Framapad de plus en plus utilisé dans l’éducation

Framapad sur iPad

On ne nous prévient pas toujours loin de là mais nous constatons avec fierté et plaisir que notre service libre Framapad est de plus en plus souvent utilisé dans les établissements scolaires (par exemple ici, ici, ici ou encore ).

On y a apprécie son immédiateté, sa simplicité d’usage et surtout ses potentialités pédagogiques, notamment pour ce qui concerne le travail collaboratif (on y apprécie également le fait que ce soit libre et qu’on n’est pas obligé d’en passer par Google).

Nous avons voulu en savoir plus en interviewant ci-dessous deux enseignantes, l’une du primaire et l’autre du secondaire.

Merci de relayer l’info pour faire connaître et donner envie à plus de monde encore de se frotter à Framapad. Merci également d’apporter votre témoignage dans les commentaires si vous aussi vous l’utilisez dans vos classes, il est important pour nous de faire savoir que nous sommes utiles 😉

La photo ci-dessous est issue d’une séance pédagogique très détaillée réalisée en SVT dans l’Académie de Créteil (on y parle de Firefox et LibreOffice aussi). Nous vous invitons également à regarder cette vidéo[1] où des élèves de l’Académie de Bordeaux découvre l’écriture poétique avec Framapad sur leur… iPad !

Framapad éducation - Créteil SVT

Interview croisée de deux utilisatrices de Framapad, l’une au primaire et l’autre au secondaire

Bonjour, pouvez-vous vous présenter succinctement. Où enseignez-vous et à quel niveau ?

Laetitia : Bonjour, Laetitia, enseignante en CM1/CM2, dans les Deux-Sèvres

Hélène : Professeur documentaliste au Collège Saint Jean (215 élèves) dans le Tarn.

Comment avez-vous connu Framapad ?

Laetitia : Par l’animateur informatique de ma circonscription qui en a parlé en animation pédagogique (temps de formation).

Hélène : Je ne me souviens plus précisément mais sans aucun doute par le biais de mutualisation entre professeurs documentalistes

Qu’est-ce qui vous a motivé(e) à le proposer à vos élèves/étudiants ?

Laetitia : Un projet inter-degrés entre ma classe et une classe de 6e de mon collège de secteur.

Hélène : Plusieurs questions et interrogations m’ont amenée à utiliser un outil d’écriture collaborative. Comment dépasser le simple « copier-coller » des élèves ? Comment enseigner l’écriture numérique ? Comment faire pour que les élèves donnent du sens à leurs recherches documentaires ? Comment développer chez des élèves de collège le sens du travail collaboratif ?

Il fallait un outil simple, facilement accessible et bien sûr librement utilisable par les élèves. Framapad répondait à ces critères.

Quels dispositifs avez-vous mis en place pour l’utiliser ? Avec quels matériels ? Et surtout pour quelle démarche pédagogique ?

Laetitia : Production d’écrit par 4 (1 élève chacun), connectés en même temps.

Hélène : lors de la mise en activité de recherche par les élèves, je pratique avec mes collègues la méthode du document de collecte. Ce document de collecte est la première étape d’un brouillon, constituée d’extraits « copier-coller » correctement référencés (sources des informations relevés). Il permet à la fois de cerner un sujet, d’évaluer la pertinence d’une information et de prélever l’information à partir d’internet notamment.

Lors de travaux de groupes, il est apparu nécessaire de trouver un outil permettant aux élèves de travailler simultanément sur un même document pour mutualiser ce document de collecte et interagir sur celui-ci. Par exemple, pour un dossier santé et environnement en SVT en classe de 3e, les élèves ont en amont travaillé sur un article d’actualité qui a permis de dresser collectivement une cartographie des producteurs d’info, sur les sources (cartographie des sources) en réalisant un scoop.it comme traces de leur recherche.

L’outil Framapad a ensuite permis à chaque binôme de réaliser son travail de collecte, de synthèse et de réécriture des informations à partir du document de collecte réalisé. Au besoin, chacun a pu revenir sur les sites préalablement sélectionnés pour compléter, approfondir des points particuliers.

Dans la mesure où Framapad se trouve sur Internet, est-ce que la connexion parfois hésitante des établissements scolaires a été un frein à son usage ?

Laetitia : Parfois j’ai eu du mal à avoir un ordinateur connecté par élève (ligne Wi-Fi trop légère pour le nombre de PC).

Hélène : Personnellement, je n’ai pas eu de soucis particuliers. 5 ou 6 groupes ont pu travailler simultanément sur leur pad. Mais j’ai des retours de collègues pour qui le site a plusieurs fois « beugué » lorsqu’il y avait trop de connexions simultanées. Ce genre de séance nécessite d’avoir une solution de repli sous le coude.

Dans la mesure où Framapad se trouve sur Internet, avez-vous envisagé des scénarios pédagogiques hors temps de classe, où les élèves seraient invités à travailler dessus et ensemble depuis leur domicile ?

Hélène : Les binômes qui n’avaient pas terminé leur travail de réécriture ont été invités à le terminer. L’avantage avec ce dispositif c’est que chacun des élèves du groupe peut y accéder à son rythme, depuis chez lui ou depuis le CDI du collège. Même en cas d’absence d’un élève par exemple le travail reste accessible à l’autre élève.

Quels sont les points positifs et négatifs que vous avez rencontrés lors de son usage en classe ?

Laetitia : Lorsque les élèves se connectent à leur texte d’un ordinateur différent, ils n’ont plus la même couleur, celle-ci reste attribuée à l’ordinateur qui se connecte. Les prénoms ne restent pas enregistrés, c’est dommage pour le suivi par l’enseignant (hors temps scolaire sur un ordi perso, donc connexion différente).

Hélène : Je partage cette dernière remarque qui peut être résolu en demandant aux élèves de préciser en haut de page la couleur qu’ils ont choisi (ici même, pour cette interview c’est ce que vous nous demandez de faire d’ailleurs[2]).

Framapad permet un véritable travail collaboratif du binôme qui peut annoter, corriger, compléter le travail de l’autre. Je trouve important (et c’est d’ailleurs une compétence du B2i (2.4 – Participer à des travaux collaboratifs en connaissant les enjeux et en respectant les règles) de leur montrer ces possibilités de travail.

Plusieurs points positifs à l’usage du pad en classe :

  • Un suivi pour mon collègue de SVT et moi-même après chaque séance : annoter, corriger, questionner et même si besoin vérifier l’historique du pad—qui a écrit, quoi ?
  • Alternance de l’individualisation du travail et de travail de groupe : d’abord un travail individuel (chacun ayant en charge une partie du travail) puis un travail de relecture et d’annotation de la partie de l’autre. Les élèves ont vraiment eu le souci de reformulation, de conservation des informations pertinentes par rapport à leur plan même si sur certains pads le passage du copier-coller au copier-créer reste difficile soit parce qu’ils ne comprennent pas ce passage et ne font donc aucun effort de synthèse soit au contraire parce qu’ils estiment que la phrase est déjà suffisamment claire.
  • La possibilité de personnaliser les URL d’accès au pad pour être facilement mémorisable et transmise aux autres et aux enseignants.

Points d’amélioration : En collège, l’usage du tchat, qui offre pourtant des perspectives intéressantes d’échange et de partage, reste difficile, sans doute encore par manque de maturité ou d’expérience de l’exercice. J’ai donc pour ma part privilégié la concertation de vive voix et mettant les élèves côte à côte dans la salle informatique.

Quelles sont les fonctionnalités qui manquent selon vous à Framapad, notamment pour un usage éducatif ? Que pensez-vous de son ergonomie générale, est-ce adapté à la spécificité d’un jeune public ?

Laetitia : Pas d’idée particulière. Oui, ça convient pour des élèves du primaire de fin de cycle 3.

Hélène : Peut-être plus de possibilité de mise en page (taille de la police par exemple pour mettre en valeur des titres)

On dit souvent que les élèves ne sont pas assez habitués à travailler collaborativement, ensemble, en groupe, etc. Un tel outil vous semble-t-il intéressant pour développer de telles compétences ?

Laetitia : Oui, pour le développement de la maîtrise de la langue écrite, pour expliquer, argumenter, justifier…

Hélène : Un outil d’écriture collaborative permet de développer des compétences informationnelles et numériques.

  • LIRE : Savoir confronter les différents discours sur un sujet (information divergentes ou contradictoires sur des sujets de controverses par exemples), être capable de relever les manques ou les besoins ;
  • ECRIRE : Etre capable d’écrire à plusieurs sur un même document, Savoir prendre en compte l’écrit de l’autre afin de le compléter ou de modifier son propre écrit. Il s’agit d’un véritable travail de création ;
  • NAVIGUER : Maîtriser la navigation en ligne en utilisant les hypertexte, la navigation d’un onglet à l’autre ;
  • ORGANISER : S’appuyer sur le document de collecte pour construire une carte d’idées et un plan.

L’outil pad permet également de développer chez les élèves des aptitudes de concertation et de choix (ce qu’on garde, ce qu’on supprime et pourquoi). Il amène les élèves à développer un esprit critique et une réflexion sur leur propre écriture

Réitérerez-vous l’expérience ? Le conseilleriez-vous à des collègues ?

Laetitia : Oui, mais avec 3 élèves et l’enseignant sur le 4e poste pour réguler en direct, poser des questions, relancer, aider…

Hélène : Sans aucun doute, OUI et même pour les plus petites classes. je l’utilise d’ailleurs également avec des collègues professeurs documentalistes lorsque nous avons besoin de réfléchir à plusieurs sur une problématique, bâtir des ordres du jour ou des synthèses par exemple.

Saviez-vous que derrière Framapad se cache Framasoft et derrière Framasoft la promotion et la diffusion du logiciel libre ?

Laetitia : Je savais que Framapad faisait partie de Framasoft dont j’avais entendu parler par un autre animateur informatique de mon département.

Hélène : Oui pour utiliser plusieurs de ses services notamment Framamindmap ou Framadate. Nos établissements n’ont pas toujours les moyens d’avoir des logiciels payants. Et puis la philosophie du libre est en adéquation avec les valeurs que je souhaite véhiculer à travers mon enseignement du numérique.

Notre slogan est « La route est longue mais la voie est libre », cela vous inspire quelque chose ?

Laetitia : Oui, que c’est un dur labeur mais que la réussite est assurée !

Hélène : Je suis convaincue de l’intérêt collectif du partage et du libre : il contribue à l’intelligence et à la pensée collectives. Cette notion de libre rejoint de très près la notion de biens communs.

Les initiatives comme celles de Framasoft sont à encourager parce qu’elles participent au développent de l’enseignement du numérique… Même si la route est longue, nous y sommes bel et bien. Pour Bernard Steigler, le numérique entre aujourd’hui dans une troisième phase : celle des « technologies de l’annotation ».

Notes

[1] Vidéo d’où est extraite l’image d’introduction.

[2] L’interview croisée a été réalisée sur Framapad également 😉




Interview de Tristan Nitot dans le tout nouveau Mozilla Space Paris

Tristan Nitot a eu la gentillesse de bien vouloir m’accueillir vendredi dernier dans les nouveaux locaux de Mozilla à Paris.

J’en ai profité pour lui poser quelques questions non seulement sur le lieu et son actualité mais également sur le Conseil de national du numérique dont il fait partie, sans oublier une dernière petite question Framasoft pour la route…

Télécharger la vidéo au format WebM (si problème avec le player, son trop bas par exemple) 34 Mo.

Transcript

Tristan Nitot, bonjour !

Bonjour.

Merci de m’accueillir au tout nouveau « Mozilla Space Paris ».

Oui, qui n’est pas officiellement inauguré, c’est une première.

Alors peux-tu m’en dire plus ? Là je viens de visiter, je reconnais que c’est assez spectaculaire. Vous êtes dans de bonnes conditions, donc on espère que les bonnes conditions vont amener du bon code 😉

C’est ce qu’on espère aussi, et de la bonne collaboration avec la communauté.

Donc en fait en gros, l’espace est divisé, il est dans Paris centre, dans le IXème arrondissement, limite IIème, sur les grands boulevards, et l’objectif c’est d’une part d’accueillir la communauté. Il y a un grand espace communautaire comme tu as pu le voir où on va pouvoir recevoir la communauté Mozilla mais aussi recevoir des projet autour du logiciel libre et du Web, pour des conférences, des hackathons, ce genre de choses.

Donc vraiment est un lieu communautaire pour les deux grand piliers de Mozilla à savoir le logiciel libre et le Web. Et en plus de ça, évidemment, accueillir des employés dans des conditions qui sont vachement sympas avec des supers bureaux, des grands écrans, des fauteuils hyper ergonomiques… d’excellentes conditions de travail parce qu’on veut embaucher les meilleurs développeurs. Si vous êtes un très bon développeur et que vous aimez le logiciel libre, vous connaissez Python ou JavaScript c’est pour vous careers.mozilla.org c’est ouvert et il y en a un paquet.

C’est noté. Malheureusement, moi j’ai un petit peu raté ma vocation J’ai fait prof de maths.

