Médecine 2.0 – Une conférence accessible et passionnante de Dominique Dupagne

Sur ce blog nous nous méfions du qualificatif « 2.0 » trop souvent récupéré et vidé de son sens par le marketing. Sauf à faire comme Benjamin Bayart et ne pas hésiter à comparer l’évolution d’Internet à un ironique et menaçant « Minitel 2.0 ».

Cela reste néanmoins parlant, voire pertinent, lorsqu’il s’agit d’envisager l’hypothèse d’un changement majeur, un saut quantique, dans une discipline donnée, en particulier lorsque les nouvelles technologies participent à cette (r)évolution.

La discipline dont il est question dans ce billet nous concerne tous puisqu’il s’agit de la médecine. Et d’après Dominique Dupagne, médecin généraliste et créateur du site Atoute.org, elle est peut-être en train de connaître une mutation importante qualifiée donc ici de « médecine 2.0 », par opposition à une « médecine 1.9 » :

Les communautés de patients et la fluidité de l’information changent le visage de la médecine. La Médecine 2.0 traduit l’idée d’une évolution majeure de la relation entre le médecin, le malade et la maladie. Comme en informatique, le changement d’unité traduit une nette évolution par rapport aux versions précédentes (1.1, 1.2… 1.9, 1.9.1 etc.). La médecine 2.0 représente donc une forme de révolution. Elle reprend le concept de Web 2.0 dont elle utilise les valeurs et les outils.

En voici quelques points forts issus de cet article (ou résumés dans cette courte vidéo YouTube) :

  • Les patients créent de la connaissance
  • Les patients découvrent ou inventent de nouvelles maladies
  • Le savoir des soignants s’étend lui aussi
  • La qualité et la disponibilité de l’information augmentent
  • La mesure de la qualité en médecine fera intervenir des critères inhabituels mais enfin pertinents

Pour en savoir plus, nous avons reproduit ci-dessous la conférence de Dominique Dupagne à l’Ecole de Hautes Etudes en Sciences Sociales, présentée le 19 février dernier lors d’un séminaire du centre Edgar Morin (sous licence Creative Commons By).

Dans cette intervention non dénuée d’humour, il sera question de Google, « d’hôpital magnétique » et « d’empowerment ». Mais il sera surtout question d’une médecine bousculée positivement par les nouvelles technologies et des patients bien décidés en se les appropriant à ne plus demeurer passifs.

La médecine 2.0 reprendrait donc « le concept de Web 2.0 dont elle utilise les valeurs et les outils ». Vous vous apercevrez peut-être comme moi au passage qu’elle reprend parfois également, consciemment ou non, les valeurs et les outils du logiciel libre.

Parce qu’entre les communautés de patients dont on redonne parole, action et expertise collective et les communautés d’utilisateurs de logiciels libres, il y a souvent de fortes similitudes…

—> La vidéo au format webm

PS : Grâce à notre ami JosephK d’ITheora, nous testons actuellement sur le Framablog la lecture directe au format Ogg pour les navigateurs compatibles HTML 5. Merci de nous faire part de tout retour positif ou négatif dans les commentaires.




L’éloquence du président Lula en faveur d’un Brésil et d’une société plus libres

« Maintenant que le plat est servi, il est très facile pour nous de manger. Mais préparer ce plat n’a pas été un jeu d’enfant.
Je me souviens de notre première réunion, où je ne comprenais absolument rien au langage employé, et il y avait une tension palpable entre ceux qui défendaient l’adoption du logiciel libre au Brésil et ceux qui estimaient que nous devrions continuer comme avant, garder les mêmes habitudes, acheter, payer l’intelligence des autres et, grâce à Dieu, c’est le parti du logiciel libre qui l’a emporté dans notre pays.
Car nous devions choisir : ou nous allions dans la cuisine préparer le plat que nous voulions manger, avec l’assaisonnement que nous voulions y mettre, et donner un goût brésilien à la nourriture, ou nous mangerions ce que Microsoft voulait vendre aux gens. Et, c’est tout simplement l’idée de la liberté qui l’a emporté. »

Ainsi s’exprimait l’été dernier rien moins que le président de la République d’un des plus grands pays au monde, dans un discours dont vous comprendrez aisément pourquoi nous fait l’effort de traduire et sous-titrer sa vidéo (j’en profite pour saluer et remercier chaleureusement notre petit équipe de traducteurs lusophones).

Il s’agissait donc du président brésilien Lula, venu inaugurer le 24 juin 2009 à Porto Alegre le dixième Fórum Internacional Software Livre. L’allocution, prononcée sans notes s’il vous plaît, dure une vingtaine de minutes et va bien au delà du simple extrait ci-dessus.

Le logiciel libre a évidemment besoin de toutes ces petites fourmis qui développent et qui diffusent. Mais Il a également besoin de ces hommes d’États éclairés et éclairants.

Ce n’est qu’un discours mais il a valeur de symbole. Merci à ce pays, à son président et à tous ceux qui le conseillent et travaillent autour de lui. L’Histoire retiendra que vous fûtes parmi les pionniers à avoir compris en si haut lieu l’importance d’aborder ce nouveau millénaire en offrant aux gens le plus d’opportunités possibles pour qu’ensemble s’épanouissent leur créativité.

Nous sommes tous des Brésiliens libres ?

—> La vidéo au format webm

Réalisation TV Software Livre – Licence Creative Commons By-Sa

Discours inaugural du président brésilien Lula

Fórum Internacional Software Livre – 24 juin 2009
(Traduction, sous-titrage et édition vidéo Framalang : Michaël Dias, Thibaut Boyer et Yostral)

Je veux saluer notre cher camarade Marcelo Branco, coordinateur général du 10ème Forum international du logiciel libre. Je veux saluer les camarades des institutions publiques brésiliennes qui sont ici. Je vois en face de moi la Banque du Brésil et le Serpro.

Je veux saluer les invités étrangers. Je veux saluer ce petit enfant qui est là-bas sur des genoux et qui doit se demander ce que nous faisons là et pourquoi ses parents l’ont amené ici. Un jour, il le saura…

Et je veux saluer une personne qui est ici en particulier, Sérgio Amadeu (responsable des premières actions en faveur du logiciel libre au gouvernement brésilien).

Car maintenant que le plat est servi…

Je veux également saluer le camarade Tigre, notre président de la Fédération de l’Industrie du Rio Grande do Sul.

