Les géants du Web nous veulent du bien

Lourdement mises en cause pour avoir laissé les agences gouvernementales accéder aux données de leurs clients, les grandes entreprises du Web ont vite senti qu’elles risquaient gros à passer aux yeux du monde entier pour des complices de l’espionnage de masse. Elles ont donc défendu leur position avec une belle énergie en clamant leur bonne foi : elles auraient été les victimes non consentantes des intrusions de la NSA.

Dans cette recherche d’une crédibilité essentielle pour leur survie économique — car à chaque utilisateur perdu c’est la monétisation d’un profil qui disparaît, elles multiplient les déclarations hostiles aux pressions, de plus en plus fortes aux USA, pour limiter voire interdire le chiffrement de haut niveau, comme pour leur imposer des portes dérobées. C’est ce que nous pouvons voir dans cette compilation réunie par l’EFF.

L’Electronic Frontier Foundation est une organisation non gouvernementale qui mène depuis vingt-cinq ans un combat sur de multiples fronts pour les libertés numériques, comme le fait La Quadrature du Net, qui est un peu son équivalent pour la France et l’Europe.

À lire cette suite d’extraits choisis, on hésite un peu à donner pleine absolution à toutes ces entreprises à but parfaitement lucratif. Ces déclarations sont-elles sincères, et surtout sont-elles concrètement suivies d’effets ? Sciemment ou non, elles ont laissé l’espionnage s’installer au cœur de leur activité, et même au cœur d’un système d’exploitation hégémonique. Aujourd’hui elles voudraient préserver le chiffrement comme outil indispensable aux transactions économiques, soit. Mais on sait bien que par ailleurs elles n’ont guère de scrupules à faire commerce de nos données privées. Ce que ces entreprises états-uniennes redoutent surtout c’est que l’administration Obama (elle-même sous la pression des agences d’espionnage) « tue le business ».
Quoi qu’il en soit, l’EFF trouve en elles des alliées inattendues puissantes pour faire pression sur le plan politique : l’enjeu est de taille et peut justifier une aussi paradoxale alliance de circonstance. En effet, le chiffrement fort, attaqué par de nombreux gouvernements dans le monde sous prétexte de sécurité, demeure un rempart qui protège nos libertés numériques.

Où en sont les grandes entreprises du numérique sur la question du chiffrement ?

Une comparaison des positions affichées par 21 des plus importantes entreprises du numérique

Article original sur le site de l’EFF : Where Do Major Tech Companies Stand on Encryption?
Traduction Framalang : Luke, Obny, goofy, KoS, Niilos, McGregor

En ce moment même une bataille décisive fait rage autour du chiffrement.

Les services de police essaient d’imposer des « portes dérobées » (backdoors) pour accéder à nos données et nos communications sensibles, tandis que les groupes de défense des libertés individuelles répliquent par une campagne intitulée SaveCrypto. Quant au président Obama, il s’efforce de trouver un compromis, en évitant de donner à ces demandes la force d’une loi, mais en continuant de façon informelle à faire pression sur les entreprises pour qu’elles fournissent un accès sans chiffrement aux données qu’elles récoltent.

Où en sont donc les entreprises du numérique sur ce front ?

Elles sont les seules à être à la fois en position de connaître et de résister aux pressions officieuses exercées par le gouvernement pour qu’elles donnent accès aux données de leurs utilisateurs. Nous leur offrons sur un plateau de gigantesques quantités de données sensibles tout en leur faisant confiance pour qu’elles les gardent en sécurité. Quelles sont les entreprises qui souhaitent afficher publiquement leur opposition aux portes dérobées ?

Nous avons rassemblé les politiques publiques des 21 plus importantes entreprises du numérique pour que vous puissiez les comparer. Certaines des déclarations proviennent de notre rapport annuel Who has your back et quelques-unes de blogs et de rapports sur la transparence issus des entreprises..

Voyez plutôt vous-même :

Adobe

Adobe n’a aménagé de « porte dérobée » pour aucun gouvernement – ni étranger ni américain – dans ses produits et ses services. Toutes les demandes du gouvernement pour obtenir des données de nos utilisateurs doivent passer par la grande porte (c’est-à-dire en menant suivant une procédure légale valide auprès du département juridique approprié d’Adobe). Adobe s’oppose vigoureusement à toute législation aux USA ou à l’étranger qui affaiblirait de quelque manière que ce soit la sécurité de nos produits ou la protection de la vie privée de nos utilisateurs.

Amazon

Alors que nous reconnaissons qu’il est légitime et nécessaire pour les autorités de mener des enquêtes sur le crime et les activités terroristes, qu’il est nécessaire de coopérer avec les autorités quand elles respectent le cadre légal pour mener de telles investigations, nous sommes opposés à une législation qui interdirait les technologies de sécurité et de chiffrement ou les soumettrait à une demande d’autorisation, cela aurait pour effet d’affaiblir la sécurité des produits, systèmes et services qu’utilisent nos clients, qu’ils soient des particuliers ou des entreprises.

Apple

De plus, Apple n’a jamais travaillé avec quelque agence gouvernementale de quelque pays que ce soit pour créer des « portes dérobées » dans nos produits ou services. Nous n’avons non plus jamais permis à un quelconque gouvernement d’accéder à nos serveurs. Et nous ne le ferons jamais.

L’entreprise Apple mérite d’être saluée pour sa prise de position encore plus ferme contre les portes dérobées sur son nouveau site consacré au respect de la vie privée qui explique la politique de l’entreprise. Cette nouvelle déclaration indique :

Le chiffrement sécurise des milliers de milliards de transactions en ligne chaque jour. Que ce soit en passant commande ou en payant, vous utilisez du chiffrement. Vos données sont transformées en un texte indéchiffrable qui ne peut être lu que si on dispose de la bonne clé. Depuis plus de dix ans nous protégeons vos données avec SSL et TLS [liens ici] dans Safari, FileVault pour Mac, et le chiffrement qui existe par défaut dans iOS. Nous refusons également d’ajouter des portes dérobées au moindre de nos produits parce qu’elles sapent les protections que nous avons mises au point. Et nous ne pouvons déverrouiller votre appareil pour personne parce que vous seul en avez la clé, votre unique mot de passe. Nous sommes résolus à utiliser un chiffrement fort parce que vous devez avoir la certitude que les données que contient votre appareil et les informations que vous partagez avec d’autres sont protégées.

Comcast

Comcast ne soutient pas la création de portes dérobées extra-légales ou l’insertion délibérée de failles de sécurité, dans les logiciels open source ou autres, pour faciliter la surveillance sans procédure légale appropriée.

Dropbox

Les gouvernements ne devraient jamais installer de portes dérobées dans les services en ligne ou compromettre les infrastructures pour obtenir des données personnelles. Nous continuerons à travailler pour protéger nos systèmes et pour changer les lois afin d’établir clairement que ce type d’activité est illégal.

Nous constatons également que partout dans le monde, des administrations essaient de limiter les mesures de sécurité comme le chiffrement sans pour autant faire de progrès sur le renforcement de la protection légale que méritent les gens. Il en résulte les gouvernements demandent actuellement des informations sur une toute petite partie de nos clients, mais cherchent de plus en plus à perturber l’équilibre entre vie privée et sécurité publique d’une manière qui concerne tout le monde.
Comme nous le disions précédemment, les autorités ont parfois besoin d’accéder aux données privées pour protéger les citoyens. Cependant, cet accès devrait être réglementé par la loi et non en réclamant des « portes dérobées » ou en affaiblissant la sécurité de nos produits et services utilisés par des millions de clients respectueux de la loi. Ceci devrait concerner chacun d’entre nous.

Pinterest

Pinterest s’oppose aux portes dérobées contraintes et soutient les réformes visant à limiter les demandes de surveillance de masse.

Slack

La transparence est une valeur clé pour nous et une caractéristique importante de Slack lui-même. C’est cet engagement pour la transparence qui amène mon dernier point – Slack s’oppose aux portes dérobées des pouvoirs publics de toutes sortes, mais particulièrement aux exigences des gouvernements qui pourraient compromettre la sécurité des données.

Snapchat

La confidentialité et la sécurité sont des valeurs essentielles chez Snapshat, et nous nous opposons fermement à toute initiative qui viendrait affaiblir la sécurité de nos systèmes. Nous nous engageons à gérer vos données de manière sécurisée et mettrons à jour ce rapport tous les six mois.

Sonic

Enfin, nous déclarons publiquement notre position concernant l’inclusion forcée de portes dérobées, failles de sécurité volontaires ou divulgation de clés de chiffrement. Sonic ne soutient pas ces pratiques.

