Mésentente cordiale entre Stallman et le Parti Pirate suédois sur le logiciel libre

Mecredis - CC byPourquoi les propositions du Parti Pirate suédois sont paradoxalement susceptibles de se retourner contre le logiciel libre ?

C’est ce que nous relate Richard Stallman[1] dans un récent article traduit pas nos soins, où l’on s’apercevra que la réduction du copyright et la mise dans le domaine public ont peut-être plus d’inconvénients que d’avantages lorsqu’il s’agit du cas très particulier des logiciels libres.

Remarque : Cette traduction vous est proposée par Framalang dans le cadre d’une collaboration avec l’April (dont Cédric Corazza a assuré la relecture finale).

Pourquoi les propositions du Parti Pirate suédois se retournent contre le logiciel libre

How the Swedish Pirate Party Platform Backfires on Free Software
URL d’origine de la traduction

Richard Stallman – 24 juillet 2009 – GNU.org
(Traduction Framalang : Don Rico, Goofy et aKa)

La campagne de harcèlement à laquelle se livre l’industrie du copyright en Suède a conduit à la création du premier parti politique dont le programme vise à réduire les restrictions dues au copyright : le Parti Pirate. Parmi ses propositions, on trouve l’interdiction des DRM, la légalisation du partage à but non lucratif d’œuvres culturelles, et la réduction à une durée de cinq ans du copyright pour une utilisation commerciale. Cinq ans après sa publication, toute œuvre publiée passerait dans le domaine public.

Dans l’ensemble, je suis favorable à ces changements, mais l’ironie de la chose, c’est que ce choix particulier effectué par le Parti Pirate aurait un effet néfaste sur le logiciel libre. Je suis convaincu qu’ils n’avaient nulle intention de nuire au logiciel libre, mais c’est pourtant ce qui se produirait.

En effet, la GNU General Public License (NdT : ou licence GPL) et d’autres licences copyleft se servent du copyright pour défendre la liberté de tous les utilisateurs. La GPL permet à chacun de publier des programmes modifiés, mais à condition de garder la même licence. La redistribution d’un programme qui n’aurait pas été modifié doit elle aussi conserver la même licence. Et tous ceux qui redistribuent doivent donner aux utilisateurs l’accès au code source du logiciel.

Pourquoi les propositions du Parti Pirate suédois affecteraient-elles un logiciel libre placé sous copyleft ? Au bout de cinq ans, son code source passerait dans le domaine public, et les développeurs de logiciel privateur pourraient alors l’inclure dans leurs programmes. Mais qu’en est-il du cas inverse ?

Le logiciel privateur est soumis à des CLUF, pas seulement au copyright, et les utilisateurs n’en ont pas le code source. Même si le copyright permet le partage à but non commercial, il se peut que les CLUF, eux, l’interdisent. Qui plus est, les utilisateurs, n’ayant pas accès au code source, ne contrôlent pas les actions du programme lorsqu’ils l’exécutent. Exécuter un de ces programmes revient à abandonner votre liberté et à donner au développeur du pouvoir sur vous.

Que se passerait-il si le copyright de ce programme prenait fin au bout de cinq ans ? Cela n’obligerait en rien les développeurs à libérer le code source, et il y a fort à parier que la plupart ne le feront jamais. Les utilisateurs, que l’on privera toujours du code source, se verraient toujours dans l’impossibilité d’utiliser ce programme en toute liberté. Ce programme pourrait même contenir une « bombe à retardement » conçue pour empêcher son fonctionnement au bout de cinq ans, auquel cas les exemplaires passés dans le « domaine public » ne fonctionneraient tout simplement pas.

Ainsi, la proposition du Parti Pirate donnerait aux développeurs de logiciels privateurs la jouissance du code source protégé par la GPL, après cinq ans, mais elle ne permettrait pas aux développeurs de logiciel libre d’utiliser du code propriétaire, ni après cinq ans, ni même cinquante. Le monde du Libre ne récolterait donc que les inconvénients et aucun avantage. La différence entre code source et code objet, ainsi que la pratique des CLUF, permettraient bel et bien au logiciel privateur de déroger à la règle générale du copyright de cinq ans, ce dont ne pourrait profiter le logiciel libre.

Nous nous servons aussi du copyright pour atténuer en partie le danger que représentent les brevets logiciels. Nous ne pouvons en protéger complètement nos programmes, nul programme n’est à l’abri des brevets logiciels dans un pays où ils sont autorisés, mais au moins nous empêchons qu’on les utilise pour rendre le programme non-libre. Le Parti Pirate propose d’abolir les brevets logiciels, et si cela se produisait, ce problème ne se poserait plus. Mais en attendant, nous ne devons pas perdre notre seul moyen de protection contre les brevets.

Aussitôt après que le Parti Pirate a annoncé ses propositions, les développeurs de logiciel libre ont décelé cet effet secondaire et proposé qu’on établisse une règle à part pour le logiciel libre : on allongerait la durée du copyright pour le logiciel libre, de sorte que l’on puisse le garder sous licence copyleft. Cette exception explicite accordée au logiciel libre contrebalancerait l’exception de fait dont bénéficierait le logiciel privateur. Dix ans devraient suffire, à mon sens. Toutefois, cette proposition s’est heurtée à une forte résistance des dirigeants du Parti Pirate, qui refusent de faire un cas particulier en allongeant la durée du copyright.

Je pourrais approuver une loi par laquelle le code source d’un logiciel placé sous licence GPL passerait dans le domaine public au bout de cinq ans, à condition que cette loi ait le même effet sur le code source des logiciels privateurs. Car le copyleft n’est qu’un moyen pour atteindre une fin (la liberté de l’utilisateur), et pas une fin en soi. En outre, j’aimerais autant ne pas me faire le chantre d’un copyright plus fort.

J’ai donc proposé que le programme du Parti Pirate exige que le code source des logiciels privateurs soit déposé en main tierce dès la publication des binaires. Ce code source serait ensuite placé dans le domaine public au bout de cinq ans. Au lieu d’accorder au logiciel libre une exception officielle à la règle des cinq ans de copyright, ce système éliminerait l’exception officieuse dont bénéficierait le logiciel privateur. D’un côté comme de l’autre, le résultat est équitable.

Un partisan du Parti Pirate a proposé une variante plus large de ma première suggestion : une règle générale selon laquelle le copyright serait allongé à mesure que l’on accorde plus de liberté au public dans l’utilisation du programme. Cette solution présente l’avantage d’insérer le logiciel libre dans un mouvement collectif de copyright à durée variable au lieu de n’en faire qu’une exception isolée.

Je préfèrerais la solution de la main tierce, mais l’une ou l’autre de ces méthodes éviterait un retour de flamme, particulièrement nuisible au logiciel libre. Il existe sans doute d’autres solutions. Quoi qu’il en soit, le Parti Pirate suédois devrait éviter d’infliger un handicap à un mouvement spécifique lorsqu’il se propose de défendre la population contre les géants prédateurs.

