Richard Stallman l’insoumis dans le SVM du mois de mars

Né en 1983 et tiré à plus de 100 000 exemplaires, le mensuel SVM est probablement le plus connu des magazines de la presse informatique française. Certains se souviennent peut-être encore de sa prise de position critique et courageuse vis-à-vis d’Hadopi, avec une pétition qui aura récoltée plus de 50 000 signatures.

Le numéro 290 du SVM de ce mois de mars consacre 3 pleines pages à Richard Stallman (et donc par ricochet au logiciel libre) en publiant notamment quelques extraits de sa biographie autorisée.

« Richard Stallman est l’homme par lequel tout est arrivé : le logiciel libre, Linux, Firefox, Wikipédia. Sa biographie, parue récemment, nous le montre en étudiant renfermé, programmeur génial, missionnaire infatigable de la liberté, philosophe des théories du partage pour certains (…) Pour Stallman, le code c’est du savoir, l’ordinateur un instrument de liberté. Et le savoir doit circuler librement. »

Richard Stallman - SVM 290 mars 2010




RMS’s Mostly Slax GNU/Linux-Libre Rose

L’image ci-dessous représente la copie d’écran d’une nouvelle distribution GNU/Linux qui se veut entièrement libre et bootable sur une clé USB.

Un peu comme notre Framakey Ubuntu-fr Remix, sauf qu’Ubuntu n’est pas « entièrement libre » au sens que lui donne la Free Software Foundation (principalement à cause des drivers graphiques propriétaires inclus dans la distribution, attention troll détecté !).

Elle porte le nom de RMS’s Mostly Slax (codename pour la version 1.2 : Rose), acronyme récursif faisant un double clin d’œil à Richard Matthew Stallman et à l’héritage de la distribution Slax.


RMS GNU/Linux-libre - Copie d'écran

RMS GNU/Linux-Libre !

RMS GNU/Linux-Libre!

Mattl – 11 février 2009 – FSF Blogs
(Traduction Framalang : Quentin)

RMS GNU/Linux-Libre est un projet visant à créer une distribution GNU/Linux composée uniquement de logiciels libres et qui soit assez petite pour tenir sur une clé USB. tion-gnu-linux-rms-mostly-slax La distribution, qui promet d’être le parfait compagnon des amoureux de la liberté, aura la capacité de garder les modifications sur la clé, ainsi que d’installer, de mettre à jour ou de désactiver les paquets logiciels dans une application de gestion des modules.

Le nom de cette distribution, RMS’s Mostly Slax, est à la fois un hommage au fondateur du système d’exploitation GNU, mais aussi une référence à l’histoire de ce projet, basé sur SLAX (elle même basée sur la vieille Slackware). RMS présente la version 2.6.27.42 de Linux-Libre, un projet pour modifier le noyau Linux et supprimer tout firmware et bouts de code propriétaire, ainsi que le navigateur GNU Icecat et l’environnement KDE 3.5. D’autres modules sont aujourd’hui en développement et devraient être prochainement disponibles au téléchargement sur le site du projet.

On trouvera une liste de distributions libres sur le site du projet GNU.




Pour que La Quadrature du Net continue à écrire la doc et les pages man d’Internet

La Quadrature va-t-elle jetter l’éponge ? C’est le cri qu’a poussé Benjamin Bayart hier sur son blog.

Rien de tel que de se remémorer alors son intervention, en juillet dernier aux Rencontres Mondiales du Logiciel Libre de Nantes, où il explique pourquoi La Quadrature a besoin de notre soutien.

Et de laisser ensuite la parole à un Jérémie Zimmermann éloquent quant au sens donné à leur action : « S’appuyer sur notre expertise pour écrire la doc et les pages man de l’outil que l’on a bâti et que l’on veut préserver : Internet ».

PS : Et comme on ne peut plus s’en passer, il y a également une vidéo bonus de Stallman en fin d’article 😉

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Transcript

Jérémie Zimmermann : Je pense que les sociologues, ethnologues et autres bidulogues se pencheront sur la question, s’ils ne le font pas déjà. De voir que c’est nous, la bande de geeks, qui allons retourner les parlements.

Alors nous la bande de geeks, on est ceux qui connaissons le mieux Internet, ceux qui l’utilisons tous les jours depuis plus longtemps que tout le monde, et ceux qui en quelque sorte l’avons fabriqué. Et donc on peut dire sans se vanter qu’on a une expertise en la matière, un expertise en matière d’Internet et des technologies numériques.

Et c’est intéressant de voir que l’on utilise spécifiquement notre expertise dans quelque chose que l’on a bâti. Pour le préserver tel qu’on le connaît aujourd’hui et tel qu’on aime à l’utiliser aujourd’hui.

Et j’aimerais me livrer ici a un parallèle peut-être un petit peu hasardeux. Je sais que pas grand monde aime la politique, ou en tout cas la politique telle qu’elle existe aujourd’hui, à base de spectacle et de petites phrases, de connards bronzés qui ne connaissent pas leurs dossiers et qui raisonnent à coups de sondages, etc.

Mais la politique, la vraie, c’est pas ça. C’est s’intéresser à la vie de la cité. Et pour s’intéresser à la vie de la cité, pour participer, il faut précisément transmettre son expertise, transmettre sa connaissance.

Et donc notre rôle, ce que l’on fait tous les jours dans ces campagnes, on transmet l’expertise que l’on a de l’outil que l’on veut préserver.

