Richard Stallman l’insoumis dans le SVM du mois de mars

Né en 1983 et tiré à plus de 100 000 exemplaires, le mensuel SVM est probablement le plus connu des magazines de la presse informatique française. Certains se souviennent peut-être encore de sa prise de position critique et courageuse vis-à-vis d’Hadopi, avec une pétition qui aura récoltée plus de 50 000 signatures.

Le numéro 290 du SVM de ce mois de mars consacre 3 pleines pages à Richard Stallman (et donc par ricochet au logiciel libre) en publiant notamment quelques extraits de sa biographie autorisée.

« Richard Stallman est l’homme par lequel tout est arrivé : le logiciel libre, Linux, Firefox, Wikipédia. Sa biographie, parue récemment, nous le montre en étudiant renfermé, programmeur génial, missionnaire infatigable de la liberté, philosophe des théories du partage pour certains (…) Pour Stallman, le code c’est du savoir, l’ordinateur un instrument de liberté. Et le savoir doit circuler librement. »

Richard Stallman - SVM 290 mars 2010




Geektionnerd : Loppsichopate

Préparez vos mouchards, la Loppsi arrive 🙁

(Au fait, vous connaissiez cette chansonnette de la Parisienne Libérée ?)

Geektionnerd - Simon Gee Giraudot - CC by-sa

Geektionnerd - Simon Gee Giraudot - CC by-sa

Geektionnerd - Simon Gee Giraudot - CC by-sa

Crédit : Simon Gee Giraudot (Creative Commons By-Sa)




Centre de Formation Logiciels Libres : Demandez le programme !

CF2L - La salle de formation - Jean-Baptiste YunesEn décembre dernier nous vous annoncions la création d’un Centre de Formation Logiciels Libres (ou CF2L) dans le cadre de l’Université numérique Paris Île-de-France (UNPIdF), par l’entremise de Thierry Stœhr interviewé pour l’occasion.

C’est désormais chose faite. Il y a un un site (www.cf2l.unpidf.fr), un mail (cf2l AT unpidf.fr) mais surtout un programme qui commence demain avec la Découverte d’une plate-forme libre, GNU/Linux[1].

Il reste encore des places, alors n’hésitez pas à faire tourner l’information (sur twitticabook et ailleurs), a fortiori si vous connaissez de près ou de loin du personnel des universités franciliennes.

CF2L Formations 2009/2010

  • Découverte d’une plate-forme libre, GNU/Linux – 26/02
  • Les formats des fichiers et les problèmes d’interopérabilité, d’ouverture, d’archivage – 12/03
  • Le Web avec Firefox et le courriel avec Thunderbird – 19/03 ou 12/04
  • La bureautique avec OpenOffice.org – 03/05
  • Produire des documents avec LaTeX – 16/04 ou 17/05
  • La création et la retouche d’images avec Gimp et Inkscape – 07/05
  • La mise en page et la publication (PAO) avec Scribus – 14/06
  • Le calcul formel avec Sage/Maxima – 04/06
  • Le traitement des données avec Octave et Scilab – 28/06
  • La chaîne éditoriale numérique de création de documents multimédia avec Scenari – 21/05
  • Les réseaux sociaux avec le logiciel Elgg – 31/05
  • Les plates-formes de formation libres Dokeos, Claroline, Moodle, Sakai – 18/06
  • Gestion d’une salle de ressources et déploiement d’images disques – 02/07

Pour s’inscrire et obtenir de plus amples informations, rendez-vous sur le site dédié à la formation.

Notes

[1] Crédit photo : Jean-Baptiste Yunes




L’ACTA en l’état ne passera pas par moi !

Raïssa Bandou - CC by« Depuis le printemps 2008, l’Union européenne, les États-Unis, le Japon, le Canada, la Corée du Sud, l’Australie ainsi qu’un certain nombre d’autres pays négocient secrètement un accord commercial destiné à lutter contre la contrefaçon (Anti-Counterfeinting Trade Agreement ou ACTA). Suite à des fuites de documents confidentiels, il apparaît clairement que l’un des buts principaux de ce traité est de forcer les pays signataires à mettre en place des mesures de répression de partage d’œuvre sur Internet sous la forme de riposte graduée et de filtrage du Net.

Alors que d’importants débats ont lieu sur la nécessité d’adapter le droit d’auteur à l’ère numérique, ce traité cherche à contourner les processus démocratiques afin d’imposer, par la généralisation de mesures répressives, un régime juridique fondamentalement dépassé. »

Ainsi s’ouvre la rubrique ACTA du site de La Quadrature du Net qui nous demande aujourd’hui d’écrire à nos représentants pour appuyer une initiative de quatre eurodéputés s’opposant à l’accord.

Sur le fond comme dans la forme, cet accord s’apparente à un pur scandale. Ces petites négociations entre amis seraient passées comme une lettre à la poste il y a à peine plus de dix ans. Mais aujourd’hui il y a un caillou dans les souliers de ceux qui estiment bon de garder le secret[1]. Un caillou imprévu qui s’appelle Internet. Raison de plus pour eux de le museler et pour nous de résister…

Pour évoquer cela nous avons choisi de traduire un article de Cory Doctorow qui résume bien la (triste) situation et comment nous pouvons tous ensemble tenter d’y remédier.

ACTA et le Web : quand le copyright s’installe en douce

Copyright Undercover: ACTA & the Web

Cory Doctorow – 17 février 2010 – InternetEvolution.com
(Traduction Framalang : Tinou, Psychoslave, Barbidule, Goofy et Don Rico)

Introduction

Le septième round de négociations secrètes sur l’ACAC (Accord commercial anti-contrefaçon, en anglais ACTA) s’est achevé le mois dernier à Guadalajara (Mexique). Le silence radio sur ces négociations est quasi-total : tels les kremlinologues de l’ère soviétique, nous devons nous contenter d’interpréter les maigres indices qui transpirent au-delà des portes closes.

Voici ce que nous savons : l’idée que des traités fondamentaux sur le droit d’auteur puissent être négociés secrètement est en train de perdre du terrain partout dans le monde. Les législateurs des pays participant aux négociations exigent que ce processus soit ouvert à la presse, aux activistes et au public.

Pour leur répondre, les négociateurs soutiennent — de manière surprenante — que le traité ne modifiera en rien les lois de leur pays, et que seuls les autres états devront faire évoluer leur droit (comme tous ces pays ont des législations foncièrement divergentes en matière de droits d’auteur, quelqu’un ment forcément. Je parie qu’il mentent tous).

Nous connaissons enfin l’attitude des promoteurs de l’ACAC à l’égard du débat public : au cours de la terne « réunion publique » tenue avant que les négociations ne débutent, une activiste a été expulsée pour avoir ébruité sur Twitter un compte-rendu des promesses faites verbalement par les intervenants à la tribune. Alors qu’on l’emmenait, elle a été huée par les lobbyistes qui peuvent participer à ce traité dont sont exclus les simples citoyens.