Notes

[1] Crédit photo : Mecredis (Creative Commons By)




Firefox 3.5 en vidéo 3 minutes chrono

Ce n’est pas peu dire qu’on attend avec impatience la sortie officielle (et désormais imminente) de la première version stable 3.5 du célèbre navigateur qui a changé la face du Web !

Vous voulez savoir pourquoi ? Alors jetez un coup d’œil sur cette vidéo présentée par Mike Beltzner, le boss du développement Firefox chez Mozilla.

Cela dure moins de trois minutes, mais c’est normal puisqu’on vous dit que cette version est rapide, rapide…

Un sous-titrage collectif de toute l’équipe Framalang qui souhaitait marquer le coup et participer elle aussi à l’évènement 😉

What’s new in Firefox 3.5 ?

URL d’origine de la vidéo

—> La vidéo au format webm




Largage de liens en vrac #19

Silvio Tanaka - CC byCe n’est pas parce que les vacances approchent qu’il faut arrêter de farfouiller le Web à la recherche d’actualités logicielles intéressantes (ou supposées intéressantes).

Voici donc une sélection qui contrairement à beaucoup d’entre vous est loin d’être au régime.

Et n’oubliez jamais que « ebony and ivory live together in perfect harmony »[1].

  • Jake : Une application ambitieuse de synchronisation de documents (via le protocole XMPP). Le about tente d’expliquer en quoi c’est différent mais proche de SVN, CS, Git, Google Docs, Dropbox… (en gros la principale différence c’est qu’il n’y a plus de serveur central). I’m waiting for you dans les commentaires pour nous en dire plus (et mieux !).
  • Open Atrium : Basé sur Drupal, un ambitieux projet de « groupware réseau social ». Si vous connaissez, n’hésitez pas à partagez votre avis avec nous !
  • Hawkscope : Pour tout OS, une manière rapide d’accèder à votre disque dur via des menus popup dynamiques (en plus on peut paramétrer ses comptes Gmail, Delicious, Twitter, etc.).
  • Sugar on a stick : Sugar, l’interface de l’OLPC pensée pour l’éducation (théorie constructiviste) propose désormais une version portable. Ce qui fait dire à Technology Review que le PC à 100$ est aujourd’hui devenu une clé à 5$ !
  • MegaZine 3 : C’est encore du Flash mais ça pourra en intéresser quelques uns : c’est un logiciel de… pageflip ! Vous ne savez pas ce que c’est ? Moi non plus, enfin si cela permet de lire « agréablement » des livres ou des documents en ouvrant une fenêtre sur votre navigateur.
  • Open Melody : Un peu pris de vitesse par WordPress, le moteur de blog Movable Type libère lui aussi son code pour créer une communauté et plus si affinités.
  • TinyMCE : Peut-être le plus élégant (et le plus riche) des éditeur JavaScript WYSIWYG.
  • lilURL : Le clone libre de TinyURL (vous savez, ces réducteurs d’URL revenus sur le devant de la scène avec Twitter).
  • Open Source Designers : Un réseau social (Ning) de designers Open Source. Pas idiot de se regrouper ainsi.
  • Open Humanity : Nous aurons l’occasion d’en reparler. Pour le moment contentons-nous de ce résumé de Scoffoni : Open Humanity se situe « à mi-chemin entre un réseau social et un webOS ».
  • KeynoteTweet : Permet d’envoyer des tweets à partir du logiciel Apple Keynote dont les geeks se servent beaucoup en conférence. Vous arrivez au slide 23 et un message twitter est automatiquement envoyé à vos followers.
  • GDocBackup  : Utilise la techno Microsoft .NET mais c’est bien pratique si vous avec un compte Google Docs puisque cela permet de rapatrier sur votre disque dur tous vos fichiers d’un coup (typiquement le genre de fonctionnalités que Google ne propose pas exprès !)
  • The Pencil Project : C’est plus qu’une extension Firefox, c’est une véritable application intégrée pour faire des diagrammes et des prototypes d’interfaces utilisateur.. Là encore retours commentaires appréciés.
  • VideoSurf Videos at a Glance : Une extension Firefox plutôt pratique puisque cela permet de prévoir le contenu d’une vidéo (YouTube & co) à l’aide d’images fixes découpant la vidéo. Faut l’expérimenter pour mieux comprendre en fait !
  • Nuke Anything Enhanced : Et encore une extension Firefox, mais non des moindres ! Permet en effet de cacher temporairement ou durablement n’importe quel partie d’une page web. Ainsi par exemple je peux virer tout ce qui ne m’intéresse pas, pubs et autres, avant impression (cf vidéo démo sur LifeHacker).
  • Collections : Je ne connaissais pas (shame on me). Permet de compiler dans un seul pack tout plein d’extensions Firefox à installer d’un seul coup (top pratique surtout lorsque l’on change d’ordinateur). On vous explique ici comment faire. Des volontaires pour que Framasoft participe et vous propose aussi ses propres sélections ?
  • Recording music with Linux on an EEE PC : Toujours avec l’Eee Pc, que l’on transforme ici en parfait système pour la prise de son (par exemple pour partir jouer les reporter radio en herbe).
  • YouTube / Ogg/Theora comparison : YouTube va-t-il passer à Ogg Theora pour encoder ses videos (comme Dailymotion l’expériemente) ? Peut-être pas mais en attendant une petite comparaison qualité s’impose.
  • Library à la Carte : Joli titre et interface sexy. Un logiciel pour les bibliothécaires et les documentalistes. D’ailleurs si l’un d’entre vous passe par là…

Notes

[1] Crédit photo : Silvio Tanaka (Creative Commons By)




Difficile de supporter Microsoft quand il supporte ainsi l’ODF

Ndanger - CC by-saLa lecture régulière du Framablog nous apprend, si ce n’est à nous méfier, en tout cas à être très prudent face aux effets d’annonce de Microsoft. Et pourtant, en avril dernier, un brin naïf je titrais : Le jour où la suite bureautique MS Office devint fréquentable ? en évoquant le support imminent du format ouvert OpenDocument (ou ODF) dans le tout nouveau service pack 2 de la version 2007 de la célèbre suite propriétaire de la firme de Redmond.

A posteriori je me rends compte qu’il aurait peut-être mieux valu attendre les tests techniques avant de témoigner d’un quelconque enthousiasme. Ce que n’ont pas manqué de pointer certains commentateurs lucides[1] du billet en question.

Or justement les premiers tests poussés ont été effectués. Et le moins que l’on puisse dire c’est qu’ils ne sont pas bons. C’est ce que nous expose l’ODF Alliance dans un article traduit ci-dessous pas nos soins.

Dit autrement sur un mode plus familier, Microsoft s’est légèrement foutu de notre gueule. Sauf qu’on n’est pas là pour rigoler parce que les enjeux sont très importants. En effet Microsoft possède aussi son format bureautique, l’Office Open XML (ou OOXML), qu’elle tente par tous les moyens d’imposer, avec la complicité de l’ISO.

