Les données que récolte Google – Ch.3

Voici déjà la traduction du troisième chapitre de Google Data Collection, l’étude élaborée par l’équipe du professeur Douglas C. Schmidt, spécialiste des systèmes logiciels, chercheur et enseignant à l’Université Vanderbilt. Si vous les avez manqués, retrouvez les chapitres précédents déjà publiés.

Il s’agit aujourd’hui de mesurer ce que les plateformes les plus populaires recueillent de nos smartphones

Traduction Framalang : Côme, goofy, Khrys, Mika, Piup. Remerciements particuliers à badumtss qui a contribué à la traduction de l’infographie.

La collecte des données par les plateformes Android et Chrome

11. Android et Chrome sont les plateformes clés de Google qui facilitent la collecte massive de données des utilisateurs en raison de leur grande portée et fréquence d’utilisation. En janvier 2018, Android détenait 53 % du marché américain des systèmes d’exploitation mobiles (iOS d’Apple en détenait 45 %)1 et, en mai 2017, il y avait plus de 2 milliards d’appareils Android actifs par mois dans le monde.2

12. Le navigateur Chrome de Google représentait plus de 60 % de l’utilisation mondiale de navigateurs Internet avec plus d’un milliard d’utilisateurs actifs par mois, comme l’indiquait le rapport Q4 10K de 20173. Les deux plateformes facilitent l’usage de contenus de Google et de tiers (p.ex. applications et sites tiers) et fournissent donc à Google un accès à un large éventail d’informations personnelles, d’activité web, et de localisation.

A. Collecte d’informations personnelles et de données d’activité

13. Pour télécharger et utiliser des applications depuis le Google Play Store sur un appareil Android, un utilisateur doit posséder (ou créer) un compte Google, qui devient une passerelle clé par laquelle Google collecte ses informations personnelles, ce qui comporte son nom d’utilisateur, son adresse de messagerie et son numéro de téléphone. Si un utilisateur s’inscrit à des services comme Google Pay4, Android collecte également les données de la carte bancaire, le code postal et la date de naissance de l’utilisateur. Toutes ces données font alors partie des informations personnelles de l’utilisateur associées à son compte Google.

14. Alors que Chrome n’oblige pas le partage d’informations personnelles supplémentaires recueillies auprès des utilisateurs, il a la possibilité de récupérer de telles informations. Par exemple, Chrome collecte toute une gamme d’informations personnelles avec la fonctionnalité de remplissage automatique des formulaires, qui incluent typiquement le nom d’utilisateur, l’adresse, le numéro de téléphone, l’identifiant de connexion et les mots de passe.5 Chrome stocke les informations saisies dans les formulaires sur le disque dur de l’utilisateur. Cependant, si l’utilisateur se connecte à Chrome avec un compte Google et active la fonctionnalité de synchronisation, ces informations sont envoyées et stockées sur les serveurs de Google. Chrome pourrait également apprendre la ou les langues que parle la personne avec sa fonctionnalité de traduction, activée par défaut.6

15. En plus des données personnelles, Chrome et Android envoient tous deux à Google des informations concernant les activités de navigation et l’emploi d’applications mobiles, respectivement. Chaque visite de page internet est automatiquement traquée et collectée par Google si l’utilisateur a un compte Chrome. Chrome collecte également son historique de navigation, ses mots de passe, les permissions particulières selon les sites web, les cookies, l’historique de téléchargement et les données relatives aux extensions.7

16. Android envoie des mises à jour régulières aux serveurs de Google, ce qui comprend le type d’appareil, le nom de l’opérateur, les rapports de bug et des informations sur les applications installées8. Il avertit également Google chaque fois qu’une application est ouverte sur le téléphone (ex. Google sait quand un utilisateur d’Android ouvre son application Uber).

B. Collecte des données de localisation de l’utilisateur

17. Android et Chrome collectent méticuleusement la localisation et les mouvements de l’utilisateur en utilisant une variété de sources, représentées sur la figure 3. Par exemple, un accès à la « localisation approximative » peut être réalisé en utilisant les coordonnées GPS sur un téléphone Android ou avec l’adresse IP sur un ordinateur. La précision de la localisation peut être améliorée (« localisation précise ») avec l’usage des identifiants des antennes cellulaires environnantes ou en scannant les BSSID (’’Basic Service Set IDentifiers’’), identifiants assignés de manière unique aux puces radio des points d’accès Wi-Fi présents aux alentours9. Les téléphones Android peuvent aussi utiliser les informations des balises Bluetooth enregistrées dans l’API Proximity Beacon de Google10. Ces balises non seulement fournissent les coordonnées de géolocalisation de l’utilisateur, mais pourraient aussi indiquer à quel étage exact il se trouve dans un immeuble.11

schéma représentatt les différents moyens (wifi, bluetooth) de localiser les données d’un utilisateur de smartphone
Figure 3 : Android et Chrome utilisent diverses manières de localiser l’utilisateur d’un téléphone.

 

18. Il est difficile pour un utilisateur de téléphone Android de refuser le traçage de sa localisation. Par exemple, sur un appareil Android, même si un utilisateur désactive le Wi-Fi, la localisation est toujours suivie par son signal Wi-Fi. Pour éviter un tel traçage, le scan Wi-Fi doit être explicitement désactivé par une autre action de l’utilisateur, comme montré sur la figure 4.

2 copies d’écran de paramètres d’android pour montrer que le wifi est toujours sacnné même s’il est désactivé
Figure 4 : Android collecte des données même si le Wi-Fi est éteint par l’utilisateur

 

19. L’omniprésence de points d’accès Wi-Fi a rendu le traçage de localisation assez fréquent. Par exemple, durant une courte promenade de 15 minutes autour d’une résidence, un appareil Android a envoyé neuf requêtes de localisation à Google. Les requêtes contenaient au total environ 100 BSSID de points d’accès Wi-Fi publics et privés.

20. Google peut vérifier avec un haut degré de confiance si un utilisateur est immobile, s’il marche, court, fait du vélo, ou voyage en train ou en car. Il y parvient grâce au traçage à intervalles de temps réguliers de la localisation d’un utilisateur Android, combiné avec les données des capteurs embarqués (comme l’accéléromètre) sur les téléphones mobiles. La figure 5 montre un exemple de telles données communiquées aux serveurs de Google pendant que l’utilisateur marchait.

code renvoyé aux serveurs : la localisation d’un utilisateur
Figure 5 : capture d’écran d’un envoi de localisation d’utilisateur à Google.

 

C. Une évaluation de la collecte passive de données par Google via Android et Chrome

21. Les données actives que les plateformes Android ou Chrome collectent et envoient à Google à la suite des activités des utilisateurs sur ces plateformes peuvent être évaluées à l’aide des outils MyActivity et Takeout. Les données passives recueillies par ces plateformes, qui vont au-delà des données de localisation et qui restent relativement méconnues des utilisateurs, présentent cependant un intérêt potentiellement plus grand. Afin d’évaluer plus en détail le type et la fréquence de cette collecte, une expérience a été menée pour surveiller les données relatives au trafic envoyées à Google par les téléphones mobiles (Android et iPhone) en utilisant la méthode décrite dans la section IX.D de l’annexe. À titre de comparaison, cette expérience comprenait également l’analyse des données envoyées à Apple via un appareil iPhone.

22. Pour des raisons de simplicité, les téléphones sont restés stationnaires, sans aucune interaction avec l’utilisateur. Sur le téléphone Android, une seule session de navigateur Chrome restait active en arrière-plan, tandis que sur l’iPhone, le navigateur Safari était utilisé. Cette configuration a permis une analyse systématique de la collecte de fond que Google effectue uniquement via Android et Chrome, ainsi que de la collecte qui se produit en l’absence de ceux-ci (c’est-à-dire à partir d’un appareil iPhone), sans aucune demande de collecte supplémentaire générée par d’autres produits et applications (par exemple YouTube, Gmail ou utilisation d’applications).

