Comment migrer son frama.site avant la fermeture du service le 6 juillet prochain ?
Nous avons annoncé pour le mardi 6 juillet 2021 la fermeture du service https://frama.site/. Pour rappel, frama.site héberge à la fois des sites (logiciel PrettyNoemieCMS), des blogs (logiciel Grav) et des wikis (logiciel Dokuwiki). Afin que les utilisateur⋅ices de ce service puissent continuer à héberger leurs sites et wikis, nous avons cherché si d’autres hébergeurs proposaient ce service.
Afin que vous puissiez choisir en toute transparence l’offre qui vous correspond le mieux, on s’est dit qu’il n’y avait rien de mieux à faire que d’interviewer ces structures afin qu’elles vous en disent plus sur qui elles sont, comment elles fonctionnent et qu’elles détaillent leur offre de migration.
Interview de Thomas Bourdon, de Bee-Home
Bonjour Thomas. Peux-tu te présenter ?
Je suis Thomas Bourdon, 38 ans, habitant dans l’Aisne, passionné d’informatique depuis toujours et utilisateur de GNU/Linux (et autres logiciels libres) depuis 2001. Mais ce n’est qu’en 2007 que j’ai réellement compris l’éthique du logiciel libre et du fonctionnement décentralisé (ou acentré) d’Internet. Depuis j’ai commencé à monter mes propres services à la maison (auto-hébergement) pour moi-même puis pour mes proches, et finalement pour des petites structures.
Tu nous parles de Bee-Home ? C’est quoi ? C’est qui ? Comment ça marche ?
Comme j’hébergeais de plus en plus de services pour de plus en plus de monde, il était temps que je quitte ma petite connexion ADSL pour prendre un serveur (puis deux) en datacenter. Comme je ne souhaitais pas payer de ma poche ces serveurs, j’ai décidé de monter l’auto-entreprise Bee Home dans ce but. Ce choix est aussi guidé par le fait que les structures que j’héberge ont besoin d’avoir des factures « officielles » et ne peuvent pas faire de don financier.
Les services que je fournis sont essentiellement du cloud – avec le logiciel Nextcloud (synchronisation de fichiers, agenda, carnet d’adresses, suite bureautique collaborative, discussion par texte ou visio et mail) – et l’hébergement de sites web. Pour cela je propose plusieurs outils que je maintiens (sauvegarde, mise à jour). Ainsi l’utilisateur·ice ne s’occupe que de publier du contenu. Évidemment il ou elle peut récupérer sur simple demande l’intégralité de son site pour l’héberger ailleurs par exemple.
Tous ces services sont payants et permettent aux utilisateur·ices d’avoir leur propre nom de domaine (sauf forfait de base) dont le coût est inclus dans le forfait. Même si je propose des forfaits pré-établis, il est tout à fait possible d’adapter le service et le tarif au besoin de la personne ou structure. Pour cela, il suffit de me contacter.
Bee-Home offre donc la possibilité de migrer son frama.site sous Grav / Dokuwiki. Ça se passe comment ? Ça coûte combien ?
J’ai décidé de proposer ce service gratuitement sans durée limitée sur simple demande. En revanche, j’impose un quota maximum de 500Mo d’espace disque. Au-delà de ce quota, je proposerai un tarif adapté. Chaque site sera accessible via une adresse se terminant par bee.wf (mon-site.bee.wf par exemple). Il est bien sûr possible d’utiliser son propre domaine pour celles et ceux qui en possèdent un.
Pourquoi ne pas permettre la migration des framasites réalisés avec le logiciel PrettyNoemieCMS ?
J’expliquais que je propose de maintenir moi-même les outils utilisés (WordPress, Grav, Dotclear, Piwigo…) pour les sites hébergés. C’est pourquoi je ne propose que des outils activement maintenus afin d’éviter l’usage d’outils obsolètes pouvant contenir des failles de sécurité qui ne seront jamais corrigées. PrettyNoemieCMS est justement un outil non maintenu, voilà pourquoi je ne le propose pas. Si un·e utilisateur·ice l’utilise, je peux toutefois proposer un hébergement sous Grav dans les mêmes conditions. Bien sûr il ou elle sera contraint de refaire son site entièrement.
Bee-Home fait partie du collectif CHATONS depuis fin 2018. Pourquoi avoir rejoint le collectif ?
D’une part parce que je partage complètement les valeurs de ce collectif, et d’autre part parce que cela m’a toujours plu de gérer et de proposer de l’hébergement de services.
Interview de l’équipe du directoire de Ouvaton
Bonjour l’équipe du directoire. Pouvez-vous vous présenter ?
Bonjour.
Nous sommes 3 personnes au « directoire » d’Ouvaton, actuellement :
– Claire, présidente, qui fait de l’informatique depuis le début des années 80 et chez Ouvaton depuis le début en 2001
– Matthieu, aussi informaticien et chez Ouvaton depuis 2006
– François, commercial, qui fait lui aussi de l’informatique, et chez Ouvaton depuis 2017
Vous nous parlez de Ouvaton ? C’est quoi ? C’est qui ? Comment ça marche ? Ouvaton a été créée en 2001, sous la forme d’une société anonyme « coopérative de consommation ». Cela veut dire que nos coopérateurs sont co-propriétaires et co-entrepreneurs de la coopérative. Grâce à cette structure, les utilisateurs sociétaires sont réellement des hébergés-hébergeurs. Donc Ouvaton, c’est plusieurs milliers de personnes qui décident. Et dans les faits, plusieurs dizaines qui ont « les mains dans le cambouis » au quotidien !
La coopérative se base sur un certain nombre de valeurs, que nous donnons sur notre site. Pour résumer à grands traits : indépendance et coopération, démocratie et protection de la vie privée.
Ouvaton fonctionne autour :
d’un conseil de surveillance de 9 membres élus pour des mandats de 3 années par l’Assemblée Générale
d’un directoire dont les membres sont nommés, pour des mandats renouvelables de 3 ans, par le conseil de surveillance
Nous essayons aussi, dans la mesure des moyens de chacun, d’impliquer au quotidien un maximum de coopérateurs. Aucune obligation, mais une participation de chacun selon ses moyens (et ses envies !). Il y a toujours des chantiers en route dans un collectif comme Ouvaton et chacun peut y trouver sa place. Les Assemblées Générales sont l’occasion de présenter chaque année aux sociétaires l’état de la coopérative et de mettre aux votes les grandes orientations proposées par le conseil de surveillance et le directoire.
Ouvaton offre donc la possibilité de migrer son frama.site sous Grav / Dokuwiki. Ça se passe comment ? Ça coûte combien ?
Il faut commencer par créer son compte chez Ouvaton, sur notre interface de gestion Ouvadmin. L’adresse du site pourra être en *.ouvaton.org (https://monsite.ouvaton.org par exemple), et l’utilisation de son propre nom de domaine est bien sûr possible.
Notre documentation explique la procédure à suivre pour exporter puis importer son Framasite chez Ouvaton, et notre équipe d’assistance est là pour accompagner les utilisateurs en cas de difficultés.
Pour le prix, ce sera 12€ TTC la première année, et après ce sera 42€ TTC par an (le tarif « normal »). Ce tarif inclut des mails, de l’espace disque… On réfléchit sérieusement (et collectivement) à faire évoluer nos tarifs pour plusieurs offres selon les besoins. Pour ceux qui veulent vraiment rejoindre l’aventure, ils peuvent bien sûr devenir coopérateurs. La part sociale est à 16€ et permet d’être coopérateur « de plein droit ».
Pourquoi ne pas permettre la migration des framasites réalisés avec le logiciel PrettyNoemieCMS ?
Malheureusement ce logiciel n’est plus maintenu. Nous préférons nous concentrer sur Grav et Dokuwiki, qui disposent de solides équipes de développeurs pour les faire évoluer. Mais les personnes qui utilisent encore PrettyNoemieCMS peuvent reconstruire leur site sur un autre CMS aux mêmes conditions.
Je lis sur votre site web que vous comptez candidater pour rejoindre le collectif CHATONS fin 2021. Pourquoi souhaitez-vous rejoindre le collectif ?
Les valeurs affichées par le collectif sont concordantes avec les nôtres, nous avons donc souhaité le rejoindre au plus vite. Mais nous devons dans un premier temps assainir notre plateforme de quelques logiciels propriétaires qui étaient utilisés par notre ancien infogérant. C’est une tâche assez lourde qui, en plus du travail technique, a nécessité de nombreux échanges au sein de notre équipe. Nous sommes épaulés dans cette tâche par la super équipe de Octopuce, notre nouvel infogérant. Le train est en route et nous devrions pouvoir présenter notre candidature fin 2021 pour rejoindre les CHATONS.
Que vous utilisiez les services de frama.site ou que vous souhaitiez vous créer un nouvel espace sur internet, Framasoft vous encourage donc à aller étudier de près les offres de Ouvaton et Bee-Home.
Nextcloud pour l’enseignement ? Ça se tente !
La maîtrise des outils numériques pour l’éducation est un enjeu important pour les personnels, qui confrontés aux « solutions » Microsoft et Google cherchent et commencent à adopter des alternatives crédibles et plus respectueuses.
