Sortie du projet Framacalc, qui se veut être au tableur ce que Framapad est au texte !

Framacalc

Et hop, encore un nouveau projet pour le tentaculaire réseau Framasoft ! Il s’appelle Framacalc et il ambitionne de proposer le même service que Framapad mais pour le tableur cette fois.

Pour rappel, Framapad c’est la possibilité de faire du traitement de texte collaborativement en ligne (nous allons du reste vous en proposer une spectaculaire mise à jour très bientôt). Et pour le tableur me direz-vous ? C’est là qu’intervient Framacalc.

Avec Framacalc donc vous vous retrouvez à travailler à plusieurs sur le même tableur toujours accessible sur Internet.

Vous piaffez déjà d’impatience ? Alors rendez-vous tout de suite sur le site dédié pour le tester.

Attention, quand bien même les fonctionnalités tableur sont déjà bien avancées, celles concernant la collaboration et l’exportation sont encore rudimentaires. Ainsi, contrairement à Framapad, on n’est pas capable de savoir qui se cache derrière telle ou telle édition, même si on observe bien les éditions des autres se faire en temps réel. Il n’y a pas non plus encore de fenêtre de chat et l’export ne se fait pour le moment qu’au format HTML.

Il y a encore du boulot donc (mais cela peut déjà convenir pour de nombreuses situations simple et non confidentielles, on pense notamment à l’éducation).

Tout comme Framapad, il y a une solution libre qui se cache derrière. Il s’agit du projet EtherCalc (avec du Node.js sous le capot). Il est déposé ici sur GitHub et, il va sans dire que nous encourageons les installations individuelles car, Framacalc ou Framapad, les projets Framasoft sont aussi voire surtout là pour que le cloud se décentralise librement (et finisse par contrarier ces capteurs de données personnelles que sont Google, Facebook ou Apple).

Avec Framapad + Framacalc, Google Documents n’a qu’à bien se tenir ? Nous n’en sommes pas encore là mais, un jour, qui sait… 🙂

-> Framacalc : Tableur collaboratif en ligne du réseau Framasoft

PS : Nous vous rappelons que ce service libre et gratuit est l’un des nombreux projets du réseau Framasoft qui ne vit que par vos dons. Pour en assurer la pérennité et le développement, merci de soutenir notre association si vous le pouvez/souhaitez.




Créer et maintenir les lois comme les logiciels libres sur GitHub ou Wikipédia ?

Lorsque vous parcourez un article de l’encyclopédie libre Wikipédia, vous pouvez bien évidemment le lire, mais aussi écrire (le fameux bouton « Modifier ») et consulter tout son historique, sans oublier converser autour avec les autres contributeurs (lien « Discussion »). Il en va de même avec tout logiciel libre déposé sur une plateforme collaborative comme celle de GitHub par exemple (dont l’approche et les fonctionnalités sociales ont donné un coup de vieux à Sourceforge).

Il y a là une manière bien spécifique de fonctionner et une invitation à s’impliquer.

Dans la mesure ou Wikipédia ou GNU/Linux sont d’incontestables réussites, l’un des plus célèbres penseurs du Net, Clay Shirky, s’est récemment demandé, au cours d’une brillante intervention TED, si on ne pouvait pas fortement s’en inspirer pour faire évoluer la politique en générale et l’élaboration de nos lois en particulier.

Ce que l’on pourrait résumer également ainsi : est-ce que le logiciel libre a des choses à dire, voire à enseigner, à la démocratie ?

Fabricio Zuardi - CC by

Peut-on améliorer la politique avec les outils du logiciel libre ?

Could we use open-source tools to improve politics?

Mathew Ingram – 29 septembre 2012 – Gigaom.com
(Traduction : Lamessen, Barbidule, Evpok, David, peupleLa)

Les principes du logiciel libre ont contribué à créer de nombreux logiciels efficients et utiles, y compris le système d’exploitation GNU/Linux et la surpuissante ressource que représente Wikipédia. Cette même approche pourrait-elle être utilisée pour ouvrir le processus de création des lois ? Clay Shirky assure que c’est possible.

La philosophie du logiciel libre a permis entre autres de construire un système d’exploitation et une encyclopédie collaborative de grande qualité. Pourrait-on en faire de même avec la législation et la politique ? C’est ce que le théoricien de la communication Clay Shirky a proposé dans une récente et remarquée conférence TED (Technologie Entertainment Design) à Edimbourg. L’idée est alléchante, employer les méthodes de GNU/Linux et Wikipédia pour rendre les gouvernements plus ouverts et impliquer davantage les concitoyens, mais est-ce véritablement transposable ? L’écriture de logiciels et de services Web est très différente de celle des lois, et l’histoire du logiciel libre a connu son lot de guerres quasi-religieuses. Mais c’est peut-être notre meilleur espoir.

Après avoir fait une sorte de tour d’horizon du mouvement open source, en accordant la part belle à GNU/Linux, Shirky a consacré une grande partie de son discours à Github, plateforme collaborative et sociale de dépôt de logiciels qui permet à n’importe qui d’éditer, de « forker » en créant sa propre version, et de suivre les changement que font les autres. De GitHub à l’idée de législation collaborative, il n’y a qu’un pas. Et c’est ce que Shirky semble avoir à l’esprit. Il y a déjà eu quelques tentatives de réalisation directement via GitHub. Ainsi un développeur allemand a, par exemple, déposé l’intégralité des lois allemandes sur la plateforme. De cette façon, les citoyens peuvent recommander et suivre les changements.

C’est séduisant sur le papier : une simple plateforme logicielle dédiée à la collaboration pourrait changer la façon dont on développe et met en oeuvre les lois. Mais est-ce réaliste ?

Beaucoup de sceptiques disaient au départ que Wikipédia n’avait aucune chance de marcher. Pourtant elle est bel et bien là et sa réputation et fiabilité sont excellentes, malgré quelques ratés comme l’incident récent impliquant l’auteur Philip Roth. Il est vrai cependant que de nombreux critiques pensent que la « cabale » des éditeurs qui contrôlent l’encyclopédie collaborative a trop de pouvoir.

Force est de reconnaître que le fonctionnement des gouvernements reste de toutes les façons trop opaque à l’ère d’Internet, et donc que Github ne peut pas faire empirer les choses. D’ailleurs Shirky n’est pas le seul à le penser : le développeur Abe Voelker a proposé un « Github pour lois » qui propose exactement la même approche pour concevoir des lois collaborativement. D’autres expériences basées sur ces mêmes idées d’ouverture ont déjà eu lieu en Finlande, Irlande et surtout en Islande avec la rédaction collective de sa nouvelle Constitution (NdT : lire à ce sujet L’Islande, la crise, la révolution et moi et on notera en France l’initiative d’Étienne Chouard avec sa Constitution nationale d’origine citoyenne sur un wiki).

Un des problèmes posés par la transposition d’une solution technique comme Github à un processus culturel et politique de grande ampleur, c’est que créer des lois, même mineures, est très différent de bidouiller un bout de code afin que GNU/Linux puisse reproduire les styles de polices de caractères Windows, ou encore modifier l’article sur George Bush dans Wikipédia (sachant que ces deux exemples en apparence inoffensifs ont donné lieu à de vives polémiques au sein de leur communauté respective). Comment peut-on dès lors espérer que des politiciens puissent, dans les faits, se servir d’un processus similaire pour changer la manière dont fonctionne le gouvernement, le parlement et ses lois ? Comme le suggère Shirky dans sa conférence, il y a une bureaucratie bien installée qui n’a probablement aucun intérêt à renoncer à ce contrôle au profit du bon peuple.

Dans son livre « Here comes Everybody », Shirky a montré l’impact positif d’Internet sur la dynamiques des groupes. Son admiration pour Github semble prendre place dans une recherche d’outils collaboratifs et ouverts axée sur l’humain. Il est clair que nous en avons besoin, et même si Github n’est peut-être pas la bonne réponse, à ce stade, tout peut valoir la peine d’être tenté.

Crédit photo : Fabricio Zuardi (Creative Commons By)




Grande première chez Framabook : la sortie d’un roman  ! (qui plus est #déjanté)

#Smartarded - Pouhiou - Framabook - CouvertureDes années que je présente ici la sortie d’un nouveau livre de notre libre collection Framabook. Je suis pour ainsi dire rôdé à l’exercice, pas une routine mais presque.

Sauf que là je cale un peu. Je ne sais pas trop par quel bout le prendre celui-là. Il faut dire que sa première phrase ne m’aide pas forcément : « Quand t’as eu des hémorroïdes, tu peux plus croire à la réincarnation ».

Grand moment de solitude…

J’apprends ensuite que ce roman-feuilleton a été écrit et blogué en direct. Chaque matin, il fallait écrire au moins 800 mots. Chaque soir, à 17h28, il fallait les publier. Un épisode par jour, quatre jours par semaine. Ce premier tome recueille les épisodes publiés entre le 6 février et le 7 juin 2012 sur le blog NoeNaute.

Soit.

Les journalistes ne me jetteront pas la pierre, mais, quand on manque d’inspiration, on a la tentation d’aller pomper de gros morceaux du Dossier de presse.

#Smartarded – Le cycle des NoéNautes, I est une fantaisie urbaine où on trouve pêle-mêle du Hello Kitty, du café à ouverture facile qui s’ouvre pas, des lézards qui shootent des chats, des coussins berlinois, une concierge hackeuse, des féministes malignes, du Babybel, des chatons, des hémorroïdes (on le saura !), une maladie mentale pénienne et mortelle et des SDF rebelles.

Nous voici donc bien plus avancés ! Enfin, si ça vous a déjà convaincu, c’est par ici.

Moi je préfère poursuivre en reproduisant ce qui ressemble (vaguement) à un résumé :

Smartarded est la contraction de Smart Ass (petit malin tête à claques) et Retarded (débile mental).

L’histoire, c’est celle d’Enguerrand Kunismos. Ce jeune homme de 25 ans avait une carrière prometteuse en tant qu’ingêneur. Une sorte de consultant en connardise qui gagne très bien sa vie en imaginant comment pourrir efficacement la nôtre. Mais un accident lui fait développer des capacités assez étranges… Celles de voir et d’intervenir dans les histoires qui se jouent dans nos têtes. Dans la noétie, la sphère des idées.

Enguerrand est un NoéNaute. Or, les NoéNautes sont peu nombreux. Et ils détestent savoir que d’autres sont, encore, en vie.

Enguerrand découvre le petit monde des NoéNautes et ses règles subtiles en essayant de sauver sa peau. Il nous blogue donc sa cavale avec Fulbert (énigmatique monsieur je-sais-tout au magnifique fessier) dans un road-movie livresque bourré de #hashtags cyniques, de références geek, d’amours LGBT. Et d’un héros qui se prend pour un méchant.

