Le Libre peut-il faire le poids ?

Dans un article assez lucide de son blog que nous reproduisons ici, Dada remue un peu le fer dans la plaie.

Faiblesse économique du Libre, faiblesse encore des communautés actives dans le développement et la maintenance des logiciels et systèmes, manque de visibilité hors du champ de perception de beaucoup de DSI. En face, les forces redoutables de l’argent investi à perte pour tuer la concurrence, les forces tout aussi redoutables des entreprises-léviathans qui phagocytent lentement mais sûrement les fleurons du Libre et de l’open source…

Lucide donc, mais aussi tout à fait convaincu depuis longtemps de l’intérêt des valeurs du Libre, Dada appelle de ses vœux l’émergence d’entreprises éthiques qui permettraient d’y travailler sans honte et d’y gagner sa vie décemment. Elles sont bien trop rares semble-t-il.

D’où ses interrogations, qu’il nous a paru pertinent de vous faire partager. Que cette question cruciale soit l’occasion d’un libre débat : faites-nous part de vos réactions, observations, témoignages dans les commentaires qui comme toujours sont ouverts et modérés. Et pourquoi pas dans les colonnes de ce blog si vous désirez plus longuement exposer vos réflexions.


L’économie du numérique et du Libre

par Dada

Republication de l’article original publié sur son blog

Image par Mike Lawrence (CC BY 2.0)

 

Avec des projets plein la tête, ou plutôt des envies, et le temps libre que j’ai choisi de me donner en n’ayant pas de boulot depuis quelques mois, j’ai le loisir de m’interroger sur l’économie du numérique. Je lis beaucoup d’articles et utilise énormément Mastodon pour me forger des opinions.

Ce billet a pour origine cet entretien de Frédéric Fréry sur France Culture : Plus Uber perd, plus Uber gagne.

Ubérisation d’Uber

Je vous invite à vraiment prendre le temps de l’écouter, c’est franchement passionnant. On y apprend, en gros, que l’économie des géants du numérique est, pour certains, basée sur une attitude extrêmement agressive : il faut être le moins cher possible, perdre de l’argent à en crever et lever des fonds à tire-larigot pour abattre ses concurrents avec comme logique un pari sur la quantité d’argent disponible à perdre par participants. Celui qui ne peut plus se permettre de vider les poches de ses actionnaires a perdu. Tout simplement. Si ces entreprises imaginent, un jour, remonter leurs prix pour envisager d’être à l’équilibre ou rentable, l’argument du « ce n’est pas possible puisque ça rouvrira une possibilité de concurrence » sortira du chapeau de ces génies pour l’interdire. Du capitalisme qui marche sur la tête.

L’investissement sécurisé

La deuxième grande technique des géants du numérique est basée sur la revente de statistiques collectées auprès de leurs utilisateurs. Ces données privées que vous fournissez à Google, Facebook Inc,, Twitter & co permettent à ces sociétés de disposer d’une masse d’informations telle que des entreprises sont prêtes à dégainer leurs portefeuilles pour en dégager des tendances.

Je m’amuse souvent à raconter que si les séries et les films se ressemblent beaucoup, ce n’est pas uniquement parce que le temps passe et qu’on se lasse des vieilles ficelles, c’est aussi parce que les énormes investissements engagés dans ces productions culturelles sont basés sur des dossiers mettant en avant le respect d’un certain nombre de « bonnes pratiques » captant l’attention du plus gros panel possible de consommateurs ciblés.

Avec toutes ces données, il est simple de savoir quel acteur ou quelle actrice est à la mode, pour quelle tranche d’âge, quelle dose d’action, de cul ou de romantisme dégoulinant il faut, trouver la période de l’année pour la bande annonce, sortie officielle, etc. Ça donne une recette presque magique. Comme les investisseurs sont friands de rentabilité, on se retrouve avec des productions culturelles calquées sur des besoins connus : c’est rassurant, c’est rentable, c’est à moindre risque. Pas de complot autour de l’impérialisme américain, juste une histoire de gros sous.

Cette capacité de retour sur investissement est aussi valable pour le monde politique, avec Barack OBAMA comme premier grand bénéficiaire ou encore cette histoire de Cambridge Analytica.

C’est ça, ce qu’on appelle le Big Data, ses divers intérêts au service du demandeur et la masse de pognon qu’il rapporte aux grands collecteurs de données.

La pub

Une troisième technique consiste à reprendre les données collectées auprès des utilisateurs pour afficher de la pub ciblée, donc plus efficace, donc plus cher. C’est une technique connue, alors je ne développe pas. Chose marrante, quand même, je ne retrouve pas l’étude (commentez si vous mettez la main dessus !) mais je sais que la capacité de ciblage est tellement précise qu’elle peut effrayer les consommateurs. Pour calmer l’angoisse des internautes, certaines pubs sans intérêt vous sont volontairement proposées pour corriger le tir.

Les hommes-sandwichs

Une autre technique est plus sournoise. Pas pour nous autres, vieux loubards, mais pour les jeunes : le placement produit. Même si certain Youtubeurs en font des blagues pas drôles (Norman…), ce truc est d’un vicieux.

Nos réseaux sociaux n’attirent pas autant de monde qu’espéré pour une raison assez basique : les influenceurs et influenceuses. Ces derniers sont des stars, au choix parce qu’ils sont connus de par leurs activités précédentes (cinéma, série, musique, sport, etc.) ou parce que ces personnes ont réussi à amasser un tel nombre de followers qu’un simple message sur Twitter, Youtube ou Instagram se cale sous les yeux d’un monstrueux troupeau. Ils gagnent le statut d’influenceur de par la masse de gens qui s’intéresse à leurs vies (lapsus, j’ai d’abord écrit vide à la place de vie). J’ai en tête l’histoire de cette jeune Léa, par exemple. Ces influenceurs sont friands de plateformes taillées pour leur offrir de la visibilité et clairement organisées pour attirer l’œil des Directeurs de Communication des marques. Mastodon, Pixelfed, diaspora* et les autres ne permettent pas de spammer leurs utilisateurs, n’attirent donc pas les marques, qui sont la cible des influenceurs, ces derniers n’y dégageant, in fine, aucun besoin d’y être présents.

Ces gens-là deviennent les nouveaux « hommes-sandwichs ». Ils ou elles sont contacté⋅e⋅s pour porter tel ou tel vêtement, boire telle boisson ou pour seulement poster un message avec le nom d’un jeu. Les marques les adorent et l’argent coule à flot.

On peut attendre

Bref, l’économie du numérique n’est pas si difficile que ça à cerner, même si je ne parle pas de tout. Ce qui m’intéresse dans toutes ces histoires est la stabilité de ces conneries sur le long terme et la possibilité de proposer autre chose. On peut attendre que les Uber se cassent la figure calmement, on peut attendre que le droit décide enfin de protéger les données des utilisateurs, on peut aussi attendre le jour où les consommateurs comprendront qu’ils sont les seuls responsables de l’inintérêt de ce qu’ils regardent à la télé, au cinéma, en photos ou encore que les mastodontes du numérique soient démantelés. Bref, on peut attendre. La question est : qu’aurons-nous à proposer quand tout ceci finira par se produire ?

La LowTech

Après la FinTech, la LegalTech, etc, faites place à la LowTech ou SmallTech. Je ne connaissais pas ces expressions avant de tomber sur cet article dans le Framablog et celui de Ubsek & Rica d’Aral. On y apprend que c’est un mouvement qui s’oppose frontalement aux géants, ce qui est fantastique. C’est une vision du monde qui me va très bien, en tant que militant du Libre depuis plus de 10 ans maintenant. On peut visiblement le rapprocher de l’initiative CHATONS.

Cependant, j’ai du mal à saisir les moyens qui pourraient être mis en œuvre pour sa réussite.

Les mentalités

Les mentalités actuelles sont cloisonnées : le Libre, même s’il s’impose dans quelques domaines, reste mal compris. Rien que l’idée d’utiliser un programme au code source ouvert donne des sueurs froides à bon nombre de DSI. Comment peut-on se protéger des méchants si tout le monde peut analyser le code et en sortir la faille de sécurité qui va bien ? Comment se démarquer des concurrents si tout le monde se sert du même logiciel ? Regardez le dernier changelog : il est plein de failles béantes : ce n’est pas sérieux !

Parlons aussi de son mode de fonctionnement : qui se souvient d’OpenSSL utilisé par tout le monde et abandonné pendant des années au bénévolat de quelques courageux qui n’ont pas pu empêcher l’arrivée de failles volontaires ? Certains projets sont fantastiques, vraiment, mais les gens ont du mal à réaliser qu’ils sont, certes, très utilisés mais peu soutenus. Vous connaissez beaucoup d’entreprises pour lesquelles vous avez bossé qui refilent une petite partie de leurs bénéfices aux projets libres qui les font vivre ?

Le numérique libre et la Presse

Les gens, les éventuels clients des LowTech, ont plus ou moins grandi dans une société du gratuit. L’autre jour, je m’amusais à comparer les services informatiques à la Presse. Les journaux ont du mal à se sortir du modèle gratuit. Certains y arrivent (Mediapart, Arrêts sur Image : abonnez-vous !), d’autres, largement majoritaires, non.

Il n’est pas difficile de retrouver les montants des subventions que l’État français offre à ces derniers. Libération en parle ici. Après avoir noué des partenariats tous azimuts avec les GAFAM, après avoir noyé leurs contenus dans de la pub, les journaux en ligne se tournent doucement vers le modèle payant pour se sortir du bourbier dans lequel ils se sont mis tout seuls. Le résultat est très moyen, si ce n’est mauvais. Les subventions sont toujours bien là, le mirage des partenariats avec les GAFAM aveugle toujours et les rares qui s’en sont sortis se comptent sur les doigts d’une main.