C’est dans cet esprit que nous vous invitons à découvrir la décision prise par de nombreux établissements scolaires en Allemagne sous l’impulsion de Thomas Mayer : ils ont choisi et promu Nextcloud et son riche « écosystème » de fonctionnalités. Dans l’interview que nous avons traduite et que Nexcloud met évidemment en vitrine, Thomas Mayer évoque rapidement ce qui l’a motivé et les avantages des solutions choisies. Bien sûr, nous sommes conscients que NextCloud, qui fait ici sa promotion avec un témoignage convaincant, n’est pas sans défauts ni problème. L’interface pour partager les fichiers par exemple, n’est pas des plus intuitives…
Mais sans être LA solution miraculeuse adaptée à toutes les pratiques de l’enseignement assisté par l’outil numérique, Nextcloud… – est un logiciel libre respectueux des utilisatrices et utilisateurs – permet l’hébergement et le partage de fichiers distants – est une plateforme de collaboration C’est déjà beaucoup ! Si l’on ajoute un grand nombre de fonctionnalités avec plus de 200 applications, vous disposerez de quoi libérer les pratiques pédagogiques de Google drive et d’Office365 sans parler des autres qui se pressent au portillon pour vous convaincre…
Qui plus est, au plan institutionnel, Nextcloud a été adopté officiellement par le ministère de l’Intérieur français en substitution des solutions de cloud computing1 américaines et il est même (roulement de tambour)… disponible au sein de notre Éducation Nationale ! Si vous ne l’avez pas encore repéré, c’est sur la très enthousiasmante initiative Apps.Education.fr. En principe, les personnels de l’Éducation nationale peuvent s’en emparer — dans toutes les académies ? Mais oui. Et les enseignantes françaises semblent déjà nombreuses à utiliser Nextcloud : rien qu’au mois d’avril dernier, 1,2 millions de fichiers ont été déposés, nous souffle-t-on. C’est un bon début, non ?
À vous de jouer : testez, évaluez, mettez en pratique, faites remonter vos observations, signalez les problèmes, partagez votre enthousiasme ou vos réticences, et ce qui vous manque aujourd’hui sera peut-être implémenté demain par Nextcloud. Mais pour commencer, jetons un œil de l’autre côté du Rhin…
Les écoles de Bavière essaient Nextcloud : les bénéfices sont immenses !
Nous avons interviewé Thomas Mayer, qui est administrateur système d’une école secondaire en Bavière mais aussi un médiateur numérique pour les écoles secondaires bavaroises à l’institut pour la qualité pédagogique et la recherche en didactique de Munich. Thomas nous a fait part de son expérience de l’usage et du déploiement de Nextcloud dans les écoles, les multiples bénéfices qui en découlent. C’est un message important pour les décideurs qui cherchent des solutions collaboratives en milieu scolaire.
Les écoles peuvent en tirer d’immenses avantages ! Les élèves et les collègues bénéficient d’un système complet et moderne qu’ils peuvent également utiliser à la maison. De plus, utiliser Nextcloud leur donne des compétences importantes sur le numérique au quotidien et les technologies informatiques. Les étudiants apprennent beaucoup de choses en utilisant Nextcloud qui seront aussi pertinentes dans leurs études et leur vie professionnelle.
Administrateur système, Thomas a pu déployer un environnement autour de Nextcloud qui est documenté sur le site schulnetzkonzept.de. Outre Nextcloud, le site décrit l’installation et la configuration de Collabora, Samba, Freeradius, Debian comme système d’exploitation de base, Proxmox comme système de virtualisation, etc.
Plusieurs centaines de milliers d’élèves utilisent déjà Nextcloud, y compris par exemple dans des écoles en Saxe, Rhénanie du Nord-Westphalie, Saxe-Anhalt, à Berne en Suisse et bien d’autres. Il est possible d’ajouter des fonctionnalités supplémentaires avec des extensions Nextcloud ou bien des plateformes d’apprentissage comme Moodle ou HPI School Cloud, qui sont open source et conformes au RGPD.
Quand et pourquoi avez-vous décidé d’utiliser Nextcloud ?
Nous avions déjà Nextcloud dans notre école, quand il s’appelait encore Owncloud. Avec l’introduction du système en 2014, nous avons voulu innover en prenant nos distances avec les usages habituels des domaines de Microsoft et les ordinateurs toujours installés en classe pour aller vers un usage plus naturel de fichiers accessibles aussi par mobile ou par les appareils personnels utilisés quotidiennement par les élèves et les professeurs.
Dans le même temps, Nextcould a mûri, et nous aussi avons évolué dans nos usages. Il ne s’agit plus uniquement de manipuler fichiers et répertoires, il existe désormais des outils de communication, d’organisation, de collaboration, et des concepts pour imaginer l’école et les solutions numériques. Nextcloud est devenu un pilier utile et important de notre école.
Quels sont les bénéfices pour les écoles depuis que vous avez lancé l’usage de Nextcloud ?
Les écoles qui reposent sur Nextcloud disposent d’une solution économique, qui ouvre la voie vers l’école numérique à travers de nombreuses fonctions, dans l’esprit de la protection des données et de l’open source ! Malheureusement, ses nombreux avantages n’ont pas encore été identifiés par les décideurs du ministère de l’Éducation. Là-bas, les gens considèrent encore que les bonnes solutions viennent forcément de Microsoft ou assimilés. Afin que les avantages de l’infrastructure Nextcloud deviennent plus visibles pour les écoles, davantage de travail de lobbying devrait être fait en ce sens. De plus, nous avons besoin de concepts qui permettent à CHAQUE école d’utiliser une infrastructure Nextcloud.
Quel message souhaitez-vous transmettre aux décideurs qui recherchent des solutions collaboratives pour l’enseignement ?
Une solution étendue à toutes les écoles d’Allemagne serait souhaitable. Si vous ne voulez pas réinventer la roue lorsque vous devez collaborer, et que vous voulez être attentif à la protection des données, vous ne pouvez pas contourner Nextcloud ! Mais ce n’est pas uniquement aux responsables des ministères de l’Éducation de faire des progrès ici : j’espère que les personnes responsables de Nextcloud vont amener leurs produits dans les écoles avec un lobbying approprié et des concepts convaincants !
Les décideurs des ministères de l’Éducation devraient chercher les meilleures solutions sans biais, et ne devraient pas être effrayés par l’open source lors de ces recherches : l’utilisation de logiciels open source est la seule manière concrète d’utiliser du code de qualité !
Quelles ont été vos motivations pour créer le Schulnetzkonzept2 ?
Dans ma vie, j’ai pu bénéficier de nombreux logiciels open source, et de formidables tutoriels gratuits. Avec le concept de réseau éducatif, je voudrais aussi contribuer à quelque chose dans la philosophie de l’open source, et rendre mon expérience disponible. Même si mon site est destiné à des gens calés en informatique, la réponse est relativement importante et toujours positive.
Quels retours avez-vous des élèves et des professeurs ?
Le retour est essentiellement très positif. Les gens sont heureux que nous ayons une communication fiable et un système collaboratif entre les mains, particulièrement en ces temps d’école à la maison.
Quelles sont les fonctionnalités que vous préférez utiliser et quelles sont celles qui vous manquent encore peut-être ?
Pas facile de répondre. Beaucoup de composants ont une grande valeur et nous sont utiles. Nous utilisons principalement les fonctionnalités autour des fichiers et Collabora. Bien sûr, les applications mobiles jouent aussi un rôle important !
Ce qui serait le plus profitable aux écoles actuellement serait que le backend haute-performance pour les conférences vidéos soit plus facilement disponible. Cela contrecarrait aussi les sempiternelles visios avec Microsoft Teams de nombreux ministres de l’éducation.
Un peu envie de voir tout de suite à quoi ça ressemble ? Allez sur la démo en ligne et vous avez 60 minutes pour explorer en vrai la suite Nextcloud : https://try.nextcloud.com/
Une vidéo de 4 minutes de Apps.education.fr vous montre comment créer une ressource partagée avec paramétrage des permissions, la mettre à disposition des élèves et récolter les documents qu’ils et elles envoient.
Régulièrement, un accident qui entraine la perte de données importantes nous rappelle l’importance des sauvegardes. L’incendie du centre de données d’OVH à Strasbourg le 10 mars dernier a été particulièrement spectaculaire, car de nombreuses personnes et organisations ont été touchées, mais des incidents de ce genre sont fréquents, quoique moins médiatisés. Un ami vient de m’écrire pour me demander mon numéro de téléphone car il a perdu son ordiphone avec son carnet d’adresses, un étudiant a perdu son ordinateur portable dans le métro, avec tout son mémoire de master dessus, et met une petite annonce dans la station de métro, une graphiste s’aperçoit que son ordinateur, avec tous ses travaux dessus, ne démarre plus un matin, une ville a perdu ses données suite au passage d’un rançongiciel, une utilisatrice de Facebook demande de l’aide car son compte a été piraté et elle ne peut plus accéder à ses photos de famille… Des appels au secours sur les réseaux sociaux comme celui-ci ou celui-là sont fréquents. Dans tous ces cas, le problème était l’absence de sauvegardes. Mais c’est quoi, les sauvegardes, et comment faut-il les faire ?