Tumblr

Sécurité : nous croyons qu’aucun gouvernement ne devrait installer de portes dérobées dans les protocoles de sécurité du web, ou encore compromettre l’infrastructure d’internet. Nous combattrons les lois qui permettraient cela, et nous travaillerons à sécuriser les données de nos utilisateurs contre de telles intrusions.

Wickr

Nous croyons au chiffrement robuste et généralisé et exhortons le gouvernement des États-Unis à adopter des normes de chiffrement fort pour assurer l’intégrité de l’information des particuliers, des entreprises et des organismes gouvernementaux à travers le monde.

WordPress

Certains gouvernements ont récemment cherché à affaiblir le chiffrement, au nom de l’application de la loi. Nous sommes en désaccord avec ces suggestions et ne croyons pas qu’il soit possible d’inclure une quelconque faille de sécurité délibérée ou autres portes dérobées dans les technologies de chiffrement, même pour le « seul » bénéfice des services de sécurité. Comme l’a dit un sage, « il n’existe pas de faille technologique qui puisse être utilisée uniquement par des personnes bienveillantes respectueuses de la loi ». Nous sommes entièrement d’accord.

Yahoo

Nous avons chiffré beaucoup de nos principaux produits et services pour les protéger de l’espionnage des gouvernements et autres acteurs. Ceci inclut le chiffrement du trafic entre les centres de données de Yahoo ; l’utilisation de HTTPS par défaut sur Yahoo Mail et la page d’accueil de Yahoo ; et l’implémentation de règles de bonne pratique en matière de sécurité, y compris le support de TLS 1.2, de la Confidentialité persistante et d’une clé RSA 2048 bits pour la plupart de nos services tels que la page d’accueil, la messagerie et les magazines numériques. Nous avons également mis en place une extension de chiffrement de bout en bout (e2e) pour Yahoo Mail, disponible sur GitHub. Notre but est de fournir une solution de chiffrement e2e intuitive à tous nos utilisateurs d’ici la fin 2015. Nous sommes engagés sur la sécurité de cette solution et nous opposons aux demandes de l’affaiblir délibérément ainsi que tout autre système de chiffrement.

Credo Mobile, Facebook, Google, LinkedIn, Twitter, WhatsApp, et la Wikimedia Foundation ont tous signé une lettre proposée par l’Open Technology Institute (OTI) qui s’oppose à l’affaiblissement volontaire des mesures de sécurité :

Nous vous exhortons à rejeter toute proposition poussant les entreprises américaines à affaiblir délibérément la sécurité de leurs produits… Que vous les appeliez portes avant ou portes dérobées, le fait d’introduire délibérément des vulnérabilités à usage gouvernemental dans des produits sécurisés à l’intention du gouvernement rendra ces produits moins sécurisés face à d’autres attaquants. Tous les experts en sécurité qui se sont exprimés sur cette question sont d’accord, y compris ceux du gouvernement.

Que pouvons-nous en conclure ? Il existe une très forte opposition des entreprises technologiques aux portes dérobées imposées.

La semaine dernière, l’EFF, accompagnée d’une coalition formée d’entreprises technologiques et de groupes de défense des libertés, a lancé SaveCrypto.org, une pétition en ligne où les parties concernées peuvent faire savoir au président Obama que l’administration devrait se prononcer en faveur d’un chiffrement fort. Alors qu’Obama a clarifié sa position initiale, il a aussi promis de répondre à toute pétition qui recueillerait plus de 100 000 signatures. Cela signifie qu’il est encore temps pour de l’influencer.

Dans une ère de piratage omniprésent et de violation des données sensibles, il est temps pour le président Obama d’écouter les utilisateurs d’Internet et les entreprises qui se battent pour la sécurité des utilisateurs et leur vie privée.

Vous pouvez ajouter votre voix à la pétition ci-dessous.
https://savecrypto.org/

ViePrivee




Framadrop : envoyez de gros fichiers en toute sécurité !

Envoyer un email, c’est bien. Mettre en pièce jointe l’ensemble de ses photos de vacances c’est… trop volumineux. Au mieux, vous remplirez la boite email de vos destinataires en moins de temps qu’il en faut pour dire “Tux” ; au pire, ça ne marchera pas. Mais ne vous inquiétez pas, il y a un Framachin pour ça : Framadrop.

Héberger ses fichiers sur les disques durs de GAFAM…

Même le framacat n’y arrive pas.

Pierre et Dominique Dupuis-Morizeau veulent envoyer la vidéo des premiers pas de leur petiot, mais ça ne passe pas dans l’email. Aucune envie de mettre cette vidéo sur YouTube ou Facebook, pour que leurs logiciels de reconnaissance faciale enregistrent déjà le visage du chérubin… La seule solution, c’est qu’ils hébergent le fichier vidéo et en partagent le lien de téléchargement. L’héberger oui… mais où ?

MégaUpload a fermé, Mega l’a remplacé, mais quelle maîtrise a-t-on vraiment des fichiers qu’on dépose sur son compte…? WeTransfer semble bien pratique, mais jusqu’à quand laisseront-ils la vidéo sur leur disques durs ? Et d’ailleurs où se trouvent ces disques durs, hein ? Qui peut y accéder, et voir la vidéo à son tour…? Le FBI peut-il repérer la grande sœur du nouveau marcheur, qu’on aperçoit au fond de la vidéo ?

Héberger ses fichiers, c’est forcément les mettre sur le disque dur de quelqu’un d’autre. D’une entreprise qui pensera plus à ses profits qu’à la protection de notre vie privée. Comment cet hébergeur peut-il nous assurer qu’il ne farfouille pas dans nos données ? Quel outil peut nous permettre d’avoir vraiment confiance ?

Le chiffrement, c’est maintenant

N’utilisez pas le terme “crypter”, les geeks n’aiment pas ça. Mais vous comprenez l’idée : Framadrop prend le fichier que vous voulez héberger sur nos serveurs, le chiffre dans votre navigateur jusqu’à le rendre incompréhensible, puis l’envoie sur nos disques durs. Il ne vous reste plus qu’à copier/coller le lien de téléchargement dans un email et à l’envoyer à qui bon vous semble.

Seules les personnes qui ont la clé de ce fichier (incluse dans le lien que vous leur emailez, et de telle façon qu’elle n’est jamais envoyée à notre serveur) peuvent le télécharger et le déchiffrer (cela se fait automatiquement, parce que votre navigateur web est carrément bien foutu). Nous n’avons pas cette clé. Nous ne pouvons savoir ce que vous hébergerez chez nous. Car nous avons une confidence à vous faire : on ne veut pas savoir. Si, si : on s’en fiche ! Ce sont vos fichiers, c’est votre problème. Nous, on vous propose simplement un outil qui fonctionne bien et un peu d’espace disque pour les faire transiter.

Pour cela, il vous faut juste un navigateur qui va bien. Cela fonctionne avec tous les navigateurs implémentant l’API WebSocket : Firefox, Chrome, Safari, Opera, et même normalement Internet Explorer à partir de la version 10. Framadrop, quant à lui, est basé sur le logiciel Lufi, une nouvelle variante de Lutim, lui-même étant basé sur Lstu, de l’infatigable Luc Didry… Un logiciel Libre, que vous pouvez installer chez vous en un tour de main !

Hébergé selon votre besoin, et pas pour toujours

Seulement voilà : si on se fiche de vos données, quel est l’intérêt de garder vos fichiers éternellement ? Avec Framadrop, c’est vous qui décidez : un jour, une semaine, un mois… Vous nous dites quand nous effaçons vos fichiers, et cela sera fait automatiquement. Non seulement nous n’avons jamais pu savoir ce qu’ils contenaient, mais en plus nous ne les aurons plus.

animation CC-By-SA Gee
animation CC-By-SA Gee

 

Comment allons-nous gérer tout ça pour que les frama-serveurs n’explosent pas sous la charge ? Il y a une astuce : plus vos fichiers sont gros, moins de temps vous pourrez les conserver sur nos disques durs. Une vidéo de 2 Go sera stockée moins longtemps que 100 Mo de photos. Cela comporte deux avantages non négligeables.

Premièrement, nous pouvons garantir (sauf énorrrme succès !) que nous aurons toujours de l’espace disque à partager avec la communauté (sans être squattés par un Pouhiou qui voudrait y conserver éternellement les rushes de ses 24 vidéos : on t’a vu :p !)

