pose la question. L’adopter demande pourtant de s’adapter à de nouvelles habitudes, de nouveaux outils et à un nouveau bureau, mais peu importe. On dit qu’il est facile d’accès, et il est soutenu par une entreprise propriétaire, tout comme Windows.

Pour GNU/Linux, en revanche, c’est une autre histoire. Depuis des années, les éditorialistes et les blogueurs nous expliquent que GNU/Linux n’est pas prêt pour le grand public et malgré les progrès accomplis au cours de ces dix dernières années, les arguments n’ont pas beaucoup évolué. Ils sont même de plus en plus obsolètes, quand ils ne reflètent pas une profonde ignorance. En fait, j’ai souvent l’impression que tous ceux qui répandent ces poncifs à propos des insuffisances de GNU/Linux ne l’ont jamais essayé.

Les critères de facilité d’utilisation sont souvent subjectifs. Ce que sera un bogue au yeux de l’un sera une fonctionnalité aux yeux d’un autre : par exemple, devoir ouvrir une session d’administrateur pour installer un programme est un désagrément pour les utilisateurs les moins expérimentés, tandis que les connaisseurs y voient un gage de sécurité.

Ce qu’on reproche souvent à GNU/Linux, aussi, c’est de ne pas être pas exactement comme Windows. On passera sur le fait que, s’il n’existait aucune différence entre les deux, on n’aurait aucune raison de vouloir changer de système d’exploitation. Quant à ceux qui s’attendent à utiliser un nouveau programme ou un nouveau système d’exploitation sans période d’adaptation, ils sont sacrément gonflés. Aux yeux de certains critiques, le simple fait que GNU/Linux ne corresponde pas en tout point à ce qu’ils connaissent déjà suffit à le vouer aux gémonies.

Viennent ensuite les critiques à géométrie variable. Par exemple, certains déclarent que GNU/Linux ne sera jamais prêt pour le grand public tant qu’il n’offrira pas certaines fonctions, puis quand on leur montre qu’elles existent ou qu’elles sont en développement, ils changent de cible et insistent sur le caractère indispensable d’une autre fonction. On ne peut contrer ce genre d’argument, car les critères qui les sous-tendent ne sont jamais les mêmes.

Enfin, pour compléter le tableau, on trouve les arguments qui se contredisent eux-mêmes car ils sont faux, incomplets, ou déformant la réalité. Voici neufs des contre-vérités les plus répandues.

1. Les trop nombreuses distributions compliquent la tâche des développeurs

Voilà une affirmation populaire chez les concepteurs de logiciels pour expliquer pourquoi ils ne proposent pas de version de leur produit pour GNU/Linux. Ils affirment en effet que toutes les distributions n’ont pas la rigueur du Linux Standards Base et qu’elles utilisent une hiérarchisation différente. Les distributions, qui plus est, utilisent toutes sortes de paquets, ce qui signifie qu’un support universel implique la création de paquets dans différents formats.

Ces problèmes existent bel et bien, mais cette affirmation exagère les problèmes qui en découlent. Des installeurs universels comme InstallBuilder et Install Anywhere proposent aux concepteurs des installations similaires à ceux de Windows. En ce qui concerne la création de différents paquets, si ça ne pose pas de problème à des projets communautaires, pourquoi est-ce que ça devrait en poser à une entreprise spécialisée ?

Mais au fond, le plus grave problème posé par cet argument, c’est qu’il tente d’imposer un point de vue « à la Windows » à un système existant. Dans GNU/Linux, les créateurs d’applications ne prennent pas en charge les différentes distributions ou formats de paquets, c’est la distribution qui s’en charge.

Si ça fonctionne, c’est parce qu’avec les logiciels libres la distribution peut apporter les changements nécessaires au bon fonctionnement du logiciel. Ça ne pose problème qu’aux concepteurs de logiciels propriétaires. S’ils ne souhaitent pas se conformer au système et libérer leur code c’est leur choix, mais alors qu’ils ne se plaignent pas que le système n’est pas adapté.