Le principe est simple : une sauvegarde (backup, en anglais) est une copie des données effectuée sur un autre support. Le but est de pouvoir récupérer ses données en cas de perte. Les causes de perte sont innombrables : vol de l’ordinateur portable ou de l’ordiphone (ces engins, étant mobiles, sont particulièrement exposés à ces risques), effacement par un logiciel malveillant ou par une erreur humaine, panne matérielle. Les causes possibles sont trop nombreuses pour être toutes citées. Retenons plutôt ce principe : les données peuvent devenir inaccessibles du jour au lendemain. Même si vous n’utilisez qu’un ordinateur fixe, parfaitement sécurisé, dans un local à l’abri des incendies (qui peut vraiment prétendre avoir une telle sécurité ?), un composant matériel peut toujours lâcher, vous laissant dans l’angoisse face à vos fichiers irrécupérables. Ne pensons donc pas aux causes de perte, pensons aux précautions à prendre.
(Au passage, saviez-vous que Lawrence d’Arabie avait perdu lors d’un voyage en train un manuscrit qu’il avait dû retaper complètement ? Il n’avait pas de sauvegardes. À sa décharge, avant le numérique, faire des sauvegardes était long et compliqué.)
La règle est simple : il faut sauvegarder ses données. Ou, plus exactement, ce qui n’est pas sauvegardé peut être perdu à tout instant, sans préavis. Si vous êtes absolument certain ou certaine que vos données ne sont pas importantes, vous pouvez vous passer de sauvegardes. À l’inverse, si vous êtes en train d’écrire l’œuvre de votre vie et que dix ans de travail sont sur votre ordinateur, arrêter de lire cet article et aller faire tout de suite une sauvegarde est impératif. Entre les deux, c’est à vous de juger de l’importance de vos données, mais l’expérience semble indiquer que la plupart des utilisateurices sous-estiment le risque de panne, de vol ou de perte. Dans le doute, il vaut donc mieux sauvegarder.
Comment on sauvegarde ?
Là, je vais vous décevoir, je ne vais pas donner de mode d’emploi tout fait. D’abord, cela dépend beaucoup de votre environnement informatique. On n’utilisera pas les mêmes logiciels sur macOS et sur Ubuntu. Je ne connais pas tous les environnements et je ne peux donc pas vous donner des procédures exactes. (Mais, connaissant les lecteurices du Framablog, je suis certain qu’ielles vont ajouter dans les commentaires plein de bons conseils pratiques.) Ensuite, une autre raison pour laquelle je ne donne pas de recettes toutes faites est que la stratégie de sauvegarde va dépendre de votre cas particulier. Par exemple, si vous travaillez sur des données confidentielles (données personnelles, par exemple), certaines stratégies ne pourront pas être appliquées.
Je vais plutôt me focaliser sur quelques principes souvent oubliés. Le premier est d’éviter de mettre tous ses œufs dans le même panier. J’ai déjà vu le cas d’une étudiante ayant bien mis sa thèse en cours de rédaction sur une clé USB mais qui avait la clé et l’ordinateur portable dans le même sac… qui fut volé à l’arrachée dans la rue. Dans ce cas, il n’y a pas de réelle sauvegarde, puisque le même problème (le vol) entraîne la perte du fichier et de la sauvegarde. Même chose si la sauvegarde est accessible depuis la machine principale, par exemple parce qu’elle est sur un serveur de fichiers. Certes, dans ce cas, une panne matérielle de la machine n’entrainerait pas la perte des données sauvegardées sur le serveur, en revanche, une fausse manœuvre (destruction accidentelle des fichiers) ou une malveillance (rançongiciel chiffrant tout ce qu’il trouve, pour le rendre inutilisable) frapperait la sauvegarde aussi bien que l’original. Enfin, si vous travaillez à la maison, et que la sauvegarde est chez vous, rappelez-vous que le même incendie peut détruire les deux. (Il n’est pas nécessaire que tout brûle pour que tous les fichiers soient perdus ; un simple début de fumée peut endommager le matériel au point de rendre les données illisibles.) Rappelez-vous : il y a plusieurs causes de pertes de données, pas juste la panne d’un disque dur, et la stratégie de sauvegarde doit couvrir toutes ces causes. On parle parfois de « règle 3-2-1 » : les données doivent être sauvegardées en trois exemplaires, sur au moins deux supports physiques différents, et au moins une copie doit être dans un emplacement séparé. Bref, il faut être un peu paranoïaque et imaginer tout ce qui pourrait aller mal.
Donc, pensez à séparer données originelles et sauvegardes. Si vous utilisez un disque dur externe pour vos sauvegardes, débranchez-le physiquement une fois la sauvegarde faite. Si vous utilisez un serveur distant, déconnectez-vous après la copie.
(Si vous êtes programmeureuse, les systèmes de gestion de versions gardent automatiquement les précédentes versions de vos programmes, ce qui protège contre certaines erreurs humaines, comme d’effacer un fichier. Et, si ce système de gestion de versions est décentralisé, comme git, cela permet d’avoir facilement des copies en plusieurs endroits. Toutefois, tous ces endroits sont en général accessibles et donc vulnérables à, par exemple, un logiciel malveillant. Le système de gestion de versions ne dispense pas de sauvegardes.)
Ensuite, ne faites pas d’économies : il est très probable que vos données valent davantage que les quelques dizaines d’euros que coûte un disque dur externe ou une clé USB. Toutefois, il vaut mieux des sauvegardes imparfaites que pas de sauvegardes du tout. Simplement envoyer un fichier par courrier électronique à un autre compte (par exemple celui d’un ami) est simple, rapide et protège mieux que de ne rien faire du tout.
Enfin, faites attention à ce que la sauvegarde elle-même peut faire perdre des données, si vous copiez sur un disque ou une clé où se trouvent déjà des fichiers. C’est une des raisons pour lesquelles il est recommandé d’automatiser les sauvegardes, ce que permettent la plupart des outils. L’automatisation n’a pas pour but que de vous fatiguer moins, elle sert aussi à limiter les risques de fausse manœuvre.
À quel rythme ?
La règle est simple : si vous faites des sauvegardes tous les jours, vous pouvez perdre une journée de travail. Si vous en faites toutes les semaines, vous pouvez perdre une semaine de travail. À vous de voir quel rythme vous préférez.
Et le cloud magique qui résout tout ?
Quand on parle de sauvegardes, beaucoup de gens répondent tout de suite « ah, mais pas de problème, moi, tout est sauvegardé dans le cloud ». Mais ce n’est pas aussi simple. D’abord, le cloud n’existe pas : il s’agit d’ordinateurs comme les autres, susceptibles des mêmes pannes, comme l’a tristement démontré l’incendie d’OVH. Il est d’ailleurs intéressant de noter que beaucoup de clients d’OVH supposaient acquis que leurs données étaient recopiées sur plusieurs centres de données, pour éviter la perte, malgré les conditions d’utilisation d’OVH qui disaient clairement que la sauvegarde était de la responsabilité du client. (Mais qui lit les conditions d’utilisation ?)
Parfois, la croyance dans la magie du cloud va jusqu’à dire que leurs centres de données ne peuvent pas brûler, que des copies sont faites, bref que ce qui est stocké dans le nuage ne peut pas être perdu. Mais rappelez-vous qu’il existe d’innombrables causes de perte de données. Combien d’utilisateurs d’un service en ligne ont eu la mauvaise surprise de découvrir un matin qu’ils n’avaient plus accès à leur compte parce qu’un pirate avait deviné leur mot de passe (ou détourné leur courrier ou leurs SMS) ou parce que la société gestionnaire avait délibérément fermé le compte, en raison d’un changement de politique de leur part ou tout simplement parce que le logiciel qui contrôle automatiquement les accès a décidé que votre compte était problématique ? Il n’est pas nécessaire que la société qui contrôle vos fichiers perde les données pour que vous n’y ayez plus accès. Là aussi, c’est une histoire fréquente (témoignage en anglais) et elle l’est encore plus en cas d’hébergement gratuit où vous n’êtes même pas un client.
Ah, et un autre problème avec la sous-traitance (le terme correct pour cloud), la confidentialité. Si vous travaillez avec des données confidentielles (s’il s’agit de données personnelles, vous avez une responsabilité légale, n’oubliez pas), il n’est pas prudent de les envoyer à l’extérieur sans précautions, surtout vers les fournisseurs états-uniens (ou chinois, mais ce cas est plus rare). Une bonne solution est de chiffrer vos fichiers avant l’envoi. Mais comme rien n’est parfait dans le monde cruel où nous vivons, il faut se rappeler que c’est moins pratique et surtout que cela introduit un risque de perte : si vous perdez ou oubliez la clé de chiffrement, vos sauvegardes ne serviront à rien.
Tester
Un adage ingénierie classique est que ce qui n’a pas été testé ne marche jamais, quand on essaie de s’en servir. Appliqué aux sauvegardes, cela veut dire qu’il faut tester que la sauvegarde fonctionne, en essayant une restauration (le contraire d’une sauvegarde : mettre les fichiers sur l’ordinateur, à partir de la copie).
Une bonne discipline, par exemple, est de profiter de l’achat d’une nouvelle machine pour essayer de restaurer les fichiers à partir de la copie. Vous serez peut-être surpris·e de constater à ce moment qu’il manque des fichiers importants, qui avaient été négligés lors de la sauvegarde, ou bien que la sauvegarde la plus récente n’est… pas très récente. Ou bien tout simplement que la clé USB où vous aviez fait la sauvegarde a disparu, ou bien ne fonctionne plus.
Conclusion
Il faut sauvegarder. Je l’ai déjà dit, non ? Pour vous motiver, posez-vous les questions suivantes :
Si, un matin, mon ordinateur fait entendre un bruit de casserole et ne démarre pas, saurais-je facilement restaurer des données sauvegardées ?