23. La figure 6 présente un résumé des résultats obtenus dans le cadre de cette expérience. L’axe des abscisses indique le nombre de fois où les téléphones ont communiqué avec les serveurs Google (ou Apple), tandis que l’axe des ordonnées indique le type de téléphone (Android ou iPhone) et le type de domaine de serveur (Google ou Apple) avec lequel les paquets de données ont été échangés par les téléphones. La légende en couleur décrit la catégorisation générale du type de demandes de données identifiées par l’adresse de domaine du serveur. Une liste complète des adresses de domaine appartenant à chaque catégorie figure dans le tableau 5 de la section IX.D de l’annexe.

24. Au cours d’une période de 24 heures, l’appareil Android a communiqué environ 900 échantillons de données à une série de terminaux de serveur Google. Parmi ceux-ci, environ 35 % (soit environ 14 par heure) étaient liés à la localisation. Les domaines publicitaires de Google n’ont reçu que 3 % du trafic, ce qui est principalement dû au fait que le navigateur mobile n’a pas été utilisé activement pendant la période de collecte. Le reste (62 %) des communications avec les domaines de serveurs Google se répartissaient grosso modo entre les demandes adressées au magasin d’applications Google Play, les téléchargements par Android de données relatives aux périphériques (tels que les rapports de crash et les autorisations de périphériques), et d’autres données — principalement de la catégorie des appels et actualisations de fond des services Google.

infographie exposant les proportions de trafic envoyé par les appareils divers vers les serveurs de Google
Figure 6 : Données sur le trafic envoyées par les appareils Andoid et les iPhones en veille.

 

25. La figure 6 montre que l’appareil iPhone communiquait avec les domaines Google à une fréquence inférieure de plus d’un ordre de grandeur (50 fois) à celle de l’appareil Android, et que Google n’a recueilli aucun donnée de localisation utilisateur pendant la période d’expérience de 24 heures via iPhone. Ce résultat souligne le fait que les plateformes Android et Chrome jouent un rôle important dans la collecte de données de Google.

26. De plus, les communications de l’appareil iPhone avec les serveurs d’Apple étaient 10 fois moins fréquentes que les communications de l’appareil Android avec Google. Les données de localisation ne représentaient qu’une très faible fraction (1 %) des données nettes envoyées aux serveurs Apple à partir de l’iPhone, Apple recevant en moyenne une fois par jour des communications liées à la localisation.

27. En termes d’amplitude, les téléphones Android communiquaient 4,4 Mo de données par jour (130 Mo par mois) avec les serveurs Google, soit 6 fois plus que ce que les serveurs Google communiquaient à travers l’appareil iPhone.

28. Pour rappel, cette expérience a été réalisée à l’aide d’un téléphone stationnaire, sans interaction avec l’utilisateur. Lorsqu’un utilisateur commence à bouger et à interagir avec son téléphone, la fréquence des communications avec les serveurs de Google augmente considérablement. La section V du présent rapport résume les résultats d’une telle expérience.

 




Les données que récolte Google – Ch. 2

Voici déjà la traduction du deuxième chapitre de Google Data Collection, l’étude élaborée par l’équipe du professeur Douglas C. Schmidt, spécialiste des systèmes logiciels, chercheur et enseignant à l’Université Vanderbilt. Si vous les avez manqués, retrouvez les chapitres précédents déjà publiés.

Il s’agit aujourd’hui d’une expérience d’usage quotidien ordinaire du numérique en milieu urbain et connecté, expérience qu’il n’est pas trop difficile de transposer de ce côté-ci de l’Atlantique, et qui permet de repérer les différentes sortes de collecte opérées par Google, directement ou non.

Traduction Framalang : goofy, Khrys, serici. Remerciements particuliers à badumtss qui a contribué à la traduction de l’infographie.

II. Une journée dans la vie d’une utilisatrice de Google

passagers dans le métro, ils ont presque tous des écouteurs aux oreilles et leur smartphone en main
« Earbuds », photo de susanjanegolding (CC BY 2.0)

5.
Afin d’illustrer la multitude des interactions entre Google et un individu, ainsi que l’étendue des informations collectées lors de ces interactions, nous avons réalisé une expérience dans laquelle un chercheur utilise un périphérique Android12 pendant les activités d’une journée.
Afin d’éviter que des informations d’un utilisateur précédent ne soient associées au téléphone mobile, celui-ci a été réinitialisé aux valeurs d’usine13 et configuré comme un téléphone neuf 14. Un nouveau compte Google a été créé (nom d’utilisatrice : « Jane »), afin que Google n’ait pas de connaissances antérieures sur cette utilisatrice et qu’il n’ait pas associé de centres d’intérêts publicitaires à son compte. Le chercheur a passé une journée normale en utilisant son téléphone avec son nouveau compte Google.

6.
Les données collectées par Google ont été relevées par deux outils fournis par Google : « Mon activité » 15 et « Télécharger vos données » 16. L’outil « Mon activité » montre les données collectées par Google grâce à toute activité liée aux recherches, lors de l’utilisation des applications Google (i.e Youtube, Google Maps, Google assistant), par les visites sur des pages web tierces (lorsqu’on est connecté à Chrome), et les clics sur les publicités. L’outil « Télécharger vos données » fournit une information structurée concernant l’historique de toutes les données collectées par les applications Google (i.e cela contient tous les anciens courriels sur Gmail, toutes les recherches, l’ensemble des localisations et les vidéos YouTube consultées). Nous avons synthétisé les données collectées et nous les avons utilisées pour représenter les informations sur les événements clés dans l’infographie ci-dessous : « Un jour dans la vie » de l’utilisateur “Jane”.

infographie représentant les actes quotidiens dune utilisatrice-test et son usage des services Google, depuis l ematin où elle écoute de la musique qavec google Play jusqu’au soir où elle regarde des vidéos de YouTube
Figure 1 : une journée dans la vie d’une utilisatrice de Google

 

7.
Pour l’activité détaillée dans la figure 1, mais également dans le reste du document, les données collectées sont classées en deux grands groupes : actives et passives. Les données actives sont des données échangées directement entre l’utilisateur et un produit Google, là où les données passives sont définies comme une information transmise en arrière-plan sans notification évidente pour l’utilisateur. Par exemple, une collecte active de données est déclenchée lorsque Jane saisit un mot-clé dans l’outil de recherche et que cette requête est enregistrée par Google. Un exemple de collecte de données passives est l’envoi de la localisation de Jane à Google suite à l’enregistrement d’une requête.

8.
L’analyse des points de contact clés durant une journée normale dans la vie de Jane suggère que le nombre de données passives transmises est deux fois plus grand que le nombre de données actives (une décomposition détaillée des caractéristiques des données actives et passives est fournie dans le tableau qui figure en appendice, page 37 du document original).

9.
Google analyse les données collectées pour déterminer les centres d’intérêt des utilisateurs et utilisatrices, qu’il utilise ensuite pour les cibler avec des publicités adaptées. Par exemple, Google fournit une liste d’intérêts qu’il a déduits de l’activité d’un utilisateur, que l’on peut consulter sur la page « Les sujets qui vous intéressent » de la page de « Personnalisation des annonces » de Google 17. La figure 2 ci-dessous montre la liste que Google a associée avec le compte de Jane après une journée d’activité. Au total, Google a attribué 18 centres d’intérêts à Jane, dont 8 (entourés par une bordure rouge) qui correspondent précisément aux utilisations et activités de Jane18

Figure 2 : les centres d’intérêt de Jane tels que les a déduits Google après une journée typique : réseaux sociaux, musique, parentalité, TV et vidéos, entreprise et industrie, éducation, nouvelles, comédies TV

 

10.
Bien que les outils « mon activité » et « Télécharger mes données » soient utiles pour estimer la quantité de données actives collectées lors des interactions d’un utilisateur avec les produits Google, ils ne dessinent pas une image complète de l’ampleur et de l’échelle de la collecte de données de Google. Comprendre cela requiert un passage en revue détaillé des clauses d’utilisation des produits en ce qui concerne la vie privée mais également l’analyse du trafic de données envoyé aux serveurs de Google pendant une session d’utilisation par un utilisateur de ces services. Les résultats de cette analyse sont présentés plus loin dans ce rapport.




