Minetest, intérêts et possibilités pédagogiques

Dans « Framinetest Édu » il y a « Édu ». Ce n’est pas (simplement) pour damer le pion à Microsoft. Les jeux de minages sont des outils intéressants et innovants pour expérimenter d’autres formes de pédagogies.

Voici un article de SVTux, un professeur de SVT convaincu des avantages des serious games… pour les avoir testés lui-même.

le Coming out simulator un serious game d'éducaiton populaire à la tolérance. CC-0 Nicky Case
Coming out simulator un serious game d’éducation populaire à la tolérance.
CC-0 Nicky Case

Entre serious games et serious gaming

Un serious game est un jeu vidéo pensé pour être éducatif. Par opposition, le serious gaming est le détournement d’un jeu classique dans un contexte pédagogique.

Avec Minetest, nous sommes à la frontière de ces deux mondes. En effet, si de base, son utilisation pédagogique le place principalement dans le serious gaming, ses possibilités de personnalisation, adaptations, détournement, … peuvent assez facilement le positionner parmi les serious games !

Quelques anecdotes pour comprendre l’intérêt pédagogique

Si vous n’êtes pas familier de ce type de jeu, j’imagine que vous êtes en train de vous dire : « mais qu’est-ce que ce truc encore ? », « c’est n’importe quoi ! », « quel est le rapport avec les programmes ? »…

Je vais donc commencer par vous raconter 3 petites anecdotes :

  • Sur la première version du collège construite par mes élèves en janvier 2015, j’ai eu la surprise de constater que ces derniers avaient choisi les cubes en fonctions de leurs couleurs afin de correspondre au mieux à la réalité « visuelle ». Par conséquent, le sol (et les plafonds) avaient été construit en grès. Grave erreur ! Car le jeu tient compte des processus d’érosion ! Autrement dit, au bout de quelques jours dans le jeu, nous nous sommes retrouvé avec un tas de sable gigantesque au milieu du collège !!! (En effet, le grès termine en grains de sable de par les processus d’érosion)
  • Pendant l’une de mes dernières séances : « Monsieur, Monsieur, je ne comprends pas : j’ai bien construit l’enclos comme vous avez demandé ! Par contre je crois qu’il y a un bogue dans le jeu parce que lorsque j’y met des poules, il y a des œufs mais les poussins ne naissent pas ! ». Je l’interpelle en lui proposant d’ajouter un coq dans son enclos : « Génial Monsieur, vous avez corrigé le bogue, maintenant il y a même des poussins qui naissent, grandissent et deviennent des poules ou des coqs ! »

Mais allons plus loin avec cette 3e anecdote (arrivée le 1er avril 2016, et ce n’est pas un poisson !) :

  • Comme d’habitude, je retrouve le vendredi midi les élèves les plus motivés par Minetest pour le « club minetest » et l’un d’eux me demande s’il peut me montrer ce qu’il a fait pendant le week-end de Pâques (bon, jusque là, rien d’anormal, je m’attends à voir une maison de plus ! Lol). L’élève démarre le jeu en « local » et m’explique comment il construit des voitures dans le jeu. Sauf que ses voitures, elles roulent, tournent… Bref, de vraies voitures ! Et surtout, par défaut, le jeu que je lui avais transmis ne le permettait pas. Je lui demande comment il a fait : « c’est très simple monsieur, j’ai créé un mod, si vous voulez, je vous le donne ! » (là, mon cerveau se met en mode sérieux). Je regarde, il m’explique plus en détail… et je comprends qu’il a vraiment fait du code… tout seul, en s’inspirant des autres mods du jeu. Cet élève, ne trouvant pas l’option dans le jeu avait décidé de créer l’option lui-même. Depuis hier, son mod est intégré dans le serveur du prof. Respect, cet élève a 11 ans.

Ces anecdotes doivent d’ores et déjà vous laisser entrevoir quelques pistes d’exploitation pédagogique… Mais allons plus loin !

Le parking était là, il manquait juste les voitures… un élève les a codées.
Le parking était là, il manquait juste les voitures… un élève les a codées.

Pistes d’exploitation pédagogique :

Minetest permet de travailler en s’amusant dans la quasi totalité des disciplines : du Français au Sciences, en passant par la philosophie, l’histoire ou encore les langues étrangères et la technologie. Rien que cela !

A minima les points des programmes suivants peuvent être abordés :

  • Apprendre à se repérer sur une carte, un plan.
  • Comprendre et savoir appliquer la notion d’échelle.
  • Découvrir les notions de cycles de vie, de chaînes et réseaux alimentaires, l’agriculture humaine, de biomes…
  • Découvrir les principales notions de géologies (érosion, volcanisme…).
  • Comprendre l’influence des conditions météorologiques, de l’Homme… sur l’environnement.
  • Découvrir la notion de modélisation.
  • Apprendre à coopérer et collaborer.
  • Découvrir les matériaux, leurs propriétés, les notions de composites, etc.

Et que dire philosophiquement, lorsqu’on interdit l’usage des armes dans le jeu, des élèves qui constituent des stocks d’armement dans leurs coffres avec l’argument : « Ne vous inquiétez pas Monsieur, nous n’allons pas nous en servir… c’est juste au cas où ! »… de passionnant débats en perspective ! CQFD.

Exemple n°1, en Sciences de la Vie et de la Terre : « L’influence de l’Homme sur les peuplements »

Exemple n°2, Projet d’EPI : Géographie/Technologies/Mathématiques : « Construisons notre collège, notre ville…  »

Exemple n°3, Minetest, un outil pédagogique modulaire

Construisons notre collège.
Construisons notre collège.

Mais bien entendu, il faut garder à l’esprit que les possibilités pédagogiques de Minetest n’ont de limites que celles de notre imagination !

Autres ressources pédagogiques :

De la coopération à la collaboration !

Minetest, tout comme Framapad, peut être qualifié d’outil collaboratif.

Pour rappel, un outil est qualifié de coopératif lorsqu’il permet à plusieurs utilisateurs d’atteindre ensemble un même objectif en permettant à chacun d’apporter sa pierre à l’édifice final (sans toucher/modifier la brique du voisin).

Par opposition, un outil est dit collaboratif lorsqu’il permet à plusieurs utilisateurs d’atteindre ce même objectif en permettant à chacun d’apporter sa pierre à l’édifice final et de modifier, supprimer… celle du voisin.

En classe, lors des premières séances, nous n’observons le plus souvent que de la coopération mais avec l’entraînement, et l’acceptation de la prise en compte de l’avis de ses camarades, la collaboration se met progressivement en place. Une fois la compétence acquise par les élèves, les groupes de travail deviennent plus efficaces et autonomes.

Il est donc nécessaire de prendre le temps et de renouveler les séances pour permettre aux élèves d’apprendre à collaborer. Cet investissement temporel vaut le coup !

Où trouver de l’aide ?

Comme tout logiciel libre qui se respecte, il existe une communauté riche de nombreux membres prêts à vous aider dans vos projets. Pour en savoir davantage, voici deux liens indispensables :

Mise à jour du 20/09/2016 : faisant suite à vos demandes, nous avons ouvert une section « Minetest » sur notre forum : https://framacolibri.org/c/framinetest-minetest

Pourquoi utiliser Minetest plutôt que Minecraft en milieu scolaire ?

Voici une question fréquente à laquelle il est assez simple de répondre lorsqu’on a testé les deux outils en milieu scolaire :

  • Minetest est écrit en C++ (Minecraft en Java) : il est par conséquent très léger et tourne facilement sur des machines peu puissantes.
  • Les fichiers de configuration sont au format txt, ce qui facilite la personnalisation.
  • Le jeu occupe peu de bande passante, ce qui est bien pratique lorsque votre établissement ne dispose pas d’une excellente connexion.
  • Étant libre, le jeu offre une main totale à l’administrateur comme aux utilisateurs (configuration, personnalisation…).
  • Le jeu est entièrement gratuit. Aucun frais n’est à envisager pour l’établissement.
  • Le jeu est réellement multiplateforme, ce qui permet un fonctionnement dans tous les environnements scolaires.
  • Enfin, soulignons qu’il ne nécessite pas d’installation pour les élèves : un simple copier-coller suffit, ce qui est bien pratique sur les machines des établissements scolaires !

Screenshot_20160811-165223
Minetest sur android, joué directement depuis un ordiphone.

Pour aller plus loin, il peut être intéressant, pour l’enseignant, de s’interroger sur l’intérêt de pousser uniquement en établissement des outils propriétaires (tel que Minecraft) chez de jeunes enfants quand on connaît l’impact de la publicité sur eux. Il est une évidence qu’il faut parfois rappeler : la diversité numérique dans le milieu scolaire est indispensable et devrait être la règle. Sinon, ne serait-ce pas une forme de publicité forcée et/ou de formatage ? Que dirait-on si une entreprise célèbre de soda réalisait l’ensemble des livres scolaires sans qu’il y ait d’autres alternatives ?

Ami-e-s enseignant-e-s : veuillez noter que la carte proposée par défaut sert à tester Framinetest. Une autre carte est réservée aux activités pédagogiques.




Framinetest Édu : laissez Microsoft hors de portée de nos enfants.

Le Framachin de la rentrée est un jeu…

Sérieux.

Un serious game avec une infinité d’applications pédagogiques que nous proposons avant que l’ogre Microsoft ne vienne faire la sortie des écoles… voire y rentrer pour mieux dévorer les données de nos chères têtes blondes.

 

C’est parti d’une blague. Après la parution d’une traduction de Framalang sur Minetest, l’alternative libre au jeu Minecraft, un certain SVTux nous a partagé ce qu’il faisait en classe avec ce jeu tandis qu’un·e certain·e Powi nous a demandé « À quand un Framinetest ?« … Nous avons rétorqué d’un « C’est çui qui dit qui fait ! » auquel ellui et SVTux ont répondu « chiche ! »

Ce n’était pas prévu. Le jeu Minecraft (racheté par Microsoft en 2014 pour 2,5 milliards de dollars) ne faisait pas partie de notre plan pour dégoogliser internet. Puis, nous avons vu que le 9 juin dernier, Microsoft a lancé la bêta de Minecraft: Education Edition

Chère Éducation Nationale… Tu joues avec nos gosses.

Et ça, vraiment, c’est pas drôle.

Tu le sais pourtant, nous on t’aime bien. Nombre de nos membres (et de notre audience) travaillent en ton sein, les « Fra » et « ma » de Framasoft viennent même de « Français » et « Mathématiques » (les matières enseignées par les deux professeurs à l’origine du tout premier projet Framasoft)… bref, nous avons une longue histoire commune.

Nous nous sommes éloignés de toi (en nous tournant vers l’éducation populaire) un peu par dépit : car tu ne veux rien entendre. Tu te laisses courtiser par les GAFAM, tu leur ouvres grand les portes de nos établissements d’enseignement… sans assumer le fait que c’est aussi grave que d’ouvrir les portes des cantines à McDonald’s.

Cette publicité est un vrai tweet Microsoft. Oui. Cliquez sur l'image pour lire l'article de l'APRIL à ce sujet.
Cette publicité est un vrai tweet de Microsoft. Oui.
Cliquez sur l’image pour lire l’article de l’APRIL à ce sujet.

Quand tu échanges les données de nos collégiens et nos collégiennes contre 13 millions d’euros de Microsoft, quand tu laisses ce dernier t’instrumentaliser pour faire sa pub, au point que d’aucuns envisagent de dénoncer cet accord en justice… Tu n’entends pas nos avertissements.

Tu souhaites juste « mettre en tension » les propositions du Libre et celles de GAFAM. Comme s’il s’agissait de deux concurrents sur un marché.

Comme si protéger les vies numériques de nos élèves n’était pas un choix politique.

Ce choix, nombre d’enseignant-e-s l’ont fait, souvent bien malgré toi. C’est en pensant à elles et eux que nous ouvrons ce nouveau service, avant que Microsoft ne vienne cette fois-ci parachever son business model chez toi en faisant son marché dans nos écoles primaires avec Minecraft: Education Edition.

Framinetest Édu : à vous de jouer !

Et là, ça devient vraiment bien plus drôle.