Maintenant que le plat est servi, il est très facile pour nous de manger. Mais préparer ce plat n’a pas été un jeu d’enfant.

Je me souviens de notre première réunion, à la Granja do Torto, où je ne comprenais absolument rien au langage qu’employaient ces personnes, et il y avait une tension palpable entre ceux qui défendaient l’adoption du logiciel libre au Brésil et ceux qui estimaient que nous devrions continuer comme avant, garder les mêmes habitudes, acheter, payer l’intelligence des autres et, grâce à Dieu, c’est le parti du logiciel libre qui l’a emporté dans notre pays.

Car nous devions choisir : ou nous allions dans la cuisine préparer le plat que nous voulions manger, avec l’assaisonnement que nous voulions y mettre, et donner un goût brésilien à la nourriture, ou nous mangerions ce que Microsoft voulait vendre aux gens. Et, c’est tout simplement l’idée de la liberté qui l’a emporté.

Je voudrais vous raconter quelque chose ici, pourquoi, dans mon esprit, c’est le choix du logiciel libre qui l’a emporté.

Vous savez que je n’ai jamais été communiste. Lorsqu’on me demandait si j’étais communiste, je répondais que j’étais tourneur ajusteur. Mais j’ai des camarades extraordinaires qui ont participé à la lutte armée dans ce pays, des camarades qui ont appartenu aux partis et aux courants idéologiques les plus différents qui soient, tous des camarades extraordinaires.

J’avais un frère plus âgé qui, toute sa vie, a essayé de me faire adhérer au Parti, et mon frère m’amenait tous les documents qui avaient été écrits et édités depuis 150 ou 200 ans. Mon frère voulait que j’apprenne Le Manifeste par cœur, il voulait que je lise et relise Le Capital, il voulait que je critique tout cela, et moi, je disais à mon frère : « Chico, tout cela a été écrit il y a si longtemps. N’est-il pas maintenant temps pour les gens de commencer à produire de nouvelles choses ? »

Et quand le Mur de Berlin est tombé, j’ai été heureux car cela allait permettre à la jeunesse de pouvoir réfléchir, écrire de nouvelles choses, élaborer de nouvelles théories, car on avait l’impression que tout était déjà construit et que plus rien ne pourrait être différent.

Le logiciel libre est un peu cela, c’est-à-dire donner aux gens l’occasion de faire de nouvelles choses, de créer de nouvelles choses, de valoriser l’individualité des personnes.

Car il n’y a rien qui ne garantisse plus la liberté que de garantir votre liberté individuelle, que de permettre aux gens d’exprimer leur créativité, leur intelligence, surtout dans un pays nouveau comme le Brésil, où la créativité du peuple est probablement, sans aucun mépris pour les autres peuples, la plus importante du XXIe siècle.

En effet, je pense que notre gouvernement a déjà fait beaucoup, mais notre gouvernement aurait pu faire plus.

Nous sommes un gouvernement très démocratique. Je ne crois pas qu’il y ait un gouvernement au monde qui exerce la démocratie comme le fait notre gouvernement. Je ne le crois pas. Je ne crois pas qu’il y ait au monde quelqu’un qui débatte autant, qui discute autant que notre gouvernement. Et cela complique parfois les choses, n’est-ce pas, Tarso ? Nous devons parfois écouter une fois, deux fois, trois fois, car, comme je suis un analphabète à propos de l’Internet… mes enfants sont des experts pour moi.

Car Internet est une chose fantastique, Olívio, c’est la première fois que les petits enfants sont plus malins que les grands-parents. C’est la première fois.

Autrefois, du fait que vous étiez plus vieux, vous vouliez vous imposer sur tout, n’est-ce pas ? Le fils ne pouvait parler quand vous étiez en réunion, vous ne pouviez pas intervenir dans une discussion d’adultes.

Aujourd’hui, non. Aujourd’hui, il y a deux adultes en train de discuter avec un gamin à côté d’eux, et les adultes disent : « Comment est-ce qu’on change de chaîne sur la télé ? », avec deux télécommandes que les gens ne savent pas utiliser correctement. Et le gamin de huit ans y va, il bidouille, il tripote…

Louer la maison, payer le loyer, l’électricité, l’eau (sur Internet)…

Je pense donc que nous sommes en train de vivre une période révolutionnaire pour l’humanité, où la presse n’a plus le pouvoir qu’elle avait il y a quelques années, l’information n’est plus une chose exclusive où les détenteurs de l’information pouvaient faire un coup d’État, l’information n’est plus une chose privilégiée.

Le journal du soir est maintenant dépassé face à Internet, l’émisssion de radio, qu’elle soit en direct ou enregistrée, est dépassée face à Internet. Le journal du soir a l’air très vieux face à Internet, et il a l’air si vieux que tous les journaux ont créé des blogs pour informer ensemble, avec les internautes du monde entier.

Et bien, ces choses, nous ne savons pas jusqu’où vont aller toutes ces choses, nous ne le savons pas.

Je sais que chaque fois que je discute avec vous, j’imagine que si ma génération était aussi intelligente et créative que la vôtre, nous serions bien meilleurs que ce que nous sommes aujourd’hui, car l’appareil public est une chose compliquée. Il est plein de vices, de règles, vous savez, qui datent de l’époque impériale. Et vous, vous faites bouger ces choses.

Un bureaucrate, lui, a un manuel, et le manuel dit seulement ce qu’il peut faire ou ne pas faire. Si vous lui présentez quelque chose de nouveau, il reste interdit. Il n’est pas capable de dire : « Bon, j’ai ici quelque chose de nouveau, je vais essayer d’agir », non. Il dit s’il peut ou pas.

Et tout cela a pris du temps pour que le gouvernement commence à créer les conditions pour arriver à la situation d’aujourd’hui. Le logiciel libre est donc une possibilité pour que cette jeunesse réinvente des choses qui ont besoin d’être réinventées.

De quoi a-t’on besoin ? D’opportunités.

Nous pouvons être certains d’une chose, camarades, c’est que dans ce gouvernement, il est interdit d’interdire.

Dans ce gouvernement… Ce que nous faisons dans ce gouvernement, c’est discuter. Les chefs d’entreprise savent combien nous discutons, sans animosité, ni agressivité, sans chercher à combattre l’interlocuteur, non ! Il s’agit de débattre, de renforcer la démocratie et de l’amener jusqu’au bout.

