Le Libre (et Framasoft) à la Fête de l’Huma, entretien avec Yann Le Pollotec

Fête de l'Humanité 2014

Le Libre revient explicitement et concrètement à la Fête de l’Humanité, grâce à l’initiative de Yann Le Pollotec et toute son équipe.

En effet, cette année, un espace sera consacré « aux logiciels libres, aux hackers et aux fablabs », au sein du Village de l’économie sociale et solidaire, avec notamment la présence de l’April, FDN, La Quadrature ou encore Ubuntu. Des débats seront également proposés avec Richard Stallman le vendredi 12 septembre, Bernard Stiegler le samedi 13 et une table ronde animée par Sebastien Broca le dimanche 14. Les temps étant difficiles une campagne de financement a été lancée pour couvrir les frais occasionnés.

Framasoft en sera, en tenant un stand pendant les 3 jours et en participant à la table-ronde du dimanche avec son président Christophe Masutti.

En attendant, nous sommes allés à la rencontre de Yann Le Pollotec (informaticien, membre du conseil national et animateur de la réflexion sur la révolution numérique.au PCF), afin d’avoir de plus amples informations sur l’événement, afin aussi de savoir ce que le logiciel libre avait à dire à la gauche et réciproquement.

Yann Le Pollotec

Entretien avec Yann Le Pollotec

Entrons tout de suite dans le vif du sujet : le logiciel libre est-il de gauche ?

Les quatre libertés du logiciel libre, de par les valeurs de partage et la notion de biens communs qu’elles portent, ne peuvent que rejoindre ce pourquoi les hommes et les femmes sincèrement de gauche se battent. Je pense en particulier à la notion de « Commun » qui me semble être la seule voie d’avenir pour que la gauche sorte du mortifère dilemme entre le marché et l’État.

Certes certains libéraux et libertariens s’en réclament également, car contradictoirement, malgré sa tendance à tout vouloir privatiser, le capitalisme pour se développer a toujours eu besoin de biens communs à exploiter.

Tu fais partie de ceux qui réfléchissent à la « révolution numérique » au sein du PCF. Est-il possible de résumer les positions du parti sur le sujet et plus particulièrement sur le logiciel libre ?

Le PCF s’est battu pour le logiciel libre depuis 1994, ainsi que contre toutes les tentatives de brevets logiciels au Parlement européen.

Le texte suivant adopté lors du dernier Congrès du PCF résume notre position : « Sous la crise du capitalisme émergent déjà les prémisses d’une troisième révolution industrielle avec les logiciels libres, les machines auto-réplicatives libres, l’open source hardware, les mouvements hackers et maker. Ainsi se créent et se développent des lieux de conception et de proximité en réseau, ouverts et gratuits, où l’on partage savoir et savoir-faire, où l’on crée plutôt qu’on ne consomme, où l’on expérimente et apprend collectivement, où le producteur n’est plus dépossédé de sa création, tels les Fab Lab, qui sont les moteurs de ce mouvement. Toutes ces avancées portent en elles des possibilités de mise en commun, de partage et de coopération inédites. »

Lorsque tu communiques avec tes camarades du parti, vois-tu souvent passer des adresses en gmail et de pièces jointes en .doc ?

Oui malheureusement en cela les militants communistes ne sont pas différents de la majorité de la population.

Mais les choses progressent, ainsi au siège national du Parti, et dans la plupart des fédérations départementales, nous sommes équipés de LibreOffice, de Thunderbird, et Firefox, et nous avons notre propre nom de domaine : pcf.fr. Mais les mauvaises habitudes ont la vie dure ainsi que la peur de perdre ses sacro-saintes « macro excel ». C’est pourquoi l’espace à la Fête de l’Huma est aussi une occasion de les faire régresser par l’exemple et la pédagogie.

Nous sommes nombreux à vouloir re-décentraliser le Web plutôt que céder nos données à « GAFA » (Google, Apple, Facebook, Amazon). Le mouvement des fablabs et du DIY va-t-il re-décentraliser le capital ?

Oui parce que s’ils socialisent la conception via les échanges sur le Net et les bases de données disponibles, et ils décentralisent dans le même temps la production. Les petites unités de production que sont les fablabs, les hackerspaces et les makerspaces, impliquent une dispersion du capital qui va à l’encontre de la tendance atavique du capitalisme à le concentrer. La démocratisation et le partages des connaissances techniques et des moyens de créer et de produire dans le cadre de ces tiers lieux démentent les prédictions de Jacques Ellul sur l’équivalence entre développement des technologies et concentration du pouvoir, des ressources et du capital.

Favorable au revenu de base universel ? Et comme le souhaite Bernard Stiegler : demain, tous intermittents du spectacle ?