Moi je ne suis pas développeur non plus…

Ma fille est à Montréal en informatique pour information… Évidemment pour Framasoft c’est important, vous mettez en avant l’aspect communautaire et vous souhaitez des ponts, des liens, beaucoup plus forts que par le passé parce que vous pouvez enfin les accueillir. J’imagine que c’est aussi bien pour soutenir les associations et la communauté que pour faire avancer les projets Mozilla.

Oui, bien sûr, il y a une partie du Web qui est commerciale et ça c’est bon ça marche bien, merci, mais il y a également toute une partie qui est plus dans la gratuité, le partage… C’est ça aussi qu’on cherche à promouvoir. Nous on a la chance de pouvoir le faire et donc on veut attirer plus de gens vers Mozilla mais aussi donner un coup de main à des associations, je ne veux pas citer de nom parce que c’est pas encore fait, mais des gens qu’on pourrait accueillir et à qui on pourrait prêter nos locaux pour peu qu’ils soient vraiment bien alignés avec Mozilla : partage, gratuité, Web.

C’est aussi une manière de marque votre différence par rapport à d’autres. Et puis j’imagine que si vous repérez des très très bons développeurs dans la communauté, vous pouvez aussi les recruter à l’occasion 😉

Ah bah, ça ne peut pas faire de mal oui…

Au niveau de l’actualité globale de Mozilla, Firefox OS, son Marketplace, les choses avancent j’ai l’impression…

Oui, ça bouge super bien. Cette semaine les premiers téléphones viennent de sortir, chez geeksphone notre partenaire qui fait des téléphones pour développeur (déjà dépassé par le succès soit dit en passant). C’est une une préversion du logiciel, mais enfin ça va permettre aux développeurs d’avoir un téléphone entre les mains et de tester leurs applications, donc ça bouge.

Puis à côté de ça il y a la Marketplace qui avance, Firefox OS qui approche de la version finale puisque dans un certain nombre de pays, en particulier on parle d’Espagne, de Pologne… il va y avoir des lancements de Firefox OS sur des téléphones dans ces pays-là entre juillet et septembre. Donc si on voit des développeurs dans les couloirs, ils ont un petit peu les cernes là, parce qu’une bonne partie de Firefox OS est développée ici à Paris en particulier tout ce qui est interface utilisateur.

J’en appelle à une autre de tes casquettes. Tu fais partie du Conseil National du Numérique, ça ne fait pas longtemps. J’ai vu qu’il y avait un rapport qui était sorti. Quelle première expérience tires-tu de ces quelques semaines et puis est-ce que vous avez l’impression de peser dans le débat public ?

On espère bien. On a travaillé dans un premier temps à marche forcée sur la neutralité du net parce que c’est vraiment un sujet chaud. La ministre, avant même que la reconstitution du Conseil National du Numérique (CNN) soit effective, a dit : « dès que c’est fait je veux qu’ils travaillent sur la neutralité du net avec un agenda très court ». Et puis moi, en tant que citoyen du numérique et activiste, je me suis retrouvé là, heureusement surpris de faire parti du CNN, et on m’a dit « on cherche des volontaires qui vont dormir un peu moins le soir pour travailler sur la neutralité du net ». J’ai alors levé les deux mains parce que c’est formidable pour moi qui suis très préoccupé par le sujet de pouvoir contribuer à conserver l’Internet tel qu’il est, c’est-à-dire ouvert. Et la neutralité du net c’est ça, c’est permettre à tout le monde de participer au net sans avoir à signer des deals avec des gros fournisseurs d’accès qui vont vous favoriser au dépend d’autres.

Donc la neutralité du net c’était super important, j’étais ravi de participer à ça. On a remis un avis assorti d’un rapport. On a récemment fait à la Cantine une soirée débat autour de la neutralité du net. On continue à pousser ça. On espère que ça va devenir une loi aussi rapidement que possible. On ne sait pas encore quelle forme ça pourrait prendre. On a fait des propositions de changer une certaine loi, on veut que la France soit un des premiers pays à transcrire la neutralité du net dans sa loi et ce le plus haut possible, éventuellement quasiment constitutionnel quoi. Vraiment dire que la neutralité du net ça ne se négocie pas, ça fait partie des grands principes de la France. Et ça ce serait génial.

D’accord, on compte sur vous 🙂 Et un dernier mot par rapport à notre propre actualité à Framasoft. On a spectaculairement mis à jour notre page d’accueil. L’idée était de dégager 3 axes, on avait tellement de projets, on s’est dit : « mais est-ce qu’on ne peut pas un petit peu les regrouper ? » Donc l’axe historique « logiciel libre » , l’axe « culture libre » et l’axe « services libres », le cloud libre. Qu’est-ce que tu penses, graphiquement, et de cette évolution de Framasoft ?

Ah moi je trouve ça génial. J’ai beaucoup souri en voyant les pingouins sortir de l’eau en gif animé 🙂 C’est beaucoup plus aéré, c’est vraiment sympa. C’est peupleLà qui a fait ça, c’est ça ?

Sandra…

Ah je ne connais pas son nom… Ben écoute, bravo Sandra en tout cas, super boulot, c’est très clair, c’est vachement sympa et je suis très content de voir vos services du cloud être mis plus avant. Nous on est fan et grands utilisateurs de Framadate chez Mozilla. Au lieu d’un service bien connu plein de publicités…

Avec deux « o » dans le nom.

On taira le nom… C’est bien, continuez, c’est génial.

Merci Tristan.

Y a pas de quoi.




Soutenons le projet « Vidéo en Poche » des cinémas Utopia

« Venir avec sa clé USB pour la faire remplir au cinéma, ça me rappelle quand ma maman allait chercher du lait dans sa bouteille alu. »

Nous n’avons pas attendu l’arrivée du projet Vidéo en Poche pour aimer fréquenter les salles du réseau Utopia. Il n’empêche que cette initiative originale mérite notre attention et notre soutien à plus d’un titre. Un (passionnant) entretien avec son père fondateur Rodolphe Village.

PS : Framasoft sera présent le 26 mai à Utopia Toulouse pour une rencontre autour des licences libres et du modèle innovant de production et de diffusion cinématographiques, après la projection du film sous licence Creative Commons « Le Cosmonaute ».

Vidéo en Poche

Bonjour Rodolphe, peux-tu te présenter succinctement ?

Bonjour Alexis. Après avoir erré sur les bancs des facs de science et de lettres de Toulouse où j’ai appris notamment à projeter des films, j’ai rejoint les cinémas Utopia en 1999 lors de l’ouverture d’Utopia Bordeaux. Depuis 2003, l’ouverture d’Utopia Tournefeuille, je suis basé à Toulouse. Entre autres, je m’occupe de la communication pour les salles Utopia, la publication de ce qu’on appelle la « gazette », le site Internet, et je suis à l’origine du projet Vidéo en Poche.

Et peux-tu nous nous présenter également le réseau des cinémas Utopia (en insistant éventuellement sur la notion de réseau que l’on aime bien à Framasoft) ?

Utopia est un petit réseau de salles indépendantes (à Avignon, Bordeaux, Montpellier, Saint-Ouen l’Aumône, Toulouse et Tournefeuille), non subventionnées, qui ne vendent pas de pop corn, ne passent pas de pub devant les films, et sont politiquement engagées dans le débat public, d’où l’importance de leur indépendance financière vis à vis du pouvoir politique.

Une vertu essentielle de ce réseau est de faire la démonstration qu’on peut être viables économiquement sans passer des blockbusters, mais que pour cela il y a un travail important à fournir pour valoriser des films plus exigeants et moins connus. Le fonctionnement du réseau est un mélange efficace d’autonomie de ses membres et de mise en commun de ressources (ce qui permet par exemple d’avoir plus de poids auprès des distributeurs), et nous avons entamé depuis deux ans un processus de transformation en SCOP (coopératives) des sociétés qui le composent.

Il arrive aux cinémas Utopia de programmer des événements spéciaux autour des enjeux sociaux d’Internet. Peux-tu nous en donner quelques exemples (avec peut-être de prochaines dates à nous signaler) ? Et pourquoi tout ceci t’intéresse ?

Cet intérêt est du à la découverte des enjeux démocratiques du logiciel libre, aux alentours de 2006, les points d’orgue ayant été la projection de Revolution OS (dont on a fait le sous-titre), la venue de Richard Stallman en 2007, et la venue de Jérémie Zimmermann en 2008. Ces éléments on nourri une réflexion sur le rôle que nous pouvions jouer dans ces évolutions de la société.

En 2009, durant les débats à l’Assemblée sur Hadopi, nous avons publié au travers de l’association ISF (que nous avons créée) un communiqué expliquant pourquoi nous nous opposions à ce projet de loi : Hadopi, la stratégie de la rupture entre les créateurs et leur public (cette prise de position fut d’ailleurs mentionné dans l’hémicycle par Christian Paul). C’est alors que nous avons commencé à réfléchir au moyen d’être force de proposition dans cette bataille de tranchées car nous ne nous reconnaissions pas dans les politiques soutenues par l’industrie culturelle.

En septembre 2009, fut organisée à Bordeaux une petite expérience où on proposait aux gens de venir avec leur clé USB pour acheter une copie sans DRM au format ouvert Matroska de Non au Mc Drive, film de Frédéric Chignac, qui était une réflexion sur l’implication locale citoyenne. Ce fut un succès, un tiers des spectateurs était venu avec leurs clés USB, ce qui nous a motivé pour élaborer un dispositif qui permettrait de rationaliser une telle diffusion des films, et qui allait s’appeler Vidéo en Poche…

C’est alors que nous avons été rattrapés par les questions des libertés liées à l’informatique, la numérisation des salles de cinéma arrivant à grands pas en raison de la sortie d’Avatar fin 2009 qui vit UGC décider de passer très rapidement au numérique (c’était le dernier grand groupe qui résistait encore à la numérisation). Nous avons alors publié un texte en mars 2010 qui tentait de pointer les dangers de la manière dont la numérisation des salles s’effectuait : Les salles indépendantes seront-elles les « dindons de la farce » numérique ? (texte mis à jour en 2011 à l’occasion de sa publication sur OWNI).

En Juillet 2010 nous avons participé aux RMLL en donnant une conférence sur ces questions : Cinéma numérique, concentration des média ou diversité culturelle, enjeux du déploiement et perspectives de développement. Nicolas Bertrand participait à cette conférence et allait proposer un sujet de thèse CIFRE que nous finançons depuis janvier 2011, et dont l’objectif est de développer des outils libres pour le cinéma numérique (il travaille actuellement avec les projets Avconv et Videolan). C’est également durant cette édition des RMLL que nous avons lancé Vidéo en Poche, le démarrage dans l’ensemble du réseau ayant eu lieu en septembre 2010, au moment de la mise en place d’Hadopi, ce qui nous avait valu une couverture presse importante.

Depuis, on organise régulièrement des événements autour des problématiques liées au numérique. Deux soirées importantes auront lieu à l’occasion du THSF 2013 à Toulouse. Les auteurs dUne contre-histoire de l’Internet, Jean-Marc Manach et Julien Goetz, viendront présenter leur film le 6 juin. Et le 26 mai aura lieu la première projection française (on fait le sous-titre) du film The Cosmonaut, où il sera question de conquête spatiale avec Serge Gracieux et de licences libres avec le réseau Framasoft (le film est distribué en CC BY-NC-SA). Le film sera disponible au même moment en Vidéo en Poche.

The Cosmonaut

Alors Vidéo en Poche c’est quoi exactement ?

C’est très simple, vous pouvez venir avec votre clé USB dans les salles membres du réseau, et repartir avec les films du catalogue que vous souhaitez, au format ouvert Matroska, sans DRM, pour 5€ par film (3€ HT reviennent à l’ayant-droit). J’aime beaucoup le commentaire suivant d’un internaute : « Venir avec sa clé usb pour la faire remplir au cinéma, très écologique, on vient avec son contenant. Ça me rappelle mon village quand ma maman allait chercher du lait dans sa bouteille alu. » Je vous renvoie à la description de Vidéo en Poche sur le site.

C’est assez simple, mais les implications sont multiples : favoriser la suppression des DRM (ce qui n’est pas une mince affaire dans le cinéma), promouvoir des films peu connus à des prix raisonnables (pas évident non plus en raison des prix pratiqués dans le DVD pour ces films), avoir une répartition juste et transparente pour les ayant-droits (là non plus c’est pas vraiment habituel dans le secteur), et faire valoir la salle comme lieu privilégié de l’intermédiation. Ce dispositif a pu voir le jour car nous n’étions en concurrence directe ni avec le DVD, ni avec la VOD, et l’on s’appuyait sur un réseau de salles qui avait déjà un pouvoir de négociation auprès des ayant-droits.

Vidéo en poche repose sur une application libre. Peux-tu nous en dire plus ?

Pour mettre ce dispositif en œuvre, nous avons financé le développement d’un logiciel libre par la société toulousaine Objectif Libre, qui permet de diffuser les contenus en P2P dans les salles du réseau, de gérer localement les copies lors des ventes via une interface graphique, de comptabiliser les copies sur un site internet consultable par les salles et les ayant-droits, et qui automatise la facturation. Cela permettait à la fois de rassurer les ayant-droits sur le contrôle des ventes, et de rajouter facilement des points de vente. Le logiciel fonctionne sur GNU/Linux Ubuntu, ce qui permet de promouvoir le logiciel libre chez les exploitants, d’avoir une procédure simple d’installation, et de ne pas être vulnérable aux virus.