Mais transmettre de l’expertise, c’est un petit peu de la communication, et c’est un petit peu un truc que les geeks ne savent pas bien faire en général.

Et le parallèle hasardeux que je vais faire, c’est dire qu’en gros ce que l’on est en train de faire. c’est faire la doc et faire les pages man qui vont avec l’outil qu’on a développé.

Et que nous les geeks, on sait qu’on n’aime pas faire les pages man, et qu’on n’aime pas rédiger la doc. Et le problème c’est que si on ne les fait pas, le projet ne va pas décoller et il n’ira pas très loin. Et donc voilà, à vos éditeurs de texte quoi !

Benjamin Bayart : On ne peut pas laisser les parlementaires écrire tout seul le manuel d’Internet, ça ça va pas être bon, va falloir qu’on s’en mêle…

Soutien de Richard Stallman à La Quadrature du Net

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Extrait vidéo : La bio de Stallman à la Matinale de Canal+

Ce matin, N. me tire soudainement du lit : Vite, vite, ils parlent de ton bouquin à la télé ?

Je maugrée… (et puis en plus c’est pas « mon » bouquin).

Mais j’ai eu bien raison de faire l’effort de me placer devant le poste, parce que ça en valait ô combien la peine…

Merci à La Matinale de Canal+ (et grosses bises à l’enthousiaste et compétente journaliste).

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Transcript

Maïtena Biraben : Le logiciel libre, c’est l’une des très grandes révolutions du siècle passé et aujourd’hui on en sait un peu plus sur le créateur du logiciel libre.

Emmanuelle Talon : Oui, Richard Stallman il a aujourd’hui 56 ans, il n’est pas très connu du grand public mais c’est un dieu vivant pour les informaticiens, parce que c’est un des pères du logiciel libre, le père du logiciel libre.

Alors pourquoi on en parle aujourd’hui ? Parce qu’il y a sa biographie qui vient de paraître en français aux éditions Eyrolles « Richard Stallman et la révolution du logiciel libre ». Alors au début des années 80…

Maïtena Biraben : C’est un bouquin de geek ?

Emmanuelle Talon : Non, justement pas. C’est ça qui est bien, parce que ça n’est pas un bouquin de geek, et même si on ne s’y connaît pas trop, on peut vraiment vraiment comprendre, j’insiste.

Et donc Stallman, au début des années 80 a créé la Fondation pour le Logiciel Libre. Il est à l’origine du projet GNU.

Et juste un petit rappel : qu’est-ce qu’un logiciel libre ? Quand même, voilà c’est important. C’est un logiciel que n’importe qui peut utiliser, copier ou même modifier, pour l’améliorer en quelque sorte, en accédant au code source.

Et le logiciel libre, ça s’oppose à ce que Stallman appelle les logiciels privateurs. Ce sont des logiciels qui nous privent de notre liberté. On ne peut pas modifier le code source, c’est pour cela que Windows est la propriété de Microsoft. Si Windows ne vous convient pas, vous ne pouvez pas l’améliorer. Tandis que l’on peut améliorer par exemple la suite bureautique OpenOffice ou le navigateur Firefox.

Maïtena Biraben : Si on y arrive !

Emmanuelle Talon : Si on arrive, bien sûr, mais vous avez cette liberté.

On l’impression que c’est un peu complexe mais en fait pas tellement parce que cette histoire de logiciel libre… Il ne s’agit pas vraiment d’informatique, il s’agit en fait de philosophie. Richard Stallman c’est vraiment un grand philosophe, c’est un vrai penseur. Et avec cette histoire de logiciel libre… Pourquoi au fond il s’est lancé dans cette aventure ? Il s’est lancé dans cette aventure tout simplement pour améliorer le monde, pour encourager le partage et la fraternité.

Donc c’est une forme de nouveau socialisme, de socialisme logiciel. Et à l’heure où l’on pleure sur la fin des grandes ideologies, on peut se réjouir de voir qu’il y a encore des gens qui essayent de changer le monde. Et aujourd’hui ces gens-là ce sont des informaticiens, et c’est Richard Stallman. C’est pour ça que c’est important de le connaître.

Maïtena Biraben : On a vu son playmobil…

Emmanuelle Talon : Oui on a vu son playmobil, mais en fait c’est un personnage assez amusant, qui a beauocup d’humour, qui a une bonne tête…

Maïtena Biraben : Est-ce que le logiciel libre a des chances de gagner face au logiciel non libre, donc commercialisé, que l’on ne peut plus toucher ?

Emmanuelle Talon : Alors, le logiciel libre il progresse beaucoup en France. Il y a quelques années la Gendarmerie nationale est passée… elle a adopté un logicie libre. Mais, si vous voulez, la compétition elle ne se fait pas vraiment sur cette question-là, sur cette question technique, parce qu’un logiciel libre, on peut considérer que ça vaut au niveau technique un logiciel privateur. En fait la compétition, elle se fait vraiment dans nos têtes.

Le Libre il pourra gagner le jour où, d’après Stallman, on aura, nous, envie de nous libérer et puis de ne pas être soumis à la machine. Parce qu’il explique que quand on utilise un logiciel comme Windows, on ne peut pas le modifier si on n’y va pas, et donc on est esclave de la machine. Stallman c’est un peu le Luke Skywalker de l’informatique, il faut qu’on se libère des machines et c’est ce jour-là que le Libre pourra gagner.

Maïtena Biraben : Est-ce que libre ça veut dire gratuit Emmanuelle ?