La révolution numérique dans le cadre économique actuel est une machine à détruire l’emploi salarié et à faire baisser les salaires. Par contre cette même révolution numérique, dans le cadre d’un autre partage des richesses et là c’est un combat politique, peut permettre, comme Marx l’appelait de ses vœux dans les Grundrissel émergence d’une humanité libérée du salariat et où « la distribution des moyens de paiement devra correspondre au volume de richesses socialement produites et non au volume du travail fourni. ».

C’est pourquoi je suis persuadé à l’instar de Bernard Stiegler que les batailles politiques pour instaurer un revenu universel et une baisse drastique du temps de travail, en lien avec la question de la propriété, seront fondamentales. Après on peut bien sûr débattre pour savoir si on résout le problème avec un « salaire socialisé » comme le propose Bernard Friot, un système de « sécurité d’emploi et de formation tout au long de la vie» comme y invite Paul Boccara, ou sous la forme de revenu universel de base conditionnel ou non.

Alors cette année, le Libre est à l’honneur et à l’affiche à la Fête de l’Huma. QQOQCCP ? (Qui ? Quoi ? Où ? Quand ? Comment ? Combien ? Et pourquoi ?)

La Fête de l’humanité des 12, 13 et 14 septembre 2014 à la Courneuve, consacrera donc un espace aux cultures et aux valeurs du logiciel libre, des hackers et du mouvement émergent des Fablab. Cet espace sera un lieu d’éducation populaire par la démonstration et la pratique (Imprimante 3d, atelier soudure, installation de distributions GNU/Linux, fabrication de Jerry..). Mais il sera aussi un endroit où on mènera le débat politique au sens noble du terme sur tous les enjeux de la révolution numérique : le big-data, la neutralité du net, la propriété intellectuelle, les tiers-lieux, l’économie du partage et de la coopération,…

April, Ars Industrialis, Creative Commons France, Emmabuntüs, Fab-Lab Cité des sciences : Carrefour numérique, Fabrique du Ponan, Fac-Lab, FDN, Open Edge, Jerry Do It Together, La Quadrature du Net, Les petits débrouillards d’IDF, Mageia, Parinux, Ubuntu et Framasoft ont accepté d’être partie prenante en tant qu’exposants et acteurs de cet espace.

Il y aura également des débats avec des personnalités comme Bernard Stiegler ou Sebastien Broca, des structures comme l’April, la Quadrature du Net ou Framasoft et… Richard Stallman himself !

Oui trois grands moments de débats structureront la vie de cet espace :

  • « le Logiciel libre: les Droits de l’Homme dans votre ordinateur » avec Richard Stallman
  • « l’économie de la contribution et la révolution numérique » avec Bernard Stiegler, Laurent Ricard et Emmanuelle Roux.
  • « Le combat pour les libertés numériques : neutralité du Net, protection des données personnelles, licences libres, droits d’auteur… » avec Sébastien Broca, l’April, la Quadrature du Net, Framasoft et Creative Commons France.

FabLab Stand Blanc-Mesnil 2013

Il existait par le passé un « Village du Logiciel Libre » sous la houlette de Jérôme Relinger. Ainsi donc le logiciel libre revient à la Fête de l’Humanité. Mais peut-être est-il plus juste de dire qu’il ne l’a jamais quitté ?

À vrai dire, c’est toujours une affaire d’hommes et de femmes, le « village du logiciel libre » avait été créé par Jérôme Relinger et Jacques Coubard. Les aléas de la vie ont fait que Jérôme a vogué vers d’autres horizons et que Jacques est malheureusement décédé.

Mais les braises couvaient sous les cendres. À la fête de l’Humanité 2013, le stand du PC -Blanc-Mesnil, sous le thème de « Hackons le capitalisme » avait accueilli en démonstration un mini fablab avec entre autres une imprimante 3D et organisé un débat sur ce thème. Par le bouche à oreille, divers acteurs du monde du logiciel libre, des fablabs et des hackerspace ont spontanément participé à l’animation de ce mini-espace drainant ainsi sur les 3 jours de la Fête plusieurs centaines de curieux comme de passionnés. Le débat a lui aussi été un succès, tant en termes de participation que de qualité des échanges

Spontanément les acteurs comme les visiteurs de ce mini-espace en sont venus à souhaiter ardemment un véritable espace lors de la Fête de l’Humanité 2014 dédié aux mouvements des logiciels libres, aux hackers et aux fablabs, et sous la responsabilité officielle de la Fête de l’Humanité. Un collectif s’est donc constitué, de manière bénévole et militante, à partir des animateurs et des visiteurs du mini fablab de 2013, pour réaliser un espace du libre, des hackers et des Fab-Lab à la Fête de l’Humanité 2014.

