Quand il n’y avait pas (ou peu) d’autres choix éthiques, ce dialogue était inimaginable. Mais ça, c’était avant.
Conjuguons l’affreux verbe « Skaïper » au passé !
Mais si, vous connaissez Skype ! C’est un de ces logiciels/réseaux sociaux/services qui, par défaut, ne se ferment pas quand vous appuyez sur la croix, s’allument dès le démarrage de votre ordi, sont retors à désinstaller et à quitter, vous collent des notifications à tout va et sont installés de base sur votre ordinateur (qu’on vous a forcé à acheter avec un Windows dessus)…
Normal : ce cauchemar de libriste, ce logiciel qui veut contrôler vos comportements au lieu de vous laisser « maîtres » de votre machine, est un des fleurons de Microsoft. Au-delà de la faute de goût linguistique (« Skaïper »… -_- ), le danger est grand. Chaque compte Skype est désormais un compte Microsoft, et leur nouvelle fonctionnalité de traduction automatique de vos échanges audio nous apprend que Microsoft est désormais capable de scanner vos conversations et les transformer en textes. Le texte, c’est facile et très peu coûteux à archiver, à indexer, à analyser… Une manne incroyable pour les publicitaires qui enrichissent les GAFAM sur notre dos !
Au-delà de Microsoft-Skype, le monde des conversations audio/vidéo en ligne n’est pas beaucoup plus reluisant… Facebook déguise son Messenger en appli de téléphone tout en captant vos données sur Whatsapp (sauf si vous faites cela), Google ressert ses Hangouts à toutes les sauces (non mais Allo, quoi !), Apple ne jure que par Facetime… Pendant que Discord (qui a néanmoins le bon goût d’utiliser la technologie WebRTC) grimpe en flèche chez les gamers. Avec plus de 11 millions d’utilisateurs il détrône de fait Teamspeak, et Mumble l’outsider libre… Or nous avons déjà vu avec Microsoft-Skype ce qu’il se passe lorsqu’on laisse trop de monde mettre sa vie numérique dans le panier d’un seul et même logiciel non-libre…
De son côté, la fondation Mozilla annonce la fin de la prise en charge de Hello, un outil de conversations audio/vidéo qui était inclus dans leur navigateur Firefox… mais qui ne le sera plus à partir de la version 49 du panda roux. Et nous, on a envie de lui faire des câlins, au panda roux, tant il en faut pour le consoler.
Framatalk : une conversation audio/vidéo en deux clics
Voici donc une solution imparfaite mais libre… et simple ! C’est un des gros avantages de Framatalk : sa simplicité d’utilisation. Nul besoin de créer un compte, il vous suffit d’aller sur Framatalk.org pour :
Créer un salon en saisissant votre nom (l’adresse Web sera framatalk.org/NomQueVousAvezChoisi)
Autoriser votre navigateur à utiliser votre micro et votre caméra
Partager l’adresse Web du salon avec votre interlocuteur pour qu’il vous rejoigne
… et discuter !
C’est aussi simple que ça.
Bien entendu, vous trouverez tout un tas de petites options faciles à comprendre, dont :
Un tchat pour discuter en mode texte (il vous faudra entrer un pseudo)
Un bouton d’invitation à la conversation (partage par email de l’adresse web du salon)
Des boutons pour activer/désactiver le micro, la caméra, le mode plein écran
Un accès aux paramètres (modifier son pseudo, sa caméra, son micro)
La possibilité que Framatalk retienne votre profil de paramètres (il créera un cookie)
Les droits de modération du salon (pour la première personne arrivée)
La possibilité de protéger le salon par mot de passe (pour le modérateur)
Tous ces détails sont d’un usage intuitif et sont résumés dans la barre des boutons en haut ou à gauche de l’écran de votre salon Framatalk. Tant de simplicité nous permet de tenter un record, ici et maintenant (appelez le Guiness Book !) :
4. Partagez l’adresse web pour converser avec vos ami-e-s !
Oui, c’est tout.
Avec Framatalk, vous n’aurez plus à accepter de vous faire skyper contre votre gré.
Libre et imparfait ? — On va quand même le faire…
Soyons honnêtes : la solution que nous vous proposons n’est pas parfaite. Depuis plus de neuf mois, nous avons testé de nombreux services libres, et aucun n’est (pour l’instant et à nos yeux) parfait. Alors entre Vroom.im, Spreed.me, Hubl.in et bien d’autres… nous avons choisi Jitsi Meet !
Framatalk est donc une instance de Jitsi Meet (une parmi d’autres, dont celle des développeurs). C’est un logiciel développé en JavaScript, qui utilise la technologie WebRTC, et qui est sous licence Apache 2.0. C’est surtout le logiciel permettant de créer des salons de discussions audio/vidéo qui a le mieux supporté nos tests et notre cahier des charges.
Par ailleurs, nous vous conseillons de désactiver l’affichage de la vidéo (le petit bouton « caméra ») si vous n’avez pas une connexion bien solide. Tout simplement parce que les échanges vidéos fonctionnent, mais demandent une bande passante importante (un abonnement Internet de type fibre) si on ne veut pas souffrir de ralentissements et autres voix mécaniques…
Donc voilà : Framatalk est imparfait, et a des limitations que les géants du Web ne connaissent pas. Le problème, c’est que les GAFAM investissent grandement pour s’enrichir grâce à vos données (et donc vos vies) numériques, et qu’il faut réagir et proposer une alternative sans espionnage / profilage publicitaire.
Notre espoir, c’est que plus nous serons nombreuses et nombreux à utiliser Jitsi Meet (ou d’autres solutions libres), plus cela motivera les communautés à trouver des solutions et des moyens. Donc, si le principe vous plaît, n’hésitez pas à aller participer au code de Jitsi Meet !
Tristan Nitot : « face à la Surveillance:// on retrousse ses manches ! »
Tristan Nitot est l’auteur d’un ouvrage titré « Surveillance:// » qui dresse le bilan du pillage systématique de nos données privées par les géants du web. Mais, loin de se résigner, il applique les leçons issues de son expérience chez Mozilla : il ne sert à rien de se décourager, il s’agit de réagir et de faire face, chacun selon ses moyens. Il en profite pour rappeler les règles d’une bonne hygiène numérique.
Voilà un discours qui trouve de l’écho chez nous, pile au moment où nous abordons la troisième année de notre campagne Dégooglisons Internet.
Nous avons rencontré l’ami Tristan pour lui poser quelques questions.
On dirait bien qu’il nous a à la bonne !
Bonjour Tristan !
Nous avons suivi d’un œil admiratif la prépublication sur ton blog de l’ouvrage qui vient de sortir en véritable papier comme autrefois. Il rejoint bien des questions qui sont aussi les nôtres : comment faire prendre conscience au plus grand nombre des atteintes que la surveillance démultipliée inflige à nos vies en ligne et réelles, comment préserver une bulle minimale de vie privée dans la grande lessiveuse numérique, quels dispositifs techniques accessibles peuvent être utilisés pour se préserver autant que possible.
Mais pour commencer, une question sur la publication : est-ce que certaines de tes recommandations n’ont pas déjà pris un petit coup de vieux, entre le moment où tu as écrit et celui où tu publies, tant la situation est évolutive ?
Effectivement, la quatrième partie de mon livre, qui s’intitule « Limiter la surveillance au quotidien », est celle qui est la plus susceptible d’être périmée rapidement, car la technologie et les produits évoluent rapidement et sans arrêt. J’ai hésité, pour cette raison, à l’inclure, mais je me suis décidé à le faire pour une raison très simple : je refuse d’expliquer au lecteur un problème (la surveillance, rendue possible par la collecte de données personnelles par les GAFAM) sans apporter un début de solution. Sinon, le lecteur, pas forcément un surdoué de l’informatique, va se résigner, se dire « c’est trop dur, il n’y a rien à faire » et il va baisser les bras et se résigner à la surveillance. Or il y a beaucoup à faire, en commençant par mettre son système d’exploitation à jour, adopter un antivirus (pour Windows), utiliser un navigateur comme Firefox, avec les bonnes extensions… Bref, de l’hygiène informatique de base, qu’on peut appliquer sans débourser d’argent et en quelques minutes à chaque fois.
D’après les retours obtenus en publiant sur ton blog : l’intérêt pour les questions de la surveillance et de l’intimité numérique, c’est une préoccupation qui touche le « grand public » ou plutôt une audience libriste, tech-savvy et geek-friendly ?
En fait, ça touche tout le monde, mais pas toujours de la même façon. Les personnes qui s’intéressent à l’histoire savent l’impact négatif qu’a eu la surveillance de la Stasi (Allemagne de l’Est) sur ses citoyens. Mais ce ne sont pas forcément les plus calées en informatique et elles ont du mal à comprendre le fonctionnement des GAFAM, de la gratuité, etc. D’autres, souvent plus jeunes, sont plus familières avec la technologie et comprennent intuitivement les dangers de la surveillance. Pour eux, le livre met des mots sur cette intuition et j’espère qu’ils prendront le temps d’expliquer cela autour d’eux.
Et qu’est-ce qui te ferait le plus flipper, que ton ouvrage soit obsolète dans cinq ans, ou qu’il soit encore d’actualité dans cinq ans ?