2. Aucun outil de migration n’est disponible

Effectivement, ça ne ferait pas de mal à GNU/Linux s’il existait un assistant pour importer depuis Windows les e-mails, les marques pages dans le navigateur, les canaux IRC et autres informations personnelles. Mais on peut faire le même reproche à Windows. Au moins GNU/Linux co-existe avec les autres systèmes d’exploitation et peut lire leurs formatages spécifiques, aussi peut-on importer manuellement certaines de ces informations.

3. Le matériel n’est pas reconnu

Par le passé, le support matériel sur GNU/Linux laissait à désirer. Et dans la plupart des cas, on devait la reconnaissance du matériel aux efforts de la communauté, et non aux fabricants, mais cela restait insuffisant.

Au cours de ces trois ou quatre dernières années, cependant, les pilotes mis au point par la communauté se sont améliorés et les fabricants proposant des pilotes pour GNU/Linux, et plus seulement pour Windows et Mac, sont plus nombreux. Les pilotes des fabricants ne sont pas toujours libres, mais ils sont gratuits.

Aujourd’hui, les incompatibilités pour le matériel commun comme les disques durs, les claviers ou les cartes ethernet, si elles ne sont pas encore éradiquées, restent rares. Les secteurs qui posent plus problème sont ceux des périphériques comme les scanners, les imprimantes, les modems ou les cartes réseau sans fil. On peut néanmoins se couvrir en adoptant de bonnes pratiques comme acheter une imprimante postscript, qui fonctionnera forcément avec le pilote postscript générique, ou en achetant des produits Hewlett-Packard, qui prend en charge l’impression sous GNU/Linux depuis très longtemps.

Certains vont même jusqu’à dire que GNU/Linux, qui conserve en général une compatibilité descendante, reconnait en fait plus de matériel que Windows. Je n’irai pas jusque là, mais, globalement, les problèmes de pilotes sous GNU/Linux semblent être à peine plus fréquents que ceux que j’ai pu rencontrer avec différentes versions de Windows.

De nos jours, on peut même s’affranchir complètement du problème de la reconnaissance du matériel en achetant des ordinateurs neufs préinstallés avec GNU/Linux par des entreprises comme Acer ou Dell.

4. La ligne de commande est indispensable

Cette affirmation est à la fois un souvenir du passé, à l’époque où la ligne de commande sur GNU/Linux était presque indispensable, et des réticences bien compréhensibles des utilisateurs de Windows à utiliser la ligne de commande DOS. C’est pourtant tout à fait faux.

Le bureau sur GNU/Linux est largement opérationnel depuis plus de dix ans. De nos jours, les dernières versions de l’environnement GNOME n’ont pas à rougir de la comparaison avec Windows et, dans ses dernières versions, KDE est l’un des environnement les plus novateurs. Même les outils d’administration sont bien présents sur le bureau.

On peut certes utiliser la ligne de commande, et nombreux sont les utilisateurs qui préfèrent y recourir, surtout les administrateurs, car c’est souvent le plus efficace. Mais pour l’administration ou le travail quotidiens, l’utilisation des lignes de commande relève des préférences personnelles, pas d’une obligation. Elles sont aussi bien plus simples d’utilisation que les lignes de commandes du DOS.

5. Il n’y a pas de logiciel

Il faut en général comprendre par là qu’on ne retrouve pas les logiciels habituels de Windows : pas de MS Office, d’Internet Explorer ou de Photoshop. Mais une simple recherche succincte permet de découvrir des logiciels équivalents qui correspondent plus ou moins, à condition de prendre le temps de s’y adapter.

Neuf fois sur dix, lorsque l’on étudie d’un peu plus près quelqu’un qui critique l’un de ces équivalents (The GIMP par exemple) ou affirme qu’il n’est pas prêt pour un usage professionnel, on se rend compte que cette personne n’a pas exploré le programme ou a été désarçonné par le changement de nom ou d’emplacement dans les menus d’une fonction. Souvent, celui qui se plaint n’a même jamais essayé, ou essayé récemment, le programme qu’il critique.