Soit, vous connaissez désormais le chemin vers la sortie (du livre), parce que, de mon côté, je continue encore un peu, d’autant que, prévoyant tout (et même le pire), on nous donne dix bonnes raisons de parler de #Smartarded :

1. Pour que l’auteur écrive la suite
2. Car c’est un livre gratuit qui peut s’acheter
3. Parce que c’est le 647e livre de la rentrée.
4. Pour y découvrir une Toulouse insoupçonnée
5. Car c’est le premier roman libre édité en France
6. Parce qu’un auteur libre est mieux payé qu’un auteur sous copyright
7. Pour frimer sur twitter avec des #hashtags
8. Car c’est le premier roman écrit sur tablette
9. Parce qu’il y a des chatons dedans.
10. Non mais sérieusement, quoi : des chatons !

PouhiouNotre auteur marque ostensiblement quelques points là (un peu moins de dix quand même). Plus précisément la licence choisie est la CC0 (Creative Commons Zéro) qui est une sorte d’offrande immédiate et volontaire au Domaine Public. Finalement, peut-être qu’il mérite qu’on clique (enfin) sur ce lien.

Tiens, justement, m’aperçois que je n’ai pas encore parlé de l’auteur !

Que dire sinon qu’il s’appelle Pouhiou et que ce n’est pas avec un pseudo pareil qu’on risque un jour d’avoir son article dédié sur Wikipédia.

On va cependant quand même signaler cet entretien sur le site Framabook, ne serait-ce que parce qu’il comporte des questions aussi subtiles que « Pourquoi ton roman est-il Gay & Geek friendly ? » ou encore « La licence libre, c’est parce que t’as pompé ? ».

Et si vous le croisez un jour, ne vous sentez surtout pas obligé(e) de lui dire : « Il faut que je lise ton livre » !




Et les manuels universitaires libres devinrent réalité en Californie

Grande et bonne nouvelle, la Californie est allé au bout de sa réflexion sur l’opportunité des manuels scolaires libres !

C’est de notre point de vue bon sens et évidence mais ça l’est moins quand on pense à la situation dont on a hérité, avec d’énormes résistances de la part de ceux qui éditaient précédemment (et privativement) ces manuels.

Au passage vous remarquerez le choix logique et pertinent de la licence, la Creative Commons la plus dépouillée d’entre toutes : la CC By. Cela fera peut-être réfléchir ceux qui pensent encore que la clause non commerciale NC et/ou non modifiable ND sont bonnes quand il s’agit d’éducation…

Et en France, me direz-vous ? Cela fait six ans (je crois) que nos amis de l’association Sésamath ont publié leur premier manuel libre pour la classe de Cinquième en mathématiques. De véritables pionniers qui depuis ont couvert tout le collège et lorgnent désormais aussi bien sur le primaire que vers le lycée.

Six ans que l’Institution avait en son sein un exemple à soutenir, mettre en avant et montrer aux autres disciplines pour leur emboîter le pas. Pour des raisons que je ne m’explique pas (ou trop bien), elle n’en fit rien ! Il est grand temps de rectifier le tir sinon nous les derniers seront les premiers et nous aurons une fois de plus perdu un temps précieux.

Il est véritablement grand temps ! (et sous licence libre s’il vous plaît !)

L’illustration ci-dessous et un extrait d’une infographie qui résume bien les choses (et les gains) en procédant ainsi.

20mm.org - extrait- CC by

La Californie entérine officiellement son projet de loi inédit sur les manuels scolaires libres

California passes groundbreaking open textbook legislation

Timothy Vollmer – 27 septembre 2012 – CC Blog
(Traduction Framalang : Cyrille L., ehsavoie, M0tty, Rouage, lgodard, Ag3m)

C’est officiel. En Californie, le Gouverneur Jerry Brown a signé deux projets de lois (SB1052 et SB1053) qui permettront la création de manuels numériques sous licence libre pour les cinquante cours les plus populaires des universités de Californie (cf cette vidéo). Ce projet de loi a été proposé par le président du Sénat par intérim Darrell Steinberg et est passé au Sénat et à l’Assemblée de Californie fin août.

Un élément essentiel de la législation Californienne est que les manuels ainsi créés seront disponibles sous licence Creative Commons Paternité (CC-BY) :

Le manuel et d’autres matériels de cours sont placés sous la licence Creative Commons Paternité qui autorise quiconque à utiliser, distribuer, et créer des travaux dérivés basés sur ce matériel numérique tout en permettant aux auteurs ou aux créateurs d’être crédités pour leurs travaux.

La licence CC BY permet aux professeurs d’adapter le contenu des manuels aux besoins des étudiants, aux sociétés commerciales de se servir de ces ressources et d’en créer de nouvelles à partir des premières (comme par exemple des tutoriels vidéos), et ouvre des portes à la collaboration et à l’amélioration de ce matériel de cours.

Pour les étudiants, l’accès à des manuels abordables est extrêmement important, sachant que le coût de ces manuels augmente quatre fois plus vite que l’inflation, dépassant même les frais d’inscription dans certaines universités. Ainsi, en plus de rendre le manuel numérique disponible librement et gratuitement aux élèves, la loi requiert que les copies imprimées du manuel ne dépasse pas 20$.

C’est une grande victoire pour la Californie, et un exemple bien accueilli de politiques ouvertes qui visent à appuyer les licences libres pour économiser l’argent des familles californiennes et soutenir les besoins des professeurs et des élèves.




Condamné par Google pour avoir partagé son propre livre libre sur Internet !

Tu ne partageras point, même ce qui est à toi ! Pas un jour sans une nouvelle affaire #CopyrightMadness du « gang de la GAF » ! (Google, Apple, Facebook)

Cody Jackson, alors en service en Irak, rédige un livre sur le langage de programmation Python. Et pour remercier la communauté de tout ce qu’elle lui a apporté, il décide de le placer sous licence libre Creative Comons By-Sa (exactement comme notre projet Framabook en somme). Il vend la version papier, invite au don, met un peu de pub Google sur le site du projet et propose en libre téléchargement les versions numériques du livre.

Sauf que parmi les liens donnés de ses versions numériques, il a le malheur de proposer du P2P, en l’occurrence du torrent qui pointe directement vers The Pirate Bay ou encore Demonoid.

Quoi ? « Torrent » ! « Pirate Bay » ! C’en est trop pour le robot Mediabot, véritable police automatique du copyright Google. Nous sommes évidemment en présence manifeste de ressources illégales ! Et Google de désactiver illico sans autre forme de procès la pub sur le site de notre auteur. Et ne croyez surtout pas qu’il suffit de retirer les liens incriminés pour que Google remette tout en place. Non, non, le mal est fait.

Et pourtant de mal fait il n’y en eut jamais. Bien au contraire, on voulait juste partager et enrichir le bien commun…

Bien sûr, Google est sous la pression constante des ayants droit de l’industrie culturelle et du Grand Hollywood (qui scrute au quotidien ce qui se passe sur YouTube notamment). Mais avec cet absurde faux positif, Google, son service clientèle déshumanisée et son copyright de fer nous affirment avant tout ceci : puisqu’on ne les envisage même pas, puisqu’on condamne le contenant quel que soit son contenu, il n’y a pas de place actuellement pour les ressources libres sur Internet. Ou, plus généralement, et pour reprendre une expression à la mode, il n’y a pas de véritable place aujourd’hui pour les échanges non marchands.

Edit du 28 septembre : Il y a une suite (favorable) à cette histoire (mais une morale à en tirer ?) que nous vous proposons dans la foulée.

Remarque : Il s’agit d’une nouvelle traduction et vous allez constater un nombre inhabituel de traducteurs dans le crédit ci-dessous. Nous sommes en phase de test pour améliorer Framapad et effectivement, hier soir, c’était spectaculaire, avec, au point culminant de la fête, près de 40 collaborateurs « colorés » travaillant en simultané dans la joie, la bonne humeur et le souci collectif d’un travail de qualité. C’est pourquoi, une fois n’est pas coutume, notre image d’illustration n’a rien à voir avec le font du sujet si ce n’est que dans la forme on l’a obtenu ainsi (cf ce tweet plus précis de @framaka). Ils méritaient bien ce petit hommage (quant à l’évolution du projet Framapad, nous venons d’ouvrir une liste de discussion pour là encore avancer ensemble).

Framapad - Test v2

Google et ses droits de copie restrictifs : un auteur condamné pour avoir partagé son propre livre

Google’s Copyright Crackdown Punishes Author For Torrenting His Own Book

Mike Masnick – 27 septembre 2012 – TechDirt.com
(Traduction : volent, metoo, Smonff, greygjhart, doc_lucy, L’gugus, Toerdas, Wan, Yan G., Evpok, goofy, Rouage, Aymerick, slb, peupleLa, 0gust1, Husi10, Mike, Hellow, Dominique, fredchat, fwix_, e-Gor, TheDarkDweller, minimoy, 5h3d0, lamessen)

Au fil des ans, nous avons souligné à de nombreuses reprises le talon d’Achille de Google : son épouvantable service client.

Essayer de communiquer avec Google s’apparente plus souvent à affronter un bloc de marbre inébranlable plutôt que faire face à un réel être humain. Plus récemment, nous nous sommes inquiétés de l’agressivité excessive de Google pour faire « appliquer » le copyright, dans l’espoir de tenir Hollywood (et ses soutiens au gouvernement) à distance. Combinez ces deux problèmes et vous obtenez une incroyable histoire… comme advenue à notre lecteur Cody Jackson.

Il y a quelques années, alors qu’il était en service actif en Irak, Jackson a écrit un livre sur Python (le langage de programmation) intitulé Start Programming with Python (NdT : Débutez la programmation avec Python). Il a décidé de distribuer le livre gratuitement, en guise de remerciements à la communauté du libre qui, d’après ses dires explicites, lui a énormément apporté. Il a toujours fait en sorte que le livre soit disponible en libre accès et donné les liens vers différentes sources à partir desquelles l’obtenir. Dans le même temps, il a proposé aux personnes de le soutenir via des dons. Et pour se faire un peu d’argent, il a également souscrit au service de publicités Google AdSense qu’il a placé sur son site.

La semaine dernière, il a été contacté par un bot (NdT Googlebot : robot d’exploration de Google), l’informant que AdSense avait été automatiquement désactivé. Pourquoi ? Parce que, affirme-t-on, il distribuait illégalement des contenus protégés par des droits d’auteur. Le courriel, que j’ai pu voir, mentionne que son compte a été désactivé pour la raison suivante :

Précisions au sujet de cette violation

CONTENUS SOUS COPYRIGHT : Comme il est stipulé dans nos conditions d’utilisation, les utilisateurs d’AdSense ne sont pas autorisés à placer des publicités Google sur des sites impliqués dans la distribution de contenus sous copyright. Ceci inclut l’hébergement de fichiers sous copyright sur votre site, ainsi que le fait de fournir des liens ou de rediriger le trafic vers des sites qui proposent des contenus protégés. Plus d’informations sur ces conditions d’utilisation sont à disposition sur la page de notre centre d’aide.

