Rencontre avec trois papas du Coding Goûter

Des kids, du code et du cake…

Le 29 septembre dernier je me suis rendu avec Adrienne Alix (Wikimédia France), Frédéric Couchet (April, de dos sur la première photo) et nos enfants respectifs à un « Coding Goûter » parisien.

Jugeant l’expérience tout à fait intéressante, et ma fille aussi (au tableau sur la seconde photo, présentant son travail sur Scratch), j’ai proposé aux organisateurs Julien Dorra, Jonathan Perret et Raphaël Pierquin un entretien pour en savoir plus et donner éventuellement envie d’essaimer.

Coding Goûter - CC by

Bonjour, pouvez-vous vous présenter succinctement ?

Julien : J’anime des communautés techno-créatives 🙂 C’est à dire que je crée les bonnes conditions pour que des personnes d’horizons différents créent avec les technologies d’aujourd’hui. Dans des universités, pour des institutions, et bien sûr avec Dorkbot Paris, Museomix, ArtGame weekend… et Coding Goûter !

Jonathan et Raphaël : Nous sommes tous les deux papas et développeurs. Nous travaillons chez /ut7, une coopérative d’agilistes. Notre métier, c’est d’aider d’autres développeurs à travailler en équipe. Nous animons aussi des ateliers de co-apprentissage avec des enfants de plus de 25 ans : nos formations, mais aussi Dojo de Développement, Agile Open, Dojo Lean Startup, soirées Cambouis…

Alors un « Coding Goûter » c’est quoi ?

Raphaël : Un Coding Goûter, c’est un rendez-vous festif avec des gâteaux, où petits et grands apprennent à programmer, ensemble.

Julien : C’est aussi un moment pour partager le plaisir de créer des choses avec du code, et d’expérimenter. Et pour les adultes qui, comme moi, ont programmé quand ils étaient enfants mais ont ensuite arrêté d’écrire des programmes – c’est une manière de réveiller une pratique qui était passé au second plan. Il y a des peintres du dimanche, je me revendique comme codeur du dimanche !

Comment l’idée est-elle donc née ?

Julien : J’ai rencontré Jonathan lorsqu’il a participé au premier – et au second ! – ArtGame weekend. Après ça, on a beaucoup discuté de ce que pouvait signifier l’éducation au code, de l’impact des nouveaux outils, à quoi pouvait ressembler un jeu de programmation.

Jonathan : Je cherchais à partager avec mes filles mon métier de développeur, mon plaisir d’écrire des programmes. J’étais frustré de ne pas trouver les moments « à la maison ». D’où l’idée d’un goûter avec des enfants, où l’on programmerait.

Julien : J’ai lancé de mon côté une petite enquête pour mieux comprendre ce que les parents (non tech inclus) pensaient du sujet. Les dizaines de réactions extrêmement diverses nous ont assez étonnés. Cela allait de l’évidence, au dégoût de l’idée même d’apprendre aux enfants à programmer !

Jonathan : Finalement, un matin de décembre 2011, j’ai réalisé que nous avions déjà toutes les cartes en main. Il suffisait de choisir une date, lancer des invitations et ouvrir les bureaux de /ut7 un samedi après-midi.

Raphaël : Quand Jonathan a évoqué son idée, j’étais enthousiaste. Ma motivation première, était de montrer à mes enfants ce qu’était mon métier. Après plusieurs séances, ce qui persiste, c’est le même plaisir que celui de jouer aux LEGO avec mon fils : s’amuser en construisant des choses ensemble.

Vous en êtes désormais à huit Coding Goûters, quel retour d’expérience en faites-vous ? Qu’est-ce qui a bien fonctionné ? Qu’est-ce qui peut être amélioré ?

Julien : On sait qu’il ne faut pas trop d’enfants, 12 c’est bien. On sait aussi que à la maison, ça marche moins bien, on est pas assez hors-contexte. Il y a plein de sollicitations, y compris pour les grands !

Raphaël : Une leçon essentielle que j’ai apprise : quand il s’agit d’apprendre, les adultes sont des enfants comme les autres. Une autre encore : c’est important de ponctuer les goûters avec des pauses où l’on prend le temps de célébrer les réalisations des participants. Une piste d’amélioration : publier un petit manuel pour aider de potentiels organisateurs de Coding Goûters à se lancer.

Est-ce facile de gérer en même temps différentes classes d’âge (quant on sait par exemple les écarts qu’il peut y avoir entre un enfant de 6 ans et de 12 ans) ?

Julien : Cela ne se pose pas dans ces termes. On vient avec nos enfants. Chacun fait.

Raphaël : Nous utilisons le même principe que dans les formations pour adultes de /ut7 : une grande variété d’activités, et la liberté pour chacun de choisir ce dont il a besoin pour apprendre. Ça marche très bien, encore mieux qu’avec des groupes sans enfant.


Julien : Séparer les classes d’âge peut sembler plus facile, mais c’est une homogénéité fictive. Les enfants d’un même âge n’ont ni le même niveau, ni les mêmes envies. Par exemple un enfant de 10 ans avait envie de créer des applications iPad, ce qui l’a motivé pendant tout un goûter pour explorer Xcode et Objective-C. Un grand de 14 ans pendant ce temps-là faisait du RoboZZle.

Plutôt que des séances « one shot » envisagez-vous d’organiser à terme des « Coding Goûter » plus réguliers tout au long de l’année avec le même groupe d’enfants-parents ? Et de ce fait pouvoir alors proposer quelque chose de plus structuré et progressif ?

Julien : Ce ne sont déjà plus des séances uniques, puisque nous avons organisé près d’un Coding Goûter par mois tout au long de 2012. Selon leurs disponibilités, les enfants et les adultes reviennent d’un goûter à l’autre. Mais derrière cette régularité, il n’y a pas de volonté de structurer l’apprentissage, ni d’introduire de la progressivité. C’est un moment d’exploration, de découverte. Le but n’est pas d’enseigner. Le but n’est pas l’acquisition de compétence en soi. De la même manière que l’on ne fait pas faire du dessin aux enfants pour qu’ils acquièrent une compétence technique précise.

Raphaël : Pour moi, le Coding Goûter est avant tout un loisir créatif, famillial et social. De fait, les familles qui participent, ponctuellement ou régulièrement forment une communauté qui crée une continuité entre chaque séance. Néanmoins, nous ne suivons pas de plan d’une séance sur l’autre, et ce n’est pas prévu.
Je me lancerai peut-être un jour dans la construction d’un programme structuré, mais ça sera en plus du Coding Goûter.

Ne pensez-vous pas que les « Coding Goûter » viennent combler une lacune, un vide de l’Education nationale ? Un déficit aussi bien dans le fond (inviter à coder, à créer) que dans la forme (le dispositif pédagogique assez novateur que vous proposez). A moins que vous jugiez que tout va bien et que chacun est à sa place ?

Raphaël : La pauvreté du programme informatique de l’école m’attriste, et le potentiel de progression est énorme. Attention néanmoins : la recette des Coding Goûters n’est pas nécessairement adaptée au contexte de l’école.

Jonathan : Je regrette également de voir que l’école ne donne plus aux enfants l’occasion de découvrir la magie de la programmation, comme nous en avons eu la chance à l’époque du plan « Informatique pour tous », mais elle ne peut peut-être pas tout faire non plus…

Julien : Au cours des prochaines années, on va à nouveau beaucoup entendre parler de l’enseignement de la programmation. La discussion est actuellement très active au Royaume-Uni, cela va revenir en France.
Et tu peux être sûr que cela sera principalement axé sur le « besoin de développeurs pour l’économie numérique ». On n’est pas du tout sur cet axe. On a envie que nos enfants programment, et oui, c’est vrai qu’ils ne le font pas à l’école et c’est dommage – car ils vont passer beaucoup de temps à l’école. Mais on ne cherche pas à fournir des développeurs aux SSII françaises dans 15 ans ! Probablement même le contraire 🙂
Est-ce qu’on comble un manque ? Avant tout, on comble un manque… pour nous et nos enfants ! Puis les enfants de nos amis, de nos collègues 😉
D’une certaine manière, on a été obligés de reconnaître qu’on répondait à un besoin fort, car nous avons des emails réguliers de parents qui veulent en organiser dans leur ville, ou être avertis du prochain goûter. À peine visibles, nous étions déjà sollicités.
Est-ce qu’on peut-être une part de la réponse aux difficultés de l’école de s’ouvrir aux changements sociaux en cours ? Pour l’instant non : on est en parallèle du système scolaire, et nous n’avons aucun lien avec les instances scolaires.

Si je vous dis que les « Coding Goûter » c’est quand même encore un « truc de bobos », vous pensez que c’est juste un gros troll ou bien une remarque valide ?

Raphaël : Quand j’avais 8 ans, dans ma campagne, il y avait un « club informatique » (MO5 rul3z !). C’était comme un Coding Goûter, mais sans les gâteaux. Ça me passionnait, je n’étais pas le seul, et personne ne s’en étonnait. On ne connaissait pas encore le mot « bobo », ni le mot « troll », d’ailleurs. Cela dit, oui, je suis bobo, et troll-proof, aussi.

Jonathan : La contrainte que nous avons mise pour l’accès au Coding Goûter, à savoir le fait de faire participer parents et enfants ensemble, crée probablement une barrière pour certaines familles où tout simplement les activités partagées ne sont pas la norme. Je ne peux qu’espérer que d’autres formats existeront pour donner à chaque enfant une chance de découvrir la programmation.