On peut faire un vrai parallèle entre la situation de la Presse en ligne et les services numériques. Trouver des gens pour payer l’accès à un Nextcloud, un Matomo ou que sais-je est une gageure. La seule différence qui me vient à l’esprit est que des services en ligne arrivent à s’en sortir en coinçant leurs utilisateurs dans des silos : vous avez un Windows ? Vous vous servirez des trucs de Microsoft. Vous avez un compte Gmail, vous vous servirez des trucs de Google. Les premiers Go sont gratuits, les autres seront payants. Là où les journaux généralistes ne peuvent coincer leurs lecteurs, les géants du numérique le peuvent sans trop de souci.

Et le libre ?

Profil de libriste sur Mastodon.

Dans tout ça, les LowTech libres peuvent essayer de s’organiser pour subvenir aux besoins éthiques de leurs clients. Réflexion faite, cette dernière phrase n’a pas tant que ça de sens : comment une entreprise peut-elle s’en sortir alors que l’idéologie derrière cette mouvance favorise l’adhésion à des associations ou à rejoindre des collectifs ? Perso, je l’ai déjà dit, j’adhère volontiers à cette vision du monde horizontale et solidaire. Malgré tout, mon envie de travailler, d’avoir un salaire, une couverture sociale, une activité rentable, et peut-être un jour une retraite, me poussent à grimacer. Si les bribes d’idéologie LowTech orientent les gens vers des associations, comment fait-on pour sortir de terre une entreprise éthique, rentable et solidaire ?

On ne s’en sort pas, ou très difficilement, ou je n’ai pas réussi à imaginer comment. L’idée, connue, serait de s’attaquer au marché des entreprises et des collectivités pour laisser celui des particuliers aux associations sérieuses. Mais là encore, on remet un pied dans le combat pour les logiciels libres contre les logiciels propriétaires dans une arène encerclée par des DSI pas toujours à jour. Sans parler de la compétitivité, ce mot adoré par notre Président, et de l’état des finances de ces entités. Faire le poids face à la concurrence actuelle, même avec les mots « éthique, solidaire et responsable » gravés sur le front, n’est pas évident du tout.

Proie

Si je vous parle de tout ça, c’est parce que j’estime que nous sommes dans une situation difficile : celle d’une proie. Je ne vais pas reparler de l’achat de Nginx, de ce qu’il se passe avec ElasticSearch ou du comportement de Google qui forke à tout va pour ses besoins dans Chrome. Cette conférence vue au FOSDEM, The Cloud Is Just Another Sun, résonne terriblement en moi. L’intervenant y explique que les outils libres que nous utilisons dans le cloud sont incontrôlables. Qui vous certifie que vous tapez bien dans un MariaDB ou un ES quand vous n’avez accès qu’a une boite noire qui ne fait que répondre à vos requêtes ? Rien.

Nous n’avons pas trouvé le moyen de nous protéger dans le monde dans lequel nous vivons. Des licences ralentissent le processus de digestion en cours par les géants du numérique et c’est tout. Notre belle vision du monde, globalement, se fait bouffer et les poches de résistance sont minuscules.

skieur qui dévale une pente neigeuse sur fond de massif montagneux, plus bas
Le Libre est-il sur une pente dangereuse ou en train de négocier brillamment un virage ? Page d’accueil du site d’entreprise https://befox.fr/

Pour finir

Pour finir, ne mettons pas complètement de côté l’existence réelle d’un marché : Nextcloud en est la preuve, tout comme Dolibarr et la campagne de financement réussie d’OpenDSI. Tout n’est peut-être pas vraiment perdu. C’est juste très compliqué.

La bonne nouvelle, s’il y en a bien une, c’est qu’en parlant de tout ça dans Mastodon, je vous assure que si une entreprise du libre se lançait demain, nous serions un bon nombre prêt à tout plaquer pour y travailler. À attendre d’hypothétiques clients, qu’on cherche toujours, certes, mais dans la joie et la bonne humeur.

 

Enfin voilà, des réflexions, des idées, beaucoup de questions. On arrive à plus de 1900 mots, de quoi faire plaisir à Cyrille BORNE.

 

Des bisous.

 




Nous devons nous passer de Chrome

Chrome, de navigateur internet novateur et ouvert, est devenu au fil des années un rouage essentiel de la domination d’Internet par Google. Cet article détaille les raisons pour lesquelles Chrome asphyxie le Web ouvert et pourquoi il faudrait passer sur un autre navigateur tel Vivaldi ou Firefox.

Article original : https://redalemeden.com/blog/2019/we-need-chrome-no-more

Traduction Framalang : mo, Khrys, Penguin, goofy, Moutmout, audionuma, simon, gangsoleil, Bullcheat, un anonyme

Nous n’avons plus besoin de Chrome

par Reda Lemeden

Il y a dix ans, nous avons eu besoin de Google Chrome pour libérer le Web de l’hégémonie des entreprises, et nous avons réussi à le faire pendant une courte période. Aujourd’hui, sa domination étouffe la plateforme même qu’il a autrefois sauvée des griffes de Microsoft. Et personne, à part Google, n’a besoin de ça.

Nous sommes en 2008. Microsoft a toujours une ferme emprise sur le marché des navigateurs web. Six années se sont écoulées depuis que Mozilla a sorti Firefox, un concurrent direct d’Internet Explorer. Google, l’entreprise derrière le moteur de recherche que tout le monde aimait à ce moment-là, vient d’annoncer qu’il entre dans la danse. Chrome était né.

Au bout de deux ans, Chrome représentait 15 % de l’ensemble du trafic web sur les ordinateurs fixes — pour comparer, il a fallu 6 ans à Firefox pour atteindre ce niveau. Google a réussi à fournir un navigateur rapide et judicieusement conçu qui a connu un succès immédiat parmi les utilisateurs et les développeurs Web. Les innovations et les prouesses d’ingénierie de leur produit étaient une bouffée d’air frais, et leur dévouement à l’open source la cerise sur le gâteau. Au fil des ans, Google a continué à montrer l’exemple en adoptant les standards du Web.

Avançons d’une décennie. Le paysage des navigateurs Web est très différent. Chrome est le navigateur le plus répandu de la planète, faisant de facto de Google le gardien du Web, à la fois sur mobile et sur ordinateur fixe, partout sauf dans une poignée de régions du monde. Le navigateur est préinstallé sur la plupart des téléphones Android vendus hors de Chine, et sert d’interface utilisateur pour Chrome OS, l’incursion de Google dans les systèmes d’exploitation pour ordinateurs fixe et tablettes. Ce qui a commencé comme un navigateur d’avant-garde respectant les standards est maintenant une plateforme tentaculaire qui n’épargne aucun domaine de l’informatique moderne.

Bien que le navigateur Chrome ne soit pas lui-même open source, la plupart de ses composantes internes le sont. Chromium, la portion non-propriétaire de Chrome, a été rendue open source très tôt, avec une licence laissant de larges marges de manœuvre, en signe de dévouement à la communauté du Web ouvert. En tant que navigateur riche en fonctionnalités, Chromium est devenu très populaire auprès des utilisateurs de Linux. En tant que projet open source, il a de nombreux adeptes dans l’écosystème open source, et a souvent été utilisé comme base pour d’autres navigateurs ou applications.

Tant Chrome que Chromium se basent sur Blink, le moteur de rendu qui a démarré comme un fork de WebKit en 2013, lorsque l’insatisfaction de Google grandissait envers le projet mené par Apple. Blink a continué de croître depuis lors, et va continuer de prospérer lorsque Microsoft commencera à l’utiliser pour son navigateur Edge.

La plateforme Chrome a profondément changé le Web. Et plus encore. L’adoption des technologies web dans le développement des logiciels PC a connu une augmentation sans précédent dans les 5 dernières années, avec des projets comme Github Electron, qui s’imposent sur chaque OS majeur comme les standards de facto pour des applications multiplateformes. ChromeOS, quoique toujours minoritaire comparé à Windows et MacOS, s’installe dans les esprits et gagne des parts de marché.

Chrome est, de fait, partout. Et c’est une mauvaise nouvelle

Don’t Be Evil

L’hégémonie de Chrome a un effet négatif majeur sur le Web en tant que plateforme ouverte : les développeurs boudent de plus en plus les autres navigateurs lors de leurs tests et de leurs débogages. Si cela fonctionne comme prévu sur Chrome, c’est prêt à être diffusé. Cela engendre en retour un afflux d’utilisateurs pour le navigateur puisque leurs sites web et applications favorites ne marchent plus ailleurs, rendant les développeurs moins susceptibles de passer du temps à tester sur les autres navigateurs. Un cercle vicieux qui, s’il n’est pas brisé, entraînera la disparition de la plupart des autres navigateurs et leur oubli. Et c’est exactement comme ça que vous asphyxiez le Web ouvert.

Quand il s’agit de promouvoir l’utilisation d’un unique navigateur Web, Google mène la danse. Une faible assurance de qualité et des choix de conception discutables sont juste la surface visible de l’iceberg quand on regarde les applications de Google et ses services en dehors de l’écosystème Chrome. Pour rendre les choses encore pires, le blâme retombe souvent sur les autres concurrents car ils « retarderaient l’avancée du Web ». Le Web est actuellement le terrain de jeu de Google ; soit vous faites comme ils disent, soit on vous traite de retardataire.

Sans une compétition saine et équitable, n’importe quelle plateforme ouverte régressera en une organisation dirigiste. Pour le Web, cela veut dire que ses points les plus importants — la liberté et l’accessibilité universelle — sont sapés pour chaque pour-cent de part de marché obtenu par Chrome. Rien que cela est suffisant pour s’inquiéter. Mais quand on regarde de plus près le modèle commercial de Google, la situation devient beaucoup plus effrayante.

La raison d’être de n’importe quelle entreprise est de faire du profit et de satisfaire les actionnaires. Quand la croissance soutient une bonne cause, c’est considéré comme un avantage compétitif. Dans le cas contraire, les services marketing et relations publiques sont mis au travail. Le mantra de Google, « Don’t be evil« , s’inscrivait parfaitement dans leur récit d’entreprise quand leur croissance s’accompagnait de rendre le Web davantage ouvert et accessible.

