data.abuledu.org : 14 000 ressources éducatives libres !

Cette semaine a été officiellement lancé un projet d’envergure : Data, une bibliothèque numérique de ressources éducatives francophones, forte de 14 000 références, libres et adaptées au quotidien des enseignants. Cette réalisation est le fruit d’un travail de longue haleine (la genèse du projet remonte à plus de 10 ans) de la société Ryxéo et de l’association Abulédu-fr, qui a entre autres lancé le site de micro-blogue Babytwit.

Le site data.abuledu.org

Qui peut s’en servir et comment ?

Tout enseignant peut aisément rechercher puis télécharger une ressource depuis le site dédié. Comme celles-ci sont toutes sous licence libre, il n’y a pas de contrainte légale pour leur utilisation en milieu scolaire (et même ailleurs). Pour ceux qui utilisent un tableau interactif, le plugin pour Open-Sankoré permettra une utilisation directe de cette bibliothèque dans votre logiciel de TBI favori.

Pourquoi une nouvelle ressource ?

Au premier abord on peut se demander pourquoi créer une nouvelle bibliothèque de ressources quand d’autres plates-formes de qualité existent, telles Wikimedia. Les plus-values de Data sont importantes :

  • Les ressources disponibles ont toutes été choisies par les contributeurs en fonction de leur intérêt éducatif ;
  • Chaque ressource éducative est référencée selon la norme internationale LOM (Learning Object Metadata), recommandée par le Ministère de l’Éducation Nationale, et accompagnée de champs pédagogiques (les compétences, le niveau du public cible, le domaine d’enseignement, les activités induites…)
  • Data regroupe des ressources éducatives sélectionnées dans des banques existantes mais également créées ou traduites spécialement pour cette bibliothèque numérique. Plutôt que de chercher successivement sur plusieurs sites, chaque enseignant peut ainsi trouver plus facilement une ressource adaptée à la séance pédagogique qu’il prépare.

Vous avez envie de participer à ce projet ?

Plusieurs moyens s’offrent à vous.

  • Tout d’abord, même si le nombre de ressources est déjà particulièrement conséquent pour un lancement, vous êtes bienvenu-e-s pour collecter ou créer des ressources éducatives libres et les ajouter à cette base de données. Grâce à un logiciel libre développé spécifiquement et disponible pour différents systèmes d’exploitation, chacun peut contribuer facilement, la communauté AbulÉdu se chargeant de valider les ressources.
  • Vous pouvez également aider le projet en créant un serveur-miroir, Data ayant été conçu dès le départ pour être facilement dupliqué.
  • Vous remarquerez que data ne comporte aucune publicité. Proposer un tel service a forcément un coût. Vous avez donc la possibilité de soutenir financièrement cette initiative. http://data.abuledu.org/wp/ressources-educatives-libres/
  • Afin de permettre une utilisation aisée de ces ressources, data est interfacé avec les logiciels d’AbulÉdu. Un plugin pour le logiciel libre pour tableaux interactifs, Open-Sankoré, est en cours de développement. Pour compléter la palette d’outils, il manque actuellement une extension pour les suites bureautiques libres (Apache OpenOffice, LibreOffice et bien sûr OOo4kids). Si un développeur a la compétences et l’envie de la développer, qu’il n’hésite pas à se manifester.

Data est une avancée importante pour tous les enseignants francophones qui créent leurs propres cours, car elle leur offre une bibliothèque de ressources riche, pertinente et référencée. N’hésitez donc pas à en parler autour de vous et à le faire découvrir aux enseignants que vous connaissez (donnez-leur un petit flyer )

Le projet Data est soutenu par l’Organisation Internationale de la Francophonie, le Conseil Régional d’Aquitaine, les associations Framasoft, AFUL, CEMEA La Réunion, Aquinetic, April et ABUL et… peut-être vous.




Les Anonymous doivent-ils laisser tomber le masque ?

Une traduction un brin polémique autour du fameux masque symbolisant les Anonymous.

Aussi joli soit-il, il pose quelques problèmes qui peuvent effectivement contrarier la posture et brouiller le message des actions de cet étrange et fuyant collectif.

Le masque fait référence à Guy Fawkes, personne historique anglais du XVIIe siècle, mais il a pour auteur le dessinateur contemporain David Lloyd de V pour Vendetta. Il est devenu célèbre après l’adaptation de la BD au cinéma. Film produit par Time Warner qui détient les droits à l’image sur le masque et à qui on doit payer une obole à chaque exemplaire du masque vendu (légalement).

Premier problème, le masque est sous copyright classique. Deuxième problème, il appartient à l’une de ces multinationales souvent prises pour cible par les Anonymous. Et, dernier problème, il semblerait qu’il soit produit dans les pires conditions du capitalisme mondialisé, c’est en tout cas ce que le laisse croire cette photo qui a semé le trouble et provoqué l’article très critique ci-dessous.

On aurait aimé qu’il fut dans le domaine public. Chiche qu’on demande tous à Time Warner combien ils veulent pour qu’il en soit ainsi et qu’on monte un crowdfunding dans la foulée pour récolter la somme 😉

Vincent Diamante - CC by-sa

L’hypocrisie des Anonymous a été dévoilée. Et maintenant ils font des pieds et des mains pour se défendre.

Anonymous have been exposed as hypocrites. Watch them try to wriggle out of it

Martha Gill – 6 novembre 2013 – The Telegraph (blog)
”(Traduction : lyn, Eiyeron, MFolschette, Catalaburro, Sky, M0tty + anonymes)’

Anonymous est une organisation définie surtout par ce que ses membres ont choisi de se mettre sur la tête, le fameux masque de V pour Vendetta. Mais depuis hier le masque a connu quelques problèmes techniques. Il semblerait qu’il défigure celui qui le porte.

Le jour de Guy Fawkes, juste à temps pour l’opération Million Mask March, cette photo de Reuters est apparue en page d’accueil de Reddit. Elle montre les masques fabriqués en masse dans une usine au Brésil. Ce n’est peut-être pas un atelier clandestin, mais c’est pourtant le mot que beaucoup ont à la bouche actuellement (d’autres photographies en suivant ce lien).

Cela ne correspond guère avec l’image du groupe. Anonymous lutte contre les effets du capitalisme globalisé – protestant contre de grandes entreprises menant la vie dure aux ouvriers. Et pourtant, on peut voir ces ouvriers, dans de mauvaises conditions de travail, fabriquant les masques des protestataires. Par ailleurs, on sait depuis pas mal de temps que Time Warner, une des plus grandes entreprises audiovisuelles au monde, fait du bénéfice chaque fois qu’un de ces masques est vendu.

Tout cela n’est-il pas légèrement… hypocrite ?

Le compte pro-Anomymous @youranoncentral a essayé de calmer Twitter : « Ecoutez tous, nos masques ont été fabriqués dans un pays en voie de développement. Nous sommes les seuls hypocrites. »

Et plusieurs personnes partagèrent des points de vue similaires à sayheykid24 sur Reddit : « Comment les gens pensent que ces masques ont été faits ? Pensaient-ils qu’ils étaient fait à la main et avec amour par des artisans opposés au grand capital ? »

En effet, que croyions-nous ? Il serait plus simple, plus économique et plus efficace pour les Anonymous de faire fabriquer des masques à la chaîne dans des pays en voie de développement. C’est généralement comme ça que de tels objets sont fabriqués. Cela serait également beaucoup demander à Anonymous que de s’assurer qu’aucune grande entreprise ne tire profit de leurs protestations. Et forcément, étant donné qu’Anonymous est un petit groupe faisant face à de grosses organisations sans scrupules, ils voudront réaliser l’opération la plus percutante possible, quitte à être aussi sans scrupules. Ils peuvent difficilement se permettre de ne pas l’être.