Que dans ce contexte le gouvernement, en publiant (enfin) récemment une nouvelle version de travail du Référentiel Général d’Interopérabilité (RGI), n’ait rien trouvé de mieux à faire que de… ne pas choisir et donc légitimer de fait le format OOXML, est un véritable camouflet infligé à ceux qui se battent pour dénoncer de tels agissements. Merci à l’April de « dénoncer une capitulation du gouvernement français qui soigne le marché de Microsoft au détriment de l’objectif d’interopérabilité » (même si à titre personnel je souhaite qu’on aille plus loin que la mise en ligne d’un simple communiqué).

Loin de l’opinion (qu’on a déjà eu du mal à intéresser à l’Hadopi), la guerre des formats bureautiques entre l’ODF et l’OOXML se poursuit. On se croirait dans le film Le bon, la brute et le truand, Microsoft jouant à la fois le rôle de la brute et du truand.

Le support du format ODF par Microsoft laisse à désirer

Microsoft’s ODF Support Falls Short

Communiqué de presse (Marino Marcich et Beth Dozier) – 19 mai 2009 – ODF Alliance
(Traduction Framalang : Yonnel et Daria)

Les conclusions de l’ODF Alliance montrent qu’on est encore loin d’une réelle interopérabilité.

En ce jour, l’OpenDocument Format (ODF) Alliance signale que de sérieuses carences dans le support d’ODF par Microsoft doivent être corrigées pour assurer une meilleure interopérabilité avec les autres logiciels qui supportent ODF.

« Le support d’ODF représente un test important, sur le long terme, de l’engagement de Microsoft pour une réelle interopérabilité », a déclaré le directeur général de l’ODF Alliance, Marino Marcich. « Malheureusement, de graves défauts ont été identifiés dans le support ODF de Microsoft. Le fait de mettre potentiellement en circulation des millions de fichiers ODF non-interopérables et incompatibles avec le support ODF que garantissent d’autres éditeurs ne peut que mener à la décomposition du standard. »

Le 28 avril 2009, Microsoft a publié le Service Pack 2 pour Office 2007, qui donne aux utilisateurs la possibilité d’ouvrir et de sauvegarder des fichiers ODF. Pourtant, un premier test du support d’ODF dans Office 2007 (voir l’analyse) a révélé de graves défauts qui, sans correction, iraient à l’encontre de l’interopérabilité basée sur les standards ouverts que le marché, et en particulier les gouvernements, exige.

« Un bon nombre de tests d’interopérabilité de base entre Microsoft Office 2007 et diverses suites logicielles compatibles avec ODF ont révélé que le niveau d’interopérabilité est bien loin des exigences gouvernementales partout dans le monde », a ajouté Marcich. « Par exemple, même les fonctions de tableur les plus basiques, comme l’ajout des nombres de deux cellules, étaient simplement supprimées dans un fichier ODF qu’on a ouvert et re-sauvegardé dans Microsoft Office 2007. Un document créé dans une autre application supportant l’ODF, puis re-sauvegardé dans Microsoft Office 2007, a un rendu différent (disparition de puces, numéros de page, tableaux et autres objets, polices altérées), compliquant sérieusement la collaboration avec Office 2007 sur un fichier ODF. On a même découvert que certains plugins créés par d’autres que Microsoft offraient un meilleur support ODF que le récent Microsoft Office 2007 SP2. C’est tout sauf un moyen d’arriver à l’interopérabilité demandée par le marché autour de ce format. »

« Les historiques de modifications sont essentiels pour le travail collaboratif, et les formules sont l’essence des feuilles de calcul. L’échec de Microsoft de supporter l’un comme l’autre dans le SP2 est révélateur de sa volonté concrète d’arriver à une réelle interopérabilité », a poursuivi Marcich. « Compte tenu des lacunes dans le support de l’ODF, il faut que les gouvernements continuent d’exiger que Microsoft implémente le support pour une bonne utilisation avec les logiciels d’autres éditeurs. »

Malgré ces problèmes, Marcich a noté l’intérêt croissant pour l’ODF. « Le fait que Microsoft se soucie fortement désormais du support de l’ODF suggère que le débat public autour des formats de documents n’est pas prêt de se terminer », a conclu Marcich. « Ce qui est clair, c’est que l’époque où les informations publiques étaient emmurées dans un format fermé, imposant l’achat d’un logiciel particulier, est en train de toucher à sa fin, en grande partie grâce au courage et à la vision de gouvernements à la pointe dans le soutien de l’ODF, qui ont bien voulu prendre position sur ce problème important de politique publique. »

À propos de l’ODF Alliance : L’OpenDocument Format Alliance est une organisation de gouvernements, d’institutions universitaires, d’ONG et d’entreprises qui a pour but d’informer les responsables politiques, les responsables informatiques et le public sur les bénéfices et les opportunités offerts par le format ODF.

MS Office 2007 Service Pack 2 avec support ODF : comment est-ce que cela fonctionne ?

Résumé des premiers résultats de tests sur le support ODF de Microsoft

Le support de Microsoft pour le format OpenDocument (ODF) représente un test important, et sur le long terme, de son engagement à aller vers une réelle interopérabilité. Avec le SP2, Microsoft devient instantanément la suite bureautique ODF avec la plus grande part de marché. Toutefois, le fait de mettre en circulation des millions de fichiers ODF non-interopérables et incompatibles avec le support ODF que garantissent d’autres éditeurs ne peut que mener à la décomposition du standard. Dans les faits, cela mettrait fin à l’interopérabilité basée sur les standards ouverts en bureautique.

Vous trouverez ci-dessous un résumé des principaux défauts du support ODF de Microsoft, identifiés après les premiers tests. Sans corrections, c’est la divergence qui prédominera, au lieu d’une convergence autour d’un format d’échange ouvert et éditable, que le marché, y compris et surtout les gouvernements, réclame. Pour être constructif, nous avons fait plusieurs recommandations pour que Microsoft puisse enfin réellement honorer son engagement de support interopérable pour l’ODF.

Interopérabilité pour le tableur ODF

Lors de la lecture d’une feuille de calcul ODF, MS Office Excel 2007 efface les formules, ce qui casse l’interopérabilité avec tous les autres tableurs qui supportent l’ODF. Adapté pour la lecture, le support Microsoft pour le travail collaboratif sur les feuilles de calcul ODF est comme inexistant dans la pratique.

Une feuille de calcul de test créée dans Google Docs, KSpread, Symphony, OpenOffice, et le plugin Sun 3.0 pour MS Office, par exemple, n’est pas correctement interprétée par MS Excel 2007. La raison en est que les formules utilisées pour faire des calculs dans un tableur (par exemple ajouter des nombres dans plusieurs cellules d’une colonne) sont tout simplement effacées dans MS Excel 2007. Au lieu d’effectuer les opérations, ce qui reste lors du chargement de la feuille de calcul dans MS Excel 2007 est la dernière valeur de la cellule de la dernière sauvegarde.