En fait, je crois que les différentes parties du livre vont vieillir de façon différente. Les deux premières, où j’explique la surveillance, vont vieillir doucement. Les exemples utilisés vont vieillir car les gens ont la mémoire courte, mais le raisonnement va tenir assez longtemps. La troisième partie, sur le concept de SIRCUS (Système d’Information Redonnant le Contrôle aux UtilisateurS) devrait bien vieillir car reposant sur des principes pérennes comme l’utilisation de la cryptographie, la décentralisation, le logiciel libre, etc. À l’inverse, la dernière partie, qui mentionne des logiciels, vieillira bien plus vite.
Chez Framasoft, on aime beaucoup C&F éditions, la maison de Hervé le Crosnier, dont le catalogue permet de s’instruire sur les communs et le numérique. Comment s’est passée votre collaboration ? Le fait que cet ouvrage ait été pré-publié sur ton blog vous a-t-il posé problème ?
Aucun problème de la part de C&F Éditions. Ils ont été super ! Hervé et Nicolas (typographie et mise en page) ont été d’un grand soutien. C’est grâce à eux que le livre est un bel objet, bien mieux fini que ce que j’ai pu écrire au fil de l’eau sur mon blog. Nous sommes tout de suite tombés d’accord sur l’absence de DRM dans la version ebook, ou sur l’utilisation de la licence équitable. Et puis au-delà des personnes, de leurs talents respectifs et de leurs idées, ils ont édité d’excellents ouvrages…
Niveau surveillance de nos vies numériques, tu tends vers quel extrême, paranoïaque ou fataliste ?
Justement, ni l’un ni l’autre ! C’est un héritage de Mozilla : quand on n’est pas content d’une situation, on relève ses manches et on s’y colle ! C’est ce que je fais chez Cozy Cloud en créant une variante du concept SIRCUS, en faisant un cloud personnel en logiciel libre. Et en écrivant ce livre.
Tu racontes des choses que les geeks connaissent bien (tu t’en excuses auprès d’eux, c’est meugnon) et qu’on peut trouver sur Internet en cherchant un peu. Tu penses que c’est important, de poser un jalon et de faire un état des lieux dans un ouvrage imprimé, comme tu le fais ?
Je pense qu’un livre permet de concentrer un propos sur un temps long qui complète bien ce qu’on peut lire au fil de l’eau sur les réseaux sociaux. La surveillance, on en a conscience confusément, mais là je prends le temps de mettre en perspective des choses dont on entend parler, mais sans forcément en réaliser l’ampleur et les dangers. C’est tout l’intérêt du livre, en plus de donner une crédibilité au propos.
Ton ouvrage s’adresse avant tout au grand public, dans la lignée des mouvements d’éducation populaire. Ressens-tu une urgence à ouvrir ces thématiques auprès d’un public qui ne va pas forcément « regarder sous le capot » de ses ordinateurs ?
Oui, exactement ! En cela, je me sens proche de Framasoft. Je suis un piètre ingénieur, mais j’aime expliquer, écrire, parler. Et puis l’informatique est arrivée poussée par les fournisseurs de solutions, avec très peu de formation réelle sur le sujet et dans le meilleur des cas, on enseigne l’utilisation d’un tableur ou d’un traitement de texte (ne me relancez pas sur l’accord entre Microsoft et l’Éducation Nationale !). Bref, pas de pensée critique, juste une approche qui laisse l’utilisateur sans recul face à des outils qu’il a du mal à appréhender, coincé entre les messages marketing des fournisseurs et les injonctions de modernité : « c’est l’avenir, on ne peut pas vivre sans ».
Nous adorons tes passages sur l’ergonomie. C’est un axe majeur de progrès pour les logiciels libres ?
Oui, je pense que l’ergonomie est un front très important si on veut que l’informatique libératrice ait du succès. Il faut que les libristes se libèrent eux-mêmes, mais si on veut toucher une frange plus large de la population, il faut que ça soit aussi facile d’utilisation que les produits propriétaires. Et il faut aussi que cela apporte un plus concret.
Est-ce que tu penses qu’il existe une frange suffisante de gentils libristes-activistes pour changer la donne ? Nous savons que tu développes une attitude plutôt positive et confiante, mais face aux moyens gigantesques des États et des GAFAM, que pesons-nous ?
Je pense que le monde n’est pas binaire. Je veux, avec Surveillance://, équiper les libristes /activistes d’un argumentaire solide pour convaincre leurs proches, mais je pense aussi qu’un livre papier, écrit dans des termes simples, avec des exemples, peut toucher une cible un peu plus large. Ensuite, si on n’essaie pas, on ne risque pas de réussir ! Quand j’ai décidé de lancer Mozilla Europe en 2003, sans moyens et avec une poignée de bénévoles, tout le monde me prenait pour un dingue ! Et puis on a réussi à déboulonner Internet Explorer, contre toute attente.
D’ailleurs, tu dis quelque part la même chose que lors de la conférence de lancement de la campagne Dégooglisons Internet, en substance : « On ne va pas y arriver, mais si on a une minuscule chance, c’est tous ensemble ». Tu es en phase avec notre campagne Dégooglisons ?
C’est exactement ça ! Je suis fan de Framasoft que je soutiens financièrement et dont je parle dès que je peux. Dégooglisons Internet, c’est une campagne géniale !
Justement, la sortie de ton livre coïncide avec l’an III de Dégooglisons Internet. Ça signifie peut-être qu’il y a une convergence des idées chez certains libristes, que nous aboutissons tous aux mêmes conclusions, qu’en dis-tu ?
Il y a clairement une convergence de vue, qui se matérialise sur le calendrier. Le problème de fond, c’est que le logiciel libre tel que formalisé par Stallman, l’était dans l’idée d’un ordinateur personnel où l’on contrôlait tout : le matériel, le logiciel (libre) et donc forcément, les données. Mais en 2016, on a tous au moins 3 ordinateurs : un PC, un smartphone (forcément privateur) et un ou plusieurs « Clouds». Sur ces deux derniers, on ne contrôle pas grand-chose… Mozilla s’est planté sur le smartphone, à mon grand regret, et coté cloud, c’est une horreur, d’où mon engagement chez Cozy Cloud : nous voulons construire un cloud personnel en logiciel libre, qu’on peut auto-héberger si on le souhaite, ou le faire tourner chez un hébergeur.
Tu as un discours plus modéré envers certains GAFAM (une tendresse pour Apple ? :-P) Il n’est plus possible, de nos jours, d’être un-e libriste sans faire des concessions ?
Bien sûr que non : déjà un PC avec seulement du logiciel libre, c’est limite impossible (il faudrait un BIOS libre et refuser de télécharger du JavaScript quand tu navigues !). Seuls quelques experts y arrivent, au prix d’efforts délirants, pour une productivité finalement très limitée. Donc le compromis est indispensable. J’utilise un Mac actuellement, car j’y trouve la productivité et l’ergonomie que je recherche et j’y fais tourner du logiciel libre (Firefox, Thunderbird, LibreOffice). Côté smartphone, c’est plus compliqué : on doit choisir entre la peste (Android de Google) et le choléra (iPhone d’Apple). Google est à fond dans la collecte de données alors qu’Apple a fait de la vie privée un cheval de bataille, car c’est un différenciateur fort (voir les lettres de leur CEO, leur résistance face au FBI dans l’affaire de Bernardino). Mais Apple a un politique de censure de son AppStore qui est hostile au logiciel libre (refus de la licence GPL). Pas facile de naviguer entre tout ça !
Tu as constaté, au cours de ton cheminement dans l’ouvrage comme au cours de ton expérience au Conseil National du Numérique, que la clé des problèmes est souvent entre les mains des politiques et pas forcément du côté des technologies. Or nous subissons un pouvoir politique qui ne cesse d’accentuer la pression sur nos libertés numériques. Est-ce qu’on va voir un jour Tristan Nitot batailler clairement dans le champ politique ?
Non, je ne risque pas de devenir candidat à quoi que ce soit : j’ai promis à ma femme que je ne le ferai pas ! J’ai eu, avec le CNNum, une expérience très intéressante, qui a été utile aussi (neutralité du net, portabilité des données dans la loi Lemaire) mais aussi très frustrante : les communs informationnels, le droit de panorama sont passés à la trappe, et la loi Renseignement, qui autorise la surveillance de masse, est passée. Mener ça de front bénévolement, avec le travail exigé par Cozy Cloud (une startup qui fait un cloud personnel en logiciel libre), fut éprouvant, en particulier parce que j’ai tendance à me donner à fond. Par contre, se présenter à une élection serait probablement une source de frustration trop grande pour moi. Mais il y a d’autres façons d’agir, en écrivant un livre, du logiciel, ou d’un point de vue médiatique. Et je fais tout cela.
Oui, en bonne partie. On retrouve dans CHATONS plusieurs critères listés dans SIRCUS, dont le logiciel libre, la décentralisation, un modèle d’affaire vertueux (pas de pub ciblée). Nous sommes bien sur la même longueur d’onde !
Tu crois à cette évolution d’Internet, qui nous (ra)mènerait vers un réseau pour et par des internautes ?