Nouvelle dénomination : « Espace du libre, des hackers et des fablabs ». Pourquoi un tel choix ? Y a-t-il une forte différence entre les 3 dénominations ? Illustre-t-il une évolution et la situation actuelle ?

Oui car il s’agissait à la fois de se placer dans la filiation du village précédant, de casser les lieux communs que les médias dominants donnent des hackers en les assimilant aux crackers et d’attirer l’attention sur le mouvement émergent des fablabs avec le mariage des bits et des atomes. Bien sûr aux cœurs de ces trois mots, on retrouve un socle de valeurs communes et déjà une Histoire qui elle aussi est commune.

Fête de l'Humanité 2014 - Ulule

Une campagne de financement participatif a été lancée sur Ulule pour couvrir les frais de cet espace. Pourquoi ? Que peut-on faire pour aider, participer ?

La direction de la Fête de l’Huma a donné son accord pour la création de l’Espace mais à condition qu’hormis le terrain et l’électricité cela soit à coût zéro pour elle, en raison des graves difficultés financières du journal l’Humanité. D’où la nécessité de trouver un financement participatif pour les frais de transports, de location de mobiliers et de matériels, de réalisation d’une exposition pédagogique de présentation des enjeux de la révolution numérique,…

Vous pouvez participer personnellement à ce financement sur : http://fr.ulule.com/hackers-fablab/.

Par exemple : pour 60 euros, vous avez la vignette d’entrée pour les 3 jours (et tous les spectacles), le tee-shirt officiel, votre nom sur le panneau et une initiation à l’impression 3d. Et nous vous invitions également à populariser cette campagne autour de vous, dans vos réseaux et vos cercles de connaissances. Merci.

Le crowdfunding (financement participatif) est-il soluble dans les valeurs du communisme ?

Le crowdfunding est une réponse « bottom-up » aux dysfonctionnements majeurs des banques traditionnelles et du système financier dans son ensemble. L’existence et le développement du Crowdfunding n’empêche le combat politique pour mettre les banques et la monnaie au service du financement de l’intérêt général et du bien commun.

Où en est le projet de créer un fablab original et ambitieux au Blanc-Mesnil ?

Ce projet était porté par la municipalité communiste sortante. Malheureusement en mars, elle a été battue par une liste de l’UMP. Les priorités du nouveau maire sont de mettre en place une police municipale armée et des caméras de vidéo surveillance et non de favoriser l’installation d’un fablab. Aujourd’hui avec l’association « Fablab au Blanc-Mesnil » nous sommes en train de travailler à poursuivre notre projet dans le cadre de ces nouvelles conditions y compris en l’élargissant aux communes voisines.

FabLab Stand Blanc-Mesnil 2013




Campagne Framapad Etherpad : grand merci et à bientôt

Campagne Framapad Ulule Succès

Portée par Framasoft, la campagne de financement participatif visant à créer le plugin MyPads pour l’application libre Etherpad vient de s’achever avec succès.

Nous remercions vivement les 413 personnes qui ont directement participé sur la plateforme Ulule pour atteindre (10000€) puis dépasser (12090€) l’objectif fixé. Nous remercions également tous ceux qui se sont impliqués et ont relayé l’information (d’une manchette dans Libération à une urne participative lors du Forum des Usages Coopératifs de Brest).

Parmi les souscripteurs, nombreux ont été les utilisateurs de notre propre instance d’Etherpad, le populaire service Framapad. Outre l’amélioration technique proposée, l’argumentaire rappelant que libre ne veut pas dire gratuit et qu’il est plus que jamais nécessaire de re-décentraliser le Web a été compris et entendu.

La première conséquence, c’est que nous allons donc très concrètement pouvoir développer le plugin promis en étoffant ainsi d’autant les fonctionnalités d’Etherpad. Nous vous donnons rendez-vous avant la fin de l’année pour une première version. La somme supplémentaire servira, comme prévu, pour moitié au fonctionnement de Framapad et pour moitié à un développement sur Etherpad que nous préciserons bientôt.

Autre possible conséquence, le renouvellement un jour prochain de l’opération avec une autre application de notre libre offre en ligne Framacloud. Le financement participatif n’est pas la panacée mais fait partie des modèles économiques intéressants à explorer quand on refuse celui de l’invasion publicitaire sur Internet.

Enfin cela nous donne énergie et espoir pour la suite des opérations, à savoir une prochaine campagne autrement plus ambitieuse et importante pour nous puisqu’il s’agira de soutenir directement Framasoft et de grands projets pour les années à venir.

Framapad Urne Collecte

Campagne Framapad Libération




Le logiciel libre à l’honneur dans Libération du 18 août

Libération 18 août - Une - Logiciel Libre

Edit du 20 août : L’article Logiciels à l’ère libre est désormais en ligne sur le site de Libération (voir aussi La règle de quatre du logiciel libre).