Ce que récolte Google : revue de détail

Le temps n’est plus où il était nécessaire d’alerter sur la prédation opérée par Google et ses nombreux services sur nos données personnelles. Il est fréquent aujourd’hui d’entendre dire sur un ton fataliste : « de toute façon, ils espionnent tout »

Si beaucoup encore proclament à l’occasion « je n’ai rien à cacher » c’est moins par conviction réelle que parce que chacun en a fait l’expérience : « on ne peut rien cacher » dans le monde numérique. Depuis quelques années, les mises en garde, listes de précautions à prendre et solutions alternatives ont été largement exposées, et Framasoft parmi d’autres y a contribué.

Il manquait toutefois un travail de fond pour explorer et comprendre, une véritable étude menée suivant la démarche universitaire et qui, au-delà du jugement global approximatif, établisse les faits avec précision.

C’est à quoi s’est attelée l’équipe du professeur Douglas C. Schmidt, spécialiste depuis longtemps des systèmes logiciels, chercheur et enseignant à l’Université Vanderbilt, qui livre au public une étude d’une cinquantaine de pages intitulée Google Data Collection. Cette étude, qui nous semble pouvoir servir de référence, a retenu l’attention du groupe Framalang qui vous en livre ci-dessous l’executive summary, c’est-à-dire une sorte de résumé initial, qui en donne un aperçu programmatique.

Si vous trouvez un intérêt à cette traduction et souhaitez que Framalang vous propose la suite nous ferons de notre mieux…

Traduction Framalang : Alain, fab, FranBAG, Goofy, jums, Khrys, Mika, Piup, serici

La collecte de données de Google

Un premier aperçu

1.
Google est la plus grosse agence de publicité numérique du monde 19. Elle fournit aussi le leader des navigateurs web 20, la première plateforme mobile 21 ainsi que le moteur de recherche le plus utilisé au monde 22. La plateforme vidéo de Google, ses services de mail et de cartographie comptent 1 milliard d’utilisateurs mensuels actifs chacun 23. Google utilise l’immense popularité de ses produits pour collecter des données détaillées sur le comportement des utilisateurs en ligne comme dans la vie réelle, données qu’il utilisera ensuite pour cibler ses utilisateurs avec de la publicité payante. Les revenus de Google augmentent significativement en fonction de la finesse des technologies de ciblage des données.

2.
Google collecte les données utilisateurs de diverses manières. Les plus évidentes sont « actives », celles dans lesquelles l’utilisateur donne
directement et consciemment des informations à Google, par exemple en s’inscrivant à des applications très populaires telles que YouTube, Gmail, ou le moteur de recherche. Les voies dites « passives » utilisées par Google pour collecter des données sont plus discrètes, quand une application devient pendant son utilisation l’instrument de la collecte des données, sans que l’utilisateur en soit conscient. On trouve ces méthodes de collecte dans les plateformes (Android, Chrome), les applications (le moteur de recherche, YouTube, Maps), des outils de publication (Google Analytics, AdSense) et de publicité (AdMob, AdWords). L’étendue et l’ampleur de la collecte passive de données de Google ont été en grande partie négligées par les études antérieures sur le sujet 24.

3.
Pour comprendre les données que Google collecte, cette étude s’appuie sur quatre sources clefs :
a. Les outils Google « Mon activité » (My Activity) 25 et « Téléchargez vos données » (Takeout) 26, qui décrivent aux utilisateurs l’information collectée lors de l’usage des outils Google.
b. Les données interceptées lors de l’envoi aux serveurs de Google pendant l’utilisation des produits Google ou d’autres sociétés associées.
c. Les règles concernant la vie privée (des produits Google spécifiquement ou en général).
d. Des recherches tierces qui ont analysé les collectes de données opérées par Google.

Histoire naturelle, générale et particulière, des mollusques, animaux sans vertèbres et à sang blanc. T.2. Paris,L’Imprimerie de F. Dufart,An X-XIII [1802-1805]. biodiversitylibrary.org/page/35755415

4.
Au travers de la combinaison des sources ci-dessus, cette étude montre une vue globale et exhaustive de l’approche de Google concernant la collecte des données et aborde en profondeur certains types d’informations collectées auprès des utilisateurs et utilisatrices.
Cette étude met en avant les éléments clés suivants :

a. Dans une journée d’utilisation typique, Google en apprend énormément sur les intérêts personnels de ses utilisateurs. Dans ce scénario d’une journée « classique », où un utilisateur réel avec un compte Google et un téléphone Android (avec une nouvelle carte SIM) suit sa routine quotidienne, Google collecte des données tout au long des différentes activités, comme la localisation, les trajets empruntés, les articles achetés et la musique écoutée. De manière assez surprenante, Google collecte ou infère plus de deux tiers des informations via des techniques passives. Au bout du compte, Google a identifié les intérêts des utilisateurs avec une précision remarquable.

b. Android joue un rôle majeur dans la collecte des données pour Google, avec plus de 2 milliards d’utilisateurs actifs mensuels dans le monde 27. Alors que le système d’exploitation Android est utilisé par des fabricants d’équipement d’origine (FEO) partout dans le monde, il est étroitement connecté à l’écosystème Google via le service Google Play. Android aide Google à récolter des informations personnelles sur les utilisateurs (nom, numéro de téléphone, date de naissance, code postal et dans beaucoup de cas le numéro de carte bancaire), les activités réalisées sur le téléphone (applications utilisées, sites web consultés) et les coordonnées de géolocalisation. En coulisses, Android envoie fréquemment la localisation de l’utilisateur ainsi que des informations sur l’appareil lui-même, comme sur l’utilisation des applications, les rapports de bugs, la configuration de l’appareil, les sauvegardes et différents identifiants relatifs à l’appareil.

c. Le navigateur Chrome aide Google à collecter des données utilisateurs depuis à la fois le téléphone et l’ordinateur de bureau, grâce à quelque 2 milliards d’installations dans le monde 28. Le navigateur Chrome collecte des informations personnelles (comme lorsqu’un utilisateur remplit un formulaire en ligne) et les envoie à Google via le processus de synchronisation. Il liste aussi les pages visitées et envoie les données de géolocalisation à Google.

d. Android comme Chrome envoient des données à Google même en l’absence de toute interaction de l’utilisateur. Nos expériences montrent qu’un téléphone Android dormant et stationnaire (avec Chrome actif en arrière-plan) a communiqué des informations de localisation à Google 340 fois pendant une période de 24 heures, soit en moyenne 14 communications de données par heure. En fait, les informations de localisation représentent 35 % de l’échantillon complet de données envoyés à Google. À l’opposé, une expérience similaire a montré que sur un appareil iOS d’Apple avec Safari (où ni Android ni Chrome n’étaient utilisés), Google ne pouvait pas collecter de données notables (localisation ou autres) en absence d’interaction de l’utilisateur avec l’appareil.

e. Une fois qu’un utilisateur ou une utilisatrice commence à interagir avec un téléphone Android (par exemple, se déplace, visite des pages web, utilise des applications), les communications passives vers les domaines de serveurs Google augmentent considérablement, même dans les cas où l’on n’a pas utilisé d’applications Google majeures (c.-à-d. ni recherche Google, ni YouTube, pas de Gmail ni Google Maps). Cette augmentation s’explique en grande partie par l’activité sur les données de l’éditeur et de l’annonceur de Google (Google Analytics, DoubleClick, AdWords) 29. Ces données représentaient 46 % de l’ensemble des requêtes aux serveurs Google depuis le téléphone Android. Google a collecté la localisation à un taux 1,4 fois supérieur par rapport à l’expérience du téléphone fixe sans interaction avec l’utilisateur. En termes d’amplitude, les serveurs de Google ont communiqué 11,6 Mo de données par jour (ou 0,35 Go / mois) avec l’appareil Android. Cette expérience suggère que même si un utilisateur n’interagit avec aucune application phare de Google, Google est toujours en mesure de recueillir beaucoup d’informations par l’entremise de ses produits d’annonce et d’éditeur.