Ça serait prétentieux d’affirmer qu’on va y arriver, mais si on n’essaie pas, on ne risque pas d’y arriver. Tout ce que je peux dire, c’est que j’essaie, avec mes idées, avec mon travail chez Cozy Cloud, de faire un outil (un cloud personnel) qui pourra être mis entre toutes les mains. Va-t-on y arriver ? Je le souhaite de tout cœur, et j’y mets beaucoup d’énergie. On a bien réussi avec Firefox en 2004, et on a vu d’autres efforts comme Wikipedia et OpenStreetMap réussir, donc on sait que le succès n’est pas exclu. 🙂
Comme toujours dans le Framablog, on te laisse le mot de la fin. 😉
J’aime beaucoup le travail de Framasoft, qui a d’après moi très bien réussi sa transition du logiciel libre vers le Saas/Cloud. Ah, si vous voulez un scoop : j’ai un prochain livre dans les tuyaux, et c’est un Framabook ! C’est vous dire si j’apprécie Framasoft, mais je ne vous en dis pas plus, j’espère juste qu’on en reparlera ! 😉
En général nous utilisons des logiciels libres qui existent déjà, pour nos framachins. Comme nous créons rarement nos outils nous-mêmes, il fallait qu’on vous explique le pourquoi, le comment.
Le jeune Pierre-Yves, développeur de Framaforms, s’est prêté au jeu de l’interview.
Pierre-Yves, peux-tu tout d’abord te présenter ?
Économiste de formation, j’ai dû rater quelque chose dans mon parcours, puisque je suis le délégué général de Framasoft depuis 2008. Alors que les premières années, mon travail tournait beaucoup autour de la technique, il a beaucoup évolué ces dernières années, notamment parce que si j’ai longtemps été le seul salarié, j’ai aujourd’hui plusieurs collègues infiniment plus compétents que moi sur les questions techniques. Framaforms était l’occasion de ne pas trop perdre le fil, et de remettre un peu les mains dans le camb^Wcode.
Était-ce la seule motivation à réaliser Framaforms ?
Non, même si beaucoup de développeurs décident de développer un logiciel « parce qu’ils le peuvent » (et qu’on apprend toujours beaucoup dans ce cas-là).
D’abord, il fallait répondre à l’engagement moral pris dans la campagne « Dégooglisons Internet » de proposer une alternative à Google Forms.
Ensuite, lorsque j’ai fait le tour des solutions libres existantes, il m’est apparu rapidement qu’un logiciel sortait clairement du lot : l’excellent Limesurvey. Ce logiciel dispose d’une forte communauté, et – de par sa maturité (13 années d’existence) – propose de nombreuses fonctionnalités, plutôt pointues.
J’ai d’ailleurs échangé avec plusieurs membres francophones de cette communauté à cette occasion.
Mais après avoir installé et testé le logiciel, il fallait se rendre à l’évidence : Limesurvey est parfait pour réaliser des enquêtes complexes, mais assez peu adapté à un public qui veut juste créer un petit formulaire en 5 minutes chrono. Alors que Google Forms excelle dans ce domaine, mais au prix de la collecte de vos données et de votre dépendance à la plateforme : les réponses sont enregistrées dans un autre produit Google (Google Sheets), il est impossible d’exporter un formulaire pour le recharger dans un autre logiciel (c’est ce qu’on appelle l’interopérabilité), et surtout le jour où Google décide de changer les règles du jeu (graphisme, prix, usage, etc.) vous êtes coincés…
En 2014, j’avais rencontré Alexis Métaireau, qui travaillait alors pour Mozilla. Il développait alors un projet logiciel (kinto) et souhaitait créer une application de création de formulaires plus simple que Limesurvey. Malheureusement, l’emploi du temps d’Alexis ne lui a pas permis d’avancer aussi vite qu’il le souhaitait et début 2016, il n’existait donc pas encore de solution.
Framasoft préfère de loin proposer et mettre en valeur des logiciels libres déjà existants et disposant déjà d’une communauté, plutôt que de développer des solutions maison qu’il faudra maintenir, faire évoluer, sans compter le support utilisateur à gérer. Cela représente un coût et une perte de temps pour une petite association comme la nôtre, mais comme nous nous étions engagés vis-à-vis de nos donateurs il fallait bien avancer, et j’ai donc commencé à envisager de développer notre propre solution.
N’ayant que très peu de temps disponible, j’ai préféré « assembler » des briques de logiciels libres existants plutôt que de partir de zéro. Je suis donc parti sur une solution utilisant Drupal (un des logiciels libres de création de sites web les plus installés au monde).
Justement peux-tu nous dire un mot sur la solution technique retenue, même pour ceux qui n’y connaîtraient rien ?
Lorsque j’ai jeté sur papier les grandes lignes d’un cahier des charges pour une application qui serait une alternative à Google Forms, je me suis rendu compte que c’était à la fois très simple et très compliqué. Il fallait évidemment pouvoir gérer une couche « administrative » du site (que les utilisateurs puissent créer des comptes, retrouver leur mot de passe, qu’un ou plusieurs administrateurs puissent gérer les formulaires dépassant le cadre d’une utilisation raisonnable, etc.), et bien entendu développer un système de création/gestion de formulaire. Cette dernière partie n’était pas la plus complexe, sauf que le diable se cache dans les détails : si je souhaitais rajouter des fonctionnalités comme par exemple « faire apparaître ce champ seulement si le participant coche telle case » ou « mettre ce formulaire sur plusieurs pages » ou « envoyer un email à telle personne avec telles infos lorsque quelqu’un répond telle information dans tel champ », le développement se complexifiait énormément.
Or je connaissais déjà un peu Drupal, l’un des CMS les plus répandus, et son grand nombre de modules, notamment un module nommé Webform qui permet… la création de formulaire.
Courant 2015, je me suis donc lancé un double défi : réaliser Framaforms sur une base Drupal + Webform 1) en moins de 10 jours équivalent temps plein, et 2) sans écrire aucune ligne de code 🙂
Euh, un développeur qui n’écrit aucune ligne de code, c’est légal, ça ?
Justement, je ne suis pas développeur ! 🙂
J’ai évidemment des connaissances en développement, mais j’aurais sûrement été la pire personne à Framasoft pour développer un tel soft 😛
Et par ailleurs, je souhaitais montrer l’un des avantages du libre : sa capacité à réutiliser/détourner du code existant pour produire un nouveau logiciel.
De plus, si je parvenais à relever ces défis, cela me simplifierait largement la question de la maintenance ou de la sécurité : Drupal est un logiciel dont le code est scruté par des milliers de paires d’yeux sur la planète, et les failles sont vite corrigées. Si j’avais tout écrit moi-même, ça aurait probablement été bourré de failles et de bugs !
Les défis ont donc été relevés ?
Pour être honnête, non ! Mais de peu 🙂
J’ai compté environ 14j ETP de travail, étalés en pointillés sur 17 mois (j’aurais été plus vite si mon emploi du temps m’avait permis de ne me consacrer qu’à ce projet, mais j’ai rarement pu travailler plus de 2H d’affilée dessus).
Et pour les lignes de code, j’en ai finalement écrit… une soixantaine (autant dire rien du tout !) juste pour adapter Webform à des besoins spécifiques, comme par exemple le fait de mieux anonymiser les réponses des participants aux formulaires.
Entre temps, Alexis Métaireau a fini par publier son outil (fourmilières) que je vous recommande, d’ailleurs. Mais c’est sans regret pour moi, puisque si le design et la simplicité de fourmilières sont plus grandes, Framaforms est tout de même bien plus riche en fonctionnalités.
Au fait, il me semblait que Drupal 8 était sorti, pourquoi avoir choisi d’utiliser la version 7 ?
Tout simplement parce qu’autant le cœur de Drupal 8 est stable, autant bon nombre de modules n’ont pas encore été portés pour cette version. Mais comme je n’en utilise qu’une dizaine, je suis confiant sur le fait que la migration vers Drupal 8 ne sera pas trop douloureuse. Par ailleurs Drupal 7 sera encore maintenu jusqu’à fin 2019, ce qui me laisse le temps de planifier une migration.
Et pour l’avenir ?
Aucune idée ! C’est un peu l’inconnue pour moi, puisqu’il va falloir confronter mon choix technique (je sais que les développeurs qui nous lisent vont troller sec sur le côté « usine à gaz » de Drupal, qui plus est en version 7, sur PHP vs Django, etc. etc.).
Mais je l’assume d’autant plus qu’en fait Framaforms servira aussi de « beta test grandeur nature » à un autre projet « Dégooglisons » de Framasoft, à savoir Framapétitions. Si mes choix tiennent la route, alors je pense que je pourrai me relancer un nouveau défi : réaliser Framapétitions en moins de 4j ETP et 0 ligne de code 🙂
L’urgence, c’est d’abord de… consolider Framaforms, car pour être très franc, la peinture est encore très fraîche (des traductions sont manquantes, certains éléments mal placés, la documentation non terminée, etc.). Bref, ça va encore bouger dans les tous prochains jours.
Il va donc falloir maintenir non seulement Framaforms, mais aussi le code du projet (c’est-à-dire ici surtout « le plâtre » entre les différentes briques utilisées, qui donnent l’architecture de Framaforms)
Par ailleurs, j’ai quelques idées d’améliorations, comme la protection de formulaire par mot de passe, la mise en place d’une API permettant de remplir un framaforms par des logiciels externes, etc. Mais une chose à la fois : il faut déjà voir si ça fonctionne à large échelle !