Car ce pays est encore en train de se découvrir lui-même, car durant des siècles, on nous a traités comme si nous étions des citoyens de seconde zone, nous devions demander l’autorisation pour faire des choses, nous pouvions seulement faire ce que les États-Unis nous autorisaient à faire, ou ce qu’autorisait l’Europe.

Et notre estime de nous est en hausse aujourd’hui. Nous apprenons à nous aimer nous-mêmes. Nous sommes en train de découvrir que nous pouvons faire des choses. Nous sommes en train de découvrir que personne n’est meilleur que nous. Les autres peuvent être semblables, mais meilleurs non, ils n’ont pas plus de créativité que nous.

Ce dont nous avons besoin, c’est d’opportunités.

Cette loi qui est là, cette loi qui est là, ne cherche pas à corriger les abus d’Internet. Elle souhaite en réalité censurer. Ce dont nous avons besoin, camarade Tarso Genro, c’est peut-être de modifier le Code Civil, c’est peut-être de modifier certains choses. Ce dont nous avons besoin, c’est de responsabiliser les personnes qui travaillent sur le numérique, sur Internet. C’est de responsabiliser, mais pas d’interdire ou de condamner.

C’est l’intérêt de la police de faire une loi qui permette d’entrer chez les gens pour savoir ce qu’ils sont en train de faire, et même de saisir les ordinateurs. Mais ce n’est pas notre intérêt, ce n’est pas possible.

Je voulais donc, mon cher Marcelo, vous dire qu’aujourd’hui, je ne sais pas ce qu’en ont pensé mes camarades, pour moi, aujourd’hui a été un jour magnifique, magnifique, car j’ai un conseiller spécial, qui s’occupe de la question numérique, un ami de Marcelo, j’ai… Le gouvernement a dix ministres qui parlent d’implantation numérique.

Implantation numérique sont les mots les plus « sexys» du gouvernement, vous savez ? Les mots les plus « sexys », tout le monde les prononce.

J’avais donc besoin d’un coordinateur qui parle un langage rien que pour moi, et j’ai mis le camarade César Alvarez, qui est un habitant d’ici, du Rio Grande do Sul, un supporter du club de foot l’Internacional, qui vient juste de faire match nul contre le Corinthians mercredi, pour le plus grand plaisir des gaúchos. Olívio Dutra est conseiller et je lui ai demandé d’en parler avec les dirigeants de l’International : « le score est de zéro à zéro, c’est bon pour nous, Olívio, il n’y a aucun problème ! »

Mais avec cette coordination, nous essayons d’avancer.

Je voulais seulement vous dire une chose Écoutez, il ne me reste plus qu’un an et demi de mandat, plus qu’un an et demi. C’est important que vous observiez ce que nous avons fait et qui a besoin d’être perfectionné. Et il faut que vous observiez ce que nous ne sommes pas encore parvenus à faire, et que vous nous aidiez à le faire.

Car le problème du gouvernement n’est pas toujours un problème d’argent. Les gens jonglent parfois avec des centaines d’activités, et ces nouveautés passent alors au second plan, et c’est pour cela que nous avons une coordination.

Et nous allons voir, camarades, si, avec tous ces chiffres que Dilma a mis à votre disposition dans le but de faire entrer ce pays dans l’ère numérique, de faire que en sorte que les enfants de la banlieue aient les mêmes droits, le même accès à Internet, que les enfants de riches, de pouvoir s’informer, de pouvoir se déplacer librement dans ce monde qu’est Internet, nous pouvons y parvenir.

Soyez sûr d’une chose, Marcelo : nous ne connaissons pas tout, nous n’en connaissons qu’une partie. Tout seul, peut-être que vous non plus vous ne connaissez pas tout, vous ne connaissez qu’une partie. Mais si chacun de vous partage un peu de ce qu’il sait, on pourra construire un tout qui manque aux gens, pour définitivement et véritablement d?mocratiser ce pays, et pour que tous soient libres d’agir pour le bien.

La majorité est faite de gens biens. Nous n’allons pas nous énerver parce que de temps en temps un fou dit quelque chose. Il y a même un site qui propose la mort de Lula.

Ce n’est pas un problème, ceux qui proposent la vie sont infiniment plus nombreux. Infiniment plus nombreux.

Je voulais donc vous proposer d’entrer dans ce « couloir polonais » et de voir cette palette extraordinaire de garçons et de filles qui, je pense, ont tous moins de 25 ou 30 ans.

Pour que les gens puissent sortir d’ici et dire haut et fort : « Ce pays s’est finalement trouvé lui-même. Ce pays a finalement le goût de la liberté d’information ».

Je vous embrasse et vous souhaite de passer un bon Xème Forum du Logiciel Libre.

l’auditoire : logiciel libre ! logiciel libre !




Pour que La Quadrature du Net continue à écrire la doc et les pages man d’Internet

La Quadrature va-t-elle jetter l’éponge ? C’est le cri qu’a poussé Benjamin Bayart hier sur son blog.

Rien de tel que de se remémorer alors son intervention, en juillet dernier aux Rencontres Mondiales du Logiciel Libre de Nantes, où il explique pourquoi La Quadrature a besoin de notre soutien.

Et de laisser ensuite la parole à un Jérémie Zimmermann éloquent quant au sens donné à leur action : « S’appuyer sur notre expertise pour écrire la doc et les pages man de l’outil que l’on a bâti et que l’on veut préserver : Internet ».

PS : Et comme on ne peut plus s’en passer, il y a également une vidéo bonus de Stallman en fin d’article 😉

—> La vidéo au format webm

Transcript

Jérémie Zimmermann : Je pense que les sociologues, ethnologues et autres bidulogues se pencheront sur la question, s’ils ne le font pas déjà. De voir que c’est nous, la bande de geeks, qui allons retourner les parlements.

Alors nous la bande de geeks, on est ceux qui connaissons le mieux Internet, ceux qui l’utilisons tous les jours depuis plus longtemps que tout le monde, et ceux qui en quelque sorte l’avons fabriqué. Et donc on peut dire sans se vanter qu’on a une expertise en la matière, un expertise en matière d’Internet et des technologies numériques.

Et c’est intéressant de voir que l’on utilise spécifiquement notre expertise dans quelque chose que l’on a bâti. Pour le préserver tel qu’on le connaît aujourd’hui et tel qu’on aime à l’utiliser aujourd’hui.