Julien : Coding Goûter est issu de parents qui apprécient la culture du code, et qui ont envie de la partager avec leur enfants. Il y a eu des réactions vaguement négatives. La ligne de partage ne semble pas être le niveau d’études, le niveau d’intellectualisme ou le revenu, mais plus la vision de la technologie comme quelque chose de positif, créatif, avec un empowerment possible ou comme un aspect négatif et enfermant de la vie contemporaine.
À ma connaissance, il y a des enfants de tout milieu qui ont envie de coder.
À l’opposé, il y a des parents de milieux aisés qui n’ont aucune motivation pour encourager leurs enfants à programmer, et même au contraire, y sont hostiles.
Maintenant, si la vraie question est « quelle diversité pour les Coding Goûter ? » on peut noter que nous avons déjà une parité fille-garçon des enfants qui est unique pour des sessions de programmation mixte (en fait, on a même toujours eu plus de filles que de garçons…).
C’est un bon signe. Il y a un effet de réseau sur les parents, c’est certain, tout simplement car on est un tout petit groupe qui grandit de proche en proche. Mais du coup, il y a peu de pression de sélection sur les enfants.

Plus concrètement, quels sont, dans le détail, les logiciels que vous proposez ? Quels sont leurs spécificités ? Pourquoi les avoir choisis ?

Julien : On a testé beaucoup de choses, et on continue de tester des nouveaux outils. Il y a des choses incroyables qui se passent du côté des outils web, dans le navigateur. J’ai adoré faire du LiveCodeLab avec des ados, en particulier.
Mais les grands classiques comme Scratch sont toujours aussi intéressants.
Le choix se fait sur la facilité de prise en main, le niveau des enfants (et des adultes !), le but (si un enfant veut faire un jeu sur tablette, on va l’orienter vers GameSalad, par exemple), et les découvertes du moment.

Raphaël : Pour les logiciels : à chaque séance, on en essaye de nouveaux, et on garde ceux qui nous plaisent.
Je choisis les logiciels en fonction du ou des participants qui programment avec moi, par exemple avec un enfant qui ne sait pas encore lire, ou avec un ingénieur, j’aime bien commencer avec RoboZZle, tandis qu’avec des enfants de 5 à 7 ans, on se raconte une histoire, et on construit un jeu petit à petit sur Scratch. Même si ils ne conçoivent qu’une petite partie de l’algo, le plaisir d’avoir créé est bien là ! En général, on arrête de programmer quand ça devient plus amusant de jouer que de créer le jeu.
Scratch est aussi idéal pour la tranche d’âge intermédiaire : souvent, des groupes de deux ou trois enfants de 8 à 50 ans se forment. Ils suffit de les mettre sur la voie, et ils parviennent à créer des programmes, en s’appuyant sur les participants les plus expérimentés (pas nécessairement les plus âgés). Et avec des garçons pré-ados, on a tenté de construire un circuit logique dans un univers virtuel (Minecraft). Pas facile de faire collaborer tous ces avatars !

Comprenez-vous ceux qui (comme nous) souhaitent que les logiciels proposés soient « le plus libre possible » ?

Raphaël : Oui. Et d’ailleurs, goûter au plaisir d’utiliser du code que l’on a écrit soi-même, c’est faire un premier pas dans les traces qui mènent au logiciel libre, non ?

Jonathan : Je trouve cela assez sain. Au quotidien, je n’utilise pas que des logiciels libres, mais quand j’en ai l’occasion j’essaie d’expliquer à mes enfants ce qu’est un logiciel libre afin qu’elles puissent plus tard faire des choix informés.

Julien : Le logiciel libre fonctionne évidemment en harmonie avec les pratiques d’appropriations collectives.
Il y a des raisons idéologiques à ça, mais il y a aussi des raisons pratiques. Un exemple très concret : les enfants français ont besoin que les interfaces, la documentation, les exemples, soient traduits en français. Un outil libre est traduisible dès que la communauté le veut.
Par exemple, j’ai pris l’initiative de traduire LiveCodeLab, les tutoriaux en particulier, car je trouvais que c’était un outil fascinant, et je voulais voir comment les enfants et les ados allaient l’utiliser. Un code ouvert et un développeur amical, et cela a pris quelques heures !
Cela dit, j’aime les contradictions. Tester tous les outils, c’est se confronter, et confronter les enfants les plus grands, aux choix de leurs outils, aux système parfaits mais propriétaires et verticaux, aux possibilités des outils ouverts d’être modifiés, aux rythme d’évolutions des outils qui ne sont pas les mêmes.
De fait, des outils payants et fermés auront bien sûr bien moins de succès dans le contexte des Coding Goûters que des outils libres. La partie grise ce sont les outils propriétaires gratuits ou freemium très bien réalisés, comme GameSalad, qui ont une position unique et intéressante. On aime GameSalad comme on aime Photoshop, ou Google Docs. Un bel outil logiciel reste un bel outil logiciel.

Est-ce que vous avez déposé le nom et le concept de « Coding Goûter » ? Comme j’imagine que non, cela signifie que tout le monde peut en organiser ! Vous connaissant un peu, j’imagine même que c’est quelque chose que vous encouragez. Quels conseils donneriez-vous donc, comment vous contacter et trouver trace des « Coding Goûter » précédents ?

Jonathan : Pas de marque déposée effectivement. L’idéal serait au contraire que le mot devienne aussi banal que « week-end » ou « pique-nique » !

Julien : On encourage tout le monde à organiser des Coding Goûters, bien sûr !
On imagine que dans quelques temps, il y aura des Coding Goûter un peu partout en France, et ailleurs, et que nos enfants pourront y participer où qu’ils soient, se faire de nouvelles copines et de nouveaux copains.
Ce qui ne doit pas arriver, c’est de laisser le concept être avalé par les habitudes antérieures, et devenir trop scolaire ou trop orienté-animateur et donc moins exploratoire et moins dirigé par les désirs créatifs des enfants.
Si vous participez avec vos enfants à un Coding Goûter, vous savez que ça ne sera pas un cours ou un tutoriel, que vous pourrez rester avec vos enfants, qu’il y aura des démo-spectacles par les enfants – et des gâteaux ! Ce sont tous ces petits détails qui comptent pour nous.
Le format est encore en évolution, on teste des choses – mais on tient énormément à l’esprit.

Un dernier mot, un prochain rendez-vous ?

Julien : Il y a des Coding Goûter presque tous les mois. Pour être averti du prochain, il suffit d’envoyer un message à contact AT codinggouter.org, ou de fréquenter notre groupe Facebook.

Raphaël : A ceux qui voudraient organiser leur Coding Goûter : lancez-vous ! Si vous ne savez pas comment vous y prendre, venez nous voir, ou mieux : demandez de l’aide à vos enfants.

Coding Goûter - CC by




Il faut voir cette vidéo sur le possible futur de l’apprentissage sous-titrée en français

La société Ericsson a rassemblé quelques « grands penseurs de l’Internet éducatif de demain » pour nous proposer une vidéo d’une vingtaine de minutes, intitulée The Future of Learning, qu’on a jugé suffisamment importante pour faire l’effort de la traduction puis du sous-titrage.

On ne mesure pas forcément les grands bouleversements qui nous attendent dans le champ éducatif tant sont fortes l’inertie et la résistance des structures existantes. Il est aussi plus que probable que « le Libre » saura tirer son épingle du jeu car on ne peut désormais pleinement échanger et partager sans lui.

Permettez-moi cependant d’avoir de légers doutes quant à l’accès en masse de toutes ces merveilles promises en temps de crise. Je n’irais pas jusqu’à dire, comme le mouvement #Occupy que cela ne profitera qu’aux 1%, mais il est fort possible, si nous n’y prenons garde, que se développe un enseignement à deux vitesses : celui du vieux public sans le sous gardant ses traditionnelles écoles prisons-casernes et celui du privé captant presqu’à lui seul toute la modernité dont il est question ci-dessous.

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(pour faire disparaître le sous-titrage anglais à l’arrière plan, cliquer sur l’icône CC dans la barre d’état du bas)

URL d’origine du document

Traduction et transcription : GPif, LuD-up, PM, goguette, HgO, albahtaar, Goofy, aKa

Remarque : On peut considérer ce sous-titrage comme une sorte de perfectible « première version ». Si cela ne vous convient pas, c’est comme dans Wikipédia, il suffit d’aller sur Amara, la plateforme de sous-titrage et modifier.

The Future of Learning – Transcription

Sugata Mitra : Tout semble plus excitant quand vous avez cinq ans. Alors, tout était grand, tout était étrange, et je me souviens avoir été un peu effrayé.

Stephen Heppell : Comme beaucoup d’enfants, je me souviens de mes années d’école avec tendresse mais le peu dont je me souvienne ainsi n’est pas le peu dont je devrais me souvenir. Je me souviens des jeux et du sport, de la méchanceté, des espiègleries et des bêtises. En fait, je me souviens du peu qui était hors-norme.

Daphne Koller : C’est un incroyable privilège pour moi d’avoir eu une éducation qui a pris et gardé une place si importante dans ma vie, encore aujourd’hui.

Jose Ferreira : Je me souviens m’être beaucoup ennuyé. Ça n’a pas révélé le meilleur de moi-même, je m’en suis sorti, quoi qu’il en soit. Je n’étais pas très adapté ou le système n’était pas très adapté pour moi. C’est un peu dingue quand on y pense. On prend les enfants et on les force à essayer de s’adapter à ce système bureaucratique vraiment complexe, alors que le système devrait s’adapter à eux.

Sugata Mitra : L’éducation traditionnelle tire ses origines du système militaire, en grande partie. L’armée avait besoin de personnes identiques ; soldats, administrateurs, etc…, elle a donc engendré ce système. Quand la révolution industrielle a eu lieu, on a encore voulu des personnes identiques pour les chaînes de montage. Même pour les consommateurs, on voulait qu’ils soient identiques afin que tous achètent les mêmes choses.

Seth Godin : Alors si on regarde l’école sous cet angle, si on considère le fait qu’on enseigne à vingt ou trente enfants à la fois, en série, exactement comme à l’usine. Si on considère le fait que si vous ratez votre CE2, (d’après Collins; ce qui convient mieux au sujet d’enfants), que vous arrive-t-il ? On vous retient et et on vous reconditionne. Tout correspond aux travaux d’usines, on l’a élaboré à dessein. Et c’était vraiment utile pour son fonctionnement. Mais on ne manque plus de travailleurs à l’usine.