Il n’y a pas de « borne » Vidéo en Poche (ni de plateforme de téléchargement sur Internet) et c’est un choix assumé. Pourquoi ?

D’abord parce que l’on pense que le conseil, le rapport humain dans les échanges culturels sont essentiels pour promouvoir les films que l’on propose. C’est en partie ce rôle de conseil qui justifie que l’on puisse vendre des copies, qui valorise ces contenus dématérialisés. Et pour une question pratique, il suffit d’un ordinateur pour installer ce logiciel, cet ordinateur pouvant servir à autre chose, alors qu’une borne aurait supposé des investissements plus lourds à la fois pour le développement de la solution matérielle, mais plus dommageable encore pour les points de vente, ce qui aurait pu être un frein au développement du réseau.

Presque deux ans après son lancement Vidéo en Poche se porte bien ?

Les résultats montrent qu’il y a un réel potentiel, plus de 8000 copies ont été vendues de cette manière et on observe une augmentation de 60 % des ventes entre 2011 et 2012. D’autre part, on sent que la question des DRM commence à faire son chemin auprès des petits distributeurs, on fait petit à petit la démonstration qu’il n’ont pas à craindre leur suppression. Nos résultats sont suffisants pour dire que ce n’est pas rien, mais on est loin de représenter une alternative suffisante aux canaux traditionnels.

Nous sommes dans cette période où il va falloir faire croitre le réseau. Pour l’instant seules les salles Utopia vendent régulièrement, car on communique de manière conséquente, sachant très bien qu’on ne créé pas une nouvel usage facilement. Les autres salles ont plus de mal, on aurait besoin d’un réseau plus étendu pour bénéficier d’un effet positif dans la communication pour ces salles. Ce dispositif n’est qu’un outil, c’est par les efforts collectifs décentralisés qu’il donnera pleinement ses fruits, nous n’avons pas de budget lié à la communication, tout repose sur les salles, et sur le bouche à oreille.

Viramundo

Le tout dernier film que vous proposez s’appelle « Viramundo ». Il est original à plus d’un titre je crois.

La profession s’agite régulièrement autour de ce qu’on appelle la chronologie des médias, les exploitants s’arc-boutant contre un assouplissement de ces règles, les ayant-droits étant partisans d’un assouplissement. Suite à des discussions avec l’ARP, nous avons vu là l’occasion de faire valoir les vertus de Vidéo en Poche sur ces questions en participant à une expérimentation à l’échelle européenne de sortie de films en simultané en salles et en vidéo. Le premier film proposé par l’ARP est Viramundo, un documentaire sur Gilberto Gil et son travail de par le monde pour le partage, l’échange culturel et la réconciliation. Il y est notamment question de la signification du terme africain Ubuntu (que vous connaissez bien), le film correspondait très bien avec ce que l’on essaye de faire.

Il se trouve donc qu’on propose Viramundo jusqu’au 7 mai (le film sortant le 8 en salles), en avant première en Vidéo en Poche, aux côtés des géants Orange et iTune ! (on propose le film en HD, sans DRM, moins cher que la concurrence sans pour autant sacrifier la remontée de recettes pour le distributeur) pas mal non ?

Par contre, en raison de cette « attaque » à la chronologie des médias, les exploitants n’ont pas programmé le film qui ne sort à ma connaissance principalement qu’au Cinéma des Cinéastes et dans le réseau Utopia, ce qui met en difficulté le distributeur du film qui a pris ce risque.

Et la sortie de ce film marque également l’arrivée de Paris dans le circuit Vidéo en Poche au Cinéma des Cinéastes.

L’ARP étant en charge du Cinéma des Cinéastes, ce fut également une opportunité pour avoir dans le réseau une première salle parisienne (c’est important en France d’être à Paris), et qui plus est une salle à l’image forte dans la profession en termes de diversité culturelle.

Et pour conclure, je crois que tu as un appel à faire…

Oui c’est un appel à contribution pour nous aider à développer le réseau. Si vous connaissez une salle près de chez vous que vous aimez bien, causez-leur à l’occasion de Vidéo en Poche. Ce sera mille fois plus efficace de voir que ça intéresse leurs spectateurs, plutôt que tous les coups de fil qu’on pourra passer. Merci !

Vidéo en Poche - Logo




Dialogue Pouhiou Calimaq sur le domaine public et plus parce qu’affinités

Pouhiou est notre joyeux et émérite premier romancier chez Framabook. À l’occasion de la sortie prochaine du livre II du cycle des NoéNautes, il a lancé une originale campagne de crowdfunding sur Ulule qui a fait réagir le blogueur influent (parce que brillant) Calimaq.

Ce dernier s’est en effet aventuré à parier que si cette campagne aboutissait alors il élèverait lui aussi son blog dans le domaine public via la licence Creative Commons CC-0. Bien mal lui en a pris puisque la campagne vient déjà de dépasser la barre escomptée (Pouhiou vous en remercie en vidéo ici) et se poursuit d’ailleurs…

Chose promise, chose due donc, et prétexte surtout à un passionnant entretien dialogue entre deux personnalités fortes du « Libre » francophone.

Je cède la parole à Pouhiou, et ça tombe bien car il adore la prendre 😉

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En lançant le blog de mon roman feuilleton, j’ai eu d’instinct l’envie que cette histoire appartienne à ses lecteurs. Qu’ils s’en emparent. C’était une certitude que je ne savais pas comment appliquer dans les faits. M’intéressant au livre et au droit d’auteur, je suivais déjà le blog S.I.Lex écrit par un certain Calimaq. Ce mec, passionné et passionnant, arrive à transformer un sujet à priori lourd et chiant (la propriété intellectuelle) en une épopée rocambolesque. A force d’exemples, de décryptages, de coups de sang et de coup de cœur, il nous plonge dans les eaux du copy-right-left-up&down, on baigne en Absurdie et l’on ressort de son blog plus juriste qu’on y est rentré… sans même s’en apercevoir.

Un de ses billets m’a fait prendre conscience que la place de mes œuvres était dans le domaine public. J’ai donc passé tous mes écrits sous la licence CC0 et l’ai chaudement remercié dans cet article.

Il est né de cet échange une amitié intellectuelle. Calimaq s’est mis à défendre et mon œuvre, et la démarche qui l’accompagnait. Je me suis engagé dans SavoirsCom1, un collectif qu’il a co-fondé pour la défense des biens communs informationnels. Je ne compte plus les fois où l’on s’est dit « merci », tant chacun semble admirer et être complice de ce que fait l’autre. C’est ce genre d’émulation où la réflexion de l’autre nourrit la tienne, et te mène un poil plus vite, un poil plus loin que là où tu te serais rendu tout seul.

Quand, avec Framasoft, on a initié ce crowdfunding fou (toujours en cours sur Ulule) pour que le lancement de #MonOrchide (livre II des NoéNautes) puisse financer la distribution gratuite d’exemplaires de #Smartarded (le livre I), Calimaq a répondu présent. Il a fait un bel article pour promouvoir cette expérience . Mais, chose inattendue, il a ajouté ce post-scriptum explosif :

PS : allez, moi aussi, je mets quelque chose dans la balance. Si Pouhiou réussit son pari, je passe S.I.lex en CC0. Ceci n’est pas une parole en l’air !

Le pari est réussi. En 22 jours, on a atteint les 2200 € qui nous permettront de distribuer au moins 32 exemplaires de #Smartarded. Grâce à une mobilisation peu commune il ne nous a fallu que la moitié des 45 jours prévus (ce qui veut dire qu’il reste trois semaines pour battre tous les records et accroître le nombre de livres à distribuer !)

Le pari est réussi, et S.I.Lex devient un dommage collatéral : Calimaq tient sa part du contrat, élevant son blog dans le Domaine Public Vivant. Je sais que, le connaissant, ce n’est pas un geste anodin. Une belle occasion de discuter avec lui de licences, d’écriture, et de qu’est-ce que ça veut bien dire, toutes ces choses-là…

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Pouhiou : Tu m’as fait un super article sur ton blog S.I.Lex, qui a été repris par ActuaLitté. Cela m’a beaucoup aidé à faire connaitre le projet. C’était déjà énorme (merci ^^). Pourquoi avoir en plus ajouté la licence de ton blog dans la balance ?

Calimaq : Cela fait un moment que je m’intéresse à ce que tu fais autour du cycle des Noenautes et d’après ce que tu as écrit sur ton blog, un des billets que j’avais écrit sur S.I.Lex t’avait influencé dans ta décision d’adopter la licence CC0 pour ton premier roman #Smartarded.

Quand j’ai vu que tu lançais cette opération de crowdfunding, j’ai voulu la soutenir et la faire connaître, parce que je trouve qu’elle bouscule la manière dont nous avons l’habitude d’appréhender des notions fondamentales, comme celles du gratuit et du payant. Avec la licence CC0, tu as renoncé à tes droits d’auteur pour que tes œuvres soient complètement libres, tout en réussissant à faire paraître ton roman chez Framabook. C’est déjà en soi assez perturbant pour les schémas habituels. Mais tu ne t’es pas arrêté là et par le financement collaboratif, tu as cherché à faire en sorte qu’un maximum de livres en papier deviennent gratuits afin de pouvoir les offrir.

Le plus intéressant dans ta démarche, je trouve, c’est que derrière ces décisions, il y a un modèle économique bien pensé, qui utilise le crowdfunding pour raccourcir la chaîne de l’auteur au lecteur, dans le but de diminuer les coûts. Tu démontres de manière paradoxale que la gratuité a toujours un coût. C’est typiquement le genre d’approches alternatives qui retiennent mon attention, parce que je trouve qu’elles font avancer la réflexion. Dans le contexte actuel de crispations autour des questions de droit d’auteur, qui sont particulièrement vives dans le secteur du livre, je pense que des initiatives comme les tiennes sont importantes. J’ai aussi beaucoup apprécié la lecture de ton premier roman #Smartarded et j’ai commencé à lire la suite #MonOrchide par petites touches sur ton blog. Tout cela a fait que j’ai voulu te soutenir en écrivant un billet sur S.I.lex et je me réjouis de ta réussite.


Merci ! Mais là tu parles plus de moi que de toi, hein… J’ai bien saisi que ce billet a été un élément déclencheur, mais est-ce qu’il s’agit d’un coup de tête ou est-ce que ça fait partie d’une réflexion personnelle plus… ancienne ?


Au-delà du billet, pourquoi avoir promis de changer la licence de mon blog si ton pari réussissait ? Peut-être d’abord un peu par superstition, pour porter chance à ton projet, en engageant quelque chose qui me tenait vraiment à cœur. Par ailleurs, je me posais des questions à propos de la licence de S.I.Lex depuis un certain temps. À vrai dire depuis le moment où j’ai écrit le billet Rien n’est à nous : grandeur et misère du domaine public volontaire. J’y montrais comment un certain nombre de créateurs dans le passé avaient choisi pour diverses raisons de renoncer aux droits sur leurs œuvres pour se placer en dehors de la logique de la propriété intellectuelle : Léon Tolstoï, Romain Rolland, Jean Giono, les affichistes de mai 68, les situationnistes, le musicien folk Woodie Guthrie.

Le domaine public est une notion qui a un grande importance pour moi et pour laquelle j’essaie de me battre. Il m’a semblé que le moment était venu de franchir le pas et de placer ma propre création, S.I.Lex, dans le domaine public volontaire.

Ton blog était en licence CC-BY (la seule condition de partage est de citer l’auteur). Là tu le passes en CC0. C’est quoi, au fond, la différence ?

Juridiquement dans le cadre du droit français, il n’y a pas tellement de différences. En effet, le Code de Propriété Intellectuelle ne permet pas dans notre pays de renoncer valablement à son droit moral, ce qui signifie qu’on doit théoriquement interpréter la CC0 comme une CC-BY. Je n’ai pas la possibilité légale de renoncer à mon droit à la paternité. Ce caractère inaliénable du droit moral a été voulu pour protéger l’auteur dans le cadre des contrats d’édition. Même dans le cas des « nègres » (ou, plus joliment dit, Ghostwriters en anglais), il reste possible pour eux de réclamer devant un juge la paternité d’un texte écrit pour quelqu’un d’autre, quand bien même ils se seraient engagés par contrat à ne pas révéler leur identité (on a des jurisprudences intéressantes à ce sujet dès le 19ème siècle, notamment dans l’affaire qui opposa Alexandre Dumas à l’un de ses collaborateurs, Auguste Maquet.

Le problème, c’est que l’application trop rigide de ce principe aujourd’hui peut conduire à « protéger » l’auteur contre lui-même, alors qu’il manifeste clairement la volonté de renoncer à ses droits. La licence CC0 a d’ailleurs été obligée de prendre en compte cet état de fait, en précisant que l’auteur renonce à ces droits « dans la mesure permise par la loi ». Cela veut dire que l’effet de la CC0 varie selon les pays : aux États-Unis, où le droit moral n’existe pas vraiment, il est total ; en France, il reste juridiquement incomplet, puisque le droit moral persiste. Le seul pays à l’heure actuelle qui reconnaisse explicitement la possibilité de verser ses œuvres dans le domaine public volontaire, c’est le Chili.