Honnêtement les conditions d’utilisation de Google n’ont ici aucun sens. Fondamentalement TOUT site Web « propose du contenu sous copyright ». Si l’on se réfère à ce que Google a envoyé à Jackson, personne ne pourrait plus faire aucun lien vers d’autres sites s’il souhaite utiliser Google AdSense. Google a une armée de très bons juristes spécialisés dans le copyright, mais ils ont du laisser filer ce point. Je suis sûr que Google voulait plutôt parler de « contenu non autorisé » ou « qui porte atteinte au copyright », mais ce n’est pas ce qui est écrit (NdT : Ou alors ils y sont obligés pour se protéger de tout).

Dans les deux cas, cela semble être ridicule et faire preuve d’un excès de zèle que de suggérer que tout lien vers un site qui, croit-on, véhicule, parmi d’autres, du contenu illicite, doit être considéré comme une violation des conditions de service, même si en l’occurrence le lien en question redirige vers du contenu tout à fait légitime. Le courriel donne un lien vers une « page exemple » justificative. Cette page est celle où Jackson annonce qu’il délivre un torrent de la seconde édition de son livre, et renvoie les gens vers The Pirate Bay et Demonoid pour le récupérer. Rappelez-vous, c’est son propre livre, qu’il a publié lui-même et qu’il distribue librement et gratuitement… intentionnellement !

On pourrait faire valoir que les conditions d’utilisation de Google sont ici volontairement trop générales et elles le sont assurément. Déclarer que vous ne pouvez pas créer de lien vers du contenu légal que vous avez vous-même publié sur The Pirate Bay et dont vous êtes le légitime propriétaire pourrait avoir un effet dissuasif négatif pour ceux qui choisiraient de mettre leurs propres œuvres sur des sites similaires.

Jackson a essayé de joindre Google pour obtenir de plus amples informations. Il leur a expliqué la situation et leur a indiqué qu’il en était l’auteur et l’éditeur et que l’œuvre était publiée sous la licence libre Creative Commons Paternité – Partage dans les mêmes Conditions (CC By-Sa), rendant ainsi toutes les copies se trouvant sur The Pirate Bay parfaitement légales et autorisées. Google lui a rétorqué qu’ils examineraient son argumentaire… avant de lui renvoyer le message suivant :

Merci de nous avoir fourni des informations complémentaires concernant votre site. Cependant, après avoir examiné de près le site python-ebook.blogspot.com et avoir pris votre réaction en considération, nous sommes dans l’incapacité de remettre en fonction notre service publicitaire sur votre site à l’heure actuelle, puisque votre site semble toujours violer nos conditions d’utilisation.

Si vous voulez que nous étudiions à nouveau la participation de votre site au programme Ad Sense, merci de consulter les conditions d’utilisation de notre programme et d’apporter les modifications nécessaires à vos pages web. Pour plus d’informations sur vos conditions d’utilisation, merci de visiter cette page.

Confus après lecture et sans sentiment d’avoir violé quoi que ce soit, il a cependant docile supprimé les liens vers les fichiers torrents en question, quand bien même pour lui il était tout à fait sensé de les conserver. Comme il me l’a dit dans son courriel : « BitTorrent a été l’un des premiers vecteurs de diffusion de mon livre, puisque c’est là que mes lecteurs spécialisés sont susceptibles de traîner. Il m’a semblé que déposer un fichier torrent sur le site de torrents le plus populaire coulait de source. »

Aussi a-t-il à nouveau répondu au Googlebot, après donc avoir cette fois supprimé les liens… Et il a reçu à nouveau le même message exactement ! Il avait bien supprimé les liens mais pas la mention explicite des noms « The Pirate Bay » et « Demonoid ». Cela a suffit, semble-t-il, pour que l’équipe de Google AdSense continue de prétendre qu’il viole leurs termes incompréhensibles. Ils refusent de s’en expliquer. Ils n’ont pas l’air de vouloir vraiment comprendre ce que dit Cody Jackson. Ils bloquent, c’est tout.

Ce qui vaut la peine d’être retenu, c’est que l’on entend constamment les gens qui détestent Google se plaindre de ce que ce dernier refuse en quelque sorte d’enlever ses publicités des « sites pirates ». Cet exemple suggère précisément le contraire : Google est d’une agressivité excessive dans sa manière de bloquer, sous toutes leurs formes, les publicités qui s’affichent a proximité de sites qu’il a jugé lui seul problématiques, même si le contenu est garanti 100% légal et autorisé. Ajoutez à cela l’horrible relation client robotisée de Google, et vous avez une situation malheureuse où un auteur est puni pour avoir fait quelque chose de parfaitement légal et ne semble pas pouvoir trouver chez Google une seule personne réelle, faite de chair et d’os, qui prenne réellement le temps de comprendre ce qu’il se passe.

Voilà pourquoi nous sommes si inquiets quand Google intensifie son « automatisation » sous la pression de Hollywood. Les dommages collatéraux ne sont que trop réels.

Mise à jour du 28 septembre ci-dessous : Un épilogue heureux mais une leçon à retenir…

Les annonces Google sont de retour

Google Ads are back

Mike Masnick – 28 septembre 2012 – TechDirt.com
(Traduction : Lamessen, Pascal, L’gugus, Metal-Mighty, Ag3m, ti_tux)

Grace au relais du site Techdirt, mon problème a été entendu par les robots de Google et mon compte Adsense a été réactivé.

En effet, cinq heures après la publication de l’article sur Techdirt, je recevais un e-mail de Google m’informant qu’ils avaient réétudié mon cas, et décidé finalement que je n’avais pas enfreint leur politique sur le copyright. Je pouvais donc faire apparaître à nouveau les publicités Google sur mon blog.

Je vais pouvoir, comme avant, mettre des liens directs vers mon fichier torrent, mais plus vers «The Pirate Bay» ou d’autres sites de torrents. Car ne veux pas me retrouver confronté à ce problème à nouveau (bien qu’il sot assez tentant voir ce qu’il arriverait si je le faisais).

Le bon côté de cette histoire, c’est que cela a attiré l’attention du public sur les problèmes de réglementation du copyright en général et des politiques d’entreprise en particulier. Lorsqu’une personne ne peut pas publier ses propres créations sur Internet parce qu’une autre a peur qu’il y ait infraction au droit d’auteur, il y a un véritable problème.

Certains commentaires sur Techdirt affirment que j’aurai dû prévoir cela en proposant des liens vers The Pirate Bay et Demonoid qui sont considérés comme des « bastions du piratage ». Et pourtant, avoir fait appel à eux pour aider les gens à trouver mon livre (sous licence libre) montre qu’on peut aussi les utiliser de manière tout à fait légale. Que certaines personnes y déposent illégalement des contenus protégés ne fait pas de ces sites le mal absolu. Ce sont simplement des outils et ils sont neutres en soi, un peu comme un couteau, qu’on peut utiliser à bon ou mauvais escient.




Les faiseurs de pluie : livre de Christophe Masutti sous CC by-sa

Peut-être encore moins « connu » que son historique fondateur Alexis Kauffmann ou son historique permanent Pierre-Yves Gosset, Christophe Masutti est le nouveau président de l’association Framasoft depuis le début de l’exercice 2012.

Il a néanmoins trouvé le temps pour sortir un livre issu de sa thèse : Les faiseurs de pluie, Dust Bowl, écologie et gouvernement (États-Unis, 1930-1940)

Et comme pour relier les deux, il a choisi de le publier sous la licence libre Creative Commons By-Sa.

Autant de bonnes raisons qui nous ont donné envie de partir à sa rencontre…

Les faiseurs de pluie - Couverture

Entretien avec Christophe Masutti

Bonjour Christophe, peux-tu te présenter rapidement ?

Ça va faire un peu d’auto-promotion, mais tant pis 🙂 Donc je préside depuis janvier 2012 la belle association Framasoft, mais comme j’ai le mauvais goût de travailler pour gagner ma vie, j’occupe deux fonctions. La principale est d’être en charge des Affaires européennes aux Hôpitaux Universitaires de Strasbourg et la seconde est d’être chercheur associé au SAGE (Sociétés, acteurs, gouvernements en Europe[1]) à l’Université de Strasbourg.

Tu viens de sortir un livre possédant un fort joli titre, peux-tu nous en dire plus ?

En réalité, il s’agit d’un livre tiré de ma thèse soutenue en 2004. J’ai (enfin) pris le temps de tout récrire et de le publier. J’en avais déjà tiré pas mal d’articles dans des revues à comité de lecture, mais comme d’une part à quelques exceptions près ces articles sont désormais difficilement accessibles moins de 8 ans après leur sortie (à moins d’avoir un abonnement onéreux à des revues électroniques ou de bien chercher au fond des rayonnages des bibliothèques), et que d’autre part les aléas professionnels font que je me concentre sur d’autres thèmes plus ou moins voisins, j’ai tenu à diffuser une synthèse exhaustive de mes recherches doctorales.

Le titre est la traduction française de rainmakers, les faiseurs de pluie.

Ce terme a un double sens aux États-Unis. il fait d’abord référence à ces aventuriers qui sillonnaient les Grandes Plaines durant les périodes de sécheresse en promettant aux communautés, grâce à un dispositif fumeux (et explosif), de faire tomber la pluie moyennant quelques espèces sonnantes et trébuchantes. Ils n’étaient pas vraiment considérés comme des charlatants. On peut voir sur ce point de film The rainmaker (1956) avec Katharine Hepburn et Burt Lancaster, où un de ces personnages vient dans un village et finalement redonne espoir et courage aux habitants. L’autre sens donné à ce terme est plus moderne et a un rapport avec le monde des affaires, où le rainmaker est celui qui sait saisir les bonnes opportunités et fait des affaires en un temps record (le Golden Boy des années 1980). Là il faut se tourner vers le Rainmaker de F. F. Coppola avec Matt Damon (1997).

Ainsi, c’est avec davantage d’ironie que de méchanceté que Franklin Roosevelt fut bien souvent surnommé The rainmaker par la presse américaine, en particulier celle du Midwest, alors que s’abattait sur le pays la plus grande vague de sécheresse jamais connue qui devait causer une des plus grandes catastrophes agricole du 20e siècle, le Dust Bowl. Il s’agit de l’érosion éolienne des sols agricoles, sur fond de crise économique, qui a jeté sur les routes des milliers de migrants et rendu les sols impropres à l’agriculture. On parle ici d’une extrême pauvreté et, dans certains cas, de famine. Aujourd’hui, le Dust Bowl est en réalité un phénomène récurrent, tant aux États-Unis, où l’on parvient tant bien que mal à jugguler les effets grâce à des techniques modernes, mais aussi aujourd’hui en Chine, et dans bien d’autres pays. L’érosion des sols est un problème mondial et basé sur la même recette que celle de l’épisode américain des années 1930 : industrialisation agricole, surproduction et conception ultra-libérale de l’agriculture, sécheresse, vent (changement climatique).