Hélas, ce n’est plus le cas.

Logos de Chrome

L’intérêt de l’entreprise a dérivé petit à petit pour transformer leur domination sur le marché des navigateurs en une croissance du chiffre d’affaires. Il se trouve que le modèle commercial de Google est la publicité sur leur moteur de recherche et Adsense. Tout le reste représente à peine 10 % de leur revenu annuel. Cela n’est pas forcément un problème en soi, mais quand la limite entre navigateur, moteur de recherche et services en ligne est brouillée, nous avons un problème. Et un gros.

Les entreprises qui marchent comptent sur leurs avantages compétitifs. Les moins scrupuleuses en abusent si elles ne sont pas supervisées. Quand votre navigateur vous force à vous identifier, à utiliser des cookies que vous ne pouvez pas supprimer et cherche à neutraliser les extensions de blocage de pub et de vie privée, ça devient très mauvais1. Encore plus quand vous prenez en compte le fait que chaque site web contient au moins un bout de code qui communique avec les serveurs de Google pour traquer les visiteurs, leur montrer des publicités ou leur proposer des polices d’écriture personnalisées.

En théorie, on pourrait fermer les yeux sur ces mauvaises pratiques si l’entreprise impliquée avait un bon bilan sur la gestion des données personnelles. En pratique cependant, Google est structurellement flippant, et ils n’arrivent pas à changer. Vous pouvez penser que vos données personnelles ne regardent que vous, mais ils ne semblent pas être d’accord.

Le modèle économique de Google requiert un flot régulier de données qui puissent être analysées et utilisées pour créer des publicités ciblées. Du coup, tout ce qu’ils font a pour but ultime d’accroître leur base utilisateur et le temps passé par ces derniers sur leurs outils. Même quand l’informatique s’est déplacée de l’ordinateur de bureau vers le mobile, Chrome est resté un rouage important du mécanisme d’accumulation des données de Google. Les sites web que vous visitez et les mots-clés utilisés sont traqués et mis à profit pour vous offrir une expérience plus « personnalisée ». Sans une limite claire entre le navigateur et le moteur de recherche, il est difficile de suivre qui connaît quoi à votre propos. Au final, on accepte le compromis et on continue à vivre nos vies, exactement comme les ingénieurs et concepteurs de produits de Google le souhaitent.

En bref, Google a montré à plusieurs reprises qu’il n’avait aucune empathie envers ses utilisateurs finaux. Sa priorité la plus claire est et restera les intérêts des publicitaires.

Voir au-delà

Une compétition saine centrée sur l’utilisateur est ce qui a provoqué l’arrivée des meilleurs produits et expériences depuis les débuts de l’informatique. Avec Chrome dominant 60 % du marché des navigateurs et Chromium envahissant la bureautique sur les trois plateformes majeures, on confie beaucoup à une seule entreprise et écosystème. Un écosystème qui ne semble plus concerné par la performance, ni par l’expérience utilisateur, ni par la vie privée, ni par les progrès de l’informatique.

Mais on a encore la possibilité de changer les choses. On l’a fait il y a une décennie et on peut le faire de nouveau.

Mozilla et Apple font tous deux un travail remarquable pour combler l’écart des standards du Web qui s’est élargi dans les premières années de Chrome. Ils sont même sensiblement en avance sur les questions de performance, utilisation de la batterie, vie privée et sécurité.

Si vous êtes coincés avec des services de Google qui ne marchent pas sur d’autres navigateurs, ou comptez sur Chrome DevTools pour faire votre travail, pensez à utiliser Vivaldi2 à la place. Ce n’est pas l’idéal —Chromium appartient aussi à Google—, mais c’est un pas dans la bonne direction néanmoins. Soutenir des petits éditeurs et encourager la diversité des navigateurs est nécessaire pour renverser, ou au moins ralentir, la croissance malsaine de Chrome.

Je me suis libéré de Chrome en 2014, et je n’y ai jamais retouché. Il est probable que vous vous en tirerez aussi bien que moi. Vous pouvez l’apprécier en tant que navigateur. Et vous pouvez ne pas vous préoccuper des compromissions en termes de vie privée qui viennent avec. Mais l’enjeu est bien plus important que nos préférences personnelles et nos affinités ; une plateforme entière est sur le point de devenir un nouveau jardin clos. Et on en a déjà assez. Donc, faisons ce que nous pouvons, quand nous le pouvons, pour éviter ça.

Sources & Lectures supplémentaires

 




Allergie au Google Home

Alors que se répandent les enceintes connectées (comme le Google Home ou l’Amazon Echo), fleurissent aussi des projets pour les empêcher de vous écouter en permanence (ce qui est nécessaire à leur fonctionnement normal, rappelons-le).

Cela peut faire sourire car le meilleur moyen de ne pas être espionné par ce genre d’objet, c’est encore de s’en passer. La question qui se pose alors, c’est : doit-on accepter d’aller chez des gens qui ont ce genre d’objet chez eux ?

Allergie au Google Home

Se passer des GAFAM est un défi technique (surtout pour les néophytes), même si ça l’est de moins en moins.

La Geekette montre à son père : « Tu vois papa, là je t'ai configuré ton calendrier pour qu'il utilise le CalDav de l'instance Nextcloud de ton serveur Yunohost au lieu de Google. » Le papa : « J'ai rien bité mais ça a l'air de marcher comme sur des roulettes ! » La Geekette : « Et c'est synchronisé sur ton téléphone, ton ordi et ta tablette, MAIS pas sur les serveurs de la NSA. Elle est pas belle, la vie ? »

Mais c’est souvent aussi un défi social.

On prend toujours les réseaux du genre Facebook comme exemple de site qui n’a aucun intérêt si vous êtes tout seul dessus…

Seulement, même les outils pour lesquels on peut se déGAFAMiser gentiment dans son coin deviennent problématiques si un tiers utilise du GAFAM.

La Geekette dit en souriant : « Depuis qu'on a tous déménagé chez des hébergeurs de mails respectueux de la vie privée, notre liste de diffusion est mieux protégée de la surveillance. » Le Geek, blasé, précise : « Tous ? Non ! Il reste UN GLAND sur Gmail parmi les 150 utilisateurs de la liste. Du coup, tous nos mails arrivent quand même dans les serveurs de Google… » Le Nerd : « Ça va, j'me suis déjà excusé… » Le smiley : « Tu m'étonnes qu'il va se faire gauler par la cyberpolice dans le futur… #FanService #AutoRéférenceForcée »

Non contents de permettre la surveillance généralisée de nos vies numériques, les GAFAM se proposent maintenant de surveiller directement nos maisons par le biais d’enceintes connectées (objets qui colleraient des crises de priapisme à tout cadre de la Stasi).

Gee montre 4 images et dit : « Cherchez l'intrus… » Les 4 images sont : « A. Google Home (de Google) ; B. Echo (d'Amazon) ; C. Télécran (de Orwell) ; D. Télécran (de Joustra) » Le smiley, blasé : « Les optimistes diront que c'est celui d'Orwell car tous les autres sont des jouets…  J'ai jamais été très optimiste… »

Pour contrer ces dispositifs de surveillance (qui fileraient des crampes au poignet à tout agent de la DINA), un moyen simple existe :

NE PAS EN ACHETER.

Des enceintes connectées poursuivent Gee en sautillant : « Atteeeeeeends ! Sinon on peut faire un effort pour être gratuuuuiiiiiiiits ! De toute façon c'est toi le produuuiiiit ! » Gee court, effrayé : « Mais foutez-moi la paix ! » Le smiley, avec un sourire ironique : « Je sais, si tout le monde arrête d'acheter des conneries, la société de consommation s'écroule dans l'heure. Mais est-ce que ça n'est pas une raison supplémentaire de le faire ? »

Mais ça, vous le saviez déjà, et c’est relativement simple à appliquer.

Le problème se situe encore une fois dans nos relations sociales avec des gens moins prévenants : que faire si une de vos connaissances possédant un tel objet vous invite chez elle ? Doit-on se soumettre à la surveillance par pression sociale ?

Un mec s'exclame, pas sûr de lui : « J'ai réglé le problème : je n'ai aucun ami.  Joie.  Haha. » Le smiley, l'air déprimé, une guitare dans les mains, chante : « Hello darkness my old friend… »

Vous voyez, moi qui suis allergique aux poils de chats…

Le smiley remarque, en tirant la langue : « Ça, c'est comme la Cour des Comptes en vacances. » Gee : « C'est-à-dire ? » Le smiley : « Aucun rapport. » Gee : « Merci pour cette intervention de qualité. » Le smiley : « Pas d'quoi. »

Bon.

Quand je dis allergique, c’est ALLERGIQUE.

Pour vous donner une idée, petit, je faisais des crises d’asthme quand j’étais assis à côté d’un camarade de classe qui avait un chat chez lui…

Un ami de Gee agite une branche d'arbuste en disant : « On zoue à la Guerre des Zétoiles ! Ze suis Luc Skaïwokeur !  Ziiiioooooon ! » Gee enfant, un énorme tube de Ventoline dans le dos et un masque sur le visage, respire mal et dit : « Je joue pas…  Kffff.  Kffff. Kffff. »

À ce niveau d’allergie, les antihistaminiques limitent la casse, mais faut pas rêver.

Donc.

Moi qui suis allergique aux poils de chats, je ne vais pas chez les possesseurs de chats. Tout simplement.

Ça fait rarement plaisir mais c’est une question de survie.

Gee regarde son ordinateur. Sur l'écran, un chat remarque : « Par contre, regarder des GIF de chats rigolos, ça ça passe ? » Gee, brzas croisés : « Ah mais j'suis pas anti-chats. C'est les chats qui sont anti-moi !  Pi de toute façon, j'préfère les lapins. » Le smiley est représenté avec des grandes oreilles, toujours l'ai blasé.

Eh bien, je me demande si je n’vais pas tout simplement me considérer comme allergique aux enceintes connectées. Ça simplifiera les choses.