Minetest est un clone libre de Minecraft, un jeu dit « bac à sable ». Imaginez un monde fait de cubes : terre, eau, troncs, feuillages, minéraux, sable, glace… mais aussi plantes, poules, vaches et cochons (et même des zombies !) Ce monde est régi par des règles similaires au nôtre : le jour succède à la nuit, avec le temps l’érosion y fait son office, les poules ne se reproduisent que si l’on met un coq dans l’enclos, tomber de trop haut altère votre santé.

Vous y incarnez un petit personnage dont le but est de « miner », c’est à dire de briser les blocs de matières premières pour les mettre dans sa besace et en faire d’autres choses. Dans votre inventaire, « crafter » un bloc de bois vous permet d’obtenir des planches. Aligner planches et bâtons en T vous permet de fabriquer (crafter) une pioche… et d’aller creuser pour obtenir du grès, du granit… Dès lors vous pouvez commencer à construire !

Bon, vous pouvez aussi voler... Mais c'est juste pour prendre de la hauteur sur votre travail.
Bon, dans le jeu, vous pouvez aussi voler… Mais c’est juste pour prendre de la hauteur sur votre travail.

Nous avons ouvert un monde où les ressources sont déjà dans votre inventaire, qui peut supporter jusqu’à 400 connexions simultanées (c’est de la théorie, hein, pas un défi : restez choux avec nos serveurs ^^ !), un monde dont les mods (les possibilités modulaires) ont été choisis et pensés pour des applications pédagogiques

Bref : un monde qui n’attend que vous pour y construire collaborativement des villages et des activités pédagogiques !

Microsoft enclot Minecraft… alors changez de bac à sable !

Pour se connecter à Framinetest Édu, c’est simple ! Tout est sur la page d’accueil :

  1. Téléchargez le logiciel « client » (celui qui permet de se connecter.)
  2. Connectez-vous sur le serveur framinetest.org (onglet « client », justement ^^)
  3. Euh… jouez ? Oui : jouez !

L’avantage d’un jeu open source (développé en C/C++, et sous licence CC-BY-SA) est qu’il est adaptable sur toutes les plateformes, que vous soyez sous Windows, sous Mac, sous une des nombreuses distributions libres GNU/Linux, sur Android ou même sur un RaspberryPi : vous jouerez au même jeu partout.

Cela parait évident, mais les personnes qui ont testé Minecraft Windows10 Edition (qui est un peu le même que le Pocket Edition sur smartphone, donc incompatible avec la version PC du jeu, oui cette phrase fait mal au crâne, merci Microsoft & Mojang !) savent de quoi on parle.

Cot-cot commons, le projet d'élevage de poules libres, approuve Minetest :p !
Cot-cot commons, le projet d’élevage de poules libres, approuve Minetest :p !

Autre avantage, Minetest regroupe aussi une joyeuse communauté de libristes qui seront ravi-e-s de vous aider et vous conseiller. D’ailleurs, Powi a contribué à mettre à jour le wiki francophone pour que nous soyons certains que vous y trouviez les informations qui vous manquent ! (EDIT du 2 sept. : les contributions au wiki-fr se poursuivent : venez rejoindre la fine équipe en lisant ceci 😉 ) Et s’il vous reste des questions, pensez à les poser sur le forum

L’avantage enfin, c’est que les règles concernant le jeu sont les vôtres ! Impossible pour Microsoft d’interdire ceci, de restreindre cela ou de faire payer l’accès à telle fonctionnalité : le Libre vous offre la maîtrise de votre monde. D’ailleurs, avant de vous connecter sur notre serveur, pensez à lire nos conditions générales d’utilisation ! (cela prend moins de 5 minutes et s’applique à tous nos services ^^)

Si ces dernières ne vous conviennent pas, ou que vous souhaitez un serveur et un monde réservé à votre classe / école / collège / famille / bande de potes / etc., vous vous donnons toutes nos astuces pour installer facilement Minetest chez vous et gagner en indépendance.

Changer l’école malgré l’Éducation Nationale

Les possibilités pédagogiques dans Framinetest Édu (et de Minetest, plus généralement) sont tellement nombreuses que nous avons décidé de leur consacrer un article complet. C’est un article écrit par Frédéric Véron, le fameux SVTux, professeur de Sciences de la Vie et de la Terre qui utilise Minetest dans son collège et nous a transmis son savoir-faire.

Sa démarche prouve qu’il est possible de proposer des activités numériques ludiques, pédagogiques et innovantes en respectant les données des élèves et sans les accoutumer aux produits commerciaux des GAFAM. Ce n’est qu’une démarche d’enseignant parmi les centaines d’autres dont nous avons été témoins chez Framasoft.

Nous n’avons plus vraiment d’espoir d’un changement provenant « d’en haut », comme on dit. Mais nous savons la force et l’implication du personnel encadrant nos élèves… Voilà pourquoi nous nous adressons à vous, et nous espérons que vous saurez vous emparer de ce nouvel outil.

Bref : à vous de creuser !

La classe de SVTux a a reconstruit leur collège à l'échelle dans Minetest.
Les élèves de SVTux ont reconstruit leur collège à l’échelle dans Minetest.

Pour aller plus loin :

Mise à jour du 20/09/2016 : faisant suite à vos demandes, nous avons ouvert une section « Minetest » sur notre forum : https://framacolibri.org/c/framinetest-minetest



Chouchoutez vos contributeurs et contributrices !

Le groupe Framalang a traduit l’article de Julien, qui a listé tous les moyens de se tirer une balle dans le pied quand on coordonne un projet libre.

Apprenez à les éviter !

Halte à la stratégie de l'échec !
Halte à la stratégie de l’échec !

Conduite de projets Open Source : 10 erreurs à éviter

Article original : https://julien.danjou.info/blog/2016/foss-projects-management-bad-practice
Auteur : Julien Danjou(CC-BY-SA)
Traduction : lyn., KoS, AlienSpoon, David 5.1, Simon, goofy, Slimane Aguercif, Fred, galadas, terhemis, gégé

Il y a quelques semaines, lors de l’OpenStack Summit (réunion annuelle des contributeurs à OpenStack, NDT), j’ai eu l’occasion de discuter de mon expérience de la conduite de projets Open Source. Je me suis rendu compte qu’après avoir fait partie de plusieurs communautés et beaucoup contribué pendant des années, je pourrais faire profiter les nouveaux venus de conseils et d’avis expérimentés.

Il existe une foule de ressources disponibles expliquant comment conduire un projet Open Source. Mais aujourd’hui, je voudrais aborder ce sujet sous un angle différent, en insistant sur ce qu’il convient de ne pas faire avec les personnes qui y participent. Je tire cette expérience des nombreux projets Open Source auxquels j’ai participé ces dernières années. Je vais décrire, sans ordre particulier, quelques mauvaises pratiques que j’ai constatées, en les illustrant par des exemples concrets.

 

1. Considérer les contributeurs comme une nuisance

fail roadQuand les informaticiens sont au travail, qu’ils soient chargés du développement ou de la maintenance d’un logiciel, il est une chose dont ils n’ont pas besoin : du travail supplémentaire. Pour la plupart d’entre eux, la première réaction à toute contribution externe est : « Zut, du travail en plus ». Et c’est effectivement le cas.

Par conséquent, certains développeurs essayent d’éviter ce travail supplémentaire : ils déclarent ne pas vouloir de contributions, ou font en sorte que les contributeurs se sentent indésirables. Cela peut prendre de nombreuses formes, comme les ignorer ou être désagréable avec eux. Ainsi, les développeurs évitent d’avoir à traiter le surplus de travail qu’on leur met sur le dos.

C’est une des plus grandes erreurs que l’on peut commettre, et une vision fausse de l’Open Source. Si des gens vous apportent du travail supplémentaire, faites tout ce que vous pouvez pour bien les accueillir afin qu’ils continuent à travailler avec vous. Il s’agit peut-être de ceux qui prendront votre relève d’ici peu. Préparez votre future retraite.

Prenons le cas de mon ami Gordon, que j’ai vu démarrer en tant que contributeur sur Ceilometer en 2013. Il examinait très bien le code, si bien qu’il me donnait en fait davantage de travail : non seulement en détectant les anomalies dans mes contributions, mais aussi en me faisant vérifier les siennes. Au lieu de m’en prendre à lui pour qu’il arrête de me faire retravailler mon code et vérifier ses correctifs, j’ai proposé qu’on lui fasse davantage confiance en l’ajoutant officiellement à l’équipe des correcteurs sur un des projets.

Et s’ils ne font pas cette première contribution, ils ne feront pas non plus la seconde. En fait, ils n’en feront aucune ; et ces projets perdraient alors leurs futurs correcteurs.

2. Ne confier aux autres que le sale boulot

Lorsque de nouveaux contributeurs se présentent pour travailler sur un certain projet, leurs motivations peuvent être très diverses. Certains sont des utilisateurs, d’autres veulent simplement voir ce que c’est de contribuer. Ressentir le frisson de la participation, comme un simple exercice ou avec la volonté d’apprendre afin de contribuer en retour à l’écosystème qu’ils utilisent.

En général, les développeurs confient le sale boulot à ces personnes, c’est à dire des tâches sans intérêt, à faible valeur ajoutée, et qui n’auront sans doute aucun impact direct sur le projet.

Pour certains, ce n’est pas grave, pour d’autres, ça l’est. Certains seront vexés de se voir confier du travail sans grand intérêt, alors que d’autres seront heureux de le faire pourvu qu’on leur témoigne de la reconnaissance. Soyez sensible à cela, et félicitez ces personnes. C’est la seule manière de les garder dans le projet.

3. Mépriser les petites contributions

Quand le premier patch d’un nouveau contributeur est une correction d’orthographe, qu’en pensent les développeurs ? Qu’ils s’en fichent, que vous gâchez de leur temps précieux avec votre petite contribution. Et personne ne s’intéresse à la perfection grammaticale d’une documentation, n’est-ce pas ?

C’est faux. Voyez mes premières contributions à home-assistant et Postmodern : j’ai corrigé des fautes d’orthographe dans la documentation.

J’ai contribué au projet Org-mode pendant quelques années. Mon premier patch corrigeait simplement une chaîne de caractères du code. Ensuite, j’ai envoyé 56 patchs, corrigeant des bogues et ajoutant de nouvelles fonctionnalités élégantes, et j’ai aussi codé quelques extensions. À ce jour, je suis toujours seizième dans la liste des plus gros contributeurs d’Org-mode, qui en contient 390. Certainement pas ce qu’on appellerait un petit contributeur, donc. Je suis sûr que la communauté est bien contente de n’avoir pas méprisé ma première correction dans la documentation.

4. Mettre la barre trop haut pour les nouveaux arrivants.

Quand de nouveaux contributeurs arrivent, leurs connaissances du projet, de son contexte, et des technologies sont très variables. L’une des erreurs que les gens font le plus souvent consiste à demander aux nouveaux contributeurs des choses trop compliquées, dont ils ne pourront pas venir à bout. Cela leur fait peur (surtout les timides ou les introvertis) et ils risquent de disparaître, se croyant trop stupides pour aider.

piscine

Avant de faire le moindre commentaire, vous ne devriez avoir strictement aucun a priori sur leur niveau. Cela permet d’éviter ce genre de situations. Il faut également mettre beaucoup de délicatesse quand vous estimez les compétences des nouveaux, car certains pourraient se vexer si vous les sous-estimez trop.

Quand son niveau est bien estimé (un petit nombre d’échanges devrait suffire), vous devez former votre contributeur en ne le guidant ni trop ni trop peu, afin qu’il puisse s’épanouir. Il faut du temps et de l’expérience pour y parvenir, et vous allez probablement perdre certains contributeurs avant de bien maîtriser ce processus, mais c’est un chemin que tous ceux qui gèrent des projets doivent suivre.

Façonner ainsi les nouveaux arrivants est au cœur de la gestion de vos contributeurs, et ce quel que soit votre projet. Et je suis quasiment sûr que cela s’applique à tout projet, même en dehors du logiciel libre.

5. Exiger des gens qu’ils fassent des sacrifices sur le plan personnel

C’est un point qui dépend beaucoup du projet et du contexte, mais il est très important. Dans le logiciel libre, où la plupart des gens vont contribuer par bonne volonté et parfois sur leur temps libre, vous ne devez surtout pas exiger d’eux qu’ils fassent des sacrifices personnels importants. Ça ne passera pas.