Les faiseurs de pluie interviennent alors à deux niveaux : d’abord du point de vue de la décision publique, en mettant en place une agriculture planifiée et respectueuse des sols, ce sont les planificateurs, des économistes qui entouraient Roosevelt et mirent en place une politique d’expertise. Ensuite, il s’agit des acteurs de la réhabilitation agricole proprement dite, non seulement ceux qui inventèrent de nouvelles pratiques agricoles, mais aussi ceux qui appliquèrent les résultats des recherches dans le domaine : des agronomes qui se définissaient comme des écologues. En effet, l’écologie avait commencée à être enseignée sous ce terme dans les années 1910 et les spécialistes commencaient alors à être reconnus comme les véritables experts de l’environnement. Par exemple, fondé sur les principes de la théorie de la succession végétale, un grand projet de plantation de ceintures forestières (windbreaks) pour lutter contre le vent a été lancé en 1935, de la frontière canadienne jusqu’au Texas. Ce projet était censé freiner l’érosion éolienne sur la moitié du territoire américain sur plusieurs années de reforestation. Après ca, il était facile d’identifier qui étaient les faiseurs de pluie, à l’échelle gouvernementale.

Qu’est-ce qu’un écologue et en quoi la lecture de ce livre peut nous aider à mieux comprendre la problématique écologique actuelle ?

Aujourd’hui, dans le domaine de l’écologie scientifique, c’est souvent le terme « écologiste » qui est employé pour désigner le scientifique qui fait de l’écologie. C’est un dérivé de l’anglais « ecologist ». Dans cette dernière langue, il n’y a pas le double sens que l’on connaît en français, car l’écologiste (le vert, l’écolo.) c’est l’environmentaliste anglais. Un écologue est donc une appellation un peu désuète mais qui permet au moins de faire la différence en français. Ce qui ne veut pas dire, bien sûr, que l’écologie scientifique soit un sanctuaire où le politique n’entre pas. À cela s’ajoute le fait que l’écologie moderne, celle que tout le monde a entr’aperçu au collège en apprenant les cycles écologiques (manger et être mangé), date en fait des années 1940. Elle est dominée par le concept d’écosystème. Ce dernier concept est né en 1935 sous la plume du botaniste britanique Arthur Tansley, et s’est vu adapter les concepts de la thermodynamique par l’américain R. Lindeman entre 1939 et 1942.

Ce qu’il faut savoir c’est que Tansley écrivait en réaction aux conceptions américaines de l’équilibre des communautés végétales, c’est à dire les recherches de Frederic Clements sur l’analyse statistique des formations végétales et qui a formé tous les écologues que l’on croise dans le livre. Ces derniers réfléchissaient en termes d’équilibre, l’idée selon laquelle les communautés végétales se succèdent vers un état stable, final (nommé climax). Par conséquent toute activité humaine peut soit résulter sur la rupture de cet équilibre, soit favoriser un équilibre temporaire (un champ de maïs est un système en équilibre relatif). Pour Tanley (et Lindeman) au contraire, il faut réfléchir en termes de fonctions des espèces, et envisager l’éco-système d’un point de vue énergétique. Il n’y a pas d’équilibre final, ni une sorte de nature idéalisée (ce que devrait être un système) mais des équilibres, des rapports entre biomasses et quantités d’énergie qu’il faut évaluer pour comprendre les changements dans les systèmes. En d’autres termes encore, le fameux « équilibre écologique » qu’on nous sert pour justifier telle ou telle idée écologiste, est en fait une très vieille idée de l’équilibre idéalisé entre les activités humaines et l’environnement non-humain. On fait alors appel alors à une éthique, voire une morale, là où le scientifique est plutôt censé s’occuper des faits.

Dans notre histoire du Dust Bowl, on a affaire à des écologues qui n’en sont pas encore à mettre en place une « éthique environnementale ». On voit en réalité se développer une nouvelle conception des politiques environnementales, l’idée que pour mettre en place une conservation des sols agricoles ou des parcs nationaux, il faut s’en remettre à des experts. Cette politique de l’expertise, dans le gouvernement Roosevelt, est la première dans l’histoire à identifier l’écologie comme une science que l’on dote de moyens d’applications à grande échelle (comme les fermes expérimentales), mais aussi à justifier la décision publique en référence aux recherches écologiques. La crise agricole américaine des années 1930, est alors devenue une « crise écologique », qui a une dimension complexe qui structure les relations sociopolitiques, institutionnelles (mise en place de départements et services exclusivement composés d’écologues et d’ingénieurs) et scientifiques. C’est sur ce modèle tridimentionnel que s’explorent toutes les crises écologiques ou environnementales jusqu’à aujourd’hui. Il était donc important de dé-construire celle-ci 🙂

Ce livre est sous licence Creative Commons ? Pourquoi ce choix ?

Comme dit précédemment, ce livre est le résultat de recherches menées sur fonds publics. L’État français a subventionné pendant 3 ans mon salaire, mes déplacements, et tous les coûts liés aux recherches, à commencer par me fournir un bureau et un ordinateur. La diffusion de ces résultats devrait donc profiter en premier lieu à tout le monde et il fait partie du devoir du chercheur que de diffuser ses recherches.

Aujourd’hui, le mode de production d’écrits scientifiques est quasi-exclusivement le format électronique. Quant à la diffusion (les correspondances entre scientifiques comme envers le public) elle passe par Internet. Cela signifie que modèle qui valait il y a encore une trentaine d’année, à savoir le cycle qui va exclusivement de la production-évaluation à la publication papier est obsolète. Dans ce modèle, les maisons d’éditions effectuaient un travail salutaire : elles assuraient la distribution et la diffusion des connaissances scientifiques sur un support de première qualité, le livre papier. Elles le font toujours, bien entendu, mais le prix de cette diffusion est la cession exclusive de droit d’auteur : l’auteur de l’oeuvre cède de manière exclusive sa production scientifique à un éditeur, en échange de quoi cet éditeur assure la mise en page, l’impression et la distribution. Dans le cas des petits éditeurs, l’évaluation scientifique est assurée par un comité de lecture qui n’est que rarement payé pour cela, et il existe des éditeurs, pas forcément les moins connus, qui n’assurent qu’une évaluation légère de la qualité scientifique des ouvrages et font davantage confiance aux auteurs, comme c’est le cas par exemple lorsqu’un groupe de chercheurs inclu dans son projet la publication finale d’un ouvrage collectif, acheté en quantité pour amortir l’investissement de départ de l’éditeur.

Dans tous les cas, un contrat de cession exclusive est signé et permet l’exploitation de l’oeuvre alors même que tout le jeu des éditeurs est, comme toute entreprise, d’effectuer des bénéfices intéressants. Dans leurs stratégies, les éditeurs déploient plusieurs moyens : la rationalisation du stock d’imprimés (la décision de la réédition dépend alors des bénéfices escomptés, ce qui est le plus souvent compromis dans les publications scientifiques sauf pour les « têtes d’affiche »), l’édition des formats électroniques affublés de DRMs, la revente des formats électroniques à de plus gros éditeurs (type Elsevier) qui effectuent alors d’autres formes de bénéfices via un système d’abonnement aux institutions… Tout cela limite fortement la diffusion d’une oeuvre scientifique, surtout dans le cas des sciences humaines où l’obsolescence est loin d’être évidente après 10, 20, 30, 100 ans…

Le choix de la licence libre, pour cet ouvrage, est le même que pour d’autres revues scientifiques qui font de plus en plus ce choix : privilégier la diffusion de l’oeuvre sur sa distribution, à plus forte raison lorsque celle-ci est réalisée grâce à des fonds publics. Il n’y a aucune raison d’attendre d’avoir la permission d’un éditeur pour diffuser l’oeuvre, au moins au format électronique. Pourquoi ne pas donner le droit aux lecteurs de photocopier l’ouvrage, ou dupliquer le fichier, notamment à des fins pédagogiques ? Après tout, le livre papier n’est aujourd’hui qu’un support parmi d’autres formats de diffusion envisageables.

Et plus précisément pourquoi le choix de la licence libre By-Sa parmi le panel de licence offert par les Creative Commons ?

La licence CC-By-Sa consiste à donner au lecteur la possibilité de partager, diffuser et communiquer l’oeuvre comme bon lui semble, à condition d’attribuer la paternité de l’oeuvre à son auteur. Pour les raisons évoquées ci-dessus, cela me semble être un minimum avec, pour seul prix à payer, le rappel que le droit d’auteur est aussi un droit moral.

Par ailleurs, la clause share alike (-Sa) est intéressante dans ce contexte, bien qu’elle ne soit pas nécessaire : il s’agit d’assurer la viralité de la licence dans un monde où le plagiat est de plus en plus à l’étude. En effet, des colloques et des groupes de veille se montent un peu partout à propos du plagiait scientifique, qui ne concerne pas seulement les étudiants, loin s’en faut. Le but de cette clause, ici, est plutôt pédagogique.

Enfin la possibilité de modifier l’oeuvre a surpris certains collègues. Je pars en effet du principe qu’un livre est avant tout un projet de construction scientifique. N’importe quel chercheur pourra vous dire que, plusieurs années après une publication, il arrive parfois d’avoir le regret de ne pouvoir corriger ou améliorer certaines choses. Mais est-ce que l’auteur peut-être le seul juge de ce qu’ill faudrait améliorer? Pourquoi d’autres chercheurs ne pourraient pas eux-mêmes améliorer l’oeuvre et éventuellement soumettre leurs modifications, suggestions et commentaires à l’auteur en vue d’une version ultérieure du livre? C’est la notion d’oeuvre-projet que je défends, l’idée qu’une oeuvre est toujours améliorable et que le processus peut être collectif, à l’image (humaniste) qu’on se fait des sciences.

Quant à la question du droit d’auteur, il est inutile ici de préciser que le droit moral de l’auteur est inaliénable et que par conséquent toute modification de l’oeuvre qui porterait préjudice à l’auteur (par exemple un détournement des propos ou l’appropriation usurpée de l’oeuvre) est punie par la loi, à laquelle ne se substitue pas la licence libre.

A-t-il été compliqué de convaincre un éditeur d’adopter cette licence ?