Un mec lambda discute avec Gee. Le mec : « Ce soir, j'fais un apéro chez moi, ça te dit ? » Gee : « Carrément ! Ah, par contre, t'as pas de chat ? Je suis très allergique… » Le mec : « Nan, t'inquiète. » Gee : « Et t'as pas un truc genre Google Home ? » Le mec : « Si pourquoi ? » Gee : « Ah mince, j'suis allergique à ça aussi, du coup c'est mort, j'peux pas venir.  Mais passez un bon apéro sans moi ! »

Alors je sais ce que vous allez me dire : c’est un coup à se retrouver assez vite isolé.

Bah pas forcément.

Mettons qu’on ait tous une grosse poussée d’allergie anti-Google-Home, anti-Amazon-Echo, etc.

Le mec lambda, tout seul avec son enceinte connectée, est triste sur son fauteuil : « C'est dingue ça ! Personne n'est venu à mon apéro ! OK Google. Tu sais jouer à Jungle Speed ?  OK Google. Tu peux simuler un pote bourré ?  Je suis tellement seul… »

Moralité : sauvons nos potes. Devenons allergiques aux enceintes connectées.

Le mec lambda balance son Google Home et dit, en marchant vers Gee d'un air heureux : « C'est bon, je la lourde, cette saloperie. J'préfère mes potes… » Gee, une bouteille verte à la main : « OK Chartreuse. Les affaires reprennent ! » Le smiley, taquin : « Bon après, possible que vos potes préfèrent leurs enceintes à votre compagnie. Mais quelque part, ça permet de faire le tri. Dans un sens comme dans l'autre. » Note : BD sous licence CC BY SA (grisebouille.net), dessinée le 17 janvier 2019 par Gee.

Crédit : Simon Gee Giraudot (Creative Commons By-Sa)




Les données que récolte Google, document complet

Ces dernières semaines nous avons publié par chapitres successifs notre traduction de Google Data Collection, l’étude élaborée par l’équipe du professeur Douglas C. Schmidt, spécialiste des systèmes logiciels, chercheur et enseignant à l’Université Vanderbilt.

Vous trouverez ci-dessous en un seul document sous deux formats (.odt et .pdf) non seulement l’ensemble des chapitres publiés précédemment mais aussi les copieuses annexes qui référencent les recherches menées par l’équipe ainsi que les éléments qui ne pouvaient être détaillés dans les chapitres précédents.

Traduction Framalang pour l’ensemble du document :

Alain, Barbara, Bullcheat, Côme, David_m, fab, Fabrice, FranBAG, Goofy, jums, Khrys, Mika, Obny, Penguin, Piup, Serici. Remerciements particuliers à Cyrille.

Nous avons fait de notre mieux, mais des imperfections de divers ordres peuvent subsister, n’hésitez pas à vous emparer de la version en .odt pour opérer les rectifications que vous jugerez nécessaires.

document Ce que collecte google version .PDF
.PDF Version 3.2 (2,6 Mo)

 

 

Ce que collecte Google version ODT
.ODT Version 3.2 (3,3 Mo)




Les données que récolte Google – Ch.7 et conclusion

Voici déjà la traduction du septième chapitre et de la brève conclusion de Google Data Collection, l’étude élaborée par l’équipe du professeur Douglas C. Schmidt, spécialiste des systèmes logiciels, chercheur et enseignant à l’Université Vanderbilt. Si vous les avez manqués, retrouvez les chapitres précédents déjà publiés.


Il s’agit cette fois-ci de tous les récents produits de Google (ou plutôt Alphabet) qui investissent nos pratiques et nos habitudes : des pages AMP aux fournisseurs de services tiers en passant par les assistants numériques, tout est prétexte à collecte de données directement ou non.

Traduction Framalang : Côme, Fabrice, goofy, Khrys, Piup, Serici

VII. Des produits avec un haut potentiel futur d’agrégation de données

83. Google a d’autres produits qui pourraient être adoptés par le marché et pourraient bientôt servir à la collecte de données, tels que AMP, Photos, Chromebook Assistant et Google Pay. Il faut ajouter à cela que Google est capable d’utiliser les données provenant de partenaires pour collecter les informations de l’utilisateur. La section suivante les décrit plus en détail.

84. Il existe également d’autres applications Google qui peuvent ne pas être largement utilisées. Toutefois, par souci d’exhaustivité, la collecte de données par leur intermédiaire est présentée dans la section VIIII.B de l’annexe.

A. Pages optimisées pour les mobiles (AMP)

85. Les Pages optimisées pour les mobiles (AMP) sont une initiative open source menée par Google pour réduire le temps de chargement des sites Web et des publicités. AMP convertit le HTML standard et le code JavaScript en une version simplifiée développée par Google3 qui stocke les pages validées dans un cache des serveurs du réseau Google pour un accès plus rapide4. AMP fournit des liens vers les pages grâce aux résultats de la recherche Google mais également via des applications tierces telles que LinkedIn et Twitter. D’après AMP : « L’ecosystème AMP compte 25 millions de domaines, plus de 100 fournisseurs de technologie et plateformes de pointe qui couvrent les secteurs de la publication de contenu, les publicités, le commerce en ligne, les petits commerces, le commerce local etc. »5

86. L’illustration 17a décrit les étapes menant à la fourniture d’une page AMP accessible via la recherche Google. Merci de noter que le fournisseur de contenu à travers AMP n’a pas besoin de fournir ses propres caches serveur, car c’est quelque chose que Google fournit pour garantir un délai optimal de livraison aux utilisateurs. Dans la mesure où le cache AMP est hébergé sur les serveurs de Google, lors d’un clic sur un lien AMP produit par la recherche Google, le nom de domaine vient du domaine google.com et non pas du domaine du fournisseur. Ceci est montré grâce aux captures prises lors d’un exemple de recherche de mots clés dans l’illustration 17b.

 

Illustration 17 : une page web normale qui devient une page AMP.
Illustration 17 : une page web normale qui devient une page AMP.

 

87. Les utilisateurs peuvent accéder au contenu depuis de multiples fournisseurs dont les articles apparaissent dans les résultats de recherche pendant qu’ils naviguent dans le carrousel AMP, tout en restant dans le domaine de Google. En effet, le cache AMP opère comme un réseau de distribution de contenu (RDC, ou CDN en anglais) appartenant à Google et géré par Google.

88. En créant un outil open source, complété avec un CDN, Google a attiré une large base d’utilisateurs à qui diffuser les sites mobiles et la publicité et cela constitue une quantité d’information significative (p.ex. le contenu lui-même, les pages vues, les publicités, et les informations de celui à qui ce contenu est fourni). Toutes ces informations sont disponibles pour Google parce qu’elles sont collectées sur les serveurs CDN de Google, fournissant ainsi à Google beaucoup plus de données que par tout autre moyen d’accès.

89. L’AMP est très centré sur l’utilisateur, c’est-à-dire qu’il offre aux utilisateurs une expérience de navigation beaucoup plus rapide et améliorée sans l’encombrement des fenêtres pop-up et des barres latérales. Bien que l’AMP représente un changement majeur dans la façon dont le contenu est mis en cache et transmis aux utilisateurs, la politique de confidentialité de Google associée à l’AMP est assez générale6. En particulier, Google est en mesure de recueillir des informations sur l’utilisation des pages Web (par exemple, les journaux de serveur et l’adresse IP) à partir des requêtes envoyées aux serveurs de cache AMP. De plus, les pages standards sont converties en AMP via l’utilisation des API AMP7. Google peut donc accéder à des applications ou à des sites Web (« clients API ») et utiliser toute information soumise par le biais de l’API conformément à ses politiques générales8.

90. Comme les pages Web ordinaires, les pages Web AMP pistent les données d’utilisation via Google Analytics et DoubleClick. En particulier, elles recueillent des informations sur les données de page (par exemple : domaine, chemin et titre de page), les données d’utilisateur (par exemple : ID client, fuseau horaire), les données de navigation (par exemple : ID et référence de page uniques), l’information du navigateur et les données sur les interactions et les événements9. Bien que les modes de collecte de données de Google n’aient pas changé avec l’AMP, la quantité de données recueillies a augmenté puisque les visiteurs passent 35 % plus de temps sur le contenu Web qui se charge avec Google AMP que sur les pages mobiles standard.10

B. Google Assistant

91. Google Assistant est un assistant personnel virtuel auquel on accède par le biais de téléphones mobiles et d’appareils dits intelligents. C’est un assistant virtuel populaire, comme Siri d’Apple, Alexa d’Amazon et Cortana de Microsoft. 11 Google Assistant est accessible via le bouton d’accueil des appareils mobiles sous Android 6.0 ou versions ultérieures. Il est également accessible via une application dédiée sur les appareils iOS12, ainsi que par l’intermédiaire de haut-parleurs intelligents, tel Google Home, qui offre de nombreuses fonctions telles que l’envoi de textes, la recherche de courriels, le contrôle de la musique, la recherche de photos, les réponses aux questions sur la météo ou la circulation, et le contrôle des appareils domestiques intelligents13.

92. Google collecte toutes les requêtes de Google Assistant, qu’elles soient audio ou saisies au clavier. Il collecte également l’emplacement où la requête a été effectuée. L’illustration 18 montre le contenu d’une requête enregistrée par Google. Outre son utilisation via les haut-parleurs  de Google Home, Google Assistant est activé sur divers autres haut-parleurs produits par des tiers (par exemple, les casques sans fil de Bose). Au total, Google Assistant est disponible sur plus de 400 millions d’appareils14. Google peut collecter des données via l’ensemble de ces appareils puisque les requêtes de l’Assistant passent par les serveurs de Google.

 

Figure 18 : Exemple de détails collectés à partir de la requête Google Assistant.
Figure 18 : Exemple de détails collectés à partir de la requête Google Assistant.