L’une des pires manières de faire cette erreur est de fixer un rendez-vous à l’autre bout du monde pour discuter du projet. Cela place les contributeurs qui vivent loin dans une situation injuste, car ils ne peuvent pas forcément quitter leur famille pour la semaine, prendre l’avion ou un autre moyen de transport, louer une chambre d’hôtel… Ce n’est pas bon : tout devrait être mis en œuvre pour que les contributeurs se sentent partie prenante du projet et intégrés à la communauté, sans que l’on exige cela de leur part. Entendons-nous bien, cela ne veut pas dire qu’il faut s’interdire toute rencontre ou activité sociale, au contraire. Pensez simplement à n’exclure personne lorsque vous discutez d’un projet.

Il en va de même pour les moyens de communication susceptibles de compliquer la vie des participants : se retrouver sur IRC (il est difficile pour certaines personnes de réserver une heure, surtout lorsqu’il faut tenir compte des différents fuseaux horaires), faire une visioconférence (en particulier quand on n’utilise pas de logiciel libre et gratuit), etc.

En gros, tout ce qui impose de se synchroniser en temps réel avec l’avancement du projet est contraignant pour certains contributeurs.

C’est pourquoi le meilleur moyen de communiquer reste le courriel, mais tous les outils de communication asynchrones (pisteurs de bogues, etc.) feront l’affaire dans la mesure où ils permettent à chacun de travailler à son rythme et à l’heure qui lui convient.

6. Ne pas avoir de code de conduite

À une époque où de plus en plus de communautés s’ouvrent à un public plus large que celui auquel elles étaient habituées (ce qui est fantastique), les codes de conduite semblent être un sujet à la mode, mais aussi délicat.

En réalité, toutes les communautés ont un code de conduite, qu’il soit inscrit noir sur blanc ou suivi inconsciemment par chacun. Sa forme dépend de la taille et de la culture de la communauté.

Cependant, en fonction de la taille de votre communauté et de la façon dont ce code s’applique, vous auriez peut-être intérêt à l’écrire dans un document, comme l’a par exemple fait Debian.

Ce n’est pas parce que vous aurez rédigé un code de conduite que tous les membres de votre communauté vont soudain se transformer en adorables Bisounours le suivant à la lettre, mais il fournit des règles que vous pouvez citer en cas de besoin. Il peut être utile de le transmettre à certains pour leur faire comprendre que leur comportement ne convient pas, et cela peut aider si une exclusion devient nécessaire, même s’il ne sert que rarement à cela, puisqu’en général personne ne veut aller aussi loin.

Je pense qu’on peut très bien se passer d’un tel document sur de petits projets. Mais vous devez garder à l’esprit qu’un code de conduite implicite découlera de votre comportement. La manière dont vos membres les plus influents communiqueront avec les autres installera l’ambiance à travers tout le réseau. Ne sous-estimez pas cela.

Quand nous avons commencé le projet Ceilometer, nous avons suivi le code de conduite du projet OpenStack avant même qu’il ait été écrit, et probablement avons-nous même placé la barre un peu plus haut. En étant agréables, accueillants et ouverts d’esprit, nous avons réussi à obtenir une certaine mixité, avec plus de 25% de femmes dans notre équipe permanente — bien au dessus de la moyenne actuelle d’OpenStack et de la plupart des projets de logiciel libre !

7. Mettre les non-anglophones à l’écart

Il est important d’être conscient que la grande majorité des projets de logiciel libre utilisent l’anglais en tant que langue de communication principale. C’est logique. C’est une langue répandue, et qui semble remplir ce rôle correctement.

Mais une grande partie des codeurs n’ont pas l’anglais pour langue maternelle. Beaucoup ne le parlent pas couramment. Cela signifie que le rythme auquel ils peuvent converser peut-être très lent, ce qui peut en frustrer certains, notamment ceux qui sont nés en terre anglophone.

 

Le Brexit, c’est maintenant

On peut observer ce phénomène dans les rencontres de codeurs, lors de conférences par exemple. Quand les gens débattent, il peut être très difficile pour certains d’expliquer leurs pensées en anglais et de communiquer à un rythme correct, ce qui ralentit la conversation et la transmission des idées. La pire chose qu’un anglophone puisse faire dans ce cas est de leur couper la parole, ou de les ignorer, pour la seule raison qu’ils ne parlent pas assez vite. Je comprends que cela puisse être frustrant, mais le problème n’est pas la façon de parler des non-anglophones mais les outils de communication utilisés qui ne mettent pas tout le monde au même niveau en privilégiant des conversations orales.

La même chose s’applique, à un moindre degré, aux rencontres sur IRC, qui sont relativement synchrones. Les médias complètement asynchrones ne pâtissent pas de ce défaut, et c’est pourquoi ils faudrait, à mon avis, les privilégier.

8. Pas de vision, aucune délégation des tâches

C’est une autre grosse erreur de gestion si le responsable ne parvient pas à gérer la croissance du projet alors que des gens sont disponibles et prêts à aider.

Évidemment, lorsque le flux des contributeurs commence à grossir, ajoutant de nouvelles fonctionnalités, demandant des retours et des instructions à suivre, certains responsables se retrouvent la tête sous l’eau et ne savent pas comment répondre. Ce qui a pour conséquences de frustrer les contributeurs, qui vont simplement partir.

Il est important d’avoir une vision de votre projet et de la communiquer. Dites clairement à vos contributeurs ce que vous voulez, et ne voulez pas, dans votre projet. Exprimer ces informations de manière claire (et non-agressive !) permet de minimiser les frictions entre vos contributeurs. Ils vont vite savoir s’ils veulent rejoindre ou non votre navire et quoi en attendre. Donc, soyez un bon capitaine.

S’ils choisissent de travailler avec vous et de contribuer, vous devez rapidement commencer à croire en eux et à leur déléguer certaines de vos responsabilités. Cela peut être n’importe quelle tâche que vous faites d’habitude vous-même : vérifier les patchs de certains sous-systèmes, traquer les bogues, écrire la documentation… Laissez les gens s’approprier entièrement une partie du projet car ils se sentiront responsables et ils y mettront autant de soin que vous. Faire le contraire en voulant tout contrôler vous-même est la meilleure façon de vous retrouver seul avec votre logiciel open source.

Aucun projet ne va gagner en taille et en popularité de cette manière.

En 2009, quand Uli Schlachter a envoyé son premier patch à awesome, cela m’a donné plus de travail. J’ai du vérifier son patch, et j’étais déjà bien occupé pour sortir la nouvelle version d’awesome sur mon temps libre en dehors de mon travail ! Le travail d’Uli n’était pas parfait, et j’ai eu à gérer les bogues moi-même. Plus de travail. Alors qu’ai-je fait ? Quelques minutes plus tard, je lui ai répondu en lui envoyant un plan de ce qu’il devait faire et de ce que je pensais de son travail.

En retour, Uli envoya d’autres patchs et améliora le projet. Savez-vous ce que fait Uli aujourd’hui ? Il est responsable du gestionnaire des fenêtres awesome à ma place depuis 2010. J’ai réussi à transmettre ma vision, déléguer, puis à quitter le projet en le laissant dans de bonnes mains !

9. Ignorer certains types de contributions

Les gens contribuent de différentes manières, et pas toujours en codant. Il y a beaucoup de choses autour d’un projet de logiciel libre : la documentation, le tri de bogues, le support, la gestion de l’expérience utilisateur, la communication, les traductions…

Par exemple, il a fallu du temps pour que Debian songe à donner le statut de Développeur Debian à leurs traducteurs. OpenStack prend la même direction en essayant de reconnaître les contributions autres que techniques.

Dès lors que votre projet commence à récompenser certaines personnes et à créer différents statuts dans la communauté, vous devez faire très attention à n’oublier personne, car c’est le meilleur moyen de perdre des contributeurs en chemin.

10. Oublier d’être reconnaissant

Cette liste est le fruit de nombreuses années de bidouillages open source et de contributions à des logiciels libres. L’expérience et le ressenti de chacun sont différents, et les mauvaises pratiques peuvent prendre différentes formes : si vous connaissez ou si vous avez vous-même rencontré d’autres obstacles dans vos contributions à des projets open-source, n’hésitez pas à compléter la liste dans les commentaires. C’est une forme de contribution.

 

 




Non, je ne veux pas télécharger votre &@µ$# d’application !

« Ne voulez-vous pas plutôt utiliser notre application ? »…

De plus en plus, les écrans de nos ordiphones et autres tablettes se voient pollués de ce genre de message dès qu’on ose utiliser un bon vieux navigateur web.

Étrangement, c’est toujours « pour notre bien » qu’on nous propose de s’installer sur notre machine parmi les applications que l’on a vraiment choisies…

Ruben Verborgh nous livre ici une toute autre analyse, et nous dévoile les dessous d’une conquête de nos attentions et nos comportements au détriment de nos libertés. Un article blog traduit par Framalang, et sur lequel l’auteur nous a offert encouragements, éclairages et relecture ! Toute l’équipe de Framalang l’en remercie chaleureusement et espère que nous avons fait honneur à son travail 😉

Cross platform applications - CC-BY Tsahi Levent-Levi
Cross platform applications – CC-BY Tsahi Levent-Levi

Utilisez plutôt le Web

Auteur : Ruben Verborgh

Source : blog de l’auteur

Traduction : Julien, David_5.1, AlienSpoon, roptat, syst, serici, audionuma, sebastienc, framasky, Ruben Verborgh, Diane, Éric + les anonymes.

Sous des prétextes mensongers, les applications mobiles natives nous éloignent du Web. Nous ne devrions pas les laisser faire.

Peu de choses m’agacent plus qu’un site quelconque qui me demande « Ne voulez-vous pas utiliser plutôt notre application ? ». Évidemment que je ne veux pas, c’est pour ça que j’utilise votre site web. Certaines personnes aiment les applications et d’autres non, mais au-delà des préférences personnelles, il existe un enjeu plus important. La supplique croissante des applications pour envahir, littéralement, notre espace personnel affaiblit certaines des libertés pour lesquelles nous avons longtemps combattu. Le Web est la première plate-forme dans l’histoire de l’humanité qui nous permette de partager des informations et d’accéder à des services à travers un programme unique : un navigateur. Les applications, quant à elles, contournent joyeusement cette interface universelle, la remplaçant par leur propre environnement. Est-ce vraiment la prétendue meilleure expérience utilisateur qui nous pousse vers les applications natives, ou d’autres forces sont-elles à l’œuvre ?

Il y a 25 ans, le Web commença à tous nous transformer. Aujourd’hui, nous lisons, écoutons et regardons différemment. Nous communiquons à une échelle et à une vitesse inconnues auparavant. Nous apprenons des choses que nous n’aurions pas pu apprendre il y a quelques années, et discutons avec des personnes que nous n’aurions jamais rencontrées. Le Web façonne le monde de façon nouvelle et passionnante, et affecte la vie des gens au quotidien. C’est pour cela que certains se battent pour protéger le réseau Internet qui permet au Web d’exister à travers le globe. Des organisations comme Mozilla s’évertuent à faire reconnaître Internet comme une ressource fondamentale plutôt qu’un bien de luxe, et heureusement, elles y parviennent.

Toutefois, les libertés que nous apporte le Web sont menacées sur plusieurs fronts. L’un des dangers qui m’inquiète particulièrement est le développement agressif des applications natives qui tentent de se substituer au Web. Encore récemment, le directeur de la conception produit de Facebook comparait les sites web aux vinyles : s’éteignant peu à peu sans disparaître complètement. Facebook et d’autres souhaitent en effet que nous utilisions plutôt leurs applications ; mais pas simplement pour nous fournir une « meilleure expérience utilisateur ». Leur façon de nous pousser vers les applications met en danger un écosystème inestimable. Nous devons nous assurer que le Web ne disparaisse jamais, et ce n’est pas juste une question de nostalgie.

Internet, notre réseau global, est une ressource fondamentale. Le web, notre espace d'information mondial, est de loin l'application la plus importante d'Internet. Nous devons aussi le protéger.
Internet, notre réseau global, est une ressource fondamentale. Le web, notre espace d’information mondial, est de loin l’application la plus importante d’Internet. Nous devons aussi le protéger.