Par curiosité, j’ai démarché exactement cinq éditeurs (c’est peu) assez connus dans le domaine et deux m’ont répondu négativement d’emblée parce que le livre n’entrait pas dans les clous de leurs collections. Les trois autres ont entammé un dialogue qui n’a finalement pas abouti à une entente. Je l’ai fait sans réelle conviction car j’avais déjà l’idée qu’aucun n’était de toute façon prêt à publier cet ouvrage pour deux raisons :

  • la raison pratique : l’ouvrage est une somme et entre dans des détails qui intéressent un lectorat qui, à la base, n’est pas très large. Ce type d’ouvrage se vend de moins en moins bien. Il y a encore 20 ans, certains éditeurs publiaient avec moins d’hésitation. Or, aujourd’hui, le rapport entre l’investissement d’un éditeur et les objectifs de ventes est primordial. Il aurait donc fallu faire des coupes franches sur les points de détails que, justement, je tenais à publier. Je ne voulais pas que l’intégrité de l’oeuvre soit sacrifiée sur l’autel de la rentabilité. De plus, si je voulais diffuser gratuitement le format électronique, l’un des éditeurs me proposait de publier directement en achetant un stock d’exemplaires suffisants pour rentrer dans ses frais (l’investissement de départ pour produire quelques 300 exemplaires). Je trouve cela non seulement anti-écologique mais le système d’impression à la demande permet d’éviter ce genre de surproduction. Quant à acheter moi-même un stock de livres pour que l’éditeur puisse rentabiliser ses propres ventes, autant aller voir moi-même l’imprimeur. Je précise enfin que dans tous les cas il n’a été nullement question de rétribution des droits d’auteurs, sous-entendu : zéro ou quelques centimes 🙂
  • la raison économique : pour les éditeurs avec qui j’ai pu échanger plus profondément, publier sous licence libre, avec en plus la volonté de diffuser gratuitement la version électronique était suicidaire. Pour eux, le don de la version électronique est synonyme de perte de marché. C’est peut-être vrai du point de vue de l’éditeur (quoique cela reste à prouver), mais il n’empêche que le principe est inacceptable : si quelqu’un me demande la version électronique du livre, je la lui envoie sans hésiter, contrat d’exclusivité ou pas, car c’est mon devoir de scientifique. Par ailleurs que dire des exemplaires disponibles en bibliothèque? et la version électronique ne permet-elle pas un usage plus complet, comme par exemple la recherche de mots, un accès direct à cerains passages, etc.? C’était le principal point de clivage et j’ai même eu des échanges tendus à ce propos. Il s’agit de deux conceptions différentes de l’objet-livre : une conception monolithique (un livre est une oeuvre aboutie, finie une fois pour toutes) et basée sur la notion de propriété / exclusivité, et l’autre conception du livre-projet qui implique de laisser au lecteur une série de droits que s’approprient injustement les éditeurs. Partant de ce constat, la messe était dite.

Qu’en est-il également du droit d’auteur concernant les illustrations de l’ouvrage ?

Il y a deux types d’illustrations. En premier viennent les photographies de la Farm Security Administration que l’on trouve aujourd’hui à la Bibliothèque du Congrès. Ils s’agit de photographies réalisées par de grands photographes célèbres qui étaient alors embauchés par le gouvernement Roosevelt : Dorothea Lange, Walker Evans, Arthur Rothstein… Toutes ces photographies sont dans le domaine public (à condition de mentionner le numéro de référence) et le fait de mentionner l’auteur est plus un soucis d’exactitude. Concernant les 3 cartes climatiques du premier chapitre, elles sont elles aussi dans le domaine public (produites par un institut public).

Cet ouvrage est une publication scientifique ayant fait le choix de l’impression à la demande, cela aussi c’est assez rare dans le milieu ?

L’impression à la demande est peu pratiquée dans la communauté scientifique et pourtant elle mériterait de l’être. Après tout, pourquoi encombrer les sous-sols universitaires de stocks d’invendus et occuper les secrétaires de labo à la gestion des ventes par correspondance? Une revue ou une collection pourrait très simplement, tout en conservant un système d’évaluation par comité de lecture, se contenter de produire le PDF à imprimer à la demande. Plus besoin de débourser alors de l’argent public auprès d’un imprimeur, fut-il l’imprimeur officiel de l’université. Quant à la vente et les revenus, il s’agit la plupart du temps d’associations de type loi 1901, donc un compte en banque suffit.

Le modèle Framabook utilise ce système et je compte d’ailleurs le cloner avec un universitaire de mes amis, pour monter une collection sur le même modèle.

Reprenons ta casquette Framasoft, comment vont les framabooks ?

Parlons-en, justement. Les Framabooks vont bien et la communauté est de plus en plus active. J’en profite d’ailleurs pour les remercier tous pour le travail fourni en relecture, édition des formats, etc. Nous venons de sortir un premier roman, intitulé #Smartarded, par Pouhiou : c’est une nouveauté à double titre, d’abord pour son caractère inédit, mais aussi parce que nous n’avons a priori aucune idée sur la réception du livre par les lecteurs, ou même la nature du lectorat que nous aurons. C’est un domaine encore inconnu, tout comme l’élaboration du modèle de publication Framabook, grâce auquel les arcanes de l’édition commencent à nous être familières. C’est cela qui est stimulant 🙂

Après des années de « dictature bienveillante » de la part d’aKa, tu a récemment pris le relais en tant que président de l’association Framasoft. Pas trop dur, expérience enrichissante ?

Ce n’est pas ma première présidence d’association mais celle-ci est vraiment passionnante. J’en retiens surtout qu’un président-fondateur n’est pas un président comme les autres, et que la transition n’est pas évidente du point de vue du public (les membres, eux, me connaissent depuis assez longtemps, bien que par rapport à certains je fais figure de petit nouveau). J’assure donc la première présidence tournante de Framasoft. Cela demande du temps bien sûr mais nous avons tellement à construire ! La première raison à cela, c’est justement que le fondateur intervient depuis septembre 2012 en tant que salarié, avec une feuille de route qui permettra d’accroître les activités de Framasoft. En termes de productivité, l’arrivée de ce second permanent permet déjà significativement de multiplier les oportunités de partenariats, pour lesquelles il faudra faire attention de ne pas rester dans la phase consensuelle du Yakafokon. D’un autre côté, tout le monde est motivé pour cela et s’engage beaucoup dans ce tournant majeur dans l’histoire de Framasoft. De ce point de vue, la présidence n’est rien, l’engagement fait tout.

Un dernier mot ?

Pour rester dans le thème de ce billet, je tiens à signaler que sans Framasoft, je n’en serais pas arrivé à publier cet ouvrage sous licence libre. C’est bien parce qu’il existe des modèles comme Framabook que l’on voit clairement que le libre peut concerner bien d’autres secteurs que le logiciel. L’objectif de Framasoft est de promouvoir le logiciel libre et la culture libre, et cela implique d’être présent sur de multiples secteurs d’activité, en particulier envers le public. Après plus de vingt ans d’existence du noyau Linux, il faut attendre 2012 pour entendre que le logiciel libre dans l’administration publique est finalement une bonne idée, ce qui me laisse penser qu’on est encore bien loin d’adopter le Libre comme modèle de développement dans la société. Nous sommes convaincus qu’en promouvant le logiciel libre et qu’en montrant par l’exemple que le Libre est un bon modèle pour le développement de l’économie et des connaissances, nous nous dirigeons vers une meilleure société. C’est incroyable (et tellement positif) de voir à Framasoft le nombre de personnes capables de donner bénévolement de leur temps et motivés par le souci du partage (de code ou d’autres choses).

Pour cela, on pourra toujours les remercier mais je pense que la meilleure chose qu’on puisse leur donner, c’est un cadre d’activité, une structure, et c’est ce que propose Framasoft. Pour cela, il faut des moyens et là encore ce sont les dons de ceux qui nous font confiance qui nous permettent d’être efficaces.

La campagne de soutien à Framasoft va donc commencer mi-octobre. Elle est particulièrment importante cette fois car l’enjeu pour nous est de pouvoir envisager nos activités sur un plus long terme que seulement les prochains 6 mois. Il nous faut du temps pour développer des projets et trouver encore d’autres moyens de financement. Précisons encore deux choses : en tant qu’association reconnue d’intérêt général (et je pense que ce n’est plus à démontrer), les dons sont déductibles des impôts, par ailleurs il n’est nullement obligatoire d’attendre la campagne officielle de soutien, il suffit de vous rendre sur http://soutenir.framasoft.org/ 😉

Crédit photo : Violaine Masutti (Creative Commons By)

Notes

[1] Le SAGE n’existera qu’à partir de janvier 2013, il regroupera entre autre les membres de l’actuel département d’histoire des sciences de la vie et de la santé (dhvs), dont je fais partie.




Polémique : la nouvelle imprimante 3D de MakerBot a-t-elle trahi l’open hardware ?

Le matériel libre, ou open hardware, en général et l’impression 3D en particulier, cela fait longtemps qu’on en parle sur le Framablog (notre premier article sur la RepRap date de 2008).

Nous y croyons parce qu’avec une imprimante 3D libre, vous pouvez non seulement créer des objets en partageant leurs fichiers numériques sous format et licence libres mais également concevoir l’imprimante elle-même, puisque ses sources (c’est-à-dire ses plans de fabrication) sont aussi sous licence libre.

À partir de là, vous voici potentiellement prêt pour… changer le monde (ou tout du moins, ne nous emballons pas, pour dessiner lentement mais sûrement les contours d’un nouveau paysage industriel). Évidemment cela ne se fera pas sans peine et l’on peut déjà anticiper de terribles batailles du côté de la propriété intellectuelle (pire encore que pour la culture), d’où notre long (mais passionnant) article : L’impression 3D, ce sera formidable… s’ils ne foutent pas tout en l’air !.

Or que se passe-t-il aujourd’hui ? L’un des fers de lance de l’impression 3D, la société MakerBot, a récemment annoncé la sortie de son nouveau modèle, la « Replicator 2 » (cf photo ci-dessous). Et à en croire cette percutante vidéo promotionnelle elle semble en effet bien plus mieux que les précédentes, d’ailleurs le célèbre magazine Wired s’en est tout de suite extasié : The New MakerBot Replicator Might Just Change Your World (rien que ça !)

Mais, car il y a un mais, il semblerait que ce nouveau modèle ne soit tout simplement plus libre, aussi bien dans ses sources de fabrication que (et c’est peut-être le plus choquant) dans le format de fichier numérique permettant de créer les objets en 3D (qui se partagent du reste sur le site Thingiverse de MakerBot qui lui aussi a récemment changé ses conditions d’utilisation dans le sens de la fermeture, d’où l’apparition d’alternatives). Tout ceci reste au conditionnel mais force est de reconnaître que MakerBot navigue en ce moment entre flou et silence quant à la réponse à donner à ce début de polémique.