Ensuite, Framadrop ne deviendra pas le nouveau MegaUpload où seront stockés épisodes de séries en HD et autres blockbusters. Bon, OK, vous pouvez les y mettre si ça vous chante, mais ils n’y resteront pas plus de 48h… alors quel intérêt ? Chers ayants droit, nous ne sommes pas là pour inciter les gens à télécharger ou partager (ils n’ont pas besoin de nous 😉 ), nous voulons simplement qu’ils puissent partager leurs fichiers lourds facilement avec leurs proches.

Hébergez-le, utilisez-le et aidez-nous.

Carte2015-victoiresNotre instance de Lufi intègre nos règles… Rien ne vous empêche d’avoir les vôtres. Fastoche : il vous suffit de l’héberger ! Nous vous proposons, bien évidemment, un tutoriel pour vous aider à proposer votre instance, et votre façon de voir l’hébergement temporaire de fichiers chiffrés.

Nous avons déjà constaté que plus un logiciel est utilisé, plus on lui découvre des possibilités, des capacités et donc de la valeur. Les projets libres, eux, peuvent gagner des utilisateurs et des développeurs. Si vous voulez participer au code de Lufi, le logiciel derrière Framadrop, lancez-vous ! Il vous suffit d’aller sur son dépot git

En attendant, nous sommes heureux de vous proposer ce projet. Pensez à partager Framadrop autour de vous, à le faire connaître à tous vos ami-e-s qui utilisent encore Mega ou WeTransfer… Nous n’aurions jamais eu les moyens de proposer Framadrop sans les dons dont nous bénéficions (et qui sont défiscalisables, en plus), alors si vous le pouvez, pensez à nous soutenir afin que nous puissions maintenir ce projet, et tous ceux de la campagne dégooglisons.

 




Framaboard : les libristes ont réinventé le tableau blanc… mais en mieux !

Nous aimons les beaux outils qui permettent de s’organiser pour collaborer… mais trop souvent, ce sont des services qui en profitent pour en apprendre beaucoup sur nous. Beaucoup plus en tout cas que ce que nous voudrions leur confier ! Voici un nouvel exemple d’alternative libre qui vous permettra de maîtriser vos projets sans êtres pistés.

Trello c’est bien gentil…

organized cat…mais c’est centralisé ! Trello, un service de gestion de projets, n’est sans doute pas le plus imposant des services que l’on souhaite voir « dégooglisé » mais il n’en reste pas moins un service propriétaire basé aux États-Unis. Les données qu’on lui confie sont donc transférées on-ne-sait-où et ça, en bons Gaulois que nous sommes, ça nous met hors de nous.

Nous avons donc relevé le défi de vous proposer une alternative LEDS à Trello. Celle-ci repose sur le logiciel Kanboard développé par le très productif Frédéric Guillot. Initié au début de l’année 2014, le projet n’a cessé de grandir avec toujours plus de nouvelles fonctionnalités. C’est parce qu’il nous semblait être robuste, de qualité et avec une forte communauté derrière que nous avons fait le choix de Kanboard. De plus, sa simplicité d’installation en fait un candidat de choix pour notre mission d’essaimage !

C’est sous le nom de Framaboard que nous vous proposons ce nouveau service : https://framaboard.org/.

Post-it et colonnes : la magie du kanban

Framaboard est un outil de gestion de projets se basant sur la méthode Kanban qui consiste à déplacer des tâches (sous forme de post-it) dans différentes colonnes (habituellement « En attente », « Prêt », « En cours », et« Terminé »).

Pour vous aider à y voir plus clair, on vous a concocté deux petits exemples qui vous parleront mieux que de longs discours.

Exemple n°1 : l’association des philatélistes de la petite ville de Sotteville-lès-Rouen organise sa kermesse de Noël.

Noël approche et c’est l’occasion de créer un événement pour renflouer les caisse de l’association et se réunir joyeusement. Cela demande de l’organisation et quoi de mieux qu’un outil de gestion de projets pour partager les tâches ?

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Exemple n°2 : Cécile Novelli et Fanny Dupuis-Morizeau vont se marier !

Elles ont donc inscrit toute la famille (mais surtout tata Jeannine et tonton Roger) sur leur Framaboard pour préparer ensemble le plus beau jour de leur vie.

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Un endroit rien qu’à vous

Sur Framaboard.org, on vous propose de créer un espace dédié à vos activités. C’est-à-dire qu’en vous créant un compte sur Framaboard, vous disposerez d’une URL rien qu’à vous (https://dupuis-morizeau.framaboard.org/ par exemple). Dans cet endroit rien qu’à vous, vous êtes administrateur et vous avez la main sur toute la configuration de votre Framaboard : on ne vous met volontairement aucune restriction !

Aussi, vous pouvez inviter des amis pour travailler ensemble : inutile de créer un nouvel espace, l’outil est multi-utilisateurs de base. Par exemple, une association n’aura qu’à créer un seul Framaboard et créer ensuite autant d’utilisateurs qu’il y a de membres au sein de celle-ci.

animation CC-By-SA Gee
animation CC-By-SA Gee

Il est important de noter que deux comptes Framaboard (avec deux URL différentes donc) ne peuvent pas communiquer entre eux. Si vous possédez un compte et qu’un ami souhaite travailler avec vous mais possède lui-même un compte, il vous faudra quand même créer un nouvel utilisateur au sein de votre espace Framaboard à vous.

La documentation saura répondre à vos questions d’utilisateurs et vous aider à utiliser ce nouveau service. Nous tenons tout particulièrement à remercier l’équipe de Framalang qui l’a traduite en Français !

Installez-le, hébergez-le pour les autres et aidez-nous à diffuser cet outil.

Carte2015-victoiresLe but de Framasoft n’est pas de centraliser tous les services du monde sur ses serveurs (on aurait bien du mal de toutes façons !) et nous sommes toujours contents lorsque que quelqu’un arrive à se passer de nos services. Si vous souhaitez auto-héberger votre propre outil de gestion de projets, nous vous invitons à consulter notre article publié dans la catégorie « Cultiver son jardin » pour installer Kanboard.

Si vous n’avez pas les capacités (ou l’envie) d’héberger votre Kanboard, nous pouvons bien sûr vous héberger nous-mêmes. Si vous voulez nous donner un petit coup de pouce malgré tout, nous vous rappelons que Framasoft ne vit que par vos dons. On vous le rabâche peut-être souvent, mais le succès de cette campagne ne tient qu’à ce fil ténu. Avec 5 nouveaux services ce mois-ci, ce n’est pas une mince affaire ! Alors profitez de la déduction d’impôts et n’hésitez pas à nous faire un petit don (petit rappel utile : un don de 10€ ne vous coûtera que 3,40€)




MyPads : l’alternative de Framasoft à Google Docs

Vous connaissez déjà probablement Framapad. En vous offrant, à portée de clic, la possibilité de collaborer sur un texte à plusieurs clairement et aisément, nos installations du logiciel Etherpad ont eu un succès tel qu’elles se sont multipliées sur nos serveurs.

Il manquait néanmoins une fonctionnalité importante à ces pages d’écriture collaborative en ligne : la possibilité de créer vos dossiers, et de travailler en groupe de manière privée et organisée. Grâce à un financement collaboratif, nous avons pu engager un développeur pour travailler sur ce point, et le résultat s’appelle : MyPads.

Google Docs & Microsoft 365 envahissent vos écrans

spy-catDans l’informatique utilisée au quotidien, le traitement de texte est bien souvent l’outil principal. Avec l’arrivée des services en ligne, ces logiciels que l’on n’installe pas mais qu’on utilise directement depuis un navigateur web, est apparue la possibilité d’utiliser le même logiciel à plusieurs, en même temps. Les géants du Web l’ont bien compris, et ont rapidement mis les moyens pour proposer de telles solutions : de Google Docs à Microsoft 365, on peut désormais écrire, montrer et modifier un texte à plusieurs.

Bien entendu, ces entreprises ne sont pas des philanthropes, et ces opportunités ont un prix. Microsoft vous enferme dans des formats fermés, des fichiers que tout le monde ne peut pas lire, et vous rend dépendant de son abonnement mensuel. Google, lui, fait dans le gratuit, car chez lui c’est vous le produit : vos données et fichiers GoogleDocs sont une manne d’information publicitaire très rémunératrice pour la deuxième capitalisation boursière au monde.