Emmanuelle Talon : Alors non, libre ne veut pas forcément dire gratuit. Il y a des logiciels libres qui ne sont pas gratuits, donc il faut faire attention à cette confusion. C’est vrai que quand on est juste un utilisateur, on peut estimer que la gratuité c’est le principal avantage, mais libre ne veut pas dire gratuit.

Maïtena Biraben : Si on ramène cette idée de logiciel libre à la France, la prochaine bataille c’est Hadopi.

Emmanuelle Talon : C’est Hadopi et Stallman est mobilisé sur cette question. Il estime que c’est une loi tyrannique. Il dit que Nicolas Sarkozy est un ennemi de la démocratie et des Droits de l’Homme. Et pour lui empêcher le téléchargement de musique pour sauver l’industrie du disque, c’est tout simplement comme empêcher les gens de faire la cuisine pour sauver les emplois dans la restauration !

Voilà, juste pour finir, le livre, vous pouvez l’acheter, il coûte 22 euros et c’est bien d’avoir un livre papier. Mais vous allez voir la cohérence de la démarche, en fait le livre est en téléchargement, gratuit, sur le site www.framasoft.net. Vous pouvez modifer le texte du livre, et si vous voulez le traduire, et bien vous pouvez tout à fait le traduire librement dans la langue que vous souhaitez, en ourdou par exemple, je pense que ça n’est pas encore fait.




Critique de la biographie de Richard Stallman par Sébastien Broca

Richard Stallman - Bastien WirtzSébastien Broca a été parmi les rares privilégiés à acquérir le livre Richard Stallman et la révolution du logiciel libre avant les autres, au cours de la rencontre organisée par les éditions Eyrolles à Paris le 12 janvier dernier (dédidace « Happy Hacking » de Richard incluse[1]).

Le lendemain, il m’envoyait spontanément un courriel enthousiaste en me faisant part de ses premières impressions sur un livre qu’il avait parcouru dans sa totalité en moins de 24h !

Et moi, ni une ni deux, de lui demander gentiment de pousser la chansonnette jusqu’à en faire un billet pour le Framablog 😉

Difficile de vous cacher que cela nous a fait à tous très plaisir à lire…

Le livre lu par Sébastien Broca

Compte-rendu : Richard M. Stallman, Sam Williams, Christophe Masutti, « Richard Stallman et la révolution du logiciel libre. Une biographie autorisée », Eyrolles, Paris, 2010.

La biographie de Richard Stallman publiée aux Éditions Eyrolles constitue un ouvrage inhabituel à plus d’un titre. Il s’agit tout d’abord du premier ouvrage en français à se pencher en détail sur la vie du fondateur du mouvement du logiciel libre, dont la notoriété dans le monde informatique ne s’est pas encore vraiment étendue au grand public. C’est également un ouvrage présentant la particularité d’être publié sous une licence dite « libre » (la GNU Free Documentation License), c’est-à-dire donnant droit à chacun de le copier, de le distribuer et de le modifier. Il s’agit enfin d’une biographie singulière, dans la mesure où Richard Stallman a lui-même relu l’ensemble du manuscrit, y apportant des remarques personnelles et des corrections, lorsque certains faits lui paraissaient rapportés de manière erronée ou incohérente. L’ouvrage se présente ainsi comme une œuvre à trois voix. Le texte original publié aux Etats-Unis en 2002 par Sam Williams a été largement retravaillé par Richard Stallman, avant d’être traduit par la communauté en ligne Framasoft, à la source du projet français.


Ce processus d’écriture original confère à l’ouvrage toute sa dynamique. Si Sam Williams fait preuve d’une certaine admiration pour le père du logiciel libre, et plus encore pour son œuvre, il insiste également sur les tensions que son intransigeance morale, couplée à son souci quasi obsessionnel de l’exactitude verbale et conceptuelle, n’ont pas manqué de susciter à travers les ans, et ce jusque dans son propre « camp ». L’inflexibilité de Richard Stallman a ainsi scindé la communauté du libre entre partisans du free software et adeptes de l’open source ; ces derniers axant leur discours sur les qualités techniques et les opportunités économiques propres aux « logiciels à source ouverte », et non sur les raisons éthiques de préférer le logiciel libre. Les différents volets de ce débat, symbolisé par les personnalités largement antithétiques de Richard Stallman et Linus Torvalds (créateur du noyau Linux), sont bien rapportés. Le lecteur en retire une compréhension fine des ressorts de l’engagement de Richard Stallman, et des différentes controverses idéologiques qui traversent la communauté du logiciel libre.


D’autres épisodes narrés par Sam Williams peuvent paraître plus anecdotiques, mais ils donnent à l’ouvrage toute son épaisseur historique et humaine. Des passages relativement longs sont ainsi consacrés à la description du milieu de la recherche informatique aux Etats-Unis dans les années 1970, avant l’apparition de l’ordinateur personnel. Le lecteur se trouve ainsi plongé dans l’ambiance particulière, qui régnait au laboratoire d’intelligence artificielle du MIT, dont Richard Stallman fut membre jusqu’en 1984. Il y découvre les spécificités de l’ethos professionnel des hackers, caractérisé par un rapport passionnel à la programmation et une valorisation sans limites du partage et de la collaboration entre pairs. Il comprend de la sorte les raisons de l’indignation ressentie par Richard Stallman, face au mouvement de privatisation connu par l’industrie informatique au début des années 1980. Ces passages figurent ainsi parmi les plus intéressants du livre, en ce qu’ils éclairent à merveille le contexte sociologique et historique ayant présidé à la naissance du mouvement du logiciel libre.