Si cela s’avérait fondé, cela serait très mal vécu par la communauté qui y verrait là comme une sorte de trahison avec les principes du matériel libre, d’autant que la société MakerBot s’est fait connaître dans l’enthousiasme justement parce qu’elle proposait des modèles d’imprimantes 3D libres (quand vous vous rendez sur l’article Imprimante 3D de Wikipédia, MakerBot est cité en exemple de matériel libre).

Ceci étant dit, la question sous-jacente est aussi celle de la viabilité des entreprises de matériels libres. MakerBot a levé des fonds (dix millions de dollars), a investi, vient d’ouvrir un magasin à New York, etc. MakerBot a donc le vent en poupe et est en train de changer de dimension industrielle. Cela peut-il se faire tout en restant totalement libre ? Peut-être que les investisseurs ont fait pression vers la fermeture (par rapport au profit, à la concurrence, etc. quid d’un petit malin qui prendrait les sources délocaliserait en Chine et inonderait le marché ? d’ailleurs on y a déjà plus que pensé !).

Pour rentre compte de cette polémique nous vous proposons coup sur coup trois traductions ci-dessous (une fois de plus, merci à tous les traducteurs bénévoles).

La première émane de Josef Prusa, développeur tchèque pionnier (et passionné) du projet RepRap que l’on peut considérer comme la première imprimante 3D libre (et qui elle, on en est sûr, l’est restée). C’est d’ailleurs sur cette RepRap que s’est construit MakerBot et ils ne s’en cachent pas. C’est lui qui a levé le lièvre et il réagit ici avec véhémence et émotion (d’où le style parfois confus, flottant et familier sachant que l’anglais n’est pas sa langue maternelle non plus).

La seconde est un réponse directe à Josef Prusa. Son auteur est Bre Pettis, l’un des fondateurs de MakerBpot. Il semblerait qu’elle soit destinée avant tout à éteindre l’incendie.

La dernière traduction provient lui aussi de l’un des fondateurs de MakerBot, sauf qu’il a été viré de l’entreprise depuis ! On peut estimer qu’il y a de la rancœur dans son propos mais il n’a pas forcément tort de qualifier la réponse de Bre Pettis de « tas de conneries issu du double langage d’entreprise » en rappelant la définition de l’open hardware.

Et pour finir cette (longue) introduction, un lien vers un petit dessin qui résume amèrement la situation.

Louis Seigal - CC by

Crédit photo : Louis Seigal (Creative Commons By)

Le sens de l’Open Hardware

Open Hardware meaning

Josef Prusa – 20 Septembre 2012 – Blog personnel
(Traduction : fcharton, KoS, Smonff, Pascal, Alex, Gatitac, @jfomhover, ProgVal, Dam, Ag3m, tanguy)

Ddurant123 - CC byJe voulais écrire sur ce sujet depuis longtemps. Certains d’entre vous le savent peut-être, d’autres non, mais j’ai lancé ma propre société de RepRap. Elle se nomme Prusa Research, et c’est sans doute la première entreprise basée sur l’open hardware en République Tchèque, mais certainement pas la première au monde. Il y a plusieurs projets qui le font très bien, par exemple Arduino (à qui je dois tellement que, grâce à RepRap, je peux maintenant considérer Massimo comme mon ami car j’ai commencé à faire du hardware grâce à lui et Arduino), Adafruit, Sparkfun, etc.

La RepRap et surtout l’impression 3D sont pleine de conneries actuellement, c’est vrai. Il y a ainsi tous les jours de nouvelles entreprises qui se montent. La majorité des gens n’y ont pas contribué d’un yotta, pas apporté la moindre contribution et pourtant ils se prétendent inventeurs, mais fini le troll. Je fais partie de la communauté RepRap depuis vraiment longtemps et je puis affirmer sans fausse modestie que j’ai beaucoup aidé à le diffuser. La Prusa Mendel est probablement le modèle d’imprimante 3D le plus répandu sur la planète.

Croyez moi, c’est parfois vraiment tentant de prétendre avoir réalisé des choses que vous n’avez pas vraiment faites, n’est-ce pas ? Comme « Hé, mon imprimante peut imprimer à une résolution de 50 microns! » LOL. J’ai conçu un putain de tatouage pour me défendre de ça. C’est le logo de l’Open Hardware avec la goutte standard de RepRap dedans. C’est directement sur mon avant-bras droit, tout le monde peut le voir quand on me serre la main, quand je rencontre quelqu’un ou que je signe un contrat, peu importe. C’est un symbole pour moi. L’Open Hardware et RepRap ont fait de moi ce que je suis.

Un triste évènement qui s’est produit aujourd’hui m’a finalement motivé à écrire cet article. Makerbot a fermé ses sources, du moins tout semble le laisser présager. Makerbot a été lancé par plusieurs développeurs principaux du projet RepRap, Zach Smith, Bre Pettis (NdT : lire sa réponse juste après) et Adam Mayer. Adrian Bowyer, le fondateur du projet RepRap, leur a donné, comme d’autres, de l’argent pour démarrer. Makerbot est basé sur la RepRap, et ils n’ont jamais eu honte de cela. Mais cela a changé et Makerbot a commencé à prendre de la distance. Les gens m’ont accusé de dénigrer Makerbot lorsque je donne des conférences sur la RepRap. Je me suis dit « qu’est-ce que c’est que ce délire ! ». J’ai même échangé quelques e-mails avec Bre. Je vois toujours Makerbot comme un ami important de l’univers Open Hardware, également comme un bouclier qui protègerait de potentielles poursuites judiciaires.

Bre a donné une conférence l’an dernier à l’Open Hardware Summit, bla bla…. « une entreprise qui montre aux autres que le chemin de l’open source est possible ». J’avoue que je grinçais des dents en entendant le directeur des relations publiques laisser penser qu’ils avaient inventé la chose, vous savez, cette connerie que Makerbot a créé : l’extrudeur pas à pas. Ils en ont même fait une vidéo sympa. Plus tard, ils ont levé la bagatelle de 10 millions de dollars et les choses ont commencé à changer.

Et surprise, surprise, maintenant on a la Replicator 2 et sa version en source fermée. Hé, regardez, on a récupéré toutes les améliorations que vous avez partagé sur Thingiverse, compilé le tout dans un paquet et on l’a fermé. Pareil avec le logiciels MakerWare. (Ils ont finalement, après des années, arrêté d’utiliser Skeinforge, un logiciel libre créé par un brésilien qui n’avait même pas d’imprimante).

Et vous savez ce qui est le plus sournois ? Ne pas en parler lorsqu’ils l’ont annoncé, pas même lorsque les premières commandes sont parties ou juste après l’Open Hardware Summit où Bre Pettis est allé faire un beau discours (relayé par des magazines comme Make: faisant de MakerBot l’un des héros de l’Open Hardware).

J’ai demandé des précisions sur leur page Facebook, demandé à Bre directement et à d’autres employés, mais je n’ai eu aucune réponse. Si c’est vraiment ouvert, pourquoi ne pas le dire ?

Lettre ouverte à Bre Pettis.
Salut Bre,
On se connait depuis un moment. Je voulais te demander si la Replicator 2 est fermée ou non. Et si oui, pourquoi ? J’aimerais aussi t’interviewer pour mon émission RepRap sur Youtube, je te promets de rester neutre. Mais il faudra t’expliquer sur ton comportement bizarre que je mentionne dans cet article.
Jo Prusa, core développeur du projet RepRap

Crédit photo : Ddurant123 (Creative Commons By)

Corriger la désinformation avec de l’information

Fixing Misinformation with Information

Bre Pettis – 20 septembre 2012 – MakerBot.com
(Traduction : fcharton, KoS, Smonff, Pascal, Alex, Gatitac, @jfomhover, ProgVal, Dam, Ag3m, tanguy)

Bre Pettis - CC by-ncIl y a de fausses informations que j’aimerais éclaircir.

Question 1 : Le MakerBot Replicator 2 est-il open source ?

Nous travaillons dessus et allons être aussi ouvert que possible tout en ayant une activité viable. Nous allons continuer à respecter les licences et à contribuer à la technologie ouverte des imprimantes 3D, dont certaines sont de notre initiative. Nous ne voulons pas abuser de la bonne volonté et du soutien de notre communauté. Nous aimons ce que nous faisons, nous aimons partager et nous aimons ce que notre communauté invente. J’ai l’intime conviction que les entreprises qui partagent seront celles qui réussiront demain et je ne pense pas que ce soit un secret. Ces jours-ci, même des sociétés comme Google et IBM se lancent dans l’open source et trouvent de nouvelles manières de partager.

J’attends avec impatience de pouvoir parler avec les gens du Open Hardware Summit pour voir comment MakerBot peut partager autant que possible, donner du travail à ses 150 employés, produire du hardware fabuleux, et rester pérenne. Est-ce que nous devrons expérimenter pour rendre cela possible ? Oui, et cela va demander beaucoup de collaboration, de coopération, et de compréhension.

J’aimerais qu’il y ait plus d’exemples de grandes entreprises prospères dans le domaine du matériel « ouvert ». D’un point de vue commercial, nous avons été ouvert de manière absurbe, plus ouverte que n’importe quelle autre entreprise que je connais. Il n’y a pas de modèles ou de sociétés que je connaisse qui ait plus de 150 employés et qui soient plus ouverte que nous (je serais ravi d’avoir tort, mais je ne le pense pas). Nous expérimentons la manière d’être aussi ouvert que possible tout en ayant toujours un travail à la fin de la journée. Allons-nous réussir ? Je l’espère, mais même si ce nest pas le cas, tout le monde va découvrir qu’être aussi ouvert que possible est une bonne chose pour les affaires ou bien que personne ne devrait le faire, ou quelque chose entre les deux.

Personnellement, j’espère que nous réussirons, et pas seulement parce que j’aime ce que les gens font avec produits MakerBot et que j’adore les employés qui fabriquent ces machines, mais parce que je crois que MakerBot en tant qu’entreprise peut créer un nouveau modèle riche d’enseignements. Mais je n’ai pas l’intention de laisser les vulnérabilités de l’open hardware détruire ce que nous avons créé.

Des business que je connais, liés à l’open source hardware, ceux qui ont du succès sont ceux qui créent des projets éducatifs. Adafruit, Evil Mad Science et Sparkfun font des choses fabuleuses. Des entreprises comme Chumby et OpenMoko n’y sont pas parvenus, malgré le fait que des gens vraiment intelligents y étaient impliqués. Un grand nombre des projets hardware sur Kickstarter sont open source, mais je n’en ai vu aucun qui tienne le passage à la production industrielle. Encore une fois, je suis preneur de n’importe quel exemple réussi d’une grande entreprise de matériel open source. Il y a quelque chose de très intéressant à observer là dedans. Les entreprises hardware qui ont le plus de succès sont celles qui font des projets en étant open source.