Et j’aimerais me livrer ici a un parallèle peut-être un petit peu hasardeux. Je sais que pas grand monde aime la politique, ou en tout cas la politique telle qu’elle existe aujourd’hui, à base de spectacle et de petites phrases, de connards bronzés qui ne connaissent pas leurs dossiers et qui raisonnent à coups de sondages, etc.

Mais la politique, la vraie, c’est pas ça. C’est s’intéresser à la vie de la cité. Et pour s’intéresser à la vie de la cité, pour participer, il faut précisément transmettre son expertise, transmettre sa connaissance.

Et donc notre rôle, ce que l’on fait tous les jours dans ces campagnes, on transmet l’expertise que l’on a de l’outil que l’on veut préserver.

Mais transmettre de l’expertise, c’est un petit peu de la communication, et c’est un petit peu un truc que les geeks ne savent pas bien faire en général.

Et le parallèle hasardeux que je vais faire, c’est dire qu’en gros ce que l’on est en train de faire. c’est faire la doc et faire les pages man qui vont avec l’outil qu’on a développé.

Et que nous les geeks, on sait qu’on n’aime pas faire les pages man, et qu’on n’aime pas rédiger la doc. Et le problème c’est que si on ne les fait pas, le projet ne va pas décoller et il n’ira pas très loin. Et donc voilà, à vos éditeurs de texte quoi !

Benjamin Bayart : On ne peut pas laisser les parlementaires écrire tout seul le manuel d’Internet, ça ça va pas être bon, va falloir qu’on s’en mêle…

Soutien de Richard Stallman à La Quadrature du Net

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Vidéo : Richard Stallman à Paris pour la présentation de sa biographie autorisée

Les éditions Eyrolles ont organisé une rencontre avec Richard Stallman, le 12 janvier dernier dans leur librairie parisienne, à l’occasion de la sortie du livre Richard Stallman et la révolution du logiciel libre (que l’on peut d’ores et déjà précommander).

Cette intervention est désormais disponible sur le compte Eyrolles d’OpenVideo, l’espace Dailymotion spécialement dédié au format libre et ouvert Ogg[1].

Nous avons choisi d’en extraire le premier quart d’heure et vous le proposer ci-dessous dans la mesure il présente l’équipe du projet et nous offre un Richard Stallman au cœur du livre, puisqu’évoquant (non sans humour) son passé et ses premières expériences informatiques.

Par ordre d’apparition :

  • Muriel Shan Sei Fan d’Eyrolles – émérite éditrice du livre et animatrice de la rencontre
  • Pierre-Yves Gosset (alias Pyg) – émérite et indispensable salarié de Framasoft (et qui remplaçait mon absence)
  • Christophe Masutti – émérite chef d’orchestre de la traduction et de la communication avec Richard Stallman
  • Et, last but not least, Richard Stallman himself of course !

—> La vidéo au format webm

Pour la suite de la conférence, rendez-vous donc sur Dailymotion.

Transcript de l’intervention de Richard Stallman

Bonsoir, quand Christophe m’a proposé de relire le texte et corriger les erreurs pour la traduction française, je pensais que peut-être ce serait un petit travail. Mais quand j’ai lu le texte, j’ai vu qu’il fallait beaucoup de changements, beaucoup de corrections, mais je ne voulais pas qu’il devienne mon autobiographie.

Et comment l’éviter, c’était une tache délicate et j’ai décidé de maintenir toutes les citations, sauf quelques unes qui n’avaient rien à voir avec moi, et de maintenir toutes les impressions personnelles de Sam Williams, quand présentées comme telles. Et comme ça je devais garder son point de vue aussi, dans le livre que vous avez devant vous.

Et je n’ai pas éliminé les critiques. J’ai corrigé des faits erronés et j’ai répondu aux critiques, mais je les ai pas supprimés.

Je suis un personnage controversé. Et maintenant (avec ce livre) vous pouvez voir les deux côtés de la controverse, dont la première édition ne contenait souvent qu’un seul côté.

Le livre commence avec ma jeunesse. Je ne veux pas dire en beaucoup à ce sujet, mais j’ai vu (pour la première fois) un ordinateur quand j’avais 16 ans, à IBM, et j’ai commencé à vraiment programmer. Une année plus tard, je suis allé à l’Université Harvard à Cambridge. Et j’ai commencé à programmer dans le laboratoire de Harvard, mais c’était un système social tyrannique. Beaucoup de hiérarchie.

Et donc j’ai trouvé au MIT un autre laboratoire d’informatique avec (bien plus de) liberté. Où il ne s’agissait pas de qui tu étais, mais de ce que tu pouvais faire. J’y ai aussi rencontré le logiciel libre, parce que dans le laboratoire d’Intelligence Artificielle (IA) du MIT, tous les logiciels que nous utilisions étaient libres.

Le système d’exploitation était libre, puisqu’en ce temps-là il était développé par les hackers du laboratoire. Et j’étais moi-même engagé à participer à leur équipe pour améliorer le système. C’était l’emploi idéal pour moi, à l’époque.

Il fallait améliorer le monde. Et comment ? c’était à moi de la décider, mais en conversation avec les autres, bien sûr.

Donc j’ai appris à faire beaucoup de choses, mais aussi j’ai appris à apprécier la liberté, à apprécier les Droits de l’Homme.

Liberté, parce que chacun était libre. Égalité, parce dans le laboratoire d’IA du MIT le pouvoir ne s’employait pas. Tout le monde était égal, mais tout le monde devait participer dans la recherche et aider les autres, c’était donc la fraternité aussi.

Quand je faisais des changements dans le système, ce n’était pas seulement selon mon goût mais je faisais attention a ce que les utilisateurs me disaient. Et comme ça j’ai découvert que c’était possible une vie libre dans l’informatique.

Mais sous la pression commerciale, cette communauté du logiciel libre disparut. Et je devais décider que faire.

J’avais l’option facile, le chemin facile de participer dans le logiciel que nous appelons aujourd’hui le logiciel privateur, le logiciel qui prive la liberté des utilisateurs, qui est un instrument de tyrannie. Mais je ne voulais, cela aurait été une vie odieuse.

Donc j’ai décidé de rejeter cette vie pour construire une nouvelle communauté de liberté, (une communauté) du logiciel libre. Et il fallait commencer presque à zéro.