Pour un usage bureautique ou en productivité, GNU/Linux offre de nos jours une solution complète. Beaucoup de projets de logiciels libres fonctionnant sur différentes plateformes, il se peut même que vous ayez déjà utilisé ces applications sous Windows, comme Firefox ou OpenOffice.org. Il reste du chemin à parcourir, par exemple dans les jeux ou dans les applications spécialisées comme la reconnaissance optique de caractères (ROC). Le problème, ce n’est pas que les alternatives n’existent pas, mais plutôt qu’elles se développent trop lentement.

6. L’apparence des logiciels laisse à désirer

Il y a encore quelques années, sur GNU/Linux, la fonctionnalité primait sur l’ergonomie. Mais puisque les fonctionnalités de bases n’étaient pas toutes présentes, il pouvait difficilement en être autrement.

Mais tous les logiciels les plus couramment employés ont mûri et s’attaquent désormais à l’ergonomie. Une modernisation de l’interface ne ferait pas de mal à certains, mais la plupart ne sont pas pire que leurs équivalents sous Windows – honnêtement, si quelqu’un peut supporter une plateforme où Outlook et Windows Media Player sont jugés acceptables, il ne peut vraiment pas se plaindre de l’apparence des logiciels sur une autre plateforme.

7. Le service est inexistant

C’est à l’ère d’Internet que GNU/Linux a vraiment commencé à sortir des cercles d’initiés. À l’époque, le manque de service posait problème – si l’on parle de contrats de services traditionnels en tout cas. Mais, même il y a dix ans, il était déjà possible de signer un contrat de service avec une entreprise comme Red Hat.

De nos jours, le choix de l’assistance traditionnelle est bien supérieur. Si vous ne souhaitez pas faire appel à un fabricant de logiciel qui propose une distribution, vous trouverez sans doute un fournisseur de service proche de chez vous dans n’importe quelle grande ville d’Europe ou des États-Unis.

Mais il existe depuis toujours une meilleure source d’information : les listes de diffusion des projets communautaires ou d’entreprises. Même si ces listes offrent une assistance différente, elles ne sont néanmoins pas inférieures. Non seulement elles sont gratuites, mais ceux qui les fréquentent sont souvent plus prompts à répondre et vous fourniront une assistance plus détaillée que n’importe quel service payant auquel j’ai eu affaire.

8. Les options sont trop nombreuses

Comparé à Windows, GNU/Linux est un système d’exploitation qui offre bien plus de choix. Comme aucune entreprise ne le conçoit, il est plus libre dans sa réalisation. Comme ses développeurs pensent beaucoup en individualiste, ils offrent aux utilisateurs les moyens de faire les choses à leur façon.

Par conséquent, contrairement à Windows, GNU/Linux existe en plusieurs distributions, propose plus d’un environnement de bureau, quasi rien n’est unique. C’est ce que ses utilisateurs préfèrent.

Je vous accorde que les options, sans parler de leur nom ou des acronymes, peuvent dérouter les nouveaux venus. La confusion, cependant, découle surtout du contraste avec Windows. Pour l’utilisateur, au fond, les différences entre les distributions les plus populaires ne sont pas si énormes.

Une petite recherche vous permettra de faire le choix le plus adapté, et dans tous les cas l’installation se fait simplement, avec une intervention minimale de votre part, assistée qui plus est. Une fois la distribution installée, libre à vous de profiter de toutes les options pour vraiment personnaliser votre bureau ou de vous satisfaire des réglages par défaut et de ne modifier que le fond d’écran.

En d’autres termes, les options sont destinées aux utilisateurs avancés. Les débutants peuvent très bien les ignorer.

9. L’installation des logiciels est trop compliquée

Ce mythe se présente sous deux formes. Dans la première, celui qui se plaint parle de compilation à partir du code source (je ne vois pas où est la difficulté de décompresser une archive et de suivre les instructions pour taper les commandes configure, make et make install, mais admettons que l’inconnu puisse en effrayer certains). Dans la deuxième, les gens se plaignent de ne pas pouvoir normalement se rendre sur le site du fabricant de matériel ou de logiciel pour télécharger un binaire à exécuter pour l’installer, comme on le fait sous Windows.