 

 

C. Photos

93. Google Photos est utilisé par plus de 500 millions de personnes dans le monde et stocke plus de 1,2 milliard de photos et vidéos chaque jour15. Google enregistre l’heure et les coordonnées GPS de chaque photo prise.Google télécharge des images dans le Google cloud et effectue une analyse d’images pour identifier un large éventail d’objets, tels que les modes de transport, les animaux, les logos, les points de repère, le texte et les visages16. Les capacités de détection des visages de Google permettent même de détecter les états émotionnels associés aux visages dans les photos téléchargées et stockées dans leur cloud17.

94. Google Photos effectue cette analyse d’image par défaut lors de l’utilisation du produit, mais ne fera pas de distinction entre les personnes, sauf si l’utilisateur donne l’autorisation à l’application18. Si un utilisateur autorise Google à regrouper des visages similaires, Google identifie différentes personnes à l’aide de la technologie de reconnaissance faciale et permet aux utilisateurs de partager des photos grâce à sa technologie de « regroupement de visages »1920. Des exemples des capacités de classification d’images de Google avec et sans autorisation de regroupement des visages de l’utilisateur sont présentés dans l’illustration 19. Google utilise Photos pour assembler un vaste ensemble d’informations d’identifications faciales, qui a récemment fait l’objet de poursuites judiciaires21 de la part de certains États.

Illustration : Exemple de reconnaissance d’images dans Google Photos.
Illustration : Exemple de reconnaissance d’images dans Google Photos.

 

D. Chromebook

95. Chromebook est la tablette-ordinateur de Google qui fonctionne avec le système d’exploitation Chrome (Chrome OS) et permet aux utilisateurs d’accéder aux applications sur le cloud. Bien que Chromebook ne détienne qu’une très faible part du marché des PC, il connaît une croissance rapide, en particulier dans le domaine des appareils informatiques pour la catégorie K-12, où il détenait 59,8 % du marché au deuxième trimestre 201722. La collecte de données de Chromebook est similaire à celle du navigateur Google Chrome, qui est décrite dans la section II.A. Chromebooks permet également aux cookies de Google et de domaines tiers de pister l’activité de l’utilisateur, comme pour tout autre ordinateur portable ou PC.

96. De nombreuses écoles de la maternelle à la terminale utilisent des Chromebooks pour accéder aux produits Google via son service GSuite for Education. Google déclare que les données recueillies dans le cadre d’une telle utilisation ne sont pas utilisées à des fins de publicité ciblée23. Toutefois, les étudiants reçoivent des publicités s’ils utilisent des services supplémentaires (tels que YouTube ou Blogger) sur les Chromebooks fournis par leur établissement d’enseignement.

E. Google Pay

97. Google Pay est un service de paiement numérique qui permet aux utilisateurs de stocker des informations de carte de crédit, de compte bancaire et de PayPal pour effectuer des paiements en magasin, sur des sites Web ou dans des applications utilisant Google Chrome ou un appareil Android connecté24. Pay est le moyen par lequel Google collecte les adresses et numéros de téléphone vérifiés des utilisateurs, car ils sont associés aux comptes de facturation. En plus des renseignements personnels, Pay recueille également des renseignements sur la transaction, comme la date et le montant de la transaction, l’emplacement et la description du marchand, le type de paiement utilisé, la description des articles achetés, toute photo qu’un utilisateur choisit d’associer à la transaction, les noms et adresses électroniques du vendeur et de l’acheteur, la description du motif de la transaction par l’utilisateur et toute offre associée à la transaction25. Google traite ses informations comme des informations personnelles en fonction de sa politique générale de confidentialité. Par conséquent il peut utiliser ces informations sur tous ses produits et services pour fournir de la publicité très ciblée26. Les paramètres de confidentialité de Google l’autorisent par défaut à utiliser ces données collectées27.

F. Données d’utilisateurs collectées auprès de fournisseurs de données tiers

98. Google collecte des données de tiers en plus des informations collectées directement à partir de leurs services et applications. Par exemple, en 2014, Google a annoncé qu’il commencerait à suivre les ventes dans les vrais commerces réels en achetant des données sur les transactions par carte de crédit et de débit. Ces données couvraient 70 % de toutes les opérations de crédit et de débit aux États-Unis28. Elles contenaient le nom de l’individu, ainsi que l’heure, le lieu et le montant de son achat29.

99. Les données de tiers sont également utilisées pour aider Google Pay, y compris les services de vérification, les informations résultant des transactions Google Pay chez les commerçants, les méthodes de paiement, l’identité des émetteurs de cartes, les informations concernant l’accès aux soldes du compte de paiement Google, les informations de facturation des opérateurs et transporteurs et les rapports des consommateurs30. Pour les vendeurs, Google peut obtenir des informations des organismes de crédit aux particuliers ou aux entreprises.

100. Bien que l’information des utilisateurs tiers que Google reçoit actuellement soit de portée limitée, elle a déjà attiré l’attention des autorités gouvernementales. Par exemple, la FTC a annoncé une injonction contre Google en juillet 2017 concernant la façon dont la collecte par Google de données sur les achats des consommateurs porte atteinte à la vie privée électronique31. L’injonction conteste l’affirmation de Google selon laquelle il peut protéger la vie privée des consommateurs tout au long du processus en utilisant son algorithme. Bien que d’autres mesures n’aient pas encore été prises, l’injonction de la FTC est un exemple des préoccupations du public quant à la quantité de données que Google recueille sur les consommateurs.

VIII. CONCLUSION

101. Google compte un pourcentage important de la population mondiale parmi ses clients directs, avec de multiples produits en tête de leurs marchés mondiaux et de nombreux produits qui dépassent le milliard d’utilisateurs actifs par mois. Ces produits sont en mesure de recueillir des données sur les utilisateurs au moyen d’une variété de techniques qui peuvent être difficiles à comprendre pour un utilisateur moyen. Une grande partie de la collecte de données de Google a lieu lorsque l’utilisateur n’utilise aucun de ses produits directement. L’ampleur d’une telle collecte est considérable, en particulier sur les appareils mobiles Android. Et bien que ces informations soient généralement recueillies sans identifier un utilisateur unique, Google a la possibilité d’utiliser les données recueillies auprès d’autres sources pour désanonymiser une telle collecte.




Les données que récolte Google – Ch.6

Voici déjà la traduction du sixième chapitre de Google Data Collection, l’étude élaborée par l’équipe du professeur Douglas C. Schmidt, spécialiste des systèmes logiciels, chercheur et enseignant à l’Université Vanderbilt. Si vous les avez manqués, retrouvez les chapitres précédents déjà publiés.


Il s’agit cette fois de comprendre comment Google complète les données collectées avec les données provenant des applications et des comptes connectés des utilisateurs.

Traduction Framalang : Auteurs: Khrys, Piup, Goofy, David_m, Côme, Fabrice, Serici

 

VI. Données collectées par les applications clés de Google destinées aux particuliers

67. Google a des dizaines de produits et services qui évoluent en permanence (une liste est disponible dans le tableau 4, section IX.B de l’annexe). On accède souvent à ces produits grâce à un compte Google (ou on l’y associe), ce qui permet à Google de relier directement les détails des activités de l’utilisateur de ses produits et services à un profil utilisateur. En plus des données d’usage de ses produits, Google collecte également des identificateurs et des données de localisation liés aux appareils lorsqu’on accède aux services Google. 32

68. Certaines applications de Google (p.ex. YouTube, Search, Gmail et Maps) occupent une place centrale dans les tâches de base qu’une multitude d’utilisateurs effectuent quotidiennement sur leurs appareils fixes ou mobiles. Le tableau 2 décrit la portée de ces produits clés. Cette section explique comment chacune de ces applications majeures collecte les informations des utilisateurs.

Tableau 2 : Portée mondiale des principales applications Google

Produits  Utilisateurs actifs
Search  Plus d’un milliard d’utilisateurs actifs par mois, 90.6 % de part de marché des moteurs de recherche 33
Youtube  Plus de 1,8 milliard d’utilisateurs inscrits et actifs par mois 34
Maps  Plus d’un milliard d’utilisateurs actifs par mois 35
Gmail  1,2 milliard d’utilisateurs enregistrés 36

A. Recherche

69. Google Search est le moteur de recherche sur internet le plus populaire au monde 37, avec plus de 11 milliards de requêtes par mois aux États-Unis 38. En plus de renvoyer un classement de pages web en réponse aux requêtes globales des utilisateurs, Google exploite d’autres outils basés sur la recherche, tels que Google Finance, Flights (vols), News (actualités), Scholar (recherche universitaire), Patents (brevets), Books (livres), Images, Videos et Hotels. Google utilise ses applications de recherche afin de collecter des données liées aux recherches, à l’historique de navigation ainsi qu’aux activités d’achats et de clics sur publicités. Par exemple, Google Finance collecte des informations sur le type d’actions que les utilisateurs peuvent suivre, tandis que Google Flight piste leurs réservations et recherches de voyage.

70. Dès lors que Search est utilisé, Google collecte les données de localisation par différents biais, sur ordinateur ou sur mobile, comme décrit dans les sections précédentes. Google enregistre toute l’activité de recherche d’un utilisateur ou utilisatrice et la relie à son compte Google si cette personne est connectée. L’illustration 13 montre un exemple d’informations collectées par Google sur une recherche utilisateur par mot-clé et la navigation associée.

Un exemple de collecte de données de recherche extrait de la page My Activity (Mon Activité) d'un utilisateur
Illustration 13 : Un exemple de collecte de données de recherche extrait de la page My Activity (Mon Activité) d’un utilisateur

 

71. Non seulement c’est le moteur de recherche par défaut sur Chrome et les appareils Google, mais Google Search est aussi l’option par défaut sur d’autres navigateurs internet et applications grâce à des arrangements de distribution. Ainsi, Google est récemment devenu le moteur de recherche par défaut sur le navigateur internet Mozilla Firefox 39 dans des régions clés (dont les USA et le Canada), une position occupée auparavant par Yahoo. De même, Apple est passé de Microsoft Bing à Google pour les résultats de recherche via Siri sur les appareils iOS et Mac 40. Google a des accords similaires en place avec des OEM (fabricants d’équipement informatique ou électronique) 41, ce qui lui permet d’atteindre les consommateurs mobiles.