Mais si nous pensions cela nous aurions tort. Ces pressions économiques sont la raison pour laquelle l’industrie du disque a réprimé le piratage numérique et aussi pourquoi Mastercard et Visa ont mal agi envers certains clients – tous des ennemis, tous des Anonymous attaqués pour ces mêmes raisons. Étant donné qu’Anonymous demande aux entreprises de prendre une position inconfortable mais morale contre le système auquel elles sont soumises, si eux-mêmes n’y parviennent pas, ils sont alors eux-mêmes hypocrites. (Fabriquer un masque de Guy Fawkes est plus simple à réaliser chez soi, non ?)

Est-ce important ?

Bien sûr que ça l’est. C’est vrai que les Anonymous ne sont pas les seuls hypocrites. Mais tous les hypocrites ne sont pas entièrement dépendants de leur posture morale. Le fait de punir le mauvais comportement d’autrui fait partie intégrante du message des Anonymous – ils suggèrent de les rejoindre pour être de côté des gentils. Cela signifie que le groupe repose uniquement sur son intégrité morale – et s’ils ne peuvent se permettre de jouer selon leurs propres règles, ils ne peuvent certainement pas non plus se permettre de les enfreindre.

Le dernier problème avec le masque recensé à cette date a montré son (pas si vilain) visage hier. Il s’avère que, bien que cet accessoire soit pratique pour les vendettas masquées, il l’est moins pour se mettre publiquement en valeur. Que se passe-t-il quand la marche organisée, basée sur la notion d’anonymat, attire une célébrité tel que Russel Brand parmi ses rangs ? Brand a résolu le problème en tweetant des photos de lui-même portant son masque. Encore une fois, quelle ironie…




L’école selon Microsoft : comment j’ai appris à ne plus m’en faire et à aimer l’éducation privatrice et fermée

Paris, le 7 novembre 2013. Communiqué de presse.

Deux ans après la convocation d’une centaine d’inspecteurs de l’Éducation nationale au siège de Microsoft France, l’April, Framasoft, le CNLL, SavoirsCom1 et l’Aful s’étonnent d’une nouvelle entorse à la neutralité scolaire et à l’intérêt du service public d’éducation.

Le 19 novembre 2013, plusieurs responsables de l’Éducation nationale se déplacent au siège de la société Microsoft1. Michel Pérez, Inspecteur général de l’Éducation nationale, Catherine Becchetti-Bizot, Inspectrice générale, Directrice du Comité Stratégique pour le Numérique à l‘École ainsi que des représentations des associations de collectivités viennent découvrir une étude coordonnée par Ludovia Magazine, en association avec Microsoft, Intel et SFR2.

Le titre de l’étude se veut neutre : « Investissement des collectivités en matière de numérique à l’école ». Le dispositif de communication ne l’est pas. Par leur présence à la table ronde organisée par Microsoft, les Inspecteurs généraux légitiment l’appropriation de l’Éducation nationale par une société privée. Les signataires de ce communiqué dénoncent fermement cette nouvelle entorse à la neutralité scolaire et à la mission de service public de l’éducation nationale.

Les collectivités territoriales souhaitent-elles vraiment favoriser l’exploitation commerciale de l’école par quelques grandes sociétés pour lesquelles l’éducation est exclusivement un marché captif ?

Ce n’est pas la première fois que des responsables de l’Éducation nationale se déplacent au siège de la société Microsoft. Lors du salon Éducatec-Éducatice 2011, les inspecteurs de l’Éducation nationale chargés de mission nouvelles technologies (IEN-TICE) s’étaient vu convoqués par leur hiérarchie pour tenir leur journée annuelle au siège de la société Microsoft. L’April et Framasoft avaient déjà dénoncé « une véritable entorse à la neutralité scolaire et vivement regretté que les programmes de ces journées ne mentionnaient pas les logiciels et ressources libres3. Malgré la circulaire du premier ministre « Pour l’usage des logiciels libres dans l’administration »4.

Ce n’est pas non plus qu’un accident de parcours. Les services de l’Éducation nationale envoient depuis plusieurs mois des signaux inquiétants. Le rapport de l’Inspection générale sur « La structuration de la filière du numérique éducatif : un enjeu pédagogique et industriel »5 est très peu documenté sur les logiciels et ressources libres ou, au mieux minimise leur apport. Et le rapport n’aborde que très succinctement l’une des dispositions importantes du texte de loi pour la refondation de l’école qui recommande : « l’incitation au développement de ressources numériques se fera notamment en faveur de logiciels libres et de contenus aux formats ouverts »6. Les signataires de ce communiqué auraient pu, avec d’autres, aider les rédacteurs dans leur travail afin d’arriver à un rapport plus exhaustif.

« L’école ne doit pas être un marché captif des éditeurs privateurs du numérique. L’école que nous appelons de nos vœux, ne doit pas enseigner « avec  » le numérique sur des produits privateurs dans une approche de type B2i qui forme avant tout des consommateurs passifs » déclare Rémi Boulle, vice-président de l’April, en charge du groupe de travail Éducation. Dans la continuité des principes hérités du siècle des Lumières, elle doit former des futurs citoyens responsables, capables de réfléchir de façon libre, indépendante voire les créateurs de demain.

Stefane Fermigier, Vice-Président du CNLL, rappelle pour sa part « La place du logiciel libre dans le système éducatif français est un enjeu majeur pour la compétitivité de notre économie. Pour continuer d’être à sa place de leader mondial du logiciel libre, la France doit aussi se doter d’une politique éducative forte dans ce domaine, en privilégiant l’usage d’outils pédagogiques libres, en fondant l’apprentissage du numérique à l’École sur les logiciels libres, et en enseignant les technologies et méthodologies propres au logiciel libre dans les filières informatiques et scientifiques ».

Enseigner « avec  » le « numérique » dans toutes les disciplines nécessiterait a minima :

  • un véritable enseignement de la science informatique ;
  • d’authentiques cours de technologie qui ne seraient plus limités, en collège, à la seule étude d’objets physiques dans lesquels l’informatique qu’ils pourraient incorporer est ignorée et traitée comme une boîte noire  ;
  • un authentique apprentissage raisonné des logiciels et de l’internet qui n’est actuellement enseigné nulle part ;
  • un enseignement des technologies et méthodologies propres au logiciel libre dans les filières scientifiques et informatiques ;
  • l’utilisation de logiciels libres et la diffusion sous licence libre des ressources utilisées dans le service public de l’éducation ;
  • une réflexion opérationnelle (approfondie) sur les contenus de cet enseignement, dès l’école primaire.

C’est également enseigner l’apprentissage du travail collaboratif, incompatible avec des ressources privatrices DRMisées, des formats de fichiers non interopérables, des licences qui ne permettent pas la libre circulation et le libre partage des savoirs. L’École ne doit plus être contrainte dans des systèmes privateurs et fermés.

Nous nous tenons à la disposition de l’Inspection générale et de Mme Catherine Becchetti-Bizot pour toute information complémentaire sur les logiciels et ressources libres pour l’éducation et leur souhaitons un riche salon Éducatec-Éducatice.

À propos de l’April

Pionnière du logiciel libre en France, l’April est depuis 1996 un acteur majeur de la démocratisation et de la diffusion du Logiciel Libre et des standards ouverts auprès du grand public, des professionnels et des institutions dans l’espace francophone. Elle veille aussi, dans leurre numérique, à sensibiliser l’opinion sur les dangers d’une appropriation exclusive de l’information et du savoir par des intérêts privés.