Cette situation embarrasse toutes les parties concernées, mettant à nu une attitude pro-capitaliste dont l’intérêt dépasse largement le cadre du copyright. Cela doit cesser. Nous verrons dans cet article comment nous en sommes arrivés là, et ce que vous pouvez faire pour mettre un terme à cette menace.

Comment en sommes-nous arrivés là ?

Un peu d’histoire, pour ceux à qui les épisodes sous-médiatisés précédents auraient échappé : les traités internationaux sur le droit d’auteur émanent à l’origine d’une agence des Nations Unies appelé l’OMPI, l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle. Au départ, il s’agissait d’une agence privée créée pour servir de bras armé aux grandes « industries de la propriété intellectuelle » (musique, films, produits pharmaceutiques, télévision, etc.). Elle a pris forme en tant que consortium d’industries du privé, puis a ultérieurement gagné une légitimité lors de son intégration à l’ONU.

La prise en compte par l’ONU a donné un pouvoir énorme aux intérêts privés qui ont fondé l’OMPI, mais dans le même temps cela signifiait qu’ils devaient suivre les règles de l’ONU, c’est-à-dire que les organismes non-gouvernementaux et la presse était autorisés à assister aux négociations, à en rendre compte et même à y participer. Au début des années 2000, le groupement d’intérêt public Knowledge Ecology International a commencé à embrigader d’autres organisations pour suivre les actions de l’OMPI.

Ah, au fait, j’étais l’un des délégués qui a rejoint cette vague, au nom de l’Electronic Frontier Foundation. Les militants présents à l’OMPI ont tué dans l’œuf le traité en cours de négociation, le Traité de Télédiffusion, et l’ont remplacé par un autre destiné à aider les personnes aveugles et handicapées, les archivistes et les éducateurs. Pas vraiment les actions prioritaires pour les grosses multinationales du divertissement.

Ils ont donc déplacé leurs forums. Depuis 2006, divers pays riches — les États-Unis, le Canada, le Japon, l’Union Européenne, l’Australie et d’autres – ont tenu une série de séances de rédaction de traité en comité privé, sous le sceau de la non-divulgation.

Tout secret connu de deux personnes ou plus finit toujours par s’éventer, aussi de nombreuses divulgations nous donnent-elles un aperçu du chapitre « Internet » du traité, où des dispositions ont été prises sur la gouvernance et les restrictions imposées au réseau mondial. Lisez donc la suite.

Ce qu’a fait l’ACAC jusqu’ici

Arrêtons-nous un instant pour parler des concepts de copyright, d’Internet, et de gouvernance. Historiquement, les lois sur le copyright ont été écrites par et au bénéfice des prestataires de l’industrie du divertissement. Les règles du copyright n’ont pas été pensées pour contrôler de façon appropriée un quelconque autre domaine: on n’essaie pas de caser des morceaux du code du travail, des lois sur la finance, l’éducation, la santé ou les campagnes électorales dans le système du copyright.

Mais dès que vous transférez ces activités à Internet, le copyright devient la première méthode de contrôle, faisant autorité sur tout. Il est impossible de faire quoi que ce soit sur Internet sans faire de copie (vous venez de créer entre 5 et 50 copies de cet article rien qu’en suivant le lien qui vous y a amené). Et comme le copyright régit la copie, toute règle qui touche à la copie touchera également à ces domaines.

Et c’est bien ce qui dérange dans le secret qui entoure l’ACAC, même quand on ne se préoccuppe pas de copyright, d’utilisation équitable (NdT : « fair use »), ou de tout autre sujet biscornu.

Divers brouillons de l’ACAC ont inclus l’obligation pour les FAI d’espionner leurs clients et d’interdire quoi que ce soit qui ressemble à une violation de copyright. (Cela signifie-t-il qu’on vous empêchera d’enregistrer une publicité trompeuse ou mensongère et de l’envoyer à votre député ?) L’ACAC a également soutenu la fouille des supports multimédia aux postes frontières pour y chercher des infractions au copyright (Les secrets professionnels de votre ordinateur portable, les données clients confidentielles, des correspondances personnelles, votre testament, vos coordonnées bancaires et les photos de vos enfants prenant leur bain pourraient être fouillées et copiées la prochaine fois que vous partez en voyage d’affaires).

L’ACAC a en outre appelé à la création de procédures simplifiées pour couper l’accès à Internet d’un foyer entier si l’un de ses membres est accusé d’une infraction (ainsi, votre épouse perdra la capacité de contacter par e-mail un praticien gériatre au sujet de la santé de grand-papa si votre enfant est soupçonné d’avoir téléchargé trop de fichiers par poste-à-poste (P2P).

Ce n’est pas tout, mais ce sont là quelques exemples des propositions principales des sommets secrets de l’ACAC.

Ce qui a eu lieu à Mexico et pourquoi vous devriez vous y intéresser

Je pense par ailleurs que toutes les ébauches de l’ACAC sont également mauvaises pour le copyright et les créations qu’il protège. Je suis l’un des nombreux artistes qui gagnent leur vie en ligne, et qui profitent d’un Internet libre et ouvert. Mes livres sont disponibles au téléchargement gratuit le jour même où mes éditeurs le mettent en rayon. Mon premier roman pour jeunes adultes – Little Brother (NdT : « Petit Frère ») – a atteint le classement des meilleurs ventes du New York Times grâce à cette stratégie.

Mais même si vous vous fichez éperdument de la musique, des films, des jeux ou des livres, vous devez prêter attention à l’ACAC.

Ceci dit, le fait est que nous ne savons presque rien de la façon dont s’est déroulée la septième réunion. Elle a assez mal démarré : lors d’une réunion d’information publique, les organisateurs de l’ACAC ont tenté de faire signer à l’assistance un accord de non-divulgation (lors d’une réunion publique !), et ont ensuite fait sortir une activiste qui ébruitait des notes sur les éléments publiés — elle a été évincée manu militari sous les huées des lobbyistes présents, outrés que le public puisse assister à la réunion.

Pendant la réunion, des membres de diverses représentations parlementaires de par le monde se sont levés au sein de leur institution, et ont exigé de prendre connaissance des détails du traité qui était négocié par le département du commerce de leur pays, sans la supervision de leur sénat ni de leur parlement. Les législateurs de toute l’Europe, les membres des parlements canadien et australien, et les représentants du Congrès des États-Unis se sont vu opposer un silence de marbre et de vagues garanties.

Ces assurances étant les seules informations publiques visibles que nous ayons sur la question, elles méritent notre attention : l’Union Européenne, les États-Unis et le Canada ont tous affirmé que rien dans l’ACAC n’aura d’impact sur le droit national dont les représentants élus sont responsables.

Au lieu de cela, ils prétendent que l’ACAC ne fait qu’incarner les lois nationales dans un accord international, ce qui dans les faits oblige tout le monde à s’aligner sur les lois existantes.