Allez, aujourd’hui on achète la version papier du journal Libération, on le partage avec ses proches non initiés, puis on le garde précieusement dans ses archives !

De mémoire, c’est en effet la première fois qu’un grand média consacre ainsi 3 pleines pages (et sa Une) au logiciel libre.

D’autant que le propos est fort clair et bien construit : explication, historique, évolution et situation actuelle… Avec des témoignages de Tristan Nitot, Jean-Baptiste Kempf (de VLC) et votre serviteur pour Framasoft.

Je l’ai fait lire à ma mère qui m’a dit que c’était peut-être la première fois qu’elle comprenait vraiment ce que je faisais, c’est vous dire…

L’article se termine avec cette citation de Tristan Nitot : « La clé de voûte de notre mouvement, c’est la liberté de l’utilisateur, et cette liberté n’a jamais été autant menacée. On a changé de paradigme: aujourd’hui, il faut que la communauté du logiciel libre s’attaque de front au sujet de la décentralisation du Web.On a libéré les logiciels, et il faut continuer à le faire. Mais il faut aussi libérer les serveurs et les données qui sont dedans. »

C’est tout le sens de notre « libération Google » actuelle à plusieurs étapes.

Merci à Alexandra Bruel et Erwan Cario pour cette mise en lumière grand public d’un sujet qui reste encore trop souvent dans l’ombre malgré tous nos efforts.

Libération 18 août - p16/18 - Logiciel Libre

PS : Stallman sera content de lire “GNU-Linux” partout !

PS2 : Le logiciel libre partage modestement la Une avec un « Économie : Et si Hollande se trompait ? ». Les deux sujets ne sont peut-être pas si éloignés que ça, et le second ferait peut-être bien de lorgner du côté du premier pour apporter quelques réponses innovantes à la question 😉




Ne plus nourrir les monstres

De toutes part des initiatives et des projets surgissent pour rendre aux utilisateurs la maîtrise de leurs usages numériques et de leur confidentialité. Mentionnons par exemple l’intérêt grandissant pour le réseau Tor (et l’usage de TorBrowser), les efforts pour démocratiser le chiffrement des communications, l’initiative de Mozilla pour conjuguer la décentralisation, le chiffrement et le logiciel libre ou encore la seconde jeunesse du projet caliop, bien d’autres encore…

Mais en attendant, que proposer aux utilisateurs qui sont encore très largement captifs des silos prédateurs ? Chez Framasoft, comme nous l’avons déjà fait à plusieurs reprises (framapad, framanews, framabag…), nous proposerons encore des solutions et services libres alternatifs utilisables par tout un chacun.

C’est un peu dans cette logique que s’inscrit la conclusion toute simple de l’article de Clochix ci-dessous. Comme la soumission au tyran exposée par La Boétie, notre servitude est volontaire : c’est nous qui avons alimenté délibérément le monstre qui nous effraie maintenant, et sa puissance (qui oserait défier Google tant son pouvoir est étendu ?) peut se désagréger si nous ne la reconnaissons plus pour telle.

D’où tire-t-il tous ces yeux qui vous épient, si ce n’est de vous ? (…) Soyez résolus à ne plus servir, et vous voilà libres. Je ne vous demande pas de le pousser, de l’ébranler, mais seulement de ne plus le soutenir, et vous le verrez, tel un grand colosse dont on a brisé la base, fondre sous son poids et se rompre.

Nous reprenons ici l’article initialement publié par Clochix sur son blog. Clochix se présente modestement comme « un apprenti geek intéressé par la liberté ».

Diversifions

par Clochix avatar_clochix

Souvent, lorsqu’un administrateur se connecte à une machine, celle-ci l’accueille d’un salutaire rappel : « un grand pouvoir donne de grandes responsabilités ». En informatique, les administrateurs (de réseaux, de machines, de bases de données, etc.) ont effectivement un grand pouvoir. Ils ont accès à de très nombreuses informations, directement à la source, sans être soumis à des restrictions d’accès. Ils ont souvent la capacité de lire la plupart des messages électroniques échangés et des documents internes de l’entreprise. Parfois, ils sont même amenés à le faire dans le cadre de leurs missions. Pouvoir accéder à des informations sensibles leur donne donc un certain pouvoir, et les soumet à une double responsabilité. Résister à la tentation d’abuser de leur pouvoir (aller lire des documents pour savoir si la direction prépare des licenciements ou si la jolie fille de la compta est célibataire), résister aux pressions (internes de sa hiérarchie qui voudrait fliquer un salarié, externes de personnes qui voudraient des renseignements sur la structure).