L’association est constituée de plus de 3 600 membres utilisateurs et producteurs de logiciels libres.

Pour plus d’informations, vous pouvez vous rendre sur le site Web à l’adresse suivante : http://www.april.org/, nous contacter par téléphone au +33 1 78 76 92 80 ou par notre formulaire de contact.

Contacts presse :

  • Rémi Boulle, vice-président de l’April, en charge du groupe de travail Éducation, rboulle@april.org>, 06 05 03 32 30
  • Frédéric Couchet, délégué général, fcouchet@april.org +33 6 60 68 89 31
  • Jeanne Tadeusz, responsable affaires publiques, jtadeusz@april.org +33 1 78 76 92 82

À propos de Framasoft

Issu du monde éducatif, Framasoft est un réseau d’éducation populaire consacré principalement au logiciel libre et s’organise en trois axes sur un mode collaboratif : promotion, diffusion et développement de logiciels libres, enrichissement de la culture libre et offre de services libres en ligne.

Pour plus d’informations, vous pouvez vous rendre sur le site Web à l’adresse suivante : http://www.framasoft.org/ et nous contacter par notre formulaire de contact.

Contact presse :

  • Alexis Kauffmann, fondateur et chargé de mission, aka@framasoft.org +33 6 95 01 04 55

À propos du CNLL

Le Conseil National du Logiciel Libre est l’instance représentative, au niveau national, des associations et groupements d’entreprises du logiciel libre en France. Le CNLL représente 13 associations et groupements, et par leur intermédiaire plus de 300 entreprises françaises spécialisées ou avec une activité significative dans le logiciel libre.

Le CNLL a pour principale mission de représenter l’écosystème du logiciel libre auprès des pouvoirs publics et des organisations nationales et internationales existantes.

Contact Presse :

  • Amélie Vaysse, chargée de communication, relations presse. 01 41 40 11 42 – info@cnll.fr

À propos de SavoirsCom1

SavoirsCom1 est un collectif qui s”intéresse aux politiques des biens communs de la connaissance. Son action vise à faire en sorte que les politiques publiques favorisent la création, la diffusion et la mise en partage de biens communs informationnels. SavoirsCom1 défend lespositions exprimées dans son Manifeste.

Contact presse :

À propos de l’Aful

Association Francophone des Utilisateurs de Logiciels Libres, l’AFUL a pour principal objectif de promouvoir les logiciels libres ainsi que l’utilisation des standards ouverts. Ses membres, utilisateurs, professionnels du logiciel libre, entreprises ainsi que d’autres associations, sont issus d’une dizaine de pays ou de régions francophones (France, Belgique, Suisse, Afrique francophone, Québec).

Interlocuteur de nombreux médias, l’AFUL est présente sur nombre de salons, conférences et rencontres. Elle agit notamment activement contre la vente liée (site Non aux Racketiciels, comparatif bons-vendeurs-ordinateurs.info et bons-constructeurs-ordinateurs.info), pour l’interopérabilité (membre de l’AFNOR, participation aux référentiels d’interopérabilité et d’accessibilité de la DGME, site formats-ouverts.org, etc.), intervient sur les problématiques du droit d’auteur ainsi que pour la promotion de l’utilisation de logiciels et ressources pédagogiques libres pour l’éducation entendue au sens large.

Contacts presse :

Notes

1. Le Numérique à l’École : un enjeu partagé
2.Lancement de la deuxième édition de l’étude sur le numérique éducatif dans les collectivités territoriales
3.Les inspecteurs de l’éducation nationale convoqués chez Microsoft
4.Circulaire Ayrault sur le bon usage des logiciels libres dans l’administration française
5. Michel Pérez est le coordonnateur du rapport « La structuration de la filière du numérique éducatif : un enjeu pédagogique et industriel », 24/09/2013
6.Loi n° 2013-595 du 8 juillet 2013 d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République publiée au Journal Officiel le mardi 9 juillet 2013  : « L’incitation au développement de ressources numériques se fera notamment en faveur de logiciels libres et de contenus aux formats ouverts ».




Quand l’Inde montre l’exemple en éducation (et en France ?)

Le gouvernement indien a inauguré cet été une plateforme de ressources éducatives.

Nous en avons aussi en France, comme par exemple l’Académie en ligne. Sauf que, comme il a été dit dans ces mêmes colonnes à son lancement, cette dernière plateforme est totalement verrouillée par le choix de sa licence (lire les Conditions d’utilisation du site pour comprendre d’un seul coup d’oeil où se situe le problème).

En Inde, par contre, on a tout compris. On a fait le choix par défaut de la licence Creative Commons By-Sa et on demande explicitement des formats ouverts pour les documents déposés.

Longue vie au National Repository of Open Educational Resources et ses ressources éducatives vraiment libres. Quant à nous, on va continuer à pousser pour qu’il en aille de même un jour en France, sachant que l’espoir fait vivre et que la route est longue mais la voie est libre.

On pourra également lire sur le Framablog (en faisant le rêve que nos décideurs tombent dessus) :

NROER logo

L’Inde lance un dépôt national de ressources éducatives libres

India launches National Repository of Open Educational Resources

Jane Park – 14 août 2013 – Creative Commons Blog
(Traduction : lamessen, pol, ProgVal, Asta)

L’Inde a lancé un nouveau dépôt d’apprentissage destiné à accueillir les ressources éducatives libres (RÉL). Le ministère de l’Éducation et de l’alphabétisation, le ministère du Développement des ressources humaines, le gouvernement indien, l’Institut central des technologies de l’éducation et le Conseil national de la recherche et de la formation pour l’éducation (NCERT) se sont associés pour développer le Dépôt national des ressources éducatives libres (NROER). Pallam Raju, ministre indien du Développement des ressources humaines, a lancé ce dépôt mardi. Shashi Tharoor, ministre d’État indien en charge des ressources et du développement humain, a annoncé que la licence par défaut de toutes les ressources du dépôt serait la Creative Commons Attributions-Partage à l’identique (CC BY-SA).

Ce dépôt contient actuellement des vidéos, de l’audio, des médias interactifs, des images et des documents. Il vise à « rassembler toutes les ressources numériques et numérisables pour le système éducatif indien, pour toutes les classes, toutes les matières et toutes les langues ».

D’après l’annonce du ministre Sashi Tharoor,

Cette initiative est également une étape importante vers une éducation inclusive. Ouvrir l’accès à tous nécessite un débat sur la question de la propriété, du copyright, des licences et un équilibrage des objectifs avec les intérêts commerciaux légitimes. C’est particulièrement important pour les institutions publiques et les projets financés sur fonds publics. Je suis heureux que le NCERT ait pris l’initiative de déclarer que le NROER utiliserait la licence CC BY-SA… Cette décision du NCERT est en accord avec la déclaration de Paris sur les ressources éducatives libres de l’Unesco et permettra de garantir que les ressources seront librement accessibles à tous. Pour le dire dans les termes des Creative Commons — pour réutiliser, réviser, modifier et redistribuer.

Pour contribuer au dépôt, chacun devra garantir qu’il « accepte de placer ces ressources sous licence Creative Commons » (CC BY-SA) et « que les documents chargés sont encodés en utilisant des standards ouverts, non privatifs ».

Pour en savoir plus sur la manière de contribuer au projet avec vos ressources éducatives libres, visitez http://nroer.in/Contribute/.




Tux Paint, interview du créateur du célèbre logiciel libre de dessin pour enfants

C’est la rentrée !