Le Web : une interface indépendante ouverte sur des milliards de sources

Pour comprendre pourquoi le Web est si important, il faut s’imaginer le monde d’avant le Web. De nombreux systèmes d’information existaient mais aucun ne pouvait réellement être interfacé avec les autres. Chaque source d’information nécessitait sa propre application. Dans cette situation, on comprend pourquoi la majeure partie de la population ne prenait pas la peine d’accéder à aucun de ces systèmes d’information.

Le Web a permis de libérer l’information grâce à une interface uniforme. Enfin, un seul logiciel – un navigateur web – suffisait pour interagir avec plusieurs sources. Mieux encore, le Web est ouvert : n’importe qui peut créer des navigateurs et des serveurs, et ils sont tous compatibles entre eux grâce à des standards ouverts. Peu après son arrivée, cet espace d’informations qu’était le Web est devenu un espace d’applications, où plus de 3 milliards de personnes pouvaient créer du contenu, passer des commandes et communiquer – le tout grâce au navigateur.

Au fil des années, les gens se mirent à naviguer sur le Web avec une large panoplie d’appareils qui étaient inimaginables à l’époque de la création du Web. Malgré cela, tous ces appareils peuvent accéder au Web grâce à cette interface uniforme. Il suffit de construire un site web une fois pour que celui-ci soit accessible depuis n’importe quel navigateur sur n’importe quel appareil (tant qu’on n’utilise rien de spécial ou qu’on suit au moins les méthodes d’amélioration progressive). De plus, un tel site continuera à fonctionner indéfiniment, comme le prouve le premier site web jamais créé. La compatibilité fonctionne dans les deux sens : mon site fonctionne même dans les navigateurs qui lui préexistaient.

La capacité qu’a le Web à fournir des informations et des services sur différents appareils et de façon pérenne est un don immense pour l’humanité. Pourquoi diable voudrions-nous revenir au temps où chaque source d’information nécessitait son propre logiciel ?

Les applications : des interfaces spécifiques à chaque appareil et une source unique

Après les avancées révolutionnaires du web, les applications natives essaient d’accomplir l’exacte inverse : forcer les gens à utiliser une interface spécifique pour chacune des sources avec lesquelles ils veulent interagir. Les applications natives fonctionnent sur des appareils spécifiques, et ne donnent accès qu’à une seule source (ironiquement, elles passent en général par le web, même s’il s’agit plus précisément d’une API web que vous n’utilisez pas directement). Ainsi elles détricotent des dizaines d’années de progrès dans les technologies de l’information. Au lieu de nous apporter un progrès, elles proposent simplement une expérience que le Web peut déjà fournir sans recourir à des techniques spécifiques à une plate-forme. Pire, les applications parviennent à susciter l’enthousiasme autour d’elles. Mais pendant que nous installons avec entrain de plus en plus d’applications, nous sommes insidieusement privés de notre fenêtre d’ouverture universelle sur l’information et les services du monde entier.

Ils trouvent nos navigateurs trop puissants

Pourquoi les éditeurs de contenus préfèrent-ils les applications ? Parce-qu’elles leur donnent bien plus de contrôle sur ce que nous pouvons et ne pouvons pas faire. Le « problème » avec les navigateurs, du point de vue de l’éditeur, est qu’ils appartiennent aux utilisateurs. Cela signifie que nous sommes libres d’utiliser le navigateur de notre choix. Cela signifie que nous pouvons utiliser des plugins qui vont étendre les capacités du navigateur, par exemple pour des raisons d’accessibilité, ou pour ajouter de nouvelles fonctionnalités. Cela signifie que nous pouvons installer des bloqueurs de publicité afin de restreindre à notre guise l’accès de tierces parties à notre activité en ligne. Et plus important encore, cela signifie que nous pouvons nous échapper vers d’autres sites web d’un simple clic.

Si, en revanche, vous utilisez l’application, ce sont eux qui décident à quoi vous avez accès. Votre comportement est pisté sans relâche, les publicités sont affichées sans pitié. Et la protection légale est bien moindre dans ce cadre. L’application offre les fonctionnalités que le fournisseur choisit, à prendre ou à laisser, et vous ne pourrez ni les modifier ni les contourner. Contrairement au Web qui vous donne accès au code source de la page, les applications sont distribuées sous forme de paquets binaires fermés.

« Ne voulez-vous pas plutôt l’application ? »

J’ai procédé à une petite expérience pour mesurer exactement quelle proportion des sites Web les plus visités incitent leurs utilisateurs à installer l’application. J’ai écrit un programme pour déterminer automatiquement si un site web affiche une bannière de promotion de son application. L’outil utilise PhantomJS pour simuler un navigateur d’appareil mobile et capture les popups qui pourraient être insérés dynamiquement. La détection heuristique est basée sur une combinaison de mots-clés et d’indices du langage naturel.
Ce graphique montre combien de sites du top Alexa (classés par catégorie) vous proposent d’utiliser leur application :

Plus d'un tiers des 500 sites les plus visités vous proposent d'utiliser leur application.
Plus d’un tiers des 500 sites les plus visités vous proposent d’utiliser leur application.

Les chiffres obtenus sont basés sur une heuristique et sous-estiment probablement la réalité. Dans certaines catégories, au moins un tiers des sites préfèrent que vous utilisiez leur application. Cela signifie qu’un tiers des plus gros sites essaient de nous enfermer dans leur plate-forme propriétaire. Sans surprise, les catégories informations locales, sports et actualités atteignent un pourcentage élevé, puisqu’ils souhaitent être en première ligne pour vous offrir les meilleures publicités. Il est intéressant de noter que les contenus pour adultes sont en bas du classement : soit peu de personnes acceptent d’être vues avec une application classée X, soit les sites pornographiques adorent infecter leurs utilisateurs avec des malwares via le navigateur.

Des prétextes mensongers

Même si les éditeurs de contenu demandent si nous « souhaitons » utiliser leur application, c’est un euphémisme. Ils veulent que nous l’utilisions. En nous privant de la maîtrise plus grande offerte par les navigateurs, ils peuvent mieux influencer les éléments que nous voyons et les choix que nous faisons. Le Web nous appartient à tous, alors que l’application n’est réellement qu’entre les mains de l’éditeur. Généralement, ils justifient l’existence de l’application en plus du site web en marmonnant des arguments autour d’une « expérience utilisateur améliorée », qui serait évidemment « bien plus rapide ». Il est curieux que les éditeurs préfèrent investir dans une technologie complètement différente, plutôt que de prendre la décision logique d’améliorer leur site internet en le rendant plus léger. Leur objectif principal, en réalité, est de nous garder dans l’application. Depuis iOS 9, cliquer sur un lien dans une application permet d’ouvrir un navigateur interne à l’application. Non seulement cette fonctionnalité prête à confusion (depuis quelle application suis-je parti(e), déjà ?), mais surtout elle augmente le contrôle de l’application sur votre activité en ligne. Et une simple pression du doigt vous « ramène » vers l’application que vous n’aviez en fait jamais quittée. Dans ce sens, les applications contribuent sciemment à la « bulle de filtre ».

Les Articles Instantanés de Facebook sont un exemple extrême : un lien normal vous dirige vers la version « optimisée » d’une page à l’intérieur-même de l’application Facebook. Facebook salue cette nouveauté comme un moyen de « créer des articles rapides et interactifs sur Facebook » et ils ne mentent même pas sur ce point : vous ne naviguez même plus sur le vrai Web. Les Articles Instantanés sont vendus comme une expérience « interactive et immersive » avec plus de « flexibilité et de contrôle » (pour les fournisseurs de contenu bien sûr) qui entraînent de nouvelles possibilités de monétisation, et nous rendent une fois de plus « mesurables et traçables ».

Soyons honnêtes sur ce point : le Web fournit déjà des expériences interactives et immersives. Pour preuve, les Articles Instantanés sont développés en HTML5 ! Le Web, en revanche, vous permet de quitter Facebook, de contrôler ce que vous voyez, et de savoir si vous êtes pisté. Le nom « Articles Instantanés » fait référence à la promesse d’une rapidité accrue, et bien qu’ils soient effectivement plus rapides, cette rapidité ne nous est pas vraiment destinée. Facebook explique que les utilisateurs lisent 20% d’articles en plus et ont 70% de chances en moins d’abandonner leur lecture. Ces résultats favorisent principalement les éditeurs… et Facebook, qui a la possibilité de prendre une part des revenus publicitaires.

Rendez-nous le Web

Ne vous y trompez pas : les applications prétendent exister pour notre confort, mais leur véritable rôle est de nous attirer dans un environnement clos pour que les éditeurs de contenu puissent gagner plus d’argent en récoltant nos données et en vendant des publicités auxquelles on ne peut pas échapper. Les développeurs aussi gagnent plus, puisqu’ils sont désormais amenés à élaborer des interfaces pour plusieurs plate-formes au lieu d’une seule, le Web (comme si l’interface de programmation du Web n’était pas déjà assez coûteuse). Et les plate-formes de téléchargement d’applications font également tinter la caisse enregistreuse. Je ne suis pas naïf : les sites web aussi font de l’argent, mais au moins le font-ils dans un environnement ouvert dont nous avons nous-mêmes le contrôle. Pour l’instant, on peut encore souvent choisir entre le site et l’application, mais si ce choix venait à disparaître, l’accès illimité à l’information que nous considérons à juste titre comme normal sur le Web pourrait bien se volatiliser avec.

Certaines voix chez Facebook prédisent déjà la fin des sites web, et ce serait en effet bon pour eux : ils deviendraient enfin l’unique portail d’accès à Internet. Certains ont déjà oublié qu’il existe un Internet au-delà de Facebook ! La réaction logique de certains éditeurs est d’enfermer leur contenu au sein de leur propre application, pour ne plus dépendre de Facebook (ou ne plus avoir à y faire transiter leurs profits). Tout ceci crée exactement ce que je crains : un monde d’applications fragmenté, où un unique navigateur ne suffit plus pour consommer tous les contenus du monde. Nous devenons les prisonniers de leurs applis :

Last thing I remember, I was running for the door.

I had to find the passage back to the place I was before.

“Relax,” said the night man, “we are programmed to receive.”

“You can check out any time you like, but you can never leave!”

Eagles – Hotel California

 

Mon dernier souvenir, c’est que je courais vers la porte,

Je devais trouver un passage pour retourner d’où je venais

« Relax », m’a dit le gardien, « on est programmés pour recevoir »

« Tu peux rendre ta chambre quand tu veux, mais tu ne pourras jamais partir ! »

Eagles, Hotel California

Cette chanson me rappelle soudain le directeur de Facebook comparant les sites web et le vinyle. L’analogie ne pourrait pas être plus juste. Le Web est un disquaire, les sites sont des disques et le navigateur un tourne-disque : il peut jouer n’importe quel disque, et différents tourne-disques peuvent jouer le même disque. En revanche, une application est une boîte à musique : elle est peut-être aussi rapide qu’un fichier MP3, mais elle ne joue qu’un seul morceau, et contient tout un mécanisme dont vous n’auriez même pas besoin si seulement ce morceau était disponible en disque. Et ai-je déjà mentionné le fait qu’une boîte à musique ne vous laisse pas choisir le morceau qu’elle joue ?

Les sites web sont comme les vinyles : un tourne-disque suffit pour les écouter tous. Image : turntable CC-BY-SA Traaf
Les sites web sont comme les vinyles : un tourne-disque suffit pour les écouter tous.
Image : turntable CC-BY-SA Traaf

C’est la raison pour laquelle je préfère les tourne-disques aux boîtes à musique – et les navigateurs aux applications. Alors à tous les éditeurs qui me demandent d’utiliser leur application, je voudrais répondre : pourquoi n’utilisez-vous pas plutôt le Web ?




Le libre a sa place à la Fête de l’Huma

C’est devenu quasiment une tradition : la Fête de l’Humanité accueille un espace dédié à la culture libre, aux hackers et aux fablabs.

L’occasion est belle pour les associations de montrer au grand public ce que produit concrètement le monde du libre.

C’est l’œuvre de l’infatigable Yann Le Pollotec et de quelques militants acharnés qui, chaque année se démènent pour faire renaître cette initiative.

L’espace Logiciel Libre / Hackers / Fablabs de la fête de l’Huma 2015


Yann, peux-tu nous dire ce qu’il y aura de nouveau cette année, au-delà des habituels stands ?