Mais peut-on vraiment demander à sa classe d’ouvrir un compte Google, et donc de livrer ses données, afin de pouvoir travailler ensemble sur un exposé ? Que penser quand une ville italienne décide de revenir chez Microsoft afin d’éviter les problèmes qu’on a avec les .docx et l’installation d’un « cloud » ? Est-ce qu’une telle dépendance aux GAFAM est acceptable lorsqu’on gère les documents d’une administration, d’une classe, d’un syndicat, d’une association… ?

animation CC-By-SA Gee
animation CC-By-SA Gee

Mypads : un besoin financé par la communauté

Le Libre apporte déjà des réponses. Etherpad est un puissant logiciel de traitement de texte collaboratif en ligne, et qui permet une personnalisation facile grâce à ses extensions. Mais Etherpad n’offrait pas encore de solution permettant de créer un compte avec ses dossiers, ses listes d’utilisateurs ou ses pads… des fonctionnalités pourtant très demandées et attendues des utilisateurs.

C’est pour créer une telle extension qu’en juillet 2014, nous avons proposé une campagne de financement participatif. Le Libre ne dispose pas des moyens financiers ni du poids d’un GAFAM. Mais nous sommes une communauté qui sait qu’en se rassemblant, on peut faire de grandes choses. Qui sait aussi que développer du code coûte du temps, du savoir-faire et donc de l’argent. Que « Libre » ne signifie pas « Gratuit ».

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C’est un mode de financement et un modèle économique qui correspondent vraiment à nos valeurs (et à la partie « Solidarité » de notre charte). Quelques personnes (413, pour être précis) ont mis en commun des fonds pour qu’on suive le développement du plug-in par un prestataire, que l’on rende des comptes (ce que l’on a fait régulièrement sur le Framablog) et finalement qu’on publie un logiciel directement dans le pot commun, au bénéfice de toutes et de tous.

Le résultat, le voici aujourd’hui.

Découvrez MyPads, et travaillez entre vous dans un espace privé

MyPads, c’est donc ce fameux plug-in, cet ajout à Etherpad qui vous permet d’avoir vos documents rangés dans un dossier en fonction des personnes avec lesquelles vous travaillez. Bien entendu, nous sommes fiers de vous le proposer avec Framapad, afin que vous puissiez l’utiliser à loisir (et pourquoi pas, finir par l’installer sur vos propres serveurs).

Cela fonctionne très simplement, en 4 étapes :

  1. Rendez-vous sur http://mypads.framapad.org et créez-vous un compte ;
  2. puis connectez-vous à votre compte et créez votre premier dossier ;
  3. ensuite, créez autant de pads que vous voulez dans ce dossier ;
  4. n’hésitez pas enfin à inviter autant de personnes que vous voulez dans ce dossier, que ce soit par leur e-mail et/ou par leur identifiant MyPads. Ils devront cependant déjà posséder un compte MyPads pour pouvoir rejoindre votre dossier.

mypads5
et, bien entendu, il y a un chat…

Et voilà, vous pouvez désormais collaborer de manière simple et privée sur vos documents, et les retrouver en un tournemain. Nous imaginons déjà les professeurs qui se créeront un dossier par classe puis inviteront leurs élèves à collaborer sur cet outil sans craindre qu’on ne siphonne leurs données. Mais aussi l’association sportive ou culturelle qui créera un dossier par commission (le dossier “événements”, le dossier “ateliers”, le dossier “conseil d’administration”…)

Les fonctionnalités de MyPads sont étendues (plus de 10.000 lignes de code ont été nécessaires à son développement !), et nous n’allons pas les énumérer ici. Sachez simplement qu’elles ont été faites pour vous aider à classer et à retrouver aisément les pads et dossiers que vous avez crées comme ceux où vous avez été invités ; mais aussi et surtout pour vous donner toute latitude de gérer cet espace privé de création comme vous l’entendez.

À vous de vous en emparer et de soutenir MyPads

Bien entendu, cette extension MyPads n’est pas réservée à Framapad… Vous pouvez d’ores et déjà l’installer vous-même sur votre instance d’Etherpad. Nous avons tenu à ce que ce soit un plug-in Etherpad pour une raison simple : qu’il soit très facile d’installation, directement depuis l’interface d’Etherpad, et que vous puissiez ainsi en faire profiter ainsi votre famille, ou vos collaborateurs quels qu’ils soient.

Le code est, bien entendu, aussi ouvert que Libre, et vous pouvez le retrouver sur notre dépot git afin de remonter un bug, d’y suggérer une amélioration, d’y proposer une traduction ou un apport ! Car si nous allons continuer à en suivre de très près l’évolution, ce code vous appartient désormais autant qu’à nous, et ce grâce à la générosité des 413 contributeurs et contributrices qui en ont financé la création (que des milliers de chatons leur tombent dans les bras, mais métaphoriquement parlant, sinon ça griffe).

les impatient-e-s peuvent cliquer sur l'image pour aller se créer un compte ;).
les impatient-e-s peuvent cliquer sur l’image pour aller se créer un compte ;).

Framasoft veut aussi en profiter pour remercier chaleureusement Fabien, qui a travaillé d’arrache-pied à son développement ; et toutes les personnes qui nous soutiennent, partagent nos projets et nous financent de leurs dons depuis des années. C’est, notamment, grâce à vos dons récurrents qu’on peut se projeter sur l’avenir et mener ainsi des projets sur un long terme.

À vous, désormais, de dégoogliser votre entourage en lui faisant goûter à MyPads !




Framadrive, conservez et synchronisez 2 Go sur nos serveurs

Il faut rester honnête : Dropbox est un service qui a su populariser l’usage du stockage et partage de fichiers dans les nuages, en proposant une « première dose gratuite. »

Dropbox, Google Drive, Icloud, OneDrive : tout le monde veut vos fichiers

Image de nos ami-e-s de la FSFe
Image de nos ami-e-s de la FSFe

Comme Google Drive, Icloud et Microsoft OneDrive, tout le principe de Dropbox repose sur le degré de confiance qu’on peut accorder à une société (ici DropBox.Inc) dont les clauses d’utilisation peuvent être changées jusqu’à s’autoriser le scannage et l’usage des fichiers que vous leur confiez. Bien évidemment, personne (à part ces GAFAM) ne connaît le code des logiciels qu’ils utilisent, et donc personne d’autre qu’eux ne peut en vérifier les failles de sécurité (ou les portes dérobées). Enfin, les relations douteuses que peuvent entretenir de tels hébergeurs avec les autorités limitent grandement les droits universels à la vie privée et à la liberté d’expression, en particulier lorsque nos données sont hébergés aux USA, sous l’autorité étasunienne.

Plusieurs alternatives libres existent et proposent des solutions pour avoir cette fameuse « clé USB en ligne », ce dossier synchronisé avec un serveur hébergé par soi-même ou son organisation (nombre d’entreprises ont déjà compris ces enjeux). Là encore, le logiciel Libre est une solution de premier ordre, parce que l’accès au code source permet de monitorer les failles de sécurité, d’y remédier rapidement, et de valider le degré de fiabilité du système. À ce titre Owncloud présente de nombreux avantages bien compris par de nombreuses organisations et c’est aussi la raison pour laquelle Framasoft a choisi de proposer cette alternative à la fois pour en faire la démonstration en tant que service et diffuser une méthode d’installation.

Et Framasoft présente : Framadrive

Chez nous la première dose ne sera pas seulement gratuite, elle sera surtout libre ! C’est sans doute, au fond, la principale différence avec les services centralisés les plus connus. Un logiciel Libre, connu, suivi… hébergé par une association rendue indépendante grâce à vos dons et qui a annoncé qu’elle n’a que faire de vos données (et ne les revendra pas, ne les transmettra pas).

Pour utiliser Framadrive, c’est simple :

  1. Créez-vous un compte sur Framadrive.org
  2. Téléchargez et installez le client Owncloud pour votre ordinateur et/ou votre mobile.
  3. Synchronisez votre compte Framadrive avec ces logiciels en mentionnant le serveur,
  4. Bravo, vous avez 2 Go d’espace sur notre disque !

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animation CC-By-SA Gee

Dans un premier temps, nous allons ouvrir 1500 comptes en mode « premier arrivé, premier servi. » Suivant le succès du service, la charge de travail que cela nous demandera, et toujours selon les moyens que vous nous donnerez nous pourrons envisager d’en ouvrir à nouveau 1500 autres.

Seulement 2 Go ? Rien que 1500 comptes…?

Oui.