Stephen Heppell : On assiste probablement à la mort de l’éducation, aujourd’hui. Je pense que les structures et les restrictions de l’école, qu’apprendre de neuf heures à quinze heures, en travaillant seul, sans travailler avec les autres ; je pense que tout ça, c’est un système mort ou moribond. Et je pense que l’apprentissage ne fait que commencer.

Seth Godin : J’ai souffert d’un trouble du déficit de l’attention en grandissant, comme beaucoup d’autres maintenant. Et ce sentiment persiste dans l’inconscient collectif qu’il y a quelque chose de brisé chez les enfants sujets à ce genre de troubles, car ils ne sont pas conformes au système. Donc ce que nous faisons, c’est donner des médicament aux enfants pour les rendre conformes au système, au lieu de dire : mais attendez, le système est là pour les enfants. Et il y a beaucoup de gens qui peuvent assez facilement rester assis pendant huit heures et prendre des notes, et ensuite, deux semaines après, répéter ce qu’ils ont écrit. Mais il y a également cette immense quantité de personnes extrêmement talentueuses et engagées qui ne peuvent pas apprendre de cette manière. Il y a une grande différence entre accéder à l’information et l’école, alors qu’auparavant, c’était la même chose. L’information est là, en ligne pour n’importe laquelle des milliards de personnes qui ont accès à internet. Donc cela signifie que si on donne accès à un enfant/quelqu’un de quatre, huit ou douze ans, ils prendront l’information s’ils la veulent.

Sugata Mitra : Savoir quelque chose est probablement une idée obsolète. Vous n’avez en fait pas besoin de savoir quoi que ce soit, vous pouvez le trouver au moment ou vous avez besoin de le savoir. C’est le travail des enseignants de diriger les jeunes esprits vers les bons types de questions. L’enseignant n’a pas besoin de donner les réponses, car les réponses sont partout. Et nous savons désormais après des années d’études que les élèves qui trouvent les réponses par eux-mêmes se souviennent mieux que si on leur avait donné la réponse.

Stephen Heppell : L’Education est très lente à appréhender les données, les nombres, à comprendre les analyses et ce qui en fait est en train de se passer. Nous effectuons un contrôle ici, et un examen là, mais les détails de ce qu’il se passe, nous ne les comprenons pas vraiment. Ce sera, à coup sûr, la prochaine étape importante de notre bagage, notre capacité d’analyser où que nous soyons. Certains de ceux qui regardent ceci seront déjà en train d’analyser leur santé et leur bien-être et les effets sur leur forme. Ils seront aussi en train d’analyser leur apprentissagen bientôt. Et ensuite nous serons vraiment bons à ça.

Jose Ferreira : Knewton est une plate-forme d’extraction de données et d’apprentissage adaptatif qui permet à n’importe qui, n’importe où de publier du contenu. Ça peut être un éditeur, un professeur en particulier, ou n’importe qui entre les deux. et il produit un cours qui va être personnalisé de manière unique pour chaque étudiant, en se basant sur ce qu’elle sait et comment elle apprend le mieux. Le manuel du futur sera distribué sur des appareils connectés. Ça signifie que le volume incroyable de données que les étudiants ont déjà produit, lors de leurs études, sont à présent à portée de main et utilisables. Donc Knewton et tous les dérivés de Knewton peuvent déterminer des choses comme ; vous apprenez les maths plus efficacement le matin entre 08h32 et 9h14. Vous apprenez les sciences plus efficacement par tranches de 40 minutes. À partir de la 42e minute, votre taux d’attention commence à baisser, nous devrions mettre ça de côté pour le moment et vous diriger vers quelque chose d’autre qui vous maintient attentif. Ce travail intense de 35 minutes, que vous faites tous les jours pendant la pause déjeuner : vous n’en retenez rien ; allez plutôt traîner avec vos amis, et vous ferez ce travail l’après midi quand vous serez plus disposé à apprendre. Vous apprenez mieux ceci avec des questions courtes; mieux celà avec des questions compliquées et difficiles. Nous devrions vous soumettre à nouveau ces informations dans quatre jours pour une mémorisation optimale. Et voici exactement les détails où vous allez batailler quand vous ferez vos devoirs ce soir, parce que vous n’avez pas appris certains concepts nécessaires à cet exercice. Et nous pouvons, en temps réel, allez chercher le petit bout de cours particulier, du mois dernier, ou de l’an dernier, et de manière transparente le placer sous vos yeux, pour que vous n’ayez pas à batailler. Nous pouvons prédire les échecs à l’avance et éviter qu’ils ne se produisent. Nous allons nous émanciper de ce modèle aliénant, parfois ennuyeux et parfois frustrant où tout le monde reçoit exactement la même chose, au même moment, rigoureusement dans le même ordre et avec le même niveau de difficulté. Pour la moitié de la classe, c’est trop difficile, et pour l’autre moitié, c’est trop lassant. On va proposer aux élèves qui ont le meilleur niveau les outils les plus stimulants. Cela leur permettra de libérer leur potentiel d’une manière innovante. Mais pour chaque enfant, quelles que soient ses difficultés, il existe une voie vers la réussite. Cela pourra prendre un peu plus longtemps, mais il existe toujours une voie vers la réussite. Et le système devient aussi de plus en plus performant à mesure que plus de gens s’en servent. Les différentes stratégies sont en compétition entre elles pour être réintroduites au sein de la génération suivante, de façon à ce que la stratégie qui est la plus efficace pour vous, une fois déterminée, n’importe quel enfant pourra ensuite profiter de cette stratégie. C’est complètement nouveau. Quand l’automobile a été inventée, ce n’est pas ce que les gens attendaient : ils demandaient des chevaux plus rapides. Et les gens ne demandent pas encore vraiment Knewton, car il ne savent pas encore ce que c’est, mais une fois qu’ils l’auront vu et essayé, alors ils l’adopteront tout de suite.

Stephen Heppell : On dit que l’éducation évolue très lentement. Mais tout à coup, il suffit d’être connecté. Ca change tout ; ça change les modalités de contribution, votre cerveau peut contribuer à distance.

Sugata Mitra : C’est une chose d’être assis là, dans le labo multimédia, et de discuter du futur. Je vais souvent dans des endroits aussi différents que possible d’un labo multimédia. Et je me demande, quelle est la valeur de toutes mes idées, ici. Mais il y a une grande raison d’avoir de l’espoir. Où que j’aille, la toute première chose que je demande, ou que je vérifie avec mon téléphone, c’est si la bande passante est suffisante pour avoir accès à Internet. Et en plein milieu de la jungle, parfois je constate qu’il y a toujours une connexion. Et je sais que tout ce que je dis peut aller n’importe où, et de la même manière. C’est une question de temps.

Lois Mbugua : La connectivité est réellement en train d’ouvrir le monde. Si vous connectez un village, par exemple Bonsaaso, les élèves peuvent alors réellement communiquer avec d’autres élèves, par exemple à Londres. Cela signifie qu’il peuvent commencer à voir le monde autrement. Éduquez un jeune, et vous éduquez une nation.

Margaret Kositany : “Connecter pour Apprendre” est un partenariat entre Ericsson, l‘“Earth institue” de l’université de Columbia, et la “Promesse du Millénaire”. Il y a deux aspects : cela fournit des bourses d’étude au filles, et “Connecter pour Apprendre” donne aux élèves des ordinateurs et un accès à internet, et leur montre comment s’en servir et comment récupérer des informations. L’éducation était limitée à ce que le professeur pouvait dire aux élèves, et le professeur s’appuyait sur un petit manuel scolaire, ou quelques rares livres, de sorte que l’enseignant n’était pas très impliqué. Maintenant il est possible d’avoir accès à beaucoup d’informations et les enfants discutent et échangent des informations, vous voyez qu’ils ont beaucoup plus de sujets de discussion, car ils ont le sentiment d’être plus impliqués. Et les enfants sont plus confiants.

Lois Mbugua : Ils ont l’énergie, ils ont toute la vie devant eux, et ils sont sur le point de commencer quelque chose de plus grand/à penser plus globalement. Si on leur apporte la connectivité, ils sont en fait capables de faire des transactions et ils peuvent commencer de petites affaires/choses, qui vont les transcender. Donc, je dirais qu’il s’agit en fait de l’ouverture de nos villages, de notre pays, et de tout le continent.

Margaret Kositany : Nous sommes en train de le mettre en oeuvre dans autant de pays que possible en Afrique, et aussi en Amérique du Sud. Il est possible de le développer à l’échelle de n’importe quel pays.

Seth Godin : La manière dont nous résolvons les problèmes captivants consiste à faire des erreurs, et des erreurs, et encore des erreurs, jusqu’à ce que nous réussissions. Et si vous avez eu l’occasion de parler à des gens qui ont réussi, de fait, la chose qu’ils ont presque tous en commun, c’est qu’ils ont essuyé une centaine d’échecs avant de réussir. Et ce qui les distingue des gens qui ne réussissent pas, ça n’est pas le fait qu’ils ont réussi, c’est qu’ils ont échoué plus que les autres.

Jose Ferreira : Je ne suis pas certain que les écoles puissent se permettre de dire : “nous devons nous perfectionner, afin de préparer le plus de gens possible à correspondre à ce système qui repose sur l’expérimentation.”

Stephen Heppell : C’est inimaginable, dans une société où l’on s’assoit pour passer un examen en se disant j’espère qu’il n’y aura pas de questions-pièges dans l’énoncé ; pendant que les professeurs pensent j’espère que je l’ai bien préparé pour tout. Comment cela pourrait-il préparer à un monde où chaque jour apporte son lot de questions-pièges. Un monde où la surprise est partout : dans l’économie, dans la société, dans la politique, dans les inventions, dans la technologie. Chaque jour est une surprise. L’apprentissage nous prépare à faire face aux surprises, l’éducation nous prépare à faire face aux certitudes. Alors qu’il n’y a pas de certitudes.