Donc passer de CC-BY (licence déjà très ouverte) à CC0 n’a pas beaucoup d’effets pratiques… tant que la propriété intellectuelle n’est pas réformée en France. Malgré tout, je ne t’imagine pas homme à manier ces licences à la légère. Si passer de la CC-BY au Domaine Public Vivant n’est pas un choix pratique, il est de quel ordre ?

Cette décision revêt à mes yeux une valeur symbolique et psychologique importante, en tant qu’auteur. Je ne suis pas comme toi auteur de littérature ou de théâtre, mais j’ai un rapport profond avec l’écriture. J’écris sur S.I.Lex par besoin viscéral d’écrire et quand je décroche de l’écriture, je périclite littéralement. Pour moi, l’écriture a aussi une importance comme trace que l’on laisse de soi au-delà de son existence. Du coup, le BY – la paternité – gardait une vraie importance à mes yeux, comme une sorte de « cordon ombilical » ou de minimum minimorum du droit d’auteur, dont il était difficile de se détourner. Couper ce cordon en adoptant la CC0 n’était pas anodin et il m’a fallu un certain temps – et un coup de pouce de ta part – pour lâcher prise !


Quel est l’intérêt, pour toi, de mettre de son vivant des textes dans le domaine public ?

Pour moi, l’intérêt principal, c’est de sortir en dehors du cadre du droit d’auteur. Avec les licences libres, on passe de la logique du copyright à celle du copyleft, mais on reste encore dans le système du droit d’auteur. Les licences libres ne sont pas une négation du droit d’auteur, mais une autre manière de le faire fonctionner. Avec la licence CC0, on n’est plus dans le copyright, ni même dans le copyleft, mais littéralement dans le copy-out. On décide sciemment que son œuvre n’est plus saisie par le droit d’auteur et ne doit plus être comprise à travers ce filtre. Je ne prétends pas que cette voie doive être suivie par tous les auteurs. Mais au stade où j’en suis, c’est cohérent avec ma démarche.

Tu dis de ton côté que tu n’as pas l’impression que tes textes ne t’appartiennent pas, mais que tu “digères” des éléments extérieurs que tu restitues par tes écrits. De mon côté, j’ai très tôt été sensible aux effets d’intelligence collective sur la Toile, avec le sentiment que je me devais de rendre à l’intelligence collective ce qu’elle me donne. Il n’y a pas un seul de mes billets qui n’ait été déclenché par les conversations et les échanges dans les flux. Dès lors, le meilleur moyen d’être cohérent avec moi-même, c’est d’opter pour le domaine public volontaire.

Par ailleurs, je pense important de montrer que le domaine public n’est pas seulement une chose du passé, mais qu’il peut être vivant aujourd’hui. En tant qu’auteur de son vivant, contribuer à alimenter le domaine public, c’est la meilleure manière de s’en faire l’ambassadeur et d’agrandir le cercle des biens communs de la connaissance.

OK : on a tous les deux ce souci de cohérence. C’est bien beau d’utiliser une licence parce qu’elle te met en adéquation avec ce que tu ressens de ta production intellectuelle… Mais il y a forcément des pragmatiques qui vont nous traiter d’utopistes ! Ils vont nous rappeler qu’on vit dans un monde où les enjeux commerciaux prévalent et où — selon eux — les circonstances font qu’il vaudrait mieux armer et protéger ses œuvres… D’un point de vue pratique, la clause non commerciale (NC) est un outil redoutable quand la CC0 est une passoire ! Du coup, une licence, c’est la conséquence d’un ressenti théorique ou la résultante d’un besoin pratique d’outil légal ?

C’est sans doute assez souvent le résultat d’un compromis entre les deux. Il faut considérer la situation des auteurs dans leur diversité et de multiples stratégies sont envisageables avec les licences. Les choses peuvent varier également selon les domaines de la création. Quand on voit un Cory Doctorow ou un Lawrence Lessig publier leurs ouvrages chez des éditeurs traditionnels et placer les versions numériques sous CC-BY-NC, je trouve que c’est une stratégie compréhensible et qu’ils ont par ce biais contribué à faire avancer la cause, en diffusant leurs idées dans un large cercle.

Beaucoup de créateurs en revanche ne cherchent pas un retour financier pour les œuvres qu’ils produisent. C’est le cas pour la plupart des amateurs qui créent des contenus sur Internet. Dans ce genre de situation, la réservation de l’usage commercial n’est généralement pas justifiée et choisir cette clause impose des contraintes sans réelle nécessité. Mais dans certaines situations, la clause NC peut constituer un élément intéressant pour permettre la circulation des œuvres tout en mettant en place un modèle économique. Il y a un débat assez vif en ce moment sur la légitimité de la clause NC, notamment telle qu’elle figure dans les licences Creative Commons. Je ne fais pas partie de ceux qui condamnent cette clause de manière systématique et j’ai déjà essayé de montrer que ce serait une erreur selon moi de la supprimer.

Malgré cela, tu n’as jamais mis de clause NC sur ton blog S.I.Lex...

Dans mon propre cas, je n’en vois absolument pas l’intérêt… Mon objectif en écrivant de cette manière est d’être lu par un maximum de personnes. Si certains de mes billets sont repris sur d’autres sites, y compris des sites se livrant à des activités commerciales, cela ne peut qu’augmenter l’exposition de mes écrits. J’ai d’ailleurs toujours fonctionné depuis le lancement de S.I.Lex dans un « écosystème » de sites. Très vite, j’ai eu la chance de voir certains de mes billets repris par le regretté OWNI. Cela a grandement contribué à faire connaître S.I.Lex et à développer mon lectorat. D’autres sites me reprennent régulièrement, comme Actualitté ou plus récemment Slate.fr. J’ai toujours considéré que S.I.lex était une sorte de plateforme de tir, où je posais des écrits qui pouvaient ensuite aller faire leur vie ailleurs. Avec une licence NC, les choses auraient été beaucoup plus compliquées.

La licence CC0 est peut-être une passoire, mais dans les conditions particulières qui sont les miennes comme auteur, elle conviendra parfaitement à ce que je veux faire de mes créations. Même si un éditeur vient publier certains de mes billets sous forme de livre dans un recueil, cela ne fera que contribuer encore à leur diffusion.

Du coup, tu n’exiges plus que l’on te cite comme source de tes écrits… de manière légale, c’est ça ? C’est un peu comme moi en fait : tu ne brandis pas d’arme juridique. Plutôt que de les craindre, tu donnes ta confiance aux personnes qui s’inspireront de (ou diffuseront) tes écrits. Confiance en le fait qu’elles soient assez respectueuses pour citer leur source.

La question qui peut se poser est celle du plagiat, quelqu’un qui viendrait s’approprier certains de mes textes en les publiant sous son nom. C’est une chose qui m’est déjà arrivée une fois et j’avoue que cela m’avait laissé une sensation assez désagréable.

Mais une personne comme l’artiste Nina Paley dit des choses très intéressantes sur les rapports entre le copyright et le plagiat. Elle considère en effet que le droit d’auteur paradoxalement favorise davantage le plagiat qu’il ne l’empêche. Elle explique également que le fait de créditer l’auteur relève en fait d’un système de régulation sociale qui n’a pas nécessairement besoin du droit pour fonctionner. Il s’agit en fait davantage de règles éthiques que des communautés se donnent. Nina Paley place d’ailleurs ses créations dans le domaine public volontaire en utilisant la non-licence Copyheart ou la CC0. Elle dit vouloir en cela faire œuvre de « non-violence légale » et je trouve que c’est un discours inspirant.

Un des pivots du libre, c’est sa viralité. On m’affirme que des processus du type la clause SA ont permis au libre de se développer tel qu’il est aujourd’hui. Pour mon compte, la SA est trop paradoxale. Je dis toujours que la première des libertés c’est de ne pas me lire. Dans la même veine, obliger les gens qui adapteront/traduiront/réécriront/diffuseront mes romans à mettre leur production sous licence libre, ça me semble créer de l’enclosure. Ce serait un peu comme forcer les gens à se vacciner au lieu de leur montrer comme on est mieux une fois bien portant… Et du coup j’aperçois que ton blog S.I.Lex n’était même pas sous clause SA ? Pourquoi ?

C’est une question intéressante et là aussi, je m’étais longuement posé la question lorsque j’avais choisi ma licence.

La clause de partage à l’identique est très importante dans beaucoup de domaines, comme celui du logiciel libre qui est fondé sur cette idée qu’il ne doit pas y avoir de possibilité de supprimer les libertés conférées à tous par la licence. Contrairement à ce que tu dis, je soutiendrais que le SA garantit au contraire qu’il ne puisse jamais y avoir d’enclosure sur une œuvre. Personne ne peut plus s’approprier de manière définitive un contenu placé sous Share-Alike. C’est pourquoi il me semble que c’est un type de licence adapté pour les biens communs que des communautés veulent protéger des risques d’enclosure. Si l’on prend le cas de Wikipédia, la licence CC-BY-SA est parfaitement adaptée, à la fois au travail collaboratif et aux réutilisations des contenus. Elle garantit que cela puisse se faire, même à titre commercial, mais sans réappropriation.

Cependant, je peux comprendre que tu ne veuilles pas placer tes écrits sous le régime du partage à l’identique, et c’est aussi la conclusion à laquelle j’étais arrivé pour S.I.Lex. Si je prends le cas des billets que reprenait OWNI par exemple, les choses auraient été trop compliquées avec une CC-BY-SA. En effet, OWNI reprenait mes billets, mais en les modifiant légèrement. Les journalistes de la plate-forme changeaient généralement le titre, ajoutaient des intertitres, inséraient des illustrations, des vidéos et parfois même des infographies. Il arrivait également que certains de mes billets soient traduits en anglais pour alimenter OWNI.eu. Tout cet apport éditorial était à mes yeux excellents, mais d’un point de vue juridique, il s’agissait d’adaptations de mes créations, ce qui aurait déclenché la clause de partage à l’identique, si j’avais choisi une CC-BY-SA. Or OWNI était sous CC-BY-NC-SA et il n’aurait pas été simple pour eux d’intégrer mes billets si je n’avais pas laissé une grande ouverture avec la CC-BY.

De plus, la CC-BY-SA n’est pas toujours simple à appliquer, comme l’avait prouvé l’affaire qui avait opposé Michel Houellebecq à Wikimedia, lorsque qu’il avait intégré dans son roman La Carte et le Territoire des extraits d’articles de Wikipédia sans mention de la source, ni crédits des auteurs.

Le domaine public et le libre ne sont pas exactement superposables. Le propre du domaine public, c’est de constituer un réservoir complètement ouvert dans lequel on peut venir puiser pour alimenter sa création sans contraintes. Les deux approches sont importantes et complémentaires.

Mais attends, de nous jours, entre les CopyrightMadness, les guerres de brevets, ceux qui s’approprient mon grain de maïs ou ton rectangle à bords arrondis… Avec tous ces abus du côté de la propriété intellectuelle et des biens communs… Y’a pas plus important ou plus urgent que de s’occuper du domaine public ?

Oui, c’est certain qu’il existe des sujets alarmants sur lesquels il devient urgent d’agir. Je ne suis pas seulement engagé pour la défense du domaine public, mais plus globalement pour la promotion des biens communs de la connaissance, ce que je fais au sein du collectif SavoirsCom1. Je milite également aux côtés de la Quadrature du Net pour la légalisation des échanges non-marchands et la mise en place de solutions de financement mutualisées pour la création, comme la contribution créative ou le revenu de base.

Néanmoins, je pense que le domaine public peut constituer un bon angle d’attaque pour s’engager dans une réforme positive de la propriété intellectuelle. On a un peu l’impression d’être aujourd’hui face à une forteresse imprenable et on n’arrive pas à sortir des débats autour de la répression du partage des œuvres, qui continuent à monopoliser l’attention du législateur comme on le voit bien avec les travaux de la mission Lescure. C’est pourquoi il me paraît intéressant d’ouvrir de nouveaux fronts qui permettront de défendre l’idée que nous possédons des droits positifs sur la culture. Le domaine public peut être une piste en ce sens et j’ai fait des propositions de réforme législative pour consacrer et renforcer cette notion dans le Code de Propriété Intellectuelle.

Par ailleurs, tu évoques le Copyright Madness, mais le domaine public pourrait aussi être un moyen de lutter contre les pires dérapages de la propriété intellectuelle. On a vu par exemple récemment des laboratoires pharmaceutiques déposer valablement des brevets en Australie sur les gènes responsables du cancer du sein, ce qui est absolument terrifiant puisque cela signifie que tout chercheur qui voudra mettre au point un remède devra leur verser des royalties. Aux États-Unis, Monsanto a relancé une offensive en justice pour empêcher des agriculteurs de replanter des semences de variétés brevetées et l’entreprise semble en passe de l’emporter. Cela peut avoir des conséquences dramatiques au niveau mondial.

Ces dérives ont un lien avec le domaine public, parce que celui-ci ne contient pas seulement les œuvres anciennes, mais aussi tout ce qui ne devrait pas pouvoir faire l’objet d’une appropriation exclusive. Cela vaut pour certains éléments de la Culture, mais aussi pour des choses aussi essentielles que le génome humain ou les semences.