Les interventions de Richard Stallman dans le texte, à travers de petits encarts dans lesquels il réagit aux événements racontés ou aux idées qui lui sont prêtées, donnent à l’ouvrage une saveur supplémentaire. On y retrouve ainsi par petites touches l’expression de son intelligence hors du commun et de son horreur de l’imprécision, le tout asséné sur un ton parfois assez sec et pince-sans-rire. Ces intrusions intempestives offrent presque toujours un contrepoint intéressant, et achèvent de faire de cette biographie une nouvelle référence, pour quiconque souhaite comprendre un personnage hors norme, et un mouvement, dont la portée sociale excède désormais de loin le seul domaine informatique.

Notes

[1] Crédit photo : Bastien Wirtz (OpenCoding)




Sortie de la biographie autorisée « Richard Stallman et la révolution du logiciel libre »

Stallman by NadègeEt voilà. Le framabook Richard Stallman et la révolution du logiciel libre – Une biographie autorisée, publié par les édititions Eyrolles, est désormais officiellement disponible sur la place publique !

Il devrait donc apparaître dès aujourd’hui dans les « meilleures » librairies (elle sont meilleures parce qu’elles proposent le livre of course).

Sur Internet, le livre est à commander chez Eyrolles, Amazon et autres Fnac. Mais sachez qu’on peut d’ores et déjà le trouver sur notre boutique EnVenteLibre où nous en avons stocké une centaine d’exemplaires, avec l’avantage que nous distribuons dans toute la francophonie (le monde entier en fait).

Et les sources, me direz-vous avec perspicacité puisque la licence est libre (en l’occurrence la GNU Free Documentation License) ?

C’est là que, autre grande nouveauté, La Poule ou l’Œuf entre en jeu.

Non seulement La Poule est capable d’un simple clic de nous pondre de très jolis œufs, à savoir les version numériques intégrales du livre aux formats PDF, ePub, HTML (zip) sans oublier évidemment les sources en LaTeX (zip), mais vous avez également la possibilité de lire en ligne le livre dans son intégralité !

Vous trouverez tout cela sur la page dédiée du site Framabook.

C’est pour nous la conclusion d’une sacrée aventure (ouf !).

Nous remercions une nouvelle fois tous ceux qui ont participé avec nous à ce projet. Et nous comptons sur vous pour diffuser l’information et faire gonfler les ventes, histoire de montrer au monde de l’édition que la licence libre et le succès commercial, c’est possible 😉




Il était une fois un livre sur et avec Richard Stallman

Biographie de Stallman - Couverture Eyrolles - 3D HarrypopofLe livre Richard Stallman et la révolution du logiciel libre – Une biographie autorisée, qui est sorti le 21 janvier aux éditions Eyrolles, possède trois auteurs.

Il y a bien entendu Sam Williams, auteur de la version d’origine en anglais. Mais si nous n’étions qu’en face de sa simple traduction, il demeurerait alors le seul auteur de l’ouvrage. Or deux autres noms apparaissent : Richard Stallman lui-même et Christophe Masutti de Framasoft.

Pourquoi cette originalité et pourquoi méritent-ils tous deux de venir s’associer à Sam Williams ? Vous le saurez en parcourant l’histoire peu commune de ce livre, telle qu’elle a été vécue par Christophe.

Il nous propose une très jolie formule pour expliquer les intentions et les apports de Stallman :
il a souhaité « hacker » le livre.

Avec le même état d’esprit, ou plutôt la même éthique, que lorsqu’il se trouvait, plusieurs dizaines d’années auparavant, jeune programmeur parmi les siens au département de recherche en intelligence artificielle du MIT.

Il était une fois un livre sur et avec Richard Stallman

Christophe Masutti – janvier 2010 – GNU Free Documentation License

Christophe MasuttiTout a commencé en mars 2007, lorsque Alexis Kauffmann a posté un message sur le forum du réseau Framasoft, invitant les volontaires à participer à la traduction du livre de Sam Williams, Free as in Freedom: Richard Stallman’s Crusade for Free Software, publié en 2002 chez O’Reilly sous la licence libre GNU Free Documentation License.

Framasoft a une certaine habitude des traductions et s’est même constitué avec le temps une équipe entièrement dédiée à cela, le groupe Framalang. Il se trouve qu’à cette époque Framalang ne chômait pas et nous ne souhaitions pas leur rajouter une charge de travail supplémentaire avec un livre de quelque 300 pages !

Nous avons donc fait le choix de proposer directement le projet dans un wiki public, et pas n’importe lequel d’entre eux : Wikisource, la bibliothèque libre du réseau Wikimedia. Lors d’une conférence tenue aux Rencontres mondiales du logiciel libre 2009 de Nantes, Alexis donne plus de détails sur le mode opératoire : quelqu’un avait déjà traduit la préface et le premier chapitre du livre sur un site personnel, ce qui nous a servi de base pour créer la structure de l’ensemble du projet sur Wikisource. L’objectif était bien entendu d’arriver à nos fins mais il s’agissait également d’une expérience, celle d’une ambitieuse traduction collaborative et spontanée ouverte à tous, exactement comme on crée, modifie et améliore les articles de Wikipédia.