Cette absurdité — pourquoi négocier un traité qui ne changerait rien ? — devient encore plus ridicule lorsque l’on considère que l’Union Européenne, le Canada et les États-Unis ont des règles de droit d’auteur différentes et incompatibles sur les questions en discussion à l’ACAC. Il est littéralement impossible pour l’ACAC de parvenir à un ensemble de règles qui n’entraînerait pas de modifications pour tout le monde.

Ce que l’avenir nous réserve – et ce que vous pouvez faire

Certes, nous pourrions tous constater par nous-mêmes ce qui a été proposé, si seulement l’ACAC était ouvert au public, comme tous les autres traités sur le copyright mondial le sont depuis l’avènement d’Internet.

Là encore, voici une série de déclarations contradictoires sur lesquelles nous creuser la tête : le délégué en chef du commerce États-Unien dit que le secret est une condition requise par les partenaires des États-Unis. Or, la déclaration sur la confidentialité qui a été divulguée provient clairement des États-Unis. De nombreux États de l’UE sont sur le point de lancer un appel officiel pour la transparence de l’ACAC.

Pour ma part, je parie sur les États-Unis. L’industrie mondiale du divertissement a plus d’emprise là-bas que dans toute autre nation, et l’administration Obama est allée jusqu’à nier la loi sur la liberté de l’information (NdT « Freedom of Information Act ») pour le traité en prétextant des raisons de sécurité nationale. (Oui, la sécurité nationale ! Ceci est un traité de droit d’auteur, pas une liste des codes de lancement de missiles.) Et le Bureau du Représentant État-Unien au Commerce (ndt : « United States Trade Representative », USTR) a déclaré clairement que l’administration Obama prévoit de ratifier l’ACAC par décret, sans la faire passer par le Congrès.

Le prochain sommet de l’ACAC se déroulera en Nouvelle-Zélande en avril, et les militants se préparent pour la bataille. En Nouvelle-Zélande, les opposants au copyright (NdT : « copyfighters ») sont aguerris et prêts à en découdre, ayant récemment repoussé le règlement 92A qui aurait permis aux producteurs de cinéma et de musique de couper l’accès à Internet sur simple accusation — sans preuve — de violation de copyright.

Impliquez-vous. Appelez votre sénateur, votre député, votre euro-député. Dites-leur que vous voulez que l’ACTA soit négocié de façon ouverte, avec la participation du public et de la presse.

Refusez que des règles affectant les moindres recoins de votre vie en ligne soient décidées en douce par ceux qui ne défendent que les intérêts de leur portefeuille.

Cory Doctorow
Militant de l’Internet, blogueur – Co-rédacteur en chef de Boing Boing

Notes

[1] Crédit photo : Raïssa Bandou (Creative Commons By)




Le chemin de croix du logiciel libre à l’école – Quand Mediapart mène l’enquête

Vauvau - CC byLe logiciel libre et sa culture n’ont toujours pas la place qu’ils méritent à l’école. Tel est l’un des chevaux de bataille de ce blog, qui a parfois l’impression de donner des coups d’épée dans l’eau tant ce sujet ne donne pas l’impression de passionner les foules.

Dans ce contexte médiatiquement défavorable, nous remercions Mediapart de s’être récemment emparé du sujet à la faveur d’une enquête conséquente sur L’école à l’ère numérique.

Ces enquêtes approfondies sont l’une des marques de fabrique de ce pure player qui contrairement à d’autres ne mise pas sur le couple gratuit/publicité mais sur l’abonnement qui offre un accès privé et réservé à la majorité de ses contenus (si je puis me permettre une petite digression, le modèle utopique idéal serait pour moi un nombre suffisant d’abonnés à qui cela ne poserait pas de problèmes que le site soit entièrement public et sous licence de libre diffusion).

Ce dossier comporte cinq articles : Les industriels lorgnent le futur grand plan numérique de Luc Chatel, A Antibes, un collège teste les manuels numériques[1], Thierry de Vulpillières : « Les TICE sont une réponse à la crise des systèmes d’éducation »[2], Nouvelles technologies: remue-ménage dans la pédagogie ![3] et Le chemin de croix du logiciel libre à l’école.

Avec l’aimable autorisation de son auteure, nous avons choisi d’en reproduire le premier dans un autre billet et donc ici le dernier, dans la mesure où nous sommes cités mais aussi et surtout parce qu’ils touchent directement nos préoccupations.

Outre votre serviteur, on y retrouve de nombreux acteurs connus des lecteurs du Framablog. J’ai ainsi particulièrement apprécié la métaphore de la « peau de léopard » imaginée par Jean Peyratout pour décrire la situation actuelle du Libre éducatif en France[4].

Et si ce léopard se métamorphosait doucement mais sûrement en une panthère noire ?

Le chemin de croix du logiciel libre à l’école

URL d’origine du document

Louise Fessard – 12 février 2010 – Mediapart

Et le libre dans tout ça ?

Des logiciels et des contenus garantissant à tous le droit d’usage, de copie, de modification et de distribution, ne devraient-ils pas prospérer au sein de l’éducation nationale ? Si l’administration de l’éducation nationale a choisi en 2007 de faire migrer 95% de ses serveurs sous le système d’exploitation libre GNU/Linux, la situation dans les établissements scolaires est bien plus disparate.

Le choix dépend souvent de la mobilisation de quelques enseignants convaincus et de la politique de la collectivité locale concernée. « On se retrouve avec des initiatives personnelles, très locales et peu soutenues », regrette l’un de ses irréductibles, Alexis Kauffmann, professeur de mathématiques et fondateur de Framasoft, un réseau d’utilisateurs de logiciels libres.

« La situation ressemble à une peau de léopard, confirme Jean Peyratout, instituteur à Pessac (Gironde) et président de l’association Scideralle. Le logiciel libre est très répandu mais dans un contexte où aucune politique nationale n’est définie. C’est du grand n’importe quoi : il n’y a par exemple pas de recommandation ministérielle sur le format de texte. Certains rectorats vont utiliser la dernière version de Word que d’autres logiciels ne peuvent pas ouvrir. »

A la fin des années 1990, Jean Peyratout a développé avec un entrepreneur, Eric Seigne, AbulEdu, une solution réseau en logiciel libre destinée aux écoles et basée sur GNU/Linux. Selon Eric Seigne, directeur de la société de service et de formation informatique Ryxeo spécialisée dans le logiciel libre, environ 1000 des 5000 écoles visées à l’origine par le plan d’équipement « écoles numériques rurales », lancé à la rentrée 2009 par le ministère de l’éducation nationale, ont choisi d’installer AbulEdu. Faute de bilan national, il faudra se contenter de ce chiffre, qui ne concerne que le premier degré, pour mesurer l’importance du libre dans les établissements scolaires.