Framadrive ne souhaite pas devenir le nouveau Dropbox, pas plus que Framasphère ne veut remplacer Facebook à lui tout seul (il y a plein d’autres endroits où s’inscrire à Diaspora* ; et même d’autres réseaux sociaux Libres). Tout simplement parce que nous n’en avons pas les moyens, et que Framasoft n’a nullement envie de devenir une association avec 150 employé-e-s et une armée d’étudiants faisant du street marketing pendant vos soldes histoire de vous arracher des dons. 😉

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Encore une fois, nous désirons simplement être une porte d’entrée vers des solutions Libres, Éthiques, Décentralisées et Solidaires. Si Framadrive convient et répond à vos besoins, on est ravis. Si vous voulez plus d’espace, que vous n’avez pas pu avoir de compte… ou tout simplement si après avoir goûté à cette solution Libre vous désirez votre indépendance, il y a des solutions à votre portée :

La dégooglisation ne se fera pas sans vous.

Avec Framadrive, nous voulons démontrer qu’encore une fois, le Libre propose des alternatives suffisantes et convaincantes aux services qui centralisent le web et pompes nos données. Mais cette démonstration ne servira à rien si vous ne vous en emparez pas.

C’est à vous, désormais, de partager cet article dès qu’une connaissance vous envoie un email d’invitation à Dropbox et consort. À vous de partager ces alternatives sur vos réseaux. À vous aussi, et enfin, de nous soutenir dans notre démarche et de nous aider à la poursuivre par vos dons et par vos participations

On compte sur vous pour faire vivre et de partager plus de Libre sur nos Internets.

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Dégooglisons saison 2 : ils ne savaient pas que c’était impossible, alors ils l’ont fait !

Nous l’avions annoncé l’an passé : Dégooglisons Internet est un projet sur 3 ans. Après une première année qui a dépassé toutes nos espérances, nous avons décidé d’attaquer cet « an 2 de la dégooglisation » en fanfare, en vous proposant 5 nouveaux services (et mises à jour majeures) qui seront présentés sur le Framablog tout au long de la semaine.

Mais nous ne perdons pas de vue l’essentiel : le succès de la première saison et ce que nous allons en faire dans la deuxième, c’est à vous que nous le devons.

GAFAM ne l’avait pas vu venir…

… et nous non plus ! Cette première année de Dégooglisons Internet fut rocambolesque, mais auréolée de succès ! Nous nous sommes lancés avec beaucoup d’ambitions et la crainte de ne pas y arriver, de ne pas être à la hauteur. En prenant un peu de recul sur les douze derniers mois, on peut dire que votre soutien et l’attention portée à ces thématiques furent au rendez-vous.

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Dégooglisons Internet, c’est d’abord tenter de sensibiliser le grand public (nos fameux « Dupuis-Morizeau ») aux enjeux de la centralisation du Web vers des géants privatifs que sont Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft (GAFAM pour les intimes). Outre nos interventions dans la sphère libriste (RMLL, JDLL, Open World Forum, Capitole du Libre, etc.) nous avons pu rencontrer d’autres publics (Geekopolis, Fête de l’Huma, Geek Faeries, les Alternatiba, le festival Résistances, on ne vous met pas les liens, Tonton Roger est votre ami) toujours plus concernés et intéressés par les alternatives proposées.

De grands  médias ont aussi ouvert leur portes et leur antenne à ces thématiques (Canal +, L’Humanité, France Culture, Le Soir, TV5 Monde, France Inter, France 3 Rhône Alpes…)

Grâce à vos partages d’informations et à votre mobilisation, de plus en plus de monde prend conscience des dangers que représentent les GAFAM quand ils raflent nos données et nos vies numériques. Sensibiliser est une première étape, encore faut-il démontrer qu’on peut faire autrement, proposer une alternative respectueuse, simple et fiable.

Douze mois, quinze services

Sortir de la sphère libriste, aller à la rencontre des gens, leur parler et répondre à des attentes et des inquiétudes variées est un énorme travail. Grâce au soutien des bénévoles, nous avons pu le réaliser tout en proposant et modernisant des services Libres, Éthiques, Décentralisés et Solidaires.

Ces douze derniers mois, nous avons mis à jour :

  • Framindmap, pour créer des cartes heuristiques en ligne ;
  • Framapad, avec les pads temporaires et des serveurs plus rapides ;
  • Framadate, le Doodle du libre et notre service le plus utilisé ;
  • Framacalc, le tableur en ligne (et ce malgré moult péripéties sur nos serveurs) ;
  • Framapack, l’installateur de Logiciels Libres pour windows.

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Et comme nous n’aimons pas nous reposer sur nos acquis, nous avons en plus sorti :

  • Framasphère, le réseau social (apportant ainsi 18 000 nouveaux inscrits sur le réseau mondial Diaspora*) ;
  • Framabin, pour partager des messages et du code de manière chiffrée ;
  • Framalink, un raccourcisseur d’URL qui vous respecte ;
  • Framapic, pour héberger vos images sans que l’on en connaisse la teneur (grâce au chiffrement !) ;
  • Framabee, le (méta-)moteur de recherche qui anonymise vos requêtes Google et autres ;
  • Le git de Framasoft, un espace libre pour collaborer sur du code ;
  • Framagames, parce qu’on aime bien se détendre et jouer de temps en temps ;
  • Framabookin, un moyen simple de proposer votre bibliothèque en ligne (et nous on l’a fait !).

Ce qui porte le nombre de services alternatifs proposés par Framasoft à… quinze, en comptant Framanews et Framabag… Oui, on est comme ça, nous : quinze à la douzaine !

Une semaine Dégooglisons (et encore plus à venir)

La route est longue, mais comme la voie est libre… ce n’est pas le moment de flancher ! Nous avons relevé nos manches pour vous montrer concrètement que nous continuons dans la direction que nous nous sommes fixée, en vous proposant dès aujourd’hui cinq nouveautés qui vont vous être détaillées sur le framablog tout au long de la semaine…

  • Lundi 5 octobre (aujourd’hui) sort Framadrive. Basé sur Owncloud, ce service montre qu’on peut se passer de Dropbox (et Google drive, One drive, etc.) en vous offrant 2 Go d’espace sur nos serveurs pour stocker, synchroniser et partager vos fichiers comme bon vous semble.
  • Mardi 6 octobre, Framapad accueillera la version finale du plug-in MyPads. Vous vouliez organiser vos documents collaboratifs ? Vous vouliez des groupes privés et des pads rien qu’à vous ? C’est possible, et ce grâce au financement participatif qui nous a permis de faire développer cette solution qui manquait cruellement aux utilisateurs.
  • Mercredi 7 octobre, nous vous présenterons Framaboard, l’outil idéal pour organiser vos projets. Imaginez un tableau blanc, avec des colonnes et des post-its. Imaginez maintenant qu’on y ajoute la puissance logicielle, celle de Kanboard, et vous comprendrez que cet outil ravira les associations, PME… et même les familles qui souhaitent organiser, par exemple, un mariage !
  • Jeudi 8 octobre, Framadate vous présente son nouveau lifting ! Avec un code entièrement réécrit (c’est peut-être un détail pour vous, mais pour nous… ) et de nouvelles fonctionnalités inspirées par vos nombreux retours sur le service le plus utilisé chez Framasoft ; le « Doodle » du libre revient plus fort que jamais.
  • Vendredi 9 octobre, nous lancerons Framadrop, un service d’hébergement temporaire de fichiers entièrement chiffré. Vos photos de vacances (ou la vidéo de l’échographie du petit dernier) ne passent pas dans l’email ? En utilisant Framadrop, vous avez l’assurance de pouvoir les faire passer par nos serveurs sans qu’on puisse savoir ni consulter quoi que ce soit.

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Et ce n’est pas tout. Tout au long de cette année scolaire, nous continuerons de sortir des services Libres, Éthiques, Décentralisés et Solidaires. Dans nos framacartons, nous avons un service de pétitions en ligne, un autre pour faire des formulaires, une grosse envie de nous attaquer à Skype et consorts, de vous proposer un éditeur de sites web, des moyens de prendre des décisions en ligne ou encore de partager et collaborer sur vos agendas…

L’important c’est d’essaimer

Le seule faiblesse de notre campagne, l’année dernière, c’est de ne pas avoir assez expliqué nos intentions (parce que, pour nous, elles sont évidentes 😉 ). Nous ne voulons pas remplacer Google, ni GAFAM, pour « Framasoftiser Internet ». Bien entendu, nous n’en avons pas les moyens… ni l’envie : devenir une asso avec plus d’employés que de bénévoles, très peu pour nous ! Notre but est simplement de sensibiliser les gens, de démontrer que le Libre offre des solutions et alternatives viables, et qu’un maximum de gens y goûtent.

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Le troisième point essentiel de notre campagne, c’est d’essaimer. Bien entendu, nos tutoriels sont là pour vous aider et vous inciter à installer ces logiciels sur vos serveurs pour vous, votre famille, votre association, votre entreprise ou administration… Mais on peut aller au-delà.