Tout pouvoir porte en lui la tentation de l’abus et le risque du détournement. Pour se protéger des abus, on ne peut se reposer uniquement sur la capacité des individus à résister à la tentation et à la pression. Et l’un des meilleurs garde-fous est à mon sens, non de contrôler les individus en situation de puissance, mais de limiter au maximum la concentration du pouvoir. Moins il y de pouvoir, moins on est tenté d’en abuser, et surtout moins les conséquences des abus sont dommageables. Il faut donc veiller à ne pas laisser trop de pouvoir s’accumuler entre les mêmes mains. Segmenter le système d’information pour éviter qu’un unique individu ait toutes les clés. Diversifier l’environnement pour éviter les points individuels de défaillance, que cette défaillance soit un panne, une attaque ou une indiscrétion.

Il y a quelques jours, quelqu’un a signalé que pour utiliser Hangout, un service de visioconférence de Google, il fallait désormais obligatoirement utiliser Chrome (alors que le service semble parfaitement fonctionner dans Firefox). Devant le tollé, un ingénieur de Google a rétropédalé, invoquant une simple erreur de formulation. Mais les faits sont têtus : trois jours plus tard, la page n’a toujours pas été corrigée (et j’avoue avoir vraiment beaucoup de mal à croire au caractère non intentionnel de cette restriction).

Ça n’est bien sûr qu’une anecdote minuscule. Google triche un peu pour inciter les internautes à installer et utiliser son navigateur. Et cette ridicule malhonnêteté n’aurait guère de conséquences si son auteur n’était l’un des principaux fournisseur de logiciels et de services au monde. Mais dans la position où est Google, cette simple magouille va probablement se traduire par quelques milliers d’utilisateurs qui migreront, sans vraiment l’avoir voulu, vers Chrome. Et les petits réseaux faisant les grandes rivières, de démonstrations réservées à Chrome en installations cachées dans les bagages d’autres logiciels, le nombre d’utilisateurs des produits de Google s’accroît. La quantité d’informations que Google collecte et, partant, sa capacité d’action augmente. Plus une entité est en situation de pouvoir, plus grande est la tentation d’abuser un peu de ce pouvoir à la marge, sur des points qui semblent sans conséquences. Et plus vastes deviennent les conséquences de ces micro-abus.

Le pouvoir de Google est aujourd’hui gigantesque, probablement bien plus important que la majorité d’entre nous ne l’imagine. Business Insider a récemment publié une interminable liste des multiples racines qui chaque jour alimentent davantage en données le ventre de l’ogre insatiable. Google a des capteurs partout. Sur internet, bien sûr, mais aussi dans le monde analogique, avec ses téléphones, ses satellites, demain ses voitures, lunettes, objets connectés… La quantité d’informations ainsi collectée dépasse l’imagination, tout comme les innombrables usages qu’il pourrait en faire. La puissance de Google est aujourd’hui terrifiante.

Et, sans vouloir retirer de mérite à ses ingénieurs, cette puissance, c’est en grande partie nous qui la confortons, qui la démultiplions chaque jour.

S’il est des individus qui cherchent explicitement la puissance, force est d’admettre que souvent c’est nous-mêmes qui déléguons notre pouvoir et créons les monstres devant lesquels nous tremblons ensuite. Les silos ne deviennent dangereux parce que nous leur en donnons les moyens. Personne ne nous oblige à abonder leur puissance, du moins au début. Mais chaque fois que nous utilisons Chrome, Gmail, Android, chaque fois que nous achetons un iGadget, racontons notre vie sur Facebook, commandons sur Amazon, nous leur donnons un tout petit peu plus d’informations, nous renforçons leur pouvoir, augmentons la tentation qu’ils en abusent, et les conséquences du moindre abus (et la liste de ces petits abus est déjà longue et publique, des censures d’Apple dans sa boutique aux pressions d’Amazon sur ses fournisseurs).

Le problème n’est donc pas Google ou Apple, Facebook, Microsoft ou Amazon, il est hors-sujet de disserter sur l’humanisme des intentions de leurs dirigeants ou leur capacité à résister à la pression de gouvernements ou de mafias. Inutile d’essayer de deviner comment toutes les informations que nous leur confions pourraient un jour se retourner contre nous. Non, l’unique question qui vaille est de savoir s’il est sain de laisser une aussi phénoménale puissance s’accumuler entre les mains d’un petit nombre d’acteurs, quels qu’ils soient.

Si vous pensez que la réponse à cette question est non, qu’il n’est pas sain que quiconque dispose d’autant d’informations, donc de pouvoir, alors il est grand temps d’agir, pendant que nous le pouvons encore. Et ça tombe bien, car l’effort pour agir concrètement sur la situation n’est pas insurmontable. Il suffit de ne plus mettre tous nos œufs dans le même panier. Ne plus confier tous nos échanges électroniques à deux ou trois acteurs. Ne plus tous et toutes utiliser les mêmes logiciels, systèmes d’exploitation, navigateur, etc.