Si toutes mes données sont chez un hébergeur extérieur et que je perds l’accès à mon compte, comment restaurerais-je mes données ?
Si je travaille sur un ordinateur portable que je trimballe souvent, et qu’il est volé ou perdu, où et comment restaurer les données ?
Si vous préférez les messages en vidéo, j’ai bien aimé cette vidéo qui, en dépit de son nom, n’est pas faite que pour les geeks.
J’enseigne, je code et je partage : une série de portraits-entretiens à la rencontre des enseignant⋅es développeur·euses
J’enseigne, je code et je partage est une série de portraits-entretiens à la rencontre des enseignant⋅es développeur·euses réalisée par Hervé Baronnet (enseignant) et Jean-Marc Adolphe (journaliste culture et humanités) pour l’association Faire École Ensemble. Déjà 3 de ces portraits-entretiens ont été publiés et on s’est dit que ça pourrait être chouette d’en savoir un peu plus sur cette initiative. Alors, on a demandé aux interviewers s’ils acceptaient d’être interviewés à leur tour.
Bonjour Hervé et Jean-Marc ! Pouvez-vous vous présenter ?
Bonjour,
Hervé Baronnet, je suis enseignant en maternelle depuis 25 ans, toujours en zone d’éducation prioritaire. Utilisateurs des TICE, notamment de logiciels éducatifs libres mais pas exclusivement. J’ai contribué au projet AbulÉdu en tant que bêta-testeur et auteur de documentations pédagogiques. Je suis actuellement membre du conseil collégial de FÉE.
Bonjour,
Jean-Marc Adolphe, journaliste et conseiller artistique, ex-militant FCPE. Je m’intéresse depuis longtemps à l’éducation aux médias, à mes yeux insuffisamment enseignée à l’école. Et en tant que citoyen, l’école m’engage. La question des « biens communs numériques » me semble essentielle dans tout ce qui ressort du service public, particulièrement au sein de l’Éducation nationale.
Vous êtes tous les deux adhérents de l’association Faire École Ensemble. C’est quoi cette asso ?
L’association Faire École Ensemble est une association collégiale qui facilite les collaborations entre les citoyens et la communauté éducative tout au long de la pandémie. Fée engage des projets collaboratifs en s’appuyant sur 3 spécificités : la convivialité, la documentation et le recours par défaut aux licences ouvertes.
Concrètement, à l’annonce de la fermeture des écoles et de la mise en place généralisée de l’enseignement à distance en mars 2020, nous avons mobilisé 1000 citoyennes et citoyens pour aider les professeurs peu à l’aise avec le numérique. S’en sont suivies d’autres actions autour de la réouverture progressive des écoles avec un protocole sanitaire drastique, les possibilités de faire école à l’extérieur, la préparation d’une rentrée apaisée en passant une nuit à l’école et une action réflexive sur la place du numérique dans l’enseignement (recherche-action ; états généraux du numérique libre et des communs pédagogiques).
Ce que nous faisons avec Faire École Ensemble relève d’une configuration tiers-lieux telle que définie par Antoine Burret (« le tiers-lieu peut-être défini conceptuellement comme : une configuration sociale où la rencontre entre des entités individuées engage intentionnellement à la conception de représentations communes »). Nos projets réunissent des communautés de personnes diverses (parents, profs, designers, chercheurs, élèves, architectes, juristes, militants associatifs, artistes…) autour d’une intention commune (réaménager sa classe, organiser une nuit à l’école, penser la pédagogique en période de crise…). Nous documentons les conversations (formelles et informelles) pour faire émerger un patrimoine informationnel commun, nous prenons soin des liens entre les personnes, sommes garants de la convivialité et accompagnons celles et ceux qui le souhaitent dans le passage à l’action (nous ne faisons pas à leur place).
J’ai cru comprendre que FÉE souhaitait développer une communauté d’enseignant⋅es développeur·euses en informatique. Quel est l’objectif ? Ça s’organise où et comment ? Quelles sont les modalités pour y participer ?
Des webinaires « le logiciel libre par des acteurs de l’éducation pour l’éducation » dans le cadre du cycle sur le libre et les communs sont proposés régulièrement. Les enseignant⋅es développeur·euses sont invité⋅es à y participer.
Il est important de souligner que les « enseignant⋅es développeur·euses » ne sont pas nécessairement des spécialistes en informatique. Ce sont avant tout des enseignant⋅es, soucieu⋅ses de trouver des ressources pédagogiques et « techniques » adaptées à leurs élèves.
Dans ce cadre, vous vous êtes lancés dans une série d’interviews d’enseignant⋅es développeur·euses. Quel est l’objectif de ces interviews ?
Le premier objectif de cette série d’entretiens-portraits est de faire connaître l’existence de ces personnes, de les valoriser elleux ainsi que les projets sur lesquels ielles travaillent. Ensuite, un portrait type présentant leurs spécificités va pouvoir naître en croisant les réponses.
Il s’agit de faire savoir à d’autres enseignant⋅es développeur·euses qu’ielles ne sont pas seul⋅es. À plus long terme, il s’agit de faire prendre conscience de la valeur de ces acteur⋅ices et de lister les freins et les besoins pour aboutir à un soutien institutionnel.
Sur quels critères sélectionnez-vous les enseignant⋅es développeur·euses pour votre série de portraits ?
Nous avons sollicité dans un premier temps des enseignant⋅es qui s’étaient inscrit⋅es sur le forum de FÉE. Puis nous avons réalisé des portraits de personnes au profil plus étendu, avec la double casquette enseignant et développeur au sens large. Le fait de développer ou de contribuer à des logiciels libres est privilégié dans le choix des entretiens.
#ModeTroll : il y a à ce jour 3 entretiens sur le blog et uniquement des hommes. C’est volontaire de ne pas valoriser la gent féminine ?
Il y en a 3 et bientôt 6, tous des hommes, en effet ! FÉE n’y est pour rien (le conseil collégial de l’association devrait être bientôt à parité hommes / femmes). Il se trouve que seuls des enseignants-hommes se sont manifestés à ce jour. Mais nous profitons de cet entretien pour lancer un appel à des enseignantes-développeuses afin qu’elles participent à cette série d’entretiens et qu’elles puissent rejoindre la communauté qui est en train de se former.
Quelle est la place du logiciel libre dans les pratiques des enseignant⋅es développeur·euses ?
La place du logiciel libre est centrale, car la priorité a été donnée aux enseignant⋅es développeur·euses libristes, cette action étant dans la continuité des États Généraux du Numérique Libre organisés par FÉE.
Des développeur·euses qui utilisent des outils non libres ou développant des applications gratuites propriétaires pourront aussi être sollicité⋅es pour mieux définir ce qui les empêche de basculer vers le libre.
Et comme toujours, sur le Framablog, on vous laisse le mot de la fin !
À partir de ces entretiens des caractéristiques communes aux enseignant⋅es développeur·euses peuvent être extraites.
Parmi les points positifs :
+ la motivation à aider les élèves
+ l’éthique comme moteur
+ la valeur ajoutée de leur projet en tant qu’outil métier
Parmi les aspects négatifs :
– le temps, la non-reconnaissance du travail
– le code « amateur » peu ou pas documenté
– l’aspect chronophage des questions des utilisateur⋅ices qui augmente avec le succès des logiciels
Notre contributopie serait de limiter ces freins par l’impulsion de solutions :
Que les institutions qui emploient ces enseignant⋅es développeur·euses reconnaissent l’intérêt de leur travail et leur permettent d’y consacrer du temps. Les enseignant⋅es ne veulent pas devenir développeur·euses à temps plein, le côté passion est leur moteur et les expériences de « professionnalisation » ont été des échecs.
Que la communauté du libre les aide pour améliorer le code sous forme, par exemple, de formations menées par des développeur·euses professionnel⋅les.
La mise en place d’une communauté d’usage permettant de répondre aux questions des utilisateur⋅ices et de créer de la documentation pédagogique.
Merci beaucoup pour vos précisions Hervé et Jean-Marc. Et on espère que de nombreu⋅ses enseignant⋅es et libristes rejoindront votre communauté.
Développeurs, développeuses, nettoyez le Web !
Voici la traduction d’une nouvelle initiative d’Aral Balkan intitulée : Clean up the web! : et si on débarrassait les pages web de leurs nuisances intrusives ?
En termes parfois fleuris (mais il a de bonnes raisons de hausser le ton) il invite toutes les personnes qui font du développement web à agir pour en finir avec la soumission aux traqueurs des GAFAM. Pour une fois, ce n’est pas seulement aux internautes de se méfier de toutes parts en faisant des choix éclairés, mais aussi à celles et ceux qui élaborent les pages web de faire face à leurs responsabilités, selon lui…
Développeurs, développeuses, c’est le moment de choisir votre camp : voulez-vous contribuer à débarrasser le Web du pistage hostile à la confidentialité, ou bien allez-vous en être complices ?
Que puis-je faire ?
🚮️ Supprimer les scripts tiers de Google, Facebook, etc.
Ces scripts permettent à des éleveurs de moutons numériques comme Google et Facebook de pister les utilisatrices d’un site à l’autre sur tout le Web. Si vous les incorporez à votre site, vous êtes complice en permettant ce pistage par des traqueurs.