Nous pensons donc initier dans quelques mois un nouveau projet pour soutenir cette envie d’essaimer, favorisant l’auto-hébergement et la visibilité de cette offre de services libres, en France comme à l’étranger. Bref, cette année encore, la route est longue… mais la voie est Libre !

Le succès de cette campagne est entre vos mains

Ce n’est pas de la démagogie, c’est notre quotidien. On propose des outils, et leur succès ne dépend que de vous. www.degooglisons-internet.org est un outil pour expliquer à votre entourage les dangers de la GAFAM-isation du web et de nos vies numériques. C’est vous qui, en le partageant, en faites un outil utile et utilisé. Les enjeux sont importants : plus il y aura de monde qui se libérera de ces services centralisateurs et privatifs, plus nos données à tou-te-s seront en sécurité.

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Ce travail effectué, nous n’aurions jamais pu le faire sans vous. Depuis début 2015, nous avons lancé un forum des bénévoles, les Framacolibris. Toutes les participations que vous apportez nous enlèvent une pierre du sac à dos pour l’ajouter à ce formidable édifice que nous construisons ensemble. Toute l’équipe de Framasoft tient à remercier, du fond de nos petits cœurs de libristes, ces personnes qui donnent de leur temps et de leur talent pour participer à ce projet qui, sans elles et eux, aurait été impossible.

Et puis n’oublions pas le nerf de la guerre : les sous ! Framasoft vit principalement grâce à vos dons, qui nous permettent de payer les salariés, les serveurs et les frais de déplacements afin que nous poursuivions cette incroyable aventure. Ce mode de financement nous donne aussi une indépendance totale et précieuse. Cette année encore, nous avons besoin de votre soutien, parce que sans lui tout le projet périclitera.

Nous n’y arriverons pas sans vous, mais nous avons le rêve fou d’y arriver ensemble… Vous nous suivez ?




Et si nous concevions une informatique pour le grand public  ?

Conference_Benjamin_Sonntag_17_mai_2014_2_CC-BY-SA_Lionel_Allorge.jpgEn mai dernier, sur l’événement « Vosges Opération Libre », j’ai eu la chance d’assister à une conférence de Benjamin Sonntag qui ne m’était pas adressée. Ce défenseur de la culture libre, du chiffrement et de la neutralité du net avait choisi de parler aux barbu-e-s, à ces personnes qui font l’informatique, qui développent nos systèmes d’exploitation, logiciels et services. Son message était simple. Si l’on veut revenir à un « ordinateur ami », celui qui ne se retourne pas contre nous pour aspirer nos données, il faut qu’un maximum de monde utilise des services décentralisés, du chiffrement et du logiciel libre.

Et pour cela, inspirons-nous des succès du logiciel libre. Firefox, VLC, Wikipédia… sont constamment utilisés par les Dupuis-Morizeau, sans que cette sympathique famille-témoin de Normandie n’aille regarder sous le capot. Coder ne suffit pas. Il faut s’efforcer d’impliquer à la source du développement des ergonomistes, des designeurs et des graphistes. Des gens qui rendront l’utilisation du libre décentralisé et chiffré tellement simple qu’elle en deviendra évidente et se répandra comme une trainée de poudre. Des gens qui sauront se mettre à la place de l’utilisateur lambda, d’une Jessica.

L’histoire de Jessica ne nous enseigne pas d’abandonner toute éducation à l’informatique, au Libre et aux sujets qui nous mobilisent. L’histoire de Jessica nous rappelle qu’il y a des personnes qui conduisent sans connaître le fonctionnement d’un moteur à explosion. Et que c’est à nous de ne pas les laisser au bord de la route.

L’histoire de Jessica

Par SwiftOnSecurity (CC-BY 4.0)
Article original paru sur le tumblr de SwiftOnSecurity
Traduction Framalang : audionuma, Penguin, Diab, nilux, Omegax, nilux, lumi, teromene, r0u et les anonymes…

Je veux que vous vous imaginiez quelqu’un pour moi. Son nom est Jessica et elle a 17 ans. Elle vit dans un petit 3 pièces avec sa mère, et elle a un vieil ordinateur portable récupéré d’un ex de sa mère. Elle s’en sert pour se connecter au portail communautaire de son lycée. Elle s’intéresse aux garçons, à l’amour et au versement de la prochaine mensualité du loyer qui permettra à sa mère et elle de garder leur logement.

Elle n’a pas d’argent pour un nouvel ordinateur portable. Elle n’a pas non plus d’argent pour le mettre à niveau. Elle ne sait même pas comment on fait ça. Elle a d’autres centres d’intérêt, comme la biologie. Ce qui l’inquiète, c’est de savoir comment elle va payer ses études à la fac, et si ses résultats seront assez bons pour, d’une manière ou d’une autre, obtenir une bourse.

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La seule personne de son entourage qui s’y connaisse en ordinateurs, c’est Josh, du cours d’anglais. Elle sait qu’il lui faut un antivirus, alors c’est à lui qu’elle demande. Il lui en propose un à 50$ par an, mais remarquant son soudain malaise, il mentionne gentiment un antivirus gratuit. Lorsqu’elle rentre à la maison, elle le télécharge et l’installe. Ça lui a demandé des efforts, ça semblait compliqué, ça a pris un peu de temps, mais il y avait maintenant une nouvelle icône rassurante en bas à droite de son écran qui indiquait « Protégé » lorsqu’elle passait sa souris dessus.

Jessica entend constamment aux infos des histoires d’entreprises piratées, de photos volées. Elle a entendu sur CNN qu’il fallait avoir un mot de passe complexe contenant quelque chose de spécial, comme un symbole dollar, alors elle obtempère. Au moins pour son compte Facebook — tout ça ne l’intéresse pas assez pour chercher comment changer les mots de passe de ses autres comptes. Ça semble tellement fastidieux, et elle est déjà assez occupée à retenir les équations abstraites de son cours de maths. Elle n’a pas envie de mémoriser une autre chaîne de caractères abstraite pour ses mots de passe. Et puis, c’est une adolescente ; son cerveau n’est doué ni pour l’organisation, ni pour prévoir et pallier les risques.

Elle a entendu parler d’un truc appelé gestionnaire de mots de passe, mais elle sait qu’il ne faut pas télécharger sur Internet. Elle ne sait pas à qui faire confiance. Une fois, elle a cliqué sur le bouton « Télécharger maintenant » pour un programme dont elle avait entendu parler aux infos, et ça l’a emmenée sur un site différent. Elle n’a pas de communauté à qui demander conseil. Et à côté de ça, elle essaie de trouver quoi porter pour son rendez-vous avec Alex samedi. Jessica se demande s’il l’aimera bien quand il la connaîtra mieux, après avoir passé du temps ensemble et parlé en tête à tête pour la première fois. Elle s’inquiète aussi de savoir s’il va briser son cœur, comme les autres.

Parfois, elle a des fenêtres qui lui demandent de mettre à jour un logiciel. Mais une fois, elle a mis à jour un truc appelé Java, et après avoir cliqué sur le E bleu qui la conduit sur Facebook, une nouvelle ligne d’icônes est apparue. Elle n’est pas sûre que ce soit lié, mais elle est du genre suspicieuse. L’ordinateur fonctionne toujours, et elle ne veut pas le casser en essayant de tirer ça au clair. Elle ne peut pas s’offrir une hotline comme Geek Squad pour 200$. C’est embêtant, mais ça fonctionne toujours. La prochaine fois que quelque chose lui demandera une mise à jour, elle dira non. Elle n’a pas besoin de nouvelles fonctionnalités, surtout si elles rendent sa fenêtre Facebook encore plus petite. Et si c’était important, elles s’installeraient toutes seules, non ? Pourquoi devraient-elles demander ? Il est 19H42, elle doit aller à son rendez-vous.

Un jour, Jessica reçoit un e-mail qui se dit être une lettre d’expulsion. Il dit aussi provenir de communication-locataires@hud.gov. Elle sait ce qu’est HUD, pour l’avoir vu sur les formulaires que sa mère remplit pour bénéficier d’une aide au paiement de l’appartement. Mais elle a entendu aux informations qu’il ne fallait pas ouvrir de fichiers inconnus. Elle s’improvise alors détective. Elle va sur le site hud.gov, et c’est bien ce à quoi elle s’attendait : le Département Américain de l’Habitation et du Développement Urbain. Elle navigue sur le site, qui ne semble pas avoir été écrit par un Russe. Elle ouvre donc le fichier. Adobe Reader s’ouvre, mais le mail dit clairement que si le document est vide, il n’y a pas à s’inquiéter. Elle essaie d’aller à la page suivante, mais il n’y en a pas. Tant pis. Elle n’en parlera pas pas à sa mère, car elle ne veut pas l’inquiéter.