Le domaine public devrait être le bouclier qui protège tous ces éléments fondamentaux de la folie de l’appropriation, mais c’est à nous de le promouvoir et de le faire vivre pour qu’il puisse remplir ce rôle.

Je crois qu’on ne peut pas trouver de meilleure conclusion ! Merci à toi, Calimaq.

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OS, logiciels, serveurs et… tablettes libres pour les écoles – Entretien avec Éric Seigne

Eric_Seigne_Abuledu_en_classeLes entreprises utilisant et fabriquant du logiciel libre à destination des écoles primaires sont rares. Il faut reconnaître que le marché est compliqué et beaucoup plus difficile à conquérir puisqu’il faut démarcher chaque mairie là où les conseils généraux suffisent pour les collèges. C’est donc un travail de fourmi que doivent fournir ces sociétés pour exister. Nous avions rencontré en mars dernier les co-présidents d’iMaugis. Aujourd’hui, c’est Éric Seigne, que nous avons le plaisir d’interviewer. Il en profite pour nous annoncer une nouvelle qui devrait, nous l’espérons, faire beaucoup de bruit 😉

Bonjour Éric. Pour ceux qui ne te connaissent pas, peux-tu te présenter ?

Éric Seigne, 34 ans , directeur de la société RyXéo, éditeur de AbulÉdu, ensemble de logiciels libres multidisciplinaires à destination des établissements scolaires. Je suis un des membres fondateurs de l’ABUL, Association Bordelaise des Utilisateurs de Logiciels Libres, ainsi que d’autres associations libres.

Comment as-tu découvert le libre ?

Pendant mes années de lycée, dans le journal local (Sud Ouest) on pouvait lire que se tenaient à Bordeaux des repas entre Experts Linux… À cette époque, j’avais la chance de pouvoir bidouiller l’ordinateur de ma sœur aînée, alors équipée de DOS, tandis que mes amis disposaient d’ Amiga et Amstrad (avec écran couleur, son, jeux…) … Je me contentais du prompt A:>_ …


J’ai ensuite installé un OS/2 puis ai enfin eu mon propre ordinateur, pc offert par mon grand-père.

J’ai trouvé le moyen d’installer une slackware sans en connaître les commandes rudimentaires… J’ai persévéré et ai, comme beaucoup d’autres, apprécié. Après mon bac, je me suis installé à Bordeaux et y ai effectué mes études. J’ai enfin pu participer à ces fameux repas de linuxiens bordelais où la constitution d’une association locale (ABUL) a été décidée. À cette époque, des personnes telles que Pierre Ficheux ont suscité chez moi une réelle admiration ! À tel point qu’une Redhat a remplacé la slackware sur ma machine. La découverte de l’interface graphique n’a finalement pas changé grand-chose… si ce n’est de pouvoir lancer un Netscape… les habitudes étaient déjà trop grandes… j’appréciais les fameuses lignes de commande et ne comptais plus les abandonner.

J’ai également participé à quelques demo-parties et ai pu admirer les prouesses des démos 4k, des équipes dev-gfx-zique… la créativité de ces gens est tout simplement incroyable.

Je savais que je n’aurais pas dû jouer autant avec mon Amstrad 6128 😉
Tu es à l’initiative de nombreux projets ou tu y participes : RyXéo, AbulÉdu, AbulÉdu-fr, AbulÉdu ENT, Le Terrier, Pédagosite, Scideralle
Vu de l’extérieur, cela commence à ressembler à l’anarchie des projets Framasoft 😉
Tu peux nous les présenter pour y voir plus clair ?

Connais-tu “la cathédrale et le bazar“ ? Ce livre fait partie de mes lectures qui ont eu une grosse influence sur ma trajectoire, au même titre que l’incroyable “hold up planétaire” de Roberto di Cosmo). Je suis un créateur sur le mode « bazar » qui, de temps en temps, essaye de remettre un peu d’organisation « cathédrale » pour repartir sur un cycle bazar et ainsi de suite :

  • 1998 création de l’Abul et définition de nos prérogatives à savoir l’éducation, la création du groupe Abul-edu, qui donnera naissance au projet Abuledu
  • 1998 l’AFUL signe une convention avec le Ministère de l’Éducation Nationale (Stéphane F., Thierry S., Bernard L., Nat M. Jean-Pierre L. et toute l’équipe de l’AFUL que je ne remercierai jamais assez pour ce coup d’éclat) qui nous ouvre les portes et définit le cadre de travail dont nous bénéficions dans ce secteur
  • 1998 Jean Peyratout, instituteur à Gradignan (à 200 m de chez moi), fondateur de l’ABUL nous fait vibrer au son de « je suis instituteur laïc, républicain, gratuit … et néanmoins obligatoire et à ce titre j’ai du mal à mettre mes élèves devant des ordinateurs Microsoft Windows pour leur faire utiliser Microsoft Word (ou Write), Microsoft Excel, Microsoft Encarta, Microsoft truc et ainsi de suite, il y a la une entorse à mon éthique (et mon devoir de neutralité) que j’ai du mal à avaler, j’aimerais savoir si “linux” pourrait pas nous offrir un choix ».
  • 1999/2000 le groupe Abul-edu (une trentaine de bénévoles de l’association) installe “des ordinateurs en réseau” dans l’école primaire de Jean Peyratout. On va du recyclage de vieux pc à l’installation d’un “serveur” (de mémoire un P3 avec 128 ou peut-être 256 Mo de RAM) … Camille C. nous amène une techno: “LTSP“… on essaie également XTermKit de Jacques Gélinas… Pour faire simple on pourrait dire que les enfants utilisent AbulÉdu en semaine et des adultes barbus s’adonnent à leur hobby le week end…
  • 2000 premières RMLL, le cycle éducation présente des projets extrêmement ingénieux, dont celui de Jacques Gélinas (Hacker kernel, papa de linuxconf) qui enivre la foule… en fin de journée, nous faisons des démonstrations autour d’AbulÉdu. À la fin de la conférence, plus d’une dizaine d’enseignants viennent nous voir et nous disent qu’ils veulent faire la même chose dans leur école. Dans l’euphorie de l’événement on leur lâche un « chiche, revenez dans un an on vous donnera un cd d’installation »
  • Cette même année 2000, je crée l’entreprise individuelle Rycks
  • Un an plus tard, lors des RMLL 2001, on lance le CDROM AbulÉdu 1.0 basé sur Mandrake 7.2 (je salue et remercie encore les hackers de Mandrake qui nous ont aidés et soutenus)… La communauté s’élargit alors jusqu’en Afrique de l’Ouest, au Burkina Faso, en Côte d’Ivoire et bien naturellement partout en France. Des enseignants comprenant notre démarche vis à vis des enjeux du libre dans le milieu scolaire veulent créer des logiciels pour aider leurs enfants à apprendre à lire, compter… un coup de pouce technique plus tard Le Terrier d’AbulÉdu est né.
  • Dans notre approche constructiviste, suite à des retours utilisateurs, nous créons Pédagosite, une nouvelle fois, dans notre bazar. L’idée est de mettre en commun les fiches pratiques et pédagogiques des enseignants contributeurs.
  • 2003 l’association ABUL, le groupe abul-edu et AbulÉdu décident de structurer. L’ABUL a pour mission de s’occuper de Linux sur Bordeaux (je schématise) et AbulÉdu prend alors son envol. Le groupe Abul-edu se réunit et créé l’association SCIDERALLE.
  • 2003 Rycks devient RyXéo, quittant le statut d’entreprise individuelle pour celui de SARL. Le changement n’intervient pas de façon isolée et AbulÉdu passe alors sur Debian. Nous proposons une solution clé en main de serveurs pré-installés accompagnés de maintenance. Le succès est mitigé : des clients qui nous rapportent de l’argent mais un malaise naît au sein de la communauté qui a du mal à comprendre qu’on puisse vendre du logiciel libre. 5 années plus tard, en 2008, nous relançons « AbulÉdu gratuit », version 8.08. Porteuse d’espoirs, elle nous apporte très rapidement son lot de désillusions, des donneurs d’ordre téléchargent la version gratuite, l’installent dans des écoles mais ne contractent ni support, ni expertise, ni formation auprès de RyXéo, même à 30 euros par mois !

Et la naissance d’AbulÉdu-fr ?

L’association a été constituée en 2010 et regroupe les utilisateurs d’AbulÉdu. Depuis 2011 nous essayons de resserrer les liens entre la communauté et RyXéo, l’association AbulÉdu-fr est la bonne interface pour ça.

Le bilan de l’association est présenté sur le site de l’association. toute aide est la bienvenue, en particulier d’un point de vue financier : l’association a du mal à payer les frais de déplacement pour les développeurs bénévoles lorsqu’ils viennent chez nous (RyXéo) une fois par mois.

RyXéo a toujours eu des liens avec l’éducation, notamment avec les écoles. Sauf erreur de ma part, c’est la seule entreprise, qui, en 2009, répondait intégralement au cahier des charges du ministère lors du Plan École Numérique Rurale. Pourtant de nombreuses autres entreprises ont finalement été retenues lors de ce plan (dont certaines se sont d’ailleurs mystérieusement volatilisées depuis). Comment l’expliques-tu ? Penses-tu que le fait de proposer des solutions libres a été, à ce moment là, un inconvénient ?

Je suis mal placé pour dire si on était les seuls à être compatibles avec le cahier des charges, je dirais juste qu’on a essayé d’apporter la réponse la plus claire possible.


Concernant les truands qui se sont placés sur ce marché pour voler de l’argent public et disparaître après avoir livré partiellement des écoles oui, ça m’a rendu assez malheureux.


Ensuite, ce plan était dans le « plan de relance de l’économie », j’ai observé qu’on a surtout relancé les importations de matériels produits à l’étranger. J’aurais préféré qu’on inverse le ratio matériel-service en s’appuyant par exemple sur du recyclage d’ordinateurs et en mettant beaucoup de ressources humaines en jeu en incluant des heures de passage dans les écoles pour que les entreprises fassent réellement du boulot d’accompagnement technique. Voire qu’on injecte des moyens financiers sous forme de création de postes d’animateurs TICE (ou dans les CDDP ou dans les équipes des Inspections Académiques ou autres structures existantes) pour que les enseignants puissent réellement mettre en pratique des usages avec des professionnels de la pédagogie…

Depuis 2010, de nouveaux logiciels du Terrier ont été développés et certains réécrits. Cela marque une réelle rupture aussi bien au niveau visuel que technologique par rapport aux premiers logiciels. Comment se font ces nouveaux développements ?

  • En 2009, nous (RyXéo) avons fait un bilan à la fois fonctionnel et technique des logiciels du Terrier d’AbulÉdu. Nous en avons tiré les 3 principales conclusions:
  1. logiciels pertinents et reconnus sur les aspects métier
  2. graphismes et ergonomie à repenser
  3. améliorations techniques du code applicatif à mettre en œuvre

Je tiens à signaler au passage que les logiciels en question sont vraiment conséquents, par exemple Association nécessite 1500 dessins et près d’un millier de mots (sous forme de sons) enregistrés ! À de nombreuses reprises la communauté des développeurs a lancé des appels à contribution pour avoir des dessins et des ressources libres réutilisables… sans grand succès.

  • Ryxéo engage un graphiste (en fait il s’agit d’un dessinateur de BD et illustrateur). En parallèle nous testons différents langages pour nos futurs logiciels (python, pygame, etc) sans en être vraiment convaincus. Puis sur le test du logiciel Raconte-moi, nous tentons l’aventure Qt/C++.
  • Au même moment, nous accueillons en stage, un enseignant avec qui nous avons l’habitude de travailler. Avec notre équipe technique, il développe le logiciel Calcul-Mental et travaille en forte collaboration avec le graphiste.

Le résultat est évident : nous sommes séduits… et l’équipe s’étoffe en l’embauchant à l’issue de son stage.

Parlons de choses qui fâchent 😉

Parmi les nouveaux logiciels, certains sont téléchargeables directement, d’autres accessibles uniquement après un achat en boutique. Pourquoi ce changement de politique ? Pourquoi cette différence de traitement entre les logiciels ?

Comme évoqué un peu plus tôt, Ryxéo est une équipe qui regroupe des développeurs, graphistes et pédagogues qui œuvrent à l’essor et au maintien de la solution AbulÉdu. Les salariés de l’entreprise reçoivent un salaire à la fin du mois. Le modèle économique Ryxéo, tel un éditeur, est basé sur le support, la maintenance et les formations autour des solutions proposées à nos clients.

À côté de ça, il faut savoir que l’estimation des dépenses globales au niveau national en logiciels pour les écoles en 2011 est de plusieurs millions d’euros (exemple 500.000 euros pour l’académie de Toulouse, sources : http://tice.ac-toulouse.fr/web/635-cheque-ressources.php) … Ne serait il pas pertinent que les ressources libres en bénéficient ?

Il n’en demeure pas moins que, nous sommes tous très impliqués, individuellement comme collectivement, et ce depuis de nombreuses années, à titre bénévoles dans des associations et des communautés. .