Un petit mot pour la fin ?
Je voudrais surtout remercier la communauté Drupal, notamment l’auteur principal et mainteneur du module webform, que j’ai contacté, et qui propose un site très proche, et plus joli que Framaforms, avec un service payant pour supprimer des limitations. J’encourage d’ailleurs les lecteurs à le soutenir financièrement, ou au moins à l’encourager.
Webform.com : une alternative très proche de Framaforms, partiellement libre – par l’auteur du module Webform (gratuit avec quelques limitations, mais avec une offre payante si vous ne voulez pas de contraintes)
Framaforms : n’offrez plus les réponses que vous collectez à Google !
Un formulaire d’inscription ? Une enquête en ligne ? Un questionnaire de satisfaction ? Bref : vous avez besoin de réaliser rapidement un questionnaire à diffuser en ligne et d’en collecter les réponses ?
Il existe plusieurs logiciels libres pour réaliser cela. Nous devons même reconnaître qu’aucun ne rivalise avec la redoutable efficacité de Google Forms (maintenant intégré à la « G(oogle) Suite » ). Mais ce dernier aspire vos données, et surtout celles des participants répondant innocemment à vos formulaires, en enregistrant leurs réponses dans Google Sheets, lui même enregistré dans Google Drive !
Alors, nous avons décidé de construire nous-mêmes une alternative : Framaforms !
Framaforms vous permet de réaliser simplement des formulaires, par glisser-déposer d’éléments (champs textes, cases à cocher, menu déroulant etc.). Il vous suffit alors de transmettre l’adresse de ce formulaire à qui bon vous semble par email, sur les réseaux sociaux, ou directement en l’intégrant sur votre site web… et de laisser les participants répondre. Les réponses seront anonymisées ; vous pourrez les visualiser et même les analyser, notamment à l’aide de graphes générés automatiquement pour vous faire gagner du temps. Et bien entendu vous pourrez les télécharger au format .csv, utilisable dans n’importe quel tableur.
Comme il faut parfois tâcher d’éviter les abus, l’outil comporte volontairement quelques limitations (durée d’hébergement du formulaire, ou nombre de réponses maximum par formulaire). Nous lèverons éventuellement ces contraintes suivant les usages, mais pour ne pas avoir à les subir, et surtout si vous avez des besoins spécifiques, le mieux est alors d’installer vous-même l’outil sur votre serveur. Vous pouvez aussi utiliser les services « premium » du site webform.com par l’auteur du module qui fait tourner Framaforms.
Tristan[1] a des choses à dire sur ce qu’il pense des GAFAM (Google, Apple, Amazon, Facebook, Microsoft), et de l’utilisation qu’ils font de nos données personnelles. D’ailleurs il est régulièrement invité pour en parler car son expertise sur le sujet est reconnue. Il a donc décidé de rassembler ses idées dans un livre. Après plusieurs mois de rédaction et avoir pris bonne note des retours qui lui ont été faits par les lectrices et lecteurs de son blog, il a trouvé une maison d’édition proche de ses valeurs prête à publier son livre. Le jour tant attendu du lancement de son ouvrage approche, mais afin de pouvoir s’organiser, il décide de créer un formulaire en ligne invitant à s’inscrire les personnes qui souhaitent venir.
Framaforms à la rescousse
Première étape, l’inscription.
Rien d’extraordinaire de ce côté-là. Tristan se rend sur https://framaforms.org et clique sur « Créer un compte ». Il saisit alors un login, son adresse email, et répond à la question servant à s’assurer qu’il n’est pas un robot-spammeur (pour info, la réponse est « framaforms » 😛 )
Il reçoit quelques secondes plus tard un email provenant du site lui demandant de cliquer sur un lien pour terminer son inscription. Il clique dessus et peut alors choisir son mot de passe et quelques informations complémentaires.
Voilà, son compte est créé et validé, il peut commencer son formulaire !
Création du formulaire
Il clique sur « Créer un formulaire ». Le site lui demande alors de remplir les informations de base, comme l’intitulé (« Inscription au lancement de mon livre »).
Il choisit aussi de mettre en ligne une description et une image qui rappelleront aux gens de quoi il s’agit.
Comme date d’expiration, Tristan choisit une date 15 jours après l’événement. Il aura de toutes façons récupéré toutes les informations d’ici là, et inutile d’encombrer les serveurs avec un formulaire dont les informations n’auront plus d’intérêt quelques jours plus tard.
Comme Tristan est un type sympa, il se dit que son formulaire pourra servir à d’autres plus tard, et décide donc de faire de son formulaire un « modèle ». Cela signifie que son formulaire se retrouvera parmi les multiples modèles de formulaires dont d’autres utilisateurs pourront s’inspirer et qu’ils pourront surtout « cloner » d’un seul clic, leur faisant gagner un temps précieux. Il décide de nommer ce formulaire « Modèle de formulaire d’inscription à un événement ».
Il passe alors à l’étape de la construction de son formulaire.
Conception du formulaire
C’est simple et rapide : il suffit de glisser-déposer les champs, puis de cliquer dessus pour éditer les informations qui seront affichées.
Il commence donc par un champ texte pour le nom ou le pseudo.
Il clique sur le crayon et complète les informations souhaitées. Il en profite d’ailleurs pour rendre ce champ obligatoire.
Comme il souhaite savoir comment les inscrits ont entendu parler de son ouvrage, il utilise alors un champ « boutons radio ». Et remplit 3 champs « Par l’auteur », « Par l’éditeur »,
« Autre ».
Afin de savoir avec combien de livres son éditeur doit venir le jour J, il décide de poser la question sous forme d’une simple case à cocher.
Enfin, il décide d’ajouter, à la demande de son éditeur, un champ email pour les personnes qui souhaiteraient être tenues au courant de l’actualité de ce dernier. Aucun problème, un dernier glisser-déposer et c’est réglé.
Et voilà, il enregistre, et son formulaire est prêt à être diffusé !
Il peut le visualiser et le tester en cliquant sur « Voir »
Options
Bon, jusqu’ici ça ne lui a pris que 5 minutes chrono, mais Tristan se dit que ça mérite un peu de peaufinage. C’est un jour important après tout !
D’abord, il retourne modifier son formulaire et décide de rajouter un champ texte « Pouvez-vous m’en dire plus ? » qui ne s’affichera QUE si le participant coche la case « Autre ».
Il ajoute ce champ sous les boutons radio et enregistre son formulaire.
Puis, il clique sur « champs conditionnels » et sélectionne les menus de façon à formuler la phrase « Si Comment avez-vous entendu parler de cet événement est Autre alors Pouvez-vous m’en dire plus ? est affiché », puis enregistre. Simple !
Le résultat est concluant :
Par ailleurs, il se dit qu’il aimerait bien recevoir un mail à chaque réponse.
Il se rend dans l’onglet « courriels » et ajoute un « courriel standard ». Pour adresse courriel du destinataire, il met la sienne.
Il parcourt les autres champs, mais les valeurs par défaut lui conviennent, et il décide donc de valider.
Dernière modification, cosmétique, dans l’onglet « Modifier », tout en bas, il choisit un autre thème, plus adapté aux smartphones que le thème par défaut (il faut dire que les amis de Tristan sont très connectés). Il enregistre encore une fois.
Voilà, son formulaire peut être diffusé !
Diffusion
En se rendant sur l’onglet « Partager », Tristan voit une option pour partager son formulaire sur les réseaux sociaux.
Il a supprimé son compte Facebook il y a très longtemps, parce que l’entreprise modifiait sans cesse ses conditions d’utilisation, de plus en plus abusives. Par contre Tristan a un compte diaspora* sur Framasphère, le pod du réseau social loyal et respectueux de vos données, géré par l’association Framasoft (le pod, pas le réseau :P). Et il est aussi très présent sur Twitter (100 000 abonnés tout de même). Il publie donc l’annonce du lancement de son livre sur ces deux réseaux. Il a même le code HTML qui lui permet d’afficher ce formulaire directement embarqué sur son site. Il envoie aussi l’adresse de son formulaire à ses contacts par email.
Les dés sont jetés.
Collecte, analyse et téléchargement des données
Quelques jours plus tard, Tristan se connecte sur Framaforms et peut retrouver son formulaire via le bouton « Mes formulaires ».
Il clique sur son formulaire, puis sur « Résultats ». Il peut alors voir le nombre de réponses et visualiser chacune d’entre elles en situation (et supprimer les tests qu’il avait faits au début).
Il peut aussi sélectionner l’onglet « Analyse » pour afficher des graphiques des réponses.
L’onglet « Tableau » permet, lui, d’avoir une vision globale des réponses (pratique pour les formulaires ne comportant pas trop d’éléments.
Enfin, il peut bien entendu télécharger les résultats au format .csv pour importer les informations brutes dans, par exemple, LibreOffice Calc (son tableur préféré).
Conclusion
Tristan a donc créé un formulaire en quelques minutes, qui plus est en étant certain que les données des réponses des participants n’iront pas nourrir l’ogre Google.