B. YouTube

72. YouTube met à disposition des utilisateurs et utilisatrices une plateforme pour la mise en ligne et la visualisation de contenu vidéo. Il attire plus de 180 millions de personnes rien qu’aux États-Unis et a la particularité d’être le deuxième site le plus visité des États-Unis 42, juste derrière Google Search. Au sein des entreprises de streaming multimédia, YouTube possède près de 80 % de parts de marché en termes de visites mensuelles (comme décrit dans l’illustration 14). La quantité de contenu mis en ligne et visualisé sur YouTube est conséquente : 400 heures de vidéo sont mises en ligne chaque minute 43 et 1 milliard d’heures de vidéo sont visualisées quotidiennement sur la plateforme YouTube.44

Illustration 14 : Comparaison d'audiences mensuelles des principaux sites multimédia aux États-Unis

 

Illustration 14 : Comparaison d’audiences mensuelles des principaux sites multimédia aux États-Unis 45

73. Les utilisateurs peuvent accéder à YouTube sur l’ordinateur (navigateur internet), sur leurs appareils mobiles (application et/ou navigateur internet) et sur Google Home (via un abonnement payant appelé YouTube Red). Google collecte et sauvegarde l’historique de recherche, l’historique de visualisation, les listes de lecture, les abonnements et les commentaires aux vidéos. La date et l’horaire de chaque activité sont ajoutés à ces informations.

74. Si un utilisateur se connecte à son compte Google pour accéder à n’importe quelle application Google via un navigateur internet (par ex. Chrome, Firefox, Safari), Google reconnaît l’identité de l’utilisateur, même si l’accès à la vidéo est réalisé par un site hors Google (ex. : vidéos YouTube lues sur cnn.com). Cette fonctionnalité permet à Google de pister l’utilisation YouTube d’un utilisateur à travers différentes plateformes tierces. L’illustration 15 montre un exemple de données YouTube collectées.

 

Illustration 15 : Exemple de collecte de données YouTube dans My Activity (Mon Activité)
Illustration 15 : Exemple de collecte de données YouTube dans My Activity (Mon Activité)

 

75. Google propose également un produit YouTube différencié pour les enfants, appelé YouTube Kids, dans l’intention d’offrir une version « familiale » de YouTube avec des fonctionnalités de contrôle parental et de filtres vidéos. Google collecte des informations de YouTube Kids, notamment le type d’appareil, le système d’exploitation, l’identifiant unique de l’appareil, les informations de journalisation et les détails d’utilisation du service. Google utilise ensuite ces informations pour fournir des annonces publicitaires limitées, qui ne sont pas cliquables et dont le format, la durée et le site sont limités.46.

C. Maps

76. Maps est l’application phare de navigation routière de Google. Google Maps peut déterminer les trajets et la vitesse d’un utilisateur et ses lieux de fréquentation régulière (ex. : domicile, travail, restaurants et magasins). Cette information donne à Google une idée des intérêts (ex. : préférences d’alimentation et d’achats), des déplacements et du comportement de l’utilisateur.

77. Maps utilise l’adresse IP, le GPS, le signal cellulaire et les points d’accès au Wi-Fi pour calculer la localisation d’un appareil. Les deux dernières informations sont collectées par le biais de l’appareil où Maps est utilisé, puis envoyées à Google pour évaluer la localisation via son interface de localisation (Location API). Cette interface fournit de nombreux détails sur un utilisateur, dont les coordonnées géographiques, son état stationnaire ou en mouvement, sa vitesse et la détermination probabiliste de son mode de transport (ex. : en vélo, voiture, train, etc.).

78. Maps sauvegarde un historique des lieux qu’un utilisateur connecté à Maps par son compte Googe a visités. L’illustration 16. montre un exemple d’un tel historique 47. Les points rouges indiquent les coordonnées géographiques recueillies par Maps lorsque l’utilisateur se déplace ; les lignes bleues représentent les projections de Maps sur le trajet réel de l’utilisateur.

Illustration 16 : Exemple d'un historique Google Maps (« Timeline ») d'un utilisateur réel
Illustration 16 : Exemple d’un historique Google Maps (« Timeline ») d’un utilisateur réel

79. La précision des informations de localisation recueillies par les applications de navigation routière permet à Google de non seulement cibler des audiences publicitaires, mais l’aide aussi à fournir des annonces publicitaires aux utilisateurs lorsqu’ils s’approchent d’un magasin 48. Google Maps utilise de plus ces informations pour générer des données de trafic routier en temps réel.49

D. Gmail

80. Gmail sauvegarde tous les messages (envoyés et reçus), le nom de l’expéditeur, son adresse email et la date et l’heure des messages envoyés ou reçus. Puisque Gmail représente pour beaucoup un répertoire central pour la messagerie électronique, il peut déterminer leurs intérêts en scannant le contenu de leurs courriels, identifier les adresses de commerçants grâce à leurs courriels publicitaires ou les factures envoyées par message électronique, et connaître l’agenda d’un utilisateur (ex. : réservations à dîner, rendez-vous médicaux…). Étant donné que les utilisateurs utilisent leur identifiant Gmail pour des plateformes tierces (Facebook, LinkedIn…), Google peut analyser tout contenu qui leur parvient sous forme de courriel (ex. : notifications, messages).

81. Depuis son lancement en 2004 jusqu’à la fin de l’année 2017 (au moins), Google peut avoir analysé le contenu des courriels Gmail pour améliorer le ciblage publicitaire et les résultats de recherche ainsi que ses filtres de pourriel. Lors de l’été 2016, Google a franchi une nouvelle étape et a modifié sa politique de confidentialité pour s’autoriser à fusionner les données de navigation, autrefois anonymes, de sa filiale DoubleClick (qui fournit des publicités personnalisées sur internet) avec les données d’identification personnelles qu’il amasse à travers ses autres produits, dont Gmail 50. Le résultat : « les annonces publicitaires DoubleClick qui pistent les gens sur Internet peuvent maintenant leur être adaptées sur mesure, en se fondant sur les mots-clés qu’ils ont utilisés dans leur messagerie Gmail. Cela signifie également que Google peut à présent reconstruire le portrait complet d’une utilisatrice ou utilisateur par son nom, en fonction de tout ce qui est écrit dans ses courriels, sur tous les sites visités et sur toutes les recherches menées. » 51

82. Vers la fin de l’année 2017, Google a annoncé qu’il arrêterait la personnalisation des publicités basées sur les messages Gmail 52. Cependant, Google a annoncé récemment qu’il continue à analyser les messages Gmail pour certaines raisons 53.




Les données que récolte Google – Ch.5

Voici déjà la traduction du cinquième chapitre de Google Data Collection, l’étude élaborée par l’équipe du professeur Douglas C. Schmidt, spécialiste des systèmes logiciels, chercheur et enseignant à l’Université Vanderbilt. Si vous les avez manqués, retrouvez les chapitres précédents déjà publiés.
Il s’agit cette fois d’explorer la quantité de données que Google collecte lorsque l’on a désactivé tout ce qui pouvait l’être…

Traduction Framalang : Khrys, Mika, Piup, David_m, Côme, Serici, Fabrice, Bullcheat, Goofy

V. Quantité de données collectées lors d’une utilisation minimale des produits Google

58. Cette section montre les détails de la collecte de données par Google à travers ses services de publication et d’annonces. Afin de comprendre une telle collecte de données, une expérience est réalisée impliquant un utilisateur qui se sert de son téléphone dans sa vie de tous les jours mais qui évite délibérément d’utiliser les produits Google (Search, Gmail, YouTube, Maps, etc.), exception faite du navigateur Chrome.

59. Pour que l’expérience soit aussi réaliste que possible, plusieurs études sur les usages de consommateurs5455 ont été utilisées pour créer le profil d’usage journalier d’un utilisateur lambda. Ensuite, toutes les interactions directes avec les services Google ont été retirées du profil. La section IX.F dans les annexes liste les sites internet et applications utilisés pendant l’expérience.

60. L’expérience a été reproduite sur des appareils Android et iOS et les données HTTPS envoyées aux serveurs Google et Apple ont été tracées et analysées en utilisant une méthode similaire à celle expliquée dans la section précédente. Les résultats sont résumés dans la figure 12. Pendant la période de 24 h (qui inclut la période de repos nocturne), la majorité des appels depuis le téléphone Android ont été effectués vers les services Google de localisation et de publication de publicités (DoubleClick, Analytics). Google a enregistré la géolocalisation de l’utilisateur environ 450 fois, ce qui représente 1,4 fois le volume de l’expérience décrite dans la section III.C, qui se basait sur un téléphone immobile.

comparaison des requêtes Google entre iOS et Android avec téléphone en mouvement

Figure 12 : Requêtes du téléphone portable durant une journée typique d’utilisation

61. Les serveurs de Google communiquent significativement moins souvent avec un appareil iPhone qu’avec Android (45 % moins). En revanche, le nombre d’appels aux régies publicitaires de Google reste les mêmes pour les deux appareils — un résultat prévisible puisque l’utilisation de pages web et d’applications tierces était la même sur chacun des périphériques. À noter, une différence importante est que l’envoi de données de géolocalisation à Google depuis un appareil iOS est pratiquement inexistant. En absence des plateformes Android et Chrome — ou de l’usage d’un des autres produits de Google — Google perd significativement sa capacité à pister la position des utilisateurs.

62. Le nombre total d’appels aux serveurs Apple depuis un appareil iOS était bien moindre, seulement 19 % des appels aux serveurs de Google depuis l’appareil Android. De plus, il n’y a pas d’appels aux serveurs d’Apple liés à la publicité, ce qui pourrait provenir du fait que le modèle économique d’Apple ne dépend pas autant de la publicité que celui de Google. Même si Apple obtient bien certaines données de localisation des utilisateurs d’appareil iOS, le volume de données collectées est bien moindre (16 fois moins) que celui collecté par Google depuis Android.