L’occasion de mettre en avant Tux Paint, l’un des meilleurs logiciels (évidemment libre) de dessin à destination des petits, mais aussi des grands 😉

HeyGabe - CC by-sa

Tux Paint en appelle à l’aide

Desperate times call for Tux Paint

Jen Wike – 25 juin 2013 – OpenSource.com
(Traduction : Antoine, Shanx, Asta)

Bill Kendrick a codé Tux Paint en seulement quelques jours. Un ami lui avait demandé pourquoi il n’existait pas un programme de dessin pour enfants libre et gratuit, comme GIMP. Bill fit un grand sourire, parce que beaucoup d’adultes ont des difficultés à apprendre à utiliser GIMP, alors que les enfants en ont beaucoup moins. Il répondit : « Je peux probablement créer quelque chose. »

C’était il y a 11 ans (la première bêta a été publiée en juin 2002). Aujourd’hui, Tux Paint est largement utilisé à travers le monde, dans les maisons, à des goûters d’enfants, et plus évidemment dans les écoles en général et celles plus défavorisées en particulier.

Une nouvelle étude publiée cette année et menée par le Conseil des Relations Étrangères rapporte que les États-Unis ont perdus 10 places ces 30 dernières années dans le classement du taux d’élèves diplômés sortant des collèges et universités. « Le véritable fléau du système d’éducation étasunien, et sa plus grande faiblesse compétitive, est le profond écart entre les groupes socio-culturels. Les étudiants riches réussissent mieux, et l’influence de la situation sociale parentale est plus forte aux États-Unis que nulle part ailleurs dans le monde développé. » affirme ainsi Rebecca Strauss, directrice associée des publications CFR’S Renewing America.

Tux Paint est un programme simple avec de profondes implications car il est libre, gratuit et facile à utiliser. Récemment, un enseignant d’une école située dans une région défavorisée a utilisé le programme de crowdfunding EdBacker pour mettre sur pied un cours estival de remise à niveau en utilisant Tux Paint. Brenda Muench rappelle qu’avant Tux Paint, elle n’a jamais rencontré, au cours de ses 16 années d’enseignement à l’école élémentaire d’Iroquois West, de logiciels de dessin véritablement adaptés pour les enfants .

Les fonds publics devenant plus rares, Bill a remarqué que les systèmes scolaires sont désormais plus souples et favorables que par le passé lorsqu’il s’agit d’utiliser ce genre de logiciel. Et les éducateurs du monde entier discutent les uns avec les autres des ressources qu’ils utilisent se passant volontiers les bons tuyaux.

Entretien avec Bill Kendrick

Comment avez-vous créé Tux Paint ?

J’ai opté pour la bibliothèque Simple DirectMedia Layer (libSDL), que j’avais déjà utilisée pour la conception de mes jeux au cours des 2-3 années précédentes (avant cela, j’avais connu des difficultés avec Xlib), et basée sur une combinaison de limitations et capacités qui a bien fonctionné : une seule fenêtre (qui garde la simplicité) et la possibilité d’utiliser le plein écran (ce qui contribue à empêcher les enfants de faire autre chose et des bêtises sur le bureau).

Un autre avantage était que Tux Paint pouvait être facilement porté vers Windows, Mac OS X et d’autres plateformes, et c’est exactement ce qui est arrivé. Je n’imaginais pas que je pouvais avoir un impact pour ces plateformes, étant donné qu’il existait déjà un grand nombre de programmes pour enfants, notamment le populaire et ancien (depuis les premiers jours de Mac) Kid Pix. Ce que je n’avais pas vu tout de suite c’est que, comme Tux Paint est libre, il est devenu une alternative peu chère (comprendre : gratuite) aux applications commerciales pour toutes les plateformes, et non pas que pour GNU/Linux. Cela s’est avéré très pratique pour les écoles, dont nous connaissons tous les problèmes actuels de financement.

Pourquoi l’interface est-elle facile d’utilisation pour les enfants de la maternelle jusqu’au primaire ?

Il y a une variété de choses que j’ai appliquées pour garder une interface simple d’utilisation :

  • de gros boutons qui ne disparaissent pas, même si vous ne les utilisez pas ;
  • toutes les actions ont une icône, ainsi qu’un texte descriptif ;
  • Tux le Pengouin fournit quelques indices, infos et états en bas de la fenêtre ;
  • des effets sonores, qui ne sont pas juste amusants, mais qui fournissent un feedback ;
  • un seul type de pop-up de dialogue, avec seulement deux options (ex. « Oui, imprimer mon dessin », « Non, retour »)
  • pas de défilement.

La raison pour laquelle Tux Paint ne vous demande pas : « Quelle taille pour votre dessin ? » est que lorsque les enfants s’asseyent avec un morceau de papier pour dessiner, ils ne commencent pas par le couper à la bonne taille. La plupart du temps, ils se contentent de commencer, et si vous leur demandez de décider quelle taille de papier ils souhaitent avant de commencer à dessiner, ils vont se fâcher et vous dire que vous ne les laissez pas dessiner !

Des effets sonores amusants et une mascotte dessinée sont importants et motivants pour les enfants, mais est-ce que les adultes utilisent Tux Paint ?

Oui, j’ai eu certaines suggestions comme quoi on l’utiliserait davantage s’il y avait un moyen de désactiver le manchot Tux. Je comprends à quel point les logiciels pour enfants peuvent parfois être énervants, c’est pourquoi j’ai créé une option « couper le son » dès le premier jour.

Quelles belles histoires à nous raconter ?

Un hôpital pour enfants a mis en place une sorte de borne d’arcade utilisant Tux Paint avec des contrôleurs spéciaux (plutôt qu’une souris).

Des élèves de CP ont utilisé la vidéo-conférence et des screencasts pour apprendre aux enfants de maternelle d’une autre école comment utiliser Tux Paint. Ces mêmes écoles utilisent aussi Tux Paint pour créer ensemble des images à partir des histoires sur lesquelles les enfants travaillent. Ils font ensuite des vidéos en intégrant ces histoires.

J’ai mis en ligne les textes de présentation de ces histoires et d’autres travaux pour encourager d’autres éducateurs à essayer et utiliser Tux Paint : « Oui, ce truc fou, libre et gratuit est génial pour les écoles ! » Bien sûr, une décennie plus tard, ce n’est plus la même bataille que d’expliquer ce qu’est le logiciel libre et quels sont ses avantages, ce qui est excellent.

Est-ce que les éducateurs utilisent Tux Paint en dehors des arts plastiques ?

Oui, tout à fait, et c’est exactement ce que j’imaginais.

Je n’ai pas créé Tux Paint pour qu’il soit uniquement utilisé en cours de dessin. Je l’ai créé pour être un outil, comme une feuille de papier et un crayon. Certaines écoles réalisent donc des vidéos à partir de contes racontés. D’autres l’utilisent en mathématiques pour apprendre à compter.

Ironie du sort, ces jours-ci, après avoir vu des choses comme M. Crayon sauve Doodleburg sur le Leapster Explorer de mon fils (qui, en passant, tourne sous Linux !), je commence à penser que Tux Paint nécessite des fonctionnalités supplémentaires pour aider à enseigner les concepts de l’art et de la couleur.

Comment les enseignants, l’administration scolaire, les parents et les contributeurs intéressés peuvent s’investir dans Tux Paint ?

Par exemple, envoyez un message à Bill pour contribuer à Tux Paint sur Android.

Il y a une liste de diffusion pour les utilisateurs (parents, enseignants, etc.) et une page Facebook, mais il y a assez peu d’activité en général car Tux Paint est vraiment facile d’utilisation et tourne sur un large panel de plateformes.