Sugata Mitra : Le professeur occupe une place entre l’enfant et l’éducation classique, en essayant de faire en sorte que l’enfant se confronte au système. Et jusqu’à ce que ce système s’écroule ou disparaisse, il/elle a un un rôle incroyablement compliqué qui consiste à maintenir la curiosité de l’enfant éveillée, tout en lui déclarant ; écoute, lorsque tu auras seize ans, tu devras commencer à mémoriser certaines choses, de manière à ce que tu puisses aller t’asseoir pour passer un examen, que tu le réussisses et que tu termines ta scolarité correctement.

Seth Godin : Je ne connais personne qui passe d’examen standardisé pour gagner sa vie. Pourquoi donc utilisons-nous les examens standardisés pour vérifier si vous allez être bons alors qu’il n’y aura plus d’examens standardisés après que vous l’aurez passé ? Cette façon de faire a contaminé la totalité de l’écosystème mercatique de l’éducation parce que les universités renommées le sont parce qu’elles sont extrêmement sélectives au regard des résultats du Scholastic Aptitude Test (test d’entrée pour les universités Américaines). Les parents veulent que leurs enfants aillent étudier dans une université renommée. Ils poussent donc les écoles à formater des élèves qui iront dans ces universités en obtenant de bons scores au SAT, ce qui dénature totalement les fondements de l’éducation. Si l’on pouvait faire en sorte que les parents, les enseignants, les enfants et les administrateurs aient cette discussion, qu’ils en parlent entre eux, qu’ensuite aux conseils d’administration des écoles ou aux réunions décennales les questions posées ne soient pas quels sont les résultats de vos élèves au SAT ? ; mais qu’on dise plutôt : le SAT n’a aucun sens, le système d’universités renommées est une escroquerie. On doit créer quelque chose de différent. Ce débat est possible. Ainsi le cours des choses pourra commencer à changer.

Daphne Koller : Coursera est une société d’entrepreneuriat social qui permet aux meilleurs universités de partager leurs meilleurs cours afin que n’importe qui autour du monde, dans la mesure où il possède une connexion internet, puisse jouir de l’accès à une éducation de qualité. À ce jour, c’est-à-dire fin septembre, on compte un million et demi d’étudiants qui viennent de 196 pays, même si la manière de compter les pays reste un peu discutable. On a 195 cours qui proviennent de 33 universités. Les cours les plus importants ont 130 000 inscrits, les cours moins fédérateurs sont suivis seulement par environ 10 000 personnes ; naturellement, ils continuent à se développer ; la plupart des cours n’a même pas commencé. Une classe moyenne, quand elle est lancée, est composée d’à peu près 50 ou 60 000 étudiants inscrits. L’ampleur est intéressante parce qu’elle permet de proposer un produit de grande qualité pour un coût différentiel par étudiant assez bas, ce qui nous autorise à accepter des gens qui ne peuvent vraiment pas se permettre de payer pour l’éducation et ainsi leur fournir une éducation gratuite. Une éducation gratuite de la plus grande qualité, parce que les coûts par étudiant sont si bas. La pratique, chez Coursera, c’est que le cours commence à une date donnée, et chaque semaine, l’étudiant a accès à de nombreuses rubriques. Chaque rubrique est un cours en vidéo, mais une vidéo interactive ; c’est-à-dire que vous ne restez pas assis là, pendant une heure, à regarder une vidéo, vous avez la possibilité d’interagir avec la vidéo. Il y a des contrôles rigoureux et significatifs de diverses catégories ; pas juste des questions à choix multiples, mais des exercices bien réels et approfondis. Et il y a une communauté d’étudiants avec laquelle interagir, à qui poser des questions, afin d’obtenir des réponses d’étudiants suivant le même cursus. Ainsi on a un meilleur apprentissage à travers l’aide réciproque, aussi bien qu’un échange social, de sorte qu’on a une réelle impression d’appartenir à une communauté d’étudiants autour de cette activité intellectuelle. Les gens nous demandent souvent si les universités appartiennent désormais au passé, si les universités vont disparaître… et je pense avec certitude que ce n’est pas le cas. Il y a quelque chose de formidable à l’idée de réunir des gens dans un endroit où des interactions fortuites peuvent voir le jour. Un endroit où on peut avoir un tutorat en face-à-face entre un étudiant et un instructeur, où les étudiants peuvent se parler entre eux, créer ensemble et apprendre à débattre d’idées. Cette expérience sur un campus physique n’a pour le moment aucun équivalent virtuel effectif. Notre but ici, et je pense qu’il faut être pragmatique sur ce sujet, n’est pas nécessairement d’ouvrir la voie, ni de donner un équivalent à des étudiants qui n’ont pas actuellement accès à ce à quoi les étudiants fortunés de Princeton ont accès. Ce qui serait réellement un but enviable, mais qui n’est pas forcément quelque chose que nous pouvons accomplir dans un délai aussi court. Ce que nous aimerions faire, c’est amener ces deux extrêmes à faire considérablement mieux que ce qu’ils peuvent faire actuellement, même s’ils ne se retrouvent pas égaux en fin de compte. Si nous améliorons beaucoup les choses, à la fois pour les étudiants du campus, et ceux qui n’y ont pas accès actuellement accès, je pense que nous aurons fait une chose géniale.

Seth Godin : Alors voyons comment les révolutions fonctionnent. Les révolutions détruisent le parfait et permettent l’impossible. Elles ne passent jamais d’un coup de “tout va bien” à “tout va bien”. Il y a beaucoup d’interférences entre les deux. Quand on observe le milieu musical : l’Internet a d’abord détruit les maisons de disque. Et cela permet seulement maintenant aux musiciens indépendants d’être entendus.

Jose Ferreira : L’éducation a tendance à évoluer par paliers, donc quand, effectivement, ça évolue, le changement est explosif. le mouvement qui va d’avant l’imprimerie à après l’imprimerie est une seule et même transition dans l’Histoire du monde, en termes d’éducation. L’éducation en ligne va bientôt être ainsi. Et nous voulons être sûrs, en tant qu’espèce, que l’espèce humaine fait bien les choses.

Daphne Koller : Une des révolutions que nous nous apprêtons à voir est : comment l’éducation est de moins en moins un pourvoyeur de contenu parce que ça va être une denrée disponible, espérons-le, elle va être accessible pour tous dans le monde entier. Et une partie beaucoup plus importante que ce que nous pensions de l’éducation est en route pour revenir aux origines de l’enseignement. Celle où l’éducateur engage la conversation avec les étudiants et les aide à développer leurs compétences intellectuelles, leur capacité à la résolution de problèmes, et leur passion pour la discipline. Le genre de choses qui sont bien plus faciles à faire dans un face à face et qui sont vraiment très dures à faire avec un format en ligne, mais pour lesquelles l’expérience des universités, comme nous la connaissons c’est : vous êtes à la bonne place pour ce genre de développement de compétences.

Seth Godin : Maintenant ce que je veux voir des écoles c’est : amener les enfants à la vouloir. Créer un environnement où les enfants sont sans repos jusqu’à ce que leur besoin d’informations soit satisfait.

Sugata Mitra : A chaque fois que j’ai une bonne question, j’obtiens un engagement immédiat. Je pense qu’un professeur doit rester en arrière et dire quel est le sujet du jour. Ouvrez vos cahiers et découvrez le vous-mêmes.

Seth Godin : Ce dont nous avons besoin, ce sont des professeurs qui vont regarder les gens dans les yeux et qui vont croire en eux, et les pousser à aller de l’avant, et c’est dur de faire ça sur Internet. Ça doit vraiment être fait en face de la personne.

Stephen Heppell : L’école a décidé d’être meilleure car elle voit les enfants devenir meilleurs. Et les professeurs… Que dit leur t-shirt ? Il dit : “on est là pour le résultat, pas pour le salaire !” Les professeurs sont là car ils peuvent voir le changement chez leurs élèves. Si vous ajoutez tous les enfants de l’histoire du monde, plus d’enfants vont quitter l’école dans les 30 prochaines années qu’ils ne l’ont fait au cours de toute l’histoire. Si je devais changer une seule chose, j’améliorerais juste un peu leur éducation. Et ça changerait l’histoire plus que tout le reste.




Je me souviens de mon voyage d’avant Facebook

Ce billet clôt un sorte de « dossier Facebook » après les témoignage de la maman, du musicien et du blogueur.

Les deux premiers ont décidé de quitter le célèbre réseau social. Ce n’est pas tout à fait le cas ici, juste le constat d’une situation d’avant qui avait son charme, sa nostalgie, voire son authenticité…

Jean-Louis Zimmermann - CC by

Une vie moins « affichée »

A life less posted

Rian – 2 novembre 2012 – Elezea
(Traduction : doc_lucy, ehsavoie, geecko, levouko, Amargein, Munto, ordiclic, Marc)

En août 2003 — quelques mois avant notre mariage — ma femme et moi avons voyagé à travers l’Europe, sac sur le dos. Vous vous souvenez sûrement de cet été en particulier puisque c’était une des plus grandes vagues de chaleur qu’a connu l’Europe depuis une centaine d’années ou presque, il y avait donc une couverture médiatique assez importante. Les boutiques de Paris étaient en rupture de stock de ventilateurs. En sueur, des touristes à moitié dénudés inondaient les rues, ce qui, j’en suis sûr, a certainement rendu les habitants encore plus grincheux que d’habitude car ils devaient céder le contrôle de leur ville à de nombreux étrangers.

Quel voyage — 8 villes en 30 jours. Nous utilisions un service de bus à escales à volonté (« hop-on hop off ») et logions en auberges de jeunesse, comme on le fait lorsqu’on n’a pas d’argent. C’était épuisant, merveilleux, enrichissant, frustrant, superbe. J’adorerais vous montrer quelques photos, mais cela risque d’être difficile puisque mon album se trouve dans ma bibliothèque, chez moi.