Nous allons continuer à contribuer aux projets que nous avons démarré et à d’autres projets open source. J’ai été un fan de l’EFF et la FSF depuis suffisamment longtemps pour respecter les licenses. J’ai été prof depuis plusieurs années et je sais que quand on partage avec une communauté respectueuse, tout le monde dans cette communauté y gagne.

Nous sommes en train de travailler activement à un programme de développement pour créer des trucs super disruptifs et innovants. Nous attendons vraiment de pouvoir trouver des moyens de créer des situations gagnant/gagnant avec des développeurs et des entreprises. Heureusement, tout le monde n’est pas là pour manger gratos, à la fois Ultimaker et plusieurs projets RepRap ont contribué à la technologie et montrent que nous pouvons bosser ensemble et reposer sur les épaules les uns des autres.

Ce n’est pas le premier changement que nous avons effectué pour devenir professionnels et ça ne sera pas le dernier.

Question 2 : Est-ce que les conditions d’utilisation de Thingiverse ont changé pour « voler » les choses des gens

Thingiverse ne vole pas. Nous avons créé Thingiverse afin qu’il soit le meilleur endroit pour partager des choses en utilisant des licences libres. Les nouvelles conditions d’utilisation, que nous avons mis en place en février de cette année, nous permettent avant tout de partager vos créations sur notre site mais aussi de nous protéger contre les entreprises et leurs avocats. Peut-on la rendre plus conviviale ? Oui, mais les honoraires d’avocats sont chers et rendre cela plus simple prend beaucoup de temps.

J’ai mis sur notre liste de choses à faire en 2013 : rendre les conditions d’utilisation plus faciles à comprendre et éviter les malentendus. Si vous êtes préoccupés par cela, faites en sorte de lire le billet que j’ai écrit plus tôt cette année sur les conditions d’utilisation de Thingiverse.

Crédit photo : Bre Pettis (Creative Commons By-Nc)

MakerBot contre Open Source – Du point de vue d’un fondateur

MakerBot vs. Open Source – A Founder Perspective

Zachary Smith – 21 septembre 2012 – Hoektronics.com
(Traduction : fcharton, KoS, Smonff, Pascal, Alex, Gatitac, @jfomhover, ProgVal, Dam, Ag3m, tanguy)

Mark Demers - CC by-nc-ndJe m’appelle Zachary Smith (aussi connu sous le pseudo de Hoeken), je fabrique des imprimantes 3D depuis 2007 en prenant part au projet RepRap. J’ai créé une organisation à but non lucratif (la RRRF, RepRap Research Foundation) dédiée à la promotion des imprimantes 3D. En 2009, j’ai convié mes amis Adam Mayer et Bre Pettis à se lancer dans la fabrication d’imprimantes 3D. Partant de là, MakerBot Industries était né. Revenons-en à avril 2012, quand j’ai été poussé à la porte de l’entreprise du même nom. Aujourd’hui, je n’ai aucune information sur le fonctionnement interne de l’entreprise que j’ai créé. Allez voir cet article de Chris Thompson pour plus d’informations.

Je ne soutiens aucun mouvement qui restreint la nature libre du MakerBot, qu’il s’agisse de matériel, d’électronique, de logiciel, de firmware, ou d’aucun autre projet ouvert. MakerBot a été créé sur les bases de projets de matériel libre, tels que RepRap ou Arduino, aussi bien que d’autres projets logiciels libres pour le développement de notre propre logiciel. Je reste dévoué au mouvement de l’open source, et je crois aux idéaux et buts de l’Open Source Hardware. Je n’ai jamais dévié de cette position et j’espère que je ne le ferai jamais.

Je réserve mon jugement jusqu’à ce qu’on entende quelque chose d’officiel de la part de MakerBot sur la nature open source (ou pas) de sa dernière imprimante. J’essaie de rentrer en contact avec les gens pour comprendre, mais jusqu’à présent personne ne parle, et mes ex-partenaires n’ont pas répondu à mes appels téléphoniques ou mes e-mails. Cela ne sent pas bon. La meilleure information que j’ai trouvée est un tas de conneries issues du double langage d’entreprise (NdT : le « tas de conneries » c’est justement la traduction ci-dessus « Corriger la désinformation avec de l’information » !).

Si ces allégations se révèlent vraies, ce serait une triste journée pour le mouvement du matériel libre. Non seulement ce serait la perte d’un grand fabriquant de matériel ouvert, mais ce serait aussi la perte d’un exemple pour le mouvement. Beaucoup de gens se sont tournés vers Makerbot en disant : « Oui, le matériel ouvert est un secteur viable, regardez la réussite de MakerBot ». S’ils ferment ces portes, alors cela donnera des arguments à ceux qui disent que le matériel ouvert n’est pas viable. Cela va aussi décourager d’autres entreprises de se lancer dans le matériel ouvert. Ce serait effectivement une bien triste nouvelle.

Personnellement, je considère les migrations vers les formats propriétaires comme la trahison ultime. Quand on m’a chassé ce n’était dû qu’à un malheureux mais classique clash de personnalités, où une personne devait partir et l’autre rester. J’ai ravalé mon égo et je suis parti parce que je savais que la société que j’avais fondé porterait mes idéaux plus loin dans le monde. Sans m’attarder sur nos différences, j’avais pensé que Bre aurait continué à suivre les principes sur lesquels nous avions fondé notre société et les mêmes principes qui avaient joués un rôle de premier plan dans le succès de notre société. Passer d’un format libre à un format propriétaire est contraire à tout ce que je défends et en tant que co-fondateur de MakerBot Industries, j’ai honte d’y voir mon nom associé.

Bre Pettis, je t’en prie, montre-moi que j’ai tort en clarifiant exactement sous quelle license Makerbot va diffuser les fichiers de conception et le logiciel. C’est tout ce que nous (la communauté) souhaitons.

Enfin, je voudrais rappeler et souligner la définition de l’Open Source Hardware, que MakerBot a approuvé. Ce document énonce en des termes très clairs ce que cela signifie être une entreprise d’open hardware. Je le laisse ici à votre jugement :

Open source hardware regroupe les conceptions Hardware réalisées publiquement et disponibles de manière à ce que n’importe qui puisse étudier, modifier, distribuer, créer et vendre un design ou un produit basé sur ce design. La source du produit hardware, le design duquel le produit est issu, est disponible sous un format choisi pour permettre de faire des modifications. Idéalement, open source hardware utilisera des composants et matériaux facilement approvisionnables, des procédés de fabrication standard, des infrastructures libres, des contenus libres de droit et des outils de design open source pour maximiser la possibilité donnée à d’autres de concevoir ou utiliser un produit hardware. Open source hardware permet à quiconque d’avoir le contrôle sur leur technologie du moment qu’elles partagent leur savoir et encourage le commerce au travers de l’échange de design libre.

Crédit photo : Mark Demers (Creative Commons By-Nc-Nd)




Ceci est une Révolution : ce que l’Open Source a changé

Patrice Bertrand - SmilePatrice Bertrand est directeur général de la SSII Smile spécialisée dans l’intégration de solutions open source ainsi que président du prochain Open Word Forum (dont Framasoft sera).

Il a tout récemment fait paraître un article dans le quotidien économique et financier La Tribune qu’il nous a semblé intéressant de reproduire ici (enrichi de quelques liens) avec son aimable autorisation.

C’est accessible et synthétique. On n’hésite pas à employer les grand mots.

Et, clin d’œil à nos plus fidèles lecteurs, on peut également y trouver là comme une sorte de réconciliation entre les frères ennemis « open source » et « logiciel libre » (enfin vous nous direz dans les commentaires).

Ceci est une Révolution : ce que l’Open Source a changé

Patrice Bertrand – 17 septembre 2012 – La Tribune

URL d’origine du document

Les 11, 12 et 13 octobre prochains se tiendra à Paris, l’Open World Forum, un événement de renommée internationale dédié à l’open source et aux approches ouvertes. L’open source est une idée qui a pris naissance dans le monde du logiciel, mais a inspiré et bousculé bien d’autres domaines. Tout comprendre en quelques clics sur une révolution qui bien au-delà de l’informatique, touche l’ensemble de la société…

Logiciel libre et open source

Revenons aux origines. Le logiciel libre est imaginé dans les années 80 par Richard Stallman. Il affirme que les programmes informatiques doivent pouvoir être librement utilisés, et surtout étudiés et modifiés. Utopique pour certains, il amorce pourtant une véritable révolution, qui 20 ans plus tard a bousculé toute l’économie du logiciel, et bien au delà. Fin des années 90, certains préfèrent l’appellation alternative de logiciel open source pour désigner à peu près la même chose, mais en mettant en avant non pas tant la liberté, que les qualités spécifiques de ces programmes réalisés de manière collective, peu centralisée, dont le code source (le programme tel qu’il est écrit par un informaticien) est disponible et peut être modifié, utilisé pour créer de nouveaux programmes, des oeuvres dérivées.

A certains égards, l’open source est un mouvement humaniste. Il considère que le logiciel est, à la manière de la connaissance scientifique, une forme de patrimoine de l’humanité, un bien commun que nous enrichissons collectivement, pour le bien être de tous.

L’open source, disons ici plutôt le logiciel libre, porte aussi un message particulièrement d’actualité: le logiciel nous contrôle, il est vital pour nous de contrôler le logiciel. Des pans de plus en plus grands de notre vie sont sous la maîtrise de logiciels. Un logiciel détermine si votre voiture va freiner, un autre si votre pacemaker va faire battre votre coeur, et un autre peut-être déterminera pour qui vous avez voulu voter aux présidentielles. Le logiciel fait désormais plus que nous rendre service, il nous contrôle. Ce n’est pas un mal en soi, à condition seulement que le contrôlions aussi, que nous sachions ce qu’il fait exactement, et ayons le droit de le modifier si besoin. Cette exigence première du logiciel libre est plus que jamais essentielle.

Ces 20 dernières années, le logiciel libre et open source, réuni sous l’appellation FLOSS, a apporté d’incroyables bouleversements.

Dans l’informatique, une révolution aux multiples facettes

D’abord dans la manière de créer des programmes. Dans les années 90, peu après la naissance du web, c’est une révélation : les programmes les plus critiques de la toile, les programmes les plus utilisés, les programmes les plus complexes, sont des programmes open source. Même Bill Gates en prend soudain conscience, et adresse en 1998 un mémo à ses troupes, où il s’alarme de cette transformation, de ces logiciels aussi bons et parfois meilleurs, de cette nouvelle forme de concurrence.

L’open source a apporté une rupture dans l’économie du logiciel en abaissant les coûts d’une manière incroyable. Tout ce qui constitue le socle d’une plateforme informatique, d’une plateforme web, est devenu tout simplement gratuit : système d’exploitation, bases de données, logiciels serveurs, outils de développement, outils d’administration. Bien sûr, le coût total de possession n’est jamais nul : il faut du matériel, du support et de l’expertise humaine pour déployer et faire marcher tout cela. Mais pour une start-up, la barrière à l’entrée a été abaissée de manière phénoménale, stimulant et accélérant la création d’entreprises innovantes. Et pour les entreprises utilisatrices, cette nouvelle donne s’est traduite en gains de compétitivité.