Nous avons besoin d’aide :

  • chasse aux bogues ;
  • test d’assurance qualité ;
  • traductions ;
  • œuvres d’art ;
  • idées d’amélioration ;
  • documentation ;
  • cursus scolaire ;
  • faire passer le mot ;
  • portage vers d’autres plateformes.

Crédit photo : HeyGabe (Creative Commons By-Sa)




Comment Isaac Asimov voyait 2014 en 1964

En 1964, le célèbre écrivain de science-fiction Isaac Asimov visitait l’Exposition Universelle de New York. Il se mit alors à imaginer, dans l’article traduit ci-dessous, ce qu’il pourrait bien advenir dans 50 ans, c’est-à-dire en 2014.

Force est de constater que bon nombre de ses hypothèses étaient prémonitoires…

Abode of Chaos - CC by

Visite de l’Exposition Universelle de New York de 2014

Visit to the World’s Fair of 2014

Isaac Asimov – 16 août 1964
(Traduction : Jeff, hilde, k, anonyme1, karec, Sky, pyro, aKa, Chloé, MalaLuna, tchevengour, simplementNat, bl0fish, pyro, @zessx, Underrated, lordgun, Beij, goofy, greygjhart, HgO, zer0chain, GregR, Asta + anonymes)

L’Exposition Universelle de New York de 1964 est consacrée à « La paix par la compréhension » (NdT : Peace Through Understanding). L’aperçu qu’elle donne du monde de demain écarte l’hypothèse d’une guerre nucléaire. Et pourquoi pas ? Si une telle guerre a lieu le futur ne mérite pas d’être évoqué. Laissons donc les missiles sommeiller éternellement dans leurs silos et observons ce qui pourrait advenir d’un monde qui ne serait pas atomisé.

Ce qui est à venir, du moins au travers de la lunette de l ‘Exposition, est merveilleux. Le futur vers lequel l’Homme se dirige est vu avec un espoir plein d’entrain, nulle part mieux montré qu’au pavillon de la General Electric. Ici les spectateurs tourbillonnent parmi quatre scènes, chacune contenant des mannequins souriants, quasiment vivants, qui bougent et parlent avec une telle aisance que, pendant près d’une minute et demie, ils vous convainquent qu’ils le sont vraiment.

Ces scènes, qui se déroulent en 1900, 1920, 1940 et 1960, montrent les progrès des appareils électriques et les changements qu’ils apportent à la vie quotidienne. J’y ai pris énormément de plaisir et je regrette seulement qu’ils n’en aient pas imaginé de semblables dans le futur. Que sera la vie, par exemple en 2014, dans 50 ans ? À quoi ressemblera l’Exposition Universelle de 2014 ?

Je ne sais pas, mais je peux essayer de deviner.

Une pensée qui me traverse l’esprit est que les hommes continueront à fuir la nature pour créer un environnement plus à leur convenance. D’ici 2014 les panneaux électroluminescents seront communément utilisés. Les murs et les plafonds brilleront doucement, dans une variété de teintes qui changera à la pression d’un bouton.

Les fenêtres seront devenues archaïques, et quand bien même présentes elles seront polarisées pour bloquer les rayons du soleil les plus durs. Le degré d’opacité du verre étant même fait pour varier automatiquement selon l’intensité de la lumière.

On trouve une maison souterraine à l’Exposition qui semble être un signe du futur. Si ses fenêtres ne sont pas polarisées, elles peuvent en revanche changer le « paysage » en modifiant l’éclairage. Les maisons en périphérie des villes, avec variateur de température, air filtré, et contrôle de la lumière, seront monnaie courante, libérées ainsi des vicissitudes de la météo. À l’Exposition Universelle de 2014, le « Futurama » de General Motors (NdT : attraction populaire réalisée par General Motors pour l’Exposition Universelle de 1939) présentera sans doute des visions de cités souterraines pleines de potagers sous lumière artificielle. La surface ainsi gagnée, expliquera General Motors, sera dédiée à l’agriculture à grande échelle, aux pâturages et parcs, avec moins d’espace gaspillé pour l’occupation humaine.

Des appareils continueront de soulager l’humanité des travaux fastidieux. Les cuisines seront conçues de manière à préparer des « auto-repas », chauffant l’eau et la transformant en café ; grillant le pain et le bacon ; cuisant, pochant ou brouillant des œufs, etc. Le petit-déjeuner sera « commandé » la veille afin d’être prêt à l’heure spécifiée le lendemain matin. Des repas et dîners entiers, avec des aliments semi-préparés, seront conservés au congélateur jusqu’au moment de leur préparation. Je soupçonne, cependant, que même en 2014, il sera bon d’avoir un petit coin dans la cuisine où des repas plus individuels pourront être préparés à la main, en particulier lorsque l’on reçoit des invités.

En 2014 les robots ne seront ni courants ni très élaborés mais ils existeront. L’exposition IBM n’a pas de robots aujourd’hui mais elle est dédiée aux ordinateurs, qui sont montrés dans toute leur incroyable complexité, notamment dans la tâche de traduction du russe vers l’anglais. Si les machines sont si intelligentes aujourd’hui, qui sait ce qu’elles feront dans 50 ans ? Ce seront des ordinateurs beaucoup plus miniaturisés qu’aujourd’hui, qui serviront de « cerveaux » aux robots. L’une des principales attractions du pavillon IBM à l’Exposition Universelle de 2014 pourrait être une femme de ménage robotique, gauche et grosse, bougeant lentement mais cependant capable de ramasser, ranger, nettoyer et manipuler divers appareils. Cela amusera sans aucun doute les visiteurs de disperser des débris sur le sol afin de voir cette ménagère robotique les enlever maladroitement et les classer entre « à jeter » et « mettre de côté ». (Des robots jardiniers auront aussi fait leur apparition.)

General Electric à l’Exposition Universelle de 2014 montrera des films en 3D de ses « Robots du Futur » élégants et profilés et ses appareils de ménage intégrés effectuant toutes les tâches promptement. (Il y aura une file d’attente de trois heures pour voir le film, il y a certaines choses qui ne changent jamais.)

Bien sûr les appareils de 2014 n’auront besoin d’aucun câble électrique. Ils seront alimentés par des batteries longue durée à énergie nucléaire (radioisotope). Le combustible ne sera pas cher car il sera le sous-produit des centrales à fission qui, en 2014, fourniront plus de la moitié des besoins énergétiques de l’humanité. Mais, une fois ces batteries à isotopes épuisées, elles ne seront éliminées que par des agents autorisés par le fabricant.

Et une ou deux centrales expérimentales à fusion nucléaire existeront déjà en 2014 (même aujourd’hui, une petite mais véritable fusion nucléaire est présentée régulièrement par la General Electric, à l’Exposition Universelle de 1964). De grandes centrales d’énergie solaire seront aussi en fonction dans plusieurs zones désertiques et semi-désertiques telles que l’Arizona, le Néguev ou le Kazakhstan. Dans les zones plus fréquentées, mais plus nuageuses et brumeuses, l’énergie solaire sera moins efficace. Une présentation à l’Exposition Universelle de 2014 montrera des modèles de centrales énergétiques dans l’espace, collectant les rayons solaires à l’aide d’immenses paraboles, renvoyant l’énergie ainsi collectée sur Terre.