Un an plus tard, le bilan était contrasté. Nous avions bénéficié de l’exposition de Wikisource et de nombreuses personnes étaient venues participer. Mais quantitativement il restait encore beaucoup à faire et qualitativement ce qui avait été fait manquait singulièrement de cohérence et d’harmonie (ne serait-ce que pour se mettre d’accord sur la traduction de tel ou tel terme important et récurrent). Et puis nous butions sur des questions aussi élémentaires que la décision de « clore » un chapitre traduit, ce qui sur un wiki aussi fréquenté ne va pas de soi.

Ne nous en déplaise, il fallait mettre un peu de « cathédrale dans le bazar », c’est-à-dire un peu de verticalité dans l’horizontalité du projet. Alexis a alors pris la décision de relancer le projet sur le blog de Framasoft, en invitant les bonnes volontés à se regrouper sur une liste de discussion dédiée et créée pour l’occasion. Pour ma part, je pris l’initiative d’animer cette liste qui compta rapidement une bonne dizaine d’inscrits (dans le livre vous trouverez en préambule les remerciements à cette liste nominative de participants).

Notre première décision consista à créer ailleurs un deuxième wiki, mais cette fois-ci loin des regards du réseau Wikimedia. Il ne s’agissait pas de jouer les cachottiers, mais nous en étions arrivés à la conclusion qu’il n’était plus possible de continuer à travailler sur Wikisource, dans la mesure où à tout moment une personne externe à la liste pouvait s’en venir tout « bouleverser » (c’est, j’en conviens fort bien, ce qui fait tout le charme de Wikipédia, mais à cette période d’un projet si spécifique nous souhaitions avant toute chose être efficaces et coordonnés dans notre travail).

Nous nous trouvions cependant face à un dilemme : d’un côté la traduction d’origine sur Wikisource restait bien entendu ouverte et continuait sa vie de texte wiki (bien que fort peu active, puisque la liste avait capté une bonne part de l’énergie disponible) et de l’autre côté, le travail sur notre nouveau wiki prenait forme et la traduction avançait plutôt bien. Une fois terminée, notre intention était de reverser la traduction de Free as in Freedom dans Wikisource, quitte à « écraser » les contributions effectuées dans l’intervalle (ces contributions peuvent néanmoins être réhabilitées grâce à l’historique des modifications). Aujourd’hui, on peut donc trouver sur Wikisource cette traduction française de Free as in Freedom publiée par Sam Williams en 2002. Modulo le fait que quelqu’un est peut-être venu en déplacer un mot il y a une heure 😉

Notre traduction avançait donc plutôt bien jusqu’à obtenir une forme convenable à la relecture en novembre 2008, avec en prime la décision définitive d’en faire un volume de plus de la collection de livres libres Framabook.

Une petite parenthèse est ici nécessaire. En effet, nous travaillions depuis peu en étroite collaboration avec l’équipe de La Poule ou l’Oeuf, qui est une chaîne éditoriale en ligne pour la production de livres, pensés comme unités d’une collection, permettant un rendu final de type TeX, PDF, ePub ou HTML. Ce livre était aussi pour nous l’occasion d’implémenter dans le système non seulement l’ouvrage mais aussi la maquette générale de notre collection Framabook. Nous sommes très heureux du résultat car non seulement la Poule ou l’Oeuf a servi pour la mise en page du livre publié chez Eyrolles, mais ce sont désormais tous les framabooks qui vont bénéficier de la puissance de cet outil et des compétences de l’équipe de la Poule ou l’Oeuf.

Parenthèse fermée. Un mois plus tard, en décembre 2008, j’écrivis à Sam Williams pour lui demander une préface. Il accepta, tout en me précisant qu’il aurait bien aimé que Richard Stallman eût participé aux éventuelles modifications de l’ouvrage en anglais mais que finalement cela ne s’était pas produit. À ce moment-là, je ne compris guère l’allusion qui trouva son explication quelques jours plus tard.

Nous réfléchissions également aux illustrations possibles de l’ouvrage. Il y avait une belle photo de Richard Stallman dans le livre d’origine chez O’Reilly, tirée du site web personnel de Richard. Je contacte donc ce dernier, non seulement pour lui demander l’autorisation d’utiliser sa photo, mais aussi pour l’informer que nous comptions publier la traduction en français (une traduction en italien avait été publiée en 2003).

C’est là que tout a basculé (positivement).

Il faut savoir que le livre Free as in Freedom n’a jamais obtenu l’appui formel de Richard Stallman. Pire : Richard aurait déjà affirmé qu’il était hors de question de venir lui demander un autographe sur le livre. On peut légitimement se demander pourquoi… Certes le travail de Sam Williams est d’abord un travail de journaliste, et il dresse un portrait sans concession de la personnalité de Richard Stallman : introverti, controversé, irascible et intransigeant. Tous ceux qui se sont rendus au moins une fois à l’une de ses conférences et qui sont au courant de ses activités, ont une bonne idée de ce que je veux dire.

Mais ce n’est pas sur ce point que Richard Stallman était en désaccord avec l’ouvrage : il y avait des erreurs manifestes voire des interprétations faussées dans les faits concrets relatés dans l’ouvrage. En somme, un travail mené un peu trop vite et sans assez de recul. Par ailleurs, un programmeur de l’envergure de Richard Stallman met un point d’honneur à vouloir reformuler avec exactitude les approximations, même lorsqu’elles ont été commises volontairement dans le but de rendre l’ouvrage plus accessible. Il n’en demeure pas moins que sous le prétexte de l’accessibilité, certaines approximations transformaient carrément le propos ou les évènements. La manière dont Richard a agit sur le texte est relatée dans sa préface et lorsque le propos relève notamment de l’interprétation personnelle de Sam Williams, les ajouts de Richard sont clairement identifiés dans le livre par des encarts et des notes de bas de page. Les lecteurs pourront donc se faire une bonne idée des transformations ainsi opérées, quitte à aller voir et comparer avec l’original de Sam Williams.