La même feuille de calcul de test, ouverte puis enregistrée dans toutes les applications, à part MS Excel 2007 (par exemple entre KSpread et Google Docs), est correctement interprétée. La plupart des autres tableurs ODF sont parfaitement capables d’interopérer. La bonne approche pour Microsoft aurait été de faire de même, pour assurer aux utilisateurs de MS Office la possibilité de partager des feuilles de calcul avec d’autres suites bureautiques supportant ODF.

Les plugins ODF pour Microsoft Office édités par des tierces parties se sont révélées proposer un meilleur support ODF que le récent Microsoft Office 2007 SP2. MS Excel 2007 traite bien les feuilles de calcul ODF lorsqu’elles sont chargées par l’intermédiaire du plugin Sun 3.0 pour MS Office ou du « OpenXML/ODF Translator Add-in for Office », mais ce n’est pas le cas lorsque l’on utilise le support intégré d’Office 2007 SP2.

Bien que les formules de calcul pour ODF 1.0/1.1 (la version supportée par Office 2007, selon Microsoft) sont spécifiques à chaque implémentation, elles ont pourtant convergé vers des formules de calcul de plus en plus interopérables. Microsoft a participé au vote à l’OASIS à l’époque de l’approbation d’ODF 1.0/1.1. ODF 1.2, qui devrait bientôt passer au vote pour approbation comme un standard OASIS, définira les formules de calcul à l’aide d’OpenFormula.

En fait, les feuilles de calcul créées dans Excel 2007 SP2 ne sont pas conformes à ODF 1.1, car Excel 2007 encode mal les formules avec des numéros de cellules. Selon la section 8.3.1 de l’ODF 1.1, les adresses de cellules dans les formules doivent commencer par un crochet ouvert et se terminent par un crochet fermé. Dans Excel 2007, les adresses de cellules ne sont pas comprises entre ces crochets obligatoires, ce qui pourrait pourtant être facilement corrigé.

Pour de plus amples lectures, voir Mise à jour de l’interopérabilité des feuilles de calcul ODF, par Rob Weir/IBM, sur , et À propos du fiasco du support ODF de Microsoft, par Ditesh Gathani.

Cryptage

Microsoft Office 2007 ne supporte pas le cryptage (protection par un mot de passe) dans les fichiers ODF.

Un utilisateur de MS Office 2007 connaissant le mot de passe ne peut pas ouvrir un document protégé par un mot de passe, créé dans n’importe quelle autre suite majeure supportant ODF.

La protection par mot de passe est une fonctionnalité interopérable, supportée par et entre les autres suites majeures supportant ODF, dont KOffice, Open Office et Lotus Symphony.

Dans l’autre direction, les fichiers ODF créés dans MS Office 2007 ne peuvent pas être protégés par un mot de passe. Les utilisateurs de MS Office 2007 ont un message d’avertissement, « Vous ne pouvez pas utiliser la protection par mot de passe avec le format ODF. »

Le cryptage et la protection par mot de passe sont pourtant pleinement spécifiés dans ODF 1.0/1.1 (item 17.3 de la spécification). Il en résulte qu’une mauvaise définition de cette fonctionnalité dans ODF ne peut pas être invoquée comme une explication plausible. Microsoft devrait implémenter immédiatement le support du cryptage. ODF 1.2 apportera le support des signatures numériques. Microsoft devrait ajouter le support des signatures numériques dès que ODF 1.2 sera approuvé.

Pour de plus amples lectures, voir Maintenant Microsoft essaie de fragmenter ODF, par Jomar Silva/ODF Alliance.

Historique de modifications

Microsoft Office 2007 ne supporte pas l’historique de modifications dans ODF.

L’historique de modifications est essentiel au travail collaboratif. Le fait de ne pas supporter cette fonctionnalité empêche une vraie collaboration sur un fichier ODF entre utilisateurs de MS Office 2007 et des autres logiciels compatibles ODF qui eux supportent bien cette fonctionnalité (OpenOffice.org, StarOffice, Lotus Symphony et Google Docs, entre autres).

L’historique de modifications est spécifié dans ODF 1.0/1.1, donc là encore l’absence de définition de cette fonctionnalité dans ODF ne peut pas être invoquée comme une explication plausible. Microsoft devrait implémenter le support interopérable de l’historique de modifications immédiatement.

Le support d’ODF uniquement dans MS Office version 2007

MS n’a pas implémenté le support natif pour ODF dans Office 2003 ou ses prédécesseurs.

La grande majorité des utilisateurs de Microsoft Office, dont la plupart des gouvernements, utilisent actuellement encore Office 2003 ou ses prédécesseurs.

Pour bénéficier du support natif d’ODF, les utilisateurs gouvernementaux de MS Office seront obligés de passer à MS Office 2007.

Pour les utilisateurs d’Office 2003 et ses prédécesseurs, Microsoft a promis de continuer à supporter le « OpenXML/ODF Translator Add-in for Microsoft Office », et le plugin Sun 3.0 est également disponible pour les utilisateurs de MS Office. Alors que ces plugins égalent ou dépassent les performances du support de MS Office 2007 SP2, ils ne peuvent pas se substituer sur le long terme à un support complet, natif, et interopérable.

L’engagement de supporter les futures versions d’ODF

L’annonce de Microsoft concernant la sortie du Service Pack 2 ne contient aucune promesse de mise à jour du support d’ODF dans les prochaines versions.

Microsoft traîne les pieds depuis plus de 3 ans (ODF 1.0 a été approuvé comme standard OASIS en mai 2005, et comme standard ISO en mai 2006 ; ODF 1.1 par l’OASIS en février 2007), malgré les appels répétés de gouvernements partout en Europe et ailleurs pour l’implémentation du support d’ODF.

L’implémentation de versions incompatibles et de bas niveau des standards ouverts empêchera l’interopérabilité en bureautique, surtout si l’on prend en compte la base potentiellement importante d’utilisateurs d’ODF.

Microsoft est bien connu pour ses implémentation de bas niveau de standards ouverts. Comme par exemple Java dans Internet Explorer, où Microsoft a pré-installé une version incompatible avec des extensions propriétaires, pour ensuite ne plus s’en occuper en ne la mettant pas à jour au fur et à mesure de l’évolution de la technologie Java.

ODF 1.2, qui inclut le support des formules de calcul, des métadonnées et de la signature numérique, sera bientôt examiné pour devenir un standard OASIS, et est consultable par tous sur le site web de l’OASIS OpenDocument Technical Committee (auquel Microsoft participe).

Microsoft et d’autres éditeurs supportant ODF devraient s’engager publiquement à mettre à jour leur implémentation en suivant la dernière version d’ODF. Une nouvelle version d’ODF devrait être obligatoirement supportée dans n’importe quelle version (ou Service Pack) de MS Office parue après la sortie d’une nouvelle version d’un standard ODF.