Prendre des photos était différent à cette époque. Avant le voyage j’avais acheté dix pellicules Fujifilm ISO 400 de 24+3 vues pour mon Nikon SLR. Je devais prendre en considération l’importance de chaque photo, car non seulement la pellicule était chère, mais nous allions également avoir à faire développer ces fichus machins. Une fois le voyage terminé nous avons passé plusieurs jours à parcourir les photos, à revivre les moments, sélectionnant avec attention celles qui mériteraient d’être dans notre album.

Je feuillette souvent l’album. Il inclut quelques-unes des meilleures photos que j’ai jamais prises, durant l’une des périodes les plus tumultueuses de ma vie. Mes souvenirs de ces instants s’estompent lentement avec ces photos, mais jamais je n’oublierai l‘émotion de ce mois en particulier.

Le mois dernier, plusieurs de mes amis étaient en voyage en Europe. Je le sais parce que je suivais leurs moindres déplacements sur Instagram et Facebook. Parfois, leurs photos me rappelaient des lieux où nous étions allés pendant notre voyage. Parfois j’en étais jaloux. Parfois je me disais simplement, waouh, c’est joli.

Je me demande ce qu’il adviendrait si ma femme et moi faisions notre expédition maintenant, presque une décennie plus tard. J’imagine que je passerais le plus clair de mon temps à prendre des photos avec mon téléphone, ou à chercher du wifi gratuit avec mon téléphone. Parce si vous ne postez pas de photos de ce que vous faites, c’est que cela ne s’est pas vraiment passé, pas vrai ?

En un sens, je suis content que nous ayions fait notre grand voyage en Europe avant que les réseaux sociaux n’existent. Nous consultions nos emails éventuellement une fois dans chaque ville — à condition que nous arrivions à trouver un cyber-café. La plupart du temps nous étions laissés à nous-mêmes. Juste un couple parmi un océan de touristes. C’était la même chose concernant la bouteille de vin que nous avons prise dans ce restaurant italien. À l’exception que c’était notre bouteille de vin, et que nous la partagions juste entre nous. Avec personne d’autre. C’était tout un mois rempli de moments secrets en public, et nous étions juste… là. Nous n’avons pas pointé sur Foursquare, n’en n’avons pas parlé sur Facebook, n’avons posté aucune photo nulle part. Je regarde en arrière à présent et j’apprécie l’incroyable liberté que nous avions de vivre, avant que nous ne soyions tous connectés et que nous ne développions cette idée qui veut que la valeur d’un moment est directement proportionnelle au nombre de « J’aime » qu’il reçoit.

Je me suis levé hier matin pour lire quelques statuts Facebook de gens qui n’aiment pas Halloween, et qui ne laisseraient jamais leurs enfants participer à ces maudites quêtes de confiseries. Je me suis senti immédiatement coupable car j’avais laissé ma fille s’amuser la nuit précédente en la laissant s’habiller de son costume mi-sirène, mi-fée qu’elle avait elle-même choisi.

Et j’ai alors réalisé que je ressentais toujours la même chose sur Facebook. Culpabilité, colère, envie… Il s’agit des émotions qui produisent le plus d’activité sur les réseaux sociaux, mais peut-être encore plus sur Facebook que partout ailleurs. Ce sont les émotions qui nous font partager/aimer/commenter les choses. Et alors j’ai repensé à notre voyage en Europe et à combien je regrette ce temps-là, où nous n’étions pas encore obligés de porter le fardeau des pensées, des sentiments et des opinions de chacune des personnes à qui nous sommes liés en ligne. C’est ce que Franck Chimero a appelé une fois « cracher les gaz d’échappement des vies digitales des autres ».

Je ne dis pas que j’en ai fini avec Facebook — et de toute façon, publier sur son blog sa rupture avec Facebook est devenu tellement cliché que je ne voudrais pas que ce texte y ressemble. Je dis juste que je n’aime pas les émotions que me procure mon flux d’actualités Facebook ; je vais donc aller « voir d’autres personnes » pour un temps, et je verrai bien comment les choses évoluent. Et je vais essayer de retrouver les sensations de ce voyage en Europe, fait il y a une décennie, dans les vies des gens autour de moi.

Crédit photo : Jean-Louis Zimmermann (Creative Commons By)




Oppikirjamaraton ou comment écrire un manuel scolaire libre en un week-end !

Je suis professeur de mathématiques et à l’initiative de Framasoft. Un tel projet ne pouvait me faire plus plaisir. Vous verrez qu’un jour de plus en plus de manuels seront rédigés ainsi…

Imaginez un groupe d’enseignants qui se retrouvent le week-end pour rédiger ensemble et de A à Z un manuel scolaire sous licence libre ! (La licence libre est la Creative Commons By, d’où mention sur leur blog, d’où notre traduction ci-dessous).

Il n’ont pas tout à fait achevé l’entreprise dans le temps imparti puisque le livre se trouve aujourd’hui en version 0.92 (et en LaTeX) sur GitHub. Vous pouvez de suite vous rendre compte du résultat actuel en cliquant directement sur le PDF (dont les premières pages vous proposent de soutenir le projet via Flattr et Bitcoin !).

Au delà de son ô combien utile finalité ce fut également une belle et libre aventure humaine

Vapaa Matikka

Oppikirjamaraton : comment écrire un manuel scolaire libre en un week-end

Oppikirjamaraton: How to Write an Open Textbook in a Weekend

Elliot Harmon – 31 octobre 2012 – Creative Commons Blog
(Traduction : Cyrille L., Kodoque, Nyx, kamui57, Naar, pac)

Il y a quelques semaines de cela nous avons vu passer ce tweet surprenant :

Il nous fallait en savoir plus. J’ai donc contacté Joonas Mäkinen pour avoir davantage d’informations, et il m’expliqua qu’il a participé à monter une équipe pour écrire un manuel scolaire de mathématiques de cycle secondaire tout le long d’un week-end, lors d’un évènement appelé Oppikirjamaraton (marathon du livre scolaire). Le choix de la licence du livre s’est porté sur la Creative COmmons BY, pour que chacun puisse le réutiliser, le modifier et le traduire, en Finlande et dans le reste du monde.

Le texte, désormais en version 0.91 sur GitHub, s’intitule Vapaa Matikka. Le titre se traduit par « Mathématiques libres et gratuites », mais sachant que matikka signifie également lotte en finlandais, on peut aussi le lire comme du « Poisson libre ». Et son slogan, Matikka verkosta vapauteen, devient alors soit un cri de ralliement pour garder les ressources éducatives libres et gratuites, soit un mode d’emploi pour libérer un poisson d’un filet ! (d’où la forme suggérée du poisson sur la couverture du livre)

Mais au delà des jeux de mots mathématico-finlandais, je souhaitais comprendre comment la rédaction express de ce livre s’était déroulée, ce que l’équipe prévoyait de faire du manuel, et quels conseils ils pouvaient donner à d’autres personnes organisant un évènement similaire.

Oppikirjamaraton - Joonas Mäkinen - CC byQue couvre le livre comme concepts mathématiques ?

C’est un manuel pour le premier cours de mathématiques de niveau avancé du collège finlandais. Bien que les élèves débutant ce cursus viennent en général de finir l’école primaire obligatoire, nous avons décidé d’avoir une approche « pour les nuls » en essayant de minimiser les prérequis.

Nous introduisons l’arithmétique, les nombres rationnels, les nombres réels en général. Viennent ensuite les règles de priorité et les racines qui mènent aux bases de la résolution d’équation puis au concept de fonction. Puis leurs mises en application concernent la proportionnalité et le calcul de pourcentages. Nous nous devions de respecter le programme scolaire.

Dites-m’en plus sur les exigences du programme. Sont-elles les mêmes pour toute la Finlande ?

Il y a un programme national en Finlande et tout le monde le suit. Du coup tous les manuels se ressemblent même s’ils approchent les sujets dans un ordre légèrement différent les une des autres. Mais le seul test standardisé est l’examen de fin d’année et donc Il y a un peu de flexibilité, ce qui a facilité les choses.

Oppikirjamaraton - Vesa Linja-Aho - CC byQui a participé ? Étaient-ils tous des formateurs ? Les participants avaient-ils déjà écrit ou édité des manuels scolaires ?

Environ 20 personnes ont participé à l’écriture du manuel durant le week-end. Nous avions des professeurs ordinaires du secondaire, des étudiants à l’université (mathématiques et informatique), un professeur d’électronique pour automobile, mes propres étudiants et quelques professeurs d’université travaillant sur place ou à distance. Nous avions même notre propre petit cercle d‘intégristes de la grammaire et de l’orthographe pour nous aider à rédiger de meilleurs contenus formels que ceux que l’on peut habituellement trouver dans le devanture des grosses maisons d’édition. La diversité des participants s’est révélée être une très bonne chose pour produire une variété de problèmes et de perspectives.

Seules quelques personnes avaient l’expérience de l’écriture et publication d’un manuel classique, commercial et à l’ancienne, mais cela n’a pas été clivant quand nous avons commencé à travailler.

Comment vous êtes-vous organisés ? Les rôles des participants avaient-ils été déterminés en amont du week-end ?

Vesa Linja-aho, qui a eu l’idée de ce book sprint (ou livrathon) était de facto notre coordinateur et s’occupait de la logistique, de l’administratif et de la communication. Lauri Hellsten s’est engagé à prendre le rôle principal pour la maquette et la création de graphiques indispensables à l’ensemble. Mais eux mis à part, aucun auteur n’avait d’assignation prédéfinie. Quelques uns d’entre nous avaient bien leurs sujets de prédilection, mais dans l’ensemble le processus d’écriture fut très spontané et dynamique.

Y a-t-il eu beaucoup de préparation à l’avance ? Avez-vous commencé le week-end avec un plan du livre ? Un emploi du temps ?