J’ai ainsi annoncé en 1983 le projet de développer le système d’exploitation GNU. « GNU’s Not Unix », un acronyme récursif, l’humour du programmeur. De toute manière, l’esprit du hacker c’est de faire des blagues même dans les choses les plus sérieuses. Comme tenter de libérer le monde de l’informatique, la chose qui serait la plus importante de ma vie si elle avait du succès. Mais en même temps le monde peut être un blague. « Ha Ha Only Serious ».

Et nous avons plus ou moins réussi. Le système GNU marche assez bien aujourd’hui avec le noyau Linux, dans la combinaison GNU et Linux. Nous avons des interfaces graphiques libres, nous avons des outils bureautiques libres, bien que quand je dis le mot « bureautique », je pense à « l’érotique dans le bureau ».

Mais nous n’avons pas encore gagné, parce que nous n’avons pas encore libéré tous les utilisateurs de l’informatique. La grande majorité continue (d’être) sous le pouvoir des entreprises comme Microsoft, Apple, Adobe et beaucoup d’autres. Donc nous avons encore beaucoup de travail à faire pour que tout le logiciel soit libre, pour que tous les utilisateurs soient libres…

Notes

[1] Richard Stallman n’accepte plus que ce format pour être filmé. Le site NetEco l’a ainsi appris à ses dépends dans 15 minutes avec Richard Stallman : « Cet entretien aurait dû être publié en format vidéo, cependant, sur demande de Richard Stallman ce dernier a été retranscrit. En effet, M. Stallman n’accepte la publication de vidéo qu’au format libre Ogg Theora. »




Biographie de Richard Stallman : Un peu de teasing en vidéo (version longue)

Le 21 janvier 2010 va donc sortir la « biographie autorisée » de Richard Stallman aux éditions Eyrolles. Et autant vous prévenir tout de suite, comme c’est un évènement de taille pour nous, on risque d’y revenir souvent ces prochains jours sur ce blog.

Dans un précédent billet nous dévoilions simplement la couverture du livre. Aujourd’hui ce n’est plus une minute mais carrément quarante-cinq minutes d’attention qui sont requises si vous voulez en savoir plus (mais alors pour le coup, beaucoup, beaucoup plus).

Il s’agit de la vidéo de l’intervention que nous avons donné l’été dernier aux Rencontres Mondiales du Logiciel Libre de Nantes. La conférence s’intitulait, avec la modestie qui nous caractérise, « La passionnante histoire d’un livre sur Richard Stallman ».

Mais quand bien même ce titre ne soit qu’un clin d’œil à un film célèbre, on peut cependant se risquer à affirmer que nous sommes en face d’un projet pour le moins original. D’abord parce qu’il s’agit du ouvrage collaboratif sous licence libre signé chez un éditeur classique, mais aussi et surtout parce qu’il est plutôt rare de voir le sujet même d’une biographie décider de corriger et modifier sa propre biographie à l’occasion de sa traduction !

La conférence balaie la chronologie du projet et met en scène quatre des principaux acteurs impliqués. Par ordre d’apparition :

  • Alexis Kauffmann (Framasoft), à l’initiative du projet
  • Christophe Masutti (Framasoft), animateur principal du projet
  • Chloé Girard (La Poule ou l’Œuf), pour le logiciel de rédaction et publication du projet
  • Muriel Shan Sei Fan (Eyrolles), l’éditrice du projet

—> La vidéo au format webm

Autres liens de téléchargement (torrents inclus)




Un autre monde musical est possible nous dit Trent Reznor

On peut voir le document que nous vous présentons aujourd’hui comme la majeure contribution du Framablog au débat actuel sur le trop fameux projet de loi « Création et Internet », qui porte si mal son nom. Nous sommes en effet fiers de vous proposer la traduction (sous-titrage et transcription écrite ci-dessous) d’une conférence qui apporte comme un grand bol d’oxygène à la période tendue et crispée que nous sommes en train de traverser.

Oui, avec du talent et de l’imagination, on peut (économiquement) réussir dans la musique en dehors des circuits traditionnels (comprendre avant tout les Majors du disque) en utilisant à plein les extraordinaires potentialités d’Internet pour se mettre directement en relation avec son public.

C’est ce que démontre le parcours de l’artiste Trent Reznor, chanteur des Nine Inch Nails, brillamment analysé ici par Mike Masnick, dont le blog décrypte les tendances des nouveaux médias sociaux.

Cette conférence d’une quinzaine de minutes a été donnée en janvier dernier au MIDEM 2009 de Cannes. L’étrange équation énoncée, « CwF + RtB = $$$ », tient de la formule magique mais elle est pourtant simple à comprendre pourvu qu’on accepte la nouvelle donne et surtout les nouvelles règles du jeu.

N’ayez pas peur, disait l’autre. Nous ne sommes plus ici dans le monde des « pirates » à éradiquer mais dans celui, passionnant, de ceux qui ouvrent la voie d’un nouveau paradigme…

—> La vidéo au format webm

Trent Reznor et l’équation pour de futurs modèles économiques de la musique

Trent Reznor And The Formula For Future Music Business Models

Mike Masnick – 17 janvier 2008 – TechDirt
(Traduction Framalang : Don Rico, Joan, Yostral)

Je suis Mike Masnick, mon entreprise s’appelle Floor64. Voici notre site web : nous avons diverses activités, travaillons avec différentes entreprises, les aidons à comprendre les tendances des nouveaux médias sociaux et à établir un lien avec les communautés auxquelles elles s’adressent.

On me connaît surtout, quand on me connaît, pour TechDirt, le blog que nous publions sur Floor64. Voilà à quoi ça ressemble. Sur ce blog, j’aborde très souvent le sujet de l’industrie musicale et de l’industrie du disque, et j’ai notamment beaucoup écrit sur les initiatives de Trent Reznor et les modèles économiques qu’il applique et expérimente depuis quelque temps. Ces billets sont bien sûr à l’origine de cette intervention : « Pourquoi Trent Reznor et Nine Inch Nails représentent l’avenir de l’industrie musicale ».