Yann Le Pollotec : Les nouveaux de cette année seront « le petit fablab de Paris » qui proposera de construire collectivement une machine infernale interactive, le Journal du Hacker qui a pour ambition de présenter l’activité des hackers francophones, du mouvement du Logiciel Libre et open source en langue française, LinuxJobs.fr qui est le site d’emploi de la communauté du Logiciel Libre et Open Source, le camion AMI des Villages, fablab itinérant de Trira (initiation Informatique et Internet, permanences d’écrivain public numérique, package numérique social, ateliers bidouilles, fablab R2D2 (Récupération et Réemploi pour le Développement Durable… en Rhône-Alpes), et enfin la Fondation Gabriel Péri qui présentera son projet de recherche sur le travail et le numérique.

Par ailleurs trois grands débats rythmeront, la vie de l’Espace : le vendredi 9 septembre à 17h30 « Faire de Plaine Commune dans le 9-3 un territoire numérique apprenant et participatif avec la création d’un revenu contributif » avec Bernard Stiegler et Patrick Braouzec, le samedi 10 septembre à 10h30 « Les tiers lieux sont-ils des espaces du travail émancipé ? » avec Michel Lallemand, et Laurence Allard, et Emmanuel Gilloz, et à 18h30 « Les plateformes numériques et l’avenir du travail » avec Coopaname. Et bien sûr on retrouvera les stands de tous les habitués : April, Apedec/Ecodesign-Fablab, Collectif Emmabuntüs, FDN, Franciliens.net, Framasoft, Mageia, Les Ordis Libres, La Mouette (Libre Office), Licence Creative Commons France, Ubuntu-fr…

Collectif Emmabuntüs : Autre nouveauté cette année nous avons un projet d’affiche qui nous est réalisé gracieusement par notre ami dessinateur Péhä, fervent défenseur du logiciel libre. Cette affiche a pour but de créer une identité visuelle pour le public de la Fête, afin qu’il comprenne le titre de notre Espace : logiciel libre, hackers, fablabs, et les associe à des mots qu’il connaît mieux : « Liberté-Egalité-Fraternité ». Nous espérons que cette affiche sera adoptée par le public et les bénévoles de notre Espace, car nous avons dû la faire un peu dans l’urgence. 🙁

En exclusivité pour les lecteurs du Framablog, un crayonné d'une partie de l'affiche pour l'Espace du logiciel libre, des hackers et des fablabs de la fête de l'Huma par Péhä.
En exclusivité pour les lecteurs du Framablog, un crayonné d’une partie de l’affiche pour l’Espace du logiciel libre, des hackers et des fablabs de la fête de l’Huma par Péhä.

 

Collectif Emmabuntüs : Et aussi, sur notre stand, nous allons durant toute la Fête inviter des associations humanitaires : Ailleurs-Solidaires, YovoTogo, RAP2S avec qui nous avons travaillé cette année sur des projets d’équipement d’écoles, de centre de formation, des dispensaires pour qu’elles animent notre stand et qu’elles parlent aux visiteurs de cas concrets et réels d’utilisation d’ordinateurs de réemploi sous GNU/Linux, et de l’apport de ceux-ci à leur projet au Népal, Togo, Côte d’Ivoire. L’autre but est d’avoir nos associations partenaires sur notre stand afin d’échanger avec les membres de notre collectif sur des pratiques utilisation de Linux, et aussi et surtout de se connaître et de partager ce grand moment convivial qu’est la Fête de l’Huma.

Nous aurons aussi notre ami François de Multisystem & de OpenHardware qui reviendra cette année sur notre espace pour présenter la suite de son robot pendulaire libre Bidule, et qui nous fera des démonstrations de celui-ci dans les allées autour de l’Espace.


Quel bilan tires-tu des précédentes éditions ? Est-ce que cet espace est désormais un acquis ou est-ce qu’il te faut convaincre l’organisation de la Fête de l’Huma chaque année ?

Yann Le Pollotec : Il y a une vrai rencontre entre le public de la fête de l’Huma et les acteurs du logiciel libre et des fablabs, avec un gros brassage et une grande diversité allant de celui qui « découvre la lune », aux bidouilleurs avertis ou aux professionnels en passant par le curieux, le militant du libre, l’amateur éclairé. L’Espace est devenu à la fois un lieu de débat citoyen, de découverte par le faire, d’éducation populaire où se mêlent jeunes, militant-e-s, enseignant-e-s, technophiles et élu-e-s. On voit d’ailleurs d’une année sur l’autre un public de plus en plus averti et ayant une culture numérique de plus en plus étendue ce qui va nous pousser à faire évoluer l’Espace dans les années qui viennent pour le rendre encore plus participatif. Pourquoi pas pour la prochaine édition un hackathon.

L’Espace a certes conquis ses lettres de noblesse à la fête de l’Huma, mais il ne doit pas s’endormir sur ses lauriers, d’autant que les conditions économiques de tenue de la Fête sont de plus en plus difficiles.

Collectif Emmabuntüs : Nous partageons le point de vue de Yann, sur le ressenti du public, et il faut aussi que notre Espace se mette plus en avant avec des démonstrations à faire partager au public, comme cette année avec la construction collaborative d’une machine infernale interactive par le Petit Fablab de Paris, la réalisation d’une carte mentale avec le public par la Fondation Gabriel Péri, et les ateliers bidouilles de Trira sur la construction de Jerry. Nous espérons que le public sera conquis par plus de participation de sa part, et comprendra que le logiciel libre, les hackers et les fablabs ne sont pas réservés qu’à des geeks barbus 😉 mais que cela concerne tout le monde puisqu’ils portent dans leur philosophie le message de notre société démocratique : « Liberté-Egalité-Fraternité ». D’où l’idée de le mettre sur notre affiche pour que le public comprenne que notre message n’est pas seulement un message technique, et qu’il est aussi politique pour repenser la société technique et humaine de demain.

C’est aussi un moment privilégié pour les libristes qui se retrouvent après la parenthèse de l’été. Qu’est-ce qu’on attend des bénévoles ?

Yann Le Pollotec : On attend tout d’eux ! En fait ils sont les médiateurs essentiels entre le public quel qu’il soit et ce qui est présenté, montré, exposé, mis à disposition dans l’espace. Il s’agit d’impliquer le public, et même de le rendre acteur. Le combat pour le logiciel libre, la protection des données personnelles, la défense des communs numériques, l’open data, il se mène aussi au quotidien dans les entreprises, les administrations, l’école, les associations, et par son comportement de citoyen et de consommateur… Pour caricaturer, je crois que le numérique, c’est 90% d’humain et 10% de technique. Car même derrière les robots, les algos, les IA, il y a toujours des cerveaux et des mains humaines, avec leur créativité, leur génie mais aussi avec le « côté obscur de la force ».

J’ai en général beaucoup de retour positif de la part des bénévoles même si en fin de fête, ils sont souvent très fatigués, ce qui est normal.

Collectif Emmabuntüs : Sans les bénévoles et les associations qu’ils représentent, cet espace n’existerait pas, et ce sont eux qui animent l’Espace, qui est de plus en plus apprécié du public, ainsi que de la direction de la Fête de l’Humanité qui soutient notre mouvement de liberté, partage et d’égalité pour le logiciel et la connaissance technique. C’est la raison pour laquelle, elle nous donne l’opportunité d’être présents à l’une des plus grandes fêtes populaires au sens noble du terme en France, et nous savons que les libristes, hackers, que nous sommes, seront encore cette année à la hauteur d’une grande Fête de l’Huma et du Libre.

Tu parles des « conditions économiques » de la Fête. C’est encore plus difficile cette année de trouver des fonds pour faire tourner cet espace geek au milieu de l’immense Fête, si j’ai bien compris ?

Yann Le Pollotec : C’est plus difficile parce que structures et associations sont en difficulté économique car l’argent public comme le mécénat se font de plus en plus rares tandis que les particuliers ne voient pas leur revenu croître. Le Journal l’Humanité organisateur de la Fête, comme toute la presse indépendante des grands groupes industriels et financiers, connaît de très graves difficultés financières. Les coûts de la fête sont de plus affectés par le renchérissement des assurances et l’obligation de prendre de nouvelles mesures de sécurité à l’entrée et à l’intérieur de la fête en raison des événements dramatiques qu’a connu notre pays.

L’équation est aussi plus dure car le propriétaire de la halle augmente régulièrement substantiellement ses tarifs de location et de prestations (électricité, mobilier, parking…), ce qui nous a amené à porter le financement participatif sur https://fr.ulule.com/fablabs-fete-de-lhuma/ de 2000 € à 2100 €. De plus nous tenons à garder l’esprit d’une péréquation entre ceux qui ont le plus de moyen et ceux qui en ont le moins, ceux qui viennent de loin et ceux qui sont à côté. Au 15 août donc à 21 jours de la fin de la collecte nous en sommes à 79% de l’objectif, alors un petit effort de tous car comme on dit les petits ruisseaux font les grands fleuves.

Collectif Emmabuntüs : Nous sommes confiants dans la mobilisation de nos bénévoles et nos associations pour aider notre Espace et notre Mouvement pour la promotion du Logiciel Libre, du Partage et de l’Égalité vis à vis de la technique, et comme dit un proverbe Africain : « Seul on va plus vite, ensemble on va plus loin » donc nous savons que les membres et lecteurs de Framasoft nous soutiennent et que « la route est longue mais la voie est Libre ».

Un grand merci à Framasoft pour votre présence et votre soutien pour L’Espace du Logiciel Libre, des Hackers et des FabLabs à la Fête de l’Humanité 2016.

L’espace Logiciel Libre / Hackers / Fablabs de la fête de l’Huma 2015 [Exposition les Ordis Libres](http://www.lesordislibres.fr/)
L’espace Logiciel Libre / Hackers / Fablabs de la fête de l’Huma 2015
Exposition les Ordis Libres
 




Bientôt l’Internet des objets risqués ?

Il sera peut-être une nouvelle fois traité de Cassandre et de parano, mais Bruce Schneier enfonce le clou !

Sensible aux signaux qu’envoient de façon croissante les faits divers mettant en cause les objets connectés — le fameux Internet des objets pour lequel « se mobilise » (sic) la grande distribution avec la French Techce spécialiste de la sécurité informatique qui a rejoint récemment le comité directeur du projet Tor veut montrer que les risques désormais ne concernent plus seulement la vie numérique mais bien, directement ou non, la vie réelle. Il insiste aussi une fois encore sur les limites de la technologie et la nécessité d’un volontarisme politique.

Quand l’internet des objets menace la sécurité du monde réel

par Bruce Schneier

Article original sur son blog Real-World Security and the Internet of Things

Traduction Framalang : Valdo, KoS, serici, audionuma, goofy

BruceSchneierByTerryRobinson
Photo par Terry Robinson (licence CC BY-SA 2.0)

Les récits de catastrophes qui impliquent l’Internet des objets sont à la mode. Ils mettent en scène les voitures connectées (avec ou sans conducteur), le réseau électrique, les barrages hydroélectriques et les conduits d’aération. Un scénario particulièrement réaliste et vivant, qui se déroule dans un avenir proche, a été publié le mois dernier dans New York Magazine, décrivant une cyberattaque sur New York qui comprend le piratage de voitures, du réseau de distribution de l’eau, des hôpitaux, des ascenseurs et du réseau électrique. Dans de tels récits, un chaos total s’ensuit et des milliers de gens meurent. Bien sûr, certains de ces scénarios exagérèrent largement la destruction massive, mais les risques pour les individus sont bien réels. Et la sécurité classique des ordinateurs et des réseaux numériques n’est pas à la hauteur pour traiter de tels problèmes.

La sécurité traditionnelle des informations repose sur un triptyque : la confidentialité, l’intégrité et l’accès. On l’appelle aussi « C.I.A », ce qui, il faut bien le reconnaître, entretient la confusion dans le contexte de la sécurité nationale. Mais fondamentalement, voici les trois choses que je peux faire de vos données : les voler (confidentialité), les modifier (intégrité), ou vous empêcher de les obtenir (accès).