Autre exemple significatif, en 2007, le conseil régional d’Ile-de-France a choisi d’équiper 220.000 lycéens, apprentis de CFA et professeurs, d’une clé USB dotée d’un bureau mobile libre – développé par la société Mostick, à partir des projets associatifs Framakey et PortableApps.

« Pourquoi payer des logiciels propriétaires ? »

Le libre à l’école a plusieurs cordes à son arc. Jean Peyratout met en avant son interopérabilité – « Nos élèves sont amenés à utiliser à la maison ce qu’ils utilisent à l’école » –, la souplesse dans la gestion du parc – pas besoin d’acheter une énième licence en cas de poste supplémentaire – et surtout son éthique. « Faire de la publicité à l’école est interdit, plaide-t-il. Il me semble qu’utiliser un logiciel marchand à l’école alors qu’il existe d’autres solutions, c’est faire la promotion de ce logiciel. Pourquoi aller payer des logiciels propriétaires dont le format et le nombre limité de licences posent problème ? »

D’autant, souligne Eric Seigne, « qu’en investissant dans le libre, l’argent reste en local, alors qu’en achetant du propriétaire, la plus grande partie de l’argent part à l’étranger où sont implantés les gros éditeurs ». Reste à convaincre sur le terrain les enseignants, non experts et qui n’ont pas envie de mettre les mains dans le cambouis. A Saint-Marc-Jaumegarde par exemple, Emmanuel Farges, directeur d’une école primaire pourtant très technophile, est sceptique. « Seul notre site Internet repose sur un logiciel libre mais ça bogue souvent et il n’y a pas de suivi quand il y a un problème », explique-t-il.

A côté de la poignée d’enseignants militants du libre, se sont pourtant développés des professionnels. « Le fait que les logiciels soient gratuits éveille paradoxalement les soupçons de mauvaise qualité, note Bastien Guerry, doctorant en philosophie et membre de l’Association francophone des utilisateurs de logiciels libres (Aful). Mais il existe des associations locales de prestation de service en logiciel libre qui peuvent assurer un suivi. »

Des sites collaboratifs

« Aujourd’hui, les enjeux portent moins sur l’installation des postes que la mise à disposition de logiciels libres via l’environnement numérique de travail et des clefs USB », prévoit Bastien Guerry. A travers des sites participatifs comme Les Clionautes (histoire-géographie), WebLettres (français), et créés au début des années 2000, des enseignants s’adonnent avec enthousiasme à cette création de logiciels et surtout de contenus.

L’exemple le plus abouti en est Sésamath dont la liste de diffusion regroupe 8000 enseignants, soit un quart des profs de mathématiques français selon l’un des fondateurs du projet, Sébastien Hache, lui-même enseignant au collège Villars à Denain (Nord).

« Tous les enseignants créaient déjà eux-mêmes leurs ressources mais Internet leur a permis de les partager, explique-t-il. Et, comme il n’y a pas plus seul qu’un prof face à sa classe, ça évite à chacun de réinventer la roue dans son coin. » Grâce à la collaboration d’enseignants travaillant à distance, Sésamath a même édité « le premier manuel scolaire libre au monde ». « Les manuels des éditeurs sont d’ordinaire écrits par deux ou trois profs, nous, nous avons eu la collaboration d’une centaine d’enseignants avec de nombreux retours », se félicite Sébastien Hache.

400.000 exemplaires de ce manuel, qui couvre les quatre niveaux de collège, ont été vendus (11 euros pour financer les salaires des cinq salariés à mi-temps de l’association), la version en ligne étant gratuite et bien entendu modifiable en vertu de sa licence libre. L’autre activité du site consiste à créer des logiciels outils et des exercices s’adaptant aux difficultés des élèves. Beaucoup de professeurs de mathématiques sont aussi par ailleurs des développeurs passionnés!

Un foisonnement que s’efforce de fédérer le pôle de compétences logiciels libres du Scérén coordonné par Jean-Pierre Archambault. L’école doit désormais prendre en compte les « mutations engendrées par l’immatériel et les réseaux: enseignants-auteurs qui modifient le paysage éditorial, partage de la certification de la qualité, validation par les pairs, redistribution des rôles respectifs des structures verticales et horizontales… », jugeait-il en juin 2008.

Pas vraiment gagné, constate Alexis Kauffmann. « Rien ne laisse à penser que le ministère de l’éducation nationale comprend et souhaite encourager cette culture libre qui explose actuellement sur Internet », lance-t-il. Dernier exemple en date, l’Académie en ligne lancée par le Cned en juin 2009 propose des cours, certes gratuits, mais pas libres et donc non modifiables, manifestement uniquement conçus pour être imprimés! Pour la collaboration, il faudra repasser…

Notes

[1] On peut lire l’article A Antibes, un collège teste les manuels numériques dans son intégralité sur le site Sauvons l’Université.

[2] On peut lire l’article Thierry de Vulpillières : « Les TICE sont une réponse à la crise des systèmes d’éducation » dans son intégralité sur le site Sauvons l’Université.

[3] On peut lire l’article Nouvelles technologies: remue-ménage dans la pédagogie ! dans son intégralité sur le site Sauvons l’Université.

[4] Crédit photo : Vauvau (Creative Commons By)




Si Google is not evil alors qu’il le prouve en libérant le format vidéo du Web !

Diegosaldiva - CC byQuel sera le futur format vidéo du Web ? Certainement plus le Flash dont les jours sont comptés. Mais quel nouveau format va alors s’imposer, un format ouvert au bénéfice de tous ou un format fermé dont le profit à court terme de quelques-uns se ferait au détriment des utilisateurs ?

Un acteur, à lui seul, possède semble-t-il la réponse ! Et c’est une fois encore de Google qu’il s’agit. Une réponse que la Free Software Foundation attend au tournant car elle en dira long sur les réelles intentions de la firme de Moutain View.

Tentative de résumé de la situation.

Faute de mieux, et alors qu’il n’avais pas été spécialement conçu pour jouer les premiers rôles, le format Flash Video d’Adobe (.flv) s’est imposé pendant des années comme format standard de fait de la vidéo en lecture continue (ou streamée) sur Internet, comme par exemple sur le site emblématique YouTube.

Pour le lire il nécessitait la présence d’un player Flash sur son ordinateur, ce qui a toujours posé problème aux Linuxiens puisque la technologie Flash est propriétaire et (en partie) fermée et qu’il n’est donc pas possible de l’inclure dans les distributions libres de GNU/Linux (ceux qui juste après une installation ont recherché comment lire ce satané format comprendront fort bien ce que je veux dire). Un problème si important que la FSF n’a pas hésité à le placer au top de ses priorités logicielles avec son projet de lecteur libre Gnash (juste en dessous d’un lecteur alternatif pour le format PDF, autre format problématique).

Mais tout ceci sera bientôt du passé car la nouvelle version du format des pages Web, le HTML5, est en train de changer la donne avec l’introduction de la balise <video> (cf cet article du Framablog pour en savoir plus : Building the world we want, not the one we have).