Diversifier à défaut de décentraliser

En matière d’information comme dans la nature, c’est la diversité qui fait la force et la résilience d’un système. Il ne s’agit pas forcément de reprendre nous-mêmes le contrôle de toutes nos données. Je suis bien conscient que peu de gens ont les ressources (temps, compétences…) et l’envie de le faire. Mais de ne pas tout confier au même prestataire. De bâtir le meilleur garde-fou contre le totalitarisme, un réseau divers.




Campagne Framapad Etherpad : Encore un petit effort, voire plus si affinités !

Framapad Ulule

Lancée le 11 juin dernier, notre campagne Framapad/Etherpad n’est plus très loin d’atteindre l’objectif fixé.

Nous en sommes ainsi à l’instant t à 85 % pour quelques 315 contributeurs (que l’on remercie à nouveau vivement pour leur adhésion et leur soutien au projet).

Cela a cependant tendance à ralentir ces derniers jours. Alors nous renouvelons notre appel à participation et relais de notre campagne. D’avance merci (si ça n’est déjà fait).

Comme il est dit dans la FAQ, si nous dépassons notre objectif de 10000€, nous créerons un fonds de soutien à Etherpad qui permettra de financer de futurs développements. La moitié de la somme supplémentaire reviendra à ce fonds, l’autre à Framasoft, qui rendra compte de son utilisation.

En plus du lien direct vers notre page de campagne sur Ulule, vous pouvez partager les deux vidéos suivantes :

Présentation télé de la campagne par Alexis Kauffmann (aKa) lors de l’émission 56Kast #30 de Nolife (avec Erwan Cario et Camille Gévaudan des Ecrans de Libération et Véronique Boukali de Romaine Lubrique).

Notre parodie de La Chute (oui, nous aussi) telle que promise par Luc Didry sur Twitter lorsque la jauge a atteint 50%.

Parodie Chute

Existe aussi avec des sous-titres en anglais.




Le guide « Autodéfense courriel » de la FSF traduit en français par l’April et Framasoft

Reset The Net

L’April et Framasoft ont le plaisir d’annoncer la mise en ligne de la version française du guide « Autodéfense courriel » de la Fondation pour le Logiciel Libre. Cette dernière vient en effet d’annoncer la mise en ligne de traductions de son guide « Email Self-Defense » dont la version française a été assurée par l’April et Framasoft[1]. Le guide est désormais disponible en 7 langues en attendant d’autres traductions.

L’objectif du guide est de montrer à tout le monde que dans un monde de surveillance généralisée le chiffrement des courriels est nécessaire et accessible. Comme le disait récemment Edward Snowden « adopter le chiffrement est la première mesure efficace que tout le monde peut prendre pour mettre fin à la surveillance de masse ».

Le guide de la Fondation pour le Logiciel Libre est disponible en :

Outre le guide, une infographie est également disponible.

« Les traductions de ce guide le rendent accessible aux lecteurs non-anglophones. Cet effort a été possible par la mobilisation de bénévoles de l’April et de Framasoft pour la version française, nous les remercions chaleureusement » a déclaré Frédéric Couchet, délégué général de l’April.

-> Le guide « Autodéfense courriel »

L’image en illustration est sous licence CC-By et nous vient de Journalism++.

Notes

[1] Les personnes qui ont participé à la traduction sont Diab, Asta, rigelk, marc, simon, Guillaume/gyom, Régis Desroziers (r0u), Christian, Seb, Pierrick, goofy, Thérèse.




Free Software, Free Society : la conférence TEDx de Richard Stallman avec slides !

Dans le billet présentant « La route est longue mais la voie est libre », ma propre conférence TEDx à Genève en avril dernier, j’avais évoqué la présence (intimidante) de Richard Stallman qui intervenait lui aussi ce jour-là.

Outre le fait que c’était sa première conférence TED, l’originalité venait aussi du fait que c’était la toute première fois qu’il utilisait des diapositives. Et certaines sont particulièrement signifiantes et savoureuses 😉

Pour réaliser les slides, les organisateurs avait mis la veille à sa disposition deux étudiants graphistes (à gauche sur mon horrible selfie). Bravo pour leur patience et leur courage, parce que Stallman fut, as usual, particulièrement pointilleux ce jour-là 😉

Alexis Kauffmann - Selfie - Richard Stallman

Appel à participation : La conférence est donc en anglais. Nous invitons les lecteurs à la transcrire sur un pad. Ensuite nous la traduirons et la soumettrons à Stallman pour approbation avant sous-titrage officiel (car tout écrit de Stallman est sous licence CC By-Nd). Merci

Alexis Kauffmann (aKa)




Éolienne urbaine sous licence libre, par Aeroseed

Aeroseed - Ulule

Lors de l’événement Vosges Opération Libre, nous avons eu le plaisir de rencontrer Théophile, du bureau d’étude vosgien Aeroseed, qui a récemment développé les plans d’une micro-éolienne libre présentée à cette occasion à Gérardmer.