Ceux qui expriment ces griefs n’ont pas compris que GNU/Linux fonctionne différemment. Chaque distribution entretient ses propres dépôts de logiciels, tous prêts à l’emploi pour une distribution précise. Sauf besoin particulier, tous les logiciels dont qu’il vous faut se trouvent dans ces dépôts, et il ne vous reste plus qu’à utiliser l’installateur graphique ou son équivalent en ligne de commande.

Si vous vous en tenez aux dépôts de votre distribution, l’installation de logiciels sous GNU/Linux est en fait largement plus simple que sous Windows. Vous n’avez pas besoin d’aller au magasin, tous les logiciels sont disponibles en ligne. Vous n’avez pas besoin de payer, de vous enregistrer ni de les activer.

S’il vous faut soudain un nouveau logiciel pour une tâche précise, vous pouvez l’identifier et l’installer en quelques minutes. Si vous voulez tester plusieurs alternatives, libre à vous. Pour bénéficier de ce confort, il suffit de prendre le temps de comprendre le fonctionnement du système d’exploitation plutôt que de partir bille en tête en vous appuyant sur des « on-dit » ou sur vos connaissances antérieures.

GNU/Linux et le bureau : les vraies raisons ?

De tels arguments en disent plus long sur leurs auteurs que sur GNU/Linux. Au pire, ce sont des signes d’ignorance des dernières avancées de GNU/Linux, au mieux, c’est un ensemble de préjugés ou d’habitudes.

Mais alors, concrètement, pour quelles raisons GNU/Linux n’est-il pas plus populaire ? L’argument classique du monopole est certainement la première raison. Puisque Windows est pré-installé sur la plupart des ordinateurs et que vous devez faire l’effort de chercher pour trouver des ordinateurs avec GNU/Linux pré-installé, le problème semble assez évident.

Mais la résurrection d’Apple au cours de ces cinq dernières années laisse à penser qu’un monopole n’est pas inattaquable. La raison est peut-être plus simple encore. Malgré leurs plaintes, les gens sont habitués à Windows et ne savent même pas que GNU/Linux ou d’autres alternatives existent. Ils ne l’ont jamais testé pour de bon et se reposent sur des on-dit ou sur l’avis du copain d’un copain d’un ami qu’il leur est impossible d’évaluer.

Les prétextes qu’ils avancent montrent très clairement qu’ils ne connaissent pas GNU/Linux. Ils ont beau dire que GNU/Linux n’est pas prêt pour eux, l’inexactitude de leurs arguments laisse plutôt à penser qu’en fait, ce sont eux qui ne sont pas prêts pour GNU/Linux.

Notes

[1] Crédit photo : Fazen (Creative Commons By)




Espérons que cela reste absurde !

Quand une bande de joyeux drilles (de chez LoadingReadyRun) s’amusent à plonger les fameux Contrats de Licence Utilisateur Final (CLUF) dans la vrai vie, cela donne cette savoureuse petite vidéo que nous n’avons pu nous empêcher de sous-titrer.

On pense à Facebook bien sûr, et derrière lui tout le web 2.0, mais on pense également aux licences de logiciels propriétaires que nous signons le plus souvent les yeux fermés.

Nous sommes en 2009. Orwell et Ionesco nous ont quittés depuis longtemps…

—> La vidéo au format webm

À propos d’Orwell et de pastiche, j’imagine que vous avez déjà vu cet extrait viral du film Brazil de Terry Gilliam, revu et corrigé par la Quadrature du Net.

Si tel n’était pas le cas, le voici :

La vidéo au format webm.




Quand les passants de Sydney adorent le nouveau Windows

Lu sur LinuxFr et, tout juste, sous-titré par Framalang :

« ZDNet Australie a réalisé une vidéo dans les rues de Sydney en faisant semblant de montrer une vidéo de démonstration du prochain Windows 7, alors qu’il s’agit en réalité de… KDE 4 !

En effet, il a été de très nombreuses fois constatées que le bureau de la version bêta (Build 7000) du prochain Windows présente une ressemblance troublante à cet autre environnement très présent dans le monde de Linux qu’est KDE. Mais au-delà de l’apparence du bureau, on se rend compte que toutes ces fonctionnalités de KDE plaisent énormément aux personnes passées dans la vidéo, et ne se doutent pas (apparemment) qu’il ne s’agit pas de Windows. La plupart en revanche, critiquent Vista pour diverses raisons.