Face à la pression montante des mécontents, Google a annoncé qu’il allait à terme bloquer les traqueurs tiers dans son navigateur Chrome. Ça a l’air bien non ? Et ça l’est, jusqu’à ce que l’on entende que l’alternative proposée est de faire en sorte que Chrome lui-même traque les gens sur tous les sites qu’ils visitent…sauf si les sites lui demandent de ne pas le faire, en incluant le header suivant dans leur réponse :
Permissions-Policy: interest-cohort=()
Bon, maintenant, si vous préférez qu’on vous explique à quel point c’est un coup tordu…
Aucune page web au monde ne devrait avoir à supplier Google : « s’il vous plaît, monsieur, ne violez pas la vie privée de la personne qui visite mon site » mais c’est exactement ce que Google nous oblige à faire avec sa nouvelle initiative d’apprentissage fédéré des cohortes (FLoC).
Si jamais vous avez du mal à retenir le nom, n’oubliez pas que « flock » veut dire « troupeau » en anglais, comme dans « troupeau de moutons, » parce que c’est clairement l’image qu’ils se font de nous chez Google s’ils pensent qu’on va accepter cette saloperie.
Donc c’est à nous, les développeurs, de coller ce header dans tous les serveurs web (comme nginx, Caddy, etc.), tous les outils web (comme WordPress, Wix, etc.)… bref dans tout ce qui, aujourd’hui, implique une réponse web à une requête, partout dans le monde.
Notre petit serveur web, Site.js, l’a déjà activé par défaut.
Si jamais il y a des politiciens qui ont les yeux ouverts en ce 21e siècle et qui ne sont pas trop occupés à se frotter les mains ou à saliver à l’idée de fricoter, voire de se faire embaucher par Google et Facebook, c’est peut-être le moment de faire attention et de faire votre putain de taf pour changer.
🚮️ Arrêter d’utiliser Chrome et conseiller aux autres d’en faire autant, si ça leur est possible.
Rappelons qui est le méchant ici : c’est Google (Alphabet, Inc.), pas les gens qui pour de multiples raisons pourraient être obligés d’utiliser le navigateur web de Google (par exemple, ils ne savent pas forcément comment télécharger et installer un nouveau navigateur, ou peuvent être obligés de l’utiliser au travail, etc.)
Donc, attention de ne pas vous retrouver à blâmer la victime, mais faites comprendre aux gens quel est le problème avec Google (« c’est une ferme industrielle pour les êtres humains ») et conseillez-leur d’utiliser, s’ils le peuvent, un navigateur différent.
C’est décourageant de voir les tentacules de ce foutu monstre marin s’étendre partout et s’il a jamais été temps de créer une organisation indépendante financée par des fonds publics pour mettre au point un navigateur sans cochonnerie, c’est le moment.
🚮️ Protégez-vous et montrez aux autres comment en faire autant
Pointez vers cette page avec les hashtags #CleanUpTheWeb et#FlocOffGoogle.
🚮️ Choisissez un autre business model
En fin de compte, on peut résumer les choses ainsi : si votre business model est fondé sur le pistage et le profilage des gens, vous faites partie du problème.
Les mecs de la tech dans la Silicon Valley vous diront qu’il n’y a pas d’autre façon de faire de la technologie que la leur.
C’est faux.
Ils vous diront que votre « aventure extraordinaire » commence par une startup financée par des business angels et du capital risque et qu’elle se termine soit quand vous êtes racheté par un Google ou un Facebook, soit quand vous en devenez un vous-même. Licornes et compagnie…
Vous pouvez créer de petites entreprises durables. Vous pouvez créer des coopératives. Vous pouvez créer des associations à but non lucratif, comme nous.
Si vous vous demandez ce qui vous rend heureux, est-ce que ce n’est pas ça, par hasard ?
Est-ce que vous voulez devenir milliardaire ? Est-ce que vous avez envie de traquer, de profiler, de manipuler les gens ? Ou est-ce que vous avec juste envie de faire de belles choses qui améliorent la vie des gens et rendent le monde plus équitable et plus sympa ?
Nous faisons le pari que vous préférez la seconde solution.
Si vous manquez d’inspiration, allez voir ce qui se fait chez Plausible, par exemple, et comment c’est fait, ou chez HEY, Basecamp, elementary OS, Owncast, Pine64, StarLabs, Purism, ou ce à quoi nous travaillons avec Site.js et le Small Web… vous n’êtes pas les seuls à dire non aux conneries de la Silicon Valley
On existe en partie grâce au soutien de gens comme vous. Si vous partagez notre vision et désirez soutenir notre travail, faites une don aujourd’hui et aidez-nous à continuer à exister.
Un Web « low-tech », « sobre », « frugal»… ce n’est pas une mode, mais un mouvement de fond qui va au-delà de la prise de conscience et commence à s’installer dans les pratiques. C’est pourquoi sans doute Nathalie a choisi d’associer recherche d’informations et expérimentation dans sa démarche d’éco-conception, c’est après tout la meilleure façon d’apprendre et progresser. Les commentaires comme toujours sont ouverts et modérés.
Bilan du défi « avance rapide »
par Nathalie
Nous sommes début avril 2021, voilà maintenant un mois que je m’intéresse aux impacts du numérique sur notre planète. Un mois que je lis tout ce que je peux trouver sur ce sujet et plus particulièrement sur l’éco-conception du numérique. Un mois que j’apprends intensivement sur ce sujet passionnant. Un mois que j’écris sur chaque découverte ou inspiration. Ce fut un mois intense et passionnant. Merci à celles et ceux qui ont pris le temps de me lire et d’écrire un commentaire, que ce soit pour m’encourager ou confronter leurs opinions. Certains sont plus en avance que moi sur le sujet et m’ont apporté leur contribution pour enrichir ce blog.
Je vais continuer à apprendre et à écrire ici au fil de mon chemin. De manière moins soutenue et peut-être un contenu un peu différent parfois. J’aimerais mettre en application ce que j’ai appris. Peut-être en commençant par l’analyse de sites web, décortiquer ensemble les choix de design et les confronter à mes récentes connaissances en éco-conception. Tout n’est pas encore décidé, d’ailleurs si vous avez des idées ou des choses que vous aimeriez voir ici, n’hésitez pas à m’en faire part en commentaires.
Bilan du défi “avance rapide”
Voici un bilan de ces 30 jours d’apprentissage intensif, défi que j’avais baptisé “avance rapide” (ici l’article sur le lancement du défi).
Articles publiés
J’ai lu des dizaines et des dizaines d’articles sur le sujet, participé à deux conférences et lu également deux livres pour lesquels j’ai mis le lien des chroniques un peu plus bas. J’ai découvert de nombreuses statistiques dont certaines qui m’ont beaucoup choquée et que j’ai regroupées ici. J’ai publié 29 articles (en excluant les articles sur le lancement et le bilan du défi que vous êtes en train de lire), un mélange entre apprentissage théorique, bonnes pratiques concrètes et inspirations. Je vous remets les liens de chaque article ci-dessous, classés par catégorie.
Au fil de mon apprentissage, j’ai également appliqué concrètement certaines actions sur le blog:
– non utilisation du blanc dans le design du blog (le blanc est la couleur la plus consommatrice en terme d’énergie)
– application de la méthode Marie Kondo, par exemple en utilisant des images uniquement lorsqu’elles servent à la compréhension
– optimisation des images avec ImageOptim (40% de réduction de poids en moyenne)
– mise en place d’un CDN pour réduire la distance à parcourir pour chaque requête (une bonne pratique dont je n’ai pas encore parlé mais j’y dédierai un article prochainement)
– j’essaie de rédiger des titres clairs pour éviter les mauvaises surprises et des chargements de page inutiles
Pour le moment, le score obtenu pour la page d’accueil du blog (www.webdesignfortheplanet.com) est plutôt satisfaisant. J’espère le maintenir dans le futur 🙂
En conclusion
J’espère que vous avez appris aussi et que certains articles vous ont interpellés, fait prendre conscience de l’impact de nos choix UX ou UI notamment dans la construction de nos sites web et, pourquoi pas, carrément donné envie de changer les choses dans nos métiers du numérique. N’hésitez pas à partager vos ressentis avec moi sur tout ça, ça m’intéresse de vous lire 🙂
J’ai encore beaucoup à apprendre sur ce sujet, je vais continuer à creuser, lire, analyser et expérimenter à mon rythme. Si vous avez des recommandations ou des suggestions de sujets que vous aimeriez que je creuse, n’hésitez pas à m’en faire part en commentaires de cet article.
Marie-Cécile Godwin : « les usages prévalent sur tout »
Un internaute nous dit : J’ai été particulièrement intéressé par les propos de Marie Cécile Godwin sur ses interactions avec les utilisateurs de PeerTube et les vidéastes qui utilisent déjà YouTube, ainsi que sur ses retours sur la communauté du libre… Dis, Framablog, tu nous ferais un entretien avec elle pour en parler plus longuement ?
Mais avec grand plaisir ! Marie-Cécile, 39 ans, amatrice de Rice Krispies et de tricot, designer UX quand il faut payer les factures. Diplômée de communication visuelle en 2004 (oui, ça date !), j’ai peu à peu navigué vers la stratégie de conception et l’étude des usages, à l’époque où on ne parlait pas encore d’UX. Aujourd’hui, je passe la plupart de mon temps à coller des post-it partout, écouter des personnes me parler de leurs usages numériques et faire de mon mieux pour déconstruire les clichés sur le numérique des étudiant·es durant les cours que je donne. D’ailleurs, je leur propose régulièrement de prendre les logiciels libres comme sujets d’étude !