Notes

[1] Crédit photo : Ndanger (Creative Commons By-Sa)




Des citoyens plus libres dans l’État de New York

Aku Busy - CC byLe Sénat de l’État de New York vient d’afficher sa volonté d’ouverture en créant un espace dédié (dont nous avons traduit la page d’accueil ci-dessous) où il annonce son intention de proposer à ses administrés des « Free and Open-Source Software & Services ».

Ce billet est à rapprocher de S’il te plaît… dessine-moi une ville libre qui concernait la ville de Vancouver, ainsi que du plan d’action britannique en faveur de l’Open Source. Sans oublier bien sûr l’article New York : déduction d’impôts pour les développeurs Open Source ?[1] qui témoigne du réel intérêt porté par cet état américain vis-à-vis du logiciel libre.

Formats ouverts, accès aux données et logiciels maisons mis à disposition sous licence libre, cela semble n’être que du bon sens lorsqu’il s’agit de politique et de deniers publics. Cela ne va pourtant pas encore de soi, parce que nous héritons le plus souvent d’une situation antérieure baignant consciemment ou non dans une « culture propriétaire ».

Ce n’est pas la France qui nous contredira, dont la nouvelle version de travail du Référentiel Général d’Interopérabilité (RGI) constitue plus qu’une déception en la matière.

Le Sénat de l’État de New York en route vers l’Open Source

Free and Open-Source Software & Services

New York State Senate – juin 2009 – Licence Creative Commons By-Nc-Nd
(Traduction non officielle Framalang : Poupoul2 et Tyah)

Bienvenue au Sénat ouvert de New York

Afin de poursuivre son engagement de transparence et d’ouverture, le Sénat de l’État de New York s’engage dans un programme de pointe afin non seulement de libérer les données, mais également d’aider les citoyens et de donner un exemple de restitution à la communauté. Sous ce programme et pour la toute première fois, le Sénat de New York donnera aux développeurs et aux autres utilisateurs un accès direct à ses données grâce à des API et publiera ses propres logiciels. En plaçant dans le domaine public les données et développements technologiques créés par le Sénat, le Sénat de New York espère animer, renforcer et engager les citoyens dans la création politique et le dialogue.

Ce que vous trouverez ici :

  • Des interfaces de programmation (API) pour construire vos propres applications et services
  • Des widgets interactifs pour faciliter le partage sur vos sites, profils ou blogs
  • Des logiciels originaux tels que des modules Drupal et des librairies Java
  • Des ensembles de données dans des formats variés, accompagnés de langages simples et d’explications graphiques sur des documents importants et des définitions
  • Les règles légales et les licences adoptées par le Sénat garantissant que ces informations et ces outils peuvent être librement utilisés

Merci d’utiliser les données et outils offerts ici, de les mixer, de les améliorer, et de les re-distribuer pour aider le Sénat à former et impliquer les citoyens de New York.

API

Le Sénat de New York a créé une API développeur afin d’aider les organisations et les particuliers à compiler les données du Sénat tel qu’ils le souhaitent. L’objectif principal était de proposer les enregistrements du LRS (NdT : Legislative Retrieval System, base de données de suivi des décisions législatives, de la proposition jusqu’au vote) dans un format ouvert. Ces donnés peuvent alors être interrogées au travers d’une simple API afin de produire des résultats dans de nombreux formats ou standards, XML (RSS, Atom, schémas personnalisés), JSON, CSV, HTML (widgets).

Widgets embarqués

Les widgets sont un moyen agréable et simple de diffuser des informations importantes auprès du public. Merci de consulter notre bibliothèque de widgets et servez-vous dans les outils qui amélioreront l’expérience de vos utilisateurs et des nôtres, sur l’ensemble du Web. Si vous avez votre propre widgets utilisant notre API ou nos données, contactez-nous et nous pourrions le présenter ici.

Logiciels originaux

En tant qu’utilisateur de logiciel Open Source, le Sénat de New York souhaite restituer à la communauté qui lui a tant donné, y compris ce site Web. Afin de satisfaire ses besoins, le Sénat crée en permanence du nouveau code et corrige des dysfonctionnements existants. Non seulement le Sénat reconnaît qu’il a une responsabilité de restitution à la communauté Open Source, mais les développements publics, réalisés avec de l’argent public devraient être publics.

Vous pouvez trouver tout le code source du Sénat de New York publié sur Github à http://github.com/nysenatecio.

Ensembles de données

La page Open Data (NdT : Données ouvertes) du Sénat de New York est le dépôt officiel de toutes les données gouvernementales. Vous pourrez ici naviguer au travers des données produites et étudiées par le Sénat dans leur forme originale ainsi que d’autres types de fichiers variés créés pour votre confort, y compris : des feuilles de calcul Excel, des fichiers CSV, texte ou PDF (liste non exhaustive). Afin de compléter les données source qu’il rend publiques, le Sénat a également créé l’Initiative Langage Simple (NdT : Plain Language Initiative) conçue afin de permettre d’expliquer les jeux de données complexes et les mentions légales en langage simple.

Logiciels Open Source et licences de logiciels

Afin de rendre public au maximum les informations et les logiciels du Sénat, Il a été adopté un système unique de double licence : la GNU General Public License ainsi que la BSD License. Ce système a pour objectif de garantir que les licences publiques sont utilisées dans chaque cas particulier tels que :

  1. Chaque logiciel publié et contenant des composants initialement sous licence GPL doit être publié conformément aux termes de la licence GPL V3.
  2. Chaque logiciel créé indépendamment par le Sénat sans licence initiale sur aucun de ses composants sera publié sous double licence et prendre l’une de ces formes : (a) licence BSD, ou (b) licence GPL. L’utilisateur final d’un tel logiciel choisira la licence qui aura le plus de sens pour son projet.
  3. Concernant les logiciels contenant des mentions légales autres que la GPL, le CIO (NdT : Chief Information Officer, responsable des technologies de l’information et de la communication) décidera du mode de publication de tels logiciels.

Notes

[1] Crédit photo : Aku Busy (Creative Commons By)




La Framakey : 4 ans et quelques enfants ingrats ?

Arturo de Albornoz - CC by-saVoici la deuxième partie d’un article qui, à l’occasion du quatrième anniversaire de la Framakey (déjà !), passe en revue quelques uns des projets qui s’en sont plus ou moins fortement inspirés. Nous en sommes évidemment ravis puisque le but de la manœuvre est justement de diffuser du logiciel libre, qu’il s’agisse d’utiliser la Framakey en tant que telle ou qu’il s’agisse de ses dérivés, créés à partir de nos briques génériques. Qu’il nous soit d’ailleurs permis de remercier une nouvelle fois au passage toutes celles et ceux qui ont rendu cela possible.

Mais si dans la première partie nous baignions quelque part dans une sorte de cercle vertueux, c’est plutôt « le côté obscur de la Force » qui transparait ici[1].