Alors, KDE4 est-il Windows 7, ou Windows est-il KDE 4, ou simplement un peu des deux finalement ou ils n’ont rien à voir ? À vous de juger… »

—> La vidéo au format webm




Conte cruel de la jeunesse ou le copyright expliqué par une fille

Winter Wonderland est un peu aux USA l’équivalent de notre Petit Papa Noël de Tino Rossi, un standard de la chanson populaire qui s’en revient à chaque fois que tombent les premières neiges, et ce depuis 1934, date de sa création par Felix Bernard et Richard B. Smith.

Comme des milliers d’autres teenagers de sa génération, qui aiment la musique, en jouent et s’amusent à échanger leurs expériences sur YouTube, Juliet Waybret, 15 ans, avait téléchargé une vidéo où elle proposait sa propre interprétation de Winter Wonderland au piano.

Vous ne verrez pas cette vidéo.

Elle a en effet été supprimée par YouTube suite à une plainte des ayant-droits, en l’occurrence Warner Bros.

La distance qui nous sépare de la genèse de l’oeuvre (plus de soixante-dix ans !) associée à la notion toute américaine du Fair Use, auraient pu laisser croire que cette innocente et inoffensive reprise demeurât en ligne. Mais non, c’était sans compter sur l’implacable logique juridique et financière des Majors.

Du coup c’est une Juliet Waybret plus que désappointée qui nous relate rapidement sa mésaventure dans une autre vidéo YouTube[1] sous-titrée ci-dessous par nos soins.

Quelles leçons, elle et ses visiteurs, vont-ils en tirer ? Que peuvent-ils bien penser de ces adultes incapables de faire la distinction entre un remix créatif et une atteinte aux droits d’auteur ? L’incompréhension est grande et la rupture n’est pas loin[2].

Une anecdote à valeur de symbole que nous ferions bien de méditer au moment même où la loi « Création et Internet » est en passe d’être adoptée en France…

—> La vidéo au format webm

Notes

[1] Voici le lien vers la vidéo pointée par Juliet Waybret dans sa propre vidéo.

[2] Sur cette « affaire », on pourra également lire Contenus effacés sur YouTube, l’EFF prépare une riposte juridique sur ReadWriteWeb France.




Faute de pirates, le livre électronique restera-t-il à quai ?

Curiouslee - CC byL’iPod d’Apple est un indéniable et spectaculaire succès. Dans quelle mesure le « piratage » de la musique y aura-t-il contribué ?

La question reste ouverte, mais ce qui est sûr c’est que lorsqu’il m’arrive, en professeur curieux, de demander naïvement à mes élèves si ils ont bien acheté tous les morceaux musique qui se trouvent dans leur iPod personnel, ils me regardent généralement d’un air incrédule qui me donne instantanément un petit coup de vieux !

Un tel succès se répétera-t-il demain avec le Kindle d’Amazon qui se rêve déjà en « iPod du livre » ?

Peu probable en l’état, nous dit Bobbie Johnson dans un article du Guardian traduit ci-dessous, pour la simple et bonne raison qu’il n’y a justement pas pour le moment de… « piratage » massif de livres électroniques propre à bousculer et faire évoluer le monde de l’édition[1].

Pourquoi les livres électroniques ne s’imposent-ils pas ? On ne les pirate pas assez.

Why aren’t ebooks taking off? Not enough pirates

Bobbie Johnson – 9 février 2009 – Guardian.co.uk (Blog Technology)
(Traduction Framalang : Don Rico)

Le Kindle d’Amazon veut faire exploser le marché du livre électronique, mais le plus gros frein à son succès pourrait être le manque de téléchargements illégaux.

On compare souvent l’industrie de la musique et l’édition. Le Kindle d’Amazon, nous dit-on, pourrait être le « iPod du livre ». Tout le monde meurt d’envie de connaître le succès fulgurant qu’à rencontré iTunes, et chacun redoute les dégâts que les supports numériques pourraient infliger à une industrie des médias à la traîne et retranchée sur ses positions.