Le monde d’ici 50 ans aura encore rétréci. À l’Exposition Universelle de 1964, la présentation de General Motors décrit, entre autres choses, des « usines de construction de routes » dans les tropiques et, plus près de chez nous, des autoroutes surchargées avec de long bus se déplaçant sur des voies centrales réservées. Il y a de fortes chances que l’utilisation de routes, du moins dans les régions du monde les plus avancées, aura passé son pic en 2014 ; l’intérêt se portera alors de plus en plus sur les transports réduisant au maximum le contact avec la surface terrestre. Il y aura l’aviation, bien sûr, mais les transports terrestres seront de plus en plus aériens (environ 50 cm au-dessus du sol). Les visiteurs de l’Exposition Universelle de 1964 peuvent s’y déplacer dans un « hydroptère », qui s’élève sur quatre pylônes et glisse sur l’eau avec un minimum de frictions. Ceci n’est sûrement que temporaire. En 2014, les quatre pylônes auront été remplacés par quatre jets d’air comprimé afin que le véhicule n’ait plus aucun contact avec les surfaces liquides ou même solides.

Les jets d’air comprimé serviront également à soulever les véhicules terrestres au-dessus des routes, ce qui, entre autres choses, réduira les problèmes de pavage. Une terre damée ou une pelouse tondue feront tout aussi bien l’affaire. Les ponts auront aussi une moindre importance dès lors que les voitures seront capables de traverser l’eau à l’aide de leurs jets d’air comprimé, bien que les arrêtés locaux décourageront cette pratique.

Beaucoup d’efforts seront consacrés à la conception de véhicules munis de « cerveaux-robot » qui pourront être configurés pour une destination particulière et s’y rendront sans l’interférence des lents réflexes d’un conducteur humain. Je soupçonne qu’une des attractions majeures de l’exposition 2014 sera la balade sur des petites voitures robotisées qui manœuvreront dans la foule 50 cm au-dessus du sol, avec dextérité et en s’évitant automatiquement.

Pour les voyages de courte distance, des trottoirs mobiles surélevés (avec des bancs de chaque côté, des places debout au centre) feront leur apparition dans les sections du centre-ville. Le trafic continuera (sur plusieurs niveaux dans certains endroits) uniquement parce que tout les parkings seront hors voirie et qu’au moins 80 % des livraisons par camion seront effectuées dans des centres précis en périphérie de la ville Des tubes à air comprimé transporteront biens et matériaux sur des distances locales, et les aiguillages qui achemineront les cargaisons spécifiques vers les destinations correspondantes seront une des merveilles de la ville.

Les communications se feront par visioconférence et vous pourrez à la fois voir et entendre votre interlocuteur. L’écran, en plus de vous permettre de voir les gens que vous appelez, vous permettra également daccéder à des documents, de voir des photographies ou de lire des passages de livres. Une constellation de satellites rendra possible les appels directs vers n’importe quel point de la terre, même la station météorologique en Antarctique (visible dans toute sa splendeur glacée sur le stand de General Motors en 64).

D’ailleurs, vous serez en mesure de joindre quelqu’un sur les colonies sélènes (sur la Lune), pour lesquelles General Motors présente une gamme de véhicules impressionnants (sous forme de maquettes) avec de larges pneus tendres prévus pour les terrains accidentés qui peuvent exister sur notre satellite naturel.

Quantités de conversations simultanées entre la Terre et la Lune pourront être facilement traitées par des faisceaux laser modulés, lesquels seront très faciles à manipuler dans l’espace. Sur Terre, par contre, les rayons laser devront être enfermés dans des tubes en plastique pour éviter les interférences atmosphériques, problème sur lequel les ingénieurs continueront à travailler.

Converser avec la Lune sera simple mais inconfortable à cause des 2,5 secondes de délai entre les questions et les réponses (le temps nécessaire pour que la lumière fasse l’aller-retour). Le même genre de communication avec Mars prendra 3,5 minutes même lorsque Mars est au plus près de la Terre. Cependant, en 2014, seules des sondes téléguidées s’y seront posées, mais une expédition habitée sera en préparation et, dans le Futurama de 2014, on pourra trouver une maquette de colonie martienne élaborée.

Quant à la télévision, des murs-écrans auront pris la place de l’équipement habituel, mais des cubes transparents feront leur apparition, dans lesquels la vision tri-dimensionnelle sera possible. En fait, une des présentations populaires à l’Exposition Universelle de 2014 sera une télévision 3D, grandeur nature, dans laquelle on verra des spectacles de ballet. Le cube tournera lentement pour montrer la vision sous tous les angles.

Nous pouvons poursuivre indéfiniment cette joyeuse extrapolation, mais tout n’est pas aussi rose.

Dans la file d’attente pour la présentation de la General Electric à l’Exposition Universelle de 1964, je me suis retrouvé face au menaçant panneau d’Equitable Life (NdT : une compagnie d’assurance américaine), égrenant l’augmentation de la population des États-Unis (plus de 191 000 000) d’une unité toutes les 11 secondes. Pendant le temps que j’ai passé à l’intérieur du pavillon de la General Electric, la population américaine a presque gagné 300 âmes, et la population mondiale environ 6 000.

En 2014, il est fort probable que la population mondiale sera de 6,5 milliards et que les États-Unis compteront 350 millions d’habitants. La zone de Boston à Washington, la plus dense de cette taille sur Terre, sera devenue une mégalopole avec une population de plus de 40 millions d’habitants.

La pression démographique va forcer l’urbanisation croissante des déserts et des régions polaires. Le plus surprenant, et d’une certaine manière le plus réconfortant, est que 2014 marquera le début des grands progrès dans la colonisation des plateaux continentaux. Le logement sous-marin sera prisé par les amateurs de sports nautiques, et encouragera sans aucun doute une meilleure exploitation des ressources maritimes, nutritives et minérales. La General Motors a exposé, dans sa présentation de 1964, une maquette d’hôtel sous-marin d’un luxe alléchant. L’Exposition Universelle de 2014 présentera des villes de fonds marins, avec des lignes de bathyscaphes transportant hommes et matériel dans les abysses.

L’agriculture traditionnelle aura beaucoup de difficultés à s’adapter. Des fermes se spécialiseront dans la culture de micro-organismes plus efficaces. Les produits à base de levures et d’algues transformées seront disponibles dans de multiples saveurs. L’Exposition Universelle de 2014 comportera un bar à algues, dans lequel des imitations de dinde et des pseudo-steaks seront servis. Ce ne sera pas mauvais du tout (si vous pouvez supporter ces prix élevés), mais il y aura une barrière psychologique importante à lever face à une telle innovation.

En 2014 la technologie continuera à suivre la croissance démographique au prix d’immenses efforts et avec un succès incomplet. Seule une partie de la population mondiale profitera pleinement de ce monde gadgétisé. L’autre, plus grande encore qu’aujourd’hui en sera privée et, en attendant de pouvoir accéder à ce qui se fait de mieux, matériellement parlant, sera en retard comparée aux parties du monde les plus développées. Ils auront même régressé.

La technologie ne peut plus continuer à suivre la croissance démographique si celle-ci reste incontrôlée. Pensez au Manhattan de 1964, avec une densité de population de 32 000 habitants au kilomètre carré la nuit, et de plus de 40 000 pendant la journée de travail. Si la Terre entière, y compris le Sahara, l’Himalaya, le Groenland, l’Antartique et chaque kilomètre carré des fonds marins, au plus profond des abysses, était aussi peuplée que Manhattan à midi, vous conviendrez sûrement qu’aucun moyen pour subvenir à une telle population (et encore moins pour lui apporter un certain confort) ne serait envisageable. En fait, ces moyens deviendraient insuffisants bien avant que ce Manhattan géant ne soit atteint.