f. Si un utilisateur d’appareil sous iOS décide de renoncer à l’usage de tout produit Google (c’est-à-dire sans Android, ni Chrome, ni applications Google) et visite exclusivement des pages web non-Google, le nombre de fois où les données sont communiquées aux serveurs de Google demeure encore étonnamment élevé. Cette communication est menée exclusivement par des services de l’annonceur/éditeur. Le nombre d’appels de ces services Google à partir d’un appareil iOS est similaire à ceux passés par un appareil Android. Dans notre expérience, la quantité totale de données communiquées aux serveurs Google à partir d’un appareil iOS est environ la moitié de ce qui est envoyé à partir d’un appareil Android.

g. Les identificateurs publicitaires (qui sont censés être « anonymisés » et collectent des données sur l’activité des applications et les visites des pages web tierces) peuvent être associés à l’identité d’un utilisateur ou utilisatrice de Google. Cela se produit par le transfert des informations d’identification depuis l’appareil Android vers les serveurs de Google. De même, le cookie ID DoubleClick (qui piste les activités des utilisateurs et utilisatrices sur les pages web d’un tiers) constitue un autre identificateur censé être anonymisé que Google peut associer à celui d’un compte personnel Google, si l’utilisateur accède à une application Google avec le navigateur déjà utilisé pour aller sur la page web externe. En définitive, nos conclusions sont que Google a la possibilité de connecter les données anonymes collectées par des moyens passifs avec les données personnelles de l’utilisateur.




Fournisseurs d’emails, arrêtez de faire de la merde ! (#PasMonCaca)

Cet article fait écho à mon précédent article sur le pouvoir de nuisance des silos de mail.

Dans cet article, je pestais contre le pouvoir ahurissant que confère une grosse base d’utilisateurs à certains fournisseurs de mail (Gmail, Yahoo, etc).

En effet, il est quasiment impensable pour quiconque envoie des mails de passer outre leurs façons de faire, sous peine de se couper d’une grande partie des internautes.

Quand bien même on se conforme à leurs desiderata, quand bien même on met en place toutes les bonnes pratiques existantes, certains fournisseurs de mail ne font pas leur travail correctement…

Nota Bene : Framasoft n’est pas la seule structure à rencontrer les problèmes décrits ci-dessous. Des universités aux entreprises en passant par les google groups, on trouve des témoignages un peu partout sur le Web de mails qui n’arrivent pas à destination, et les administrateurs systèmes échangent souvent entre eux pour savoir si ça vient d’eux ou du serveur d’en face (vous aurez déjà deviné, d’après le titre de cet article, d’où vient généralement le problème).

“Postman.” par Alexander, William (1767-1816) licence CC0 1.0

Florilège

À tout seigneur, tout honneur, commençons par laposte.net.

laposte.net

La Poste avait tout pour fournir un service de mail propre et performant : son histoire dans les communications remonte à loin (on peut faire remonter sa généalogie au XVe siècle avec la première poste d’État de Louis XI) et si nous avons tous eu une lettre ou un colis qui s’est perdu dans les méandres des centres de tri, force est de constater que ça fonctionnait quand même très bien. En 2000, la Poste, encore entreprise publique, devait pouvoir fournir une adresse électronique à tous les Français⋅e⋅s.

Comment ne pas lui faire confiance ? Nous-mêmes, libristes avons, pendant longtemps, conseillé laposte.net à qui nous demandait un fournisseur de mail « propre », qui n’espionne pas les conversations, ne met pas de publicité…

Les choses ont bien changé.

Le prestataire de la Poste (ah bah oui, c’est un sous-traitant, vous n’imaginiez quand même pas que la Poste allait avoir des compétences en interne à l’heure des suppressions de postes de fonctionnaires ?) semble être, excusez le terme, un vrai branquignol : nous avons souvent des messages d’erreur comme 421 4.3.2 All server ports are busy (les serveurs ne sont pas correctement dimensionnés), 550 5.5.0 Service refuse. Veuillez essayer plus tard. service refused, please try later. LPN007_510 (« nope, on veut pas, revenez plus tard ») ou mon préféré, 451 4.7.1 Service unavailable – try again later (tout est vautré).

Ça fait des mois que les serveurs de laposte.net plantent régulièrement, avec en point d’orgue une panne qui a duré plusieurs jours en avril et une communication qui a mis plusieurs jours à arriver (un message pour dire qu’il y a un problème serait-il un aveu de faiblesse pour eux ?).

Résultat :

  • les mails s’accumulent sur nos serveurs, et comme on retente de les envoyer pendant quelques jours, eh bien ça ralentit le traitement des autres mails (bon, maintenant, j’ai mis en place des mailqueues séparées, mais ce n’est pas quelque chose que je devrais avoir à mettre en place !) ;
  • les utilisateurs ne reçoivent pas leurs mails de confirmation d’inscription à nos services ;
  • qui les utilisateurs contactent-ils ? Ah bah non, pas le support de la Poste, ce serait trop simple. Non, non, c’est nous. Et c’est usant. Non pas de vous répondre, mais le fait que ce soit 95 % du temps la faute à votre fournisseur de mail qui ne fait pas correctement son boulot.

Orange (wanadoo)

Ah, Orange. Tout un poème…

L’opérateur historique qui, lui aussi, a bénéficié de son aura d’ancien service public pour capter une grande majorité des internautes français lorsque vint l’heure de se choisir son premier FAI. Du coup, beaucoup de personnes ont encore une adresse wanadoo. Et comme Orange est le FAI majoritaire en France, encore plus de personnes ont une adresse orange.

J’avais déjà parlé dans mon précédent article de sa sale manie de ne pas accepter qu’on lui envoie trop de mails en une seule connexion. Imaginez un quidam qui refuse que son facteur lui apporte plus de trois lettres par tournée. Le facteur doit donc se représenter plusieurs fois s’il a plus de trois lettres à délivrer. C’est débile. Orange fait ça, mais pour le mail.

C’est le seul fournisseur que je connaisse qui impose ce genre de limite (qu’on ne vienne pas me dire que c’est pour lutter contre le spam : comment font les autres ? Hein ? Orange n’aurait pas les capacités financières et techniques de lutter plus proprement contre le spam ?).

Heureusement, ça se règle facilement, mais tout de même.

Et puis, de temps en temps, pouf, il rejette nos mails à coup de 550 5.2.0 Mail rejete. Mail rejected. ofr_506. Pourquoi ? Va savoir. Et ça se débloque tout seul au bout d’un temps.

Free

Après l’opérateur historique, voici celui qu’on surnomme le trublion du net. De temps en temps, celui-ci semble modifier les règles de son antispam, et nous voilà avec des mails 550 spam detected, quand bien même c’est le 300e mail quasi identique que nous envoyons de la journée. Et puis ça s’en va et ça revient.

Pareil avec 451 too many errors from your ip, ça bloque de temps en temps et ça repart comme c’est venu… alors qu’il s’agit majoritairement de mails de notification (framapiaf, framasphere, framagit…) et donc que les adresses ont été vérifiées ! Certes, il peut y avoir des erreurs, mais tellement peu dans le volume de mails que nous envoyons à Free… Ça arrive vraiment de façon aléatoire. Grmpf.

Facebook

On l’oublie, mais Facebook, en 2010, a proposé d’avoir une adresse mail @facebook.com (bon, ils ont arrêté les inscriptions en 2014, ce qui explique l’oubli). Et certaines personnes utilisent encore ces adresses.

Nos mails étaient bloqués de temps à autre avec un code 554 5.7.1 POL-P4 Connection refused, ce qui veut dire en gros « Revenez dans 24 ou 48 heures ». En soi, ce n’était pas forcément délirant, si jamais nous avions, pour une raison ou pour une autre, envoyé beaucoup de mails d’un coup à leurs serveurs. Mais depuis quelques semaines, il n’y a plus de déblocage : nos mails ne partent plus pour facebook.com, même en les faisant partir d’un autre serveur ou en diminuant la vitesse d’envoi.