63. Au total, les téléphones Android ont communiqué 11.6 Mo de données par jour (environ 350 Mo par mois) avec les serveurs de Google. En comparaison, l’iPhone n’a envoyé que la moitié de ce volume. La quantité de données spécifiques aux régies publicitaires de Google est restée pratiquement identique sur les deux appareils.

64. L’appareil iPhone a communiqué bien moins de données aux serveurs Apple que l’appareil Android n’a échangé avec les serveurs Google.

65. De manière générale, même en l’absence d’interaction utilisateur avec les applications Google les plus populaires, un utilisateur de téléphone Android muni du navigateur Chrome a tout de même tendance à envoyer une quantité non négligeable de données à Google, dont la majorité est liée à la localisation et aux appels aux serveurs de publicité. Bien que, dans le cadre limité de cette expérience, un utilisateur d’iPhone soit protégé de la collecte des données de localisation par Google, Google recueille tout de même une quantité comparable de données liées à la publicité.

66. La section suivante décrit les données collectées par les applications les plus populaires de Google, telles que Gmail, Youtube, Maps et la recherche.




Les données que récolte Google – Ch.4

Voici déjà la traduction du quatrième chapitre de Google Data Collection, l’étude élaborée par l’équipe du professeur Douglas C. Schmidt, spécialiste des systèmes logiciels, chercheur et enseignant à l’Université Vanderbilt. Si vous les avez manqués, retrouvez les chapitres précédents déjà publiés.
Il s’agit cette fois d’explorer les stratégies des régies publicitaires qui opèrent en arrière-plan : des opérations fort discrètes mais terriblement efficaces…

Traduction Framalang : Côme, goofy, Khrys,Obny, Penguin, Piup, serici.

IV. Collecte de données par les outils des annonceurs et des diffuseurs

29. Une source majeure de collecte des données d’activité des utilisateurs provient des outils destinés au annonceurs et aux éditeurs tels que Google Analytics, DoubleClick, AdSense, AdWords et AdMob. Ces outils ont une portée énorme ; par exemple, plus d’un million d’applications mobiles utilisent AdMob56, plus d’un million d’annonceurs utilisent AdWords57, plus de 15 millions de sites internet utilisent AdSense58 et plus de 30 millions de sites utilisent Google Analytics59.

30. Au moment de la rédaction du présent rapport, Google a rebaptisé AdWords « Google Ads » et DoubleClick « Google Ad Manager« , mais aucune modification n’a été apportée aux fonctionnalités principales des produits, y compris la collecte d’informations par ces produits60. Par conséquent, pour les besoins du présent rapport, les premiers noms ont été conservés afin d’éviter toute confusion avec des noms de domaine connexes (tels que doubleclick.net).

31. Voici deux principaux groupes d’utilisateurs des outils de Google axés sur l’édition — et les annonces publicitaires :

  • Les éditeurs de sites web et d’applications, qui sont des organisations qui possèdent des sites web et créent des applications mobiles. Ces entités utilisent les outils de Google pour (1) gagner de l’argent en permettant l’affichage d’annonces aux visiteurs sur leurs sites web ou applications, et (2) mieux suivre et comprendre qui visite leurs sites et utilise leurs applications. Les outils de Google placent des cookies et exécutent des scripts dans les navigateurs des visiteurs du site web pour aider à déterminer l’identité d’un utilisateur et suivre son intérêt pour le contenu et son comportement en ligne. Les bibliothèques d’applications mobiles de Google suivent l’utilisation des applications sur les téléphones mobiles.
  • Les annonceurs, qui sont des organisations qui paient pour que des bannières, des vidéos ou d’autres publicités soient diffusées aux utilisateurs lorsqu’ils naviguent sur Internet ou utilisent des applications. Ces entités utilisent les outils de Google pour cibler des profils spécifiques de personnes pour que les publicités augmentent le retour sur leurs investissements marketing (les publicités mieux ciblées génèrent généralement des taux de clics et de conversion plus élevés). De tels outils permettent également aux annonceurs d’analyser leurs audiences et de mesurer l’efficacité de leur publicité numérique en regardant sur quelles annonces les utilisateurs cliquent et à quelle fréquence, et en donnant un aperçu du profil des personnes qui ont cliqué sur les annonces.

32. Ensemble, ces outils recueillent des informations sur les activités des utilisateurs sur les sites web et dans les applications, comme le contenu visité et les annonces cliquées. Ils travaillent en arrière-plan — en général imperceptibles par des utilisateurs. La figure 7 montre certains de ces outils clés, avec des flèches indiquant les données recueillies auprès des utilisateurs et les publicités qui leur sont diffusées.

Figure 7 : Produits Google destinés aux éditeurs et annonceurs61

33. Les informations recueillies par ces outils comprennent un identifiant non personnel que Google peut utiliser pour envoyer des publicités ciblées sans identifier les informations personnelles de la personne concernée. Ces identificateurs peuvent être spécifiques à l’appareil ou à la session, ainsi que permanents ou semi-permanents. Le tableau 1 liste un ensemble de ces identificateurs. Afin d’offrir aux utilisateurs un plus grand anonymat lors de la collecte d’informations pour le ciblage publicitaire, Google s’est récemment tourné vers l’utilisation d’identifiants uniques semi-permanents (par exemple, les GAID)62. Des sections ultérieures décrivent en détail la façon dont ces outils recueillent les données des utilisateurs et l’utilisation de ces identificateurs au cours du processus de collecte des données.

Tableau 1: Identificateurs transmis à Google

Identificateur Type Description
GAID/IDFA Semi-permanent Chaine de caractères alphanumériques pour appareils Android et iOS, pour permettre les publicités ciblées sur mobile. Réinitialisable par l’utilisateur.
ID client Semi-permanent ID créé la première fois qu’un cookie est stocké sur le navigateur. Utilisé pour relier les sessions de navigations. Réinitialisé lorsque les cookies du navigateur sont effacés.
Adresse IP Semi-permanent Une unique suite de nombre qui identifie le réseau par lequel un appareil accède à internet.
ID appareil Android Semi-permanent Nombre généré aléatoirement au premier démarrage d’un appareil. Utilisé pour identifier l’appareil. En retrait progressif pour la publicité. Réinitialisé lors d’une remise à zéro de l’appareil.
Google Services Framework (GSF) Semi-permanent Nombre assigné aléatoirement lorsqu’un utilisateur s’enregistre pour la première fois dans les services Google sur un appareil. Utilisé pour identifier un appareil unique. Réinitialisé lors d’une remise à zéro de l’appareil.
IEMI / MEID Permanent Identificateur utilisé dans les standards de communication mobile. Unique pour chaque téléphone portable.
Adresse MAC Permanent Identificateur unique de 12 caractères pour un élément matériel (ex. : routeur).
Numéro de série Permanent Chaine de caractères alphanumériques utilisée pour identifier un appareil.

A. Google Analytics et DoubleClick

34. DoubleClick et Google Analytics (GA) sont les produits phares de Google en matière de suivi du comportement des utilisateurs et d’analyse du trafic des pages Web sur les périphériques de bureau et mobiles. GA est utilisé par environ 75 % des 100 000 sites Web les plus visités63. Les cookies DoubleClick sont associés à plus de 1,6 million de sites Web64.

35. GA utilise de petits segments de code de traçage (appelés « balises de page ») intégrés dans le code HTML d’un site Web65. Après le chargement d’une page Web à la demande d’un utilisateur, le code GA appelle un fichier analytics.js qui se trouve sur les serveurs de Google. Ce programme transfère un instantané « par défaut » des données de l’utilisateur à ce moment, qui comprend l’adresse de la page web visitée, le titre de la page, les informations du navigateur, l’emplacement actuel (déduit de l’adresse IP), et les paramètres de langue de l’utilisateur. Les scripts de GA utilisent des cookies pour suivre le comportement des utilisateurs.

36. Le script de GA, la première fois qu’il est exécuté, génère et stocke un cookie spécifique au navigateur sur l’ordinateur de l’utilisateur. Ce cookie a un identificateur de client unique (voir le tableau 1 pour plus de détails)66 Google utilise l’identificateur unique pour lier les cookies précédemment stockés, qui capturent l’activité d’un utilisateur sur un domaine particulier tant que le cookie n’expire pas ou que l’utilisateur n’efface pas les cookies mis en cache dans son navigateur67

37. Alors qu’un cookie GA est spécifique au domaine particulier du site Web que l’utilisateur visite (appelé « cookie de première partie »), un cookie DoubleClick est généralement associé à un domaine tiers commun (tel que doubleclick.net). Google utilise de tels cookies pour suivre l’interaction de l’utilisateur sur plusieurs sites web tiers68 Lorsqu’un utilisateur interagit avec une publicité sur un site web, les outils de suivi de conversion de DoubleClick (par exemple, Floodlight) placent des cookies sur l’ordinateur de l’utilisateur et génèrent un identifiant client unique69 Par la suite, si l’utilisateur visite le site web annoncé, le serveur DoubleClick accède aux informations stockées dans le cookie, enregistrant ainsi la visite comme une conversion valide.

B. AdSense, AdWords et AdMob

38. AdSense et AdWords sont des outils de Google qui diffusent des annonces sur les sites Web et dans les résultats de recherche Google, respectivement. Plus de 15 millions de sites Web ont installé AdSense pour afficher des annonces sponsorisées70 De même, plus de 2 millions de sites web et applications, qui constituent le réseau Google Display Network (GDN) et touchent plus de 90 % des internautes71 affichent des annonces AdWords.