Le projet était ambitieux. Nous avons attendu que nos amis et les amis de nos amis remplissent un sondage Doodle pour savoir quel week-end réserver (NdT : ils ne connaissaient pas Framadate). J’avais préparé une table des matières pour avoir un point de départ, mais elle a été passablement modifiée vendredi et samedi. Juhapekka Tolvanen nous avait concocté un modèle LaTeX, et on a aussi eu une réunion préalable pour planifier les choses, choisir les outils techniques (quel système de contrôle de versions utiliser, etc.), mais rien sur le contenu en tant que tel. Il s’agissait également de trouver d’éventuels sponsors, écrire un communiqué de presse, trouver un local, vérifier si nous avions assez d’ordinateurs…

Une anecdote sur le droit d’auteur : nous avions réuni plus ou moins tous les livres disponibles sur le sujet. Pour voir un peu comment les autres avaient expliqué ceci ou cela. mais aussi parce que, dans l’enseignement mathématique (et manifestement dans d’autres disciplines aussi), il y a beaucoup d’exemples et d’exercices pathologiques qu’il est bon de faire mais qui finissent par être excessivement récurrents. Et Vesa Linja-aho avait reçu une décision écrite du conseil local confirmant que les exercices ne sont pas des travaux soumis au droit d’auteur. Or un enseignant qui avait écrit un des livres que nous avions nous a laissé un commentaire sur Facebook pour nous rappeler que ce n’est pas bien de copier le travail des autres. Cela nous a bien fait rire 🙂

Oppikirjamaraton - Lauri Hellsten - CC byQue retirez-vous de cette expérience ? Qu’est ce qui a été plus difficile que prévu ? Quels conseils donneriez vous à d’autres envisageant un projet similaire ?

Le principal conseil est de bien mettre en place l’aspect technique avant de commencer. Cela évitera d’inutiles moments de tension pour vous consacrer pleinement et exclusivement à la rédaction du contenu. On a utilisé LaTeX pour le texte et sa mise en forme et GitHub pour gérer les versions, mais on a connu des soucis qui nous ont retardés. Tout le monde n’était pas forcément familiarisé avec ces outils et les ordinateurs pas toujours bien préparés et optimisés pour leurs usages. Ceci nous a malheureusement fait perdre du temps.

De plus certains étaient encore en train de discuter pour savoir si nous devions ajouter ceci ou cela le samedi voire le dimanche, et c’est quelque chose qu’il faut éviter. Dans un tel projet, c’est toujours mieux de simplement continuer à écrire davantage de contenu pour éventuellement le commenter ou le modifier plus tard. On a même connu quelques discussions houleuses, peut-être liées au manque de sommeil. Restez calmes et n’oubliez pas d’y prendre plaisir !

Oppikirjamaraton - Siiri Anttonen - CC byEt après ? Y a-t-il une période de relecture/modification prévue ? Des professeurs pensent-ils utiliser d’ores et déjà votre manuel ?

Le sentiment général, unanime et immédiat après avoir fini le marathon dimanche était l’euphorie. Tout le monde était d’accord pour organiser un autre book sprint. Les retards techniques et le manque de graphistes ont fait que le livre n’a pas atteint le niveau de finition que nous voulions pour l’envoyer à l’impression. Mais c’est vivant maintenant : les gens nous envoient des rapports de bug sur Github et les participants ont continué à apporter des améliorations : corriger les coquilles, ajouter des exercices, corriger les incohérences…

Notre livre existe maintenant en version 0.9, et nous allons attendre quelques semaines avant de décider s’il est prêt à être imprimé et traduit. Cependant, on nous a déjà rapporté que le livre avait été utilisé comme manuel par quelques professeurs en proposant notamment à leurs élèves des exercices du livre. Bien entendu, d’autres auteurs et moi-même l’avons aussi utilisé pour enseigner à nos propres élèves. Lorsque nous l’aurons un peu peaufiné, nous sommes confiants quant à sa diffusion.

Le projet était si sympa et son accueil si bien reçu que nous ferons un autre book sprint très bientôt !

Oppikirjamaraton

Crédit photos : Senja Opettaa (Creative Commons By)




Au revoir Monsieur Slashdot et merci !

L’une francophone, l’autre anglophone, deux sources principales d’informations ont accompagné ma découverte du logiciel libre, un peu avant le passage du troisième millénaire : LinuxFr et Slashdot (alias « /. »).

C’était eux qui m’apportaient alors des news fraîches et exclusives. Eux encore qui participaient à ma formation quand je parcourais les discussions dans les si nombreux commentaires.

Internet a évolué depuis, je pense notamment à l’arrivée des blogs puis des réseaux sociaux. Mais ces deux sites sont toujours là. L’un est resté bénévole et associatif. Mais l’autre s’est monté en société qui a connu depuis plusieurs repreneurs. À tel point que son créateur, Rob Malda (alias CmdrTaco), a fini avec le temps à ne plus s’y retrouver, jusqu’à passer définitivement la main l’année dernière.

Voici son témoignage.

PS : Le jour viendra lui aussi mais pour ne pas me voir rédiger le même billet dans un tout proche avenir merci de Soutenir Framasoft 😉

Redjar - CC by-sa

15 ans après mon premier article

15 Years After the First Post

Rob Malda – 3 octobre 2012 – Blog personnel
(Traduction : Naar & Amélie, Dryt, Gatitac, ttoine, ZeHiro, goofy, Penguin, audece, onoff_web, minimoy)

L’histoire de Slashdot est totalement indissociable de ma propre vie. Je l’ai créé alors que j’étais encore étudiant à l’université. Quand les gens normaux faisaient leurs devoirs ou s’adonnaient à des activités personnelles, je passais mes soirées à dessiner des icônes dans Gimp, à coder en Perl dans Vim ou à publier de nouvelles histoires à partager avec mes amis. Je n’oublierai jamais les nuits passées à scruter les dernières lignes du fichier access_log et à célébrer avec des amis comme Jeff, Dave, Nate et Kurt chaque connexion provenant de microsoft.com ou de mit.edu.

Slashdot a toujours absorbé tout mon temps, mais en grandissant il commença à engendrer des coûts réels : d’abord pour la bande passante puis pour les serveurs. Mes amis et moi-même avons fondé une société visant à couvrir ces frais pour simplement arriver à l’équilibre. Au moment où je me suis diplômé, l’entreprise ne pouvait employer qu’une seule personne à plein temps : moi. Je gagnais moins d’argent que j’aurais pu le faire autrement, mais là j’étais enfin libre de me consacrer à ce qui me passionnait le plus.

Le site a s’est développé, dépassant nos imaginations les plus folles. Rapidement, il connut une demi-douzaine d’employés mais notre petite entreprise ne pouvait plus faire face. Vendre Slashdot a été la bonne décision à ce moment-là : nous n’aurions pas pu survivre à la croissance ni aux années de vaches maigres après l’explosion de la bulle Internet. Cette décision non anodine allait nécessairement avoir des conséquences, mais elles n’ont pas été visibles au cours des premières années.

À la suite de la vente, nous avons connu un cycle ininterrompu d’années dorées : les nouveaux employés qui nous rejoignaient partageaient nos rêves. Il s’agissait de personnes qui comprenaient intuitivement ce qu’était Slashdot, ce qu’il signifiait, et à quel point il était important, car c’étaient aussi des lecteurs et utilisateurs du site. Beaucoup d’entre eux sont encore mes amis aujourd’hui. Ce sont des relations dont la valeur pour moi va bien au-delà de la sphère professionnelle.

J’ai eu alors la chance de parcourir le monde comme représentant d’une communauté en pleine croissance : Japon, Allemagne, Espagne, Australie. J’ai rencontré cette communauté en chair et en os et j’ai travaillé avec des personnes admirables. Nous participions à un projet très stimulant et mettions les utilisateurs au premier plan. Rien ne pouvait nous arrêter.

J’ai connu à travers Slashdot 14 années de tragédies : Columbine, le 11 septembre, le crash de la navette spatiale Columbia, Fukushima. Ces événements-là et tant d’autres sont à jamais associés à des pics de connexion sur les tchats entre les rédacteurs et modérateurs surexcités. La tristesse et la terreur n’empêchaient pas notre équipe de donner le meilleur d’elle-même en aidant des milliers de personnes à se connecter entre elles au moment où elles avaient le plus besoin.

Mais pour tous ces moments tristes, il y eut encore plus d’optimisme et de joie. D’innombrables avancées scientifiques, des lolcats et un flux incessant de nouvelles technologies et découvertes scientifiques en train de changer, généralement pour le meilleur, le monde autour de nous. Et je n’oublierai jamais la moiteur des mes mains alors que j’attendais fiévreusement une réponse de ma petite amie, à qui j’avais fait ma demande en mariage sur la page d’accueil de Slashdot. Tout ceci partagé avec des amis.

En 2007, je pris le plus long congé de toute ma carrière, et cela pour la meilleure des raisons. Pendant les deux semaines qui ont suivi la naissance de mon fils, je n’ai en effet mis en ligne aucune page de Slashdot. Quand j’y suis retourné, le site se portait comme un charme. Slashdot a célébré son dixième anniversaire et je comprenais pour la première fois qu’il pouvait tranquillement continuer sans moi…

Ce qui était bien, car le site était en déclin depuis quelques années. Les amis avaient été remplacés par des inconnus. Des décisions étaient prises par des gens qui, de plus en plus, n’étaient pas des utilisateurs directs du site. Ils voyaient Slashdot avant tout par la lorgnette du business : un compte de résultat, un rack de serveurs ou un nombre d’employés.

Avec le trafic qui déclinait, les défis techniques diminuaient également. La charge était rarement un problème. Le système de modération fonctionnait… tout simplement. Mais le code de la plateforme commençait à dater. Il n’était plus souple ni maintenable. Notre équipe s’était réduite… jusqu’à ce qu’il n’y reste plus qu’un seul technicien ! Notre capacité à livrer du code s’était évaporée. Le peu de temps de développement qui restait était bien trop souvent gaspillé dans des projets voués à l’échec par manque de compréhension des utilisateurs.