Ce que Jessica ne sait pas, c’est que la lumière blanche qui a commencé à s’allumer sur son ordinateur est celle de la caméra intégrée. Elle ne sait même pas que son ordinateur a une caméra. Mais cette caméra a commencé à l’enregistrer. Et le logiciel qui enregistre sa caméra a aussi commencé à enregistrer tout ce qui s’affiche sur son écran. Y compris quand elle a envoyé à Alex les photos qu’elle a prise pour lui, lorsqu’elle est tombée amoureuse de lui. De toute façon, quand elle entre ses mots de passe, ils s’affichent sous la forme de ronds noirs. Même si quelqu’un était derrière elle et regardait son écran, il ne pourrait pas connaître son mot de passe. Elle ne sait pas que le logiciel enregistre aussi ce qu’elle tape sur son clavier. Rien ne l’a alertée. Tout comme rien ne l’a alertée que la caméra était allumée. Et le microphone.

De temps en temps, elle passe sa souris sur l’icône de l’antivirus. Ça lui dit « protégé ». Ça ne peut qu’être vrai. Après tout c’est le logiciel que Josh lui a conseillé…

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Quel est le tort de Jessica dans cette histoire ? Est-ce le fait de ne pas s’être renseignée sur les avantages de l‘Open Source et de ne pas utiliser Linux, qui est gratuit ? Est-ce le fait de ne pas avoir d’amis ou de personnes de sa famille suffisamment calées en informatique et à qui elle pourrait demander conseil ? Est-ce le fait de ne pas s’être liée d’amitié avec Josh ? Est-ce le fait d’avoir d’autres priorités dans la vie ? Est-ce le fait de ne pas savoir que les sociétés qui lui fournissent des mises à jour en profitent pour envahir son ordinateur de logiciels malveillants, et qu’elle doive systématiquement décocher une case pour ne pas les avoir ? Est-ce le fait de ne pas savoir que le protocole SMTP est une vieille technologie qui ne demande pas d’authentification ? Pourquoi n’a-t-elle pas mis de ruban adhésif devant sa webcam ? Pourquoi n’a-t-elle pas démonté son ordinateur pour en retirer le microphone ?

Peut-être que ce n’est pas de sa faute. Peut-être que la sécurité informatique pour les gens normaux n’est pas la série d’étapes faciles et de vérités absolues que nous leur assénons avec notre prétendue sagesse, et qu’ils préfèrent ignorer par mépris pour la sous-classe de nerds que nous sommes.

Peut-être que c’est le fonctionnement même de l’informatique grand public qui en est la cause. Et qui a construit ce monde de libertés, un monde qui a si bien servi à cette Jessica de 17 ans ? C’est vous. C’est nous.

Alors ? À qui la faute ?
***

Crédits photos :

Conférence Benjamin Sonntag : CC-BY-SA Lionel Allorge

Innocent Girl on Laptop : CC-BY-SA Picture Youth

Internet Surveillance : CC-BY Mike Licht.




Que reste-t-il de l’Internet que nous aimons ?

David Rovics[1] est un chanteur et compositeur américain engagé dans la tradition des Bob Dylan et Pete Seeger, il n’est pas avare de protest-songs, s’attaquant par exemple à la mondialisation, aux interventions militaires des États-Unis, aux multinationales… Il soutient divers mouvements contestataires comme Occupy Wall Street et bien d’autres. Il met son abondante discographie en libre téléchargement et déclare :

N’hésitez pas à télécharger ces chansons gratuitement. Faites-en l’usage que vous voulez. Envoyez-les à des amis, vous pouvez les graver, les copier, les passer à la radio, sur Internet, n’importe où. La musique est un bien commun. Ignorez les entreprises compères de l’industrie de la musique qui vous disent le contraire. Télécharger de musique n’est pas du vol, vous ne faites de mal à personne, je vous assure.

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Mais aujourd’hui ce n’est pas de lutte politique ni de création libre qu’il nous parle. Né en 1967, il est assez âgé pour avoir vu se succéder les phases rapides du développement d’Internet et de la manière dont la communication entre les internautes en a été facilitée ou affectée.
C’est donc un peu sur l’air de « c’était mieux avant » qu’il fait part de ses inquiétudes. Bien sûr cela peut faire sourire et il en est bien conscient. Essayons toutefois d’envisager le regard rétrospectif auquel il nous invite comme un moyen d’éclairer ce qui en en train de se produire ici et maintenant : que deviennent les collectifs de médias indépendants, les réseaux développés si facilement il y a peu avec les listes de diffusion et quelle place reste-t-il aux producteurs de contenus à l’heure où chacun est invité à déverser sur sa page Facebook une notable quantité d’importance nulle ?
À l’heure où les blogueurs francophones indépendants se raréfient ou jettent l’éponge, où les activistes du libertés numériques doivent appeler au secours pour que leur structure soit financièrement viable, faut-il se résigner à un délitement progressif des espaces fabuleux de liberté que nous offrait Internet il y a quelques années à peine ?
Il n’est pas impossible que les braises encore vives rallument la flamme. Partout des îlots de résistance aux GAFAM existent et se fédèrent parfois en archipels. À notre modeste échelle par exemple, nous avons contribué avec le beau succès de Framasphère à un regain d’intérêt pour Diaspora* comme réseau alternatif. Le tissu associatif des libristes est aujourd’hui dense, multiforme, et croise souvent la trajectoire de nombreux réseaux militants : qui sait si n’émergera pas une phase nouvelle où les Facebook et autres Twitter seront aussi has been que le sont devenus les Skyblogs[2] et autres Caramail ?

Comment Facebook a tué Internet

L’arme du crime : 10 milliards de mises à jour de nos statuts

Par DAVID ROVICS
Article original paru dans le magazine Counterpunch How Facebook Killed the Internet
Traduction Framalang : KoS, simon, goofy, Bussy, r0u

Facebook a tué l’Internet, et je suis tout à fait sûr que la grande majorité des gens ne l’ont même pas remarqué.

Je vois d’ici la tête que vous faites, vous tous, et je devine vos pensées…
— Encore un qui se plaint de Facebook. Oui je sais que c’est une énorme entreprise tentaculaire, mais c’est la plateforme que nous utilisons tous.
— C’est comme se plaindre de Starbucks. Après tout, les cafés indépendants ont été chassés de la ville et vous êtes encore accro à l’expresso, qu’est-ce qu’on peut y faire ?
— Comment ça « tué » ? Qu’est-ce qui a été tué ?

Je vais essayer de vous l’expliquer. Pour commencer je précise que je ne sais pas quelle est la solution. Mais je pense que toute solution doit commencer par identifier clairement la nature du problème.

Tout d’abord, Facebook a tué l’Internet, mais si ce n’était pas Facebook, ç’aurait été autre chose. L’évolution des réseaux sociaux était probablement aussi inévitable que le développement des téléphones cellulaires qui peuvent surfer sur Internet. C’était une évolution naturelle pour Internet.

Voilà pourquoi c’est aussi particulièrement inquiétant. Parce que la solution n’est pas Znet ni Ello. La solution n’est pas dans de meilleurs réseaux sociaux, de meilleurs algorithmes, ou des réseaux sociaux gérés par une fondation sans but lucratif plutôt que par une entreprise qui brasse des milliards de dollars. De même que la réponse à une société où chacun a sa propre voiture personnelle n’est pas d’avoir davantage de véhicules électriques. Pas plus que la réponse à une société aliénée où chacun possède son propre téléphone portable pour le regarder n’est pas de monter une compagnie de téléphone dont on serait collectivement propriétaire.

Beaucoup de gens, de la base à l’élite, sont ravis du phénomène des réseaux sociaux. je suis sûr que parmi les rares personnes qui liront ceci, certaines en font partie. Nous nous répandons en expressions comme « la révolution Facebook » et nous célébrons ces nouvelles plateformes Internet qui rassemblent les gens du monde entier. Oh je ne dis pas que ces réseaux n’ont pas divers aspects positifs. Je ne prétends pas non plus que vous devriez cesser d’utiliser les plateformes de réseaux sociaux, y compris Facebook. Ce serait comme dire à un habitant du Texas qu’il devrait aller travailler en vélo, alors que l’ensemble de l’infrastructure de chaque ville de l’État est prévue pour les 4×4.