Et bien, la population de la Terre approche maintenant des 3 milliards et double tous les 40 ans. Si cette croissance se confirme, le monde deviendra un Manhattan géant d’ici seulement 500 ans. Toute la Terre ne sera qu’une unique ville comme Manhattan d’ici l’année 2450 et la société s’écroulera bien avant cela !

Il n’y a que deux façon d’éviter cela: (1) élever le taux de mortalité (2) baisser le taux de natalité. Indubitablement, le monde de 2014 se sera mis d’accord sur la deuxième méthode. En effet, l’utilisation croissante des appareils mécaniques pour remplacer les cœurs et les reins défaillants, et le soin de l’arteriosclérose et de la rupture d’anévrisme auront repoussé le taux de mortalité encore plus loin et auront rehaussé l’espérance de vie dans certaines parties du monde à l’âge de 85 ans.

Il y aura, par conséquent, une propagande mondiale en faveur du contrôle de la natalité par des méthodes rationnelles et humaines et, en 2014, elles auront sans aucun doute de sérieux effets. L’inflation démographique aura sensiblement baissé, je suppose, mais pas suffisamment.

L’une des présentations les plus importantes de l’Exposition de 2014 sera donc une série de conférences, de films et de matériel documentaire au Centre de Contrôle de la Population Mondiale (pour adultes uniquement ; projections spéciales pour les adolescents).

La situation empirera du fait des progrès de l’automatisation. Seuls quelques emplois de routine persisteront pour lesquels les machines ne remplacent pas l’être humain. En 2014 l’humanité leur sera asservie. Les écoles devront être réorientées dans cette direction. Une partie de la présentation de la General Electric d’aujourd’hui est une école du futur dans laquelle les réalités actuelles comme la télé en circuit-fermé et les bandes pré-enregistrées facilitent le processus d’apprentissage. Cependant, ce ne sont pas uniquement les techniques qui évolueront dans l’enseignement, mais également les contenus. Tous les élèves de l’enseignement secondaire apprendront les fondamentaux de la programmation, deviendront des as en arithmétique binaire, et seront formés à la perfection à l’utilisation des langages informatiques qui auront été développés, comme le Fortran (NdT pour « Formula Translator », un langage utilisé en calcul scientifique).

Même ainsi l’humanité souffrira sévèrement d’ennui, un mal se propageant chaque année davantage et gagnant en intensité. Cela aura de sérieuses conséquences aux niveaux mental, émotionnel et social. La psychiatrie sera de loin la spécialité médicale la plus importante en 2014. Les rares chanceux qui auront un travail créatif seront la vraie élite de l’humanité, car eux seuls feront plus que servir une machine.

L’hypothèse la plus sombre que je puisse faire pour 2014 est que dans une société de loisirs forcés, le mot travail sera le plus valorisé du vocabulaire !

Crédit photo : Abode of Chaos (Creative Commons By)




Ceci est une page Web (avec juste des mots à lire)

Nous avons décidé d’apporter notre traduction française à une simple page Web (à voir dans sa version originale épurée).

Parce qu’il est vrai qu’on a parfois tendance à se perdre dans la forme et oublier les fondamentaux…

Ceci est une page Web

This is a web page

Justin Jackson – Juin 2013 – Site personnel
(Traduction : Lamessen, Asta, Pascal + anonymes)

Il n’y a pas grand-chose ici.

Juste des mots.

Et vous êtes en train de les lire.

Nous devenons obsédés par les dessins fantaisistes, les mises en forme adaptatives et les scripts qui font des choses magiques.

Mais l’outil le plus puissant sur le Web reste les mots.

J’ai écrit ces mots, et vous êtes en train de les lire : c’est magique.

Je suis dans une petite ville de Colombie-Britannique : vous êtes sans doute ailleurs. J’ai écrit ceci le matin du 20 juin 2013 : vous lisez probablement ceci à un autre moment. J’ai écrit ceci sur mon ordinateur portable : vous pourriez être en train de le lire sur votre téléphone, votre tablette ou votre PC.

Vous et moi pouvons nous connecter parce que j’ai écrit ceci et que vous êtes en train de le lire. C’est ça, le Web. Malgré nos emplacements différents, monnaies et fuseaux horaires, nous pouvons nous connecter ici, sur une simple page HTML.

J’ai écrit ceci dans un éditeur de texte. C’est 4 kb. Je n’avais pas besoin d’un CMS (système de gestion de contenu), d’un graphiste ou d’un développeur. Il n’y a pas vraiment de code sur cette page, simplement des balises pour les paragraphes, la hiérarchie et la mise en forme.

Je me rappelle avoir enseigné le code HTML à ma fille, elle avait 8 ans. La première chose qu’elle a écrit était une histoire à propos d’un écureuil. Elle n’écrivait pas de l’HTML ; elle partageait quelque chose avec le monde. Elle ne pouvait pas croire qu’elle pouvait écrire une histoire sur son ordinateur personnel et le publier pour que le monde le voit. Elle n’en avait rien à faire de l’HTML, elle souhaitait partager ses histoires.

Vous êtes toujours en train de lire.

Pensez à toutes les choses que vous pourriez communiquer avec une simple page comme celle-ci. Si vous êtes dans les affaires, vous pourriez vendre quelque chose. Si vous êtes un enseignant, vous pourriez enseigner quelque chose. Si vous êtes un artiste, vous pourriez montrer quelque chose que vous avez créé. Et si vos mots sont valables, ils seront lus.

Si vous êtes un web designer ou un client qui travaille avec un designer, j’aimerais vous défier de réfléchir à vos mots en premier. Au lieu de commencer avec style guide ou une maquette Photoshop, commencez avec des mots sur une page.

Qu’avez-vous à dire ? Si vous ne le savez pas, vous n’avez aucun intérêt à ajouter toutes les autres fioritures. Commencez simplement avec une seule page, avec un seul objectif. Écrivez et publiez-le, puis réitérez l’expérience. À chaque fois que vous ajouterez quelque chose, demandez-vous : Est-ce que ceci m’aide à mieux communiquer ? Est-ce que ce style additionnel, cette image ou ce lien me permet de mieux me faire comprendre par mon audience ? Si la réponse est « non », ne l’ajoutez pas.

En son cœur, le design web devrait concerner des mots. Les mots ne viennent pas après le design. Les mots sont le commencement, le noyau, la focalisation.

Commencez par des mots.

Amicalement,
Justin Jackson




Quand la connaissance rencontre le Libre ça donne un livre exemplaire

Un livre sur la théorie homotopique des types vient d’être publié par des mathématiciens. A priori ça ne concerne que les spécialistes du sujet…

Et pourtant ça concerne tout le monde, tant sa conception originale et les leçons qui en sont tirées ci-dessous ont valeur d’exemplarité.

Du Libre à tous les étages (LaTeX, Creative Commons By-Sa…) mais surtout dans son état d’esprit de partage et de collaboration. Un projet et un article passionnants, à faire lire dans la sphère académique et bien au-delà.

Remarque : Pour commencer, on pourra voir cette courte vidéo « making-of » du livre.

Homotopy Type Theory - The team

Le livre HoTT

The HoTT book

Andrej Bauer – 20 juin 2013 – Blog personnel
(Traduction : Lgodard, Ilphrin, tcit, Guillaume, igor_d, Yaf, ronanov, fif + anonymes)

Le livre HoTT est terminé !

Depuis le printemps, et même avant, j’ai participé à un super effort collaboratif pour écrire un livre à propos de la Théorie homotopique des types (NdT : HoTT en anglais pour Homotopy Type Theory). Il est enfin terminé et accessible au public. Vous pouvez obtenir le livre librement et gratuitement. Mike Shulman a écrit à propos du contenu de ce livre, donc je ne vais pas répéter cela ici. À la place, je voudrais commenter les aspects socio-technologiques de la création du livre, et en particulier de ce que nous avons appris de la communauté open source sur la recherche collaborative.