« L’internet des objets permettra des attaques que nous ne pouvons même pas imaginer. »

Jusqu’à présent, les menaces occasionnées par internet ont surtout concerné la confidentialité. Elles peuvent coûter cher; d’après cette étude chaque piratage de données a coûté 3.8 millions de dollars en moyenne. Elles peuvent s’avérer très gênantes, c’était le cas par exemple quand des photos de célébrités ont été volées sur le cloud d’Apple en 2014 ou lors du piratage du site de rencontres Ashley Madison en 2015. Elles peuvent faire des dégâts, comme quand le gouvernement de Corée du Nord a volé des milliers de documents à Sony ou quand des hackers ont piraté 83 millions de comptes de la banque JPMorgan Chase, dans les deux cas en 2014. Elles peuvent menacer la sécurité nationale, on l’a vu dans le cas du piratage de l’Office of Personnel Management par — pense-t-on — la Chine en 2015.

Avec l’Internet des objets, les menaces sur l’intégrité et la disponibilité sont plus importantes que celles concernant la confidentialité. C’est une chose si votre serrure intelligente peut être espionnée pour savoir qui est à la maison. C’est autre chose si elle peut être piratée pour permettre à un cambrioleur d’ouvrir la porte ou vous empêcher de l’ouvrir. Un pirate qui peut vous retirer le contrôle de votre voiture ou en prendre le contrôle est bien plus dangereux que celui qui peut espionner vos conversations ou pister la localisation de votre voiture.

Avec l’avènement de l’internet des objets et des systèmes physiques connectés en général, nous avons donné à Internet des bras et des jambes : la possibilité d’affecter directement le monde physique. Les attaques contre des données et des informations sont devenues des attaques contre la chair, l’acier et le béton.

Les menaces d’aujourd’hui incluent des hackers qui font s’écraser des avions en s’introduisant dans des réseaux informatiques, et qui désactivent à distance des voitures, qu’elles soient arrêtées et garées ou lancées à pleine vitesse sur une autoroute. Nous nous inquiétons à propos des manipulations de comptage des voix des machines de vote électronique, des canalisations d’eau gelées via des thermostats piratés, et de meurtre à distance au travers d’équipements médicaux piratés. Les possibilités sont à proprement parler infinies. L’internet des objets permettra des attaques que nous ne pouvons même pas imaginer.

thermostat connecté
Thermostat connecté, photo par athriftymrs.com, licence CC BY-SA 2.0

L’accroissement des risques provient de trois choses : le contrôle logiciel des systèmes, les interconnexions entre systèmes, et les systèmes automatiques ou autonomes. Jetons un œil à chacune d’entre elles.

Contrôle logiciel. L’internet des objets est le résultat de la transformation de tous les objets en ordinateurs. Cela nous apporte une puissance et une flexibilité énormes, mais aussi des insécurités par la même occasion. À mesure que les objets deviennent contrôlables de façon logicielle, ils deviennent vulnérables à toutes les attaques dont nous avons été témoins contre les ordinateurs. Mais étant donné qu’un bon nombre de ces objets sont à la fois bon marché et durables, la plupart des systèmes de mise à jour et de correctifs qui fonctionnent pour les ordinateurs et les téléphones intelligents ne fonctionneront pas ici. À l’heure actuelle, la seule manière de mieux sécuriser les routeurs individuels c’est de les jeter à la poubelle pour en acheter de nouveaux. Et la sécurité que vous obtenez en changeant fréquemment d’ordiphone ou d’ordinateur ne servira à rien pour protéger votre thermostat ou votre réfrigérateur : en moyenne vous changez ce dernier tous les 15 ans, et l’autre à peu près… jamais. Une étude récente de Princeton a découvert 500 000 appareils non sécurisés sur Internet. Ce nombre est sur le point d’augmenter de façon explosive.

Interconnexions. Ces systèmes devenant de plus en plus interconnectés, une vulnérabilité de l’un entraîne des attaques contres les autres. Nous avons déjà vu des comptes Gmail compromis à cause d’une vulnérabilité dans un réfrigérateur connecté Samsung, le réseau d’un hôpital compromis à cause de vulnérabilités dans du matériel médical et l’entreprise Target piratée à cause d’une vulnérabilité dans son système d’air conditionné. Les systèmes sont soumis à nombre d’externalités qui affectent d’autres systèmes de façon imprévisible et potentiellement dangereuse. Ce qui peut sembler bénin aux concepteurs d’un système particulier peut s’avérer néfaste une fois combiné à un autre système. Les vulnérabilités d’un système peuvent se répercuter sur un autre système et le résultat sera une vulnérabilité que personne n’a vu venir et que personne ne prendra la responsabilité de corriger. L’internet des objets va rendre les failles exploitables beaucoup plus communes. C’est mathématique. Si 100 systèmes interagissent entre eux, cela fait environ 5000 interactions et 5 000 vulnérabilités potentielles résultant de ces interactions. Si 300 systèmes interagissent entre eux, c’est 45 000 interactions. 1 000 systèmes : 12,5 millions d’interactions. La plupart seront bénignes ou sans intérêt, mais certaines seront très préjudiciables.

connectedHuman
Image par Omran Jamal lic. CC BY 2.0

Autonomie. Nos systèmes informatiques sont des plus en plus autonomes. Ils achètent et vendent des actions, allument et éteignent la chaudière, régulent les flux d’électricité à travers le réseau et, dans le cas des voitures autonomes, conduisent des véhicules de plusieurs tonnes jusqu’à destination. L’autonomie est une bonne chose pour toutes sortes de raisons, mais du point de vue de la sécurité, cela signifie qu’une attaque peut prendre effet immédiatement et partout à la fois. Plus nous retirons l’humain de la boucle, plus les attaques produiront des effets rapidement et plus nous perdrons notre capacité à compter sur une vraie intelligence pour remarquer que quelque chose ne va pas avant qu’il ne soit trop tard.

« Les risques et les solutions sont trop techniques pour être compris de la plupart des gens. »

Nous construisons des systèmes de plus en plus puissants et utiles. Le revers de la médaille est qu’ils sont de plus en plus dangereux. Une seule vulnérabilité a forcé Chrysler à rappeler 1,4 million de véhicules en 2015. Nous sommes habitués aux attaques à grande échelle contre les ordinateurs, rappelez-vous les infections massives de virus de ces dernières décennies, mais nous ne sommes pas préparés à ce que cela arrive à tout le reste de notre monde.

Les gouvernements en prennent conscience. L’année dernière, les directeurs du renseignement national James Clapper et de la NSA Mike Rogers ont témoigné devant le Congrès, mettant l’accent sur ces menaces. Tous deux pensent que nous sommes vulnérables.

Voici comment cela a été formulé dans le rapport sur les menaces mondiales du DNI :

La plupart des discussions sur les menaces numériques traitent de la disponibilité et de la confidentialité des informations ; l’espionnage en ligne s’attaque à la confidentialité, là où les attaques par déni de service ou les effacements de données menacent la disponibilité. À l’avenir, en revanche, nous verrons certainement apparaître des opérations modifiant les informations électroniques dont l’objectif sera de toucher à leur intégrité (c’est à dire leur précision et leur fiabilité) plutôt que de les effacer ou d’empêcher leur accès. Le processus de prise de décision des responsables gouvernementaux (civils ou militaires), des chefs d’entreprises, des investisseurs et d’autres sera handicapé s’ils ne peuvent faire confiance à l’information qu’ils reçoivent.

Le rapport sur l’évaluation de la menace pour 2016 mentionnait quelque chose de similaire :

Les futures opérations cybernétiques attacheront presque à coup sûr une plus grande importance à la modification et à la manipulation des données destinées à compromettre leur intégrité (c’est-à-dire la précision et la fiabilité) pour influencer la prise de décision, réduire la confiance dans les systèmes ou provoquer des effets physiques indésirables. Une plus large adoption des appareils connectés et de l’intelligence artificielle — dans des environnements tels que les services publics et la santé — ne fera qu’exacerber ces effets potentiels.

Les ingénieurs en sécurité travaillent sur des technologies qui peuvent atténuer une grande partie de ce risque, mais de nombreuses solutions ne seront pas déployées sans intervention du gouvernement. Ce n’est pas un problème que peut résoudre le marché. Comme dans le cas de la confidentialité des données, les risques et les solutions sont trop techniques pour être compris de la plupart des gens et des organisations ; les entreprises sont très désireuses de dissimuler le manque de sécurité de leurs propres systèmes à leurs clients, aux utilisateurs et au grand public ; les interconnexions peuvent rendre impossible d’établir le lien entre un piratage et les dégâts qu’il occasionne ; et les intérêts des entreprises coïncident rarement avec ceux du reste de la population.

Il faut que les gouvernements jouent un rôle plus important : fixer des normes, en surveiller le respect et proposer des solutions aux entreprises et aux réseaux. Et bien que le plan national d’action pour la cybersécurité de la Maison Blanche aille parfois dans la bonne direction, il ne va sûrement pas assez loin, parce que beaucoup d’entre nous avons la phobie de toute solution imposée par un gouvernement quelconque.

Le prochain président sera probablement contraint de gérer un désastre à grande échelle sur Internet, qui pourrait faire de nombreuses victimes. J’espère qu’il ou elle y fera face à la fois avec la conscience de ce que peut faire un gouvernement et qui est impossible aux entreprises, et avec la volonté politique nécessaire.

 

Bruce Schneier est un spécialiste reconnu en matière de sécurité informatique, sur laquelle il a publié plusieurs livres et de nombreux articles sur son blog schneier.com.

SchneierQuote
Citation recueillie par le site AZ Quotes « Si vous croyez que la technologie peut résoudre vos problèmes de sécurité, c’est que vous ne comprenez pas les problèmes et que vous ne comprenez pas la technologie. »




Clicnat, le « Picardie GO ! » libre et plus vrai que nature…

Clicnat, une application pour trouver les plages naturistes cet été ? Pas vraiment, c’est plutôt le Pokemon Go de Picardie…

Mais un Pokemon Go en réalité réelle (même pas besoin de l’augmenter :p) et avec des bestioles de toutes sortes : grâce à l’association Picardie Nature, vos balades peuvent alimenter les données naturalistes locales, et en plus, c’est libre !

Notre Fred avait rencontré l’été dernier (lors des RMLL de Beauvais) la joyeuse troupe de cette association, mais (tout au peaufinage de son polar) il n’a pas pu réaliser l’interview.

Qu’à cela ne tienne, l’intrépide Tripou, un des Framacolibris furetant sur le forum des bénévoles de Framasoft, a pris le relais, et est allé interroger Picardie Nature pour qu’ils nous en apprennent plus sur Clicnat.

cliquez sur la capture d'écran pour découvrir Clicnat
cliquez sur la capture d’écran pour découvrir Clicnat


Pourquoi avoir choisi le libre pour Clicnat ?

C’est déjà un réflexe naturel, Picardie Nature utilise du logiciel libre et partage ce qu’elle produit, la plus grande partie des postes de travail est sous Ubuntu. Mais aussi parce qu’on a souhaité qu’il soit accessible à d’autres et au-delà de la Picardie. De cette façon, l’effort qu’on a fourni pour le créer ne devrait pas être à nouveau mobilisé et l’énergie qu’on y apportera doit servir à en faire quelque chose de mieux.

Ceux que ça intéresse peuvent aussi regarder comment c’est fait, comment ça marche et il y a aussi forcément l’argument économique qui va devenir prépondérant dans le contexte actuel où la fonte de nos subventions est indexée à celle des glaciers.

C’est pour nous aussi un moyen d’indépendance, le maintien en ligne uniquement pour la saisie des données peut ne coûter qu’une machine et un peu de temps bénévole. C’est le travail de développement, d’animation, de mise en circulation des données qui sera impacté, l’existant peut être préservé et on pourra toujours continuer à noter nos observations.

Est-ce parce que Sterne et BDN (utilisés à l’ONF) ne vous convenaient pas, que vous avez choisi de développer une application libre?

Avant de se lancer on a testé plusieurs outils, on a pu accéder au code et en installer certains. Ces applications ont certainement eu une évolution depuis mais a ce moment-là pour nous elles étaient, selon nous, trop orientées vers un public scientifique et leur module cartographique ne nous satisfaisait pas. On s’approchait de ce qu’on voulait faire mais sans l’atteindre.

Clicnat a été créé avec des logiciels libres, lesquels ? (OpenLayers pour la cartographie, mais encore) ?