Mais nous devrions comprendre la nature de ce qui nous arrive.
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Depuis l’époque où les journaux sont devenus monnaie courante jusqu’au début des années 1990, pour l’écrasante majorité de la population de la planète, ceux qui avaient un accès facilité à une tribune publique étaient les rares qui se préoccupaient d’écrire une lettre à son directeur de publication. Une infime portion de la population était constituée d’auteurs ou de journalistes qui accédaient ainsi à une tribune publique de façon plus ou moins occasionnelle ou régulière. Certains rédigeaient à cette époque pré-internet l’équivalent d’un billet spécial de rétrospective de fin d’année qu’ils photocopiaient et diffusaient à quelques dizaines à peine d’amis et de proches.

Au cours des années 60 on a assisté à l’émergence massive de la presse indépendante, « underground » dans chaque ville petite ou grande des États-Unis et dans bien d’autres pays. La diversité des opinions et des informations s’est considérablement accrue, et pour y avoir accès, il suffisait à n’importe qui d’habiter à proximité d’une université ou de pouvoir aller au kiosque à journaux avec quelques centimes en poche.

Dans les années 90, avec le développement de l’Internet — avec les sites web, les listes de diffusion — les communications ont littéralement explosé et la presse underground des années 60 faisait pâle figure en comparaison. La plupart des gens qui vivaient dans des pays comme les États-Unis ont cessé de se téléphoner (mais continué à se parler), j’ai pu le constater. Beaucoup de ceux qui n’écrivaient jamais une seule lettre ni rien d’autre se sont mis à utiliser leur ordinateur pour s’envoyer des mails les uns aux autres, voire à de multiples destinataires à la fois.

Nous, les quelques-uns qui avions l’habitude, avant l’ère d’Internet, de diffuser périodiquement des bulletins d’information sur nos publications, nos idées, les dates à venir de nos concerts, les produits ou services que nous cherchions à vendre, etc. eh bien nous avons été ravis de voir arriver les mails et la possibilité d’envoyer aussi facilement nos bulletins sans dépenser une fortune en affranchissement postal ni perdre un temps considérable à mettre sous enveloppes. Pendant une brève période, nous avons eu accès au même public, aux mêmes lecteurs qu’auparavant, mais nous pouvions dès lors communiquer avec eux à distance gratuitement.

C’était, pour beaucoup d’entre nous, l’âge d’or d’Internet, entre 1995 et 2005 à peu près. Il y avait le problème croissant des spams de diverses sortes. Comme les courriers indésirables d’aujourd’hui, mais en plus grand nombre encore. Les filtres anti-spam ont commencé à s’améliorer, et ont largement éliminé le problème pour nous.

Les listes de diffusion auxquelles nous étions abonnés étaient des listes de diffusion modérées. Les sites web que nous utilisions le plus étaient interactifs mais modérés, comme Indymedia. Dans toutes les villes du monde, petites ou grandes, on trouvait un collectif local Indymedia. N’importe qui pouvait poster des choses, mais il y avait des personnes en chair et en os qui décidaient si cela pouvait être publié et si oui, où le publier. Comme pour n’importe quel processus de décision collective, c’était difficile, mais beaucoup d’entre nous trouvaient que le jeu en valait la chandelle. Le résultat de ces listes de discussion et des sites Indymedia modérés fut que nous avons tous gagné une certaine aisance à découvrir et discuter des idées et des évènements qui concernaient notre ville, notre pays, notre monde.

Et puis sont arrivés le blogging et les médias sociaux. Tout individu avec un blog, une page Facebook, un compte Twitter etc. est devenu son propre diffuseur. C’est grisant n’est-ce pas ? Savoir que vous avez un public mondial de dizaines, centaines, peut-être milliers de personnes (si vous commencez à être connu ou que quelque chose devient viral) à chaque fois que vous postez quelque chose. Pouvoir mener une conversation dans les commentaires avec des gens du monde entier qui ne se rencontreront jamais. C’est vraiment fou.

Mais alors, la plupart des gens ont arrêté d’écouter. La plupart ont arrêté de jeter un œil sur Indymedia. Indymedia, dans le monde entier, est pratiquement mort[3]. Les journaux, de droite, de gauche et du centre ont déjà fermé ou sont en train de mettre la clé sous la porte, qu’ils soient en ligne ou non. Les listes de discussion n’existent plus. Les algorithmes ont remplacé les modérateurs. Les gens ont commencé à prendre les bibliothécaires pour des vestiges de l’Antiquité.

Aujourd’hui à Portland, dans l’Oregon, l’une des villes les plus engagées politiquement aux Etats-Unis, il n’y a pas de liste de discussion ou de site web qui puisse vous dire ce qui se passe dans la ville dans un format lisible et compréhensible. Il existe différents groupes avec divers sites web, pages Facebook, listes de discussion etc. mais rien pour la communauté progressiste dans son ensemble. Rien de bien efficace en tout cas. Rien d’aussi fonctionnel que les listes de diffusion qui existaient dans tout le pays il y a 15 ans de cela.

À cause des limitations techniques d’Internet pendant une brève période, il y a eu quelques années d’un « équilibre heureux » entre une petite élite qui produisait la majeure partie du contenu écrit que la plupart des gens dans le monde lisaient, et la situation dans laquelle nous nous trouvons maintenant, noyés dans un déluge d’informations, pour la plupart des bêtises sans intérêt, du bruit de fond, un brouillard épais qui vous empêche de voir au-delà de ce qu’éclairent parfois des feux de croisement.

C’était un âge d’or, mais dû surtout aux circonstances, et tout à fait temporaire. Dès qu’il a été facile pour les gens de lancer un site web, un blog, un Myspace ou une page Facebook etc. l’âge du bruit de fond a commencé, inévitablement, comme une évolution naturelle de la technologie.

Et la plupart des gens n’ont pas remarqué ce qu’il s’est passé.

Pourquoi est-ce que je dis ça ? Tout d’abord je ne sors pas ça de nulle part. J’ai discuté avec beaucoup de personnes pendant plusieurs années et beaucoup d’entre elles pensent que les médias sociaux sont la meilleure invention depuis le fil à couper le beurre. Et qu’est-ce qui les en empêche ?

Moi, je le pense, et d’autres comme moi aussi, parce que les personnes qui avaient l’habitude de lire et de répondre à ce que j’envoyais à travers ma liste de contacts ne sont plus là. Ils n’ouvrent plus leurs courriels et s’ils le font, ils ne les lisent plus. Et le média que j’utilise — blog, Facebook, Twitter, etc. — n’y change rien. Bien entendu, il reste des gens qui le font, mais la plupart s’occupent maintenant d’autres choses.

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Et que font-ils donc ? J’ai passé presque toute la semaine dernière à Tokyo, j’ai visité toute la ville, passé beaucoup d’heures dans le train chaque jour. Beaucoup de gens assis dans le train du retour, durant ma première visite au Japon en 2007, dormaient, comme maintenant. Mais ceux qui ne dormaient pas étaient presque tous en train de lire un livre. Aujourd’hui, il est difficile de voir ne serait-ce qu’un seul livre. La plupart des gens regardent leur smartphone. Et ils ne lisent pas un livre avec (oui, j’ai souvent jeté un œil). Ils jouent à des jeux, ou plus souvent, consultent leur fil de nouvelles sur Facebook. Et c’est pareil aux État-Unis et partout ailleurs où j’ai eu l’occasion de voyager.

Est-ce que ça vaut le coup de remplacer les modérateurs par des algorithmes ? Les rédacteurs par du bruit de fond ? Les journalistes d’investigation par des photos de votre chat ? Les labels indépendants et les stations de radios communautaires par une multitude de fichiers audio téléchargeables mal enregistrés ? Les collectifs de médias indépendants par des millions de mises à jour de statuts sur Facebook et Twitter ?

Je pense que non, mais voilà où nous en sommes. Comment pouvons-nous sortir de cette situation, éclaircir le brouillard, et nous remettre à utiliser notre cerveau ? Je voudrais bien le savoir.

Crédit images
David Rovics, photo par Karney Hatch (CC-by-2.0)
A conversation, dessin de Khalid Albaih (CC-by-2.0)
Facebook is the opium of the people, photo par Taco Ekkel (CC-by-2.0)

Notes

[1] Le site de David Rovics : http://www.davidrovics.com/

[2] Tiens, ils existent encore et nous incitent à ne plus bloquer les pubs…

[3] Note de la rédaction : ici l’auteur simplifie sans doute un peu trop pour suggérer une influence déclinante. Le réseau Indymedia (voir sa page Wikipédia) est relativement actif par exemple pour la France à Nantes ou Lille, Grenoble, etc.