Nous sommes un peu en retard car nous devions commencer à 11h45. Chez moi, en Californie, il est 2h45 du matin. Je souffre du décalage horaire, comme d’autres ici je pense, alors pour qu’on reste éveillés, je vais faire défiler que 280 diapos au cours de cette intervention, car je pense qu’en gardant un rythme soutenu on ne s’endormira pas trop vite. Mais pendant ces 280 diapos je vais quand même aborder quelques points importants sur les actions de Trent Reznor et expliquer pourquoi les modèles économiques qu’il expérimente représentent vraiment l’avenir de la musique.

Sans plus attendre, rentrons dans le vif du sujet.

Chapitre 1

Que ce soit volontaire ou pas, je n’en sais d’ailleurs rien, il semblerait que Trent Reznor ait découvert le secret d’un modèle économique efficace pour la musique. Ça commence par quelque chose de très simple : CwF, qui signifie « Créer un lien avec les fans ». Ajoutez-y une pincée de RtB : « Une Raison d’acheter ». Associez les deux, et vous obtenez un modèle économique. Ça parait très simple, et beaucoup pensent que ça n’a rien de sorcier. Mais le plus stupéfiant, c’est la difficulté qu’ont d’autres à combiner ces deux ingrédients afin de gagner de l’argent, alors que Trent Reznor, lui, s’en est sorti à merveille, à de nombreuses reprises, et de nombreuses façons.

Tout a commencé quand il était encore signé chez une major. Il a appliqué ce modèle de façon très intéressante sur l’album Year Zero, en 2007. Avant la sortie de l’album, il a établi un lien avec ses fans en organisant une sorte de chasse au trésor, ou un jeu de réalité virtuelle. Voici le dos du t-shirt qu’il portait pendant la tournée de 2007. Certaines lettres des noms de ville sont en surbrillance : en les isolant puis en les remettant dans l’ordre, on obtient la phrase « I am trying to believe ». Certains ont été assez futés pour assembler la phrase et y ajouter un « point com ». Puis ils sont allés sur le site « Iamtryingtobelieve.com » et se sont retrouvés dans un jeu de réalité virtuelle, qui était assez marrant. Voici qui a apporté un gros plus à l’expérience générale pour les fans et permis d’établir avec eux un lien qui allait au-delà de la seule musique.

Du coup, les fans étaient plus impliqués, motivés et impatients. Il est allé plus loin encore : vous approuverez ou pas, tout dépend de l’endroit où vous êtes assis dans la salle. Ça a mis en rogne la maison de disque de Reznor, parce qu’il s’est amusé à mettre de nouveaux morceaux sur des clés USB qu’il abandonnait ensuite par-terre dans les toilettes à chaque concert qu’il donnait. Les fans trouvaient ces clés USB dans les différentes salles de concert, les ramenaient chez eux, les branchaient sur leur ordinateur et y trouvaient de nouveaux morceaux de Nine Inch Nails, et bien sûr ils les partageaient.

De cette façon, le groupe a impliqué les fans, les a motivés et les a mis dans tous leurs états. Les seuls à ne pas avoir été ravis, c’était la RIAA, qui a envoyé des messages d’avertissement pour de la musique que Trent Reznor lui-même distribuait gratis. Ça, ce n’est pas un moyen d’établir un lien avec les fans, mais plutôt de se les mettre à dos.

Trent Reznor continuait donc à donner aux gens des raisons d’acheter alors qu’il refilait lui-même sa musique. Quand l’album est sorti, le CD changeait de couleur. On le mettait dans le lecteur, et en chauffant la couleur du disque changeait. C’est gadget, mais c’était assez sympa et ça donnait aux fans une raison d’acheter le CD, parce qu’on ne peut pas reproduire ça avec un MP3.

C’était un exemple simple datant de l’époque où il était encore sous contrat avec une major, mais passons au…

Chapitre 2

Après cet album, il n’avait plus de maison de disque, et a préféré voler de ses propres ailes, s’aventurant alors sur les terres soi-disant dévastées de l’industrie musicale d’aujourd’hui. Pourtant ça ne lui a pas posé problème, car il savait qu’en créant un lien avec les fans et en leur donnant une raison d’acheter il pouvait créer un modèle économique efficace. Il a donc commencé par l’album Ghosts I-IV, et il a créé des liens avec ses fans en leur offrant plusieurs choix, au lieu d’essayer de leur imposer une façon unique d’interagir avec sa musique. On avait différentes options, et il leur a donné une raison d’acheter en proposant une offre améliorée.

Je vais rapidement énumérer ces options. À la base, il y avait un téléchargement gratuit. L’album comptait 36 morceaux. On pouvait télécharger gratuitement les 9 premiers, et les 36 étaient sous licence Creative Commons, donc il était possible de les partager légalement. Bref, quand on voulait les télécharger gratuitement sur le site de NIN, on n’avait que les neuf premiers. Pour 5 dollars, on recevait les 36 morceaux et un fichier PDF de 40 pages. 5$ pour 36 morceaux, c’est beaucoup moins cher que le modèle d’iTunes à 1$ par chanson. Pour 10$, vous receviez une boîte avec deux CDs et un livret de 16 pages. 10 $ pour une boîte de 2 Cds, c’est pas mal. Mais ça, beaucoup d’autres le font, tout le monde applique ce principe de musique offerte et de vente de CDs à prix raisonnable sur le site.

Ce qui est intéressant, c’est ce qu’il a proposé en plus. Là, on commence par un coffret édition deluxe à 75 dollars, qui contenait tout un tas de choses. C’était une sorte de coffret, mais centré sur ce seul album et qui contenait un dvd et un disque blu-ray, un beau livret, le tout fourni dans une boîte sympa. 75$, bonne affaire pour des fans qui veulent vraiment soutenir Reznor. Mais le plus intéressant, c’était le coffret ultra deluxe édition limitée à 300 $.

Comme on le voit sur ce site, tous ont été vendus. Il y a tout un tas de suppléments dans ce coffret. Voici à quoi ça ressemblait.

Là encore, on trouve le contenu du coffret de base, plus d’autres trucs. Mais ce qui est vraiment important, c’est qu’il n’a été tiré qu’à 2500 exemplaires, et que tous étaient dédicacés par Trent Reznor. Le tout coûtait 300$, mais c’était exceptionnel, unique, et ça ajoutait de la valeur à la musique. Les 2500 ont été vendus, ce qui n’a rien d’étonnant. Mais ce qui est impressionnant, c’est la vitesse à laquelle ils sont partis. Moins de 30 heures. Faites le calcul : ça donne 750 000 dollars en 30 heures pour de la musique qu’il donnait gratuitement.