Il n’en a pas eu l’utilité, mais de nombreuses autres options étaient disponibles. Par exemple il aurait pu ajouter un champ pour demander l’âge des participants, avec une vérification automatique que la valeur saisie était bien un nombre compris entre 7 et 97 ans. Ou renvoyer automatiquement le participant sur une page de remerciements sur son blog une fois le formulaire rempli. Ou limiter le nombre de places aux 100 premiers répondants. Ou …
Webform.com : une alternative très proche de Framaforms, partiellement libre – par l’auteur du module Webform (gratuit avec quelques limitations, mais avec une offre payante si vous ne voulez pas de contraintes)
[1] – oui, cet exemple est tiré d’une histoire vraie que certain-e-s d’entre-vous reconnaîtront sûrement 😉 Cependant, notez que la soirée de Tristan est intervenue avant la sortie de Framaforms ! Il ne pouvait donc pas l’utiliser. Mais que ça ne vous empêche pas d’acheter son (excellent) bouquin !
Framanotes : vos notes vous appartiennent. For ever.
Framanotes vous permettra de chiffrer (et de retrouver) sans effort vos listes de courses, de tâches à faire, schémas et photos inspirantes, fichiers perso et marque-pages qui en racontent bien plus sur vous que ce que vous voudriez en dire !
Parce qu’avoir toutes ces petites notes sous la main, c’est pratique. Très pratique. On les arrange sur son ordinateur, on les récupère sur son téléphone quand on a en a besoin en déplacement, et on prend sa tablette pour ajouter trois photos et deux liens le soir depuis son canapé… Mais si tout passe par les serveurs d’Evernote (ou de ses concurrents), ces petits bouts de nos vies sont-ils vraiment en sécurité, demeurent-ils confidentiels ?
Attendez : Evernote, ce sont pas des GAFAM, si…?
Si, tout à fait.
Evernote est encore, pour l’instant (et à notre degré de connaissance) une entreprise indépendante des géants du Web étatsunien. Néanmoins, l’omniprésence croissante de leur application crée à elle seule un nouveau silo de données, donc un pouvoir important pour leur entreprise. Pour l’instant, leur modèle économique semble reposer sur le paiement de fonctionnalités et d’espace disque supplémentaire.
Le problème, c’est que non seulement leur code source n’est pas libre (donc nul autre qu’eux ne peut en faire l’audit pour savoir ce qu’ils font des informations qu’on leur confie) ; mais en plus cette concentration des utilisateurs leur confère un pouvoir unilatéral. Quand ils décident d’une hausse tarifaire, soit vous obtempérez, soit vous partez…
Les GAFAM ne s’y trompent pas : mieux comprendre vos intérêts, vos travaux, vos futurs achats, etc. a une valeur folle. Depuis la montée en puissance d’Evernote il y a quelques années, Google a sorti son application Keep, Microsoft son OneNote, Apple ses Apple’s Notes… Vous rendre service ET augmenter la valeur de votre profil publicitaire ? Voilà une affaire juteuse !
Framanotes : la tortue du chiffrement soulève le lièvre du profilage !
Nous avons donc installé Turtl sur nos serveurs. il s’agit d’un logiciel de prise de notes, mais pas comme les autres. Le principe est simple :
REMARQUE : À l’origine, Turtl est pensé comme un ensemble d’applications se connectant à un serveur. La version Web est donc un hack expérimental : il s’agit du code des applications que nous avons simplement mis en ligne. Selon nos tests, elle fonctionne bien sur Chromium/Chrome, correctement sur Firefox, peu ou pas du tout sur Internet Explorer/Edge. Nous n’avons pas pu tester sur Safari/Vivaldi.
La différence qui change tout ? Turtl vous propose du chiffrement de bout en bout. Cela signifie que c’est l’application qui chiffre lorsque vous envoyez une note, et qui déchiffre lorsque vous la consultez (pas d’inquiétude, tout cela se fait automatiquement, sans que vous ne le voyiez ^^). Votre mot de passe permet l’accès à vos notes en clair, voilà pourquoi nous ne l’avons pas sur nos serveurs et ne pourrons pas le retrouver (sinon ce serait une grosse faille de sécurité) !
Techniquement, cela signifie que, quoi que vous notiez sur Framanotes, nous n’avons aucun moyen de savoir ce que c’est. Même s’il s’agit du meilleur coin à champignons de l’Ariège. Ou de la recette magique pour réintroduire des licornes sur Terre. Vos notes vous appartiennent à vous, rien qu’à vous et picétout !
En plus de cela, Turtl (et donc Framanotes) vous permet de :
Créer & modifier des notes textes au format Markdown
Donc créer aisément des listes à puces, avec titres, gras et italique
Créer & modifier des notes images (jusqu’à 2 Mo par fichier)
Créer & modifier des notes fichiers (jusqu’à 2 Mo par fichier)
Créer & modifier des notes marque-pages (adresses web)
Noter vos mots de passe (allez-y, c’est chiffré !)
Trier vos notes par un système d’étiquettes (tags)
Rechercher dans vos notes (indexation)
Rassembler certaines notes dans des tableaux
Partager un ou des tableaux avec vos ami-e-s (qui sont sur Framanotes)
Turtl est codé par Lyon Bros, en Common Lisp pour la partie serveur (licence AGPLv3) et JavaScript (si, si !) pour les applications et la version Web (licence GPLv3). Beaucoup de fonctionnalités intéressantes figurent sur leur feuille de route, donc n’hésitez pas à leur faire un petit don pour les encourager !
Ou alors, faites comme Framasky, qui, pour préparer Framanotes, n’a pas hésité à se retrousser les manches et a contribué au code en ajoutant entre autres un système de traduction (qui sera intégré aux applications dans leurs prochaines versions).
Framanotes me sert à préparer mon prochain roman (et faire une tarte)
Nous aimons donner des exemples d’utilisations fictifs et un peu farfelus. Ici, nous allons simplement prendre l’exemple de Pouhiou, framaslave de son état, et romancier à ses heures perdues.
Pour écrire son prochain roman, mettant en scène un Incube patron d’un coffee shop, Pouhiou a besoin de rassembler les notes de ses recherches… Il décide donc de créer un compte sur Framanotes.org.
Il a bien lu l’avertissement, et note son mot de passe avec soin, parce que même en tant que salarié chez Framasoft, il sait qu’il n’y a pas de passe-droit possible : il est strictement impossible pour l’équipe technique de le lui retrouver s’il le perd.
Maintenant, il lui faut installer l’application Turtl sur son ordinateur (sous Ubuntu) et son téléphone (sous Android/Cyanogen). C’est simple : télécharger, installer, rentrer son pseudo (avec la majuscule, sinon c’est pas le même) et son mot de passe, et bien inscrire » https://api.framanotes.org » dans les « paramètres avancés ».
Bon il est temps de créer sa première note : il fait un résumé des idées maîtresses pour ce nouveau roman, et utilise la puissance du Markdown, un code tout léger et facile à utiliser, pour les mettre en page.
Il en profite pour ajouter dans ses notes quelques liens et photos qui vont l’inspirer dans son écriture : des infos sur les incubes, des photos pour le coffee shop où démarre l’intrigue, et le document pdf du dictionnaire des Furby (puisque son démon sera accompagné de cette peluche possédée). Malin, il prend soin d’ajouter à chacune l’étiquette « Projet Incube ».
Dans ses recherches pour les plats servis au coffee shop, il trouve une recette de tarte crue « avocat-citron vert » qui lui fait vraiment de l’œil. (Aux autres frama-enquiquineurs aussi. À tous les coups ils vont demander à goûter pour l’AG, tels que Pouhiou les connaît.) Il décide d’installer l’extension Firefox pour l’ajouter plus facilement dans ses Framanotes… Vu qu’il utilise l’application Turtl sur son ordinateur, l’extension Firefox marche comme un charme ! (il sait qu’elle ne fonctionnera pas avec la version web)
Bon, c’est trop alléchant : il lui faut faire cette tarte. Il crée une note avec tous les ingrédients pour ses prochaines courses. Le problème, c’est que ça fait tache parmi les notes sur son roman ! Pas de souci : il va donc créer un tableau de notes « projet incube », puis un deuxième « courses et achats », pour trier encore plus facilement ses notes !
Une fois dans son magasin préféré, il retrouve le tableau « courses » sur l’application de son ordiphone, et il retrouve le lien vers la recette ainsi que la liste des ingrédients nécessaires… Pratique, ce système !
Le lendemain, il est temps de se remettre au travail. Framasky, son collègue à Framasoft, vient justement de lui proposer de partager un tableau de notes des tâches qu’ils ont à faire pour Dégoogliser Internet ! Oh la belle idée !
Il lui suffit de cliquer sur accepter pour que ces notes professionnelles s’ajoutent aux notes perso. Mais seules celles sur le tableau partagé avec Luc seront visibles par ce dernier.
Et voilà, Pouhiou n’a plus qu’à se mettre à l’écriture, aux fourneaux et au boulot ! À aucun moment il ne s’est rendu compte que tous les envois, échanges et réceptions de notes étaient chiffrés et déchiffrés, car les applications Turtl le font directement pour lui.