Nous sommes un groupe de deux douzaines de mathématiciens qui avons écrit un livre de 600 pages en moins de 6 mois. C’est assez impressionnant, d’autant que les mathématiciens n’ont pas l’habitude de travailler ensemble au sein de grands groupes. Dans un petit groupe ils peuvent s’en sortir en utilisant des technologies obsolètes, comme envoyer aux autres un fichier source LaTeX par email, mais avec deux douzaines de personnes, même Dropbox ou n’importe quel autre système de synchronisation de fichier aurait échoué lamentablement. Par chance, beaucoup d’entre nous sont des chercheurs en Informatique déguisés en mathématiciens, donc nous savions comment attaquer les problèmes de logistique. Nous avons utilisé git et github.com.

Au début, il a fallu convaincre les gens, et se faire à l’outil. Malgré tout, cela n’a pas été trop difficile. À la fin, le dépôt sur le serveur n’était pas seulement une archive pour nos fichiers, mais également un point central pour notre planification et nos discussions. Durant plusieurs mois j’ai consulté GitHub plus souvent que mes emails ou Facebook. Github était mon Facebook (sans les petits chats mignons). Si vous ne connaissez rien aux outils comme git mais que vous écrivez des articles scientifiques (ou que vous créez n’importe quel type de contenu numérique) vous devriez vraiment, vraiment vous renseigner sur des systèmes de gestion de versions. Même en tant que seul auteur d’un article, vous allez gagner à apprendre comment en utiliser un, sans même parler des belles vidéos que vous pouvez produire sur la manière dont vous avez écrit votre papier.

Mais de manière plus importante, c’est l’esprit collaboratif qui imprégnait notre groupe à l’Institute for Advanced Study (Princeton) qui était incroyable. Nous ne nous sommes pas éparpillés. Nous avons discuté, partagé des idées, expliqué certains éléments les uns aux autres, et avons totalement oublié qui avait fait quoi (à tel point que nous avons dû faire des efforts pour reconstruire un historique de peur que ce ne soit oublié pour toujours). Le résultat final a été une augmentation considérable de notre productivité.

Il y a une leçon à en tirer (mis à part le fait que l’Institute for Advanced Study est évidemment le meilleur institut de recherche au monde), à savoir que les mathématiciens ont à gagner à devenir un peu moins possessifs vis-à-vis de leurs idées et leurs résultats. Je sais, je sais, une carrière académique dépend de la juste répartition des mérites de chacun et ainsi de suite, mais ce sont seulement les idiosyncrasies de notre époque. Si nous pouvons faire en sorte que les mathématiciens partagent des idées à moitié développées, ne s’inquiètent pas de savoir qui a apporté quelle contribution à un article, ou même qui en sont les auteurs, alors nous atteindrons un nouveau niveau de productivité encore jamais imaginé. Le progrès est le fait de ceux qui osent enfreindre les règles.

Les milieux de recherche vraiment ouverts ne peuvent être gênés par le copyright, les éditeurs qui s’accaparent le profit, les brevets, les secrets commerciaux, et les programmes de financement qui sont basés sur des outils de mesures de réussite défectueux. Malheureusement nous sommes tous coincés dans un système qui souffre de ces maux. Mais nous avons fait un premier pas dans la bonne direction en mettant le code source du livre disponible librement sous une licence permissive Creative Commons (la CC-By-Sa). N’importe qui peut prendre le livre et le modifier, nous envoyer des améliorations et des corrections, le traduire, ou même le vendre sans même nous donner le moindre sou (si cette dernière phrase vous a quelque peu crispé c’est que vous avez été conditionné par le système).

Homotopy Type Theory - Couverture

Nous avons décidé de ne pas faire publier le livre par un éditeur académique pour le moment car nous voulions qu’il soit accessible à tous, rapidement et sans frais. Le livre peut être téléchargé gratuitement, ou bien acheté à peu de frais avec une couverture rigide ou souple sur lulu.com (quand avez-vous pour la dernière fois payé moins de 30$ pour une monographie de 600 pages à couverture rigide ?). Une fois de plus, j’entends déjà certaines personnes dire : « oh mais un vrai éditeur universitaire est synonyme de qualité ». Cette façon de penser rappelle les arguments opposant Wikipédia et Britannica, et nous savons tous comment cette histoire s’est terminée. Oui, la bonne qualité de la recherche doit être assurée. Mais une fois que nous acceptons le fait que n’importe qui peut publier n’importe quoi sur Internet permettant au monde entier de le consulter et en faire un livre bon marché à l’air professionnel, nous réalisons rapidement que la censure n’est plus efficace. À la place, nous avons besoin d’un système décentralisé d’approbation qui ne pourrait pas être manipulé par des groupes d’intérêts spéciaux. Les choses sont en train de bouger dans cette direction, avec la création récente du Selected Papers Networks (Réseaux d’écrits sélectionnés) et d’autres projets similaires. J’espère qu’ils auront un bel avenir.

Cependant, il y a quelque chose d’autre que nous pouvons faire. C’est plus radical, mais aussi plus utile. Plutôt que de laisser les gens se contenter d’évaluer les articles, pourquoi ne pas leur donner une chance de participer et aussi d’améliorer ces articles ? Mettez tous vos articles sur GitHub et laissez les autres en discuter, poser des questions, les utiliser comme bases pour leur travail (fork), les améliorer, et vous envoyer des corrections. Est-ce que cela paraît fou? Bien sûr que oui, l‘open source paraissait également une idée folle lorsque Richard Stallman a lancé son manifeste. Soyons honnêtes, qui va vous voler votre code source LaTeX ? Il y a bien d’autres choses de valeur susceptibles d’être volées. Si vous êtes un professeur titulaire vous pouvez vous permettre d’ouvrir le chemin. Faites-vous enseigner git par vos thésards et mettez vos trucs dans un endroit public. N’ayez pas peur, ils vous ont titularisé pour que vous fassiez des choses comme ça.

Donc nous invitons tout le monde à améliorer le livre en participant sur GitHub. Vous pouvez laisser des commentaires, signaler des erreurs, et même mieux, faire des corrections par vous-même ! Nous n’allons pas nous inquiéter de savoir qui vous êtes et combien vous contribuez et qui devrait recevoir les honneurs. La seule chose qui importe est de savoir si vos contributions sont bonnes.

Ma dernière observation est à propos de la formalisation des mathématiques. Les mathématiciens aiment imaginer que leurs publications peuvent en principe être formalisées dans la Théorie des Ensembles. Ceci leur donne un sentiment de sécurité, qui n’est pas différente de celui ressenti par un croyant entrant dans une cathédrale d’âge canonique. C’est une forme de foi professée par les logiciens. La Théorie homotopique des types est un fondement alternatif à la Théorie des Ensembles. Nous revendiquons nous aussi que les mathématiques ordinaires peuvent en principe être formalisées en Théorie homotopique des types . Mais devinez quoi, vous n’avez pas à nous croire sur parole ! Nous avons formalisé les parties les plus complexes du livre HoTT et vérifié les preuves avec des assistants de preuve électroniques. Pas une fois mais deux. Et nous avons formalisé en premier lieu, puis nous avons écrit le livre car c’était plus simple de formaliser. Nous sommes gagnants sur tous les plans (s’il y a une compétition).

J’espère que le livre vous plaira, il contient une impressionnante quantité de mathématiques inédites.

Homotopy Type Theory - Tor