Car la Framakey a également « inspiré », et nous étions au départ ravis de l’apprendre, quelques gros fabricants de clés et de périphériques de stockage :

  • EMTEC, qui a longtemps diffusé (diffuse encore ?) le bureau mobile EM-DESK qui, à l’époque où nous l’avions testé, était très largement basé sur la Framakey.
  • Memup, qui va sortir sous peu sa Student-Key. N’ayant pas encore vu le produit final, je m’avance peut être un peu en prétendant qu’il s’agit d’un dérivé contenant des applications Framakey, nous verrons bien si les lanceurs sont ceux de Framakey (eux-mêmes basés sur ceux de la communauté anglophone PortableApps.com).
  • Enfin, nous savons que d’autres industriels du stockage, dont nous tairons les nom (pour l’instant), réfléchissent à l’implémentation de solutions libres applicatives pour leurs périphériques USB.

Soyons clairs, cela est parfaitement légal : la Framakey est un package 100% libre. Nous autorisons donc explicitement son intégration, y compris pour des usages commerciaux. Nous sommes par ailleurs bien conscients que le succès de la Framakey repose à 99% sur des projets libres préexistants (Firefox, OpenOffice.org, PortableApps.com, etc).

Donc, sur le papier, il n’y a aucune raison de râler. D’autant plus que, répétons-nous, cela permet de diffuser très largement des logiciels libres : lorsque Tata Jeannine ira au supermarché du coin pour acheter sa clé, elle repartira avec une clé USB contenant des dizaines de logiciels libres. N’est-ce pas merveilleux ?

Oui, mais…

Le développement durable et l’écologie sont certes à la mode, et sans doute surexploités par les média et bon nombre d’entreprises (les publicités des groupes Renault ou Total sont d’excellents exemples de « greenwashing »), mais cela ne doit pas pour autant remettre en cause les concepts et principes qui sous-tendent ces mouvements.

De même, dans le milieu du libre, on sent depuis quelques mois une forme de plus en plus exacerbée « d’open source whashing ». De gros industriels récupèrent les valeurs (et les produits) du libre, sachant qu’ils bénéficieront du triple effet kiss-cool du logiciel libre :

  • la possibilité légalement octroyée de pouvoir se baser sur le travail libre d’autrui et de faire du « rebranding » (en gros, y mettre leur logo en laissant croire que c’est eux qui ont réalisé le produit) ;
  • la gratuité (qu’on le veuille ou non, omniprésente dans le libre) ;
  • des valeurs cool-buzz-hype : le partage, l’entraide, la collaboration, etc (allez savoir pourquoi, mais je doute qu’ils mettent l’intéropérabilité dans les valeurs cools, alors que pourtant…), y’a pas à dire « le libre : c’est vendeur, coco ! ».

Du coup, ces entreprises peuvent ajouter de la valeur à leurs produits à moindre frais, enrichir leur catalogue, et accroitre leur chiffre d’affaires d’un coup de baguette magique libre.

Tout cela serait bel et bon si ces mêmes entreprises prenaient la peine de reverser aux communautés à l’origine de la valeur ajoutée de leurs produits. Et attention, je pense bien sûr ici à la Framakey (dont nous sommes humblement conscient que le succès repose sur les épaules d’autres géants), mais aussi et surtout à toutes les communautés qui soutiennent et développent les logiciels embarqués sur leurs clés.

Ainsi, par exemple et pour ce qui nous concerne, l’Université de Poitiers qui s’est fendue d’un mail de remerciements à Framakey (et cela nous suffit amplement), ou la commune de Sainte-Ménehould qui a octroyée une subvention exceptionnelle de 150€ à Framasoft (ce qui nous a chaleureusement touché).

Contre-exemple : le site officiel EM-DESK d’EMTEC propose des logiciels qui datent de janvier 2008 (bonjour les failles de sécurité pour qui irait télécharger leur pack !). Nous avons tenté plusieurs fois de prendre contact avec eux afin de leur proposer de les aider (bénévolement si nécessaire !) à maintenir leur pack plutôt que donner aux utilisateurs une mauvaise image des logiciels libres.

Mais que cela soit par le forum (fermé pour cause de spams apparemment), par email (nous n’avons jamais eu de réponse), ou sur des salons (la charmante demoiselle du stand EMTEC lors de Solution Linux n’a pas su me dire quelle solution était employée sur leurs clés, ni qui en était responsable), nos propositions sont restées lettres mortes.

De là à dire qu’EMTEC se sert du libre pour promouvoir ses produits et accroitre les dividendes de ses actionnaires plutôt que de l’envisager comme un système gagnant-gagnant, il n’y a qu’un pas, que je franchis aujourd’hui bien tristement. Espérons qu’il en ira autrement pour d’autres projets comme le GDium et sa Gkey….

Pour en finir avec la métaphore écologique, cette situation n’est pas sans rappeler celles des entreprises pharmaceutiques qui surexploitent certaines ressources potentiellement renouvelables (comme la forêt amazonienne, par exemple) sans se soucier réellement d’entretenir l’écosystème sur lequel elles basent pourtant leur modèle économique.

Ainsi, même si Framasoft a actuellement besoin de soutien financier, nous aurions été ravis de recevoir un message du genre « Bonjour, je suis chargé par la société X de réaliser un fork de la Framakey. Dans ce cadre, je vais utiliser vos applications PortableTutu et PortableTiti. Comme on m’a demandé de réaliser PortableToto, qui n’existe pas sur Framakey, je vous le propose ici avec ses sources, afin que tout le monde puisse en profiter ». La société X n’y perdrait rien, au contraire, elle bénéficierait d’un « effet communautaire » qui lui éviterait de forts coûts de recherche et développement. Et elle aurait le mérite de prouver qu’elle comprend son intérêt à ne pas scier la branche sur laquelle elle est assise.

Qu’en pensez-vous ? Sommes-nous ici « mauvais joueurs » ou bien avons-nous quelques raisons de stigmatiser cela en évoquant ce néologisme « d’open source whashing » ?

Notes

[1] Crédit photo : Arturo de Albornoz (Creative Commons By-Sa)




La Framakey : 4 ans et plein d’enfants reconnaissants !

Trazomfreak - CC byLa Framakey souffle aujourd’hui sa quatrième bougie 😉

Depuis cette date originelle, elle poursuit tranquillement son petit bonhomme de chemin, toujours 100% libre, toujours animée par une communauté de passionnés.

Nous le savons, l’un des avantages du logiciel libre, c’est qu’il permet à tout le monde, sans discrimination, de pouvoir améliorer le logiciel pour ses propres besoins (personnels ou professionnels). Et c’était bien là l’une des principales motivations de ce projet, proposer, si vous me passez l’expression, une « arme de diffusion massive du logiciel libre ».

Ainsi durant ces quatre années[1], la Framakey a donné naissance à pas mal de « forks », c’est-à-dire des versions adaptées par des particuliers, institutionnels ou entreprises.

Je me propose de vous en présenter quelques uns, qui me paraissent assez représentatifs de la diversité d’un projet générique dont la licence libre autorise et même encourage l’appropriation (dans le sens « rendre propre à », et non dans le sens de « s’approprier »).