Au cours de ces dernières années, ces critiques à peine voilées ont lentement évolué vers de l’amertume. Il fut impossible, au bout d’un moment, de le cacher à mes amis, à ma famille, et enfin, même à mes collègues de travail. Ils l’avaient compris bien avant moi : je devais partir.

C’était il y a plus d’un an. Abandonner mon salaire me faisait peur, mais moins que quelque chose de plus important encore à mes yeux. Slashdot avait beau être devenu ce célèbre site pour geeks and nerds, il était avant tout pour moi mon site web personnel. Je l’avais toujours considéré comme mon chez moi sur Internet. Quand je suis parti, j’ai perdu le droit de continuer à y poster du contenu. Objectivement j’étais d’accord avec mes amis qui me disaient qu’une « rupture franche et nette » (NdT : The Clean Break) était meilleure pour moi… mais émotionnellement, je ressens toujours cette perte aujourd’hui. J’aime bien Twitter et Google+, mais j’aurai toujours l’impression de vivre dans la maison de quelqu’un d’autre.

Sans mon contrôle éditorial habituel, Slashdot m’a semblé souvent à côté de la plaque. J’ai fini par le lire uniquement via son flux RSS, où mon bien-aimé « News for nerds » devint juste un flux parmi d’autres. J’y parcourais de moins en moins d’articles. Parce que j’y trouvais de meilleures infos ailleurs mais aussi voire surtout par que venir sur le site me faisait tout de suite voir ses changements. Des trucs que probablement personne d’autre n’aurait remarqués du reste. Quelques pixels par ici, une formulation changée par là. Certaines modifications sont pertinentes… mais beaucoup ne le sont pas. Et ça me rend triste, même maintenant.

La bonne nouvelle pour moi, c’est que je n’avais pas été aussi heureux professionnellement parlant depuis des années. Mon travail aux WaPo Labs me rappelle les effervescentes premières années de Slashdot, quand tout paraissait important. Notre équipe semble toujours lire le même livre, même s’ils ne sont pas tous à la même page. Mon boulot me paraît rafraîchissant et motivant. Et le mieux dans tout ça, c’est que je peux enfin séparer mon « moi » de « mon travail » quand le besoin s’en fait sentir. Je peux m’en détacher et prendre du recul. Je peux être impartial, lucide et honnête comme je n’ai jamais pu le faire au milieu de la tempête Slashdot.

Il y a peu, Slashdot a été vendu à un nouveau poids lourd… mettant encore plus de distance entre moi et ma création. J’y ai toujours quelques amis mais la plupart me sont étrangers. Il m’arrive cependant de passer encore de temps en temps sur une page familière dont l’information me parle et se trouve enrichie et bonifiée par la discussion. Je me surprends alors à fermer les yeux en pensant qu’un bout de mon ADN est toujours là-bas, là-dedans.

Je n’arrive toujours pas penser à l’histoire de Slashdot sans la lier à celle de ma propre vie. Mais après un an de séparation, j’ai fait mon deuil et compris que nous étions juste un chapitre dans l’histoire de nos vies respectives.

Mais quel putain de bon chapitre cela a été !

Crédit photo : Redjar (Creative Commons By-Sa)




Point de réseau social sérieux sans lolcats !

Framasoft harcèle (et parfois excède) ses followers Twitter actuellement avec ses « lolcats de soutien » (, , , , , , , , , ou encore ), ce qui ne nous empêche de nous penser sérieux et appliqués dans notre démarche de promotion et diffusion du Libre.

L’idée générale de la traduction ci-dessous c’est que si vous voulez créer un véritable réseau social au sein de votre structure alors il vous faudra aussi accepter ce qui n’a rien à voir avec votre structure. C’est le coté social du réseau social et il est beaucoup moins futile qu’on peut à priori le penser car c’est souvent un préalable à une bonne ambiance d’où pourront émerger des choses bien pertinentes pour votre structure.

Michellelevine - CC by-sa

Si vous voulez une culture vraiment collaborative, vous devez aussi accepter les LOLCats

If you want a culture of collaboration, you need to accept the LOLCats too

Steve Radick – 11 janvier 2012 – OpenSource.com
(Traduction : KoS, Maïeul, @ali0une, greygjhart)

Même lorsque la presse était sacrée, nous avons eu des romans érotiques 150 ans avant d’avoir des journaux scientifiques
Clay Shirky (Conférence TED Cannes juin 2010)

C’est une de mes citations favorites de l’une de mes personnalités favorites d’Internet, Clay Shirky. Je l’aime particulièrement parcequ’elle illustre selon moi l’époque où certaines organisations se trouvent en essayant d’intégrer les médias sociaux en leur sein.

Avant que les wikis ne soient utilisés par les communautés de coopération scientifique, les personnes s’y inscrivaient pour désigner leur équipe de foot favorite. Avant que l’intranet de ma propre entreprise ne remporte un prix, nous avions des personnes qui nous expliquaient comment elles étaient heureuse de se montrer (presque) nues sur leurs profils. Avant que nos dirigeants commencent à utiliser Yammer pour communiquer avec la base, des groupes de fanas d’Android ou de fitness s’étaient déjà constitués. Je vous parle de cela parce que si vous décidez un jour d’intégrer un média social interne à votre organisation, vous devrez préparer vous-même, vos collègues, vos patrons, votre haute direction à cette vérité inexorable.

Si vous paniquez en voyant tout ça sur votre intranet, vous n’êtes probablement pas prêt pour un intranet social.

Si vous voulez créer une culture dynamique de collaboration, vous devez accepter les photos de LOLCats, les sujets parlant de foot, les débats sans fin sur Apple et Andoid, et même les critiques sur la politique de l’entreprise.

Acceptez et intégrez ce fait maintenant et vos communautés auront de bien meilleurs chances de succès. Ou, continuez à penser que de telles choses sont une perte de temps et ne sont pas professionnelles, et soyez prêt à payer beaucoup d’argent pour un système que personne n’utilise à moins d’être forcé à le faire (et ils l’utiliseront alors mal).

Malheureusement, « social » à l’air d’être devenu un gros mot en entreprise, associé à l’image d’employés perdant leur temps sur Facebook, parlant à leur petit ami au téléphone, ou prenant une pause déjeuner de trois heures. Acceptons d’arrêter d’essayer d’enlever le social d’un réseau social. Les interactions sociales ne doivent pas seulement être acceptées, elles doivent même être encouragées et récompensées. Shirky explique pourquoi dans cette conférence TED (à partir de 5 minutes 33 secondes).

Shirky explique :

Le fossé est entre faire quelque chose et ne rien faire. Et quelqu’un qui fait des LOLcat a déjà franchi ce fossé. Oui, il est tentant de vouloir obtenir des projets aussi noble que Ushahidi sans les LOLCats, d’avoir les choses sérieuses sans les choses futiles. Mais l’abondance de médias ne marche pas comme ça. La liberté d’expérimenter, c’est aussi voire surtout la liberté d’experimenter n’importe quoi.

Il y a cette tendance de la part des dirigeants à vouloir supprimer (voire sanctionner) les blogs qui évoqueraient des solutions de contournement de la politique d’entreprise et les pages wiki détaillant les meilleurs restaurants pour déjeuner. Ils veulent aller droit au but qui serait la co-création de méthodologies avec des équipes inter-fonctionnelles et des initiatives de crowdsourcing qui font économiser des millions de dollars !

Ça ne fonctionne pas pas comme ça. Les communautés collaboratives ne commencent pas à innover juste parce que vous mettez en place un site web et envoyez un mémo. Souvenons-nous que les nouvelles érotiques sont apparues bien avant les journaux scientifiques. Il y aura donc des LOLCats avant des Ushahidi. Vous devez accepter le fait que vos employés parleront de sport et de vacances avant d’être prêts à utiliser l’outil pour procéder à un « vrai » travail.

C’est intuitivement du bon sens. N’est-il pas plus facile de publier votre bon plan du midi plutôt que d’envoyer ce rapport sur lequel vous travaillez depuis trois semaines ? Si quelqu’un n’apprécie pas votre restaurant préféré, quelle importance ? En revanche si quelqu’un critique le rapport que vous avez passé des semaines à écrire, c’est un peu plus intimidant. Une fois que vous avez franchi ce seuil, ce seuil entre ne rien faire et faire quelque chose, c’est plus facile alors de monter les marches. Une fois la glace rompue avec la mention de votre passion pour la gastronomie chinoise, il vous sera soudainement plus facile de participer à la conversation sur tel projet important de votre entreprise. Peut-être même que vous accepterez d’envoyer une partie coriace du rapport en demandant aide et éclaircissement aux autres. Sous cet angle, même les publications les plus stupides et les conversations les plus insignifiantes ont de la valeur, parce qu’elle n’engage qu’un risque mineur pour les gens à se jeter à l’eau et faire le premier pas.

Cela peut prendre du temps pour que les employés se sentent vraiment à l’aise avec l’utilisation des réseaux sociaux au travail. En lui laissant ainsi la possibilité de s’épanouir et d’apprendre ensemble à son propre rythme, votre communauté supportera bien mieux les changements d’échelle et durera bien plus longtemps.

Alors acceptez les LOLCats, les délires footballistiques, les discussions sur la bouffe, et les avatars personnalisés : au moins vos employés créeront et partageront quelque chose avec quelqu’un d’autre. Parce que ce qui viendra après ces stupides discussions mènera à du lien, des relations, des questions, des réponses, et finalement, à des innovations très créatives, à des produits et des solutions qui vous feront économiser du temps et (beaucoup) d’argent. Et vous serez récompensés pour avoir participé à rendre votre entreprise humaine et chaleureuse.

Crédit photo : Michellelevine (Creative Commons By-Sa)




Entretien avec Sésamath : au revoir Flash, bonjour HTML5, JavaScript (et LaTeX)

L’association Sésamath existe depuis 10 ans maintenant.