Voilà pour les fournisseurs de mails qui font n’importe quoi avec leurs serveurs. Ils présentent tout de même l’avantage de nous permettre de comprendre pourquoi les destinataires n’ont pas reçu leurs mails, fût-ce pour de stupides raisons. Mais il y en a de plus vicieux…

Ceux qui n’amènent pas les mails à leurs destinataires (ou qui les cachent)

On ne les connaît pas bien, ce n’est que lorsque l’on nous contacte pour et que nous voyons que le mail est bien parti qu’on les repère : les fournisseurs de mails qui acceptent nos mails mais, pour une raison ou pour une autre, les envoient rejoindre le grand rien.

Eh oui, nos mails disparaissent parfois sur le serveur de votre fournisseur de messagerie. Vous ne les trouverez dans aucun dossier, pas même dans les spams.

Il s’agit le plus souvent de choix algorithmiques du fournisseur : l’antispam est vraiment sûr que ce message est frauduleux ? Bah, pas la peine d’embêter l’utilisateur, on le jette ! (ce qui est stupide car ne permettant pas la correction des faux positifs par les utilisateurs).

Encore mieux, Gmail. Comme expliqué dans notre FAQ, si vous recevez un mail identique à un que vous avez envoyé, comme un message à une framaliste à laquelle vous êtes inscrit, Gmail cachera le mail reçu de la liste. Vous l’avez envoyé, vous en connaissez le contenu, non ? Ah, vous vouliez voir quand le message arriverait, histoire d’être sûr qu’il a bien été traité par notre serveur de listes ? Pas de bol.

Ceux qui proposent une application pourrie

Les personnes qui utilisent l’application de mail Orange sur leur téléphone ont des soucis pour envoyer des messages à des framalistes. Après investigation, nous nous sommes rendus compte que l’application met l’adresse de la liste (enfin un dérivé, elle met l’adresse dédiée à la réexpédition des mails reçus par la liste) dans l’en-tête Sender.

Que cela veut-il dire et pourquoi est-ce un problème ? Cela fait croire que le mail provient du serveur des framalistes. Comme notre serveur n’est pas stupide, voyant un mail provenant soit-disant de lui-même mais passant par un serveur non-autorisé à envoyer des mails framalistes, celui-ci refuse le mail. Tout simplement. C’est une des techniques classiques de lutte contre le spam que d’agir ainsi.

“cow dung patties” par mary jane watson licence CC BY 2.0

Conclusion

Les problèmes face aux gros silos de mail sont nombreux, et sont loin d’être tous dus à une mauvaise configuration de votre serveur mail que vous chouchoutez vous-même (ou de ceux que nous configurons… Non vraiment, c’est pas nous qui pondons de telles bouses ! D’où ce joli hache-tague : c’est #PasMonCaca).

Je pense personnellement et sincèrement qu’il y a une part d’incompétence de la part de ces silos dans un certain nombre de cas. Si tout le monde jouait le jeu correctement, le mail ne serait pas aussi compliqué qu’aujourd’hui.

Que pouvez-vous faire ? Eh bien, à part changer de fournisseur de mail (connaissez-vous les CHATONS ?), vous pouvez contacter le support de votre fournisseur actuel, lui expliquer la situation et lui dire que ce n’est pas normal. Nous pouvons vous fournir, le cas échéant, les codes d’erreur retournés par son serveur pour les mails que nous vous envoyons. Peut-être qu’en étant suffisamment nombreux à râler, la situation évoluera.

Fun fact : combien des fournisseurs de mail évoqués dans cet article permettent de contacter leur serveur de mail en IPv6 ? Un seul — je vous laisse chercher lequel 😁

(Et si vous vous posez la question, oui, les serveurs de framasoft.org et framalistes.org sont accessibles en IPv6, comme toute l’infrastructure de Framasoft. Quand on veut, on peut.)

Image d’en-tête par barefootcollege, source.




RGPD : la Quadrature au carré

Le 16 avril dernier, la Quadrature du Net a lancé un appel inédit en France pour une action de groupe contre les GAFAM. Cette action s’appuiera sur l’application prochaine du Règlement général sur la protection des données (RGPD).

Sans attendre la date d’entrée en vigueur du RGPD (le 15 mai 2018), la Quadrature du Net propose à tous les utilisateurs des services numériques des GAFAM de souscrire en masse en vue de déposer une plainte auprès de la CNIL et obliger implicitement celle-ci à agir.

En effet, l’article 80 du RGPD permet aux associations « actives dans le domaine de la protection des droits et libertés des personnes » à entreprendre des actions collectives dans le cadre de la protection des données.

La personne concernée a le droit de mandater un organisme, une organisation ou une association à but non lucratif, qui a été valablement constitué conformément au droit d’un État membre, dont les objectifs statutaires sont d’intérêt public et est actif dans le domaine de la protection des droits et libertés des personnes concernées dans le cadre de la protection des données à caractère personnel les concernant, pour qu’il introduise une réclamation en son nom, exerce en son nom les droits visés aux articles 77, 78 et 79 et exerce en son nom le droit d’obtenir réparation visé à l’article 82 lorsque le droit d’un État membre le prévoit. (extrait de l’art. 80)

À ce titre, la Quadrature du Net se propose d’agir en tant que mandataire pour tous les citoyens-utilisateurs qui le désirent par l’intermédiaire d’un formulaire simple et rapide à remplir.

Pour permettre de comprendre les arguments sur lesquels repose la plainte, la Quadrature met à disposition un texte très clair. En résumé, il repose sur l’aspect illicite de l’échange de services contre le consentement systématique des utilisateurs permettant à ces entreprises d’extraire et inférer leurs données personnelles. Ce consentement est en effet soit déduit du silence de l’utilisateur (le fait d’utiliser le service impliquerait ce consentement) soit littéralement extorqué par une action « positive » (cliquer sur un bouton « j’accepte ») sous contrainte de ne pas accéder au service.

Les conséquences de l’extraction des données des utilisateurs sont connues et l’affaire Cambridge Analytica en a donné récemment une illustration convaincante. Le fait d’utiliser et vendre les données des utilisateurs dans un cadre qui n’a pas de lien direct avec le service pour lequel ils ont été contraint de les céder n’est pas le seul grief que la Quadrature du Net expose. Cette action collective vise aussi à mettre en lumière le lien évident entre le droit à ne pas monétiser les données personnelles et la liberté de conscience menacée par le traitement des informations relatives à la vie privée des citoyens, véritable porte ouverte à la segmentation sociale et la manipulation de l’information.

Pendant les 40 jours qui nous séparent de l’entrée en vigueur du RGPD, la Quadrature du Net publiera chaque semaine sur son site des documents et vidéos visant à expliquer les tenants et aboutissants de ce recours collectif.

Liens :
* Qu’est-ce qu’une action de groupe ?
* La Quadrature du net
* Le site de la campagne et la procédure
* Le texte du RGPD




Montpel’libre, l’asso libre tous azimuts

Jour après jour et depuis longtemps, des associations qui promeuvent les logiciels et la culture libre sont au contact de la population et forment un réseau irremplaçable : celui des GUL (Groupes d’Utilisateurs Linux) ou GULL (Groupes d’utilisateurs de Logiciels Libres).

Leurs activités traditionnelles : install’parties, conférences, stands… ont été complétées par une grande variété d’actions adaptées au contexte local et aux évolutions de nos pratiques numériques.

Nous avons choisi de mettre en valeur l’association Montpel’libre parce que (comme d’autres bien sûr) elle offre un exemple intéressant de diversification et de dynamisme (on y trouve même un groupe Framasoft…), et leurs membres ont été assez sympas pour répondre aux 512 questions que nous avions préparées. Voici une sélection de leurs réponses à plusieurs voix…

 

— Bonjour les Montpel’libristes, est-ce que vous pouvez nous dire un peu à quoi ressemble votre association ?

— Bonjour Frama. En préambule, nous avons remarqué que vous avez utilisé un Framapad pour cette interview, ce que nous comprenons parfaitement. Néanmoins, vous auriez pu utiliser un BIMpad sur nos CHATONS.

BIM pour Bienvenue sur l’Internet Montpelliérain, administré et hébergé localement. Voici la page (en construction) où sont tous les services que nous proposons. Après Dégooglisons, nous sommes aussi passés à Contributopia. 😉

Et pour faire connaissance avec notre association, l’essentiel est sur ce petit flyer

flyer qui résume les activités de l'association Montpel'libre

— Avec ce nom d’association on devine que vous rayonnez sur la métropole occitane, mais on voit aussi des événements vers Nîmes ou Béziers, comment vous vous organisez ?