Rien que la première semaine, si l’on inclut les autres offres, ils ont encaissé 1,6 million de dollars, là encore pour de la musique qu’ils distribuaient gratuitement, sans label, mais c’était vraiment une façon de créer un lien avec les fans, de leur donner une raison d’acheter, et de trouver un modèle économique efficace. Même si c’était gratuit et qu’on pouvait tout télécharger légalement une fois les morceaux mis en ligne sur des sites de Torrent ou de partage de fichiers, voici ce qu’a publié Amazon la semaine dernière : la liste de leurs meilleures ventes d’albums au téléchargement en 2008, où Ghosts I-IV arrive en tête.

Donc, voici un album gratuit qui en une seule semaine a rapporté 1,6 million de dollars, et qui a continué à bien se vendre sur Amazon tout le reste de l’année. On se rend bien compte qu’ici, la question ce n’est pas le prix. Le fait que l’album soit disponible gratuitement ne signifie pas la fin du modèle économique, il n’y a pas lieu de s’inquiéter. Tant que l’on crée un lien avec les fans et qu’on leur donne une raison d’acheter, il y a de l’argent à se faire.

Chapitre 3

Dans cette série d’expériences, deux mois seulement après Ghosts I-IV est sorti The Slip, et cette fois-ci c’était complètement gratuit, il suffisait de donner son adresse e-mail et on pouvait le télécharger en entier. Un lien de plus avec les fans. Les téléchargements étaient de qualité, on avait le choix entre des versions MP3 ou lossless. Pas du tout le principe « on vous file gratis la version merdique, passez à la caisse pour une meilleure version ». Encore une fois, il a essayé d’innover pour créer un lien plus fort avec les fans.

Voici les données de TopSpin, qui fournissait l’infrastructure pour les téléchargements, et qui a créé ces cartes sympas sur Google Earth pour qu’on voit d’où tous les autres téléchargeaient. Pas forcément utile, mais c’était chouette, et ça contribuait à construire la communauté, à créer un lien avec les fans. En parallèle, le jour de la sortie de The Slip, ils ont publié la liste des concerts pour la tournée 2008. On pouvait donc télécharger la musique, l’écouter, et aussitôt acheter des places.

Bien entendu, Reznor et NIN on toujours veillé à ce qu’il y ait une raison d’acheter des billets : ils ne donnent pas de simples concerts, mais offrent un spectacle complet. Ils jouaient devant un grand écran et amenaient plein d’idées afin d’en faire une expérience passionnante pour les fans, et les fans en redemandent. Ils sont emballés à l’idée d’aller à ces concerts, et pas seulement parce qu’ils vont voir Trent Reznor jouer. Bien sûr, Reznor n’en faisait pas profiter que NIN. Il y avait des premières parties sur la tournée, et il a enregistré un disque samplé, téléchargeable gratuitement lui aussi, avec des fichiers de bonne qualité de morceaux des différents groupes qui jouaient en première partie, permettant ainsi aux fans de créer un lien et leur donnant des raisons d’acheter des places de concerts pour aller voir ces groupes s’ils leur plaisaient.

Là encore, même si l’album était gratuit, il a donné d’autres raisons d’acheter en pressant l’album sur CD et vinyl, avec un tas de contenu supplémentaire dans une édition limitée et numérotée. On en revient au procédé de Ghosts I-IV, avec des tas de suppléments. J’insiste sur ce point parce que c’est vraiment important.

Chapitre 4

On n’a parlé que de sortie d’album, mais ces règles ne s’appliquent pas seulement quand on sort un album. Il faut créer un lien avec les fans tout le temps, sans discontinuer. Voici le site Web de Reznor, où il a mis en place des tas d’idées intéressantes, et je vais passer vite dessus parce qu’il y a beaucoup de choses, mais le lien se crée en permanence. Quand on se connecte, on voit les nouveautés, et puis on trouve les fonctions habituelles : de la musique à écouter, des outils communautaires comme les forums, les tchats. Mais il y a aussi des éléments moins évidents. Par exemple ce flux de photos, qui proviennent de Flickr. Ces photos ne sont pas toutes des clichés du groupe prises par des pros, mais ceux que les fans mettent sur Flickr sont regroupés sur le site. Ainsi on peut voir ce que les autres voyaient aux concerts où vous êtes allés, ou à ceux que vous avez manqué.

Il offre aussi des fonds d’écran que l’on peut télécharger, sous licence Creative Commons. On peut les retoucher, et d’ailleurs vous remarquerez que les images d’illustration que j’utilise sont justement tirées de ces fonds d’écran, légèrement modifiés pour que ça rentre sur les diapos. Dans le même esprit que les photos Flickr, il y a les vidéos. En gros, les fans filment des vidéos avec leur téléphone mobile, les mettent en ligne sur YouTube, et elles sont toutes regroupées sur le site. Pas de problème de procès, pas d’avertissements, pas de réclamations de la part de YouTube, les vidéos servent juste à créer du lien avec les fans, à leur donner une raison d’acheter.

Sur le site, on peut aussi télécharger des fichiers bruts, et NIN encourage les fans à les remixer, à les écouter, à les noter, à les échanger, ce qui implique vraiment les fans.

Autres idées amusantes : des concours, par exemple des tickets cachés qu’il faut trouver sur le site, des coordonnées indiquant l’emplacement de places gratuites pour un concert que NIN donnait dans un tunnel d’égout à Los Angeles. Il a mis sur son site une enquête de 10 pages à remplir, ce qui a permis d’élaborer un profil complet de ses fans. Mais le plus intéressant, c’est le courriel qu’il a envoyé, assez long comme vous le voyez, qui a montré que Reznor est proche de ses fans, ce qui hélas est rare dans l’industrie musicale.