Qu’est-ce que tu savais du logiciel libre et de la culture geek avant de nous rencontrer ?
Pas grand chose. J’utilisais certains d’entre eux, mais je n’avais pas encore fourré le nez dans la culture libre et ses valeurs. En bonne designer graphique, je capitulais devant le poids des grandes firmes et de leurs logiciels propriétaires pour respecter la chaîne de production tout autour de moi. Puis, avec l’arrivée des plateformes sociales et la découverte des enjeux liés, entre autres, à l’Anthropocène, j’ai enfin pu déconstruire mes préconceptions au sujet des libertés individuelles, et de ce que nous pouvons faire pour nous prémunir de leur destruction. Pour ce qui est des logiciels propriétaires, j’ai récemment décidé de passer à la suite Affinity Serif qui n’est pas libre, mais qui propose leurs logiciels à prix fixe, une rareté dans l’industrie où il ne reste que des programmes « cloud » à abonnement.
Est-ce que tu avais une vision réaliste des vidéastes qui publient sur le web, ou est-ce que tu as eu des surprises en bossant sur PeerTube ?
Très peu consommatrice de contenus vidéos, je n’ai pas bien suivi le phénomène de l’explosion des vidéastes. Certainement dû à mon grand âge, en tout cas sur l’échelle du Web 😀
Du coup, pas tellement de surprises en découvrant l’univers gravitant autour de Peertube, mais de belles rencontres, notamment au fil des entretiens menés pour découvrir les usages de chacune et chacun.
Tu dis que tu es designer, en quoi ça consiste ?
Ah ça, c’est LA question piège à chaque fois qu’on me demande ce que je fais. Il y a des clichés très persistants sur le design, qui est vu comme la discipline de l’apparence et du beau. Si je devais revenir aux fondements de ma pratique, je suis la personne chargée de (re)cadrer le besoin initial, d’analyser le contexte et le terrain, puis de prendre toute la complexité recueillie, l’ordonner et lui donner LA forme qui conviendra.
Que ce soit du travail de graphisme (UI) pour adapter une identité graphique à un wireframe, ou du travail de conception dudit wireframe, ou encore la création d’un « service blueprint » (un plan technique d’un service ou d’une organisation destiné à faciliter l’identification des problèmes ou des frictions) d’après des données de terrain ou d’entretiens, tout part des mêmes méthodes : cadrer, analyser, ordonner puis choisir la forme de restitution qui conviendra.
Ce processus est à la base de tout, c’est ce qui s’appelle la « pensée design », et qui fait les beaux jours des cabinets de consulting sous le très à la mode « design thinking« . Mais qu’on appelle ça « design thinking« , « UX design » ou un quelconque néologisme bullshit, cela m’importe peu. Je me dis souvent « UX designer » ou « UX researcher » parce que ce sont des termes qui sont maintenant entrés dans le langage commun et qui ont un vague sens pour les personnes à qui je le dis. Mais au final, je suis bien « conceptrice » un peu comme je pourrais être « ingénieure ». C’est une façon de penser, réfléchir et faire les choses, puis de leur donner la juste apparence en fonction de tous ces paramètres. J’assiste la conception de systèmes et de services.
Est-ce que tu as changé de façon de « faire du design » au cours de ta vie professionnelle ?
Ouh là là oui ! À l’époque où j’ai fait mes études (le tout début du siècle !), le monde était radicalement différent et les inégalités et oppressions systémiques amplifiées par le numérique étaient beaucoup moins saillantes qu’aujourd’hui. Mon propre privilège m’était également invisible.
je me suis frottée au capitalisme de surveillance
Je me contentais de faire ce que l’on m’avait appris : obéir aux exigences d’un⋅e client·e et faire de mon mieux pour contribuer à atteindre ses objectifs, la plupart du temps ceux-ci étant résumables à « vendre plus de trucs ». Depuis, je me suis frottée au capitalisme de surveillance, à la surconsommation, au dérèglement climatique, aux oppressions systémiques et j’ai découvert que le design et les designers étaient loin d’être innocentes dans tout ça. Il m’a fallu du temps, mais aujourd’hui j’essaie de faire de mon mieux pour parler de ces aspects et les appliquer au quotidien dans ma manière de travailler et les personnes avec qui je travaille.
Pourquoi as-tu accepté de contribuer à Framasoft (On n’en revient toujours pas qu’une pointure comme toi accepte de nous aider) ?
Une « pointure » ? mais non enfin 😀
Hé bien justement, pour toutes les raisons susmentionnées. Il n’est pas possible de lutter individuellement contre des choses aussi complexes et insidieuses que le dérèglement climatique et le capitalisme de surveillance. Par contre, on peut faire plein de petits choix conscients qui feront avancer petit à petit les choses. Collaborer avec Framasoft, que ce soit via des prestations rémunérées ou du bénévolat, me permet d’avoir la sensation de faire une petite part du travail à accomplir pour que le monde soit un poil moins pourri chaque jour.
Aussi, parce que Framasoft est blindée de personnes formidables que j’aime beaucoup côtoyer (toujours à 2 mètres de distance et avec un masque :P) et que j’apprends énormément à leurs côtés.
Quand tu as commencé à regarder ce qui n’allait pas en termes d’UX / UI chez Framasoft, qu’est-ce qui t’a choquée le plus ?
Le mot « choquée » est un peu fort. 😛
Ce qui me donne le plus de fil à retordre, c’est tout le travail de « change management« , pour employer un terme très startup nation. Le modèle mental des designers est radicalement différent, dans la manière d’aborder la conception d’un outil, par exemple d’un logiciel. Nous n’allons pas nous appuyer sur nos propres perceptions pour prendre des décisions, mais nous allons d’abord étudier le contexte, aller voir des personnes qui ont le même besoin, et essayer de trouver un modèle de conception qui serve le plus de monde possible.
Ce travail, s’il n’est pas fait en amont, pose deux problèmes : l’outil une fois conçu ne va pas « parler » aux personnes qu’il est censé aider. Par exemple, le vocabulaire verbal ou visuel de l’interface induira les personnes qui l’utilisent en erreur, soit parce qu’il est trop technique ou qu’il n’emploie pas les bonnes métaphores visuelles. Le deuxième problème, plus structurel, se traduit dans la manière dont le projet est mené et conçu. Si vous avez passé votre vie à concevoir des programmes, qu’ils vous conviennent bien, et qu’en plus personne n’a jamais vraiment râlé, vous n’allez pas avoir besoin de vous remettre en question. Comme je le raconte souvent quand je parle de conception / design dans le libre, en tant qu’UX designer j’arrive avec un constat inconfortable : « ton logiciel ne prend pas le problème dans le bon sens… ». Si on s’arrête là, c’est sûr que ça donne l’impression qu’on va tout péter à coups de masse et que tout le boulot fait jusqu’à présent est à jeter aux oubliettes. La suite du constat est plus cool : « …mais c’est pas grave, on va trouver ensemble des manières de le faire évoluer pour qu’il parle à davantage de gens ».
Comment s’est déroulé ton travail sur PeerTube ?
À la différence de Mobilizon, où le projet commençait à peine et où la team Frama m’a intégrée tout de suite, PeerTube a déjà tout un existant avec lequel j’ai dû me familiariser : l’histoire du projet, de son concepteur, les évolutions, les contributions, les dynamiques autour du projet. J’étais dans mes petits souliers au début ! Ce n’est pas facile de débarquer comme une fleur avec un œil de designer, souvent notre travail est perçu comme l’arrivée d’un chien dans un jeu de quilles, un peu à la « c’est moche, on refait tout ». Il est important de prendre en compte l’histoire du projet et tout le bagage émotionnel qui va avec. On a commencé doucement avec une première phase où j’ai fait l’éponge en posant des questions à l’équipe et à Chocobozzz, puis où j’ai mené des entretiens pour nous faire une meilleure idée de ce que les utilisatrices et utilisateurs de PeerTube en faisaient et ce dont elles et ils avaient besoin. J’ai réalisé en tout une quinzaine d’entretiens, desquels sont sortis non seulement plein d’idées d’améliorations à très court terme, mais aussi de quoi nourrir des orientations stratégiques sur le temps long.
Ce qui m’intéresse beaucoup dans ce projet, c’est d’accompagner Chocobozzz dans les futures évolutions du logiciel en lui apportant la facette « UX ». Outre des petites choses simples comme l’aider à justifier des décisions ergonomiques ou graphiques grâce aux heuristiques de design graphique ou d’utilisabilité, on essaie de bien cadrer les problèmes identifiés, de se faire une bonne idée des usages qui vont autour et de prendre les décisions qui y correspondent.
La grande satisfaction jusqu’à présent, c’est de sentir que je suis utile et que mon travail ne génère pas de défiance dans l’équipe. Chocobozzz m’a dit que ça lui faisait du bien de bosser avec une designer, lui qui a été bien seul sur l’immense majorité de son projet et qui a dû faire des choix ergonomiques sans réellement savoir si c’était la bonne voie ou pas.
les libristes, c’est comme un bol de M&M’s
Qu’est-ce que tu trouves de génial et qu’est-ce que tu trouves de détestable dans la communauté du Libre ?