Chacun observe le mécanisme qu’on a vu se produire pour la musique et la vidéo – un médium ancien, transformé en profondeur par la technologie –, et attend qu’il s’applique au livre. Mais les chances que ce phénomène se produise dans un futur proche sont extrêmement minces. Pourquoi ? C’est très simple.

Si les acteurs de l’industrie du disque ont eu l’idée de proposer de la musique au téléchargement, ce n’est pas parce qu’ils ont eu un coup de génie visionnaire, ni même parce qu’Apple leur a forcé la main en mettant en place un écosystème astucieux autour de l’iPod (l’iTunes Store n’a été ouvert qu’en 2003). Non, la véritable raison, c’est que les clients avaient choisi de pirater la musique.

Pour l’exprimer de façon moins triviale, la technologie ne force pas l’industrie du livre à affronter un changement radical dans les pratiques de consommation, car ce scénario ne se produit pas. Les clients n’imposent pas cette mutation en abandonnant les livres papiers au profit des livres électroniques. Voilà pourquoi l’édition n’est pas confrontée à ce problème.

Des problèmes, il y en a, bien sûr. L’industrie du livre connaît des difficultés. On n’achète plus de livres. Les ventes sont en berne. Sites Internet, grandes surfaces et librairies géantes étouffent les petites structures et étranglent le marché.

Mais contrairement à ce qu’a connu l’industrie du disque – dont les clients perdus se sont rués sur Napster, Kazaa ou Gnutella –, le lecteur moyen, pour se procurer ses romans, ne se reporte pas sur des sources légalement douteuses ou ne va pas se procurer une copie du dernier bestseller à la mode auprès du dealer de livres du coin de la rue. S’il veut partager des fichiers, il trouve quelqu’un pour lui prêter un exemplaire, ou se rend dans un lieu où le partage de l’information bénéficie du soutien officiel de l’industrie (on appelle ça des bibliothèques).

Mais au fond, le véritable problème, c’est simplement que les clients n’achètent plus autant de livres… voire plus de livres du tout.

Auteurs et éditeurs se servent de la technologie quand elle leur bénéficie directement – comme outil promotionnel ou canal de vente —, mais s’ils n’agissent pas dès à présent pour propulser le marché du livre électronique, il semble peu probable qu’ils se réveillent un matin en s’étonnant qu’un pirate leur a piqué leur petit-déjeuner.

Le piratage est un gros problème pour les industries qui produisent du contenu numérique, mais pour l’instant on achète un livre, pas un document texte caché entre deux feuilles de papier – n’en déplaise à de nombreux fanas du livre électronique. Les chaînes de distribution de l’industrie du livre ont été frappées de plein fouet par l’avènement de la technologie, mais le produit physique, lui, résiste plutôt bien.

En fait, du point de vue des éditeurs, publier un livre électronique c’est encourager le piratage, parce que cela revient à mettre un texte copyrighté sous un format numérique qui, même bardé de DRM, sera cracké un jour ou l’autre, simplement parce que c’est possible.

L’industrie du disque, quant à elle, a initié ce changement en remplaçant les enregistrements analogiques par des fichiers numériques. Le téléchargement remplace peut-être le CD, mais cette modification des pratiques a eu lieu seulement parce que la première technologie a rendu la seconde possible. Car sans CD à encoder, il serait bien plus difficile d’accéder à de la musique numérisée.

Mon propos n’est pas de dire que le seul moyen pour l’industrie du livre électronique de connaître le succès est de promouvoir le piratage. Mais sans celui-ci, pas besoin de se mettre au boulot. Aucun lien de cause à effet évident ne forcera les éditeurs à bouger de leur fauteuil en cuir et réagir.

Le véritable changement se produira sans doute à mesure que davantage d’auteurs appartenant déjà à l’ère numérique insisteront pour que l’industrie du livre innove. Mais il s’agit d’une transition de génération, et nous en sommes encore très loin.

Non pas que je ne croie pas au succès potentiel du livre électronique ; je pense simplement que sans catalyseur externe pour bousculer l’industrie, les progrès dans ce domaine seront très, très lents.

Notes

[1] Crédit Photo : Curiouslee (Creative Commons By)