Comme toutes les révolutions technologiques depuis la machine à vapeur, l’open source a amené une forme de destruction créatrice, comme l’avait décrit l’économiste Joseph Schumpeter. En produisant des alternatives quasi-gratuites à des logiciels anciennement coûteux, l’open source a fait disparaître des acteurs devenus non compétitifs, et réduit les marges de quelques autres. Mais le contexte nouveau d’un socle logiciel devenu un bien commun a permis l’émergence de milliers d’acteurs, de startups innovantes, dont certaines sont déjà grandes. Et a permis, plus largement, l’émergence du web, de ses acteurs géants, et des milliers d’acteurs plus petits mais innovants et grandissants.

Le développement logiciel a été profondément modifié lui aussi. L’approche moderne du développement consiste à assembler des composants, grands et petits, pour l’essentiel open source. Une part déterminante du développement consiste donc à sélectionner les bons composants et les intégrer, en ne développant réellement que les parties spécifiques, qui concentrent la valeur ajoutée de l’application. C’est une transformation du développement logiciel qui a apporté d’importants gains de productivité.

L’open source domine sur les serveurs et dans le cloud

L’open source a eu des succès mitigés sur le poste de travail, sur le PC ordinaire. Et pourtant, moins visible et moins connue du public, la victoire de l’open source a été écrasante du côté serveurs et Cloud. Si Windows domine sur les postes de travail, le système d’exploitation Linux a une domination plus grande encore sur les millions de serveurs des grandes plateformes du web, de Google, Facebook, Amazon, ou eBay, mais des plus petits acteurs de la même manière. Une étude récente estimait à 90 % la part de marché de Linux sur le Cloud de Amazon. Dans beaucoup de domaines, l’open source est en pointe, faisant naître les outils de demain. Citons par exemple l’émergence du Big Data, la manipulation des données à une échelle nouvelle, où les outils de bases de données anciens atteignent leurs limites, et où des technologies nouvelles sont nécessaires. Ces nouvelles bases, dites NoSql, sont pratiquement toutes des logiciels open source.

Open Innovation

L’open source a apporté aussi une nouvelle approche de la R&D. Une belle illustration est donnée par le projet open source Genivi, qui a l’initiative de BMW et PSA a réuni des grands constructeurs automobiles et équipementiers dans une démarche typique de R&D mutualisée, construisant ensemble une plateforme logicielle destinée à leurs véhicules. Pour réussir ce projet stratégique, ces grands industriels ont adopté le modèle open source tant en termes de socle, de développement, de diffusion, que de gouvernance. Et l’on pourrait citer évidemment le noyau du système Linux lui-même, auquel contribuent des dizaines d’entreprise, en faisant sans doutes le plus bel exemple de R&D mutualisée, à l’échelle mondiale. Les démarches appelées parfois « open innovation » ont montré les bénéfices d’une innovation plus ouverte sur le monde, moins cachée, fonctionnant en réseau.

Open Art

Certains ont présenté l’open source comme antagoniste à la propriété intellectuelle. C’est tout le contraire, puisque l’open source se définit par ses licences d’utilisation, qui s’appuient elles-mêmes sur le droit d’auteur. L’auteur, titulaire des droits, donne à l’utilisateur des droits étendus, et quelques devoirs. Ce principe par lequel l’auteur d’une oeuvre reste parfaitement identifié, conserve ses droits, mais autorise différentes utilisations et la redistribution de son oeuvre a été étendue à de nombreux domaines, bien au delà du logiciel.

L’open source se décline dans l’art également. Les licences Creative Commons ont permis de diffuser des oeuvres de toutes natures en donnant des droits étendus, en particulier une libre rediffusion, avec ou sans le droit de modifier l’oeuvre originale. Ainsi, la fondation Blender, qui développe l’un des meilleurs programmes d’animation 3D du monde, un programme open source, réalise des open movies, des films d’animation dont tous les fichiers source, qui permettent de générer le film, sont rendus disponibles et peuvent être modifiés. Comme un roman dont on pourrait réécrire la fin.

Open hardware

L’open source a gagné le matériel également, sous l’appellation de « open hardware ». Il s’agit ici de partager les plans de circuits et d’équipements entiers. Un bel exemple d’open hardware, le projet Arduino est un microcontrôleur programmable totalement open source, matériel et logiciel, qui peut être adapté pour toutes formes de traitement du signal, ou de contrôle de process. Il peut être programmé pour réagir aux signaux de capteurs externes, les traiter, et commander des actions. Depuis 2005 il s’enrichit d’année en année, et plus de 300 000 unités ont été fabriquées. La diffusion de l’open hardware est encore modeste, mais souvenons-nous que c’était le cas aussi de l’open source logiciel à ses débuts : un « truc de geek ». Mais ces trucs de geeks font tourner les plateformes du web aujourd’hui.

Le mot clé derrière ces projets, ces démarches, est celui de réappropriation de la technologie. La technologie n’est pas le domaine réservé d’une élite minuscule, du fond de la Silicon Valley. Nous pouvons la maîtriser, et particulièrement si nous réunissons nos forces. C’est le principe des FabLabs. Nous ne sommes pas que des consommateurs idiots qui s’endettent pour acheter le dernier smartphone, dont on n’aura pas le droit même de changer la batterie. Avec quelques amis, avec un peu d’aide, avec des plans et des logiciels open source, nous pouvons construire des choses extraordinaires, dans notre garage. Pas tout à fait le dernier smartphone, mais pas très loin. Les imprimantes 3D ouvrent de nouvelles frontières pour ces démarches. Après avoir pris le contrôle des logiciels, il sera possible de reprendre le contrôle sur le matériel. On rêve déjà de pouvoir télécharger, sous licence libre, les plans d’une pièce de rechange pour sa cafetière, d’imprimer chez soi sa pièce en 3D. Et un peu plus tard, d’imprimer la cafetière open source elle-même ! Utopique ?

Mais justement, c’est la plus grande révolution de l’open source, de montrer que l’utopie gagne, parfois.

Open médecine ?

Les systèmes open source ne sont pas que pour les bricoleurs du dimanche. Ils gagnent par exemple la recherche en médecine. Merveilleux exemple de matériel et de logiciel open source associé à une démarche de recherche : des chercheurs ont développé Raven, un robot chirurgien open source, mis à disposition des équipes de recherche du monde entier afin de faire progresser les logiciels et technologies de chirurgie assistée. D’autres chercheurs travaillent à une machine combinant scanneur et radiothérapie, dont les plans, le code source, et les instructions de fabrication seront open source. Il est intéressant de remarquer que certains de ces projets de médecine open source ont reçu le soutien de la FDA, qui est un peu l’équivalent de l’AFSSAPS, avec l’espoir en particulier que le logiciel open source améliore la qualité, jugée insuffisante, des équipements propriétaires.

Fédérer les énergies citoyennes

L’open source a montré aussi que l’on pouvait fédérer et organiser les efforts d’un grand nombre de personnes sur un projet commun. Il était précurseur de ce qu’on a appelé plus tard le crowdsourcing, ces projets qui impliquent un grand nombre de contributeurs bénévoles, dont la réussite emblématique est celle de Wikipedia, mais qui a aussi donné OpenStreetMap. Avec un double crédo : d’une part la connaissance est un bien commun qui doit être accessible à tous sans barrière économique, d’autre part les citoyens peuvent gérer eux-mêmes ce patrimoine, dans le cadre d’une organisation décentralisée, et d’une gouvernanceouverte.

Parmi les déclinaisons de l’open source, on peut citer aussi le mouvement de l’open data, la mise à disposition des données publiques, mais aussi des données de certaines entreprises. Une démarche citoyenne et démocratique d’une part, mais aussi le socle de nombreuses initiatives et modèles économiques nouveaux appuyés sur ces données.

L’open source a fédéré des combats citoyens fondamentaux. Les militants de l’open source ont une force particulière : ils réfléchissent aux tendances sociétales, mais sont aussi au coeur des technologies nouvelles et parfois de leurs rouages économiques. Ils ont compris par exemple l’importance de standards réellement ouverts, dont la spécification soit librement accessible, dont la gouvernance soit ouverte, dont l’utilisation soit gratuite. Ils se battent pour la neutralité du Net, ce principe fondateur de non-discrimination des flux sur le réseau mondial, qui a permis l’émergence de toute une industrie du web et qui est menacée aujourd’hui. Ils tentent d’expliquer aux politiques pourquoi les brevets ne sont pas applicables au monde du logiciel, où la seule protection du copyright est amplement suffisante. Dans le monde du logiciel, les brevets sont contre-productifs, ils découragent l’innovation, ils sont l’arme d’un oligopole de géants et d’entités mafieuses appelées patent trolls. Pour les premiers il s’agit d’effrayer les petits concurrents plus innovants. Pour les seconds, d’extorquer une rente sur l’innovation des autres.

Une industrie florissante

L’open source n’est pas à l’écart de l’économie, au contraire. Les développeurs qui construisent les programmes open source ne sont pas toujours des bénévoles : la plupart sont payés par des entreprises qui voient un intérêt bien analysé dans leurs participations à ces travaux : elles bénéficient de logiciels performants dont elles n’ont eu à financer qu’une fraction de la R&D, elles ont une parfaite maîtrise de ces technologies qui deviennent des standards, elles ont un rôle dans la gouvernance de ces projets.

En France, l’économie du logiciel libre représente plus de 300 PME et ETI, éditeurs de logiciels ou sociétés de services, dédiées au logiciel libre. Elles sont souvent réunies en associations régionales, elles-mêmes fédérées au sein du CNLL, le Conseil National du Logiciel Libre. Elles représentent ensemble plus de 3000 salariés, et connaissent une croissance annuelle de près de 30 %. Si on comptabilise également les emplois liés au logiciel libre dans les sociétés de services généralistes, l’industrie (notamment aéronautique) et les télécommunications, le chiffre d’affaires global lié à l’open source est estimé à 2.5 milliards d’euros, soit 6% du marché des logiciels et des services informatiques, et plus de 30.000 emplois, en croissance annuelle de 30%. Source : Pierre Audoin Consultants.

On le voit, les déclinaisons de l’open source sont nombreuses, les impacts de l’open source vont bien au-delà du logiciel, des nouvelles technologies, ils s’étendent à d’autres industries, à l’ensemble de la société, à nos conceptions de la citoyenneté, de la démocratie. Toutes ces facettes de l’open source, à l’articulation de la technologie et du sociétal, sont représentées à l’Open World Forum. Ceci est une révolution, comme le dit une célèbre marque technologique…