Ce qui est absolument génial, ce sont ces valeurs partagées et cette ouverture vers des alternatives. La radicalité politique de la communauté est très appréciable. Pour s’intéresser au libre, il faut avoir fait un chemin individuel qui implique forcément de la réflexion, une prise de recul sur l’existant, et l’audace de s’orienter vers quelque chose de différent de la norme.
Pour ce qui est « détestable », je ne sais pas si le mot est juste, mais j’ai eu à me frotter à un cactus bien piquant, celui qui découle du modèle mental dominant dans le libre : celui du développeur / ingénieur (homme cis hétérosexuel, éduqué, très souvent valide et entouré de gens qui lui ressemblent bien trop (ce ne sont que des faits démographiques, pas un jugement)) dans son armure de certitudes. Concrètement, je me suis fait empailler un nombre incalculable de fois, notamment sur Mastodon que j’ai laissé tomber pour cette raison, parce que j’avais eu l’audace d’utiliser une solution non-libre tout en osant travailler avec Frama. Il existe deux problèmes à mon sens : le premier relève de l’allégeance au libre qui est souvent interprétée en décalage avec la réalité des choses (l’existence d’intercompatibilité entre des solutions ou pas, le monde du travail, les habitudes, les possibilités financières, physiques, cognitives de chacun·e). Résultat, je suis une « vendue » si un jour j’ai osé publier un lien vers un Google Doc. Sauf que la petite asso sans moyen à qui je file un coup de main n’a pas vraiment eu d’autre choix que de se rabattre sur cette solution, pour des raisons qui sont les siennes et que je ne dois pas me permettre de critiquer (les usages prévalent sur tout, c’est la réalité, même si on aimerait parfois que ce soit différent).
Le deuxième problème est fait d’un mélange de patriarcat bien ancré dans l’informatique mixé au manque quasi-total d’occasions de se remettre en question dont souffrent nombre de personnages dans le libre. Je ne suis pas en train de critiquer des individus, ce serait trop simple et cela effacerait l’aspect systémique du problème. En pratique, cela se traduit en discussions unilatérales où mon interlocuteur est en incapacité d’imaginer que je puisse avoir une autre perception et une autre expérience de la vie que lui, encore moins de reconnaître ses torts. Une fois entrevue la possibilité que je puisse lui mettre le nez dans son étron, il va redoubler d’effort car mieux vaut se défendre que d’avouer ses erreurs. Il y a aussi cette insupportable certitude qu’on est dans la vérité et que toute personne qui fait autrement a foncièrement tort. Une des conséquences c’est l’infini tsunami de conseils non sollicités que moi et mes consœurs nous prenons dans la courge quand on ose émettre la moindre critique de quoi que ce soit sur Internet. Je n’ai pas l’énergie de gérer les egos de ceux qui viennent m’apprendre la vie, alors qu’en faisant l’effort de lire ma bio ou de consacrer quelques secondes à se renseigner sur ce que je publie, ils se seraient vite rendu compte que leur intervention était au mieux inutile, au pire franchement toxique.
Du coup, les libristes, c’est comme un bol de M&M’s. On te dit qu’au milieu du bol, y’en a 2 ou 3 qui sont toxiques du genre mortel, mais qu’on ne sait pas lesquels. Je souhaite bon courage à la personne qui osera en manger. Cela peut expliquer que je perde patience et qu’il m’arrive de bloquer allègrement, ou d’envoyer de bons vieux mèmes féministes pour clore une discussion non sollicitée.
Es-tu une louve solitaire du design et de l’expérience utilisateur dans le monde du libre, ou bien y a-t-il une communauté de UI/UX designers qui ont une affinité avec le libre ?
De plus en plus de consœurs et confrères s’intéressent au libre. Maiwann a commencé bien avant moi ! Je suis loin d’avoir le monopole. Il y a encore un fossé qui nous empêche, nous designers, de vraiment contribuer au libre. On ne s’y sent pas forcément à notre place ou bien accueilli·es. Il faut déjà passer la barrière des outils et méthodes qu’utilisent les libristes pour travailler (GitHub, forums, etc.) et ensuite faire comprendre que nous ne sommes pas juste des peinteresses en bâtiment qui vont pouvoir donner un petit coup de propre à notre vieux Bootstrap UI.
J’essaie de motiver des personnes autour de moi dans l’industrie du design et de l’UX pour contribuer, j’espère que ma présence dans ce milieu va rassurer les gens du libre (non, les designers ne viennent pas tout casser !) et les designers (oui, les gens du libre peuvent écouter !).
Question annexe : je participe à un super projet libre (site Web ou applications pour le Web/ordiphone/ordinateur), mais je suis nul en UX/UI. Vers qui me tourner ? De manière générale, comment aborder cette problématique quand on n’est pas soi-même designer ?
La toute première étape pour aborder la problématique de la conception et de l’expérience d’usage, c’est déjà de se rendre compte qu’on a besoin d’aide 🙂 Ensuite, je dirais qu’intégrer un·e designer le plus tôt possible dans le projet est très important. Comme tu l’as sûrement compris, plus on peut absorber de contraintes, mieux on peut aider.
Il existe plein de ressources pour s’approprier les règles de base afin de créer une interface accessible, lisible, utilisable et logique. Ce n’est pas si dur que ça, promis ! Le tout c’est d’arriver avant la fin du projet où il ne reste plus qu’à « mettre un coup de peinture au Bootstrap« .
En travaillant avec des vidéastes utilisant des plateformes privatrices, as-tu vu des problèmes impossibles à résoudre pour eux (pour le moment) avec les logiciels libres et/ou PeerTube ? (Je pose cette question parce que j’ai récemment lu un article de Robin Wong expliquant qu’il devait publier deux vidéos sur YouTube chaque semaine sous peine de disparaître des écrans, la faute à un algorithme secret et féroce… et j’ai trouvé ça particulièrement triste et aimerais bien qu’il existe une solution libre pour éviter cela)
Il existe nombre de problématiques d’usage pour lesquelles le logiciel libre ne pourra pas grand chose. Avec Mobilizon, par exemple, on s’est frotté·es au phénomène du « no-show« , ou de ces personnes qui prennent une place pour un événement, pour finalement ne pas y venir. C’est un grand classique pour toute personne qui organise des événements, et ça peut être très difficile de gérer la logistique derrière. Cela implique des questionnements sur le nombre de bouteilles de jus de fruit à prévoir jusqu’à la taille même de la salle à louer. C’est un souci humain, et on aura beau se creuser la tête et ajouter tout un tas de petite fonctionnalités pour inciter au maximum ces personnes à céder leur place réservée si elles ne viennent pas, l’informatique a ses limites.
Pour la rémunération, ce ne sont pas les logiciels libres qui vont faire office de solution
Pour ce qui est de la vidéo, il est clair que deux forces jouent en la défaveur des vidéastes : le modèle financier imposé par les plateformes, et les algorithmes qui changent en permanence la donne sur ce qui sera promu et pourquoi. Pour la rémunération, ce ne sont pas les logiciels libres qui vont faire office de solution. C’est à nous de nous poser la question, de manière politique, en décortiquant qui rémunère qui, en fonction de quoi, et en décidant collectivement de nouvelles manières de faire en s’affranchissant des plateformes. Pour le coup des algorithmes de sélection de contenu, ils existent pour un seul objectif : forcer les créatrices et créateurs de contenu à payer pour être vues. Le dommage collatéral terrible, c’est qu’ils les forcent aussi à standardiser ce qu’elles produisent, depuis la tronche de l’image de prévisualisation jusqu’au rythme de publication. Ce diktat est très inconfortable pour elles, et je les comprends. Mais de là à abandonner une audience en apparence captive et une plateforme qui te rémunère sans que tes fans n’aient à débourser un seul euro (ou en tout cas c’est ce dont on a l’impression), il y a un fossé à survoler avant d’y arriver.
La transition vers de nouveaux modèles de publication et de rémunération est loin d’être facile, ni rapide. C’est à nous de promouvoir des modèles alternatifs et toute la pédagogie qui va autour, en ne perdant pas de vue que les logiciels en eux-mêmes ne sont pas une fin.
Quel(s) conseil(s) donnerais-tu aux créateurs de logiciels libres pour obtenir de bons retours qui leur permettent d’améliorer leurs logiciels et de les rendre plus accessibles (pas seulement en termes d’accessibilité comme on l’entend sur le Web, mais tout simplement pour qu’ils soit utiles au plus grand nombre).
Il y a deux niveaux sur lesquels agir :
la stratégie de conception du logiciel,
son apparence, son utilisabilité et son accessibilité.
Pour le deuxième niveau (le plus simple pour commencer), il existe de nombreuses ressources pour s’auto-former en bases du graphisme : la théorie des couleurs, les contrastes, les principes du design visuel, les heuristiques d’utilisabilité d’interface (en anglais), parmi tant d’autres. Rien qu’avec ces basiques, on peut éviter énormément d’erreurs d’UI (apparence de l’interface) ou d’UX (comment l’interface fonctionne et s’enchaîne avec le reste d’un flow).
Il est également possible de faire un peu de « guérilla UX » à moindre frais. La méthode la plus simple consiste à interroger des utilisatrices ou utilisateurs de votre logiciel, voire carrément d’organiser une petite session de partage d’écran, de leur demander d’accomplir telle ou telle action, et de les observer en silence : frissons garantis ! Vous en apprendrez énormément sur la manière dont les personnes utilisent votre logiciel, sur les objectifs qu’elles cherchent à remplir avec, et sur les modèles mentaux qu’elles utilisent et que vous n’aviez pas imaginés.