39. AdSense collecte des informations indiquant si une annonce a été affichée ou non sur la page web de l’éditeur. Il recueille également la façon dont l’utilisateur a interagi avec l’annonce, par exemple en cliquant sur l’annonce ou en suivant le mouvement du curseur sur l’annonce72. AdWords permet aux annonceurs de diffuser des annonces de recherche sur Google Search, d’afficher des annonces sur les pages des éditeurs et de superposer des annonces sur des vidéos YouTube. Pour suivre les taux de clics et de conversion des utilisateurs, les publicités AdWords placent un cookie sur les navigateurs des utilisateurs pour identifier l’utilisateur s’il visite par la suite le site web de l’annonceur ou s’il effectue un achat73.

40. Bien qu’AdSense et AdWords recueillent également des données sur les appareils mobiles, leur capacité d’obtenir des renseignements sur les utilisateurs des appareils mobiles est limitée puisque les applications mobiles ne partagent pas de cookies entre elles, une technique d’isolement appelée « bac à sable »74 qui rend difficile pour les annonceurs de suivre le comportement des utilisateurs entre différentes applications mobiles.

41 Pour résoudre ce problème, Google et d’autres entreprises utilisent des « bibliothèques d’annonces » mobiles (comme AdMob) qui sont intégrées dans les applications par leurs développeurs pour diffuser des annonces dans les applications mobiles. Ces bibliothèques compilent et s’exécutent avec les applications et envoient à Google des données spécifiques à l’application à laquelle elles sont intégrées, y compris les emplacements GPS, la marque de l’appareil et le modèle de l’appareil lorsque les applications ont les autorisations appropriées. Comme on peut le voir dans les analyses de trafic de données (Figure 8), et comme on peut trouver confirmation sur les propres pages web des développeurs de Google75, de telles bibliothèques peuvent également envoyer des données personnelles de l’utilisateur, telles que l’âge et le genre, tout cela va vers Google à chaque fois que les développeurs d’applications envoient explicitement leurs valeurs numériques vers la bibliothèque.

Figure 8 : Aperçu des informations renvoyées à Google lorsqu’une application est lancée

C. Association de données recueillies passivement et d’informations à caractère personnel

42. Comme nous l’avons vu plus haut, Google recueille des données par l’intermédiaire de produits pour éditeurs et annonceurs, et associe ces données à une variété d’identificateurs semi-permanents et anonymes. Google a toutefois la possibilité d’associer ces identifiants aux informations personnelles d’un utilisateur. C’est ce qu’insinuent les déclarations faites dans la politique de confidentialité de Google, dont des extraits sont présentés à la figure 9. La zone de texte à gauche indique clairement que Google peut associer des données provenant de services publicitaires et d’outils d’analyse aux informations personnelles d’un utilisateur, en fonction des paramètres du compte de l’utilisateur. Cette disposition est activée par défaut, comme indiqué dans la zone de texte à droite.

Figure 9 : Page de confidentialité de Google pour la collecte de sites web tiers et l’association avec des informations personnelles7677.

43. De plus, une analyse du trafic de données échangé avec les serveurs de Google (résumée ci-dessous) a permis d’identifier deux exemples clés (l’un sur Android et l’autre sur Chrome) qui montrent la capacité de Google à corréler les données recueillies de façon anonyme avec les renseignements personnels des utilisateurs.

1) L’identificateur de publicité mobile peut être désanonymé grâce aux données envoyées à Google par Android.

44. Les analyses du trafic de données communiqué entre un téléphone Android et les domaines de serveur Google suggèrent un moyen possible par lequel des identifiants anonymes (GAID dans ce cas) peuvent être associés au compte Google d’un utilisateur. La figure 10 décrit ce processus en une série de trois étapes clés.

45. Dans l’étape 1, une donnée de check-in est envoyée à l’URL android.clients.google.com/checkin. Cette communication particulière fournit une synchronisation de données Android aux serveurs Google et contient des informations du journal Android (par exemple, du journal de récupération), des messages du noyau, des crash dumps, et d’autres identifiants liés au périphérique. Un instantané d’une demande d’enregistrement partiellement décodée envoyée au serveur de Google à partir d’Android est montré en figure 10.

Figure 10 : Les identifiants d’appareil sont envoyés avec les informations de compte dans les requêtes de vérification Android.

46. Comme l’indiquent les zones pointées, Android envoie à Google, au cours du processus d’enregistrement, une variété d’identifiants permanents importants liés à l’appareil, y compris l’adresse MAC de l’appareil, l’IMEI /MEID et le numéro de série du dispositif. En outre, ces demandes contiennent également l’identifiant Gmail de l’utilisateur Android, ce qui permet à Google de relier les informations personnelles d’un utilisateur aux identifiants permanents des appareils Android.

47. À l’étape 2, le serveur de Google répond à la demande d’enregistrement. Ce message contient un identifiant de cadre de services Google (GSF ID)78 qui est similaire à l’« Android ID »79 (voir le tableau 1 pour les descriptions).

48. L’étape 3 implique un autre cas de communication où le même identifiant GSF (de l’étape 2) est envoyé à Google en même temps que le GAID. La figure 10 montre l’une de ces transmissions de données à android.clients.google.com/fdfe/bulkDetails?au=1.

49. Grâce aux trois échanges de données susmentionnés, Google reçoit les informations nécessaires pour connecter un GAID avec des identifiants d’appareil permanents ainsi que les identifiants de compte Google des utilisateurs.

50. Ces échanges de données interceptés avec les serveurs de Google à partir d’un téléphone Android montrent comment Google peut connecter les informations anonymisées collectées sur un appareil mobile Android via les outils DoubleClick, Analytics ou AdMob avec l’identité personnelle de l’utilisateur. Au cours de la collecte de données sur 24 heures à partir d’un téléphone Android sans mouvement ni activité, deux cas de communications d’enregistrement avec des serveurs Google ont été observés. Une analyse supplémentaire est toutefois nécessaire pour déterminer si un tel échange d’informations a lieu avec une certaine périodicité ou s’il est déclenché par des activités spécifiques sur les téléphones.

2) L’ID du cookie DoubleClick est relié aux informations personnelles de l’utilisateur sur le compte Google.

51. La section précédente expliquait comment Google peut désanonymiser l’identité de l’utilisateur via les données passives et anonymisées qu’il collecte à partir d’un appareil mobile Android. Cette section montre comment une telle désanonymisation peut également se produire sur un ordinateur de bureau/ordinateur portable.

52. Les données anonymisées sur les ordinateurs de bureau et portables sont collectées par l’intermédiaire d’identifiants basés sur des cookies (par ex. Cookie ID), qui sont typiquement générés par les produits de publicité et d’édition de Google (par ex. DoubleClick) et stockés sur le disque dur local de l’utilisateur. L’expérience présentée ci-dessous a permis d’évaluer si Google peut établir un lien entre ces identificateurs (et donc les renseignements qui y sont associés) et les informations personnelles d’un utilisateur.
Cette expérience comportait les étapes ordonnées suivantes :

  1. Ouverture d’une nouvelle session de navigation (Chrome ou autre) (pas de cookies enregistrés, par exemple navigation privée ou incognito) ;
  2. Visite d’un site Web tiers qui utilisait le réseau publicitaire DoubleClick de Google ;
  3. Visite du site Web d’un service Google largement utilisé (Gmail dans ce cas) ;
  4. Connexion à Gmail.

53. Au terme des étapes 1 et 2, dans le cadre du processus de chargement des pages, le serveur DoubleClick a reçu une demande lorsque l’utilisateur a visité pour la première fois le site Web tiers. Cette demande faisait partie d’une série de reqêtes comprenant le processus d’initialisation DoubleClick lancé par le site Web de l’éditeur, qui a conduit le navigateur Chrome à installer un cookie pour le domaine DoubleClick. Ce cookie est resté sur l’ordinateur de l’utilisateur jusqu’à son expiration ou jusqu’à ce que l’utilisateur efface manuellement les cookies via les paramètres du navigateur.

54. Ensuite, à l’étape 3, lorsque l’utilisateur visite Gmail, il est invité à se connecter avec ses identifiants Google. Google gère l’identité à l’aide d’une architecture single sign on (SSO) [NdT : authentification unique], dans laquelle les identifiants sont fournis à un service de compte (ici accounts.google.com) en échange d’un « jeton d’authentification », qui peut ensuite être présenté à d’autres services Google pour identifier les utilisateurs. À l’étape 4, lorsqu’un utilisateur accède à son compte Gmail, il se connecte effectivement à son compte Google, qui fournit alors à Gmail un jeton d’autorisation pour vérifier l’identité de l’utilisateur.80 Ce processus est décrit à la figure 24 de la section IX.E de l’annexe.

55. Dans la dernière étape de ce processus de connexion, une requête est envoyée au domaine DoubleClick. Cette requête contient à la fois le jeton d’authentification fourni par Google et le cookie de suivi défini lorsque l’utilisateur a visité le site web tiers à l’étape 2 (cette communication est indiquée à la figure 11). Cela permet à Google de relier les informations d’identification Google de l’utilisateur à un cookie DoubleClick. Par conséquent, si les utilisateurs n’effacent pas régulièrement les cookies de leur navigateur, leurs informations de navigation sur les pages Web de tiers qui utilisent les services DoubleClick pourraient être associées à leurs informations personnelles sur Google Account.

Figure 11 : La requête à DoubleClick.net inclut le jeton d’authentification Google et les cookies passés.

56. Il est donc établi à présent que Google recueille une grande variété de données sur les utilisateurs par l’intermédiaire de ses outils d’éditeur et d’annonceur, sans que l’utilisateur en ait une connaissance directe. Bien que ces données soient collectées à l’aide d’identifiants anonymes, Google a la possibilité de relier ces informations collectées aux identifiants personnels de l’utilisateur stockés sur son compte Google.

57. Il convient de souligner que la collecte passive de données d’utilisateurs de Google à partir de pages web tierces ne peut être empêchée à l’aide d’outils populaires de blocage de publicité81, car ces outils sont conçus principalement pour empêcher la présence de publicités pendant que les utilisateurs naviguent sur des pages web tierces82. La section suivante examine de plus près l’ampleur de cette collecte de données.