Je prends un exemple : lorsque Sam Williams relate la tension entre Eric S. Raymond et Richard Stallman, on comprend que Raymond accuse Richard d’être la principale cause du manque de réactivité du projet Hurd (le projet de noyau du système GNU), et que cette accusation est fondée (on se doute néanmoins que Raymond n’a pas bien digéré la fin de non recevoir pour les modifications de l’éditeur Emacs qu’il voulait imposer). Pour Williams, et aussi pour Raymond, c’est le « micro-management » à la Stallman, c’est à dire sans concession, qui a freiné Hurd, avec pour conséquence la popularisation du noyau Linux, qui obéit, lui, à un schéma de développement beaucoup plus ouvert. Il serait pourtant simpliste de se contenter de cette interprétation. Richard l’explique autrement, tant en montrant que Hurd n’est pas une mince affaire qu’en montrant aussi que le noyau Linux n’est pas la panacée du point de vue technique comme du point de vue éthique (le plus important à ses yeux).

Bref, suite à mon courriel, Richard me répondit qu’il désirait apporter quelques précisions sur l’épisode LMI et Symbolics, deux entreprises qui débauchèrent le gros de l’équipe de hackers du MIT au début des années 1980. Cet épisode était très important, mais il ne touchait en gros qu’une dizaine de paragraphes dans l’ouvrage. Lorsque j’en fis référence à l’équipe de notre liste de discussion, tout le monde approuva l’idée.

Pourtant, au fil des échanges, Richard me confia qu’il n’avait jamais lu le livre de Sam Williams, et qu’en lisant les chapitres en anglais que je lui envoyais (repris depuis le site personnel de Sam Williams), il ressentait fortement le besoin de le réécrire.

Et tout l’art du hacker se révéla.

Alors que je lui suggérais d’écrire lui-même son autobiographie (d’un certain côté, j’anticipais sur mes craintes : la retraduction de l’ensemble à partir de toutes ces nouvelles modifications !), il se contenta de me renvoyer des chapitres réécris, sur lesquels je faisais un « diff » (une commande Unix permettant d’afficher les différences entre deux fichiers) pour pouvoir implémenter ces modifications dans la traduction française.

Après tout, qu’est-ce qu’un hacker ? Le lecteur en trouvera une bonne définition historique en annexe de l’ouvrage. L’essentiel est de comprendre que « hacker » signifie surtout améliorer, et qu’un bon hacker qui se respecte ne supporte pas l’imperfection. En toute logique, Richard ressentait tout simplement l’envie irrésistible de « hacker » le livre de Sam Williams. Qui d’autre sinon lui ?

J’énonce tout ceci avec le recul que me permet la parution de l’ouvrage. Dans les faits, je recevais plusieurs courriels par semaine contenant les modifications de Richard. Je les implémentais après les avoir lues, demandé des précisions, et argumenté lorsqu’elles étaient discutables. Bref, un travail soutenu qui nous amena Richard et moi jusqu’au début de l’été 2009.

Un mois auparavant, Alexis avait rencontré Muriel Shan Sei Fan, directrice de la collection Accès Libre aux éditions Eyrolles. Et entre la poire et le fromage, il évoqua « l’aventure » de cette traduction qu’il continuait à suivre attentivement. Muriel trouva le projet tant est si bien intéressant qu’elle nous proposa de le publier chez eux.

Nous acceptâmes, mais ce serait vous mentir que d’affirmer que ce fut une décision facile et unanime dans l’équipe. En effet, nous avons, et nous avons encore, nos habitudes chez InLibroVeritas, l’éditeur si particulier et attachant de tous les autres framabooks, avec qui nous travaillons main dans la main depuis des années pour défendre et faire la promotion du logiciel libre et sa culture.

Plusieurs arguments ont cependant pesé dans la balance. Tout d’abord nous n’avions plus affaire cette fois à un livre sur un logiciel libre particulier (Thunderbird, OpenOffice.org, LaTeX, Ubuntu…). Nous étions face à un livre mutant, une traduction devenue « biographie autorisée » car modifiée et enrichie pour l’occasion par son sujet même. Et pas n’importe quel sujet : la plus illustre des personnalités de la jeune histoire du logiciel libre. Cela méritait assurément de rechercher la plus grande exposition possible. Outre sa capacité de diffusion et distribution, Eyrolles nous offrait aussi son expertise et expérience. Le livre avait été traduit et une première fois relu, mais nous étions néanmoins conscients de sa perfectibilité de par les conditions mêmes de sa réalisation mentionnées plus haut (sachant de plus qu’à ce moment précis de l’histoire Richard n’en avait toujours pas fini avec ses propres modifications). Eyrolles a ainsi retravaillé le texte et mis à disposition du projet plusieurs personnes non seulement pour effectuer de nouvelles relectures mais parfois même pour retraduire certains passages. J’ajoute que nous appréciions la collection pionnière Accès Libre qui abrite en son sein de nombreux ouvrages de qualité sur le logiciel libre. Et enfin dernier argument et non des moindres : sous notre impulsion, Eyrolles allait pour la première fois publier d’emblée un livre sous licence libre, avec tous les avantages et inconvénients que cela suppose.