En ce qui concerne la stratégie de conception, c’est un peu plus compliqué. La remettre en question demande une certaine maturité sur le projet, et l’acceptation qu’il est possible qu’on se soit trompé à la base… Jamais agréable. Ensuite, c’est un long travail à faire que de revenir aux origines de l’usage de votre logiciel. Étudier le besoin original, explorer ce besoin pour voir quel périmètre d’usage choisir, pour quels objectifs, pour promouvoir quelles valeurs, puis comment structurer la conception pour appliquer ces valeurs à l’ensemble des décisions prises. C’est ce qu’on appelle l’assistance à maîtrise d’usage, et c’est ce à quoi je passe la plupart de mon temps. Là, c’est un peu plus difficile de s’auto-former. J’essaie, dans la mesure du temps que je peux dégager, de donner des coups de main à droite à gauche pour débloquer ce genre de situations. C’est ce qu’on avait fait avec Marien sur Lessy, par exemple.
Des recommandations de lectures ou de visionnages pour en découvrir plus sur ton métier et sur les bonnes pratiques de UI/UX en général ?
La cartographie libre creuse son sillon depuis de nombreuses années déjà. À l’instar de Wikipédia, l’autre grand projet collaboratif du Web dont le succès ne se dément pas, le projet OpenStreetMap (OSM), lancé quelques années après l’encyclopédie libre, est à l’origine de nombreuses applications.
À noter : cet article bénéficie désormais d’une version audio.
Merci à Sualtam, auteur de lectureaudio.fr pour cette contribution active.
L’article que vous allez lire en présente plusieurs avec une grande clarté et insiste en particulier sur la possibilité de les utiliser hors ligne. Parmi celles-ci, l’application Geovélo fait figure de fleuron français. Largement soutenue et promue par les collectivités locales, elle bénéficie d’une relativement importante couverture médiatique.
On peut toutefois s’interroger sur la manière dont ces collectivités appréhendent réellement le modèle des données libres et ouvertes sur lequel repose ce type d’applications. Car pour qu’elles rendent les services qu’on attend d’elles, il faut que les données cartographiques soient de bonne qualité et mises à jour régulièrement. C’est ce que rappelle Julien de Labaca dans « Le vélo a besoin de carto(s) ». Les collectivités locales françaises sont-elles contributrices au projet OSM ? Après tout, en tant que gestionnaires de voirie, leurs services sont les mieux placés pour collaborer efficacement à ce bien commun qu’est une cartographie libre.
Republication de l’article original publié sur le blog de Damien Une famille à vélo, consacré au cyclotourisme en famille et riche en récits de voyages illustrés, en conseils et fiches pratiques…
Itinéraires 2.0
C’est bien beau de pédaler, mais il est aussi utile de savoir où on va. Tous les ordiphones ont une application de cartographie pré-installée, plus ou moins respectueuse de la vie privée, mais qui en général ne fonctionne pas hors-ligne (ou partiellement).
Je ne m’attarderai pas sur ces applications natives.
OpenStreetMap
Nous allons parler d’OpenStreetMap et de son écosystème. Pour ceux qui n’en ont jamais entendu parler voici ce qu’en dit Wikipédia :
OpenStreetMap (OSM) est un projet collaboratif de cartographie en ligne qui vise à constituer une base de données géographiques libre du monde (permettant par exemple de créer des cartes sous licence libre), en utilisant le système GPS et d’autres données libres.
Vous pouvez bien sûr consulter directement la carte OSM avec ses différents fonds de carte (dont certains sont dédiés au vélo). Les données étant sous licence libre, de nombreuses autres applications utilisent les données OSM. C’est très souvent le cas des applications de randonnée.
OsmAnd
L’application OsmAnd repose sur les cartes OpenStreetMap. Elle est disponible sur Android et IOS. Le site est en anglais mais – rassurez vous – l ‘application est disponible en français. Voici quelques-unes de ses fonctionnalités :
calcul d’itinéraire et guidage avec différents profils (voiture, vélo, randonnée) ;
recherche de points d’intérêts (exemple l’épicerie la plus proche, avec les horaires d’ouverture) ;
enregistrement d’itinéraires ;
import d’itinéraires ;
ajouts de points favoris.
L’application profite de toute la richesse d’OpenStreetMap : cartes détaillées avec différents fonds de carte (routes, itinéraires cyclables, itinéraires de randonnée, courbes de niveau) et les points d’intérêts (commerces, gares, logements, hôpitaux…) L’application utilise aussi la base des points d’intérêt de Wikipédia.
Il s’agit d’une application open source qui ne vous obligera pas à créer un compte. Point important, elle fonctionne hors-connexion une fois qu’on a téléchargé les cartes (possibilité limitée à 7 cartes dans la version gratuite). Utile quand vous ne voulez pas exploser votre forfait à l’étranger, ou même autour de chez vous. C’est utile aussi pour économiser la batterie.
N’hésitez pas à prendre le temps de jouer avec les menus. Ils sont assez riches, on s’y perd un peu au début mais il y a tout un tas d’options intéressantes. On trouve des tutoriels assez bien faits sur Internet.
Waymarked Trails
Waymarked Trails présente les itinéraires de randonnée depuis l’échelon local jusqu’au niveau international, avec des cartes et des informations de OpenStreetMap ainsi qu’un profil d’altitude. Le site permet d’afficher les chemins de randonnée à pied, à vélo, à vtt, en rollers, à cheval et à ski.
Zoomer et cliquer sur un itinéraire pour voir le détail. Une fois l’itinéraire sélectionné, il est possible de l’exporter aux formats GPX et KML. Vous n’avez plus qu’à importer l’itinéraire dans votre application GPS préférée.
Les itinéraires touristiques classiques ne sont pas encore tous référencés sur OSM. Dans ce cas vous les trouvez généralement sur les sites internet dédiées aux itinéraires, ou encore sur les sites des offices du tourisme. Exemple l’Alsace à vélo.
Bien sûr, il existe des sites de partage avec des centaines d’itinéraires. Si ces bases sont très riches, elles contiennent essentiellement des tracés fournis par des utilisateurs individuels, qui ne correspondent pas forcément aux itinéraires officiels. C’est intéressant pour des sorties sportives, mais ça ne vous garantit pas de passer par des voies sécurisées ou à faible trafic. Mieux vaut étudier les itinéraires avant de les suivre la tête dans le guidon.
Open Camping Map
Sur le même principe que Waymarked Trails pour les itinéraires, Open Camping Map est une extraction de la base OSM qui présente les campings. Ceux-ci étant référencés sur OSM, c’est plutôt une application qui s’utilise pour avoir une vue dédiée aux campings lorsque vous préparez vos itinéraires.
BRouter
BRouter est un bon calculateur d’itinéraire à vélo open source, avec de nombreux profils (route, cyclotourisme, …). Il fonctionne soit en ligne avec possibilité d’exporter l’itinéraire créé, soit en tant qu’application Android qui peut s’utiliser avec OsmAnd, Locus-Maps ou OruxMaps.
Exemple d’utilisation
Maintenant que nous avons tous les éléments, nous pouvons nous lancer dans la préparation d’un voyage à vélo.
Téléchargement de la carte OSM de la région dans l’application OsmAnd ;
Téléchargement de l’itinéraire vélo principal depuis Waymarked Trails ou autre source ;
Création manuelle de nouveaux itinéraires sur B.Router (détours et autres variantes) ;
Ajout de marques sur la carte (campings, châteaux, musées, piscines…) ;
Import des différents fichiers GPX dans l’application OSM. L’application permet maintenant d’afficher tous les itinéraires et points d’intérêts, et de naviguer hors-ligne.
GéoVélo
GéoVélo est un calculateur d’itinéraire (site web et application) pour les villes françaises. L’application fonctionne hors-ligne une fois qu’on a téléchargé la carte de la ville. Le guidage est bien pensé avec un zoom automatique à chaque changement de direction. Petit bémol, on est obligé de créer un compte pour pouvoir mémoriser des lieux et des trajets.
[EDIT par Framasoft] Plusieurs commentaires ci-dessous mettent en garde contre cette application qui ouvre des connexions avec google-analytics.com, doubleclick.net, facebook.net et cdn-apple.com… entre autres]
Participer avec StreetComplete
À la différence des autres cartes, OpenStreetMap est entièrement créé par des gens comme vous, et chacun est libre de le modifier, le mettre à jour, le télécharger et l’utiliser. Vous pouvez donc participer vous aussi à la construction de cet outil communautaire.
Il n’est pas nécessaire d’avoir une licence en géographie ni d’être expert en informatique. Le moyen le plus simple pour commencer est sans doute l’application StreetComplete qui vous permet de contribuer au projet OpenStreetMap en effectuant des « quêtes ». L’application vous propose d’ajouter des informations manquantes sur des zones près de votre position. L’application est destinée aux utilisateurs qui ne connaissent rien aux systèmes de marquage OSM mais souhaitent tout de même contribuer à OpenStreetMap en explorant leur quartier ou d’autres lieux. Vous pouvez le présenter de façon ludique aux enfants, comme une chasse au trésor. Ceci leur apprend à se repérer sur une carte, à s’orienter, à trouver le nom d’une rue, les horaires d’un magasin.