Chez Framasoft, nous sommes (littéralement) les premiers à « manger la pâtée de notre chien« , c’est à dire à utiliser les services que nous vous proposons. C’est donc avec un enthousiasme non dissimulé que nous pouvons vous affirmer combien ce Framanotes est pratique, utile et respectueux de vos données. Maintenant, c’est à vous de vous en emparer et de nous dire ! (Mais attention : Pouhiou n’envoie pas de parts de tarte par la poste !)
Framalistes : vos « Groups » n’ont plus à appartenir à Google
Entre nous, on peut se l’avouer : on revient toujours aux bons vieux emails groupés, hein ?
Certes, Framateam nous permet de nous passer des groupes Facebook… Oui, Framavox est un outil extraordinaire pour discuter et prendre des décisions en groupe…
Mais, à un moment ou à un autre, la tentation est grande de faire un email groupé (avec souvent plus de dix destinataires, en mentionnant « Merci de cliquer sur « répondre à tous » »), voire carrément de créer une liste de diffusion, notamment chez Google Groups…
Nous avons quitté Google Groups, maintenant c’est à votre tour !
Nous avons connu, cette tentation, chez Framasoft. Nous y avons même succombé : jusqu’à début 2014, nous avons utilisé leurs services, puis nous avons fait en sorte de devenir autonomes.
En effet, les listes de diffusion restent un outil extrêmement pratique : elles donnent un email unique (monsupergroupe@framalistes.org, par exemple) pour rassembler tou-te-s les participant-e-s de son asso / entreprise / groupe de travail / famille / bande de joyeux drilles auto-radicalisés sur Internet ;)…
La liste de discussion, c’est un peu l’anneau unique des internets, celui qui vous offre tous les pouvoirs :
Un email pour les contacter tous, (sans se soucier de qui s’ajoute ou quitte le groupe)
Une archive à consulter en ligne (pour découvrir ou retrouver d’anciennes discussions)
Une liste pour échanger avec tous et sur les internetz travailler (au pays des datas où Google étend son ombre).
Bien entendu, utiliser Google Groups implique que vous devez vous créer un compte Google (donc leur fournir nombre d’informations personnelles) et les autoriser à scanner tous les échanges que vous aurez avec votre groupe par email, tel que noté dans leur politique de confidentialité :
« Nos systèmes automatisés analysent vos contenus (y compris les e-mails) afin de vous proposer des fonctionnalités personnalisées sur les produits, telles que des résultats de recherche personnalisés, des publicités sur mesure, et la détection de spams et de logiciels malveillants. »
Bref, les listes de diffusion, c’est une belle moissonneuse à données, c’est d’ailleurs un des rares services que Yahoo n’ait pas (encore) abandonné !
Google et Yahoo ne sont pas Sympa
Sympa, c’est le logiciel libre (sous licence GPLv2) qui gère nos listes de diffusion depuis que nous nous sommes dégooglisés. Nous l’avons donc amplement testé, nous avons paramétré nos serveurs (notre tuto est ici) et vous l’avons bichonné pour que Framalistes vous offre la possibilité de :
Créer une ou plusieurs listes et en gérer la propriété
Paramétrer dès la création et en un clic votre type de liste :
Confidentielle
Publique
De type hotline
Groupe de travail
Forum web
Ou bien paramétrer plus finement ensuite :
Les propriétaires, modérateurs et abonnés
La modération des abonnements
Les emails d’accueil et de désinscription
L’en-tête de votre email
La confidentialité des échanges et des archives
Et une foultitude d’autres détails
Chercher parmi les listes publiques
Vous abonner aux listes (publiques ou modérées)
Consulter les archives publiques des listes qui y consentent
Gérer dans votre compte vos abonnements et informations personnelles
Attention : nous avons spécifiquement paramétré Sympa pour qu’il vous permette de créer des listes et y participer (chacun peut répondre à tous) et non pour diffuser une lettre d’information (la newsletter en mode « noreply » / pas de réponse, où un seul s’adresse à tous unilatéralement).
Ainsi, la limite du nombre de membres par liste est de 500 adresses email, et nous avons désactivé les inscriptions de lots d’emails par le propriétaire. De même, nous surveillerons l’activité du serveur pour éviter de telles utilisations abusives (contrevenant à nos CGU) qui pénaliseraient tout le monde (dont nous !) en faisant classer automatiquement les emails « framalistes » comme spam.
Ce sont là les conditions dans lesquelles nous nous sentons capables de gérer un tel service. Ce dernier va assurément nous demander beaucoup de support, de suivi et de ressources internes (et en même temps, il nous était très demandé, à en croire le nombre de listes que vous avez essayé de créer depuis l’annonce de Dégooglisons Internet ^^). Bien entendu, si vous avez des besoins spécifiques, l’autonomisation reste encore et toujours la meilleure solution.
La famille Dupuis-Morizeau s’ouvre une Framaliste !
Fanny Dupuis-Morizeau a un gros problème : avec son épouse, Cécile, et leurs enfants, elles ont décidé de faire un tour du monde dans leur bateau. Bon, ça, c’est plutôt plaisant. Mais entre la mamie accro à son iPad, les cousins à fond sur GNU/Linux, et la connexion approximative qu’elles auront en mer, le plus simple pour rester en contact avec les nombreux membres de leur famille recomposée reste l’email.
Qu’à cela ne tienne, Fanny se dit qu’elle va ouvrir une Framaliste pour toute sa (grande) famille. Elle se rend donc sur Framalistes.org et se crée un compte. Jusqu’ici tout va bien :
Elle entre son adresse email
Reçoit l’email d’activation
Clique sur le lien reçu pour décider de son mot de passe
Puis elle saisit ses informations personnelles
…sans oublier de cliquer sur Valider ! (elle connaît les Conditions Générales d’Utilisation des services Framasoft, et ça lui convient bien.)
Entrer son email pour recevoir un lien d’activation
Définir son mot de passe
Entrer ses infos personnelles
Vient le moment de créer la liste. Elle clique sur le bouton « créer une liste » dans la barre en haut à droite, et doit choisir le nom, donc ce qui se trouvera avant le « @framalistes.org ».
Ayant un nom composé, elle connaît le piège que représentent les traits d’union, par exemple quand on doit donner un email par téléphone. Elle ne supporte plus d’entendre parler du « tiret-du-six », ça la rendrait méchante. Elle choisit donc la stratégie du « tout-attaché-en-minuscules-et-sans-accents » qui a fait ses preuves !
Par défaut, elle choisit une liste de type confidentielle, mais elle se dit qu’elle pourra affiner les paramétrages un peu plus tard.
Enfin, elle soigne son objet et la description de sa liste, car elle se doute que ce sera réutilisé par le logiciel (elle a raison, la description est le texte qui s’inscrit par défaut dans les emails accueillant les nouveaux abonnés).
Voilà, la liste est créée ! Tiens, Fanny lit qu’elle n’y est pas abonnée. Au départ elle trouve cela étrange, puis elle réalise que cela peut lui permettre de créer une liste de diffusion pour les camarades de classe de sa fille sans qu’elle en reçoive les messages… plutôt pratique !
Fanny s’abonne donc d’un clic à sa liste toute neuve, et note dans un coin les liens pour s’abonner et se désabonner (elle les enverra plus tard à la famille)
Il est temps de paramétrer cette liste. Fanny se rend sur l’accueil de la liste, et voit que ses options d’administration y apparaissent. Bien ! Elle décide de modifier le message de bienvenu aux nouveaux inscrits à la liste, de vérifier qui peut y envoyer des messages, et de faire un joli en-tête pour les emails.
Une nouvelle en-tête pour les messages de la liste
Fanny pourrait continuer longtemps à s’amuser à paramétrer sa liste, mais elle veut tester un truc… Elle envoie par email la page d’accueil de sa liste à son épouse, Cécile : https://framalistes.org/sympa/info/dupuismorizeau
Cécile n’étant pas propriétaire de la liste, elle n’en voit pas les options d’administration. De fait, elle a simplement une page d’accueil descriptive et des liens très pratiques pour s’abonner (ou se désabonner), ce qu’elle fait de ce pas !
Bon, c’est décidé, Fanny va envoyer ce lien à toute la grande famille pour que chacun-e puisse enfin s’y inscrire. Très vite, elle propose à son cousin Solal (un autre doué du clavier) d’en devenir le co-propriétaire !
Les échanges vont bon train sur la liste. David, qui vient d’entrer dans la famille Dupuis-Morizeau par amour, accède à la liste ! Pas de souci, il rattrape son retard dans les conversations en consultant les archives…
Pas besoin d’être un-e Dupuis-Morizeau pour tester Framalistes, ni même d’avoir une famille élargie et recomposée : que vous soyez en association, en syndicat, dans un collectif artistique, un club de sport, une institution ou une PME… Ou que vous vouliez juste vous rassembler par centre d’intérêt, l’outil s’adaptera à vos besoins !
Chez Framasoft, cela fait deux ans que nous travaillons à distance des 6 coins de l’hexagone (et au-delà) avec des listes de diffusion comme outil principal ^^ ! Désormais, C’est à vous de le tester, le partager et l’adopter.
Après Framinetest (qui montre que les libristes ont déjà répondu à l’édition « éducation » de Minecraft/Microsoft), Framemo (le petit outil pratique pour collaborer sur des idées), les mises à jour de Framacarte, Framacalc, Framapad, Framapic, Framasphère, Framemo, et d’autres… on aurait pu croire que notre été était déjà bien rempli.