Nous nous rencontrâmes in the real life, Muriel, Richard, Alexis et moi, au cours d’un déjeuner en marge des Rencontres mondiales du logiciel libre de Nantes en juillet 2009. Nous discutâmes des modalités de publication et surtout, justement, de la question de la licence. L’ouvrage d’origine étant sous licence GNU Free Documentation License (à cause d’un Stallman insistant, Sam Williams s’en explique à la fin de son livre), sa traduction ne pouvait que l’être également. Or publier sous licence libre n’était pas dans les habitudes d’Eyrolles et cela ne rentrait pas forcement dans les « cases » de ses contrats types (rien que le fait d’interdire la classique interdiction de photocopier était une nouveauté). De plus nous connaissons les positions sans concession de Stallman dès que l’on touche à ces questions de licence. Mais nous avons néanmoins réussi sans trop de mal à nous mettre d’accord, et il faut rendre ici hommage aux éditions Eyrolles d’avoir su s’adapter et innover.

La dernière ligne droite fut en tout cas aussi passionnante que stressante, avec ses nombreux va-et-vient entre Richard (apportant ses dernières modifications), Eyrolles (éditant à la volée l’ensemble de l’ouvrage), La Poule (obligée à mettre en forme un texte sans cesse en mouvement) et moi (dispersé un peu partout). Toujours est-il que vers la fin décembre 2009, ouf, nous étions prêts et le projet bouclé. Nous méritions tous ce beau cadeau de Noël que nous nous offrions là 😉

De leur côté, Richard Stallman et John Sullivan vont très prochainement publier en anglais le livre dans sa nouvelle version, aux éditions internes à la Free Software Foundation, ajoutant ainsi une dimension supplémentaire au projet. Non seulement nous touchons les lecteurs francophones, mais le monde anglophone pourra aussi se délecter de ce « hack biographique ». Grâce à la licence libre (et aux efforts de quelques uns), le livre, parti des États-Unis, revient à la maison après un détour par la France qui l’aura transformé !

Pour moi, ce livre n’est pas seulement une biographie, même s’il en a l’apparence et la saveur. Il s’agit d’une histoire, celle du mouvement pour le logiciel libre, qui a influencé profondément l’histoire générale de l’informatique depuis la fin des années 1960. On considère généralement cette histoire à travers celle de l’industrie logicielle ou des composants d’ordinateurs. Mais il manque souvent une approche en termes de pratiques d’ingénierie et de circulation de l’information. Le logiciel libre constitue en cela une belle illustration de l’ingénierie logicielle, qui avance non seulement par projet, mais aussi parce qu’elle est fondamentalement un débat permanent sur la disponibilité et le partage de l’information. Lorsque le partage d’idées est impossible (notamment à cause des brevets) et lorsque les développeurs et les utilisateurs sont restreints dans leurs libertés, alors c’est la société toute entière qui pâti de la pénurie de code et de libertés.

Tous les métiers ont leur déontologie. Les informaticiens ont une éthique et ceux qui la distillent sont les hackers. Par delà ses actes et ses programmes, l’un des principaux mérites de Richard Stallman est d’avoir réussi à concentrer et matérialiser cette éthique dans une simple licence (la fameuse GNU General Public License), qui va non seulement fonder, défendre et diffuser le logiciel libre mais qui constitue aujourd’hui une référence et une source d’inspiration pour d’autres mouvements émancipateurs. En fait, les programmes ont toujours été libres, et c’est un non-sens éthique qui les a rendu privateurs à un moment donné. L’histoire de l’informatique est heureusement loin d’être terminée.

Celle de ce livre touche par contre à sa fin, puisqu’il sera officiellement publié le 21 janvier prochain sous le titre Richard Stallman et la révolution du logiciel libre – Une biographie autorisée. Je remercie chaleureusement tous ceux que cette aventure a mis sur notre chemin. Toutes ces rencontres qui font aussi le sel d’un tel projet. À Framasoft, nous sommes fiers d’avoir pu le mener à son terme. Et malgré le labeur qui n’a pas manqué, ce fut un réel plaisir. Plaisir que nous espérons désormais partager avec le lecteur…

Cette histoire touche donc à sa fin, disais-je, mais, licence libre oblige, rien ne dit qu’il ne subisse pas à l’avenir d’autres métamorphoses. Ne serait-ce que parce que Richard est heureusement toujours parmi nous et qu’il lui reste encore certainement de belles pages à écrire dans le livre de sa vie.




Vidéo : Richard Stallman à Paris pour la présentation de sa biographie autorisée

Les éditions Eyrolles ont organisé une rencontre avec Richard Stallman, le 12 janvier dernier dans leur librairie parisienne, à l’occasion de la sortie du livre Richard Stallman et la révolution du logiciel libre (que l’on peut d’ores et déjà précommander).

Cette intervention est désormais disponible sur le compte Eyrolles d’OpenVideo, l’espace Dailymotion spécialement dédié au format libre et ouvert Ogg[1].

Nous avons choisi d’en extraire le premier quart d’heure et vous le proposer ci-dessous dans la mesure il présente l’équipe du projet et nous offre un Richard Stallman au cœur du livre, puisqu’évoquant (non sans humour) son passé et ses premières expériences informatiques.