Convaincu par le modèle open source de l’innovation, Aeroseed a décidé de proposer un financement participatif pour la construction de son éolienne urbaine, via la plateforme Ulule.

Il est assez rare de voir de jeunes ingénieurs prometteurs se lancer dans ce type de modèle de co-financement pour leurs projets, et particulièrement dans un secteur aussi compétitif que l’énergie renouvelable. Mais passer par une plateforme de financement participatif a un double avantage : d’abord, il s’agit de lever des fonds en toute transparence pour des projets avec un fort impact social, ensuite le fait de réussir une telle levée de fonds, en mobilisant l’attention du public, permet aussi de valider l’intérêt social du projet. Le pari est déjà en partie gagné puisque depuis peu de jours, ce projet d’éolienne en est à 124% de l’objectif initial. Mais en réalité, c’est parce qu’une seconde étape est visée, encore plus ambitieuse : normaliser l’éolienne et même produire des kits.

Pour en savoir plus, nous avons interviewé Théophile…

Aeroseed - Logo

Christophe Masutti (Framasoft) : Bonjour Théophile. Alors, AeroSeeD, c’est qui ? c’est quoi ?

Théophile Bresson : AeroSeeD, c’est un bureau d’étude industriel spécialisé en simulation numérique (fluide, thermique et résistance des matériaux). Il a été créé grâce à la volonté de monsieur Vincent Mauvady d’industrialiser la micro-éolienne que j’ai inventée il y a 7 ans.

AeroSeeD à donc deux activités parallèles :

  1. Un service de recherche et développement au service des entreprises régionales, nationales et internationales ;
  2. Un projet de micro-éolienne à axe vertical à voilure tournante sous licence libre.

Peux-tu présenter le projet de micro-éolienne en quelques mots ?

Ce projet de micro-éolienne est le fruit d’une succession d’étapes étalées dans le temps :

  • 2007 : l’idée a germé suite à une discussion entre amis.
  • de 2007 à 2010 : début des calculs de recherche et d’optimisation pour caractériser les performances de l’éolienne.
  • mi-2010 : étude de marché et création de la société AeroSeeD pour porter ce projet jusqu’à son industrialisation
  • de 2010 à 2012 : demande de subvention auprès des différents organisme publics (rencontre avec l’ancien vice-président du Conseil Régional, Agence de Mobilisation Économique du Conseil régional, CCI, pôle de compétitivité, divers services du Conseil Régional, ISEETECH…) pour un partage des risques sur la validation de l’éolienne grâce à un prototype.
  • 2012 : La grande désillusion ; Lorraine terre d’innovation mon œil ! Les personnes étaient toutes très enthousiastes, mais nous n’avons au final pas reçu 1 € (euro) d’aide. Il faut savoir que rien que le dépôt de brevet en France nous aurait couté 10 000€, une protection européenne 50 000€ et une protection monde est de l’ordre de 200 000 à 500 000 €.
  • mi-2012 : discussion avec David Vantyghem (association GOALL) à propos des licences libres. Changement de stratégie, abandon du brevet et choix de la licence libre.
  • 2013-2014 : tels des aventuriers, nous avons eu à défricher le terrain de la licence libre dans le domaine de l’open hardware pur !
  • de 2010 à 2014 : développement du prototype grâce aux outils du bureau d’étude (CAO, outils de calcul par éléments finis)
  • début 2014 : fabrication du prototype mécanique ; jusque-là, AeroSeeD a dû tout financer en fonds propre grâce à son activité de bureau d’étude.
  • Enfin, arrive mi-2014 à nous avons décidé de lancer un appel à don pour :
    • 1ere étape : nous aider à financer la partie automatisme et mise sur mât du prototype
    • 2ème étape (20 000 €) : nous permettre d’envisager la conception d’un kit aux normes pour le proposer aux écoles, hackerspaces et autre bidouilleurs sans oublier les pays émergents.

Peux-tu en dire plus à propos de l’impact économique et l’intérêt pour les populations ?

L’éolienne AeroSeeD vient combler un vide technologique de la production d’énergie à partir du vent dans les zones urbaines.

Elle a été conçue et optimisée pour que son rendement soit le maximum possible en présence de vent tournant. Situation dans laquelle les éoliennes actuelles, quelles qu’elles soient, ne produisent pas ou avec des rendements très médiocres.

Notre éolienne n’est par contre pas concurrente des micro-éoliennes à axe horizontal dans les milieux très bien dégagés comme les grandes plaines ou les zones côtières. En effet les éoliennes conventionnelles (axe horizontal) sont alors parfaitement capables de produire efficacement.