— Effectivement, notre volonté est de faire la promotion des Logiciels Libres, de la Culture Libre et des Biens Communs à l’origine sur Montpellier, mais très vite nous avons pris une dimension régionale. Aujourd’hui nous intervenons sur l’Occitanie, en partie sur PACA, et avons quelques actions sur l’Afrique et le Québec. Nous souhaitons développer ces actions sur ces territoires en y organisant des Jerry-Party, les RMLL, EPN, coworking, ICC et ESS

Nous sommes créatifs, réactifs, simples et souples. Des personnes viennent vers nous avec des demandes sur les logiciels libres, la culture libre et les biens communs et nous trouvons rapidement et simplement comment faire pour les satisfaire.
Comme nous nous inscrivons dans la durée, nous créons des réseaux que nous mettons en synergie et nous trouvons sur place ou non, les personnes qui peuvent nous aider à mener nos projets : des néophytes qu’on fait monter en compétence comme des personnes chevronnées qui prennent le lead sur les actions à mener. Ce qui les fait adhérer à Montpel’libre et y rester, c’est le fait qu’on écoute leur désir profond et qu’on les accompagne pour créer leur projet, en leur apportant la force du groupe, de ses différentes communautés, personnalités, compétences.

— Quand on lit la liste de des activités de Montpel’libre on est pris d’un léger vertige : mais comment font-ils ?
On imagine vu le nombre d’événements, que vous êtes nombreux et nombreuses, et que de nouvelles personnes viennent dans l’asso, comment se passe l’accueil des nouvelles personnes, vous avez une stratégie ou bien ça se fait tout seul ?

—  Plutôt que de constater une étanchéité des communautés, comme c’est souvent le cas, nous avons choisi de favoriser au sein de Montpel’libre une collaboration active de plusieurs communautés : April, Blender, Emmabuntüs, Framasoft, OpenStreetMap, Site Web/Internet, Wikipédia…, cela nous permet ipso facto d’organiser plus rapidement des événements tel que les Opérations Libres, qui font intervenir les communautés Wikipédia, OpenStreetMap, Framasoft, Blender… ces communautés étant actives dans l’asso, l’organisation s’en trouve plus aisée, efficiente et du coup largement moins problématique.

— Nous n’avons pas forcément de plan triennal, cela ne nous empêche pas de nous projeter dans l’avenir. Nous établissons déjà les activités pour 2019, même si celles-ci ne sont pas encore publiées, AprilCamp, PyConFr, Escale à l’UM, Libre de Droit, RMLL à Montpellier, en 2020 RMLL à Rabat… Bien sûr certaines propositions ne sont qu’à l’état d’ébauche, blockchain, smart city, iot, icc, ess… Du libre pour tous, tout de suite et partout !

Nous ne sommes pas conscients de tout ce qui nous a permis de réussir, mais nous savons ce qui est important pour nous. En premier lieu, nous sommes respectueux des différences et de la diversité. Bien des personnes nous rejoignent parce qu’elles savent qu’avec et dans Montpel’libre, elles vont pouvoir mettre en place leurs idées de façon simple et efficace, quoiqu’elles sachent faire, et s’accomplir dans une ambiance conviviale. Elles aiment aussi la créativité que démontre le groupe.

— En même temps, pour développer et mener à bien des projets, nous avons dans le Bureau toutes les compétences complémentaires nécessaires : nous sommes tous utilisateurs de logiciels libres et membre de plusieurs communautés. En fait, quand on éprouve un besoin, la réponse arrive à point nommé : cela repose sur un long travail de fond, chacun dans nos domaines, un partage dans l’esprit du Libre et une écoute profonde

— Les adhérents sont très divers et participent tous à notre succès : on retrouve beaucoup d’électrons libres et de hauts profils dans différentes matières qui font le numérique libre au sens large, mais aussi des enfants, des institutions, des entreprises, des associations, d’autres Gull, des personnes âgées, des personnes en situation de handicap, des stagiaires, des étudiants, et des personnes venues de plusieurs continents…

Montpel’libre présente les logiciels libres à la communauté Emmaüs de Montpellier (décembre 2015)

 

— C’est cette alchimie qui rend l’association étonnante, spécifique, vivante, organique….

— Je crois que ceux qui participent à nos actions (bénévoles, partenaires, fournisseurs) apprécient aussi notre façon de les mettre en valeur : pour nous c’est ensemble que nous faisons les choses et s’il manque une personne, alors l’action ne peut être aussi belle. Nous remercions toujours chacun⋅e en expliquant quelle part il ou elle a pris dans le succès de l’action.

— En conclusion, on pourrait dire : « Il n’est de richesses que de personnes », et nous agissons avec le temps…

— Votre organisation, c’est plutôt cathédrale ou bazar ?

— La contribution collaborative, la prise de décision, l’émergence d’idée, l’esprit critique, le participatif, sont encouragés dans Montpel’libre. Une cathédrale ? Pas forcement. Un bazar structuré, plutôt !

— En fait, ce n’est ni la cathédrale, ni le bazar, c’est autre chose. Plutôt un Ki : l’énergie vitale et primordiale, celle qui est à l’origine de l’action, se transforme et la transforme en permanence.
Nous exprimons. à la fois la diversité de la vie, sa force et sa capacité à se renouveler:)

— C’est quoi les valeurs que vous promouvez, finalement ?

— Montpel’libre considère les Logiciels Libres, la Culture Libre et les Biens Communs (vous remarquerez que nous avons mis des majuscules à chaque mot 🙂 comme l’ADN de l’asso. Notre sacerdoce repose essentiellement sur la liberté 0, que nous qualifions d’accessibilité. Évidemment l’accessibilité au code pour les logiciels, mais aussi l’accessibilité aux ressources, à la culture, au numérique pour les personnes à mobilité réduite, les déficients visuels, mais pas seulement, issus de la diversité, de culture, d’âge ou de genres différents…

 

Nous rendons accessibles et humains le Logiciel libre, la Culture Libre et les Biens Communs. Entre nous, on en plaisante et on se dit « dealers de bonheur, dis-leur le bonheur ! ». Nous aimons le partage et nous apprécions particulièrement de voir les personnes qui ont participé à l’une de nos actions avec des yeux pleins de lumière et de grands sourires. Nous pratiquons beaucoup l’écoute, le partage et la proximité… mais nous aimons aussi la convivialité : les apéros, les bons repas et danser !

Les bénévoles de Montpel’libre pensent aussi aux plus jeunes (ici atelier jeu vidéo) – Photo Montpel’libre – merci @Natouille

— Votre slogan « Les logiciels logiquement libres » c’est chouette, mais ça laisse supposer que vous ne vous occupez que de la promotion du logiciel libre, alors que vos actions sont bien plus larges...

—  L’asso est née en 2008, il y a bientôt 10 ans, vous imaginez bien que nos actions ont évolué, se sont diversifiées, démocratisées et répandues sur un territoire plus élargi. Aujourd’hui, nous nous trouvons à la jonction des secteurs d’activités du numérique, des industries créatives, de l’économie sociale et solidaire, du développement durable, de la recherche et formation ainsi que de l’éducation populaire.

Montpel’libre c’est un jeu de mot qui durera toujours . Montpel’ n’est pas lié : il est libre. Et nous sommes nés à Montpellier, ça, c’est un fait qui ne changera jamais. En revanche aujourd’hui le slogan devrait effectivement changer pour intégrer la Culture libre et les Biens Communs. Il devrait devenir : « Logiquement libres », tout simplement.

— Est-ce que les RMLL à Montpellier ont contribué à booster l’association ou bien était-elle déjà très active et donc a été candidate et choisie pour cela ?