Cela dit, j’avoue qu’un de mes rêves serait de lancer une opération “logiciel libre à prix libre”… Peut être encore trop tôt… Mais un jour viendra, je l’espère.

Pour moi la réussite d’un projet libre n’est pas tant qu’il soit utilisé par des milliers d’utilisateurs que de créer des emplois et de la richesse. La FSF a eu l’intelligence de ne pas mettre de conditions « non commercial » dans la GPL et c’est vraiment important.

Puisque tu parles de “logiciel libre à prix libre”, RyXéo a lancé un Pedagogic Bundle permettant aux utilisateurs d’acheter un pack de logiciels du Terrier. SI je ne me trompe pas, cette opération en anglais a permis de récolter 800 $. Quel bilan en tires-tu ? Pourquoi ce choix d’une opération en anglais ?

C’est un test à plusieurs niveaux: je pense que l’aspect international est compliqué à aborder pour des logiciels pédagogiques, je ne pense pas que les enseignements soient les mêmes partout. Néanmoins je cherche pour voir s’il existerait un « écho » dans la communauté internationale qui gravite autour des logiciels libres et de l’éducation.

800€ c’est très peu et beaucoup : très peu compte tenu de l’exemple qu’on a pris pour s’en inspirer (humble bundle) et beaucoup parce que vu le peu de publicité qu’on a faite on a tout de même des retours.

Ensuite ce sont des personnes plutôt militantes qui nous ont pris ce bundle et nous ont spontanément proposé de participer aux traductions et prochaines offres…

Où en est le projet de micro-blogue pour les écoles primaires porté par l’association AbulÉdu-fr ?

Il s’agit d’un projet porté par l’association. Un projet véritablement important, à faire vivre, demandant du temps. Je profite donc de la tribune offerte pour demander à tout contributeur potentiel de ne pas hésiter à proposer son temps et son aide en remplissant ce formulaire de contact : http://www.abuledu-fr.org/Contacter-l-association.html

Passons à l’actualité chaude de RyXéo. Tu viens, ce samedi de présenter un produit qui devrait faire beaucoup de bruit, la TEDI. C’est quoi ?

Depuis deux ans, le phénomène « tablettes » envahit notre quotidien. Les écoles ne sont pas en reste et certaines, se sont lancées très tôt dans les démarches d’acquisition de ces nouveaux matériels.

La tablette est vue comme un gros téléphone, multi-tâche, à la frontière entre le matériel de productivité et le gadget. À ce titre je me dis que le combat de “détaxe” ou de “vente liée” est perdu ou tout au moins mal embarqué sur ces plates-formes …

Android prend de plus en plus de part de marchés et souffle le chaud et le froid (libre, pas libre, par exemple une version d’Android n’a jamais été publiée) … je fais de la veille technologique active et envisage un éventuel avenir libre aux tablettes scolaires.

RyXéo achète quelques tablettes pour découvrir que l’univers ARM (les puces qui équipent l’écrasante majorité des tablettes pour ne pas dire la totalité) est structuré d’une manière bien différente de la plateforme “pc/intel” que je connais bien. Il est par exemple très compliqué de choisir le périphérique d’amorçage et d’envisager de démarrer sur une clé usb, le réseau ou une carte SD … allons-nous être obligés de développer pour iOS ou Android ?

RyXéo développe cependant une « solution tablettes pour développeurs » sur une plate-forme intel tout en synthétisant notre cahier des charges « école primaire »  :

  • Matériel aussi ouvert que possible
  • Système d’exploitation libre et logiciels libres
  • Assez robuste pour être confié à des enfants
  • Léger
  • d’un look “sympa” ou tout au moins, sortant de l’ordinaire

J’estime qu’en tant que développeurs nous avons des responsabilités. Je m’explique: si je développe une application pour iOS ou Android je ne peux pas ignorer que l’identité numérique des futurs utilisateurs de mon logiciel sera gérée par un de ces deux géants. Il en va de même pour les données qui seront forcément indexées voire stockées sur le cloud de ces mastodontes, probablement hors du territoire national et donc soumis à une loi qui n’est même pas la nôtre. De ce fait il est de notre responsabilité de proposer des alternatives durables, ouvertes, libres et pérennes. D’autant plus qu’on est dans un domaine ou nos utilisateurs (les enfants) n’ont pas encore construit leur esprit critique et qu’ils font confiance aux adultes que nous sommes pour avoir fait les bons choix !

eric-seigne-tablette

Comment est né ce partenariat avec Unowhy ?

Après quelques recherches et échanges avec nos clients et partenaires, la tablette qooq/unowhy est identifiée. Contact est pris avec l’industriel, nous achetons une tablette « développeur » et installons un hack d’AbulÉdu en test.

Ensuite tout s’enchaîne, nous rencontrons l’équipe dirigeante de Unowhy, effectuons une démonstration de la tablette « AbulÉdu », et nous voici, samedi 8 décembre 2012, pour l’annonce officielle de cette Tablette.

J’apprécie en particulier sur leur tablette et avec leur approche qu’il n’y a ait aucun connecteur propriétaire: rien que du standard ! (usb, ethernet, sdcard, jack pour le casque) … c’est suffisamment rare pour le signaler !

Présent à Éducatice Unowhy présentait justement son projet de tablette scolaire et parlait d’une expérimentation en collège. Est-ce un projet différent ou bien est-ce également un partenariat avec RyXéo ?

Ce sont deux projets différents qui pourraient paraître complémentaires. Je précise néanmoins que TEDI AbulÉdu a aussi été présentée le 22 sur le stand de Unowhy à Éducatice.

Je ne savais pas. Je n’ai pas eu l’occasion d’aller à Éducatice cette année.

Au niveau du système d’exploitation, je suppose que ce n’est pas iOS. Est-ce Android ou un développement maison ? Une adaptation d’AbulÉdu ?

C’est un vrai GNU/Linux, fondé sur l’excellent boulot de linaro. Et sur lequel nous avons réalisé le même travail que pour AbulÉdu « Live » ou « Serveur ».

Puisqu’on parle de partenariat, il y au final peu d’acteurs dans l’univers du libre au niveau de l’école primaire (ASRI Édu, Beneyluschool, OLPC, OOo4kids, Sankoré, GCompris …). As-tu des échanges, liens avec eux ?

C’est juste de le dire, on est peu nombreux et la quantité baisse avec les années (par exemple cette année nous perdons l’excellente équipe de PingOO). Le grand absent de cette liste est edubuntu, qui, pour moi, est un exemple intéressant : AbulÉdu serveur étant fondé sur ubuntu, j’ai souhaité leur offrir l’interface d’administration d’AbulÉdu il y a quelques années. Tous les paquets .deb existent et marchent dans plusieurs centaines d’école tous les jours en France … Le retour que j’ai eu a été … étonnant : notre interface d’administration étant en PHP le responsable du projet edubuntu n’a même pas daigné le regarder. Aujourd’hui nous faisons et refaisons tous la même chose (des interfaces d’administration) au lieu d’utiliser des forces à la création de ressources pédagogiques, de logiciels d’apprentissages, de retours utilisateurs etc.

Beneyluschool est exemple également intéressant. En 2010 quand on a voulu proposer un ENT à nos clients, on a cherché les sources de la Beneyluschool… introuvables ou alors une version vieille comme Hérode. D’autre part, le site faisant appel à du flash de manière importante, nous avons décidé de créer notre ENT. Cependant, en 2012, Beneyluschool libère le code de sa version 3.0 qui n’utilise à priori plus de flash… Je suis heureux de voir cette nouvelle orientation et le contact est en cours pour voir comment intégrer l’accès à l’ENT depuis les tablettes pour les clients que nous avons en commun.

De même, nous avons intégré OOo4Kids dans AbulÉdu mais quelques ajustements sont encore nécessaires, notamment entre OOo et OOo4Kids (quel logiciel a la priorité sur l’association des fichiers dans le navigateur de fichiers par exemple).

Concernant GCompris la cible et l’approche sont différentes : GCompris est un moteur d’activités ludo-éducatives, Bruno a même ajouté l’interprétation de script python dans GCompris pour simplifier l’ajout de nouveaux modules par des développeurs tiers. Notre approche est différente : nous avons préféré avoir un exécutable indépendant pour chaque logiciel. Par contre au niveau de la distribution AbulÉdu, GCompris fait partie des logiciels que nous diffusons systématiquement.

Avec OLPC et ASRI Édu, nous n’avons pas encore de réels liens mais l’occasion se présentera peut être un jour.

Ryxeo fêtera ses 10 ans l’année prochaine, c’est un véritable succès ! Si tu devais choisir parmi ces propositions laquelle définirait le mieux la situation actuelle ?

* Grâce au choix du logiciel libre, RyXéo est prospère et je suis un patron très riche. * L’équilibre est précaire mais sans le logiciel libre l’aventure n’aurait pas été possible. * RyXéo aurait sûrement été plus prospère en choisissant le logiciel privatif.

À vrai dire, je ne sais pas trop commenter ces aspects. Je dirais que depuis 10 ans, l’aventure est belle, soumise à des moments heureux comme des périodes délicates. Si je devais tirer un bilan, il serait très positif. La prospérité est plus celle du cœur et de la connaissance que du compte en banque mais je ne regrette pas mes choix !

Pour finir, si des lecteurs du blog sont intéressés par un des projets, peux-tu nous dire de quoi vous avez besoin actuellement ?

Le projet AbulÉdu recherche des contributeurs pour collecter des ressources libres sur internet et les ajouter dans l’entrepôt de données data.abuledu.org En trois mois nous avons déjà collecté plus de 5000 ressources libres… aidez-nous pour arriver à 50 000 pour les RMLL 2013 !

Ensuite si nous voulons que notre plate-forme soit remplie de ressources libres, il faut les produire. Nous lançons donc un appel à tous les enseignants créateurs de ressources à les mettre sous licence libre (compatible avec cc-by-sa) et nous les envoyer (ou les envoyer eux même sur l’entrepôt) pour qu’elles soient mises à disposition de tous et indexées selon les normes en vigueur, (LOM, SCOLOM etc.) dans l’entrepôt de données pédagogiques .

Enfin, nous sommes à la recherche de donneurs de voix pour enregistrer des histoires pour les enfants, ou lire des textes.

Sur les aspects techniques, si des développeurs souhaitent rejoindre la communauté AbulÉdu, ils et elles seront chaleureusement accueillis (voir la liste de diffusion dev@abuledu.org) et notamment lors de nos week-ends abuledu@ryxeo.

Merci Éric !




Rencontre avec trois papas du Coding Goûter

Des kids, du code et du cake…

Le 29 septembre dernier je me suis rendu avec Adrienne Alix (Wikimédia France), Frédéric Couchet (April, de dos sur la première photo) et nos enfants respectifs à un « Coding Goûter » parisien.

Jugeant l’expérience tout à fait intéressante, et ma fille aussi (au tableau sur la seconde photo, présentant son travail sur Scratch), j’ai proposé aux organisateurs Julien Dorra, Jonathan Perret et Raphaël Pierquin un entretien pour en savoir plus et donner éventuellement envie d’essaimer.

Coding Goûter - CC by

Bonjour, pouvez-vous vous présenter succinctement ?

Julien : J’anime des communautés techno-créatives 🙂 C’est à dire que je crée les bonnes conditions pour que des personnes d’horizons différents créent avec les technologies d’aujourd’hui. Dans des universités, pour des institutions, et bien sûr avec Dorkbot Paris, Museomix, ArtGame weekend… et Coding Goûter !

Jonathan et Raphaël : Nous sommes tous les deux papas et développeurs. Nous travaillons chez /ut7, une coopérative d’agilistes. Notre métier, c’est d’aider d’autres développeurs à travailler en équipe. Nous animons aussi des ateliers de co-apprentissage avec des enfants de plus de 25 ans : nos formations, mais aussi Dojo de Développement, Agile Open, Dojo Lean Startup, soirées Cambouis…

Alors un « Coding Goûter » c’est quoi ?

Raphaël : Un Coding Goûter, c’est un rendez-vous festif avec des gâteaux, où petits et grands apprennent à programmer, ensemble.

Julien : C’est aussi un moment pour partager le plaisir de créer des choses avec du code, et d’expérimenter. Et pour les adultes qui, comme moi, ont programmé quand ils étaient enfants mais ont ensuite arrêté d’écrire des programmes – c’est une manière de réveiller une pratique qui était passé au second plan. Il y a des peintres du dimanche, je me revendique comme codeur du dimanche !

Comment l’idée est-elle donc née ?

Julien : J’ai rencontré Jonathan lorsqu’il a participé au premier – et au second ! – ArtGame weekend. Après ça, on a beaucoup discuté de ce que pouvait signifier l’éducation au code, de l’impact des nouveaux outils, à quoi pouvait ressembler un jeu de programmation.

Jonathan : Je cherchais à partager avec mes filles mon métier de développeur, mon plaisir d’écrire des programmes. J’étais frustré de ne pas trouver les moments « à la maison ». D’où l’idée d’un goûter avec des enfants, où l’on programmerait.

Julien : J’ai lancé de mon côté une petite enquête pour mieux comprendre ce que les parents (non tech inclus) pensaient du sujet. Les dizaines de réactions extrêmement diverses nous ont assez étonnés. Cela allait de l’évidence, au dégoût de l’idée même d’apprendre aux enfants à programmer !