Clicnat est principalement écrit en PHP, pour la base de données c’est PostgreSQL avec PostGis et on utilise également MongoDB. Sur l’interface on a effectivement OpenLayers pour la cartographie et aussi l’incontournable jQuery. En ce moment on commence à introduire React dans les interfaces, on s’attaque aussi au développement pour les mobiles avec Cordova en utilisant toujours React et OpenLayers.

Il n’y a pas encore de standard d’échange de données dans le monde naturaliste. Comment fait-on, alors ?

On parle souvent de la même chose, au minimum, une date, un lieu, une espèce ou taxon. Pour les deux premiers on s’en sort bien, c’est une fois qu’on discute de l’espèce ou du taxon que ça commence à se compliquer.

Les noms changent régulièrement au fil du temps, certains peuvent être regroupés ou séparés en plusieurs nouveaux taxons, c’est là qu’il faut s’entendre sur un référentiel, Clicnat a son propre référentiel et on utilise le référentiel taxonomique TAXREF, qui est géré par le Muséum national d’histoire naturelle, pour les échanges, et qui devient maintenant un standard.

En France le Muséum national d’histoire naturelle propose aussi un standard d’échange, et travaille à la mise en place du SINP pour faire circuler les données. Au niveau international il y a le Système mondial d’information sur la biodiversité (GBIF) qui existe aussi, on peut accéder aux données via des API (interface de programmation applicative), c’est très ouvert.

Qui rédige les fiches espèces auxquelles on peut accéder ?

Principalement des naturalistes picards, les textes pour les oiseaux viennent du livre Les oiseaux de Picardie. Certains ont été écrits par des stagiaires ou CDD, c’est un exercice que l’on peut faire pour acquérir la connaissance locale pour une espèce qui va faire l’objet d’une étude.

Si on ne connaît pas l’espèce que l’on croise, c’est gênant pour alimenter Clicnat ?

Ça n’est pas gênant, il y a des processus de validation et de contrôle, votre observation ne fera pas obstacle à la construction d’une autoroute si elle est farfelue. L’erreur est permise et c’est aussi un des premiers contacts que vous aurez avec un humain qui va vous questionner sur votre observation peut-être inhabituelle.

Et selon le contexte d’utilisation on va adapter le niveau d’exigence pour une donnée d’observation, dans le cadre d’une action en justice ou pour évaluer l’impact d’un projet on va regarder à la loupe ce qui est rapporté. Si on ne connaît pas l’auteur, que la présence de cette bestiole implique de gros enjeux, on va vous demander d’étayer éventuellement avec une photo et de répondre à quelques questions pour évacuer une confusion avec une autre espèce par exemple et on saura dire si ça tient la route ou pas.

Quelle est cette bestiole ? Un Chenipan ? Un Flambé ? Un autre chose ? Picard-e-s, voyez si il y en a près de chez vous grâce à Clicnat !
Quelle est cette bestiole ? Un Chenipan ? Un Flambé ? Un autre chose ? Picard-e-s, voyez si il y en a près de chez vous grâce à Clicnat !

 

La donnée devient fiable à quel moment ? C’est à dire on observe un animal à un endroit précis, on va l’inscrire sur Clicnat et on sait que tel jour à tel moment un éléphant était devant la poste ?

Une fois que deux utilisateurs validateurs ont donné un avis favorable ou que le coordinateur du réseau faunistique concerné l’a validée manuellement dans un lot.

L’accumulation des données est traitée différemment ? Un troupeau d’éléphants passe chaque année à cette période devant la poste ?

Non, Clicnat est principalement un entrepôt et une ressource pour ceux qui vont écrire un article. Le travail d’étude est principalement fait en dehors de Clicnat mais il commence par une extraction de données de celui-ci. Et plus il y a de données, mieux c’est. Ça va permettre d’affiner les dates d’arrivée et de départ de certaines espèces, de détecter des régressions ou progressions d’espèces, de mesurer l’impact du réchauffement climatique.

C’est aussi un point d’échange, en Picardie et en Normandie les plateformes regroupent plusieurs structures qui mettent leur données en commun sur leur plateforme.

Existe-t-il un équivalent pour la flore ?

Oui, il y a Digitale 2 qui est porté par le CBNBL dans le Nord Ouest mais qui n’est pas libre.

Ça peut être pas mal pour alimenter la page Wikipédia sur la faune de Picardie dont les références les plus récentes datent de 1994. C’est prévu ou vous allez laisser faire les particuliers ?

L’article sur Picardie Nature a été supprimé de Wikipédia parce qu’on manque de notoriété d’après les critères wikipédiesques. Ça nous a laissé un goût amer, pour l’instant ça n’est pas prévu de notre côté.

Sur la carte on peut voir que Rouen ne participe pas du tout au référencement… à tous les coups son excuse sera probablement que ce n’est pas le même département…tst.

C’est normal on couvre la Picardie. Mais c’est une autre instance de Clicnat quand même. Le GONm utilise aussi Clicnat, on est encore dans une phase de déploiement pour la partie restitution. On a dû faire pas mal de modifications pour que le projet puisse tourner sur une autre région. Il y avait pas mal de choses dans le code qui nous étaient spécifiques et on a dû procéder à pas mal de nettoyage. Ça nous a servi de leçon et maintenant on est plus générique sur la façon de développer.

C’est le hasard mais j’ai entendu parler d’un système similaire il y a quelques jours : Silène, qui référence également la faune et la flore dans le sud de la France, vous vous inspirez entre vous, vous discutez, ou c’est cloisonné ?

Il n’y a pas beaucoup d’échanges entre bases, c’est vrai que c’est plutôt cloisonné. On regarde évidemment ce que les autres font, j’aime ce que fait Sigogne par exemple. Sinon les attentes des utilisateurs suffisent pour nourrir la réflexion et faire germer les idées.

Y’a t-il ce genre de système dans chaque région ?

Oui, pour ceux portés par des associations de naturalistes, le plus répandu est Visionature, ensuite il y a des choses comme Clicnat (Picardie, Normandie) et SIRF (Nord Pas de Calais)

D’autres régions/départements vous ont-elles contacté pour mettre en place ce type de dispositif ?

Évidemment la Normandie, on a aussi Faune-et-route, un morceau de Clicnat dédié au collisions routières, qui est porté également à présent par le CPIE de la Mayenne. On commence à être sollicité par d’autres régions et de temps en temps quelqu’un demande à accéder au dépôt du code.

Clicnat permet également de produire des synthèses, c’est-à-dire ?

C’est ce qu’on appelle entre nous le site public, il permet à tout le monde de consulter et télécharger les données de répartition des espèces.

Alors, si je comprends bien, étant braconnier revendeur d’espèces en danger, je peux aller sur Clicnat pour m’informer des meilleurs endroits pour les choper ?

Non, parce qu’on va flouter géographiquement la localisation sur des mailles de 5km2 et parfois ne pas indiquer les communes. On ne dévoile pas les indices de reproduction ou le comportement des espèces qui pourraient dire dans quel milieu elles se trouvaient.

Quand on travaille avec des bureaux d’études ou avec les fonctionnaires qui instruisent des dossiers liés à l’environnement, on passe au kilomètre carré. Et ensuite au cas par cas, pour de la rédaction d’articles, pour la contribution à un projet particulier ou pour des actions en justice, on peut extraire les données brutes avec un maximum de précision.

elephant pokemon

Sur quel animal menacé voudriez-vous attirer l’attention ?

Aucun, ils sont tous intéressants et méritent tous notre attention. Une espèce commune aujourd’hui pourra devenir menacée demain, et si personne ne prend le temps de les noter régulièrement on le verra pas venir. Quand on soupçonnera qu’il se passe quelque chose, on ne pourra pas étayer d’hypothèse avec des observations.

 

Pour aller plus loin :




À la recherche du téléphone libre… et sans Google !

Vous connaissez l’adage ? « Si le téléphone est intelligent, c’est que l’utilisateur est stupide. » Malheureusement, il se vérifie dans la manière dont les entreprises qui conçoivent ces ordinateurs de poche (avec option téléphone) nous traitent…

Entre la prison dorée qu’est l’Iphone d’Apple (qu’il nous faut « jailbreaker » pour un tout petit peu plus de contrôle, ce qui signifie en Français qu’on en « brise les barreaux »), l’espionnage total de Google sur les Android, les autorisations hallucinantes que nous demandent les applications propriétaires, l’esclavagisme qui se cache derrière les matériaux et la construction, l’obsolescence programmée… difficile de trouver un ordiphone qui convient à nos choix éthiques.

Gee, notre illustrateur-auteur-docteur maison, est parti à la quête d’un smartphone (et de ses logiciels) qui respecterait ce lourd cahier des charges. Nous reproduisons ici un article (libre, bien entendu) paru sur son blog, qui nous offre un retour d’expérience très personnel.

N’hésitez pas à ajouter vos astuces, alternatives, choix et bonnes adresses dans les commentaires !

Photo © Fairphone, c'ets pour cela qu'il y a du Google de partout. Le reste des images de cet article est CC-BY-SA Gee
Photo © Fairphone, c’est pour cela qu’il y a du Google de partout.
Le reste des images de cet article est CC-BY-SA Gee

Fairphone : un téléphone pour libriste ?

Aujourd’hui, je vous propose un petit retour sur le Fairphone 2 qui est devenu mon téléphone il y a un mois de cela. Bon, je n’ai jamais fait d’article de ce genre alors désolé si c’est un peu décousu. Je précise d’emblée que ce n’est absolument pas un article sponsorisé ou commandé, c’est juste un retour spontané parce que je pense que cela peut en intéresser certains (les libristes en premier lieu mais pas seulement).

By Gee

Mon problème avec les smartphones

Au départ, c’est tout bête : un téléphone vieillissant mal et la volonté d’en changer. Sauf que les smartphones, outre leurs avantages (oui parce que si j’en ai un, ça reste un choix), m’ont toujours dérangé pour plusieurs choses :

  • ils sont chers (je n’ai jamais été très à l’aise à l’idée de me trimbaler avec des objets de plusieurs centaines d’euros dans la poche ou à la main) ;
  • ils sont fragiles et conçus pour durer le moins de temps possible (jusqu’à la sortie du modèle suivant, en gros), obsolescence programmée, tout ça ;
  • ils sont ultra-verrouillés. Firefox OS plus ou moins enterré, Ubuntu Touch à peine existant, c’est encore Android (et dérivées) qui se rapproche le plus du libre (c’est dire dans quelle merde on est).

Pour le prix, je m’étais toujours dirigé vers du milieu de gamme en faisant des concessions sur les perfs (je ne joue que très peu et ne regarde pas de vidéos de manière prolongée dessus, ça aide).

Pour le second, malgré tous mes efforts pour en prendre soin et pour ne conserver un système stable dans le temps, je n’ai jamais réussi à garder un smartphone bien longtemps. Le dernier en date (Sony Xperia J) va avoir 3 ans et honnêtement, il a déjà des soucis depuis facilement 1 an, c’est justement par pragmatisme que je l’ai gardé. Vous allez me dire, j’aurais pu mettre plus cher et avoir un truc plus solide. M’enfin ma sœur a réussi à péter un Samsung à 500€ avec une Chupa Chups, alors vous m’excuserez si je suis sceptique.

Pour le troisième point, il y a la solution de se lancer dans les joyeusetés du root et de l’install de ROM custom. J’ai testé avec CyanogenMod sur mon Xperia, eh bien c’est incroyablement chiant et compliqué (et je dis ça du point de vue d’un mec qui installe des GNU/Linux tous les 4 matins sur des appareils plus ou moins exotiques). Des ROMS hébergées sur d’immondes sites de direct download (avec 1 tiers de liens morts), des forums à inscription obligatoire pour lire les tutos, des utilitaires Windows-only à tous les étages. Yark. Et après on va me dire que Gnunux, c’est trop compliqué.

Le Fairphone

Bref, l’idée de changer de smartphone ne m’enchante pas vraiment. Forcément, j’en viens à chercher des choses comme « smartphone alternatif » sur Internet. C’est comme ça que je retombe sur le Fairphone (dont j’avais déjà entendu parlé d’une oreille distraite avant). Je ne vous refais pas la description, en gros un smartphone qui se veut un peu plus responsable que la moyenne : pas d’exploitation d’enfants pour l’extraction des matières premières, des circuits type commerce équitable, possibilité de facilement réparer et remplacer les pièces du smartphone pour ne pas devoir le jeter au premier souci, etc. Tout de suite, ça me tente bien.