Commençons par les projets liés à l’éducation :

  • L’Université de Poitiers : UP Key Etu est une adaptation de la Framakey. Cette adaptation a été réalisée par la Maison des Langues et par i-médias, le Service commun informatique et multimédia de l’Université de Poitiers.}} Notez au passage que l’Université propose une vidéo dynamique, pédagogique, et bien réalisée de l’UP Key Etu en situation.
  • L’IUFM d’Aquitaine : L’IUFM @qui.CLE est mise à disposition des usagers et de tous les formateurs (formateurs permanents, PEMF, formateurs associés, conseillers pédagogiques, tuteurs, …) de l’IUFM d’Aquitaine.
  • Le projet « Clé en main », à destination des enseignants, qui fut l’un des premiers dérivés de la Framakey, et qui a inspiré la Trousse Numérique du CRDP de Versailles ;
  • l’excellent site Grain2Tice propose, lui, son le CNEP (Cartable Numérique pour l’Ecole Primaire). Utilise le lanceur PortableApps.com.
  • Le nom moins excellent site Quebecois Zone Libre en Education propose sa Liberclé qui contient notamment le Programme de formation de l’école québécoise, sous forme de fichiers PDF, ainsi qu’une vingtaine d’hyperliens vers des sites indispensables pour l’enseignant québécois voulant intégrer les TIC dans son enseignement.
  • La SEPR, organisme de formation lyonnais, a réalisée en interne une version personnalisée, diffusée à 4 000 exemplaires à ses étudiants.
  • D’autres expériences de diffusion à l’école, souvent sur des projets de taille plus modeste (< 100 clés), mais qui nous réchauffent vraiment le cœur, comme le cas exemplaire de la commune de Sainte-Ménehould.

Il existe aussi des dérivés associatifs ou communautaires :

  • Miftaah, la Framakey en langue arabe (dont on nous a rapporté des cas d’utilisation jusque dans les cybercafés libanais) : « Sous la supervision du bureau de l’UNESCO à Rabat et ICTDAR, Miftaah est réalisé par diverses universités associé dans la région : Algérienne du centre de recherche sur l’information scientifique et technique (CERIST), Marocaine de l’école de Mohammadia d’Ingénieurs, université Mohamed V Agdal et université de Birzeit en Palestine ». Voici d’ailleurs ce qu’on peut lire sur le site de l’UNESCO : « L’UNESCO reconnaît l’importance de la valeur sociale du logiciel libre et ses actions de promotion visent à donner les moyens et l’autonomie nécessaire aux pays pour faire leurs propres choix. Dans ce contexte le Bureau de l’UNESCO à Rabat en coopération avec ICTDAR élabore la clé Miftaah qui contiendra non seulement des logiciels dont le code source est ouvert et fourni gratuitement, mais aussi une capacité de stockage pour les données personnelles de l’utilisateur ; tout cela est animé par une interface agréable et à usage facile. »
  • Le DATICE Framakey, destinée aux nouveaux enseignants d’histoire-géo.
  • Plus original, la Technoboulkey, pour les profs et apprentis boulangers (aujourd’hui basée sur PortableApps.com).
  • Une adaptation (en cours de réalisation) par Antipodes-Ingénierie, société coopérative spécialisée dans le développement des compétences des premiers niveaux de formation (illettrismes, migrants…) : « Parmi nos projets, nous avons notamment le souhait d’adapter une Framakey pour les formateurs qui interviennent auprès de ces publics. Cette Framakey contiendra un nombre restreint de logiciels portables (OpenOffice.org, lecteur PDF et Firefox) ainsi qu’une méthodologie de travail pour les formateurs sous forme de pages HTML et de grilles d’évaluation sous Calc. Cette méthodologie sera elle-même diffusé sous la licence GPL (ou FDL). C’est pour nous l’opportunité de favoriser l’utilisation des logiciels libres et de permettre à des formateurs (qui souvent travaillent dans des organismes associatifs) d’avoir accès à moindre coût aux outils informatiques (l’investissement informatique est souvent chaotique dans ces structures et les logiciels « périmés » ou aux licences douteuses sont monnaie courante, les fonds investis devraient se concentrer sur le matériel et non pas se perdre dans les méandres des moultes versions trop chères des produits Microsoft. »

Framakey - coque en bois

Tout ceci fait plaisir à voir et à lire, et nous conforte dans l’idée que ça valait le coup de développer ce projet.

Cette liste étant non exhaustive, auriez-vous de nouveaux éléments à y apporter ? Avez-vous connaissance d’autres dérivés de la Framakey et de son utilisation en classe, entreprise ou administration ?

Telles les deux faces d’une même médaille, l’article se poursuit dans une seconde partie, La Framakey : 4 ans et quelques enfants ingrats ?, où l’on tentera d’illustrer le fait que le libre peut aussi malheureusement parfois faire l’objet d’une certaine récupération…

Notes

[1] Crédit photo : Trazomfreak (Creative Commons By)




Google Wave : une bonne nouvelle pour le logiciel libre ?

Rappensuncle - CC by-sa« Google Wave, c’est ce que pourrait être le mail si on devait l’inventer aujourd’hui » s’exclame le grand Tim O’Reilly, se mettant ainsi au diapason de cette autre citation, « Wave va rendre caducs tous les outils actuels de communication », entendue au moment même de la présentation de ce nouveau projet, il y a quinze jours de cela.

Le dévoilement de Wave a d’abord valu à Google une standing ovation au sortir de la conférence inaugurale. Puis, dans la foulée, des articles souvent dithyrambiques sont apparus sur la Toile. C’est donc clairement la sensation du moment, avant même que le moindre utilisateur ait pu tester quoi que ce soit. Une nouvelle vague (wave en anglais) va-t-elle déferler sur le Web ?

Si vous voulez en savoir plus quant à son approche originale et à ses fonctionnalités, je vous invite à lire theClimber, TechCrunch ou Transnets. Outre tout ce qu’il nous propose de faire, retenons qu’on a besoin du HTML 5 et surtout que le protocole sera Open Source, basé sur XMPP (Jabber), avec un serveur qui sera libre et qu’on pourra installer chez soi (cf Minitel 2.0).

Cet aspect libre (ou prétendu tel) est très important et n’a pas forcément été mis en avant par la blogosphère (sauf l’inévitable journal LinuxFr). Pour marquer le coup et nous interroger ensemble sur l’impact potentiel d’une telle nouveauté sur le logiciel libre, nous avons choisi de traduire un article enthousiaste (peut-être trop ?) issu de la revue Free Software Magazine.

Cet article envisage Google Wave sous l’angle de ce qu’il pourrait apporter à une communauté agrégée autour d’un logiciel libre. Jusqu’à se demander si Wave ne va pas se substituer aux bons vieux outils que sont les logiciels de gestion de versions (CVS, etc.), les wikis, et autres listes de discussion. Ce qui, au sein des développeurs, serait effectivement une petite révolution dans la manière de travailler et de communiquer.