Finalement, pourquoi avez-vous décidé de placer votre projet en Open source / libre ?

La réponse est multiple :

  • impossibilité de trouver des financements ne serait-ce que pour le dépôt de brevet.
  • impossibilité pour une petite structure d’envisager la défense de ce brevet face à des entreprises internationales (américaines, japonaises, chinoises…)
  • La possibilité de pouvoir relocaliser l’emploi en France grâce à l’ouverture de l’idée. Exemple : une petite entreprise X de Lorraine qui n’aurait pas pu produire et vendre ce type d’éolienne si nous avions déposé un brevet, se voit maintenant dans la possibilité de le faire.
  • La capacité de ne plus envisager un concurrent comme une entité à abattre mais plutôt comme un partenaire. En effet, il peut être à l’autre bout de la France ou du monde et participe donc à l’augmentation du marché en faisant connaître ce produit. Il peut être proche de chez nous et développer une activité connexe de service (type éolienne communicante) que nous proposons directement à nos clients (via une commission). L’entreprise peut même être dans la région messine et vendre la même éolienne, c’est alors une présence motivante et qui nous permet, par réaction, de faire évoluer le produit plus rapidement.

Quelle(s) licence(s) libre(s) comptez-vous utiliser et pourquoi ?

Les licences libres autorisent légalement et encouragent la copie, l’étude, la modification et la redistribution des logiciels et des modèles de conception (plan mécanique 2D et 3D, dessin, notice, schéma électronique…). Nous avons choisi des licences libres incluant une clause de Copyleft. Ces licences libres imposent aux contributeurs qui vont distribuer gratuitement ou vendre des produits dérivés de diffuser à leur tour leurs travaux sous les mêmes licences libres. Par exemple, les licences de la Free Software Foundation pour les logiciels, manuels, notices, documentations, articles, publications, dictionnaires, les licences TAPR et CERN pour la conception matérielle (dessin industriel, plan, schéma…), les licences Art Libre et Creative Commons Attribution – Partage dans les mêmes conditions pour les œuvres artistiques ou de divertissement (roman, dessin artistique, musique, effet sonore, vidéo, photographie, animation…).

La plupart de ces licences incluent aussi une clause de défense contre les entreprises qui utiliseraient des brevets pour attaquer notre antériorité, en leur interdisant toute commercialisation des produits dérivés.

Vous faites appel aujourd’hui à un financement sur Ulule : qu’est-ce qui a motivé ce choix ?

Ce choix a été motivé par la cohérence de la licence libre avec l’appel à don, mais également par ce manque de financement auquel nous avons fait face. Cet appel à don a également eu pour effet de nous retourner une véritable étude du marché fiable et quantifiable. Nous avons eu un retour quantitatif de personnes non seulement suffisamment intéressées par notre projet pour faire un don, mais en plus qui souhaitent être tenues au courant de la date de sortie des kits car ils souhaitent en acheter.

Rétrospectivement, le financement participatif était pour nous le meilleur choix.

En avez-vous déjà parlé avec vos partenaires industriels habituels? Ils en pensent quoi ?

Nos partenaires industriels n’ont pas été mis au courant de manière systématique. On pourrait parler de discussion sélective avec des personnes intéressées qui sont accessoirement nos partenaires. Ils envisagent cette stratégie de la licence libre avec intérêt non sans appréhension. Il est vrai que ce mode d’action est radicalement différent du mode protectionnisme qui nous est proposé par le brevet, et qui nous est infusé pendant nos études.

Pour ma part il s’est agit d’un véritable reboot cérébral avec mise à jour du firmware… 😉

Sur le long terme, pensez-vous créer une communauté d’utilisateurs/contributeurs autour de ce projet d’éolienne ?

C’est exactement notre volonté depuis fin 2012

Existe-t-il d’autres projets open source hardware dans la Région Lorraine ? Pensez-vous faire un rapprochement ?

Il y a la FoldaRap, une imprimante 3D open source pliante qui est commercialisée à Folschviller, un projet de four verrier, un standard téléphonique avec un ERP et de la visioconférence, conçu et commercialisé par des Vosgiens.

Il y a aussi des projets uniquement logiciels comme par exemple un logiciel d’aide à la saisie au clavier développé au laboratoire LITA à Metz, le logiciel d’hébergement d’images Lutim.

Il existe certainement plein d’autres projets libres à détecter.

Avez-vous d’autres projets en stock ?

Oui, notamment dans le domaine de la production d’algues, mais pour l’instant nous souhaitons voir aboutir ce projet d’éolienne avant de tenter l’aventure du libre sur nos autres projets.

Merci et bonne chance !

-> Éolienne urbaine : Une source d’énergie renouvelable sous licence libre