À suivre

Passons au dernier chapitre. Je l’intitule « À suivre » plutôt que « Dernier chapitre », parce que c’est loin d’être fini. Reznor continue en permanence à expérimenter de nouvelles idées. Pas plus tard que la semaine dernière, j’ai dû compléter cette intervention, en espérant qu’il allait calmer le rythme de ses expérimentations, parce que ça commençait à être dur de maintenir cette présentation à jour. Il a publié un billet sur son blog expliquant sur le ton de la plaisanterie avoir été contacté par un mystérieux groupe d’agitateurs qui avaient filmé trois concerts et mis en ligne les rushes, des rushes en haute définition. Il y en a pour 450 gigas de rushes. La plupart des disques durs n’ont pas une telle capacité, et ça m’étonnerait que beaucoup d’entre vous ici aient 450 Go sur votre portable. Et puis il y a les fournisseurs comme ComCast qui limitent la bande passante à 250 Go par mois, voire TimeWarner qui descend encore plus bas, à 5 Go par mois. Et voilà Reznor qui refile 450 Go de vidéo HD et déclare : « Je suis sûr que des fans entreprenants vont nous mitonner un truc sympa ». Ça c’est vraiment un super moyen de créer le lien avec les fans, de leur donner une raison d’acheter, et c’est ce qui donne le modèle économique.

On peut voir ça sous un autre angle : au lieu de signifier Connect with Fans, CtW pourrait être l’acronyme de Compete With Free (NdT : le Gratuit Compétitif) et Rtb, au lieu de Reason to Buy, peut être l’abréviation de Retour au Business. Au lieu de se plaindre sans cesse du piratage et de diaboliser les nouvelles technologies, il vaut mieux s’efforcer de trouver un modèle économique qui fonctionne.

Ce qu’il faut retenir, c’est que ça fonctionne pour de bon, sans qu’il y ait besoin de recourir aux licences collectives, aux DRM ou aux procès. Techniquement parlant, et c’est ce qui agace certains, il n’y a pas besoin de recourir aux droits d’auteur pour que ça marche: il suffit de créer le lien avec les fans et de leur donner une raison d’acheter.

Ce qu’il faut retenir aussi, c’est que ça vaut pour tous les musiciens, connus ou moins connus. Je me suis concentré sur Reznor, parce que c’est le sujet de mon intervention, mais des tas de petits groupes appliquent ce même modèle. En gros, Reznor ne fait qu’ouvrir la voie pour des tas d’autres et permettre que ça fonctionne. Quant aux autres, ils ne plagient pas, ils ne se contentent pas de copier les idées de Reznor. Ils partent de la recette de départ pour l’adapter à leur façon, et ça fonctionne aussi pour eux sans qu’ils aient à se soucier des licences, des DRM ou des procès. Pas de problème de copyright. Ils ne leur reste qu’à se concentrer sur l’avenir, sur la musique, et à inventer les modèles économiques qui fonctionnent de nos jours.

Voilà, j’ai expliqué dans cette intervention pourquoi Trent Reznor et NIN représentent l’avenir de l’industrie musicale. Si vous souhaitez me contacter, voici mes deux adresses e-mail.

Merci.




Quand Serge Soudoplatoff nous parle d’Internet

Quand Serge Soudoplatoff nous parle d’Internet (et des mutations organisationnelles qu’il engendre) c’est non seulement accessible au grand public mais c’est surtout tout à fait passionnant.

Très à l’aise devant son auditoire, Serge Soudoplatoff réussit la gageure de partir un peu dans tous les sens (avec exemples, citations et anecdotes à l’appui) tout en restant cohérent avec sa ligne directrice.

Une intervention de 45 minutes donnée le 4 juillet 2008 au CEDAP et intitulée : « Comment Internet change nos organisations »

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Pour en savoir plus sur l’auteur, rendez-vous sur son blog et en attendant voici une courte et caustique présentation telle qu’elle apparait sur AgoraVox.

Serge Soudoplatoff est vraiment né le 27 décembre 1954 par une longue nuit d’hiver. Les loups hurlaient dans la steppe. Sa mère, bretonne, lui apporta le goût du beurre et son père, russe, celui de la vodka. Cela perdure.

Après des études très primaires, qui devinrent vite secondaires, c’est en passant à Paris dans la rue de la Montagne Ste Geneviève en septembre 1973 que, la porte étant ouverte, il entra par hasard dans une prestigieuse école française. A sa sortie, trois ans plus tard, il se dirigea vers la cartographie, confondant dessiner le monde et le changer. Après 5 ans de recherches et de voyages à l’Institut Géographique National, il décida de quitter le traitement de l’image pour s’intéresser à celui de la parole dans un centre de recherche français, et américain, d’un grand constructeur d’ordinateurs. Après 5 ans de voyages et de recherches à IBM, il décida que la parole à une dimension ne valait pas mieux que l’image à deux, et se résigna à ne plus traiter que des problèmes ponctuels, en devenant directeur d’un centre de recherche en informatique dans une grande SSII. Après 5 ans à Cap Gemini Innovation, il alla mettre en réseau le monde de la recherche et celui des entreprises dans une association, le Cercle pour les projets Innovants en Informatique. C’est là qu’il comprit le passage de l’information à l’innovation, l’articulation entre l’informatique et la sociologie et la psychologie.

Ceci le fit bizarrement atterrir à la direction de l’innovation de France Telecom, où il s’est employé pendant trois ans à rendre concrètes les profondes mutations qu’engendre le monde Internet.

Il a finalement décidé de se muter lui-même en devenant fondateur d’une entreprise en essaimage de France Telecom, Highdeal, puis en créant Almatropie, dédiée à convaincre de l’importance d’Internet.




Espéranto et logiciel libre

L’espéranto m’a toujours fasciné et si j’avais eu sept vies comme les chats, j’en aurais certainement consacré une à son apprentissage. Et ce n’est pas cette conférence qui me fera changer d’avis. Bien au contraire, elle vous pousserait presque à modifier vos plans (et vos bonnes résolutions 2009) pour vous y mettre dès le lendemain.

Intitulée malicieusement Linux, l’espéranto des logiciels / L’espéranto, le Linux des langues elle a été donnée par Tim Morley en juillet 2005 dans le cadre des RMLL de Dijon. Voici ce qu’en disait Thomas Petazzoni sur son blog : « Cette conférence a été vraiment animée de manière excellente par Tim, un anglais maîtrisant très bien le français et l’espéranto. Il a pu présenter ce qu’est l’espéranto, et surtout les points communs entre les valeurs de l’espéranto et celles du logiciel libre. »

Tim Morley est le chef de projet de la traduction d’OpenOffice.org en espéranto. Ne vous arrêtez ni à la durée (env. 1h) ni à la piètre qualité sonore de l’enregistrement car cette vidéo est vraiment très intéressante et méritait bien qu’à la faveur de notre projet Framatube, nous lui donnions une nouvelle visibilité.

—> La vidéo au format webm