Exit le Flash donc dans nos vidéos du Web. D’ailleurs, coup de grâce, il ne figurera pas dans l’iPad et Steve Jobs aurait déclaré « ne pas vouloir perdre du temps sur une technologie dépassée aussi ringarde que les disquettes » !

Conséquence et grand progrès, on peut donc potentiellement lire directement les vidéos sur tout navigateur qui implémente le HTML5 (actuellement Firefox 3.5+, Safari 4+, Chrome 3+). Plus besoin de télécharger de plugins (Flash, QuickTime ou autre). Sauf que comme le dit Tristan Nitot « la spécification HTML5 précise comment un navigateur doit interpréter l’élément video, mais pas sur le format dans lequel doit être publiée la vidéo en question ».

Or justement deux formats sont les principaux candidats à la succession, l’un ouvert, que nous connaissons bien, le Ogg Theora (adopté notamment sur les projets Wikimedia), et l’autre fermé le H.264. Tristan Nitot expose avec la clarté qu’on lui connaît, la situation, ses contraintes et ses menaces, dans son billet Vidéo dans le navigateur : Theora ou H.264 ?.

Il en rajoute une couche sur Rue89 dans Firefox refuse que YouTube devienne « un club de riches » :

« Si le Web est si participatif, c’est parce qu’il n’y a pas de royalties pour participer et créer un contenu. (Faire le choix du H.264) serait hypothéquer l’avenir du Web. On créerait un îlot technologique, un club de riches : on pourrait produire du texte ou des images gratuitement, mais par contre, pour la vidéo, il faudrait payer. »

En effet, il en coûterait plusieurs millions par an à Mozilla si elle voulait intégrer le H.264 dans Firefox. Ce qu’elle ne pourrait pas se permettre et du coup si YouTube adoptait définitivement ce format (que la célèbre plate-forme teste actuellement), nous serions face à un choix cornélien : Firefox sans YouTube (et tous les autres sites de vidéos qui auront alors suivi YouTube, gageons qu’ils seront nombreux) ou YouTube sans Firefox.

Ceux qui pensent, comme Stallman, qu’on « ne brade pas sa liberté pour de simples questions de convenances » feront peut-être le premier choix. Mais pour le grand public, rien n’est moins sûr (c’est même sûr qu’il fera le choix inverse).

Or c’est un feuilleton à épisodes car un tout dernier évènement est venu semer le trouble en apportant son lot de spéculations. Un évènement passé un peu inaperçu à cause du buzz (négatif) engendré par la sortie simultanée de Google Buzz : le rachat par Google de la société On2 Technologies pour un peu plus de cent millions de dollars.

On2 Technologies est justement spécialisée dans la création de formats vidéos, dont un, le VP3, a d’ailleurs été libéré et est directement à l’origine de l’Ogg Theora. Mais c’est le tout dernier de la gamme, le VP8 qui focalise l’attention de par ses qualités (cf présentation et comparaison sur le site d’On2).

Ce rachat a quelque peu atténué les craintes des observateurs, à commencer par Mozilla (cf cet article de Numerama : Codec vidéo : Google rachète On2 et rassure Mozilla). Pourquoi en effet débourser une telle somme puisque le H.264 est là ? Peut-être pour le remplacer par le VP8. Mais alors aura-t-on un VP8 également fermé (et peut-être aussi payant) ou bien ouvert pour l’occasion ?

La balle est dans le camp de Google.

Soit la société fait le choix du H.264. Firefox ne peut pas suivre et alors il y a fort à parier que cela profitera au navigateur Google Chrome (nombre d’utilisateurs ne pouvant désormais concevoir le Web sans YouTube). Comme de plus l’essentiel des revenus de Mozilla provient de l’accord avec Google sur le moteur de recherche par défaut de Firefox, et que cet accord ne court que jusqu’en 2011, on voit bien que Google peut en théorie si ce n’est tuer Firefox, tout du moins participer directement à freiner son ascension.

Soit la société oublie le H.264 en optant pour le VP8 d’On2. Mais reste alors à savoir quelle sera la nature de ce format. Si Google décide de le libérer en donnant le la en l’installant sur YouTube, c’est non seulement Firefox qui en profitera mais le Web tout entier.

Le choix est important, parce qu’au-delà de l’avenir de la vidéo sur le Web, c’est l’avenir de Google dont il est question. Et aujourd’hui, qu’on le veuille ou non, l’avenir de Google rejoint souvent l’avenir du Web tout court, ce qui en dit long sur sa puissance et son influence actuelles sur le réseau.

Il est bien évident que le H.264 ou le VP8 fermé serait à priori la meilleure option pour Google en tant que multinationale cotée en bourse avec des actionnaires qui réclament leurs dividendes. Mais ce serait la plus mauvaise pour les partisans d’un Web libre et ouvert. « Google is not evil » nous dit le slogan, alors qu’elle le prouve en faisant le bon choix, celui de l’intérêt des utilisateurs. Google en tirerait alors l’avantage de conserver une image positive de plus en plus écornée ces derniers temps. Dans le cas contraire le masque serait définitivement levé[1] et le bénéfice du doute ne serait plus permis.

Tel est en substance le message lancé par la FSF que nous avons traduit ci-dessous.

Lettre ouverte à Google : libérez le VP8, et utilisez-le sur YouTube

Open letter to Google: free VP8, and use it on YouTube

Holmes – 19 février 2010 – FSF Blogs
(Traduction Framalang : Don Rico et Goofy)

Après son acquisition d’On2, entreprise spécialisée en technologie de compression vidéo, le 16 février 2010, Google est à présent en position de standardiser les formats vidéo libres et ainsi libérer le Web à la fois du Flash et du codec propriétaire H.264.

Cher Google,

Après votre rachat d’On2, vous possédez désormais le plus important site de vidéos au monde (YouTube) et tous les brevets déposés pour un nouveau codec vidéo de haute performance, le VP8. Imaginez ce que vous pouvez accomplir si vous rendez disponible, de façon irrévocable, le codec VP8 sous une licence libre de royalties, et le proposez aux utilisateurs de YouTube ? Vous pouvez mettre un terme à la dépendance du Web aux formats vidéo criblés de brevets et aux logiciels propriétaires tel que Flash.

Garder le secret sur les spécifications de cette technologie ou ne l’utiliser que comme levier de négociation desservirait le monde du Libre, en n’apportant dans le meilleur des cas que des bénéfices à court terme à votre entreprise. Libérer le code du VP8 sans recommander ce format aux utilisateurs de YouTube constituerait une occasion manquée et nuirait au navigateurs libres tel que Firefox. Nous voulons tous que vous fassiez le bon choix. Libérez le code de VP8, et utilisez-le pour YouTube !