Mais il n’entre pas dans le détail des licences, dans l’évalutation du degré réel ou supposé de l’ouverture annoncée par Google (à sa décharge, on ne dispose à l’heure actuelle que le peu d’informations qu’a bien voulu nous donner la société). Et surtout il oublie d’évoquer une, pour ne pas dire la, question majeure que l’on résume souvent dans la formule « Google everywhere ». Ok pour la possibilité d’avoir son petit serveur à domicile mais dans la pratique la grande majorité se connectera à n’en pas douter chez Google. Du Google partout, tout le temps, qui va finir par devenir problématique (si ça ne l’est pas déjà !). On peut, par exemple, compter sur Google pour nous proposer son navigateur Chrome configuré aux petits oignons pour Google Wave, si vous voyez ce que je veux dire.

Aussi puissant, séduisant et ouvert (protocole, API…) soit Google Wave, le logiciel libre a-t-il intérêt à surfer tête baissée sur cette vague[1], ou bien laisser couler et continuer tranquillement dans son coin à ériger sa petite berge qui deviendra un jour si haute que pas même un tsunami ne pourra l’emporter ?

Google Wave va-t-il révolutionner la collaboration dans le logiciel libre ?

Will Google Wave revolutionise free software collaboration?

Ryan Cartwright – 15 juin 2009 – Free Software Magazine
(Traduction Framalang : Poupoul2, Daria et Tyah)

Si vous n’en avez pas encore entendu parler, Google a publié une version de développement de Wave, son nouvel outil de réseau social et collaboratif. Quel impact cela peut-il avoir sur les utilisateurs et les développeurs de logiciel libre ?

Wave est ce que Google appelle un « nouvel outil de communication et de collaboration sur le Web ». Voyez-le comme un carrefour entre le courriel, le réseau social, la messagerie instantanée, l’IRC et Twitter. Wave apporte (ou plus exactement apportera) non seulement de nouveaux moyens de communication, mais offre également un retour instantané aux autres participants. En utilisant la base d’une vague comme une conversation, il permet aux destinataires de vos conversations de voir ce que vous écrivez en temps réel, au moment où vous l’écrivez. Plus besoin d’attendre que votre contact de messagerie instantanée termine son message. Wave offre également aux participants, dans le même outil, des messages de type panneau d’affichage, afin de savoir à quel moment ils se reconnectent. Il propose des fonctionnalités sympathiques qui permettent contextuellement de répondre à différentes parties d’un message. De nouveaux participants peuvent entrer à n’importe quel moment, tout en bénéficiant à la fois de l’historique complet de la vague, mais aussi en ayant la possibilité de « rejouer la vague » telle qu’elle s’est formée, en voyant qui a écrit quoi et dans l’ordre chronologique.

Ouais, ouais, encore un outil de réseautage social… allez, circulez !

Aussi intéressant, ou pas, que cela puisse paraître, quel impact cela aura-t-il pour nous, utilisateurs de logiciels libres et plus particulièrement développeurs ? Et bien, tout d’abord, Wave est développé grâce à un nouveau protocole ouvert et Google souhaite que nous l’aidions à le développer. Ce protocole est disponible sous les termes ouverts d’une licence que Google considère « libérale » (Un oxymore peut-être ?). En plaçant un protocole ouvert derrière cette technologie, Google nous invite activement à contribuer, distribuer et propager cette technologie. Cela signifie que nous, utilisateurs de logiciels libres, pouvons créer des outils libres qui utilisent le protocole Wave. Un protocole ouvert est assurément une bonne chose dans ce contexte : Pas d’accord de confidentialité, pas de royalties liées à des licences telles que pour les formats GIF ou MP3. Google nous demande également que nous aidions à donner forme au protocole. Les contributions sont réalisées sous un contrat de licence contributeur, qui insiste sur le fait que vous donnez à Google, le droit de « reproduire, construire des travaux dérivés, publier, exécuter en public, sous-licencier et distribuer vos contributions et les travaux dérivés associés ». Google semble être parti sur la bonne voie. Le temps nous en dira bien sûr plus, mais nous ne devrions pas être trop sceptique, c’est une opportunité réelle. Là où Android est un système ouvert sur un matériel fermé, en devenant ainsi de fait semi-fermé, nous avons une chance de développer Wave avec une foule d’outils libres et ouverts basés sur l’API et le protocole de Wave.

Google a livré quelques informations sur le fait de conserver le code source ouvert. Mais jusqu’à présent, ils n’ont publié aucun code source (à l’exception peut-être pour la version développeur, dont je ne fais pas partie), Cependant, même s’ils conservent les sources de l’API fermées, disposer d’un protocole ouvert (et d’une licence libérale) signifie que nous pouvons créer des outils qui utiliseront ce protocole et que ceux qui utiliseront les outils de Google pourront collaborer avec ces outils libres, du moins en théorie.

Mais qu’est-ce que cela peut nous apporter ?

Pensez à la manière de développer du logiciel libre. Peut-être plus que n’importe quel autre type de produits, le logiciel libre a besoin d’un effort collaboratif intense de la part de ses créateurs. Grâce à SVN, Sourceforge et consorts, nous avons des moyens de partager du code source et nous possédons des outils de communication durant le cycle de développement : wiki, panneaux d’affichage, liste de dicusssions, etc. Imaginez que vous disposez d’une « vague » pour les développeurs d’un projet logiciel. Chaque contributeur, en temps réel s’il le souhaite, dispose d’une conversation sans peur de perdre le fil dans de multiples embranchements. Les nouveaux membres peuvent rejouer la discussion pour comprendre l’état présent. Des fragments de code pourraient être placés à l’intérieur de la conversation et édités en temps réel par les autres membres. Et tout cela se déroule dans un des outils les plus communs, le navigateur. Les rassemblements de développeurs pourraient inclure ceux qui ne peuvent participer physiquement grâce à l’utilisation d’une vague. Les meilleurs esprits ne seront plus exclus parce qu’ils n’ont pu réserver une place dans l’avion[2].

Si cela semble excitant, c’est parce que je m’exalte. Google Wave a le potentiel pour aller bien au-delà du simple buzz pour foules numériques. Wave a la possibilité de réellement faire du bruit et de représenter un grand pas dans la manière dont nous développons du logiciel libre. Évidemment, il m’est venu à l’esprit que les développeurs de logiciels propriétaires pourraient utiliser le même système pour produire leurs logiciels, mais soyons honnêtes : qui de deux est le plus habitué à la collaboration (en réalité, en dépend même) ?

J’ai entendu certaines personnes dire que Google Wave pourrait dépasser Twitter et Facebook d’ici 2011. Je n’en sais rien, et même peu m’importe, mais je crois que Wave peut avoir un impact aussi fort sur le développement de logiciel libre que CVS ou les wikis.

Notes

[1] Crédit photo : Rappensuncle (Creative Commons By-Sa)

[2] Non pas que j’ai entendu que cela arrive, je conjecture juste.