Mais non. Il nous fallait fêter ces deux ans avec de nouveaux services. OK. Chiche !
2 ans : la route est de moins en moins longue…
Nous l’avions annoncé dès le départ : Dégooglisons Internet, c’est proposer une trentaine d’alternatives aux services de Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft sur trois ans. Une dizaine de services par an entre octobre 2014 et octobre 2017 (à une vache près, hein), afin de montrer que des alternatives libres et éthiques existent, et qu’on peut reprendre le pouvoir sur nos vies numériques.
D’emblée, nous pensions que c’était un but impossible. Alors on s’est dit qu’en visant les étoiles, on attendrait peut-être la lune… Que nous ferions de notre mieux, parlerions d’empouvoirement numérique et que ce serait déjà pas si mal. Sauf que… avec votre aide, vos dons, vos partages, vos participations et soutiens : nous sommes en train d’y arriver ! La mayonnaise prend, vous nous suivez dans cette belle aventure. Soyons francs : nous en sommes les premiers surpris-e-s. Et les dernièr-e-s à se plaindre, même si cela représente un travail monstrueux.
Maintenir et mettre à jour l’existant, l’améliorer, assurer les nombreuses demandes de support, d’interventions, et d’entretiens… cela laisse peu de temps pour tester, contribuer aux nouveaux services et les préparer ! Même pas peur, on va quand même le faire.
Car les enjeux sont énormes : grâce à nos données, aux petits bouts de nos vies numériques (et de nos intimités) qu’ils récoltent, les GAFAM sont désormais le top cinq des entreprises les plus puissantes du monde. Ce ne serait rien si leur situation de monopoles n’imposait pas l’enfermement de nos communications, l’extraction de nos données et l’emprise sur nos comportements.
Voilà pourquoi, comme l’an dernier, nous avons décidé de vous proposer une semaine de dégooglisation. Afin de créer l’événement, six nouveaux services vont vous être présentés tout au long des prochains jours. Nous parlerons aussi de notre projet qui vise à essaimer cette initiative, recomposer des chaînes de confiance (transparentes et solidaires) et de ne pas mettre toutes vos données dans le même panier (même pas le nôtre).
Le sujet de la concentration des données et de la surveillance qu’elle permet est d’ailleurs au centre de toutes les attentions en ce moment, puisque c’est aujourd’hui, par un heureux hasard, que sort l’ouvrage de l’ami Tristan Nitot « Surveillance:// » chez C&F éditions.
Une semaine événement, l’avant-dernière donc, pour que vous puissiez en parler autour de vous, partager sur vos réseaux et sensibiliser votre entourage à cette hygiène de vie numérique qui nous semble essentielle à une société ouverte.
5 nouveautés, car la voie est de plus en plus libre !
Le Libre propose des alternatives aux services propriétaires des GAFAM. Tout comme les initiatives de l’agriculture biologique et/ou solidaire (les AMAP, le local, etc.) proposent des alternatives aux Hyper-MacDo-Monsanto-Bayer… Mais une alternative n’est pas un concurrent ni une copie carbone. Ce n’est en effet pas toujours aussi joli, facile ou confortable. Quand on se met au bio, il faut savoir renoncer aux fruits calibrés et brillants, aux tomates au mois de décembre ou au jambon bien rose sorti de l’emballage. Mais le goût et la saveur sont tellement meilleurs !
Pour les services Web, c’est un peu pareil. Vous n’y trouverez pas les mêmes choses, l’accès y est parfois plus rude, il y a des expérimentations qui ne sont pas tout à fait mûres : mais on sait pourquoi on choisit telle solution alternative plutôt que telle autre. Nous n’entendons donc rien révolutionner : nous voulons simplement montrer des outils qui existent, qui ont été développés par de formidables communautés, qui les mettent à libre disposition pour que vous puissiez reprendre le pouvoir sur vos vies numériques. En fait, nous montrons simplement qu’un autre Internet est possible, et qu’il ne tient qu’à vous de vous en emparer.
Nous savons que nos actions trouvent de l’écho auprès de vous. Il nous suffit de tenir un frama-stand quelque part pour recevoir des encouragements et des remerciements. Et ça, c’est bien mieux qu’un cocktail de vitamines !
Basta les promesses, soyons concrets ! Cette semaine, vous pourrez découvrir, tester et adopter :
Framalistes (lundi 03 octobre, aujourd’hui !) : cet outil qui repose sur le logiciel Sympa vous permettra de créer vos listes de diffusions, d’échanger des emails et de quitter Google Groups !
Framanotes (mar 04 octobre) : installez les applications Turtl, connectez-les à notre serveur pour créer, conserver et chiffrer vos notes, images, fichiers, marque-pages sur des tableaux… voire les partager avec d’autres ; et ainsi quitter en groupe Evernote !
Framaforms (mercredi 05 octobre) : basé sur Drupal et Webforms, il vous permettra de créer rapidement des formulaires pour votre doctorat, vos contributeurs ou votre site Web sans livrer les réponses des participants à Google Forms.
Framatalk (jeudi 06 Octobre) : avec Jitsi Meet installé sur nos serveurs, vous pourrez créer en deux clics une conversation audio ou vidéo, voire une conférence (si votre connexion le permet) et vous défaire peu à peu de Discord ou du Skype de Microsoft. L’affreux verbe « skaïper » deviendra enfin un mauvais souvenir.
Framagenda (vendredi 07 octobre) : nous avons amélioré pour vous le code de l’application « calendar » de ownCloud/Nextcloud, afin que vos agendas, contacts, rendez-vous, et plannings puissent être affichés, devenir publics, semi-publics ou complètement privés… Fini l’espionnage par Google/Apple/Microsoft Agenda.
MyFrama et les CHATONS : pas question de vous framasoftiser
Il est une demande qui nous revient régulièrement :
« Pourquoi ne pas créer un compte unifié Framasoft ? Comme chez Google (oui, hein, ça part pas au top), un seul compte qui permet de retrouver et de profiter de tous ses framachins ? »
C’est ce qui s’appelle du SSO (pour single sign on, car s’il n’y avait pas un peu d’anglais on s’ennuierait). Notre problème avec le SSO, le compte unifié, est multiple :
Cela crée une vulnérabilité, une cible parfaite à attaquer pour les malveillances publicitaires, frauduleuses ou étatiques (single point of failure – et après on arrête avec l’anglais ^^).
C’est techniquement hyper laborieux et coûteux à mettre en place (chaque service proposé par Framasoft utilisant des technologies et langages différents).
Tout ceci induirait un bond de croissance pour Framasoft, qui y perdrait son identité. D’une bande de potes qui fait de son mieux pour faire de l’éducation populaire et du libre, nous deviendrions un prestataire de services en mode « entreprise-clients »… et ce n’est carrément pas dans notre ADN 😉
Cela pourrait faire de l’ombre aux solutions vers lesquelles Dégooglisons Internet veut vous mener : des hébergements mutualisés et éthiques de services libres (CHATONS) et l’auto-hébergement (Yunohost / La Brique Inter.net, MyCozyCloud, Sandstorm…)
Enfin et surtout, nous deviendrions ce que nous combattons : un nouveau silo de données, une concentration de pouvoir informationnel.
MyFrama, c’est notre réponse au framabazar. Elle vous sera proposée le lundi 10 octobre. Basé sur Shaarli, il s’agit d’un récolteur/trieur d’adresses Web (à la Del.icio.us) que JosephK a bidouillé pour vous afin qu’il classe automatiquement les adresses de nos services que vous y ajouterez. Avec un seul compte, vous pourrez remettre une dose de cathédrale dans ce bazar et retrouver aisément les services que vous utilisez.
Et puis le mercredi 12 octobre marquera l’acte de naissance officiel du Collectif des Hébergeurs Alternatifs, Transparents, Ouverts, Neutres et Solidaires : lesCHATONS ! Annoncé en février dernier, c’est un nouveau travail sur le long terme que nous avons appelé de nos vœux, pour que vous puissiez trouver aisément un hébergement de services libres (dont du mail, oui oui) partageant la même éthique et proche de chez vous.
Les premiers CHATONS sont prêts à faire ronronner vos internetz, et nous serons fiers de nous ranger parmi eux, en tant que simple membre de ce collectif qui peut évoluer et être forké, comme un logiciel libre !
Framasoft grandit, mais pas trop (micro-bilan)
C’est peu connu, mais au moment où nous avons lancé Dégooglisons Internet, Framasoft était sur le point de fermer. Épuisement des membres, épuisement des ressources (nous n’avions plus de sous !)… nous avons préféré lancer un beau projet quitte à exploser en plein vol plutôt que de finir sur les rotules.
Vous comprenez maintenant pourquoi nous avions du mal à croire qu’on y arriverait. Mais voilà : Dégooglisons Internet a re-mobilisé les énergies en interne, nous donnant un grand coup de fouet ! Ce projet vous a sans doute aussi parlé puisque vous nous avez soutenus, vous l’avez partagé, vous vous en êtes emparé au delà de nos plus folles espérances ! Plus encore, il a touché le grand public, il a été reçu cinq sur cinq en dehors de nos habituels cercles de libristes.