— Bien sûr que les RMLL ont contribué à booster Montpel’libre, en douter serait nier l’évidence, même si nous avions déjà organisé plusieurs fois des salons (confs/stands…) à l’Université de Montpellier. Thierry Stœhr, Christophe Sauthier et d’autres, l’Université de Montpellier, l’Université d’Évry, l’Université Mohammedia de Rabat, 2iE à Ougadougou y ont participé. Nous avons un peu levé le pied là-dessus, car les gens nous demandaient à cette époque des ateliers, des permanences, des confs, bref de la proximité. Nous réfléchissons à relancer ces salons sur la région.
Avant d’organiser les RMLL, nous avions soigneusement travaillé nos réseaux, organisé ou participé à des événements avec les communautés, organisé certains événements comme l’assemblée générale de l’Aful, l’AprilCamp, une étape du tour de France des Logiciels Libres, les assises du Libre… afin de bien connaître et se faire connaître des communautés, des collectivités, des financeurs…

— Les RMLL ont permis d’attirer à Montpel’libre des professions autres que techniques et donc complémentaires et de fédérer les énergies et les bonnes volontés.
En plus, tous ceux qui ont réalisé un événement international le savent, l’organisation en est lourde et des tensions naissent. Le conflit a ceci de bon, quand il est positif, de permettre de s’asseoir à une table, de dire qu’il y a une difficulté et de trouver comment la régler. Montpel’libre a su passer au-dessus des difficultés. Cet événement a été intégrateur de compétences et fédérateur d’énergies et de bonnes volontés.

— C’est quoi le « gros coup » d’après ? Vous avez bien encore un méga-projet dans les cartons ?

— Chut ! Bien sûr, mais comme c’est un projet sensible, nous en discuterons plus tard, si vous le voulez bien.
Hum, mais qui a parlé d’un seul projet ?

— Vous avez une longue liste de partenaires de toutes sortes, est-ce que certains contribuent au financement de l’association ? Et au fait, comment vit financièrement votre association ? Seulement avec les cotisations des membres ?

— Jusqu’à présent, nous ne nous étions pas posé la question, nous avons agi sur fonds propres, c’est à dire des fonds sortis de nos poches ! Aujourd’hui, ce n’est plus possible vu le nombre et la diversité des activités. Il faut donc faire rentrer de l’argent dans les caisses (voyages, hébergement, pérennisation des activités…)
Le premier argent économisé est celui qui n’a pas été dépensé. Nous bénéficions de beaucoup de mécénats en nature (salles gratuites, personnels de service et gardiennage gratuit et dans certains cas cocktail).
Les cotisations de nos membres sont symboliques parce que volontairement nous voulons être accessibles : tout le monde doit pouvoir bénéficier des services de l’association et participer à l’organisation de l’une de ses activités.
Nous réfléchissons à trouver un, voire des modèle(s) économique(s).

— Bon c’est tout de même un peu agaçant, vous cochez toutes les cases de l’asso dynamique et sympathique en plein développement. Vous n’auriez pas un petit truc qui cloche pour tempérer un peu, je ne sais pas moi, un problème, une inquiétude, un truc dont vous regrettez qu’il ne marche pas ?

— Nous avons les mêmes difficultés que tout le monde pour mettre en place des actions et pour les pérenniser. Nous vivons les mêmes joies et questionnements que tout le monde. Nous croyons profondément en notre liberté et nous respectons celle des autres. Si quelqu’un ne veut pas agir avec nous, c’est sa liberté, nous la respectons et nous continuons notre chemin.
Un point qui est à améliorer : nous ne sommes pas assez présents dans des salons sur le logiciel libre (pas assez de stands, conférences, ateliers…).

— Quelle est le projet qui a le mieux réussi à faire venir à vous des Clapassièrs (les habitants de Montpellier) ?

— Ici, dans le Clapàs des Paysannasses notre réputation s’est faite à partir des cartoparties participatives sur l’accessibilité des personnes à mobilité réduite. Nous avons effectivement travaillé trois ans à l’enrichissement d’OpenStreetMap et de l’OpenData de Montpellier avec la ville, les citoyens et les communautés.
Après les cartoparties qui ont fait connaître Montpel’libre, notre association a permis à ceux qui y adhéraient de faire autre chose et autrement, d’où la diversité de ses actions.

 

 

Le groupe OSM : réunion de travail mais aussi cartopartie sur le terrain…

 

 

 

—  Qu’est-ce que vous souhaitez dire aux habitants qui ne vous connaissent pas encore ? Et plus largement, à tous les libristes et tous les GULL ?

— Osez oser ! Construisez à partir de qui vous êtes, c’est-à-dire des compétences que vous avez, et qui font de vous un individu ou une association différente et unique. Le reste viendra tout seul et vous saurez vous réinventer.

— On vous laisse le mot de la fin mais ce n’est qu’un début, continuez le combat !
Bien sûr :

Montpel’libre n’est pas une entreprise,

mais une asso qui entreprend.

 

Liens utiles




21 degrés de liberté – 02

Voici le deuxième article de la série écrite par Falkvinge. Ce militant des libertés numériques qui a porté son combat (notamment contre le copyright30) sur le terrain politique en fondant le Parti Pirate suédois n’hésite pas à afficher des opinions tranchées parfois provocatrices 31.

Le groupe Framalang a trouvé intéressant de soumettre à votre réflexion la série d’articles qu’il a entreprise récemment. Son fil directeur, comme il l’indique dans le premier épisode que nous vous avons déjà livré, c’est la perte de certaines libertés dont nous disposions encore assez récemment, avant que le passage au tout-numérique ne nous en prive.

Nous nous efforcerons de vous traduire ces articles, semaine après semaine. Les commentaires, comme toujours, sont ouverts.

De l’analogique au numérique : la correspondance

Par Rick Falkvinge, source : Private Internet Access
Traduction Framalang : draenog, wyatt, mo, simon

Au sein de leur monde analogique nos parents considéraient leurs libertés comme acquises. Ces mêmes libertés qui ne sont pas transmises à nos enfants dans la transition numérique — telles que simplement le droit d’envoyer une lettre sans mention externe de l’expéditeur.

Lors d’interventions, il m’arrive de demander aux personnes du public combien d’entre elles approuveraient des sites tels que The Pirate Bay, alors même qu’ils engendrent une perte de revenus pour les artistes (je pose la question en partant du principe que cette assertion est vraie). La proportion de spectateurs qui lèvent la main varie selon le public et le lieu.

Les défenseurs du droit d’auteur affirment que les lois hors ligne ne sont pas respectées sur Internet, lorsqu’ils souhaitent poursuivre en justice les personnes partageant savoir et culture. Ils n’ont pas tort, mais pas comme ils l’imaginent. Ils ont raison sur un point, il est clair que les lois relatives au droit d’auteur s’appliquent aussi en ligne. Mais ce n’est pas le cas des lois sur la protection de la vie privée, or cela devrait l’être.

Dans le monde hors ligne, le courrier bénéficiait d’un certain niveau de protection. Il n’était pas censé uniquement s’appliquer à la lettre elle-même, mais à toute correspondance ; la lettre était simplement l’unique moyen de correspondance lors de la conception de ces libertés.

D’abord, le courrier était anonyme. Libre à l’expéditeur de se faire connaître à l’extérieur ou seulement à l’intérieur de l’enveloppe (de cette façon l’expéditeur était inconnu du service postal, seul le destinataire en avait connaissance), ou pas du tout.

De plus, le courrier n’était pas pisté durant son transport. Les quelques gouvernements qui suivaient à la trace la correspondance de leurs citoyens étaient largement méprisés.

Troisièmement, la lettre était secrète. Jamais l’enveloppe n’était ouverte durant son transfert.

Quatrièmement, le transporteur n’était jamais tenu responsable du contenu, pour la simple et bonne raison qu’il lui était interdit d’examiner ce contenu. Quand bien même il aurait pu le faire, avec les cartes postales sans enveloppe par exemple, il ne pouvait être tenu responsable de faire son travail de transporteur — ce principe d’immunité du transporteur ou du messager remonte à l’Empire Romain.

Ces principes de liberté de correspondance devraient s’appliquer à la correspondance qu’elle soit hors ligne (la lettre) ou en ligne. Mais ça n’est pas le cas. En ligne vous n’êtes pas libre d’envoyer ce que vous souhaitez à qui vous le souhaitez, parce que cela pourrait constituer une atteinte au droit d’auteur — nos parents jouissaient pourtant de cette liberté dans leur monde hors ligne.