Pourquoi ce serait un immense bond en avant

Le monde disposerait alors d’un nouveau format libre affranchi de brevets logiciels. Internautes, créateurs de vidéo, développeurs de logiciels libres, constructeurs de matériel informatique, tout le monde pourrait distribuer de la vidéo sans se soucier des brevets, des droits d’utilisation et des restrictions. Le format vidéo libre Ogg Theora est au moins aussi performant pour la vidéo sur le web (voir comparatif) que son concurrent fermé, le H.264, et jamais nous n’avons approuvé les objections que vous opposiez à son utilisation. Puisque vous avez pris la décision d’acquérir le VP8, on peut néanmoins supposer que ce format ne soulève pas selon vous les mêmes objections, et que l’implémenter dans YouTube est un jeu d’enfant.

Vous avez le pouvoir de faire de ce format libre un standard planétaire. Si YouTube, qui héberge la quasi totalité des vidéos numériques jamais conçues, proposait un format libre en option, ce simple changement vous vaudrait le soutien d’une pléthore de fabricants d’appareils et d’applications numériques.

Cette capacité à proposer un format libre sur YouTube n’est toutefois qu’une partie infime de votre véritable pouvoir. On passera aux choses sérieuses quand vous encouragerez les navigateurs des utilisateurs à prendre en charge les formats libres. Il existe un tas de moyens de s’y prendre. La meilleure, à nos yeux, serait que YouTube abandonne le Flash au profit des formats libres et du HTML, et propose à ses utilisateurs équipés de navigateurs obsolètes un plug-in ou un navigateur moderne (un logiciel libre, bien sûr). Apple a eu le cran de mettre au rebut le Flash pour l’iPhone et l’iPad (même si leurs raisons sont suspectes et leurs méthodes détestables les DRM), et cette décision pousse les développeurs Web à créer des alternatives sans Flash de leurs pages. Vous pourriez faire de même avec YouTube, pour des raisons plus nobles, ce qui porterait un coup fatal à la prédominance de Flash dans le secteur des vidéos en ligne.

Même des actions de moindre envergure porteraient leur fruits. Vous pourriez par exemple susciter l’intérêt des utilisateurs avec des vidéos HD disponibles sous format libre, ou inciter fortement les utilisateurs à mettre à niveau leur navigateur (plutôt que de mettre Flash à jour). De telles mesures sur YouTube porteraient la prise en charge des formats libres par les navigateurs à un niveau de 50% et plus, et elles augmenteraient lentement le nombre d’internautes qui ne prendraient pas la peine d’installer un plug-in Flash.

Si le logiciel libre et l’internet libre vous tiennent à cœur (un mouvement et un médium auxquels vous devez votre réussite), vous devez prendre des mesures drastiques pour remplacer Flash par des standards ouverts et des formats libres. Les codecs vidéo brevetés ont déjà fait un tort immense au Web et à ses utilisateurs, et cela continuera tant que nous n’y mettrons pas un terme. Parce qu’il était coûteux d’implémenter des standards bardés de brevets dans les navigateurs, un logiciel privateur aussi lourd qu’inadapté (le Flash) est devenu le standard de facto pour la vidéo en ligne. Tant que nous ne passerons pas aux formats libres, la menace des actions en justice pour violation de brevet et des royalties à verser pèsera sur tous les développeurs de logiciel, les créateurs de vidéo, les fabricants de matériel informatique, les sites Internet et les entreprises du Web, vous y compris.

Vous pouvez utiliser votre acquisition d’On2 comme simple levier de négociation pour apporter votre propre solution au problème, mais ce serait à la fois un faux-fuyant et une erreur stratégique. Si vous ne faites pas du VP8 un format libre, ce ne sera jamais qu’un codec vidéo de plus. À quoi servirait un énième format vidéo souffrant d’une compatibilité avec les navigateurs limitée par des brevets ? Vous devez au public et à l’Internet de résoudre ce problème ; vous le devez à nous tous, et pour toujours. Des organisation telles que Xiph, Mozilla, Wikimedia, la FSF et On2 elle-même mettent l’accent sur la nécessité d’imposer les formats libres et se battent corps et âme pour rendre cela possible. À votre tour, maintenant. Si vous en décidez autrement, nous saurons que vous avez à cœur non pas la liberté des utilisateurs mais seulement le règne sans partage de Google.

Nous voulons tous que vous preniez la bonne décision. Libérez le code du VP8 et utilisez-le sur Youtube !

Notes

[1] Crédit photo : Diegosaldiva (Creative Commons By)




Pourquoi le logiciel libre est-il important pour moi ?

The unnamed - CC by-saBruce Byfield est un journaliste américain que nous avons souvent traduit sur le Framablog.

Il nous livre ici une sorte de témoignage confession autour de cette simple question : Pourquoi le logiciel libre est-il important pour moi ? Une question qui, vers la fin, en cache une autre : Pourquoi le logiciel libre n’est-il pas important pour les autres ?

La réponse m’a alors fait fortement penser à l’Allégorie de la caverne de Platon parce que « pour une grande majorité, le Libre contraste tellement avec ce qu’ils connaissent qu’ils peinent à concevoir que cela existe »[1].

Mais je ne vous en dis pas plus…

Pourquoi les 4 libertés du logiciel sont plus importantes que jamais pour les Linuxiens

Why ‘Free as in Freedom’ is More Important Than Ever for Linux Users

Bruce Byfield – 17 novembre 2009 – LinuxPlanet.com
(Traduction Framalang : Don Rico)

Une marionnette heureuse de sa condition

La Free Software Foundation organise un concours de vidéos sur le thème « Pourquoi le logiciel libre est-il important pour vous ? » C’est une question qui tombe à point nommé, en raison, d’une part, de la récente sortie de Windows 7, et d’autre part des bisbilles au sein de la communauté du Libre qui ont tellement gagné en virulence que ses partisans semblent en passe d’oublier leur objectif commun.

Je n’ai pas le talent pour monter une vidéo, mais ce concours m’a poussé à m’interroger : Pourquoi le logiciel libre est-il important pour moi ? Pourquoi la plupart de ceux qui m’entourent s’en soucient comme d’une guigne ? Ces deux questions sont plus intimement liées qu’on pourrait le croire au premier abord.

Une changement de logiciel et de relations

À certains égards, il m’est plus facile d’expliquer ce qui ne présente pas d’intérêt pour moi dans le logiciel libre que ce qui en présente. Par exemple, le code que j’écris se limite à des modifications d’un code existant, aussi avoir accès au code source n’est pour moi qu’un avantage indirect.

De la même manière, être journaliste spécialisé dans le domaine du logiciel libre ne présente que peu de bénéfices pour moi. J’aurais davantage de débouchés et de lecteurs si j’écrivais des rubriques sur le matériel, Windows, et même OS X.

La gratuité du logiciel m’importe peu elle aussi, car depuis des années je peux défalquer le prix des logiciels acquis de ma déclaration de revenus. D’ailleurs, utiliser des logiciels libres et gratuits est même un désavantage lorsque je déclare mes impôts, car j’ai moins de frais professionnels à déduire.