Jonathan : Finalement, un matin de décembre 2011, j’ai réalisé que nous avions déjà toutes les cartes en main. Il suffisait de choisir une date, lancer des invitations et ouvrir les bureaux de /ut7 un samedi après-midi.

Raphaël : Quand Jonathan a évoqué son idée, j’étais enthousiaste. Ma motivation première, était de montrer à mes enfants ce qu’était mon métier. Après plusieurs séances, ce qui persiste, c’est le même plaisir que celui de jouer aux LEGO avec mon fils : s’amuser en construisant des choses ensemble.

Vous en êtes désormais à huit Coding Goûters, quel retour d’expérience en faites-vous ? Qu’est-ce qui a bien fonctionné ? Qu’est-ce qui peut être amélioré ?

Julien : On sait qu’il ne faut pas trop d’enfants, 12 c’est bien. On sait aussi que à la maison, ça marche moins bien, on est pas assez hors-contexte. Il y a plein de sollicitations, y compris pour les grands !

Raphaël : Une leçon essentielle que j’ai apprise : quand il s’agit d’apprendre, les adultes sont des enfants comme les autres. Une autre encore : c’est important de ponctuer les goûters avec des pauses où l’on prend le temps de célébrer les réalisations des participants. Une piste d’amélioration : publier un petit manuel pour aider de potentiels organisateurs de Coding Goûters à se lancer.

Est-ce facile de gérer en même temps différentes classes d’âge (quant on sait par exemple les écarts qu’il peut y avoir entre un enfant de 6 ans et de 12 ans) ?

Julien : Cela ne se pose pas dans ces termes. On vient avec nos enfants. Chacun fait.

Raphaël : Nous utilisons le même principe que dans les formations pour adultes de /ut7 : une grande variété d’activités, et la liberté pour chacun de choisir ce dont il a besoin pour apprendre. Ça marche très bien, encore mieux qu’avec des groupes sans enfant.


Julien : Séparer les classes d’âge peut sembler plus facile, mais c’est une homogénéité fictive. Les enfants d’un même âge n’ont ni le même niveau, ni les mêmes envies. Par exemple un enfant de 10 ans avait envie de créer des applications iPad, ce qui l’a motivé pendant tout un goûter pour explorer Xcode et Objective-C. Un grand de 14 ans pendant ce temps-là faisait du RoboZZle.

Plutôt que des séances « one shot » envisagez-vous d’organiser à terme des « Coding Goûter » plus réguliers tout au long de l’année avec le même groupe d’enfants-parents ? Et de ce fait pouvoir alors proposer quelque chose de plus structuré et progressif ?

Julien : Ce ne sont déjà plus des séances uniques, puisque nous avons organisé près d’un Coding Goûter par mois tout au long de 2012. Selon leurs disponibilités, les enfants et les adultes reviennent d’un goûter à l’autre. Mais derrière cette régularité, il n’y a pas de volonté de structurer l’apprentissage, ni d’introduire de la progressivité. C’est un moment d’exploration, de découverte. Le but n’est pas d’enseigner. Le but n’est pas l’acquisition de compétence en soi. De la même manière que l’on ne fait pas faire du dessin aux enfants pour qu’ils acquièrent une compétence technique précise.

Raphaël : Pour moi, le Coding Goûter est avant tout un loisir créatif, famillial et social. De fait, les familles qui participent, ponctuellement ou régulièrement forment une communauté qui crée une continuité entre chaque séance. Néanmoins, nous ne suivons pas de plan d’une séance sur l’autre, et ce n’est pas prévu.
Je me lancerai peut-être un jour dans la construction d’un programme structuré, mais ça sera en plus du Coding Goûter.

Ne pensez-vous pas que les « Coding Goûter » viennent combler une lacune, un vide de l’Education nationale ? Un déficit aussi bien dans le fond (inviter à coder, à créer) que dans la forme (le dispositif pédagogique assez novateur que vous proposez). A moins que vous jugiez que tout va bien et que chacun est à sa place ?

Raphaël : La pauvreté du programme informatique de l’école m’attriste, et le potentiel de progression est énorme. Attention néanmoins : la recette des Coding Goûters n’est pas nécessairement adaptée au contexte de l’école.

Jonathan : Je regrette également de voir que l’école ne donne plus aux enfants l’occasion de découvrir la magie de la programmation, comme nous en avons eu la chance à l’époque du plan « Informatique pour tous », mais elle ne peut peut-être pas tout faire non plus…

Julien : Au cours des prochaines années, on va à nouveau beaucoup entendre parler de l’enseignement de la programmation. La discussion est actuellement très active au Royaume-Uni, cela va revenir en France.
Et tu peux être sûr que cela sera principalement axé sur le « besoin de développeurs pour l’économie numérique ». On n’est pas du tout sur cet axe. On a envie que nos enfants programment, et oui, c’est vrai qu’ils ne le font pas à l’école et c’est dommage – car ils vont passer beaucoup de temps à l’école. Mais on ne cherche pas à fournir des développeurs aux SSII françaises dans 15 ans ! Probablement même le contraire 🙂
Est-ce qu’on comble un manque ? Avant tout, on comble un manque… pour nous et nos enfants ! Puis les enfants de nos amis, de nos collègues 😉
D’une certaine manière, on a été obligés de reconnaître qu’on répondait à un besoin fort, car nous avons des emails réguliers de parents qui veulent en organiser dans leur ville, ou être avertis du prochain goûter. À peine visibles, nous étions déjà sollicités.
Est-ce qu’on peut-être une part de la réponse aux difficultés de l’école de s’ouvrir aux changements sociaux en cours ? Pour l’instant non : on est en parallèle du système scolaire, et nous n’avons aucun lien avec les instances scolaires.

Si je vous dis que les « Coding Goûter » c’est quand même encore un « truc de bobos », vous pensez que c’est juste un gros troll ou bien une remarque valide ?

Raphaël : Quand j’avais 8 ans, dans ma campagne, il y avait un « club informatique » (MO5 rul3z !). C’était comme un Coding Goûter, mais sans les gâteaux. Ça me passionnait, je n’étais pas le seul, et personne ne s’en étonnait. On ne connaissait pas encore le mot « bobo », ni le mot « troll », d’ailleurs. Cela dit, oui, je suis bobo, et troll-proof, aussi.

Jonathan : La contrainte que nous avons mise pour l’accès au Coding Goûter, à savoir le fait de faire participer parents et enfants ensemble, crée probablement une barrière pour certaines familles où tout simplement les activités partagées ne sont pas la norme. Je ne peux qu’espérer que d’autres formats existeront pour donner à chaque enfant une chance de découvrir la programmation.

Julien : Coding Goûter est issu de parents qui apprécient la culture du code, et qui ont envie de la partager avec leur enfants. Il y a eu des réactions vaguement négatives. La ligne de partage ne semble pas être le niveau d’études, le niveau d’intellectualisme ou le revenu, mais plus la vision de la technologie comme quelque chose de positif, créatif, avec un empowerment possible ou comme un aspect négatif et enfermant de la vie contemporaine.
À ma connaissance, il y a des enfants de tout milieu qui ont envie de coder.
À l’opposé, il y a des parents de milieux aisés qui n’ont aucune motivation pour encourager leurs enfants à programmer, et même au contraire, y sont hostiles.
Maintenant, si la vraie question est « quelle diversité pour les Coding Goûter ? » on peut noter que nous avons déjà une parité fille-garçon des enfants qui est unique pour des sessions de programmation mixte (en fait, on a même toujours eu plus de filles que de garçons…).
C’est un bon signe. Il y a un effet de réseau sur les parents, c’est certain, tout simplement car on est un tout petit groupe qui grandit de proche en proche. Mais du coup, il y a peu de pression de sélection sur les enfants.

Plus concrètement, quels sont, dans le détail, les logiciels que vous proposez ? Quels sont leurs spécificités ? Pourquoi les avoir choisis ?

Julien : On a testé beaucoup de choses, et on continue de tester des nouveaux outils. Il y a des choses incroyables qui se passent du côté des outils web, dans le navigateur. J’ai adoré faire du LiveCodeLab avec des ados, en particulier.
Mais les grands classiques comme Scratch sont toujours aussi intéressants.
Le choix se fait sur la facilité de prise en main, le niveau des enfants (et des adultes !), le but (si un enfant veut faire un jeu sur tablette, on va l’orienter vers GameSalad, par exemple), et les découvertes du moment.

Raphaël : Pour les logiciels : à chaque séance, on en essaye de nouveaux, et on garde ceux qui nous plaisent.
Je choisis les logiciels en fonction du ou des participants qui programment avec moi, par exemple avec un enfant qui ne sait pas encore lire, ou avec un ingénieur, j’aime bien commencer avec RoboZZle, tandis qu’avec des enfants de 5 à 7 ans, on se raconte une histoire, et on construit un jeu petit à petit sur Scratch. Même si ils ne conçoivent qu’une petite partie de l’algo, le plaisir d’avoir créé est bien là ! En général, on arrête de programmer quand ça devient plus amusant de jouer que de créer le jeu.
Scratch est aussi idéal pour la tranche d’âge intermédiaire : souvent, des groupes de deux ou trois enfants de 8 à 50 ans se forment. Ils suffit de les mettre sur la voie, et ils parviennent à créer des programmes, en s’appuyant sur les participants les plus expérimentés (pas nécessairement les plus âgés). Et avec des garçons pré-ados, on a tenté de construire un circuit logique dans un univers virtuel (Minecraft). Pas facile de faire collaborer tous ces avatars !

Comprenez-vous ceux qui (comme nous) souhaitent que les logiciels proposés soient « le plus libre possible » ?

Raphaël : Oui. Et d’ailleurs, goûter au plaisir d’utiliser du code que l’on a écrit soi-même, c’est faire un premier pas dans les traces qui mènent au logiciel libre, non ?

Jonathan : Je trouve cela assez sain. Au quotidien, je n’utilise pas que des logiciels libres, mais quand j’en ai l’occasion j’essaie d’expliquer à mes enfants ce qu’est un logiciel libre afin qu’elles puissent plus tard faire des choix informés.

Julien : Le logiciel libre fonctionne évidemment en harmonie avec les pratiques d’appropriations collectives.
Il y a des raisons idéologiques à ça, mais il y a aussi des raisons pratiques. Un exemple très concret : les enfants français ont besoin que les interfaces, la documentation, les exemples, soient traduits en français. Un outil libre est traduisible dès que la communauté le veut.
Par exemple, j’ai pris l’initiative de traduire LiveCodeLab, les tutoriaux en particulier, car je trouvais que c’était un outil fascinant, et je voulais voir comment les enfants et les ados allaient l’utiliser. Un code ouvert et un développeur amical, et cela a pris quelques heures !
Cela dit, j’aime les contradictions. Tester tous les outils, c’est se confronter, et confronter les enfants les plus grands, aux choix de leurs outils, aux système parfaits mais propriétaires et verticaux, aux possibilités des outils ouverts d’être modifiés, aux rythme d’évolutions des outils qui ne sont pas les mêmes.
De fait, des outils payants et fermés auront bien sûr bien moins de succès dans le contexte des Coding Goûters que des outils libres. La partie grise ce sont les outils propriétaires gratuits ou freemium très bien réalisés, comme GameSalad, qui ont une position unique et intéressante. On aime GameSalad comme on aime Photoshop, ou Google Docs. Un bel outil logiciel reste un bel outil logiciel.

Est-ce que vous avez déposé le nom et le concept de « Coding Goûter » ? Comme j’imagine que non, cela signifie que tout le monde peut en organiser ! Vous connaissant un peu, j’imagine même que c’est quelque chose que vous encouragez. Quels conseils donneriez-vous donc, comment vous contacter et trouver trace des « Coding Goûter » précédents ?

Jonathan : Pas de marque déposée effectivement. L’idéal serait au contraire que le mot devienne aussi banal que « week-end » ou « pique-nique » !

Julien : On encourage tout le monde à organiser des Coding Goûters, bien sûr !
On imagine que dans quelques temps, il y aura des Coding Goûter un peu partout en France, et ailleurs, et que nos enfants pourront y participer où qu’ils soient, se faire de nouvelles copines et de nouveaux copains.
Ce qui ne doit pas arriver, c’est de laisser le concept être avalé par les habitudes antérieures, et devenir trop scolaire ou trop orienté-animateur et donc moins exploratoire et moins dirigé par les désirs créatifs des enfants.
Si vous participez avec vos enfants à un Coding Goûter, vous savez que ça ne sera pas un cours ou un tutoriel, que vous pourrez rester avec vos enfants, qu’il y aura des démo-spectacles par les enfants – et des gâteaux ! Ce sont tous ces petits détails qui comptent pour nous.
Le format est encore en évolution, on teste des choses – mais on tient énormément à l’esprit.

Un dernier mot, un prochain rendez-vous ?

Julien : Il y a des Coding Goûter presque tous les mois. Pour être averti du prochain, il suffit d’envoyer un message à contact AT codinggouter.org, ou de fréquenter notre groupe Facebook.