Mais voilà, tout cela a un prix : 525€. Aïe. Bien plus cher que des téléphones aux caractéristiques équivalentes d’autres marques. Rien de surprenant, quand on paie correctement les travailleurs et qu’on essaie d’avoir des pratiques éthiques, on arrive forcément à un prix total plus élevé que des entreprises sans scrupules plus habituées aux filets anti-suicide pour les exploités au bout de la chaîne et du rouleau à la fois. Mais on est bien au-dessus de mon budget habituel. Non pas que je n’en aie pas les moyens, mais comme je l’ai dit, me balader avec des centaines d’euros à la main ou dans la poche, ça m’embête un peu.

Et là je tombe sur le truc qui va faire basculer ma décision : le Fairphone est vendu de base avec un Android classique… mais ils fournissent également une version d’Android Open Source débarrassée de toutes les apps non libres (dont toutes celles de Google, y compris Play Store). Oh. Alors certes, un Android Open Source, ce n’est pas Fairphone qui l’a inventé. Mais là, on parle d’un truc :

  • supporté officiellement par le constructeur et prévu pile pour le téléphone en question ;
  • qui ne fera donc pas péter la garantie si on l’installe ;
  • qui est (visiblement) installable en un clic (hallelujah hare krishna).

Je demande quelques conseils sur Diaspora* et devant les avis majoritairement positifs, je saute le pas. C’est cher, mais après tout j’aurais réglé 2 de mes 3 problèmes avec les smartphones (l’obsolescence et le verrouillage) en faisant une concession sur le troisième (le prix).

Est-ce que ça marche ?

En bref : oui. Premier allumage, je rentre toutes mes infos, je zappe les parties Google et je remplace direct Android par la version open Source fournie par Fairphone. Deuxième allumage, un Android parfaitement fonctionnel sans Google et avec juste ce qu’il faut (applications téléphone, appareil photo, galerie, musique, etc.). Quand on est habitué au merdier que les constructeurs ajoutent habituellement dans leurs Androids personnalisés, c’est presque reposant.

 

Screenshot_2016-07-08-19-11-11

Côté matos, rien à redire. On n’est sans doute pas au top de la technologie actuelle, mais pour quelqu’un comme moi habitué à du milieu de gamme, c’est parfait. Je ne vous fais pas la fiche technique, c’est dispo partout sur le web.

L’autonomie (le point qui laisse à désirer dans tous les tests) n’est pas fabuleuse mais rien de catastrophique non plus. En utilisation modérée (un peu de communication, quelques SMS, lire ses mails, ses tweets et ses forums de temps en temps), il peut tenir 2 jours voire 3 en utilisation très modérée. Après si on se lance dans les jeux ou de la navigation un peu intensive, on est plus sur 1 jour, c’est vrai. À part ça, il est stable, fluide, aucun ralentissement, appareil photo très performant (deux exemples ci-dessous). L’écran n’est pas mat mais l’affichage est de très bonne qualité.

#gallery-1 { margin: auto; } #gallery-1 .gallery-item { float: left; margin-top: 10px; text-align: center; width: 50%; } #gallery-1 img { border: 2px solid #cfcfcf; } #gallery-1 .gallery-caption { margin-left: 0; } /* see gallery_shortcode() in wp-includes/media.php */

Après quelques semaines d’utilisation, je m’y sens chez moi. Il y a déjà eu une mise à jour de l’OS depuis que je l’ai installé. Espérons que le support dure.

Android sans Google ?

Cette partie ne concerne pas spécifiquement le Fairphone. Comment on se débrouille avec Android sans compte et sans appli Google ? Comment on se débrouille avec Android quand on veut au maximum utiliser du logiciel libre ?

Déjà, un grand classique que tous les libristes connaissent : F-Droid. C’est un app center alternatif à Google Play Store promu par la Free Software Foundation Europe. Parfait pour n’installer que des applications alternatives et libres. Le logiciel n’est pas des plus sexy (pas de doute, on est bien chez la FSF 🙂 ) mais il fait le boulot très bien. Le plus gros manque, à mon sens, c’est un système de classement : quand on recherche une app, on voudrait savoir laquelle est la plus appréciée ou la plus téléchargée et ce n’est pas possible. On finit toujours par chercher sur le web « best open source photo gallery app android » par exemple. Dommage. Pour le reste, c’est clair, épuré, on installe/désinstalle en un clic, des messages avertissent si l’appli est partiellement non-libre ou promeut des services non-libres, etc. Bref, F-Droid, c’est la supérette bio d’Android.

Ensuite, eh bien il faut juste trouver les applis qui vous conviennent. Le site Droid Break est très bien et donne quelques alternatives à des applications connues.

Un aperçu des applications installées sur mon téléphone :

#gallery-2 { margin: auto; } #gallery-2 .gallery-item { float: left; margin-top: 10px; text-align: center; width: 50%; } #gallery-2 img { border: 2px solid #cfcfcf; } #gallery-2 .gallery-caption { margin-left: 0; } /* see gallery_shortcode() in wp-includes/media.php */

Bien sûr, dans le tas, il y a des applis pour se connecter à des services non-libres (Twitter, YouTube, etc.). Mais contrairement aux applis officielles, elles ont tendance à vous demander sacrément moins d’autorisations, c’est déjà un plus. En vrac :

  • TTRSS-Reader : lecteur de flux RSS spécialisé pour Tiny Tiny RSS (branché dans mon cas sur mon compte Framanews) ;
  • Diaspora : branché sur mon compte Framasphère. Dispensable puisque la version web de Diaspora* est très satisfaisante ;
  • Twidere : appli alternative pour gérer ses comptes Twitter. Pas de publications promotionnelles, pas de timeline et tout marche bien (manque les sondages pour l’instant). Rien à redire ;
  • LeafPic : galerie photo bien foutue (je n’étais pas très satisfait de la galerie de base) ;
  • Firefox : inutile de le présenter mais le panda roux / renard de feu (choisissez votre camp, perso j’en ai rien à carrer) marche bien aussi sur mobile ;
  • K-9 Mail : excellente appli pour gérer des comptes mails multiples. Les fans de Dr Who apprécieront la référence (perso je n’en ai – encore une fois – rien à carrer) ;
  • GBCoid : émulateur de GameBoy qui marche très bien et qui est très configurable. Oui, je disais que je ne jouais pas sur smartphone, mais c’est à moitié vrai. Disons que je suis plutôt retrogaming, ce qui se satisfait de perfs modestes en général. Les boutons émulés sur l’écran tactile, faut s’y faire (surtout pour les jeux d’adresse) mais c’est sympa d’avoir un téléphone qui fait GameBoy ;
  • ScummVM : pour faire tourner les point’n’click des années 90 (particulièrement ceux de LucasArts) dont je suis un fan absolu. Je viens tout juste de me refaire tout Monkey Island 2 (et là je refais le un, OUI C’EST DANS LE DÉSORDRE ET ALORS) ;
  • NewPipe : lecteur pour YouTube. Simple et efficace ;
  • Wikipédia : rien à redire, ça marche nickel. J’aime particulièrement le fait que cliquer sur un lien interne ouvre un petit onglet de prévisualisation en bas au lieu d’ouvrir l’article directement ;
  • Barcode Scanner : lecteur de QR-Code et assimilés. Le genre d’appli que j’utilise toutes les morts d’évêques mais qu’il est bien pratique d’avoir quand même ;
  • Turbo Editor : éditeur de texte. Je n’en ai pas une grande utilisation (éditer du texte sur un smartphone, faut être motivé), mais ça dépanne bien ;
  • Tomdroid : gestionnaire de notes. Bien pour relever les compteurs, noter un numéro, etc. Les linuxiens reconnaîtront Tomboy ;
  • OsmAnd~ : cartes et navigation basé sur OpenStreetMap avec stockage des cartes en local. Une très bonne appli qui mériterait d’être plus connue, parfaite pour remplacer Google Maps ;
  • ShoLi : gestionnaire de liste de courses. C’est tout con mais c’est très pratique (on prépare une liste puis on coche les éléments en tapotant dessus) et je m’en sers tout le temps ;
  • DAVdroid : pour gérer les contacts et calendrier de mon compte Owncloud (sur Framadrive) ;
  • RedReader : pour gérer un compte Reddit ;
  • ownCloud : client OwnCloud (pour la partie fichiers donc), branché aussi sur mon Framadrive ;
  • Amaze : l’appli est installée de base, c’est un bon explorateur de fichiers.

Et la petite appli « L’espace client » dont je n’ai pas parlé ? Eh bien là, c’est la solution de secours en l’absence d’alternative : utiliser un marque-page Firefox et en faire une icône. Là, il s’agit du portail web mobile de ma banque. Ils fournissent une appli non-libre sur le Play Store et c’est typiquement le genre de d’appli que, pour des raisons de sécurité, je n’irai pas télécharger en APK directement sur n’importe quel site venu. Bref, le web mobile, c’est bien, ça marche (quand c’est fait correctement).

Comme ça a tendance à manquer un peu, quelques captures d’écran de la plupart de ces applis :

#gallery-3 { margin: auto; } #gallery-3 .gallery-item { float: left; margin-top: 10px; text-align: center; width: 33%; } #gallery-3 img { border: 2px solid #cfcfcf; } #gallery-3 .gallery-caption { margin-left: 0; } /* see gallery_shortcode() in wp-includes/media.php */

Bilan

Alors, est-ce qu’au final, Android sans les applis fermées et sans Google, c’est faisable ? Bien sûr ! Et ça marche même très bien.

Mais est-ce que c’est pareil ? Aussi facile à utiliser ? Aussi pratique ? Alors là, je vais être un peu abrupt : la réponse est non.

Mais au bout d’un moment, il va falloir faire le deuil de ce genre de problématique. Aucune alternative libre n’a la puissance de frappe d’un GAFAM, il est illusoire d’espérer en obtenir la même chose. J’ai parlé de F-Droid comme de la supérette bio d’Android, et ce n’est pas un hasard : je pense que le choix du Libre en informatique, c’est comme le choix du bio en nourriture. Quand tu décides de manger bio, tu sais que les KitKats c’est terminé, tu sais que tes légumes seront peut-être moins brillants et que tu auras moins de choix en prenant des produits locaux (normal, on ne produit pas des bananes n’importe où et à n’importe quel moment de l’année). Mais tu manges bio parce que, quelque part, tu es prêt à faire des concession pour avoir accès à des choses plus saines et que tu sais qu’au final, tu restes « gagnant » par rapport à la bouffe industrielle. Et jamais tu n’exigeras autant de choix et de flexibilité à ta supérette bio qu’au Géant Casino d’à côté.

Le Libre, c’est pareil. Non, je n’aurai pas la dernière appli qui défonce tout, oui je me prive de certaines fonctionnalités hyper-pratiques (Google Maps et Waze pour t’aider à éviter les bouchons quand t’habites près de Nice, c’est un bonheur pourtant). Mais ça vaut le coup. Avoir un téléphone qui vous fout la paix, qui ne vous espionne pas. Des applis qui demandent juste les autorisations qu’il leur faut (c’est-à-dire souvent pas grand-chose). Pas de pub, pas de fonctionnalités payantes cachées, pas de connexion centralisée avec Google, Facebook ou qui sais-je encore. Juste des applis simples qui font le boulot et qui manquent parfois un peu de polish.

On ne démantèlera pas Géant Casino ou Carrefour avec nos petites paluches. Mais, supérette bio après supérette bio, on participe à une alternative de plus en plus viable. C’est pareil pour GAFAM et les petites alternatives qui ne paient pas de mine.

Et comme indiqué au-dessus, ça n’implique pas nécessairement de se couper totalement des services non-libres (type Twitter) dont on reste parfois encore dépendants (je n’ai pas la prétention d’être blanc comme neige sur ce point, je fais comme la plupart des gens : au mieux).

Je conclurais bien en disant que ça me rappelle un certain projet de dégooglisation, mais zut, on va encore dire que je fais de la promo pour les copains 🙂

 

Pour aller plus loin