10 ans de projets au service des mathématiques dans l’éducation. 10 ans également, et par effet de bord, au service du logiciel libre, de par les choix des outils et des licences adoptées ainsi que la manière toute collaborative de travailler.

Avoir, entre autres, réussi à couvrir tout le collège avec des manuels scolaires libres qui représentent aujourd’hui près de 20% du marché, ça n’est pas rien ! (et c’est même du jamais vu au niveau mondial !)

L’occasion de faire le point avec Sébastien Hache, salarié et co-fondateur de l’association, qui nous annonce de bien bonnes et libres nouvelles.

Sésamath - Flyer

En quelques mots, comment se porte Sésamath ?

Sébastien Hache : Sésamath se porte plutôt bien. L’envie et la passion sont toujours là, depuis maintenant plus de 10 ans. De nouveaux membres viennent régulièrement renforcer une équipe globalement stable et de plus en plus expérimentée. La grosse difficulté est de parvenir à maintenir les ressources existantes (de plus en plus utilisées : plus d’un million d’élèves inscrits à Labomep par exemple l’an dernier) tout en continuant à faire évoluer les outils et à élargir le champ : c’est un défi compliqué mais c’est aussi passionnant.

Que pensez-vous de la récente circulaire sur l’usage du logiciel libre dans l’administration ?

Nous pensons que c’est une très bonne chose et que cela constitue un bon élément d’appui pour tous ceux qui veulent promouvoir les ressources et logiciels libres dans l’enseignement.

Que pensez-vous de l’opération Open TextBook de l’État californien ?

Plus il y aura de ressources éducatives libres et ouvertes, et mieux ce sera !

Que pensez-vous de la récente introduction de l’option Informatique et Sciences du Numérique en Terminale S ? Pensez-vous vous y impliquer de près ou de loin ?

Sesamath a fait le choix de ne pas se positionner sur des sujets autres que ceux inscrits dans ses statuts. Les objectifs de Sesamath nous occupent déjà largement.

Alors, justement, Sésamath a annoncé des nouveaux projets au lycée et dans le primaire. Peux-tu nous en dire plus ?

Pour l’instant, l’essentiel des projets de Sésamath se concentrait sur le collège, même si depuis longtemps, en particulier au niveau des liaisons inter-cycles, des ressources collège étaient utilisées en CM2 ou en seconde. C’est donc assez naturellement que nous avons lancé des appels (toujours en vigueur pour ceux que ça intéresse) dans ces deux directions pour amorcer des projets éditoriaux. En effet, l’expérience de Sésamath au collège a montré que le travail collaboratif autour d’ouvrages destinés à être publiés sur papier (même s’ils ont nativement une version numérique) était un bon catalyseur pour créer ensuite d’autres ressources numériques : un peu comme si l’ouvrage éditorialisé servait de fil conducteur pour tout le reste. Paradoxalement, le papier est aussi une bonne façon de faire connaître le numérique.

En CM2, une équipe composée de professeurs des écoles et de professeurs de collège travaille actuellement à un cahier d’exercices sur le modèle des cahiers d’exercices de collège (afin d’avoir une continuité dans la ressource). Ce cahier est destiné à être sous licence libre (CC By-Sa) : pour l’instant, durant la phase de conception, seuls les enseignants inscrits à Sésaprof peuvent y avoir accès mais quand il sera achevé (début 2013) il sera intégralement téléchargeable pour tous aux formats ODT et PDF. En même temps, nous concevons le cahier numérique associé. Une autre équipe construit en parallèle le futur manuel Sésamath 6e, qui est très largement modifié par rapport au précédent en partie justement pour tenir compte de la liaison.

En seconde, une équipe composée de professeurs de collège et de lycée travaille sur un manuel complet. Ce manuel est écrit en LaTex. Il sera de la même façon publié sous licence libre et accompagné d’un manuel numérique gratuit. Le premier chapitre sera très prochainement mis en ligne. Beaucoup de lecteurs de ce blog seront heureux de voir que Sésamath produit collaborativement un ouvrage en Latex (c’était déjà le cas pour un ouvrage d’exercices en classes préparatoires) !

Pour résumer, nous travaillons cette année sur 3 ouvrages en même temps. C’est possible grâce à l’expérience de l’association et de ses membres sur la création collaborative de manuels scolaire (organisation, outils…), mais aussi les licences libres et les formats ouverts qui permettent ce mode de création et motive les auteurs.

En parlant de format ouvert, il se dit que Sésamath est en train d’abandonner Flash. Qu’en est-il ?

Effectivement, une grande partie des ressources interactives de Sésamath (dont l’exerciseur Mathenpoche) a été développé en Flash. Il y a déjà eu pas mal de discussions sur ce point : avec le recul, il n’y a sans doute rien à regretter, mais on se rend compte actuellement que cela nous mène à une impasse. Avant d’être technique, l’impasse est d’abord collaborative : nous n’avons pas réussi à former suffisamment d’enseignants à la programmation en Flash et nous nous sommes coupés d’une communauté de développeurs dont nous avons grand besoin aujourd’hui.

C’est pourquoi, Sésamath s’est donné les moyens, depuis plus d’un an maintenant, de créer un nouveau modèle d’activités intéractives : Il s’agit du projet J3P basé sur les technologies web modernes (html5/javascript). D’une certaine façon, Sésamath a terminé sa mue complète vers le libre (je me permets de remercier tous ceux qui ont contribué à ça, de façon souvent très intelligente et patiente, et parmi ceux-là évidemment toute l’équipe de Framasoft). Mais l’intérêt de J3P ne réside pas que dans son format : il ouvre aussi des pistes importantes du point de vue pédagogique. L’idée est de pouvoir créer des ressources de plus en plus adaptées aux difficultés de chaque élève en leur proposant des exercices où les réponses qu’ils donnent conditionnent les questions suivantes, pour tenter de s’adapter à la nature de leurs difficultés éventuelles.

Le projet J3P veut donc offrir aux enseignants un moyen de concevoir de tels exercices. L’enseignant pourra construire ou paramétrer le graphe de chaque exercice. Ce graphe décrit, suivant les réponses de l’élève à chaque étape, les différents parcours possibles parmi les sections qui composent l’exercice. Le projet J3P est sous licence GPL.

Toutes les bonnes volontés sont les bienvenues (ne pas hésiter à nous contacter.

Crédit illustration : Brochure Sésamath




Et les manuels universitaires libres devinrent réalité en Californie

Grande et bonne nouvelle, la Californie est allé au bout de sa réflexion sur l’opportunité des manuels scolaires libres !

C’est de notre point de vue bon sens et évidence mais ça l’est moins quand on pense à la situation dont on a hérité, avec d’énormes résistances de la part de ceux qui éditaient précédemment (et privativement) ces manuels.

Au passage vous remarquerez le choix logique et pertinent de la licence, la Creative Commons la plus dépouillée d’entre toutes : la CC By. Cela fera peut-être réfléchir ceux qui pensent encore que la clause non commerciale NC et/ou non modifiable ND sont bonnes quand il s’agit d’éducation…

Et en France, me direz-vous ? Cela fait six ans (je crois) que nos amis de l’association Sésamath ont publié leur premier manuel libre pour la classe de Cinquième en mathématiques. De véritables pionniers qui depuis ont couvert tout le collège et lorgnent désormais aussi bien sur le primaire que vers le lycée.

Six ans que l’Institution avait en son sein un exemple à soutenir, mettre en avant et montrer aux autres disciplines pour leur emboîter le pas. Pour des raisons que je ne m’explique pas (ou trop bien), elle n’en fit rien ! Il est grand temps de rectifier le tir sinon nous les derniers seront les premiers et nous aurons une fois de plus perdu un temps précieux.

Il est véritablement grand temps ! (et sous licence libre s’il vous plaît !)

L’illustration ci-dessous et un extrait d’une infographie qui résume bien les choses (et les gains) en procédant ainsi.

20mm.org - extrait- CC by

La Californie entérine officiellement son projet de loi inédit sur les manuels scolaires libres

California passes groundbreaking open textbook legislation

Timothy Vollmer – 27 septembre 2012 – CC Blog
(Traduction Framalang : Cyrille L., ehsavoie, M0tty, Rouage, lgodard, Ag3m)

C’est officiel. En Californie, le Gouverneur Jerry Brown a signé deux projets de lois (SB1052 et SB1053) qui permettront la création de manuels numériques sous licence libre pour les cinquante cours les plus populaires des universités de Californie (cf cette vidéo). Ce projet de loi a été proposé par le président du Sénat par intérim Darrell Steinberg et est passé au Sénat et à l’Assemblée de Californie fin août.

Un élément essentiel de la législation Californienne est que les manuels ainsi créés seront disponibles sous licence Creative Commons Paternité (CC-BY) :

Le manuel et d’autres matériels de cours sont placés sous la licence Creative Commons Paternité qui autorise quiconque à utiliser, distribuer, et créer des travaux dérivés basés sur ce matériel numérique tout en permettant aux auteurs ou aux créateurs d’être crédités pour leurs travaux.

La licence CC BY permet aux professeurs d’adapter le contenu des manuels aux besoins des étudiants, aux sociétés commerciales de se servir de ces ressources et d’en créer de nouvelles à partir des premières (comme par exemple des tutoriels vidéos), et ouvre des portes à la collaboration et à l’amélioration de ce matériel de cours.

Pour les étudiants, l’accès à des manuels abordables est extrêmement important, sachant que le coût de ces manuels augmente quatre fois plus vite que l’inflation, dépassant même les frais d’inscription dans certaines universités. Ainsi, en plus de rendre le manuel numérique disponible librement et gratuitement aux élèves, la loi requiert que les copies imprimées du manuel ne dépasse pas 20$.

C’est une grande victoire pour la Californie, et un exemple bien accueilli de politiques ouvertes qui visent à appuyer les licences libres pour économiser l’argent des familles californiennes et soutenir les besoins des professeurs et des élèves.