En deux ans, nous sommes passés de deux à cinq permanent-e-s (nous sommes en train de pérenniser et consolider les contrats les plus précaires) et venons de prendre en CDD Thomas, qui a passé son stage de fin d’études sur Framagenda. Nous avons aussi accueilli de nouveaux membres bénévoles, pleins d’énergie et d’idées, pour nous aider à encaisser le choc.
Ces énergies sont indispensables pour répondre à vos (légitimes) attentes et réussir à dégoogliser Internet. Pour autant, nous ne voulons pas devenir le little big brother des internets : notre (et votre) liberté tient aussi à ça. Voilà pourquoi l’association a décidé de modérer cette croissance afin de garder cette mentalité foutraque et enthousiaste qui fait qu’on peut décider d’ouvrir un Framinetest sur une blague et un coup de tête !
Aujourd’hui, à un an du gong final, nous pensons que réaliser ce projet fou est réellement à notre portée, sans y perdre notre identité. C’eut été inimaginable sans votre aide, et nous en aurons encore grandement besoin toute cette année. La liberté, vous nous (et vous vous) l’offrez.
Alors, selon ce que vous pouvez faire, pensez à nous soutenir :
En parlant autour de vous et en partageant cet article (vous avez des boutons juste en dessous ^^)
En donnant des sous (il y en a grand besoin, pour faire tourner 30 services !)
Des routes et des ponts (3), de quoi est fait un logiciel
Après l’introduction du livre Des routes et des ponts de Nadia Eghbal (si vous avez raté le début…) que le groupe Framalang vous traduit au fil des semaines, voici un aperçu tout simple des composants de base d’un logiciel.
Nos lecteurs les plus au courant n’y trouveront rien qu’ils ne sachent déjà, mais l’intérêt de cette présentation c’est justement qu’elle rend abordables et compréhensibles au grand public des objets techniques qui peuvent s’avérer très complexes à comprendre (…et maîtriser !). On peut dire que la démarche choisie ici, pragmatique et imagée, ne manque pas de pédagogie.
Merci à nos lecteurs soucieux des valeurs du libre de noter que l’auteur n’introduit les notions que progressivement : c’est seulement dans quelques chapitres qu’elle établira clairement une distinction claire qui nous est chère.
Vous souhaitez participer à la traduction hebdomadaire ? Rejoignez Framalang ou rendez-vous sur un pad dont l’adresse sera donnée sur Framasphère chaque mardi à 19h… mais si vous passez après vous êtes les bienvenu.e.s aussi !
Tous les sites web ou les applications mobiles que nous utilisons, même les plus simples, sont constitués de multiples composants plus petits, tout comme un immeuble est fait de briques et de ciment.
Imaginez par exemple que vous désiriez poster une photo sur Facebook. Vous ouvrez votre appli mobile Facebook, ce qui déclenche le logiciel de Facebook pour vous afficher votre fil d’actualités.
Vous téléchargez une photo depuis votre téléphone, ajoutez un commentaire, puis vous cliquez sur « Envoyer ». Une autre partie du logiciel de Facebook, en charge du stockage des données, se souvient de votre identité et poste la photo sur votre profil. Finalement, une troisième partie de ce logiciel prend le message que vous avez saisi sur votre téléphone et le montre à tous vos amis à travers le monde.
Bien que ces opérations aient lieu sur Facebook, en réalité, ce n’est pas Facebook qui a développé toutes les briques nécessaires pour vous permettre de publier sur son application. Ses développeurs ont plutôt utilisé du code libre, public, mis à disposition de tous sur Internet par des bénévoles. Facebook ne publie pas la liste des projets qu’ils utilisent, mais une de ses filiales, Instagram, le fait et remercie certains de ces projets sur sa page d’accueil et dans son application mobile
Utiliser du code public est plus efficace pour des entreprises comme Facebook ou Instagram que de développer à nouveau tous les composants par elles-mêmes. Développer un logiciel est comparable à la construction d’un immeuble. Une entreprise du bâtiment ne produit pas ses marteaux et ses perceuses, et n’ira pas non plus chercher du bois pour découper les troncs en planches.
Elle préférera les acheter à un fournisseur et se fournir en bois auprès d’une scierie pour finir le travail plus rapidement.
Grâce aux licences permissives, les sociétés telles que Facebook ou Instagram ne sont pas obligées de payer pour ce code, mais sont libres d’en profiter grassement. Ce n’est pas différent d’une entreprise de transport (Instagram) qui utilise les infrastructures routières publiques (code public) pour acheminer ses produits à des fins commerciales (application Instagram).
Mike Krieger, un des co-fondateurs d’Instagram, a insisté sur ce point en 2013 et encouragé d’autres entrepreneurs à :
emprunter plutôt que construire à chaque fois que c’est possible. Il existe des centaines d’excellents outils qui peuvent vous faire gagner du temps et vous permettre de véritablement vous concentrer sur le développement de votre produit. (source)
Voici quelques-uns des outils utilisés par une entreprise de logiciels :
Frameworks (environnements de développement)
Les framewoks offrent une base, une sorte d’échafaudage, une structure. Imaginez cela comme un schéma pour toute une application. Comme un plan, un framework définit la manière dont l’application se comportera sur mobile, ou comment ses données seront sauvegardées dans une base de données. Par exemple Rails et Django sont des frameworks.
Langages
Les langages de programmation constituent l’épine dorsale de la communication des logiciels, comme la langue anglaise (NdT : aux USA bien sûr) qu’emploient les ouvriers du bâtiment sur un chantier pour se comprendre. Les langages de programmation permettent aux divers composants du logiciel d’agir et de communiquer entre eux. Si par exemple vous créez un compte sur un site internet et que vous cliquez sur « S’enregistrer », cette application peut utiliser des langages comme le JavaScript ou le Ruby pour sauvegarder vos informations dans une base de données.
Parmi les langages de programmation les plus populaires on peut mentionner le Python, le JavaScript et le C.
Bibliothèques
Les bibliothèques sont des fonctions pré-fabriqués qui accélèrent l’écriture du code d’un logiciel, tout comme une entreprise du bâtiment achète des fenêtres préfabriquées au lieu de les assembler à partir des composants de base. Par exemple, au lieu de développer leur propre système d’identification pour les utilisateurs de leur application, les développeurs et développeuses peuvent utiliser une bibliothèque appelée OAuth. Au lieu d’écrire leur propre code pour visualiser des données sur une page web, ils ou elles peuvent utiliser une bibliothèque appelée d3.
Bases de données
Les bases de données stockent des informations (profils d’utilisateurs, adresses électroniques ou codes de cartes bancaires par exemple) qui peuvent être utilisées par l’application. À chaque fois qu’une application a besoin de se souvenir d’une information qui vous concerne, l’application la stocke dans la base de données. Parmi les systèmes de gestion de bases de données (SGBD) les plus populaires on trouve notamment MySQL et PostgreSQL.
Serveurs web et d’applications
Ces serveurs gèrent certaines requêtes envoyées par les utilisateurs sur Internet : on peut les voir comme des centrales téléphoniques qui répartissent les appels. Par exemple, si vous saisissez une URL dans la barre d’adresse de votre navigateur, un serveur web vous répondra en vous envoyant la page concernée. Si vous envoyez un message à un ami sur Facebook, le message sera d’abord envoyé à un serveur d’applications qui déterminera qui vous essayez de contacter puis transmettra votre message au compte de votre ami.
Parmi les serveurs web très répandus, citons Apache et Nginx.
Certains de ces outils, comme les serveurs et les bases de données, sont coûteux, surtout à l’échelle d’une entreprise, ce qui les rend plus faciles à monétiser. Par exemple, Heroku, une plate-forme sur le cloud (sur un serveur distant) qui fournit des solutions d’hébergement et de bases de données, propose une offre de base gratuite, mais il faut payer pour avoir accès à plus de données ou de bande passante. De grands sites reposent sur Heroku comme ceux de Toyota ou de Macy, et l’entreprise a été rachetée en 2010 par Salesforce.com pour 212 millions de dollars.
Il est plus difficile de faire payer d’autres types d’outils de développement, tel que les frameworks, de nombreuses bibliothèques et langages de programmation, qui sont souvent créés et maintenus par des bénévoles.
Ce type d’outils ressemble plus à des ressources qu’à des services qui peuvent être activés ou désactivés : les rendre payants limiterait fortement leur adoption. C’est pourquoi n’importe qui, que ce soit une entreprise milliardaire ou un adolescent apprenti développeur, peut utiliser gratuitement ces composants pour créer ses propres logiciels.
Par exemple, selon la page d’accueil d’Instagram, l’une des bibliothèques utilisées par l’entreprise est Appirater. Il s’agit d’une bibliothèque qui facilite les fonctions de rappels automatiques pour l’évaluation d’une application, à destination des utilisateurs d’iPhone. Elle a été créée en 2009 par Arash Payan, un développeur indépendant basé à Los Angeles. Le projet n’apporte aucun revenu à Payan.
C’est comme si des scieries, des centrales à béton et des magasins de matériel donnaient leurs matériaux de base à une entreprise du bâtiment, puis continuaient à approvisionner cette entreprise.