Les défenseurs du droit d’auteur ont raison — envoyer par courrier la copie d’un dessin est une violation du droit d’auteur, tout autant qu’envoyer une musique piratée via Internet. Seulement hors ligne, ces lois ont des pondérations. Hors ligne, quand bien même cela constitue une violation du droit d’auteur, personne n’est autorisé à ouvrir une lettre en transit simplement pour vérifier si son contenu n’enfreint pas la loi, parce que le secret de la correspondance privée est considéré comme plus important que la découverte d’une violation de droit d’auteur. C’est primordial. Ce principe de hiérarchie n’a pas été appliqué dans le monde numérique.

Le seul moment où une lettre est ouverte et bloquée, c’est lorsqu’une personne à titre individuel est suspectée au préalable d’un crime grave. Les mots « grave » et « au préalable » sont importants : l’ouverture de lettres simplement pour vérifier si elles contiennent un élément de crime sans grande gravité, tel qu’une violation du droit d’auteur, n’est tout bonnement pas autorisée du tout.

Il n’y a aucune raison que les libertés concédées à nos parents dans le monde hors ligne ne soient pas transposées en ligne de la même manière à nos enfants, peu importe si cela signifie que des modèles économiques deviennent caducs.

Après avoir mis ces points en évidence, je repose la question aux spectateurs pour savoir combien d’entre eux approuveraient des sites tel que The Pirate Bay, alors même qu’ils engendrent une perte de revenus pour les artistes. Mon argumentaire terminé, tous les spectateurs lèvent la main pour signifier leur approbation ; ils souhaiteraient que nos enfants jouissent des mêmes libertés que nos parents, et que le respect des acquis du monde hors ligne soit également appliqués en ligne.

Dans la suite de la série nous aborderons des sujets apparentés – les annonces publiques anonymes et le rôle essentiel rempli par les tribunes improvisées dans l’exercice de la liberté.

Votre vie privée est votre propre responsabilité.




21 degrés de liberté – 01

Vous ne connaissez peut-être pas le nom de Falkvinge. Ce militant des libertés numériques qui a porté son combat (notamment contre le copyright) sur le terrain politique en fondant le Parti Pirate suédois n’hésite pas à afficher des opinions tranchées parfois provocatrices 32.

Le groupe Framalang a trouvé intéressant de soumettre à votre réflexion la série d’articles qu’il a entreprise récemment. Son fil directeur, comme il l’indique dans le premier épisode que nous vous livrons aujourd’hui, c’est la perte de certaines libertés dont nous disposions encore assez récemment, avant que le passage au tout-numérique ne nous en prive.

Nous nous efforcerons de vous traduire ces articles, semaine après semaine. Les commentaires, comme toujours, sont ouverts.

De l’analogique au numérique : nos enfants devraient pouvoir profiter des mêmes droits que ceux dont jouissaient nos parents

Par Rick Falkvinge, source : Private Internet Access

Traduction Framalang : draenog, mo, goofy, simon, 1 anonyme

Dans une série de 21 articles sur ce blog nous examinerons comment le droit à la vie privée, une liberté fondamentale, a complètement disparu quand on est passé à l’ère numérique. Sa dégradation n’est rien moins que catastrophique.

Nous aborderons toute une série de domaines dans lesquels la vie privée a tout simplement disparu avec la transition vers le numérique, et où cela nous mène. Pour chacune de ces thématiques, nous examinerons la position des différentes juridictions et les tendances qui se dessinent. La motivation principale est claire — il n’est absolument pas déraisonnable de penser que nos enfants devraient avoir au moins les mêmes libertés fondamentales individuelles que celles dont jouissaient nos parents, et aujourd’hui ce n’est pas le cas. Pas du tout.

dossiers empilés et cadenassés

Pour démarrer, nous traiterons des libertés concernant la correspondance postale, et comment de nombreuses libertés associées — comme le droit considéré comme acquis d’envoyer une lettre anonyme — ont été complètement perdues. Même chose pour les affiches anonymes sur les panneaux d’affichages ; qui défend votre droit de faire une déclaration politique anonyme aujourd’hui ?

Nous constaterons que nous n’avons plus le droit de nous balader sans que personne ne nous traque. C’était un fait acquis pour nos parents : les aéroports et les gares étaient des lieux où chacun pouvait être anonyme ; aujourd’hui nos téléphones permettent de nous localiser en temps réel aussitôt qu’on s’en approche.

De plus, nous verrons que les autorités devaient auparavant vous prendre en flagrant délit si vous faisiez quelque chose d’interdit. Elles sont maintenant capables de rembobiner les archives sur vingt ans ou plus pour trouver quelque chose qu’elles auraient raté lorsque cela s’est produit, ou qui simplement leur était indifférent à l’époque. Peut-être quelque chose auquel vous n’aviez même pas prêté attention à ce moment-là, et que vous avez complètement oublié 20 ans plus tard.

Nos parents allaient dans des bibliothèques à la recherche d’informations. Les bibliothécaires prenaient de grandes précautions, inventant même le warrant canary 33, pour assurer que n’importe qui puisse chercher n’importe quelle information à son gré et puisse lire n’importe quel livre sans que les autorités le sachent. Aujourd’hui Google prend les mêmes précautions extrêmes, mais pour noter tout ce que vous avez recherché, jusqu’à ce que vous avez failli chercher sans l’avoir fait. Bien entendu, tout ceci est disponible pour les autorités et gouvernements qui n’ont qu’à demander à Google de se conformer à la loi qui vient d’être publiée .

Il n’est absolument pas déraisonnable d’exiger que nos enfants aient au moins autant de libertés fondamentales – droit à la vie privée — dans leur environnement numérique que celles dont nos parents ont bénéficié dans leur environnement analogique. Cependant, les droits à la vie privée ont été quasiment abolis par la transition au numérique.

En parlant de lecture, nos parents pouvaient acheter un journal au coin de la rue pour quelques pièces de monnaie. Ils lisaient un journal sans que quiconque sache qu’ils l’avaient acheté ou lu. À l’inverse, pour nos enfants, est soigneusement enregistré quel journal ils lisent, quand, quels articles, dans quel ordre, pour quelle durée — et peut-être pire, quel comportement ils ont eu peu après, et si ce comportement semble avoir été provoqué par la lecture de l’article.

Ah, la monnaie au kiosque… L’argent liquide partout en fait. Plusieurs pays tentent de supprimer l’argent liquide, rendant toutes les transactions traçables. Une carte de paiement est plus commode ? Peut-être. Mais elle n’est pas plus sûre. Chaque achat est enregistré. Pire, chaque presque-achat de nos enfants est aussi enregistré, chose qui aurait été inconcevable dans le monde de nos parents. Encore pire, chaque achat est aussi soumis à autorisation, et peut être refusé par un tiers.

Nos parents n’avaient pas d’appels vidéos, ou de télés les observant. Mais s’ils en avaient eu, je suis à peu près sûr qu’ils auraient été horrifiés que des gouvernements puissent les observer directement dans leur salon ou pister leurs appels vidéos privés, y compris les plus intimes.

Quand nos parents avaient une conversation au téléphone, il n’y avait jamais de voix inconnue débarquant dans l’appel pour dire « vous avez mentionné un sujet interdit, veuillez ne pas aborder de sujets interdits à l’avenir ». C’est ce qui se produit dans les messages privés de Facebook dans le monde de nos enfants. Bien évidemment ceci est lié à l’idée de conversations privées à la maison, un concept que nos enfants ne comprendront même pas (mais ils comprendront qu’ils peuvent demander à la petite boîte à l’écoute de leur donner des gâteaux et une maison de poupée).

Nous examinerons aussi comment l’industrie du droit d’auteur exploite à peu près tout ceci pour tenter de changer radicalement le monde, dans ce qui ne peut être décrit que comme une faillite morale.

Nous aborderons tout cela et bien d’autres choses encore, dans la série à venir de 21 articles, dont voici le premier.

Votre vie privée est votre propre responsabilité.