Raphaël : A ceux qui voudraient organiser leur Coding Goûter : lancez-vous ! Si vous ne savez pas comment vous y prendre, venez nous voir, ou mieux : demandez de l’aide à vos enfants.

Coding Goûter - CC by




Entretien avec Sésamath : au revoir Flash, bonjour HTML5, JavaScript (et LaTeX)

L’association Sésamath existe depuis 10 ans maintenant.

10 ans de projets au service des mathématiques dans l’éducation. 10 ans également, et par effet de bord, au service du logiciel libre, de par les choix des outils et des licences adoptées ainsi que la manière toute collaborative de travailler.

Avoir, entre autres, réussi à couvrir tout le collège avec des manuels scolaires libres qui représentent aujourd’hui près de 20% du marché, ça n’est pas rien ! (et c’est même du jamais vu au niveau mondial !)

L’occasion de faire le point avec Sébastien Hache, salarié et co-fondateur de l’association, qui nous annonce de bien bonnes et libres nouvelles.

Sésamath - Flyer

En quelques mots, comment se porte Sésamath ?

Sébastien Hache : Sésamath se porte plutôt bien. L’envie et la passion sont toujours là, depuis maintenant plus de 10 ans. De nouveaux membres viennent régulièrement renforcer une équipe globalement stable et de plus en plus expérimentée. La grosse difficulté est de parvenir à maintenir les ressources existantes (de plus en plus utilisées : plus d’un million d’élèves inscrits à Labomep par exemple l’an dernier) tout en continuant à faire évoluer les outils et à élargir le champ : c’est un défi compliqué mais c’est aussi passionnant.

Que pensez-vous de la récente circulaire sur l’usage du logiciel libre dans l’administration ?

Nous pensons que c’est une très bonne chose et que cela constitue un bon élément d’appui pour tous ceux qui veulent promouvoir les ressources et logiciels libres dans l’enseignement.

Que pensez-vous de l’opération Open TextBook de l’État californien ?

Plus il y aura de ressources éducatives libres et ouvertes, et mieux ce sera !

Que pensez-vous de la récente introduction de l’option Informatique et Sciences du Numérique en Terminale S ? Pensez-vous vous y impliquer de près ou de loin ?

Sesamath a fait le choix de ne pas se positionner sur des sujets autres que ceux inscrits dans ses statuts. Les objectifs de Sesamath nous occupent déjà largement.

Alors, justement, Sésamath a annoncé des nouveaux projets au lycée et dans le primaire. Peux-tu nous en dire plus ?

Pour l’instant, l’essentiel des projets de Sésamath se concentrait sur le collège, même si depuis longtemps, en particulier au niveau des liaisons inter-cycles, des ressources collège étaient utilisées en CM2 ou en seconde. C’est donc assez naturellement que nous avons lancé des appels (toujours en vigueur pour ceux que ça intéresse) dans ces deux directions pour amorcer des projets éditoriaux. En effet, l’expérience de Sésamath au collège a montré que le travail collaboratif autour d’ouvrages destinés à être publiés sur papier (même s’ils ont nativement une version numérique) était un bon catalyseur pour créer ensuite d’autres ressources numériques : un peu comme si l’ouvrage éditorialisé servait de fil conducteur pour tout le reste. Paradoxalement, le papier est aussi une bonne façon de faire connaître le numérique.

En CM2, une équipe composée de professeurs des écoles et de professeurs de collège travaille actuellement à un cahier d’exercices sur le modèle des cahiers d’exercices de collège (afin d’avoir une continuité dans la ressource). Ce cahier est destiné à être sous licence libre (CC By-Sa) : pour l’instant, durant la phase de conception, seuls les enseignants inscrits à Sésaprof peuvent y avoir accès mais quand il sera achevé (début 2013) il sera intégralement téléchargeable pour tous aux formats ODT et PDF. En même temps, nous concevons le cahier numérique associé. Une autre équipe construit en parallèle le futur manuel Sésamath 6e, qui est très largement modifié par rapport au précédent en partie justement pour tenir compte de la liaison.

En seconde, une équipe composée de professeurs de collège et de lycée travaille sur un manuel complet. Ce manuel est écrit en LaTex. Il sera de la même façon publié sous licence libre et accompagné d’un manuel numérique gratuit. Le premier chapitre sera très prochainement mis en ligne. Beaucoup de lecteurs de ce blog seront heureux de voir que Sésamath produit collaborativement un ouvrage en Latex (c’était déjà le cas pour un ouvrage d’exercices en classes préparatoires) !

Pour résumer, nous travaillons cette année sur 3 ouvrages en même temps. C’est possible grâce à l’expérience de l’association et de ses membres sur la création collaborative de manuels scolaire (organisation, outils…), mais aussi les licences libres et les formats ouverts qui permettent ce mode de création et motive les auteurs.

En parlant de format ouvert, il se dit que Sésamath est en train d’abandonner Flash. Qu’en est-il ?

Effectivement, une grande partie des ressources interactives de Sésamath (dont l’exerciseur Mathenpoche) a été développé en Flash. Il y a déjà eu pas mal de discussions sur ce point : avec le recul, il n’y a sans doute rien à regretter, mais on se rend compte actuellement que cela nous mène à une impasse. Avant d’être technique, l’impasse est d’abord collaborative : nous n’avons pas réussi à former suffisamment d’enseignants à la programmation en Flash et nous nous sommes coupés d’une communauté de développeurs dont nous avons grand besoin aujourd’hui.

C’est pourquoi, Sésamath s’est donné les moyens, depuis plus d’un an maintenant, de créer un nouveau modèle d’activités intéractives : Il s’agit du projet J3P basé sur les technologies web modernes (html5/javascript). D’une certaine façon, Sésamath a terminé sa mue complète vers le libre (je me permets de remercier tous ceux qui ont contribué à ça, de façon souvent très intelligente et patiente, et parmi ceux-là évidemment toute l’équipe de Framasoft). Mais l’intérêt de J3P ne réside pas que dans son format : il ouvre aussi des pistes importantes du point de vue pédagogique. L’idée est de pouvoir créer des ressources de plus en plus adaptées aux difficultés de chaque élève en leur proposant des exercices où les réponses qu’ils donnent conditionnent les questions suivantes, pour tenter de s’adapter à la nature de leurs difficultés éventuelles.

Le projet J3P veut donc offrir aux enseignants un moyen de concevoir de tels exercices. L’enseignant pourra construire ou paramétrer le graphe de chaque exercice. Ce graphe décrit, suivant les réponses de l’élève à chaque étape, les différents parcours possibles parmi les sections qui composent l’exercice. Le projet J3P est sous licence GPL.

Toutes les bonnes volontés sont les bienvenues (ne pas hésiter à nous contacter.

Crédit illustration : Brochure Sésamath




Lionel Dricot (alias Ploum) candidat du Parti Pirate aux élections en Belgique

De l’informatique à la politique…

Lionel Dricot, alias ploum, vient de temps en temps rédiger dans nos colonnes (clavier Bépo, monnaie Bitcoin, histoire d’OpenOffice). Plus généralement c’est un acteur engagé en faveur de la défense et promotion du logiciel libre, et ce depuis bien longtemps déjà.

Il se présente sous la bannière du Parti Pirate (Brabant-Wallon) pour les élections communales et provinciales du dimanche 14 octobre prochain.

Il a eu la gentillesse de bien vouloir répondre à quelques une des nos questions. Et je suis certain qu’il trouvera malgré tout le temps de répondre aux vôtres dans les commentaires 😉

Lionel Dricot - Ploum

Bonjour Lionel. Tu es contributeur occasionnel au Framablog mais peux-tu te présenter pour ceux qui ne te connaissent pas ?

Je m’appelle Lionel Dricot mais, sur la toile, vous me verez surtout sous le pseudonyme de Ploum. Je suis un ingénieur en informatique de 31 ans, belge une fois et actif dans le logiciel libre depuis 2001.

J’aime beaucoup réfléchir, écrire et remettre en question, sous une lumière purement rationnelle, ce qui est considéré comme acquis. Je me suis passionné pour Linux et XMPP à une époque où Windows et MSN étaient des acquis. Pour la même raison, j’ai remis en question l’Azerty pour passer au Bépo et j’ai remis en question le principe monétaire avec Bitcoin.

Et tu es candidat aux élections qui vont avoir lieu en Belgique…

La Belgique est un pays très complexe. Cette année, nous allons élire nos représentants à la province (l’équivalent des départements français) et à la commune. Les élections provinciales passionnent peu mais les élections communales sont très importantes car elles auront des conséquences immédiates sur la vie quotidienne des habitants. Le bourgmestre (équivalent du maire) est en effet nommé pour six ans suite à ces élections.

Je suis candidat du Parti Pirate, en première position dans la commune d’Ottignies-Louvain-la-Neuve et en 9ème position pour la province du Brabant-Wallon.

Sont-ce tes premiers pas en politique ?

Pas vraiment. J’ai toujours trouvé important de suivre la politique de près. Comme beaucoup de jeunes, j’ai voté pendant des années pour Ecolo, équivalent des Verts en France, avant d’être très déçu. J’ai été quelques temps membre actif du MR, parti libéral de centre-droit, souhaitant défendre les libertés individuelles. J’ai aussi été déçu par certains aspects conservateurs ou ultra-capitalistes.

J’ai découvert que, dans tous les partis, il y a des gens extraordinaires et des gens insupportables avec des idées dangereuses. Et que, malheureusement, la particratie belge lissait le tout, rabrouant ceux qui sortent un peu du lot et qui sont pourtant ceux que je voulais voir en politique.

Tu t’es alors tourné vers le Parti Pirate. Alors pourquoi lui et pas un autre ?

En fait, avec plusieurs amis, on se morfondait devant les partis politiques traditionnels. Par exemple, nous avions trouvé une erreur fondamentale dans le programme Ecolo pour sortir du nucléaire. Une erreur qui multipliait par 10 la puissance des éoliennes. Nous avons donc contacté les responsables du parti et il nous a été répondu qu’on nous répondrait après les élections.

Dans nos discussions, nous avons lancé l’idée d’un parti politique qui ne serait pas idéologique mais qui tenterait une approche pragmatique des problèmes, reconnaissant si nécessaire ses erreurs et n’hésitant pas à faire marche arrière quand une solution donnée s’avère défaillante. On avait appelé ça le Parti Intellectuel ou un truc du genre, je ne sais plus trop.

Mais quand le Parti Pirate est arrivé, j’y ai retrouvé exactement cet état d’esprit. Et je n’ai pas été le seul vu que mes amis Nicolas Ykman, blogueur sur artimuses.be, et Gauthier Zarmati s’y sont aussi retrouvés.

De là à être candidat, il y a pourtant une sacrée marge. Pourquoi s’investir autant ?

Parce qu’il n’y avait personne d’autres dans notre province. Sur le forum du Parti Pirate, je tentais de savoir qui seraient les candidats pour le Parti Pirate, demandant pourquoi il n’y avait pas quelqu’un pour lancer tout. J’ai un jour reçu un mail de Paul Bossu, coordinateur du Parti Pirate pour la Wallonie, qui m’a dit : « Tu es quelqu’un comme un autre, tu n’as pas besoin de notre permission, lance-toi ! ». Nicolas et Gauthier m’ont dit : « Si tu te lances, je me lance » et on a fondé la section locale du Parti Pirate.

Étant en mars 2012, on s’est dit qu’on était trop tard pour les élections d’octobre, on ne se préoccupait pas de ça. Mais notre section locale s’est rapidement développée, avec des membres de tous horizons, apportant chacun leur motivation. Paul nous a dit que ce serait une bonne expérience de se présenter aux élections.

Et il avait raison : refaire le monde, avoir des idées c’est bien. Mais refuser de se présenter aux élections, c’est un peu de la lâcheté. Il faut se confronter à la vraie vie.

Mais qu’est-ce qu’un geek libriste peut trouver dans la politique ? Le logiciel libre et le Parti Pirate ont-ils le moindre rapport ? Surtout à un niveau extrêmement local.

Oui, les deux sont complètement liés. Il y a tout d’abord la volonté de remettre en question l’existant, d’essayer de nouveaux modèles. Mais le logiciel libre m’a appris que, grâce aux nouvelles technologies, des centaines voire des milliers de personnes pouvaient collaborer pour gérer des projets extrêmement complexes. Et ce, malgré l’éparpillement géographique, les différences de cultures, de langues.

Si c’est possible pour de tels projets, cela doit a priori l’être pour une commune. C’est pourquoi nous proposons d’utiliser des logiciels de suivi de problème (genre Bugzilla) pour permettre aux habitants de signaler les problèmes : trottoir abîmé, égout bouché, dégradation du mobilier urbain, etc.

Nous souhaitons également que tous les projets, les règlements soient accessibles sur un wiki avec un suivi des révisions et où chacun pourrait apporter sa modification. Le tout en insistant également sur la transparence du processus politique et ce y compris jusque dans les détails du budget de la commune et du salaire des politiciens.

Tout cela est très expérimental mais Ottignies-Louvain-la-Neuve est une ville à part, un ovni dans le paysage belge. C’est donc l’endroit idéal pour tenter de renouveler le terrain politique.

Crédit photo : Adrien le Maire (Creative Commons By-Sa)