Par ordre d’apparition :

  • Muriel Shan Sei Fan d’Eyrolles – émérite éditrice du livre et animatrice de la rencontre
  • Pierre-Yves Gosset (alias Pyg) – émérite et indispensable salarié de Framasoft (et qui remplaçait mon absence)
  • Christophe Masutti – émérite chef d’orchestre de la traduction et de la communication avec Richard Stallman
  • Et, last but not least, Richard Stallman himself of course !

—> La vidéo au format webm

Pour la suite de la conférence, rendez-vous donc sur Dailymotion.

Transcript de l’intervention de Richard Stallman

Bonsoir, quand Christophe m’a proposé de relire le texte et corriger les erreurs pour la traduction française, je pensais que peut-être ce serait un petit travail. Mais quand j’ai lu le texte, j’ai vu qu’il fallait beaucoup de changements, beaucoup de corrections, mais je ne voulais pas qu’il devienne mon autobiographie.

Et comment l’éviter, c’était une tache délicate et j’ai décidé de maintenir toutes les citations, sauf quelques unes qui n’avaient rien à voir avec moi, et de maintenir toutes les impressions personnelles de Sam Williams, quand présentées comme telles. Et comme ça je devais garder son point de vue aussi, dans le livre que vous avez devant vous.

Et je n’ai pas éliminé les critiques. J’ai corrigé des faits erronés et j’ai répondu aux critiques, mais je les ai pas supprimés.

Je suis un personnage controversé. Et maintenant (avec ce livre) vous pouvez voir les deux côtés de la controverse, dont la première édition ne contenait souvent qu’un seul côté.

Le livre commence avec ma jeunesse. Je ne veux pas dire en beaucoup à ce sujet, mais j’ai vu (pour la première fois) un ordinateur quand j’avais 16 ans, à IBM, et j’ai commencé à vraiment programmer. Une année plus tard, je suis allé à l’Université Harvard à Cambridge. Et j’ai commencé à programmer dans le laboratoire de Harvard, mais c’était un système social tyrannique. Beaucoup de hiérarchie.

Et donc j’ai trouvé au MIT un autre laboratoire d’informatique avec (bien plus de) liberté. Où il ne s’agissait pas de qui tu étais, mais de ce que tu pouvais faire. J’y ai aussi rencontré le logiciel libre, parce que dans le laboratoire d’Intelligence Artificielle (IA) du MIT, tous les logiciels que nous utilisions étaient libres.

Le système d’exploitation était libre, puisqu’en ce temps-là il était développé par les hackers du laboratoire. Et j’étais moi-même engagé à participer à leur équipe pour améliorer le système. C’était l’emploi idéal pour moi, à l’époque.

Il fallait améliorer le monde. Et comment ? c’était à moi de la décider, mais en conversation avec les autres, bien sûr.

Donc j’ai appris à faire beaucoup de choses, mais aussi j’ai appris à apprécier la liberté, à apprécier les Droits de l’Homme.

Liberté, parce que chacun était libre. Égalité, parce dans le laboratoire d’IA du MIT le pouvoir ne s’employait pas. Tout le monde était égal, mais tout le monde devait participer dans la recherche et aider les autres, c’était donc la fraternité aussi.

Quand je faisais des changements dans le système, ce n’était pas seulement selon mon goût mais je faisais attention a ce que les utilisateurs me disaient. Et comme ça j’ai découvert que c’était possible une vie libre dans l’informatique.

Mais sous la pression commerciale, cette communauté du logiciel libre disparut. Et je devais décider que faire.

J’avais l’option facile, le chemin facile de participer dans le logiciel que nous appelons aujourd’hui le logiciel privateur, le logiciel qui prive la liberté des utilisateurs, qui est un instrument de tyrannie. Mais je ne voulais, cela aurait été une vie odieuse.

Donc j’ai décidé de rejeter cette vie pour construire une nouvelle communauté de liberté, (une communauté) du logiciel libre. Et il fallait commencer presque à zéro.

J’ai ainsi annoncé en 1983 le projet de développer le système d’exploitation GNU. « GNU’s Not Unix », un acronyme récursif, l’humour du programmeur. De toute manière, l’esprit du hacker c’est de faire des blagues même dans les choses les plus sérieuses. Comme tenter de libérer le monde de l’informatique, la chose qui serait la plus importante de ma vie si elle avait du succès. Mais en même temps le monde peut être un blague. « Ha Ha Only Serious ».

Et nous avons plus ou moins réussi. Le système GNU marche assez bien aujourd’hui avec le noyau Linux, dans la combinaison GNU et Linux. Nous avons des interfaces graphiques libres, nous avons des outils bureautiques libres, bien que quand je dis le mot « bureautique », je pense à « l’érotique dans le bureau ».

Mais nous n’avons pas encore gagné, parce que nous n’avons pas encore libéré tous les utilisateurs de l’informatique. La grande majorité continue (d’être) sous le pouvoir des entreprises comme Microsoft, Apple, Adobe et beaucoup d’autres. Donc nous avons encore beaucoup de travail à faire pour que tout le logiciel soit libre, pour que tous les utilisateurs soient libres…

Notes

[1] Richard Stallman n’accepte plus que ce format pour être filmé. Le site NetEco l’a ainsi appris à ses dépends dans 15 minutes avec Richard Stallman : « Cet entretien aurait dû être publié en format vidéo, cependant, sur demande de Richard Stallman ce dernier a été retranscrit. En effet, M. Stallman n’accepte la publication de vidéo qu’au format libre Ogg Theora. »