Je ne peux même pas avancer l’argument que je voue une vive haine à Microsoft – mon sentiment envers cette entreprise est plus une grande méfiance et le désir d’avoir le moins possible affaire à elle.

Microsoft a néanmoins contribué à me pousser vers le logiciel libre. Un mois à peine après l’acquisition de ma première machine, je pestais déjà contre les carences du DOS, que j’ai remplacé par 4DOS. 4DOS était alors un partagiciel (à l’époque, quasi personne ne connaissait l’existence des logiciels libres) et ses fonctionnalités plus riches m’ont appris que le prix de vente d’un programme n’avait rien à voir avec sa qualité.

C’est aussi cette recherche de qualité qui m’a conduit à préférer OS/2 à Windows 3.0, et à vouloir être en mesure de bidouiller mes logiciels.

L’abandon d’OS/2 par IBM sous la pression de Microsoft m’a fourni un enseignement supplémentaire : je ne pouvais compter sur une entreprise commerciale pour protéger mes intérêts en tant que client. Lorsque j’ai découvert le logiciel libre, je me suis aussitôt rendu compte que mes intérêts en tant qu’utilisateur seraient sans doute mieux protégés par une communauté. Au moins, la mise à disposition du code source réduisait les risques que l’on cesse de veiller à mes intérêts.

Au cours des dix dernières années, l’évolution du monde des affaires et de la technologie n’a fait que renforcer ces convictions. À une époque où primait le bon sens, les ordinateurs et internet auraient été construits à partir de standards élaborés de façon collaborative et soumis à la régulation des pouvoirs publics, comme la télévision et la radio l’ont été au Canada et en Europe. Hélas, l’informatique et l’internet étant apparus à l’ère où dominait le conservatisme américain, ils ont été développés pour leur majeure partie par des entreprises privées.

Le résultat ? Qualité discutable, obsolescence programmée, et absence quasi totale de contrôle par l’utilisateur. Les utilisateurs de Windows et de Mac OS X ne possèdent même pas les logiciels qu’ils achètent, on leur accorde seulement un licence pour les utiliser. D’après les termes de ces licences, ils n’ont même pas le droit de contrôler l’accès que peuvent avoir Microsoft ou Apple à leur matériel ou à leurs données.

Du point de vue du consommateur, une telle situation serait inacceptable avec n’importe quel appareil. Qui tolérerait pareilles restrictions si elles s’appliquaient aux voitures ou aux cafetières électriques ?

La véritable liberté

Dans le domaine de l’informatique et de l’internet, pourtant, la situation est quasi catastrophique. Les ordinateurs pourraient être le plus formidable outil de tous les temps pour la promotion de l’éducation et de la liberté d’expression. De temps à autre, les entreprises propriétaires reconnaissent par un petit geste ce potentiel en créant des logiciels éducatifs ou en vendant leurs produits à bas prix aux pays en voie de développement.

Pourtant, dans la plupart des cas, ce potentiel n’est exploité au mieux qu’à 50% par les logiciels propriétaires. Leur coût élevé et l’absence de contrôle par l’utilisateur signifient que l’accès à ces outils reste bridé et filtré par leurs fabricants. À cause d’un hasard de l’Histoire, nous avons laissé des entreprises commerciales utiliser ces technologies, ce qui est bien sûr tout à fait acceptable, mais aussi avoir le contrôle sur tous ceux qui comme eux les utilisent.

Le logiciel libre, lui, reprend une partie de ce contrôle aux entreprises commerciales et rend l’informatique et internet plus accessibles à l’utilisateur moyen. Grâce aux logiciels libres, notre capacité à communiquer n’est plus restreinte par notre capacité financière à acquérir tel ou tel programme. Ce n’est pas la panacée, car le prix du matériel reste une barrière pour certains, mais il s’agit d’un pas de géant dans la bonne direction.

Pour résumer, le logiciel libre est une démocratisation d’une technologie privative. On retrouve cet esprit intrinsèque dans les communautés qu’il génère, dans lesquelles la norme est le bénévolat,le partage et la prise de décision collégiale. On le retrouve aussi dans l’utilisation de logiciels libres pour la création d’infrastructures dans les pays en développement, ou dans les initiatives que mènent l’Open Access Movement (NdT : Mouvement pour l’Accès Ouvert) pour affranchir les chercheurs universitaires des revues à accès restreint, de sorte que tout un chacun puisse les exploiter. En un mot, le logiciel libre, c’est un pas en avant pour atteindre les idéaux sur lesquels la société moderne devrait reposer.

On pourrait me rétorquer que d’autres causes, telles que la lutte contre la faim et la misère dans le monde, sont plus importantes, et je vous donnerais raison. Néanmoins, c’est une cause à laquelle je peux apporter ma modeste contribution. À mon sens, elle est non seulement importante, mais si essentielle pour les droits de l’homme et la liberté de la recherche que je peine à comprendre pourquoi elle n’est pas déjà universelle.

Hors du cadre de référence

Hélas, le logiciel libre ne peut se targuer que d’un nombre d’utilisateurs réduit, même si celui-ci augmente sans cesse. On cite souvent les monopoles, l’ampleur de la copie illégale, l’absence d’appui des constructeurs, les luttes intestines au sein des communautés et l’hostilité envers les non-initiés, pour expliquer pourquoi l’utilisation des logiciels libres n’est pas plus répandue. Toutes ces raisons jouent sans doute un rôle, mais je soupçonne les véritables causes d’être beaucoup plus simples.

« Je ne comprends pas qu’on puisse encore utiliser Windows », ai-je un jour grommelé en présence d’un ami. « Parce que c’est préinstallé sur tous les ordinateurs ? » a-t-il répondu. Il n’avait sans doute pas tort.

On pourrait penser que des gens qui passent de huit à quatorze heures devant leur machine souhaiteraient avoir davantage de contrôle sur elle. Mais il ne faut jamais sous-estimer la force de la peur du changement. Si les ordinateurs sont vendus avec un système d’exploitation préinstallé, la plupart des utilisateurs s’en accommodent, même s’ils passent leur temps à s’en plaindre ou à s’en moquer.

Je pense néanmoins que le frein principal à une adoption plus massive des logiciels libres est plus basique encore. Pour une grande majorité, le Libre contraste tellement avec ce qu’ils connaissent qu’ils peinent à concevoir que cela existe.

Le logiciel libre trouve son origine dans l’informatique universitaire des années 1960 et 1970, mais pour le plus grand nombre, l’histoire de l’informatique ne commence qu’avec l’apparition de l’ordinateur personnel sur le marché vers 1980.

Depuis, les logiciels sont avant tout des produits marchands, et le fait que les fabricants aient tout contrôle sur eux constitue la norme. Même si de temps à autre il arrive aux utilisateurs de râler, ils sont habitués à perdre les droits qui devraient être les leurs en matière de propriété dès qu’ils sortent leur logiciel de sa boîte.

De nombreux utilisateurs ignorent encore quels sont les objectifs du logiciel libre. Pourtant, s’ils sont un jour amenés à découvrir le logiciel libre, ils apprennent vite que ses aspirations sont radicalement différente.

Pour le mouvement du Libre, le logiciel n’est pas une marchandise mais un médium, comparable aux ondes télé ou radio, qui devrait être fourni à tous avec leur matériel informatique. Cette philosophie suggère que l’utilisateur moyen devrait être plus actif dans sa façon d’utiliser son ordinateur et modifier son rapport aux fabricants.

Face à des aspirations si opposées, quelle peut être la réaction de l’utilisateur moyen à part l’incompréhension et le rejet ? Il se peut que son premier réflexe consiste à penser que tout cela est trop beau pour être vrai. Il risque de ne pas croire à la façon dont sont conçus les logiciels libres, et craindre des coûts cachés ou la présence de logiciels malveillants.   Cet utilisateur n’est pas près de prendre ces promesses pour argent comptant, et il n’y a rien d’étonnant à cela.

Le logiciel libre diffère tant des logiciels qu’il utilise depuis toujours qu’il n’a pas de cadre de référence. Le fait que le Libre offre plus de souplesse et plus de possibilité de contrôle qu’il n’en a jamais eu ne fait pas le poids contre l’incapacité de l’utilisateur à le rapprocher du reste de son expérience avec les logiciels. Plutôt que de de se jeter dans les bras du Libre, il risque de le rejeter par incompréhension.

Retour aux fondamentaux

Lors de mon premier contact avec le Libre, je l’ai considéré comme un phénomène isolé. Ses similitudes avec d’autres tendances ou mouvements historiques ne me sont apparues que plus tard. Aujourd’hui encore, il m’arrive de temps à autre de négliger trop facilement son importance, et je soupçonne qu’il en va de même pour de nombreux membres de la communauté.

Cette remarque s’applique surtout pour ceux qui se définissent comme partisans de l’Open Source, lesquels accordent de la valeur au logiciel libre principalement pour la qualité supérieure que permet le code ouvert. Ils oublient parfois, comme me l’a un jour confié Linus Torvalds, que ce confort accordé aux codeurs n’est qu’un moyen permettant d’accéder à la liberté de l’utilisateur.

Mais négliger l’importance du logiciel libre a un effet encore plus profond. Nous, qui appartenons à la communauté, sommes conscients de cette importance, mais nous la prenons souvent pour acquise. Pris dans notre routine, nous perdons de vue que ce qui nous semble normal peut se révéler déroutant et menaçant pour qui en entend parler pour la première fois.

Chaque année, le logiciel libre accomplit de nouvelles avancées. Quand je fais le point sur mes dix ans d’activité dans ce domaine, je suis souvent stupéfait par les progrès dont j’ai été témoin, à la fois concernant les logiciels eux-mêmes et le succès qu’ils remportent en dehors de la communauté. Néanmoins, le logiciel libre pourrait rencontrer le succès plus vite si ceux qui participent au mouvement se remémoraient plus souvent son importance et se rendaient compte du caractère déconcertant qu’il peut avoir pour les néophytes.

Notes

[1] Crédit photo : The unnamed (Creative Commons By-Sa)




Naissance du (pas très bien nommé) Conseil National du Logiciel Libre

Gruntzooki - CC by-saCe matin je reçois dans ma boite aux lettres (électronique) un communiqué de presse m’informant de la création du Conseil National du Logiciel Libre (ou CNLL).

Le nom m’a intrigué parce que de Conseil national, je connaissais surtout celui de Suisse, de la Résistance et de l’Ordre des médecins !

En fait il s’agit d’une nouvelle association nationale regroupant 10 associations régionales représentant 200 entreprises françaises spécialisées dans le logiciel libre.

Le CNLL a pour vocation de parler au nom de l’ensemble de la filière économique du logiciel libre, sans discrimination, afin de faire connaître les bénéfices du logiciel libre dans le contexte actuel de relance économique, et de faire entendre les demandes de ses membres auprès des pouvoirs publics, pour un soutien à l’activité économique de la filière.

L’union faisant la force, c’est une très bonne nouvelle que voilà.

D’ailleurs l’Aful, associée au communiqué de presse, se réjouit de cette création. Tandis que l’April salue l’initiative.

On remarquera au passage la subtile nuance entre la réjouissance et la salutation. Le titre de l’annonce n’étant d’ailleurs pas le même chez nos deux associations : Création du Conseil National du Logiciel Libre pour le premier, Création d’une fédération professionnelle du Logiciel Libre pour le second 😉

J’ai eu la curiosité de parcourir la FAQ du site.

« Logiciels Libre » ou « Open Source », quelle est la position du CNLL ?

Logiciel Libre et Open Source Software désignent des logiciels dont les licences permettent de les utiliser, de les modifier et de redistribuer librement, selon des conditions qui ont été codifiées précisément, respectivement par la FSF et l’OSI. Les deux termes ont cependant des connotations différentes, et certains préfèrent utiliser l’un plutôt que l’autre, ce que nous respectons, tout en estimant que nous n’avons pas à trancher dans ce débat.

Quelle que soit la façon dont on les appelle, nous estimons que le processus de développement et de diffusion des logiciels libres / open source est à même d’apporter plus de valeur à moindre coût, et plus de contrôle sur leurs choix technologiques, aux clients des entreprises que nous représentons.

Cette dernière phrase a tout de même de forts accents « open source » selon moi. Comme si on répondait tout de même à la question en faisant un choix (au demeurant tout à fait cohérent, logique et respectable)[1].

Mais du coup je n’aurais pas forcément adopté un tel nom de baptême, qui peut prêter à confusion dans le sens où on ne comprend pas forcément qu’il s’agit de fédérer des entreprises.

Proposition alternative : l’ANAREFOS pour Association Nationale des Associations Régionales des Entreprises Françaises Open Source. Mais c’est plus long, moins sexy et puis il y a « anar » dedans !

Certaines mauvaises langues m’objecteront qu’il existait déjà une structure similaire avec la FniLL, qui a pour « vocation de représenter en France l’ensemble des acteurs professionnels qui participent au dynamisme de l’économie du Logiciel Libre ». N’étant pas dans le secret des dieux, je me dis qu’il doit y avoir quelques bonnes raisons à une telle (saine) concurrence.

Aful / April, CNLL / FniLL, Logiciel Libre / Open Source, ce billet figurera en bonne place dans le « Hall of Troll » du blog !

Mais qu’on ne se meprenne pas. Moi aussi je salue, que dis-je, je me réjouis de la naissance de ce projet qui témoigne du dynamisme des FLOSS dans notre beau pays 😉

Notes

[1] Crédit photo : Gruntzooki (Creative Commons By-Sa)